Nicolas Depetris
Logement abordable Enveloppe
et économie l’habitat
de
Enseignants
David Elalouf Jean Michel Léger Valérie Dufoix
Ensa Paris Belleville 2012-2013
Logements Winterthur, faรงades, Baumschlager Eberle 2002-2007: Architektur Menschen und Ressourcen, p.194
Remerciements
Cet exercice, inscrit dans la durée et résultat d’une sédimentation d’information et de questionnements, plus que d’un flux rapide de conclusions, n’a été rendu possible que par la participation de certaines personnes que je tiens à citer ici. Dans un premier temps, je remercie David Elalouf, dont j’ai pu suivre l’enseignement en studio et en cours théorique. Son soutien et ses retours critiques m’ont permis d’avancer dans un raisonnement à l’inertie parfois difficile. Je remercie de même Valérie Dufoix, dont les questionnements au sujet de mon avancement m’ont donné le recul critique dont j’ai pu manquer par périodes. Ses interrogations concernant le développement de ma pensée ont été essentielles pour le bon déroulement de ce mémoire. Je remercie également Jean Michel Léger, dont le savoir et la culture en matière de logements, ainsi que sa sollicitation régulière ont étés de solides appuis. Hors du corps enseignant, je tiens à remercier Chikako Kiyohara pour ses traductions de textes japonais et son soutien constant au cours de cet exercice. Alexandre Ferron pour son soutien et ses conseils, ainsi que Raybun Funaki, pour son apport de matière concernant l’architecture japonaise.
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OAB & Ferrater, dÊtail façade, AV Monografias 135-136, p.220
Plan
1. Introduction 2. Approche conceptuelle 2.1 Façade, enveloppe et dissociation Le Corbusier Mies
2.2 Rationalisation et modularité Kempe & Thill 2.3 Appréhender la temporalité Hubert Jan Henket Keim & Sill
2.4 Approche japonaise: tradition, modernité et modularité Sou Fujimoto
Makoto Takei + Chie Nabeshima
Riken Yamamoto & Filed Shop
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Enveloppe comme espace praticable / Conjuguer les espaces extérieurs
Yves Lion & François Leclercq
Druot + Lacaton & Vassal
Herzog & De Meuron
Baumschlager & Eberle Serrat, Eea, Garcia Zigzag
3. Approche matérielle 3.1 Performance de l’enveloppe MDM Architecture
OAB, Ferrater & associés
Basilio Tobìas
3.2 Choix des matériaux Kempe & Thill Zanderroth Architekten Souto de Moura
4. Approche contextuelle 4.1 Ressources in situ 4.2 Technicités locales Glenn Murcutt 5. Conclusion
Mies van der Rohe, Seagram building
1. Introduction
Avant propos
Le logement est un point essentiel de toute société. Qu’elle soit nomade ou sédentaire, la société se définit entre autres par le lieu où s’exercent ses activités connexes, dont l’hébergement et la recréation de la force de travail font partie. Peu importe l’aspect sous lequel on aborde la question de l’acte de construire le logement au cours de l’Histoire, un paramètre déterminant est récurrent ; le facteur économique. Exception faite de réalisations remarquables ou Xanaduesque sous Louis XIV ou Louis II de Bavière, la question du logement commun, parfois populaire, trouve réponse dans une économie de moyens, imprégné d’une tradition constructive et d’un rapport au vernaculaire. Le rapport à la tradition et au vernaculaire est une source riche d’enseignement. Si, d’après Alvaro Siza, « la tradition est un enjeu pour l’innovation », dans quelle mesure peut on puiser dans la tradition pour nourrir la conception du logement ? Pour maitriser l’économie de projet, il est important d’identifier les postes onéreux dans la phase de construction du bâtiment, pour mieux déterminer les paramètres à ajuster. L’enveloppe étant un poste onéreux de la construction, pouvant représenter 33% du prix global, est ce qu’une approche conceptuelle, matérielle et contextuelle de l’enveloppe serait en mesure de faire baisser le prix de construction ?
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« For, regardless of which artistic creation of architecture we look upon, it was primarily and originally always conceived to satisfy particular material need, primarily that of shelter and protection from the onslaught of climate and the elements of other hostile forces. »
_ Gottfried Samper, 1854
1. Introduction
Avant propos
D’après Werner Lang, quelque soit le niveau culturel, économique, technologique et énergétique, le rôle de l’architecture est d’offrir un abri confortable. La fonction du bâtiment est de protéger les usagers du climat extérieur. Les questions sérieuses à se poser dans une démarche méthodique de la conception concernent la fonction, la construction et la forme. Pour la fonction, la question est de savoir à quel sujet doit répondre le bâtiment et quelle enveloppe est appropriée. Ensuite, à propos de la construction, la question est de savoir avec précision quels composants vont intervenir dans la construction et comment vont ils être assemblés pour former un tout cohérent et fonctionnel. Enfin, à propos de la forme, la question est de savoir à quoi va ressembler le bâtiment. Ces questions qui ont pu rester inchangées, dans leur fond, pendant des siècles, ont été fortement altérées suite aux bouleversements de l’aire contemporaine, au cours de laquelle les préoccupations climatiques et environnementales ont pris une importance concrète. Ce qui nous pousse à considérer ce nouveau point déterminant qu’est l’écologie. Cette notion induit un questionnement au niveau du rapport entre le bâti et son environnement, concernant sa consommation énergétique pendant la construction, pendant sa période d’usage et au cours de la démolition.
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1. Introduction
Comment définir l’enveloppe si ce n’est par un ensemble constitué de matière, peau ou coque? C’est là que débute le questionnement sur la matière, cette notion qui, selon l’angle sous lequel on essaye de l’analyser, peut être à la fois concrète et théorique. D’après Kant, la matière représente en fait les éléments intrinsèques permettant à un phénomène donné d’exister, affranchi de l’espace et du temps, de notre perception et de l’entendement1. En partant de ce postulat, l’enveloppe serait donc la matière du phénomène de régulation. La notion d’enveloppe peut aussi être définie par une entité issue de la coordination de filtres séparant l’espace intérieur de l’extérieur. Cette séparation est en réalité subtile et paradoxale, car la dichotomie intérieur/extérieur n’est pas aussi duale. En réalité, l’enveloppe s’interpose entre l’extérieur et le corps même de l’usager pour créer l’intérieur, cet espace appropriable, qui entretient une étroite et complexe relation avec l’extérieur. Ces différents filtres ont chacun un but commun: la régulation des variantes entre extérieur et intérieur. Cette notion de régulation concerne les éléments qui doivent être maîtrisés pour assurer la viabilité du logement: l’air, l’eau, la lumière, les échanges thermiques. La question de la lumière englobe aussi celle de l’intimité, de ce qui peut ou ne doit pas être vu depuis l’extérieur, il faut considérer les notions de lumière entrante mais aussi sortante, c’est à dire celle qui véhicule l’image de ce qui est vu dans le logement depuis l’extérieur. Dans la plupart des logements collectifs actuels, l’enveloppe est une entité figée qui ne s’acquitte souvent que d’une fonction minimale, celle de clore, sans donner aucune possibilité de flexibilité en termes d’usages, d’acclimatation aux saisons, d’évolutivité programmatique. Le but est d’agir sur plusieurs leviers liés à la notion d’enveloppe, tel que l’économie d’énergie et du projet, la flexibilité inhérente à l’évolution des usages en fonction du temps.
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Critique de la raison pure, Emmanuel Kant, 1781
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1. Introduction
L’enveloppe est un poste complexe. Depuis la phase de conception nécessitant déjà l’intervention de plusieurs expertises, ingénieurs, économistes et thermiciens à l’appui. Vient ensuite la phase de mise en œuvre, qui fait appel à de multiples technicités et niveaux de qualifications. La mise en œuvre est intrinsèquement liée à la structure définie en amont et peut avoir une durée très variable selon les options constructives choisies. Hors un chantier qui dure est un chantier qui coûte, en terme de financement de la main d’œuvre et de la mise à disposition de divers outillages spécifiques, comme les grues. Ce sujet de recherche me pousse donc à m’interroger sur la nature essentielle d’une enveloppe architecturale.
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2. Approche conceptuelle
Comprendre et travailler l’enveloppe
L’homme se protège des variations extérieures par l’emploi de divers niveaux d’enveloppes, dont la toute première couche est celle de l’épiderme, suivie de celle des vêtements. Les paramètres liés à l’enveloppe sont la bande active, la flexibilité aux usages, le traitement de la double peau, les dispositifs de régulation en façade ainsi que la notion d’économie de projet, définie par la mise en œuvre et le choix des matériaux. Dans quelle mesure peut on affirmer que les enjeux liés à l’enveloppe sont déterminés dès la conception ? En fait, il est possible d’intervenir à différents niveaux pour tendre à une baisse du coût de construction, notamment par des logiques de constructions aux structures évolutives, permettant leur reprogrammation, ou encore la préfabrication pour raccourcir la durée de chantier. Un chiffre significatif m’a poussé à me pencher sur une problématique spécifique ; 30%. C’est la part que peut représenter le coût de l’enveloppe sur le coût global d’un projet de logements collectifs1.
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Le logement collectif : De la conception à la réhabilitation, Françoise Arnold
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2. Approche conceptuelle
2.1 Typologies
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2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Avant propos La question de l’enveloppe dans le logement est un thème qui a largement évolué au cours de l’histoire de l’habitat. L’économie est un facteur omniprésent dans la question de projection, de conception architecturale, c’est pourquoi certains matériaux ont vu leur place dans la construction varier en fonction des crises et des fluctuations des matières premières. Dans les années 60, le pétrole coutant 3$ le baril, la question des ponts thermiques et des dépenses énergétiques n’était pas perçue du même oeil que pendant les périodes suivant les différentes crises pétrolières et autres guerres au Moyen-Orient. Toutes ces turbulences géopolitiques ont eu et ont toujours des répercussions dans la finalité de la construction, et notamment concernant la question de l’enveloppe. Les périodes de récession ont par exemple favorisé le rétrécissement des baies en façades dans un souci d’éviter les ponts thermiques. Cette solution était incohérente, car en voulant limiter les dépenses d’énergies fossiles pour le chauffage, elle favorisait la création de logements plus imperméables à la chaleur solaire. Un autre facteur entre en ligne de compte dans l’évolution de l’enveloppe depuis 1974; la succession des différentes réglementations thermiques. En 1973 débute la guerre du Kippour, le prix du baril explose. C’est à ce moment qu’est mise en place la première réglementation thermique, la RT1974. Depuis lors, l’impulsion qui induit progressivement l’épaississement et la complexification des façades ne doit pas s’affranchir de la notion d’économie de projet et mon travail va partir du postulat que l’enveloppe peut être efficace tout en étant le résultat d’une mise en oeuvre simplifiée de matériaux moins coûteux.
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2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Au cours de l’histoire de l’architecture, le traitement de l’enveloppe a évolué et a tendu vers un allègement, une meilleure gestion des opacités, un gain de flexibilité et une certaine économie de matière. Cette évolution se traduit d’ailleurs dans l’emploi de matériaux toujours plus fins, fluides et transparent, comme prise dans un continuum exponentiel, du monolithique éternel à l’ossature démontable. Sorte de seconde hégémonie d’un gothique contemporain. La révolution industrielle a marqué l’avènement du métal, qui a peu à peu induit la conception de nouvelles structures, depuis les structures métal-verre de Paxton, Baltard, en passant par les structures armées de Hennebique, aboutissant à la structure archétypique domino fixée par Le Corbusier. Jusqu’au XIXème siècle, les façades étant porteuses, l’enveloppe resta figée et contrainte par son rôle structurel. Au cours du XIXème siècle, l’emploi du métal a permis d’accélérer la vitesse d’assemblage et d’envisager des constructions temporaires lors d’expositions universelles notamment, comme l’exemple du Crystal Palace de Joseph Paxton. Le métal prenant peu à peu place dans les habitudes constructives, avec l’avènement du béton armé et la rationalisation du plan par l’emploi de trames structurelles, telle que la bibliothèque Ste Geneviève de Labrouste, la façade se libère peu à peu de son rôle structurel.
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2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
La définition du Larousse Classique de 1957 présente l’enveloppe comme « ce qui sert à envelopper », puis « papier plié de manière à pouvoir envelopper une lettre ». Mais ce qui est plus probant est surement l’étymologie propre au mot enveloppe. Issu du latin velare, dont la signification se compose principalement des deux termes voiler et couvrir, le sens profond semble reposer sur une autre notion, celle de la souplesse. Hors à en voir l’état actuel de la construction en France (restons pour le moment dans un cadre définis, qui pourra s’élargir par la suite), la notion de souplesse ne se manifeste que rarement. L’idée à retenir ici est le fait que la fonction structurelle qui englobait toutes les autres jusque-là, va progressivement se diviser laissant apparaître des mises en œuvre spécifiques. Le mur primaire composé d’éléments monolithiques ou composites, qui faisait office de structure, de système régulateur de lumière, d’air, ou encore de barrière hydrophobe, va se scinder en divers éléments. L’ossature assumant la retombée des charges, d’autres éléments vont se s’occuper de résoudre le hors d’air, hors d’eau et l’assise esthétique. Cette division entre le calque structurel et celui de la peau du bâtiment se décline au XVII ème siècle dans la typologie de la maison urbaine d’Europe de l’ouest, à colombage ou simple ossature bois.1 Mais une amélioration en catalysant une autre, il est devenu nécessaire de dissimuler l’ossature apparente, intérieure et extérieure, dans un souci de protection et de pérennité. L’enduit se répand donc, généralement en plâtre, ajoutant un filtre supplémentaire. Ce nouveau filtre va lui aussi se spécialiser en fonction des évolutions
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Frame and generic space, Bernard Leupen, p.50-52
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2. Approche conceptuelle
Brunelleschi
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
La question s’est engagée, dès la renaissance pour des ouvrages exceptionnels, sur la voie de la multiplicité et de la dissociation des fonctions. Si l’on en vient à un regard formel et général sur l’évolution historique des modes constructifs, il est évident que ce domaine a vu apparaître au fur et à mesure une évolution dans les relations inter-matériaux.
Brunelleschi Des débuts de la sédentarisation dans le croissant fertile jusqu’au duomo de Brunelleschi, les matériaux entretenaient entre eux une relation essentiellement structurelle. Les murs soutenaient la charpente qui supportait la toiture. Brunelleschi introduit une notion novatrice par le biais de sa conception en double coque du duomo de Florence ; la dissociation entre éléments purement structurels et éléments fonctionnels. La coque interne assure en grande partie le rôle structurel et libère ainsi le dôme externe de cette fonction, lui permettant de se spécialiser dans son rôle de couverture. Ce premier jalon de la spécialisation permet d’appréhender l’impulsion amorcée, qui mènera plus ou moins directement à l’état technologique que peut revêtir l’enveloppe de nos jours. Là où le gothique tendait à se libérer de la quantité de matière en s’élançant toujours plus haut, tout en restant structurel, la notion de dissociation des fonctions tendait plutôt à redéfinir les termes définissant les relations entre éléments porteurs et fonctionnels. Concernant le duomo de Florence, on ne peut pas encore parler de dissociation des filtres, mais plutôt d’un premier pas franchi dans le travail de la modularité et de l’affranchissement conceptuel.
Brunelleschi, dome de Santa Maria del Fiore, 1420. Renaissance, Baroque Classicisme 1420-1720, Jean Castex, 1990, p.31
Brunelleschi, dome de Santa Maria del Fiore, 1420. Renaissance, Baroque Classicisme 1420-1720, Jean Castex, 1990, p.32
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2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Quelques exemples exceptionnels ont jalonné l’évolution architecturale vers l’affranchissement de la façade pour aboutir au résultat contemporain, qui est, au moins dans un idéal théorique, la dissociation des filtres en façade. Le fil conducteur est l’avènement de l’ossature.
L.H. Sullivan et D.Adler, Wainwright building, Chicago, 1890-1892, Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani p.22
Sullivan, Schelinger et , Departement store, Chicago, 1898-1904, Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani, p.34
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L.H. Sullivan et D.Adler, Wainwright building, Chicago, 1890-1892, Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani p.22
2. Approche conceptuelle
Labrouste Schinkel
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Labrouste La bibliothèque Sainte Geneviève est l’une de ces étapes. Dans ce cas, le concepteur se pose en tant qu’innovateur, même s’il faut toujours resituer dans son contexte historique et socio-culturel chaque jalon important de ce que l’on définit comme étant l’Histoire. Car les inventions et innovations sont souvent le développement ou le perfectionnement d’une étape antérieure de réflexion portée par un prédécesseur. Ici, Labrouste conçoit une ossature métallique, qui tend à libérer l’espace central de ses implications structurelles. Qu’en est il de la façade? Pour le moment, cette avancée technique ne se répercute pas directement sur l’affranchissement de la façade, car elle reste épaisse et massive pour venir recevoir les poussées horizontales qui ne sont pas reprises par la structure métallique, faute de câblage fermant la triangulation des voûtes métalliques.
Henri Labrouste, bibliothèque Ste Genviève, Paris 1838-1850 http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Salle_de_ lecture_Bibliotheque_Sainte-Genevieve_n07.jpg
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2. Approche conceptuelle
Labrouste Schinkel
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Schinkel Schinkel aborde le problème de manière abstraite et conceptuelle, avec sa volonté de travailler la trame d’une ossature métallique. En 1826 Karl Friedrich Schinkel est de retour d’Angleterre1 , fortement inspiré par la Stanley Mill à Gloucestershire2. Il va se pencher sur le travail de l’ossature dans le projet de la Bauakademie de Berlin en 1836. Même s’il n’a pas pu être radical jusqu’au bout, s’inclinant devant l’impératif d’employer de la brique pour sa structure, Schinkel va néanmoins élaborer un travail annonçant une ossature, du moins les prémisses, en plan. L’incidence de l’emploi final de brique va pousser Schinkel à élaborer une enveloppe novatrice, pour employer la brique imposée tout en représentant la structure à pilastre qu’il aurait désiré. Il met en œuvre une véritable double peau, un mur de brique revêtant le mur porteur, la façade étant auto portante. Ce cas de compromis entre structure et fonction de la façade, par la dissociation, est un pas important dans le jalonnement vers l’affranchissement de l’enveloppe.
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Schinkel, Bauakademie, Berlin, 1836 Frame and generic space, Bernard Leupen, p.60
Frame and generic space, Bernard Leupen, p.56 Frame and generic space, Bernard Leupen, p.56
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2. Approche conceptuelle
Le Corbusier
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Depuis les débuts du modernisme et la séparation entre structure porteuse et façade, avec l’avènement des plateaux libres à l’image de la structure domino de Le Corbusier, l’aspect et la nature de cette enveloppe ont évolué selon le contexte écologique et économique du moment. En 1914, inspiré par son expérience au sein de l’agence de Auguste Perret quelques années plus tôt (1909), et s’appuyant sur le travail de son prédécesseur François Hennebique, Le Corbusier formule un procédé de construction rendant capable l’application concrète de l’un des cinq points de l’architecture moderne, le plan libre. Le système Dom-ino est élaboré dans le cadre d’une reconstruction des villages flamands. C’est au cours de cette période que Le Corbusier prendra pleinement conscience de l’importance du niveau d’industrialisation à appliquer à la chaîne de production liée à un tel projet de reconstruction massive. Ce principe structurel permet de mettre en œuvre plusieurs points majeurs dans le but de tendre à une économie de projet. Tout d’abord, par l’emploi de formes rationnelles et simplifées, le système est assemblé in situ. Pensé comme un produit standardisé et à forte participation industrielle, elle permet l’emploi de produits standardisés pour le second œuvre, comme les menuiseries et les baies. Ensuite, ce procédé est pensé comme capable d’être mis en œuvre par des entreprises locales. Concernant la libération de la façade, le système Dom-Ino est une avancée considérable, puisqu’elle permet de standardiser une approche théorique antérieurement développée par Gerrit Rietvled ou Hennebique, en rendant cette méthode massivement productible. Le système Dom-Ino permet une complète dissociation entre la structure et le contenu programmatique et technique du bâtiment. Cela permet donc, en s’affranchissant des fonctions du logement, de concevoir une enveloppe libre de tout rôle porteur, où la mise en œuvre de fenêtres horizontales et de pans vitrés n’est plus un exploit technique.
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Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Pavillon suisse à la cité universitaire, Paris, 1929-33 Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani p.304
« Partout, les organes se sont caractérisés, sont devenus libres les uns à l’égard des autres. »1 _ Le Corbusier
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http://ltha.epfl.ch/enseignement_lth/documents/j_ lucan/plan_libre.pdf
« Jusqu’ici : murs portants : partant du sous-sol, ils se superposent, constituant le rez de chaussée et les étages successifs n’offrent qu’un identique cloisonnement. »1 _ Le Corbusier
2. Approche conceptuelle
Le Corbusier
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Le Corbusier, Dom-Ino, 1919 Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani p.266
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2. Approche conceptuelle
Mies van der Rohe
2. Faรงade, enveloppe et dissociation Mies van der Rohe, Seagram building, Manhattan 1956-1959, Construire en verre, Christian Schittich, p.38
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2. Approche conceptuelle
Mies van der Rohe
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Mies van der Rohe Ludwig Mies van der Rohe est le père d’une pensée architecturale fondamentale, composée de développements intellectuels toujours actuels malgré une prise de recul critique donnée grâce au temps. Sa pensée a encore des échos aujourd’hui. Inspiré par le travail théorique et bâti de ses prédécesseurs, notamment Schinkel et sa réflexion sur la trame et la structure métallique, Mies va développer sa réflexion sur le plan universel, qui se libère de toute fonction structurelle par l’emploi d’ossatures métalliques. Son travail sur le thème du mur rideau font de Mies un père fondateur de la pensée moderne, dont le but fût de lancer un courant de pensée au delà de toute polémique de petite échelle. Encore très sollicitées, les façades vitrées des tours de bureaux et des bâtiments administratifs représentent une grande partie de la production de façades, comme l’illustrent les central business disctrict des grandes villes américaines, depuis le milieu des années 50. En 1951, soit 4 ans après la construction du premier bâtiment enveloppé d’un mur rideaux, dessiné par Pietro Bellushi à Portland en Oregon, Mies dote Chicago de ses tours de Lake Shore Drive. Son travail de l’enveloppe est radical, il place les vitrages sur le même plan vertical que les chassis, sa volonté est clairement d’unifier l’enveloppe vitrée en la rendant autonome vis à vis de la structure primaire.
« What I am driving at is to develop a common language, not particularly individual ideas » -Mies van der Rohe
Mies van der Rohe, Glass Skyscraper 1919-1921, Histoire de l’architecture moderne, Fanelli & Gargiani p.304
Mies van der Rohe, Crown Hall, Illinois Institute of Technology, Chicago, 1956, Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.44
Mies van der Rohe, Crown Hall, détail de façade, Chicago, 1956, Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.44
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2. Approche conceptuelle
Mies van der Rohe
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
Paul von Scheerbart1, poète expressionniste, a beaucoup influencé les architectes de la génération de Mies, notamment ceux du Werkbund, tels que Bruno Taut. En 1914, il publie Glasarchitektur, dans lequelle il met en avant l’emploi du verre avec des arguments concrets et techniques. Il prône notamment l’utilisation du double vitrage pour des questions d’économie de chauffage. Son propos est surtout basé sur le fait que la société se devant d’évoluer au rythme de l’histoire, l’emploi du verre en grande proportions dans l’architecture s’avère être le chemin à suivre pour tendre vers la transparence, la lumière. 1
Construire en verre, Christian Schittich, p.29
« L’air étant l’un des plus mauvais conducteurs thermiques, la double paroi de verre est inéluctable pour l’architecture de verre. »1
_ Paul von Scheerbart2
« Notre culture est dans une certaine mesure le produit de notre architecture. Si nous voulons atteindre un niveau de culture plus élevé, il nous faudra bon gré mal gré réviser notre architecture. »3
1 2 3
_ Paul von Scheerbart
Construire en verre, Christian Schittich, p.29
Construire en verre, Christian Schittich, p.29 Construire en verre, Christian Schittich, p.29
Mies van der Rohe, Immeuble en verre pour Berlin, projet, 1921, Construire en verre, Christian Schittich, p.30
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2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
L’enveloppe représente l’un des enjeux majeurs de la construction contemporaine et concerne plusieurs champs. Dans un premier temps, l’économie générale du projet, comprenant le coût des matériaux, de la mise en oeuvre, ainsi qu’une marge d’erreur accordée aux éventuelles malfaçons ou retard de livraison de chantier. Dans un second temps, les dépenses énergétiques liées aux déperditions de chaleur et donc à la question de la gestion des échanges calorimétriques. Hors de nos jours, il semble que la majorité des réalisations en terme de logements ne tirent pas parti des acquis théoriques accumulés au cours des dernières décennies. En effet, la façade, pouvant être libérée de sa fonction porteuse, tire peu de bénéfices de ce potentiel théorique dégagé, et persiste dans une voie quasi-monolithique. Si l’innovation technique et une certaine liberté d’action restent possibles dans les appels d’offres lancés pour des équipements et constructions exceptionnelles, ce n’est pas la même chose pour le logement, qui semble sclérosé et empêtré dans des habitudes constructives lourdes, par filière humide, qui fixent le logement entre deux voiles porteurs dépendants de la largeur des places de parking à leur base. Comprendre d’où est tiré le matériau mis en oeuvre est essentiel pour avoir une pleine maîtrise de son potentiel et de son comportement face aux sollicitations des usages et du temps.
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Bernard Leupen, Frame and generic space, p.31
2. Approche conceptuelle
2.2 Façade, enveloppe et dissociation
La dissociation des filtres permet une meilleure gestion de leur potentiel propre. Les matériaux, jusqu’ici facilement classables dans des catégories déterminées, tendent à se complexifier jusqu’à atteindre l’hyper-diversité, se superposent dans leurs caractéristiques, pour montrer le chemin vers une transition ; celle de la matière inerte vers la matière intelligente.
Mur polyvalent définit par Mike Davies en 1981, Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.89
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2. Approche conceptuelle
2.3 Rationalisation et modularité
Viollet le Duc Dans son dictionnaire d’architecture, Viollet le Duc évoque le problème du rapport entre la volonté d’agencer des façades et le rapport plus ou moins pertinent qu’elles entretiennent avec les dispositions intérieures du logement, ce qui implique implicitement un problème de rationalité de l’enveloppe, alors perçue comme façade, avec l’opposition entre volonté d’afficher un certain ordonnancement sur rue et adapter les percements aux besoins et spécificités des espaces intérieurs. La volonté de créer du logement abordable passe par un travail de rationalisation dans tous les champs qui composent le domaine de la construction. En ce qui concerne la question de l’enveloppe, il existe des cas construits faisant contrepoids à la surenchère esthétique de certaines réalisations contemporaines. Ces projets, soucieux d’être réalisables à moindres frais pour diverses raisons d’ordre social ou contextuel, s’emploient à mettre en avant différentes démarches inhérentes à leur propre démarche conceptuelle. Tout d’abord, la simplicité de la conception par un dessin épuré et intelligent d’assemblages efficaces et rapidement réalisables. La standardisation se base sur une coordination modulaire et une typification de la conception du bâtiment. Il est donc nécessaire de rationnaliser les dimensions des composants de construction.
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2. Approche conceptuelle
2.3 Rationalisation et modularité
Un bâtiment est une entité regroupant un grand nombre d’éléments de provenances, de fonctions et de dates de mise en œuvre variables, dans le temps du chantier. C’est pourquoi il est primordial d’activer une grammaire spécifique, un ensemble de règles géométriques pour régler avec exactitude le placement de chaque élément, structurel, filtrant. La volonté de travailler avec un degré plus ou moins élevé de préfabrication implique d’abord une rigueur de rationalisation pour intégrer la notion de modularité. En fait, la modularité est indissociable d’une démarche de rationalisation, cela en est une étape fondatrice. Le fait de mettre en place un système référent est le point de départ d’une démarche indispensable pour organiser la planification des étapes de la production à la mise en œuvre. Cette planification permet la cohérence et la coordination, à l’échelle de l’ouvrage, des multiples processus liés à la construction ainsi qu’aux acteurs impliqués. La maîtrise de la modularité permet aussi de tendre à une meilleure intégrité géométrique globale du bâtiment, de mieux gérer les problèmes de raccords ainsi qu’une mise en œuvre pertinente in situ. Le fait de travailler avec des éléments inscrits dans une démarche de modularité permet de prévoir l’entretient nécessaire et l’interchangeabilité des composants. Cette démarche est donc tout à fait pertinente concernant un travail d’enveloppe à filtres multiples, car elle permet mieux gérer la pérennité de chaque composant et son remplacement.
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Le bâtiment peut être divisé en éléments, les éléments se combinent pour former le bâtiment, Prefabricated Systems: Principles of Construction, Knaack, Chung-Klatte, Hasselbach, p.101
2. Approche conceptuelle
Outils analytiques
Redessin personnel
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2. Approche conceptuelle
Outils analityques
Volume de l’enveloppe/ Epaisseur Cet élément permet de porter attention à la volumétrie de l’enveloppe, et donne à voir le contraste entre l’enveloppe dilatée composée d’espaces praticables et l’enveloppe membrane. Il est intéressant de considérer l’enveloppe comme une entité mesurable en m3, car cela permet de mieux comprendre les enjeux qui y sont liés, ainsi que la dichotomie exprimée par le ratio prix de l’enveloppe/surface habitable consommée par l’enveloppe1.
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Atelier Kempe Thill, detail volume 4, juillet 2012, p.343
Structure périphérique La question de l’enveloppe découle directement du choix de la structure, c’est pourquoi il est important de comprendre les choix structurels du projet afin de mieux appréhender l’enveloppe étudiée. Ce logo indique un cas de structure périphérique, impliquant la participation structurelle de la façade.
Structure à ossature La structure à ossature permet de libérer la façade et d’ouvrir la voie à la préfabrication et à la standardisation des éléments de construction.
Trame et rationalisation La rationalisation de la conception et de la volumétrie passe par l’emploi de la trame en façade, pour tendre à une standardisation raisonnée des matériaux, à une économie de moyens. La trame devient aussi un système référent, comme une grammaire de composition, permettant l’ajustement dimensionnel des éléments de construction.
Modularité et industrialisation L’emploi de composants industriels permet d’incorporer le processus de construction dans la chaîne globale de production industrielle, en s’adaptant au catalogue de produits disponibles à grande échelle.
Préfabrication La prise en compte de la préfabrication permet une évolution considérable des possibilités de mise en œuvre. C’est aussi un moyen de compenser une hausse du prix global de la main d’œuvre par le fait de simplifier les phases du chantier et donc de réduire le temps de construction.
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2. Approche conceptuelle
Kempe & Thill HipHouse Logements sociaux et étudiants Zwolle Pays Bas, 2012
2.3 Rationalisation et modularité
Budget: 5 450 000€ Shon: 6 399 m2 Prix m2 : 841€
Andre Kempe et Oliver Thill abordent la construction en questionnant de nombreux paramètres, dont l’aspect économique. Pour le projet de logements de Zwolle, la question de la rationalisation de la conception est primordiale et a permis d’engendrer concrètement des économies financières. L’idée de l’atelier Kempe Thill est d’être attentif en permanence au sujet des postes onéreux du projet. Pour réduire les dépassements de budget sur ces postes, il faut établir une liste de paramètres à contrôler pour tendre à une baisse du prix de construction. La volumétrie est l’un de ces paramètres. En effet, l’enveloppe est intimement liée à la question de la volumétrie générale qu’elle doit abriter. Kempe & Thill intègrent cette notion de rationalisation de la volumétrie dans leur stratégie de conception. La question est de savoir quelle forme appropriée donner au projet. Kempe & Thill tranchent la question de manière radicale en stoppant toute tentation formaliste ou geste créatif. Leur postulat est d’employer des structures orthogonales comme outils, dans le but de mieux gérer le budget. La compacité est une réponse pertinente à la volonté de développer du logement abordable. C’est dans cet optique que Kempe & Thill développent la neutralité de leur volumétrie, pour faire en sorte que le ratio représenté par la surface habitable sur la surface de façade soit le plus grand possible. Le but de cette démarche est de générer une économie suffisamment conséquente par la compacité de l’enveloppe pour être en mesure de ré-investir dans des matériaux de haute qualité.
Façade & loggias, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.373
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Façades, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.372
« Form follows budget » -Atelier Kempe Thill
Mies en oeuvre éléments vitrés, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.374
2. Approche conceptuelle
Kempe & Thill HipHouse Logements sociaux et étudiants Zwolle Pays Bas, 2012
2.3 Rationalisation et modularité
Budget: 5 450 000€ Shon: 6 399 m2 Prix m2 : 841€ Logements: 64
Pour Kempe & Thill, la question du dimensionnement est de première importance dans la conception d’un bâtiment de grande qualité, ce qui pousse à rappeler que la qualité architecturale nait d’une émulation de principes classiques. Kempe & Thill intègrent certains principes dans l’élaboration de leurs projets, comme la logique structurelle, l’harmonie des proportions, un dosage entre monumentalité et grandeur, un potentiel prototypique, un usage de formes comprises dans un langage restreint et une particulière indétermination.
Plan, coupes, échelle 1/500, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.372
«Compactness is a key factor for developing a cost-efficient project.»1 -Atelier Kempe Thill 1
revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.374
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2.3 Rationalisation et modularité
Cette coupe montre tout le soin apporté au traitement des ponts thermiques ainsi qu’aux relations entre les logements. Une isolation phonique est placée dans chaque plancher. L’enveloppe est traitée avec grand soin, les panneaux de verre isolant de haute qualité, sont mis en place par grue, et permettent d’éclairer le logement en profondeur. Pour des raisons de volumétrie et de compacité, les logements sont assez profonds, 8,5m. L’intelligence du système de panneaux vitrés coulissants toute hauteur est le fait de pouvoir transformer le séjour en loggia. Par une approche minimaliste de la conception, le séjour acquiert un double statut, de par la nature de l’enveloppe. Cela rappelle le principe de l’engawa dont le statut est double. Kempe & Thill approfondissent ici la notion de transformabilité et de permanence, en réinterrogeant les usages.
Détail de l’enveloppe, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.374
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2. Approche conceptuelle
Kempe & Thill HipHouse Logements sociaux et étudiants Zwolle Pays Bas, 2012
2.3 Rationalisation et modularité
Budget: 5 450 000€ Shon: 6 399 m2 Prix m2 : 841€ Logements: 64
«For architects, design strategies are decisive that enable them to deal with these circumstances in a positive way.»1 -Atelier Kempe Thill 1
revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.3742
Détail du raccord entre sol enveloppe, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.374
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2. Approche conceptuelle
Kempe & Thill HipHouse Logements sociaux et étudiants Zwolle Pays Bas, 2012
2.3 Rationalisation et modularité
Budget: 5 450 000€ Shon: 6 399 m2 Prix m2 : 841€ Logements: 64 Vue intérieure, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.375
Vue patio distributif, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.376
Vue hall d’entrée, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.376
Plan détaillé angle, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.375
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2. Approche conceptuelle
Kempe & Thill HipHouse Logements sociaux et étudiants Zwolle Pays Bas, 2012
2.3 Rationalisation et modularité
Budget: 5 450 000€ Shon: 6 399 m2 Prix m2 : 841€ Logements: 64
Hiphouse, assemblage de la façade, Density is home, a+t research group, p.172
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2. Approche conceptuelle
2.4 Appréhender la temporalité
Rapport au temps Le temps est un concept abstrait aux incidences concrètes sur le vivant et le construit, faisant partie intégrante de notre existence et pourtant impalpable. Cependant, il est important d’aborder le temps sous un angle moins quotidien et surtout, à de multiples échelles temporelles. L’évolution des villes ou la durée de vie des composants du construit forment un pan complet en terme d’échelles comparatives. Une prise de recul est indispensable pour approcher une compréhension globale d’un projet et de son apport à la ville, au paysage géographique et social. Qu’en est-il au niveau de ces ensembles que représentent la planification urbaine, la construction, conditionnées par des paramètres tels que l’envolée démographique, les restrictions économiques globalisées, les problèmes socio-culturels ?
Coupe de séquoia avec repères historiques, Vertigo, Alfred Hitchcock, 1958
“Comme en rêve, il lui montre un point hors de l’arbre. Il s’entend dire; je viens de là.” Coupe de séquoia, La Jetée, CHris Marker, 1962
“‘Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance’.” _La Jetée, Chris Marker, 1962 33
2. Approche conceptuelle
2.4 Appréhender la temporalité
Il est nécessaire de s’intéresser à la notion de temporalité dans la conception du logement, avec tout ce que cela comporte comme conséquences à court, moyen et long terme. Tout d’abord, à l’échelle d’un logement, afin de lui attribuer le plus grand nombre d’atouts et d’outils pour affronter le temps, à savoir la flexibilité, la polyvalence, l’indice d’appropriation spatiale du logement par les habitants ainsi que la capacité d’adaptation aux variations périodiques liées à l’aspect cyclique du temps, qui se traduit par l’alternance des phases diurne et nocturne, de l’enchainement des saisons. Puis, par un processus d’expansion des qualités requises pour permettre à un logement d’intégrer la notion de temporalité dès sa conception, je pense indispensable le fait de pousser cette réflexion au niveau du logement collectif, dans le but de travailler sur le thème du devenir d’un immeuble de logements ou d’un groupement de logements afin de comprendre les enjeux liés au choix originel de structure et de configuration spatiale. En effet, celles-ci doivent pouvoir s’adapter à toute variation programmatique potentielle au cours de la vie du bâtiment, car la survie d’un bâtiment dépend avant tout de sa capacité à ne jamais devenir obsolète, donc à conserver sa force programmatique, sa plénitude d’usage qui traduit donc une grande flexibilité, ainsi que sa force d’évolutivité à l’échelle du quartier, de la ville, du territoire. Selon la considération choisie, le temps peut être perçu comme cyclique ou linéaire, en fonction de l’échelle temporelle à laquelle on se réfère.
“It is not the strongest of the species that survives, nor the most intelligent. It is the one that is the most adaptable to change.1” _Charles R. Darwin
1 Collaboration in the cloud, Van Ommeren, Duivestein, Devadoss, Reijnen & Gunvaldson, éd. VINT, 2009 (ISBN 978-90-75414-27-1), p. 67
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2. Approche conceptuelle
2.3 Appréhender la temporalité
Pérennité Il est important de noter que la question de la temporalité se pose sous un nouvel angle depuis l’emploi du métal, des structures à ossature, interrogeant ainsi les termes d’obsolescence et de pérennité. De l’antiquité à la fin du moyen âge, la pérennité ne s’appliquait qu’aux constructions de châteaux militaires puis résidentiels, d’équipements ou d’ouvrages d’art, en témoignent les pyramides égyptiennes, les temples mayas ou le Louvre, dont les fondations moyenâgeuses sont toujours visibles, alors que le logement était construit avec des matériaux non durables et était voué à une disparition à l’échelle de quelques générations tout au plus. Une fois que la question de la durée de vie d’un composant s’est présentée, elle ébranle l’aspect globalement durable du construit, c’est-à-dire que l’on comprend mieux le projet dans sa globalité composée d’éléments et de composants à durée de vie variable, aspect avec lequel il faut compter dans le processus de conception. En effet, la construction d’un bâtiment est responsable d’un certain bilan carbone, hors la politique de la tabula rasa y ajoute celui de la destruction, impliquant le nettoyage des décombres et la reconstruction. La conception influe fortement sur la durée de vie d’un ensemble complexe que représente un bâtiment. Le bois est un matériaux pérenne pourvu qu’il soit mis en œuvre dans les règles de l’art et suffisamment protégé, en témoignent les églises norvégiennes en bois datant du XIème et XIIIème sècle.
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2. Approche conceptuelle
2.4 Appréhender la temporalité
Adaptabilité & évolutivité Selon Bernard Leupen, le bâtiment est un medium lent qui a du mal à intégrer la célérité exponentielle de la modernité. Son évolution et l’ensemble de ses mutations ont un besoin intrinsèque d’inertie pour se mouvoir. Peut-être cette lenteur relative s’explique-t-elle par le fait que ce medium est définitivement matériel, à l’heure de la surconsommation de produit virtuels. Comme le dit B.Leupen, un bâtiment construit en périphérie peut se retrouver en plein centre d’un nouveau pôle de développement. C’est pourquoi l’évolutivité et la flexibilité sont des paramètres à programmer dès la conception, pour donner une plus grande chance de survie au projet et éviter de tomber dans la politique facile de la tabula rasa, qui est une catastrophe d’un point de vue économique et écologique. D’un point de vue de l’enveloppe, l’adaptabilité et la flexibilité sont nécessaires pour permettre la transformation de logements en bureaux. L’enveloppe doit donc répondre à divers champs de complexité ; complexité d’usages, technique, de rentabilité énergétique, de régulation et d’évolutivité. L’intégration de la notion de temporalité est primordiale dans le contexte économique actuel, après les vagues successives de coûteuses démolitions, telle que la résidence étudiant Jean Zay, à Antony, le concepteur doit être en mesure d’anticiper jusqu’à la disparition de son projet, sinon à sa reconversion. L’architecte Hubert Jan Henket, en collaboration avec le bureau d’étude ABT, propose en 2001 à Delft un projet d’immeuble de bureaux entièrement démontable. Conçu pour s’adapter à l’évolution des besoins de la société, il intègre complètement la notion d’obsolescence programmée. Prévu pour une durée de vie de vingt ans, l’intégralité de l’ossature est démontable et recyclable car tous les éléments sont des composants industriels courants, ce qui facilite l’entretient et le remplacement des éléments de façade. L’enveloppe est ici traitée comme un assemblage d’éléments industriels voués à être démontés et réutilisés sur d’autres chantiers.
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“Architecture is by no means a timeless medium-that much became increasingly clear during the course of the 20th century.” _Bernard Leupen
2. Approche conceptuelle
Hubert Jan Henket Immeuble de bureaux démontable Delft 2001
2.3 Appréhender la temporalité
Le XXème siècle est celui qui a vu se développer la théorisation de l’obsolescence. La croissance, liée à l’activité économique, est devenue dépendante de la consommation, et même de la surconsommation. L’exemple de l’évolution des ampoules à filament est le plus pertinent pour comprendre l’importance de la consommation pour le maintien d’un système capitaliste. L’architecture comme monument pérenne est donc une notion révisée. La durée de vie s’exprime sur deux terrains en architecture, celui des composants et celui de la programmation. Jan Henket apporte ici une réponse complète à cette double problématique. Sans vouloir proposer une solution purement théorique ou simplement utopique, mais en restant toujours connecté au système de production, Henket lance une réflexion sur la gestion de la durée de vie, à l’échelle des composants et du bâtiment. Il conçoit un bâtiment flexible capable de plier à une obsolescence programmatique éventuelle, sans rompre. En effet, dans une époque où l’activité économique et sociale fluctue, il est possible qu’un bâtiment de bureau perde sa fonction, l’inscrivant potentiellement sur la liste des démolitions futures. Henket base sa réfexion sur deux principes. Tout d’abord, la quasi-totalité de la construction est démontable, même les planchers, composés d’éléments en béton préfabriqué. Seules les fondations sont perdues en cas de démontage, car c’est un poste sensible de la réalisation. Ensuite, Henket s’appuie sur l’idée d’axer la conception autour d’un niveau de sophistication bas des composants. Elaborer un projet avec des composants courants est un moyen de s’assurer que ces éléments seront toujours largement disponible chez le fabriquant ou le revendeur, et donc d’éviter le problème de l’approvisionnement. Ici, la rigueur de la modularité permet d’utiliser des composants communs qui peuvent être facilement recyclables en cas de démontage. La temporalité est intégrée à ce projet dans le sens où Henket prend pleinement la mesure de la durée de vie et de l’obsolescence.
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Façade, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.237
2. Approche conceptuelle
Hubert Jan Henket Immeuble de bureaux démontable Delft 2001
2.4 Appréhender la temporalité
Entre-deux, double peau, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.237
Assemblages, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.236
Plan, coupes, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.238
Assemblages, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.239
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2. Approche conceptuelle
Keim & Sill Logements et unités de travail préfabriqués Rathenow, Allemagne, 1997
2.3 Appréhender la temporalité
Ce projet développe différentes problématiques. Tout d’abord la notion d’épaississement de la façade. Il s’agit ici d’une extension de 4,5m par rapport au nu extérieur de référence. Cet épaississement est le résultat de l’ajout de nouveaux espaces praticables, sous formes de modules. D’où la seconde notion développée par ce projet, la préfabrication. En effet, les modules mis en œuvre sont préfabriqués à 500km du chantier, mais leurs dimensions les rendent transportables par camion. La temporalité est abordée ici sous deux aspects ; celui de l’extension, synonyme d’évolution physique et programmatique du bâtiment existant, et celui de l’obsolescence des composants. Les containers préfabriqués laissent une grande marge de manœuvre pour un remaniement ou un remplacement futur.
Façade, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.264
Modules & ossature, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.265
Façade, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
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2. Approche conceptuelle
Keim & Sill Logements et unités de travail préfabriqués Rathenow, Allemagne, 1997
2.4 Appréhender la temporalité
Structure ajoutée, gros oeuvre, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
Façade, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266 Façade, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
Modules prefabriqués acheminés par camion, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
Mise en oeuvre modules préfabriqués, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
Mise en oeuvre modules préfabriqués, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.266
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2. Approche conceptuelle
Hubert Jan Henket Logements et unités de travail préfabriqués Rathenow Allemagne 1997
2.4 Appréhender la temporalité
Plans, coupe, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.269
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42
2. Approche conceptuelle
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Ci-dessous, Capsule Hotel, Kisho Kurukawa, Tokyo, Japon photographie personnelle
Ci-contre, cloison en roseaux tressées, Kamakura,Japon photographie personnelle
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2. Approche conceptuelle
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité Lors de mon séjour au Japon, j’ai été frappé par l’existence d’un vecteur commun entre architecture traditionnelle et architecture moderne ; la modularité. En effet, parmi la quinzaine de logements courants que j’ai pu visiter, du pavillon individuel au logement collectif, une grande part de la construction s’effectue par la mise en place d’éléments préfabriqués de diverses natures, béton, bois, métal. Or cette manière de concevoir l’architecture en s’appuyant sur une méthode constructive modulaire est héritée du patrimoine traditionnel, où le plan est réglé en fonction du tatami, module de base. La visite de logements traditionnels permet de mieux comprendre l’évolution de l’enveloppe du logement collectif, aujourd’hui. La vague de projets dotés d’éléments coulissants en façade, baies vitrées ou systèmes occultants, apparait en réalité comme une pure remise à jour des systèmes employés dans l’architecture traditionnelle japonaise depuis des siècles. L’enveloppe joue un rôle primordial dans l’architecture japonaise traditionnelle. Très tôt, l’enveloppe se dissocie en plusieurs filtres, tous composés de panneaux coulissants et amovibles. A l’origine, une peau translucide composée de panneaux en bois sur lesquels est collée une couche de papier, ainsi qu’un filtre de panneaux en bois massifs pour venir clore le logement la nuit. Aujourd’hui, ces acquis se sont développés et l’enveloppe dans le logement se compose en général de trois épaisseurs. Le filtre interne est composé de panneaux en bois sur lesquels est collée une couche de papier, ce qui permet de créer un filtre translucide pour réguler la lumière.
Mise en place quotidienne des panneaux coulissants, Kamakura, Japon photographie personnelle
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2. Approche conceptuelle
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité Le second filtre représente le hors d’eau et hors d’air et est composée de double vitrage coulissant. Le filtre externe peut se composer d’un matériau opaque pour fermer l’enveloppe mais accueille le plus souvent des moustiquaires. L’approche japonaise offre une source riche de concepts et de principes. Dans un premier temps, l’encrage dans le savoir faire traditionnel, puis la rationalisation de la conception pour tendre à une volumétrie maitrisable en termes de coûts. Vient ensuite le choix méthodique des matériaux de construction puisés dans le panel des produits standards et industrialisés, une mise en pratique de la préfabrication pour fluidifier les phases du chantier. Enfin, le traitement de la transition entre intérieur et extérieur, dans une approche conceptuelle considérant la façade comme une entité exprimable en m3, avec un travail de variation dans l’épaisseur de l’enveloppe comme espace praticable.
Transition intérieur-extérieur, l’engawa. Nakajima-no-ochaya, jardin Hama-rikyu, Tokyo, Japon photographie personnelle
Engawa. Nakajima-no-ochaya, jardin Japon photographie personnelle
Engawa, http://kesterhouse.com/exterior/engawa.html
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Hama-rikyu,
Tokyo,
2. Approche conceptuelle
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité Or il se trouve que l’architecture japonaise constitue un catalogue de tous ces thèmes, développés avec une rigueur méthodique. La conception de l’architecture japonaise contemporaine s’appuie sur les acquis transmis par l’architecture traditionnelle. Très tôt, l’architecture japonaise traditionnelle présente des similitudes avec les préoccupations contemporaines et développe des moyens pour bâtir plus efficacement. Tatami et parois coulissantes, Maison de Hosokawa Gyobu, Kumamoto, Japon. photographie personnelle.
L’emploi du tatami comme unité surfacique est déjà en soi un acte précurseur, induit par la volonté d’atteindre une plus grande maîtrise conceptuelle et matérielle en rationnalisant la composition spatiale et la mise en œuvre. Un tel système constructif, basé sur l’emploi d’un référent modulaire, a permis à la construction japonaise d’atteindre un haut niveau de standardisation, notamment dans la réalisation de détails courants.
Engawa, Maison de Hosokawa Gyobu, Kumamoto, Japon. photographie personnelle.
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2. Approche conceptuelle
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité Sou Fujimoto, évoque une appréhension complexe du thème de l’enveloppe, plongée dans un questionnement profond sur la nature de la différenciation entre intérieur et extérieur. La limite séparant le dedans du dehors, généralement symbolisée par les deux espaces de part et d’autre d’un mur concrètement situé, devient ambiguë et tend à se dissoudre. Tout d’abord, à travers un processus flexible appliqué à l’enveloppe ; l’emploi de l’engawa dans l’habitat traditionnel. Cette solution d’ouverture de l’enveloppe révèle déjà une interrogation forte sur la netteté de la séparation entre intérieur et extérieur. En effet, cet espace peut être à la fois perçu comme un couloir lorsque les parois coulissantes, les amado, sont fermées, ou comme une coursive périphérique extérieure, partie intégrante du jardin traditionnel japonais lorsque les amado sont ouvertes.
Sou Fujimoto, House N, Tokyo Details of Contemporary Houses, p.20
Ensuite, la limite entre intérieur et extérieur tend à se dissoudre à travers un travail sur l’épaisseur, qui peut tendre vers une minceur extrême dans certains cas de logement de Sanaa, pour mettre en valeur la connexion dialectique entre le dedans et le dehors, ou par une dilatation de l’enveloppe, se transformant en espace praticable, habitable, faisant naître une ambiguité quant aux notions de transition, de seuil, réunissant ainsi l’intériorité de l’habitat à son contraire, comme le montre le projet House N de Sou Fujimoto. Enfin, la pratique de l’enveloppe à l’échelle du paysage, telle que l’aborde Makoto Takei, tend à rendre difficile l’appréhension de la volumétrie du bâtiment, ce qui est un moyen de questionner la notion de perception du bâtiment par rapport à son contexte. L’intérieur et l’extérieur entretiennent une relation floue, affiliée à une esthétique de la disparition1.
1
Point théorique développé par Pierre Louis Faloci
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Makoto Takei, 2006 The first decade of the century, Japanese houses, 2010, p.42
2. Approche conceptuelle
Sou Fujimoto House N
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Le thème de l’enveloppe est abordé de manière complexe par Sou Fujimoto. Ce projet est basé sur l’imbrication de plusieurs niveaux d’enveloppe, créant des intervalles appropriables. Ces intervalles, traités comme de véritables écosystèmes interdépendants mais différenciés, rendent la lecture entre dedans et dehors difficile. L’idée de Sou Fujimoto est d’habiter dans un espace qui n’a pas de limites précises. Dans ce cas, la volumétrie occupée par la façade est importante, presque un tiers de la volumétrie générale.
La structure de ce projet est entièrement périphérique, l’enveloppe étant envisagée comme une coquille à plusieurs couches. La toiture est composée d’un béton plus léger que celui employé pour le reste du gros œuvre. Le parti pris de travailler avec une enveloppe porteuse permet ici de libérer les espaces intérieurs et de différencier rendre possible un certain continuum entre les différents écosystèmes crées par les différents niveaux d’enveloppe.
House N, jardin intérieur The first decade of the century, Japanese houses, 2010, p.112
House N, façade sur rue Details of Contemporary Houses, p.21
House N, Façade sur rue, The first decade of the century, Japanese houses, 2010, p.112
49
2. Approche conceptuelle
Sou Fujimoto House N
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité L’emprise de la coque extérieure occupe l’intégralité de la parcelle, ce qui permet de mettre en place le système de jardin semi couvert, composant de le coordination des écosystèmes imbriqués.
House N, plan & coupe, échelle 1/200e, The first decade of the century, Japanese houses, 2010, p.112
House N, imbrication des volumes, The first decade of the century, Japanese houses, 2010, p.112
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2. Approche conceptuelle
Makoto Takei + Chie Nabeshima Maison kata garasu Tokyo 2008
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité Takei & Nabeshima traitent le logement comme une entité s’exprimant à différentes échelles, toutes imbriquées. Le nombre de ces échelles est de trois; celle du site, celle de l’architecture et celle de la pièce. Takei & Nabeshima considèrent ces échelles comme des notions, avec des limites. Chacune d’elles possède un intérieur et un extérieur. D’après eux, le lieu du projet est toujours inclus dans un contexte difficilement modifiable. Que ce soit la densité urbaine ou une zone forestière, il faut intégrer et accepter l’environnement. Cette prise en compte des spécificités du site se fait par la création d’une limite permettant de faire profiter au logement des atouts du site. Le point important est de pouvoir être en liaison avec le site. C’est pourquoi Takei & Nabeshima abordent le thème de l’enveloppe de manière spécifique. L’enveloppe se réduit ici à une épaisseur minimale, celle du double vitrage et d’un parement de polycarbonate. L’enveloppe devient ici une filtre translucide, permettant de réguler l’entrée de lumière, la porosité visuelle, mais surtout de rester connecté aux changements de lumière de la journée.
Maison kata garasu, translucidité Details of Contemporary Houses, p.37
Takei & Nabeshima abordent ici le thème de la dichotomie intérieur/extérieur de manière subtile ; l’enveloppe ne coupe pas l’intérieur à l’extérieur de manière brutale mais les dissocie partiellement tout en les laissant intimement connectés. Globalement, l’architecture japonaise est perçue comme une enveloppe protégeant le vêtement, dont elle est le prolongement. L’élément de référence du projet étant le corps humain et l’ergonomie qui s’y rattache, le raisonnement architectural japonais va de l’intérieur vers l’extérieur, en opposition totale avec la tendance d’habiter une sculpture, conçue par sa volumétrie. Le raisonnement japonais dans l’architecture traditionnelle abouti à une volumétrie générale suite à une composition en plan basée sur le module du tatami.
Maison kata garasu, coupes, échelle 1/300e, Details of Contemporary Houses, p.32
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2. Approche conceptuelle
Makoto Takei + Chie Nabeshima Maison kata garasu Tokyo 2008
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Maison kata garasu, plan, échelle 1/300e, Details of Contemporary Houses, p.30
L’un des aspects radicaux de leur travail est l’adaptation des questions de l’enveloppe jusqu’à l’échelle de la pièce. En effet, la structure étant composée d’un bloc central porteur regroupant les circulations verticales, les voiles séparant les pièces sont épais de 18cm. Cette épaisseur permet de venir attribuer une double fonction aux percements reliant les pièces. Le percement entre le séjour et la salle à manger est perçu comme une porte depuis le séjour, et comme une fenêtre depuis la salle à manger. Par un jeu de niveau de sols, Takei & Nabeshima questionnent les propriétés de l’enveloppe jusque dans la relation entre les pièces.
Maison kata garasu, plan détaillé, cuisine, échelle 1/30e, Details of Contemporary Houses, p.31
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2. Approche conceptuelle
Makoto Takei + Chie Nabeshima Maison kata garasu Tokyo 2008
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité L’étude de la coupe p.51 est révélatrice du déplacement des centres d’intérêt concernant la conception de l’enveloppe, dans l’approche japonaise. Ici on voit que la question thermique est traitée avec moins de poids qu’elle pourrait l’être dans une réalisation en France. La structure est assurée par un noyau porteur composé de l’entrecroisement de quatre voiles orthogonaux. Cette solution structurelle permet de libérer la façade de tout rôle porteur. Le choix matériel de Takei & Nabeshima s’est porté sur le travail complémentaire d’un double vitrage pour assurer l’isolation thermique et d’une épaisseur de polycarbonate pour traiter l’opacité par la translucidité. Les nez de dalles sont protégés par l’enveloppe vitrée continue. Cependant, la jonction entre le départ haut de la façade et le toit terrasse tolère un pont thermique, car l’accent est mis sur la volonté d’affiner l’enveloppe, la faire tendre à l’épaisseur minimum. L’enveloppe se résume à quelques centimètres d’épaisseur, sauf au niveau des ouvrants où elle s’élargit pour venir accueillir les menuiseries.
Maison kata garasu, double statut des percements internes Details of Contemporary Houses, p.37
Maison kata garasu, double statut des percements internes, translucidité Details of Contemporary Houses, p.28
Maison kata garasu, double statut des percements internes, translucidité, Details of Contemporary Houses, p.29 Maison kata garasu, axonométrie, Details of Contemporary Houses, p.28
ci-gauche: Maison kata garasu, coupe détaillée, échelle 1/5e, Details of Contemporary Houses, p.36
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2. Approche conceptuelle
Riken Yamamoto & Field Shop Shinonome Canal Court Block 1 Koto-ku, Tokyo 2003
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Shon: 5966 m2
Ce projet représente un intérêt significatif dans le développement de ce mémoire car il applique des thèmes tels que les usages liés à l’enveloppe ou la modularité, dans le domaine du logement collectif. Yamamoto participe ici à un projet regroupant plusieurs architectes tels que Toyo Ito ou Kengo Kuma, tous chargés de réaliser un bloc de logements, pour un total de 2000 unités. La problématique abordée par Riken Yamamoto est celle de la flexibilité d’usage des espaces, ainsi que de la pluralité des fonctions attribuées à l’enveloppe. Il propose donc des logements capables d’être employés comme bureaux, les SOHO. L’enveloppe joue ici un rôle de premier plan dans les usages, dans la flexibilité programmatique potentielle des espaces intérieurs ainsi que dans l’idée de recréer une vie de voisinage mieux connectée, avec des passerelles reliant les différents corps de bâtiments et la création de terrasses communes. Ces terrasses facilitent la convivialité au sein du bâtiment.
55
2. Approche conceptuelle
Riken Yamamoto & Field Shop Shinonome Canal Court Block 1 Koto-ku, Tokyo 2003
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Shon: 5966 m2
La structure à ossature béton, composée d’épais piliers, permet de libérer au maximum les espaces liés à l’enveloppe et offre donc une grande flexibilité quant à l’agencement spatial des zones de transition entre intérieur et extérieur. La grande régularité de la composition de la façade permet en fait une grande liberté d’action, comme le montre la présence des terrasses communes traversantes et en double hauteur, permettant d’éclairer la partie centrale du bâtiment et donc une plus grande richesse de typologie de logements.
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2. Approche conceptuelle
Riken Yamamoto & Field Shop Shinonome Canal Court Block 1 Koto-ku, Tokyo 2003
2.5 Approche japonaise : tradition, modernité et modularité
Shon: 5966 m2
La façade est traitée de manière suffisamment neutre pour permettre à la cellule spatiale d’abriter un logement ou une agence de bureaux, sans modifications particulières. Pour permettre cette réversibilité, la façade est calepinée avec rigeur, ce qui permet de donner plus d’impact aux évènements plus ponctuels que représentent les terrasses collectives en double hauteur. Ce projet développe une déclinaison des usages liés à la façade, comme le montrent les terrasses collectives, les loggias ainsi que le fait de placer les pièces humides en contact direct avec la façade, donc éclairées et ventilées naturellement.
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2. Approche conceptuelle
Riken Yamamoto & Field Shop Shinonome Canal Court Block 1 Koto-ku, Tokyo 2003
2.5 Approche japonaise : tradition, modernitĂŠ et modularitĂŠ
Shon: 5966 m2
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2. Approche conceptuelle
Yves Lion & François Leclercq Domus Demain 1987
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Ce projet est basé sur la volonté de faire évoluer le logement avec bloc sanitaire en espace central, sans éclairage ni aération naturelle. Ce point de vue est la source d’un questionnement plus approfondi sur le rôle de l’enveloppe et pose les bases théoriques d’une remise en question de son statut, de son contenu et de sa nature. Le statut de l’enveloppe est ici remis en question dans le sens où ce n’est plus uniquement un filtre, mais le lieu d’une fonction supplémentaire ; la superposition des pièces humides. Le contenu de l’enveloppe évolue donc et comprend les pièces d’eau ainsi que les éléments de cuisine. La nature même de l’enveloppe est donc entièrement remaniée puisque Lion & Leclercq intègrent dès la conception la notion d’obsolescence en imaginant la façade comme le résultat de l’addition de pièces/modules préfabriquées, assemblées au gros œuvre. Cet aspect radical de la conception ne sera néanmoins qu’une utopie et la réalisation restera plus triviale. L’idée de flexibilité et de modularité est donc sacrifiée et remplacée par une construction en dur, inflexible, balayant toute idée de remplacement des pièces humides comme des blocs interchangeables. La façade devient ici une interface technique servante entre le paysage et l’espace privé, qui devient libre de tout aspect servant.
Domus Demain, façade vue depuis l’intérieur, Frame and generic space, Bernard Leupen, p.183
Domus Demain, façade vue depuis l’intérieur, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.28
Domus Demain, façade vue depuis l’intérieur, Frame and generic space, Bernard Leupen, p.183
En étudiant le plan, on s’aperçoit rapidement que l’idée radicale trouve ces limites dans la réalité habitée. Le manque de cloisonnement entre les chambres et les pièces humides confère une assez mauvaise intimité et donne l’impression que la chambre est le prolongement de la pièce d’eau.
Domus Demain, plan, Frame and generic space, Bernard Leupen, p.183
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2. Approche conceptuelle
Yves Lion & François Leclercq Domus Demain 1987
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Ces schémas illustrent clairement l’approche conceptuelle de Lion & Leclercq. Le logement est composé de différents éléments qui sont la structure béton, l’enveloppe conçue pour accueillir les services ainsi que l’espace central disponible libéré. Le projet Domus Demain est, dans son idée originelle radicale, un projet qui intègre concrètement la notion de temporalité. La façade composée à l’origine de modules préfabriqués anticipe fait de l’obsolescence un paramètre du projet. Le bâtiment aurait pu être constitué d’une enveloppe habitée en perpétuel changement , en fonction des remplacements successifs des pièces d’eau modulaires.
Domus Demain, axonométrie analytiques, Frame and generic space, Bernard Leupen, p.184-185
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2. Approche conceptuelle
Druot + Lacaton & Vassal Réhabilitation tour de logements Bois le Prêtre, 2010
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Ce projet soulève une question concrète concernant le patrimoine bâti hérité des 30 glorieuses, à savoir s’il est préférable d’appliquer la politique de la tabula rasa ou si une quelconque amélioration est possible. La tour de Bois le Prêtre montre qu’une solution de réhabilitation est possible, voire préférable à la démolition massive des tours et des barres. Ce projet est aussi l’occasion de mettre en application une série de principes dont la coordination permet de résoudre les problèmes du bâti existant par une intervention sur l’enveloppe. Tout d’abord, la question de l’épaisseur de la façade, posée en termes simples, qui consiste à venir travailler l’enveloppe par ajout d’espaces de vie. Ensuite la fonction de régulation thermique de l’enveloppe, qui est ici traitée par une épaisseur, composée de jardin d’hiver. Ces espaces permettent d’accumuler la chaleur en hiver par effet de serre. Pour le confort d’été, le problème est traité par une disposition d’aérations abondantes permettant la ventilation ainsi qu’une peau de rideaux solaires. Cependant, bien que les rideaux en question soient réfléchissants, ils ne réduisent pas à zéro l’effet de serre puisque pour être pleinement efficace, une protection solaire doit s’interposer entre le soleil et la surface vitrée à protéger.
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Budget: 8 986 880 € Shon: 16 520 m2 Prix m2: 544 € Logements: 104
Bois le Prêtre, AMC, n°209, octobre 2011, p.80
Bois le Prêtre, coupes, AMC, n°209, octobre 2011, p.82
2. Approche conceptuelle
Druot + Lacaton & Vassal Réhabilitation tour de logements Bois le Prêtre, 2010
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Cette intervention permet de modifier totalement le rapport des logements existants avec la lumière. La coque pétrie en béton telle qu’elle fût construite à l’origine est ici déconstruite et ouverte de plancher à plancher, offrant des ouvertures toute hauteur. La nouvelle enveloppe créée est indépendante structurellement. Constituée d’éléments préfabriqués, elle repose sur son ossature propre. Les matériaux employés sont choisis parmi les moins couteux, taules ondulées transparentes, et ossature métallique.
Bois le prêtre, assemblage des modules préfabriqués, Density is home, a+t research group, p.203
Bois le prêtre, assemblage des modules préfabriqués, Density is home, a+t research group, p.203
Bois le prêtre, vue intérieure, jardin d’hiver, AMC, n°209, octobre 2011, p.83
Bois le prêtre, vue intérieure, AMC, n°209, octobre 2011, p.84
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Budget: 8 986 880 € Shon: 16 520 m2 Prix m2: 544 € Logements: 104
Bois le prêtre, vue depuis la rue, Density is home, a+t research group, p.198
2. Approche conceptuelle
Druot + Lacaton & Vassal Réhabilitation tour de logements Bois le Prêtre, 2010 Budget: 8 986 880 € Shon: 16 520 m2 Prix m2: 544 € Logements: 104
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Le plan est représentatif du travail d’épaississement de l’enveloppe. Cette solution permet d’agrandir considérablement la surface habitable tout en offrant une réelle alternative thermique. Le préfabrication permet ici de conserver une bonne célérité au cours du chantier et un assemblage simplifié. Tels des modules, les blocs jardin d’hiver/balcons sont superposés et assemblés sur l’ossature propre de la nouvelle enveloppe. Pour éviter les problèmes de ponts thermiques au niveau des raccords avec les planchers, les nez de dalles existants sont mis à distance par un retrait par rapport au jardin d’hiver et sont donc protégés par le hors d’air.
Bois le prêtre, plan, AMC, n°209, octobre 2011, p.82
Bois le prêtre, détail coupe, modules préfabriqués, Density is home, a+t research group, p.204
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2. Approche conceptuelle
Druot + Lacaton & Vassal Réhabilitation tour de logements Bois le Prêtre, 2010 Budget: 8 986 880 € Shon: 16 520 m2 Prix m2: 544 € Logements: 104
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs
Bois le prêtre, coupe axonométrique détaillée, redessin personnel
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2. Approche conceptuelle
Herzog & De Meuron Logements 17 rue des suisses, Paris 1999-2000
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs L’enveloppe est ici traitée comme un espace additionnel, une épaisseur ajoutée au logement. Comme toujours dans le travail d’Herzog & De Meuron, la question esthétique se pose de manière quasi sculpturale. Ici, l’enveloppe est traitée de manière différente en fonction des deux cas de figures contextuels ; la façade alignée sur rue ou en cœur d’îlot. L’enveloppe est composée par une superposition de coursives équipées de systèmes d’occultation. Côté rue, ce système est composé de panneaux métalliques sombres dépliables en accordéon, contrastant avec l’existant. Dans la cours, les coursives sont protégées par un système de rideaux enroulés en bois. Récompensé par l’équerre d’argent, ce projet soulève néanmoins des problèmes en termes d’esthétisme. L’aspect esthétique de l’enveloppe est un point important qui ne doit pas être sacrifié au cours de la conception. La radicalité des choix appliqués à l’enveloppe peuvent dans certains cas provoquer l’indignation du des habitants du quartier1, pour des raisons de culture esthétique.
Budget: 5 640 000 € Logements: 57
Logements rue des Suisses, raccord à l’existant, El Croquis n°152-153, p.104 Logements rue des Suisses, façade en coeur d’ilôt, El Croquis n°152-153, p.109
1 Voir l’article dans Libération du 16 janvier 2002: «Le 17, rue des Suisses décroche l’équerre d’argent», par Ange Dominique Bouzet
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2. Approche conceptuelle
Herzog & De Meuron Logements 17 rue des suisses, Paris 1999-2000 Budget: 5 640 000 € Logements: 57
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs
Logements rue des Suisses, plan, El Croquis n°152-153, p.108
Logements rue des Suisses, plan, El Croquis n°152-153, p.108
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Logements rue des Suisses, détail enveloppe, El Croquis n°152-153, p.112
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2. Approche conceptuelle
Herzog & De Meuron Logements 17 rue des suisses, Paris 1999-2000 Budget: 5 640 000 € Logements: 57
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs
Logements rue des Suisses, balcon filant, El Croquis n°152-153, p.112
Logements rue des Suisses, façade sud/sud-est, panneaux dépliants, El Croquis n°152-153, p.112
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2. Approche conceptuelle
Baumschlager & Eberle Logements Winterthur, 2005
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Ce projet pose la question de la continuité visuelle entre intérieur et extérieur. L’enveloppe est constituée de panneaux coulissants translucides, ce qui permet de diffuser une lumière tamisée dans le logement, réduisant ainsi l’impact solaire. Derrière la grande uniformité de l’enveloppe se dissimulent un réseau de loggias qui s’inscrit comme une épaisseur praticable de l’enveloppe. La question de l’esthétique est ici très présente. Dans quelle mesure une façade peut elle être esthétique sans perdre de ses performances ? Baumschlager & Eberle traitent ici l’enveloppe comme une superposition de filtres composés de panneaux coulissants, verre et polycarbonate. D’un point de vue matériel, le choix du polycarbonate permet de conférer à l‘enveloppe un aspect très contemporain, en jouant sur la perméabilité à la lumière de l’extérieur vers l’intérieur mais aussi dans l’autre sens. Cependant, d’un point de vue conceptuel, leur approche s’assimile plus à une remise à jour des éléments présents dans l’architecture japonaise traditionnelle.
Logements Winterthur, façades, http://www.baumschlager-eberle.com/en/projects/ typological/residential/details-of-project/project/ wohnanlage-eichgut.html
Logements Winterthur, façades, Baumschlager Eberle 2002-2007: Architektur Menschen und Ressourcen, p.191
Logements Winterthur, façades, Baumschlager Eberle 2002-2007: Architektur Menschen und Ressourcen, p.196
Logements Winterthur, façades, Baumschlager Eberle 2002-2007: Architektur Menschen und Ressourcen, p.194
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2. Approche conceptuelle
Baumschlager & Eberle Logements Winterthur, 2005
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extĂŠrieurs
Logements Winterthur, plan, coupe, http://www.baumschlager-eberle.com/en/projects/ typological/residential/details-of-project/project/ wohnanlage-eichgut.html
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2. Approche conceptuelle
Serrat, Egea, Garcia Logements pour personnes agées Barcelone, 2009
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Dans ce projet l’enveloppe se compose en damier, par un jeu d’alternance entre plein et vide. D’un point de vue des usages, cette solution permet d’offrir un espace extérieur à chaque logement. La régularité de la trame permet de mettre en œuvre des matériaux standardisés. Mais dans ce cas, le problème des décalages de façade se pose. La discontinuité des espaces extérieurs, en opposition aux solutions de Druot, Lacaton & Vassal ou de Herzog & De Meuron, pose des problèmes au niveau des étanchéités, des ponts thermiques. La coupe montre les problèmes que pose la discontinuité des espaces extérieurs. Une telle solution est cependant tolérable en zone tempérée. En termes d’usages, ce système permet d’offrir à chaque unité d’habitation un espace extérieur et permet aussi de réguler les apports solaires, notamment l’été.
Budget: 6 961 500€ Shon: 8 925 m2 Prix m2: 780€ Logements: 89
Logements, façade, Density is home, a+t research group, p.148
Logements, façade, Density is home, a+t research group, p.148
Logements, zoom façade, trame & loggias, Density is home, a+t research group, p.150
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2. Approche conceptuelle
Serrat, Egea, Garcia Logements pour personnes agées Barcelone, 2009 Budget: 6 961 500€ Shon: 8 925 m2 Prix m2: 780€ Logements: 89
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs
Logements, plan, Density is home, a+t research group, p.147
Logements, coupe, Density is home, a+t research group, p.149
Logements, coupe, Density is home, a+t research group, p.149
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2. Approche conceptuelle
Serrat, Egea, Garcia Logements pour personnes agées Barcelone, 2009 Budget: 6 961 500€ Shon: 8 925 m2 Prix m2: 780€ Logements: 89
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs
Logements, coupe, échelle 1/100e Density is home, a+t research group, p.151
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74
2. Approche conceptuelle
ZigZag Logements Mieres, 2010 Budget: 10 614 800€ Shon: 17 840 m2 Prix m2: 595€ Logements: 131
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs L’enveloppe de ce projet se décline en deux thématiques. Une enveloppe métallique continue à l’extérieur de l’îlot et une enveloppe épaisse avec occultations en bois en cœur d’îlot. Ce projet aborde le thème de la continuité de l’enveloppe. En effet, la toiture est la continuation de la façade, faite d’un même revêtement.
Logements, façade côté rue, Density is home, a+t research group, p.341
Logements, façade côté cours, Density is home, a+t research group, p.341
Logements, faille vue depuis la rue, Density is home, a+t research group, p.333
Logements, modélisations, Density is home, a+t research group, p.335
Logements, faille vue depuis la rue, Density is home, a+t research group, p.333
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2. Approche conceptuelle
ZigZag Logements Mieres, 2010 Budget: 10 614 800€ Shon: 17 840 m2 Prix m2: 595€ Logements: 131
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs Le plan masse montre les limites de ce procédé. Le fait de traiter l’enveloppe du bâtiment comme une dichotomie intérieur/extérieur d’îlot provoque une négation de l’orientation. Hors l’orientation est primordiale dans la conception d’une enveloppe.
Logements, plan étage, Density is home, a+t research group, p.337
N
Logements, plan rdc, Density is home, a+t research group, p.336
Logements, coupes, Density is home, a+t research group, p.338-339
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2. Approche conceptuelle
ZigZag Logements Mieres, 2010 Budget: 10 614 800€ Shon: 17 840 m2 Prix m2: 595€ Logements: 131
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs La solution proposée par le système de façade épaisse permet une plus grande liberté dans les usages, notamment par la création d’un double parcours, une double distribution, à la fois intérieure et extérieure. Le fait d’avoir regroupé les pièces de vie au centre du projet, orientées vers le cœur d’îlot, est une réponse claire dans la définition des usages, et rend plus juste l’emploi de la façade épaisse, offrant ainsi un prolongement aux espaces de vie tout en proposant une certaine opacité ajustable pour régler l’intimité.
Logements, vue intérieure des balcons à système filtrant, Density is home, a+t research group, p.337
Logements, double distribution, intérieure-extérieure, Density is home, a+t research group, p.337
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2. Approche conceptuelle
ZigZag Logements Mieres, 2010 Budget: 10 614 800€ Shon: 17 840 m2 Prix m2: 595€ Logements: 131
2.6 Enveloppe comme espace praticable Conjuguer les espaces extérieurs La volonté esthétique prend sans doute le pas dans ce projet qui oppose la façade sur rue plutôt mince et opaque à la façade sur cours largement ouverte, épaisse et composée de balcons.
Logements, coupe, échelle 1/50e, Density is home, a+t research group, p.340
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3. Approche matérielle
3.1 Performance de l’enveloppe
Thermique Le thème du confort thermique est inhérent à la définition de logement. Cela implique une stabilité et un équilibre au sein du logement, concernant différents paramètres. D’abord le degré d’humidité, mais aussi la température de l’air ambiant et la maîtrise de ses variations. Bien sûr le déplacement de l’air doit être contrôlable, ce qui implique une réflexion en plan et en coupe pour concevoir des logements où l’aération naturelle est permise, logements traversant. L’aménagement intérieur compte beaucoup dans le ressenti thermique et permet une gestion des écarts de température entre intérieur et extérieur. La performance de régulation de l’enveloppe, couplée à une gestion accrue de l’inertie thermique globale du bâtiment permet de prétendre à une architecture autonome en matière d’énergie.
Fonctions de la façade, Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.36
Cumul des fonctions et des composants: ventilation, comfort d’hiver et d’été, protection solaire, Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.74
Trois types de ventilations naturelles: Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.74
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3. Approche matérielle
Lacaton & Vassal
3.1 Performance de l’enveloppe
Cité manifeste, Mulhouse 2005
Lacaton et Vassal développent depuis longtemps une réflexion sur la question de la thermique du logement. Leur postulat est de répondre aux besoins de régulation par le travail de la serre, avec tout ce que cela implique. Tout d’abord, une certaine économie d’investissement concernant l’enveloppe, par la décision de mettre en œuvre des matériaux simples mais dont les propriétés affectent le comportement thermique global du logement. A Mulhouse, les terrasses fermées, déclinées de la typologie de la serre, permettent de profiter de l’effet de serre généré naturellement par la simple exposition solaire pour générer une source de chauffage entièrement indépendante. Pour gérer la situation inverse, celle de la surchauffe durant l’été, un important dispositif de ventilation par ouvertures en toiture et en façade permet de réguler la température, même si l’effet de serre est omniprésent. En effet, un système de rideaux réfléchissants permet de réduire l’impact solaire, bien que pour éviter l’effet de serre, la protection filtrante ou l’occultation doit toujours se trouver entre le soleil et le vitrage.
Cité manifeste, Transparent Plastics: Design and Technology, Simone Jeska p.88
Cité manifeste, Transparent Plastics: Design and Technology, Simone Jeska p.87
Cité manifeste, Transparent Plastics: Design and Technology, Simone Jeska p.90
Cité manifeste, Transparent Plastics: Design and Technology, Simone Jeska p.90
80
Théorie
3. Approche matérielle
OAB, Ferrater & associés Logements place Lesseps, Barcelone 2009
3.1 Performance de l’enveloppe
Logements: 56
L’étude de ce projet permet de comprendre l’accord à trouver entre esthétique et performance. L’enveloppe est ici présentée comme une épaisseur, composée d’espaces extérieurs praticables. Le mode de composition est un dialogue entre modularité et vibration, car derrière une organisation tramée, la façade se déforme pour accueillir des espaces extérieurs. Comme pour le projet de Serrat, Egea & Garcia à Barcelone, une impression de damier se dessine en façade, comme une alternance plein-vide. Mais en réalité cette alternance ne concerne que l’enveloppe externe, car l’enveloppe interne, le hors d’air et hors d’eau, suit en fait une volumétrie générale unitaire et plus simple que la complexité apparente de la façade le laisse croire.
Logements, façades et faille entre les corps de bâtiment AV Monografias 135-136, p.219
Logements, façades et faille entre les corps de bâtiment AV Monografias 135-136, p.220
Epaisseur de l’enveloppe, http://www.ferrater.com
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Théorie
3. Approche matérielle
OAB, Ferrater & associés Logements place Lesseps, Barcelone 2009
3.1 Performance de l’enveloppe
Logements: 56
Plan masse, AV Monografias 135-136, p.218
Elevation, AV Monografias 135-136, p.221 Plan étage courant, AV Monografias 135-136, p.221
Le plan permet la compréhension de l’ondulation derrière la trame. La couche interne de l’enveloppe se déforme pour créer des espaces extérieurs compris dans l’épaisseur générale de l’enveloppe. Une recherche de complexité et de sophistication de l’enveloppe n’est pas une entrave pour venir travailler une structure primaire plus simple, tramée, modulaire. C’est le cas ici avec une structure de voiles, plutôt simple et linéaire, alors que la façade offre des jeux plus complexes de volumétrie et d’opacités.
82
Théorie
3.1 Performance de l’enveloppe
Le détail de la coupe permet de comprendre la hiérarchisation des différents filtres et éléments de façade. Dans un premier temps les systèmes occultants fixes, composés de panneaux à lames métalliques horizontales. Ensuite vient le garde corps et une seconde épaisseur de panneaux à lames métalliques mais cette fois coulissants. Un autre filtre solaire composé de rideaux déroulants protège le double vitrage. Ce système d’occultation et de filtrage par succession de filtres s’opposant entre le soleil et la surface vitrée à protéger est le plus efficace pour éviter un recours à l’air conditionné. On note la présence de ponts thermiques au niveau des nez de dalles, mais encore une fois, ce système répondant à des besoins de logements en zone tempérée, on comprend que la priorité eut été portée sur le confort d’été, en raison des hivers doux.
Détail enveloppe, coupe AV Monografias 135-136, p.222
83
1.
3. Approche matérielle
MDM Architecture Complexe de logements Bruxelles, 2013 Budget: 10 650 000€ Surface: 6500m2 Logements: 117
3.1 Performance de l’enveloppe
Le projet de logements à Bruxelles est un projet intéressant car différents thèmes sont développés pour aboutir à un coût abordable ainsi qu’une performance de l’enveloppe. Il s’agit en fait d’un projet aux aspects multiples car il traite à la fois une réhabilitation d’anciennes usines et d’un programme de logements. Cependant, la partie réhabilitation n’est pas traitée comme un simple rhabillage, mais il est question ici de donner une nouvelle identité au lieu tout en conservant une allusion au passé industriel du site. Ce qui se traduit sur l’enveloppe par l’emploi de matériaux industrialisés, modulaires, selon un assemblage contrasté entre panneautage métallique et revêtement en bois.
Façade sur rue, revue Detail Green, mai 2013, p.30
Façade sur cours, revue Detail Green, mai 2013, p.36 Façade sur cours, revue Detail Green, mai 2013, p.33
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3. Approche matérielle
MDM Architecture Complexe de logements Bruxelles, 2013 Budget: 10 650 000€ Surface: 6500m2 Logements: 117
3.1 Performance de l’enveloppe
Tout d’abord, la contextualisation de l’enveloppe, c’est à dire son rapport au site et à l’orientation. La façade orientée sud/sud-ouest est épaisse, propose des espaces extérieurs praticables, alors qu’elle s’affine et se travaille en panneautage côté nord. Ensuite, la grande rigueur de la modularité appliquée à la composition des élévations, couplée avec une structure en ossature libérant la façade de tout rôle porteur, permet en réalité une grande liberté de solutions concernant la composition matérielle de l’enveloppe. Ce projet offre donc une multitude de types d’enveloppes, au sein d’un même groupe de logements. Enfin, une richesse des espaces extérieurs proposés dans l’épaisseur de l’enveloppe. Tantôt une loggia en double hauteur accueillant un balconcoursive dans la partie haute, tantôt un système de balcons filants, protégés par un vitrage transparent ponctué de plaques translucides.
Plan masse, revue Detail Green, mai 2013, p.32
Coupe, revue Detail Green, mai 2013, p.32
Façade sur cours, revue Detail Green, mai 2013, p.34
86
Loggia en double hauteur, revue Detail Green, mai 2013, p.34
Coupe, loggia et coursive, revue Detail Green, mai 2013, p.34
87
Coupe, revue Detail Green, mai 2013, p.34
88
3. Approche matérielle
Basilio Tobias Logements Saragosse, 2008 Budget: 6 152 500€ Shon: 18 085m2 Logements: 112
3.1 Performance de l’enveloppe
Dans ce projet, l’enveloppe est traitée en épaisseur. Chaque filtre est dissocié et assume une fonction propre. Le traitement de l’épaisseur s’opère dans un jeu d’alternance entre loggias et espaces clos, ce qui tend à brouiller la lecture du rythme de la composition et l’appréhension de la profondeur. La forte répétition des composants de l’enveloppe, induite par une réflexion sur la modularité, permet de faire baisser le prix des matériaux du fait de l’importance du nombre. La forte répétition des composants de l’enveloppe, induite par une réflexion sur la modularité, permet de faire baisser le prix des matériaux du fait de l’importance du nombre, ce qui n’est pas sans rappeler la stratégie de Kempe & Thill pour la réhabilitation de Uithoorn. Cependant, la solution de Tobìas concernant le choix des éléments vitrés est moins radicale que celle de Kempe & Thill pour le HipHouse de Zwolle. A Zwolle, les éléments vitrées composent la quasi intégralité de l’enveloppe et permettent l’économie de menuiserie métalliques, alors qu’à Saragosse, Tobìas met en œuvre des éléments vitrés de moindre taille ce qui implique l’intervention de plus de composants de menuiserie. Souto de Moura
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Façades AV Monografias 135-136, p.216
Façades AV Monografias 135-136, p.217
3. Approche matérielle
Basilio Tobias Logements Saragosse, 2008 Budget: 6 152 500€ Shon: 18 085m2 Logements: 112
3.1 Performance de l’enveloppe
Coupe, AV Monografias 135-136, p.214
Plans, AV Monografias 135-136, p.214
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3. Approche matérielle
Basilio Tobias Logements Saragosse, 2008 Budget: 6 152 500€ Shon: 18 085m2 Logements: 112
3.1 Performance de l’enveloppe
Coupe, http://www.plataformaarquitectura. cl/2012/02/22/112-viviendas-expo-basilio-tobias/section-36/
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3. Approche matérielle
Basilio Tobias Logements Saragosse, 2008 Budget: 6 152 500€ Shon: 18 085m2 Logements: 112
3.1 Performance de l’enveloppe
Façade, AV Monografias 135-136, p.215
Plans, AV Monografias 135-136, p.214
Détail enveloppe, AV Monografias 135-136, p.216
92
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des éléments
de construction
Ci-dessus: Collection de matériaux Façades: Principles of construction, Knaack, Klein, Bilow, Auer, p.121
Ci-droite: Séchage du cèdre de la scierie Mill, Seattle Webster & Stevens, 1919 Natural History, Herzog & De Meuron, 2005, p.190
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Avant propos La notion d’enveloppe regroupe plusieurs thèmes tels que la bande active comme zone tampon, la flexibilité aux usages, le traitement de la double peau, les dispositifs de régulation en façade ainsi que la notion d’économie de projet par la mise en oeuvre d’une enveloppe par filière sèche. Créer une enveloppe abordable et performante, surtout si l’on se place dans un contexte où l’augmentation constante du besoin débouche sur l’expansion des bidonvilles, est une démarche qui induit plusieurs moyens compatibles tels que la mise en oeuvre de matériaux courants et industrialisés, puis dans certains cas, de mettre en ligne de compte le recyclage de matériaux issus de démolitions, le détournement fonctionnel de certains éléments industriels, voire même des chutes et des “invendus” de la société de consommation qui est une source intarissable de matériaux abordables en tout genre. Cette politique forte est une condition sine qua non pour mener à bien le développement de projets efficaces et engagés, car le fait de prétendre trouver une solution pour loger 4 milliards de personnes est en soi une prise de position puissante, le début d’une guerre contre de nombreux obstacles. Il faut savoir tourner les obstacles en avantages. En effet, Nietzsche, dans sa critique des valeurs platoniciennes, amène à penser que la nature même de la vie est peut-être de n’exister qu’en état de lutte permanente contre des résistances, et confère donc à ces résistances, autant d’importance qu’aux avantages puisque cette lutte pousse la vie à se surpasser, à évoluer1. Enfin, l’économie de projet, qui doit être omniprésente dans la réflexion d’aujourd’hui en matière de développement, qui s’exprime à de multiples niveaux, depuis la radicalité de la conception jusqu’à la gestion minutieuse de la mise en œuvre dans un souci de gestion de l’impact économico écologique.
1
Par-delà bien et mal, Nietzsche, 1886. Traduction et présentation de Patrick Wotling, ed. GF Flammarion. p.19
95
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des éléments
de construction
99 Cent II Diptychon Andreas Gursky
Standardisé Industriel Générique
3. Approche matérielle
Kempe & Thill
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
L’atelier Kempe Thill développe un travail basé sur un appui théorique fort aux incidences directes. D’après leur manifeste, il est primordial de développer des structures neutres et flexibles pour être en mesure de proposer une flexibilité d’usages et de programmation, car l’évolution des modes de vies, les schèmes sociaux et familiaux ne sont plus aussi stables et clairement délimités que par le passé, ce qui implique une baisse de la durée moyenne d’occupation d’un logement par habitant.
“The consistent use of industry products is recommanded.1” _Atelier Kempe & Thill
1
revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.345
Le logement doit donc être assez neutre pour être occupé par un grand nombre d’habitants se succédant au gré du temps. Partant de cette base théorique, Kempe & Thill ont poussé leur volonté d’innovation sur de multiples points concernant l’enveloppe. Tout d’abord, la conception de façades fines, permises par la mise en œuvre de pièces d’aluminium extrudées, notamment pour les logements de la Haye, ainsi qu’une importance apportée au verre structurel.
Profilé aluminium http://www.atelierkempethill.com/0071_facade.html
97
3. Approche matérielle
Kempe & Thill
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
En effet, pour le projet des maisons mitoyennes de Rooseendaal, les portes sont composées de verre et l’enveloppe est globalement une peau de verre, composée de grands panneaux. Ce principe est le même que pour le projet Hiphouse de Zwolle ou pour le centre d’information de Rotterdam, où des panneaux de verre de 3x3m sont mis en œuvre, l’idée étant de se référer aux dimensions maximales permises par la découpe du verre aux Pays Bas, dont le format référent est 6x3,15m. Ensuite, Kempe & thill se penchent sur la question de l’ouverture de la façade, toujours dans leur questionnement concernant le rapport entre intérieur et extérieur. Se rapprochant dans une certaine mesure du musée de Shizuoka de Shigeru Ban en terme d’ouverture quasi totale de la façade, la salle de concert Franz Liszt à Raiding en Autriche est encore le lieu de l’expérimentation. Des panneaux de 4m de côté, composés d’une structure métallique et d’une couverture en bois, permettent d’interroger l’épaisseur de l’enveloppe et la notion de mur, en créant ainsi un mur amovible. Par ailleurs, interrogeant plasticité et exigences thermiques, un autre aspect du travail sur l’enveloppe à pris forme. La mise en place d’une couche isolante extérieure composée de polyuréthane et de plâtre, pour le revêtement de la salle de concert de Reiding.
Portes à verre structurel http://www.atelierkempethill.com/0014_innovation. html
Façade & loggias, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.373
98
3. Approche matérielle
Kempe & Thill Rénovation de logements collectifs Uithoorn, Pays Bas, 2010
3.1
Budget: 53 311 488€ Shon: 104 124 m2 Prix m2: 512€ Logements: 1 100
Choix des matériaux et des
éléments de construction
En ce qui concerne la rénovation des neuf barres de logements de Uithoorn, l’idée de production en série entre en ligne de compte. Tout d’abord, compte tenu du nombre de logements à réhabiliter, 1100, l’idée de produire une conception uniformisée et rationalisée était le seul parti pris raisonnable pour maintenir un coût global inférieur à un processus de tabula rasa. Les impératifs de cette opération portaient sur différents points. Notamment stopper les déperditions calorimétriques propres aux logements collectifs construits dans la période 1950-1973, précédant la première règlementation thermique de 1974. Ce qui implique une requalification de l’enveloppe. Le postulat fut simple et radical, ôter tous les éléments composant les façades latérales et les remplacer par un une peau vitrée, réglée par un calepinage ordonnant garde corps transparents, fenêtres et panneaux fixes translucides. Concernant les murs latéraux des barres, ils sont entièrement recouverts d’une couche isolante protégée par un mur de brique. Le levier décisif dans ce projet est l’emploi de composants préfabriqués, commandés en très grande quantité au fournisseur, ce qui permet faire baisser le prix d’achat global de fournitures. C’est en cela que le choix de travailler sur la standardisation est pertinent, car il permet de s’inscrire en accord ave le mode de production, et donc de passer de l’architecture de papier à l’architecture construite.
99
Vue aérienne, Density is home, a+t research group, p.184
Plan masse, Density is home, a+t research group, p.185
Mise en oeuvre, assemblage des éléments préfabriqués, Density is home, a+t research group, p.189
3. Approche matérielle
Kempe & Thill Rénovation de logements collectifs Uithoorn, Pays Bas, 2010
3.1
Budget: 53 311 488€ Shon: 104 124 m2 Prix m2: 512€ Logements: 1 100
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Façade existante, Density is home, a+t research group, p.188
Façade réhabilitée, Density is home, a+t research group, p.188
Axonométrie de la réhabilitation, Density is home, a+t research group, p.186
100
3. Approche matérielle
Kempe & Thill
3.1
Choix des matériaux et des
Aomori Japan 2002
éléments de construction
Une compétition lancée à Aomori concernait une parcelle de 5600m2 d’espace public et devait lier une proposition de logement tout en conservant un parc public. Kempe & Thill proposèrent un bâtiment occupant la périphérie de la parcelle, entièrement vitré, au coeur envahie par la nature. L’idée directrice du projet est de superposer des habitations sous forme de volume appropriable par les habitants. Le projet entretient une similitude avec la strcuture d’un rayon de magasin métallique, dans lequel sont rangés les volumes habités, desservis par un accès voiture dans les étages. Le tout est composé d’une structure à ossature métallique. Poutres et solives soutenant un ensemble de dalles de béton. Devant répondre à des exigences sismiques, l’ensemble de la structure est contreventée et renforcée par un réseau de câbles de 20mm de diamètre situés en façade, « the spring ring », qui permet d’absorber les efforts horizobtaux du vent et des secousses sismiques. Le principe est simple : le projet est composé à 100% d’éléments préfabriqués, pour réduire le coût global mais aussi le temps d’assemblage. Tout comme dans le projet de réhabilitation Uithoorn, le fort taux de répétition des éléments et leur grande quantité permettent de réduire le coût des matériaux.
Perspective volumes habités, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.173
Maquette, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.173
Coupe perspective, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.172
101
3. Approche matérielle
Kempe & Thill
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Axonométrie strcucturelle, Time-based Architecture, Bernard Leupen, p.174
102
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Préfabriqué La préfabrication, ainsi que le fait de choisir des structures à ossature, est bien sûr un thème à intégrer dans cette démarche de recherche, pour permettre des assemblages en zones difficilement accessibles et pour réduire la durée du chantier. C’est aussi un moyen de mieux incorporer l’industrialisation des matériaux employés pour simplifier la chaîne de production et réduire le coût global.
“Serialisation and reduction are necessary to reduce the actual working hours on site, and thus, save costs.1” _Atelier Kempe & Thill
1
revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.343
L’histoire de la construction basée sur des éléments préfabriqués remonte déjà à la fin du XIXème siècle, si l’on ne prend pas en compte les briques romaines. En effet, François Hennebique utilise déjà des panneaux préfabriqués en béton en 1896. Plus tard, Ernst May travaille avec la préfabrication mais aussi Walter Gropius à Dessau et Törten. Mario Botta s’est lui aussi penché sur la question avec un œil précis en réinterprétant les couleurs du bâti local en plaçant des blocs de béton dans la réalisation de maisons individuelles.
Maison préfabriquée Parco, San Francisco, Prefabricated Systems: Principles of Construction, Knaack, Chung-Klatte, Hasselbach, p.9
103
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Cependant, au cours de l’histoire, la préfabrication a contraint l’architecture à de multiples niveaux. Dans la période 1950-1970, la préfabrication s’est trouvée être un moyen d’industrialiser la réponse au manque de logement de l’après guerre. En effet, cette réponse lourde appuyée par un mode de production poussé par l’industrie a permis de tendre à son but basique, construire des milliers d’unités d’habitation regroupées pour un budget minimal. Dans une pure logique de production et de rentabilité, le panel de produits préfabriqués disponibles était surtout composés de panneaux bétons, porteurs, de dalles, de dimensions ne dépassant que rarement celles d’une pièce, pour des raisons de transport. Mais la structure en ossature ne fut que trop peu souvent utilisée, en comparaison de celle à voiles porteurs. Hors l’emploi d’éléments trop génériques et figés comme par exemple l’emploi de panneaux rigides pour le cloisonnement, a donné lieu à la conception de plans rigides, de façades cristallisées posant de multiples problèmes. Ossature préfabriquée, Prefabricated Systems: Principles of Construction, Knaack, Chung-Klatte, Hasselbach, p.118
104
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Dans les villes périphériques aux abords de Paris en forte expansion, Massy en est un exemple probant, l’essor économique attire la promotion immobilière et donne lieu à l’édification de bâtiments aux qualités génériques. Alors que ces opérations immobilières pourraient être le lieu de l’expérience, en proposant des solutions innovantes en matière de structure et de potentiel d’évolutivité, ce sont plus ou moins les mêmes schémas constructifs qui sont appliqués. Pourquoi cette persistance d’habitudes lourdes ? Car la construction en béton armé permet d’employer une main d’oeuvre peu qualifiée, là ou un chantier d’ossature et de structure préfabriquée assemblée in situ par filière sèche requiert une main d’oeuvre spécifique plus coûteuse. Mais pourtant, à long terme, l’économie du projet pâtit de ce choix, la façade ne profitant pas de la liberté offerte dans un projet à ossature. Pour mieux comprendre les origines et les ramifications de la préfabrication appliquée au logement, il est intéressant de prendre en compte le travail sur le sujet du groupe de réflexion fib task groupe 6.7 Affordable Housing1. Dans leur traité sur la question, intitulé Prefabrication for Affordable housing, ils établissent un état des lieux de ce que fut et ce qu’est la préfabrication appliquée au domaine de la construction de logements. Des idées émergent de cet écrit et permettent d’orienter les attitudes à adopter pour adapter la préfabrication aux questions économiques liées au manque de logement global. La préfabrication est fille de l’industrialisation, appliquée à des problématiques de construction. Ces deux outils combinés permettent de produire massivement des éléments de construction standardisés à moindre coût et d’augmenter le rendement de la construction de logements.
1 David Fernandez Ordonez, Antoni Cladera Bohigas, Barry Crisp, Bruno Della Bella, Iria Doniak, Jaime Fernandez Gomez, Holger Karutz, Diane Laliberte, Marco Menegotto, Julian Salas, Javier Angel Ramirez, Spyros Tsoukantas
105
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Dans un premier temps, il en ressort que la préfabrication est un moyen de s’adapter avec plus de souplesse à la grande variété contextuelle à laquelle se heurte les programmes de relogements post catastrophes ou dans les programmes de logements collectifs courant tels qu’ils sont pratiqués par les politiques urbaines occidentales en général. En prenant du recul sur le grand panel de contextes à prendre en compte dans la volonté de construire des logements en nombre important, que ce soit dans la politique de parer au manque de logement en France ou de proposer des solutions de développement dans les zones surpeuplées de Caracas, il est évident que de nombreux paramètres sont difficilement normalisables. Les infrastructures étant très variables d’un contexte à l’autre, la construction doit se parer d’outils capables de s’affranchir de ces variantes contextuelles. La préfabrication permet une grande liberté d’action, en termes de transport de fournitures, d’accessibilité. Pour limiter les dépenses énergétiques liées au transport d’éléments de construction, souvent produits à l’étranger pour des raisons de compétitivité, l’emploi de la préfabrication doit être assujetti à une certaine éthique, liée à une analyse pertinente des ressources matérielles du site. C’est donc une préfabrication contextuelle qui serait idéale, sortie de tout rapport de force économique. La perception courante du logement dans les pays développés est davantage celle d’un produit, issu de financements et de coopérations entre décideurs, alors que dans les pays émergents, le logement est perçu comme un processus lent, qui peut durer des années et auquel participe pleinement l’habitant, loin de se voir attribuer un logement, mais étant confronté à la nécessité de bâtir lui même son logement. Dans ce cas la préfabrication est la solution la plus raisonnable.
106
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Dans les pays émergents, la main d’œuvre est moins couteuse que dans les pays du nord, ce qui incite d’autant plus à recourir à la préfabrication pour assembler rapidement un bâtiment. Le groupe 6.7 rappelle que la préfabrication s’opère selon un transfert technologique à deux niveaux, tout d’abord vertical de la théorie à la pratique, mais aussi horizontal, entre les différents secteurs industriels. L’un des avantages de la préfabrication est le rapport efficacité structurelle/quantité de matière. En effet, le fait de travailler avec des structures à ossatures contreventées par câbles en façades ou par systèmes inclus dans les planchers permet d’avoir un squelette solide, économe en matière mise en œuvre. Hors en France, la tendance est pour l’heure à la construction de bâtiments-coque, sur dimensionnés d’un point de vue de la quantité de béton consommée. Ce qui est problématique n’est pas le matériau béton, qui est un matériau aux diverses facettes et aux emplois multiples, mais plutôt sa mise en œuvre massive et systématique dans de grandes quantités, là où un emploi précis et réglé, parfois préfabriqué, pourrait atteindre le même résultat structurel. Pour comprendre ce point de vue il suffit de prendre en compte toutes les variétés de bétons à disposition de l’architecte. Le béton peut être isolant, quand il est cellulaire, pré contraint ou être presqu’aussi résistant que le métal avec l’emploi de béton fibré ou ductal. Une rationalisation dans l’emploi du béton permettrait une économie de matière par l’emploi raisonné du type de béton approprié à chaque partie du bâtiment.
107
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Préfabrication du béton Les éléments de béton préfabriqués présentent de multiples avantages en comparaison avec le travail du béton banché in situ. Le béton préfabriqué présente une forte résistance mécanique, d’autant plus que le béton est aujourd’hui amélioré chimiquement par ajout de microgranules, adjuvants, fibres métalliques ou polypropylène. Les éléments préfabriqués en béton possèdent une bonne tenue au feu, une bonne durabilité structurelle. De plus, il existe des bétons aux propriétés isolantes, thermiquement et phoniquement, disponibles en panneaux maniables à la main. La préfabrication du béton évite de nombreux inconvénients liés au béton coulé sur site, comme l’accéssibilité des camions toupies, les problèmes de coulage, de vibration régulière du béton ainsi que les variations climatiques, taux d’humidité, précipitations. De plus, l’une des conditions sinequanone au bon déroulement d’un chantier est la gestion des difficultés climatiques inhérentes au site. Hors il apparaît quelque fois difficile de travailler dans de bonnes conditions. C’est là que la préfabrication est un outil approprié, car ce procédé permet de produire les éléments de construction au préalable en atelier, à l’abri de toute instabilité climatique. Cela réduit les risques liés au travail sur site et devient d’atteindre une plus grande précision dans la mise en œuvre et donc une tolérance plus faible. Un bâtiment est perçu comme un ensemble, une globalité, mais est aussi une combinaison complexe d’éléments structurels, fonctionnels, filtrants. L’ajustement de ces éléments les uns par rapport aux autres est une difficulté qui impose une certaine tolérance dans la mise en œuvre, en fonction du type de matériau employé. De l’ordre du cm pour le béton, du millimètre pour le bois.
108
Préfabrication
3. Approche matérielle
Zanderroth Architekten Développement résidentiel Berlin, 2012
3.1
Budget: 15 130 000€ Shon: 6624 m2 Logements: 45
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Façade en béton préfabriqué, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.377
Zanderroth Architekten ont opté pour une stratégie économique. L’implantation linéaire des deux corps de bâtiments évite les décalages en façade et permet une grande modularité de la composition. Cette régularité géométrique permet de mettre en œuvre des éléments préfabriqués en béton, pour la peau extérieur. Il s’agit ici d’un type très populaire pour créer du logement abordable, qui peut permettre une économie allant jusqu’à 25% du prix global de construction.
Circulation verticale, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.380
109
Préfabrication
3. Approche matérielle
Zanderroth Architekten Développement résidentiel Berlin, 2012
3.1
Budget: 15 130 000€ Shon: 6624 m2 Logements: 45
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Le détail p.105 montre la rigueur apportée à la volonté de protéger thermiquement la structure primaire. L’enveloppe est séquencée, entre structure et filtres. D’abord, la structure primaire en béton armé de 160mm, puis une couche isolante de 140mm. Vient ensuite une lame d’aire de 20mm et enfin le revêtement extérieur composé d’éléments en béton préfabriqués de 90mm d’épaisseur. Cette décomposition en éléments spécifiques limite l’emploi de béton coulé in situ et permet d’élever le niveau de préfabrication du chantier. Un soin particulier est apporté à la jonction entre les baies et les différentes couches de l’enveloppe. Le retour intérieur de l’isolant est capoté par un système de panneaux sandwich en bois, emprisonnant une couche d’isolant. Le double vitrage est composé de verre isolant, et les ouvrants en bois renferment une couche isolante. Le détail p.106 montre un autre aspect de l’enveloppe. Ici, la couverture extérieure est composée d’une épaisseur de 8mm d’aluminium. On peut constater l’épaississement opéré au niveau du nez de dalle en porte à faux au dessus de la loggia, pour encaisser les variations thermiques. L’étude de ces documents permet d’apprécier les marges de manœuvre que s’octroient les maître d’œuvre selon le climat du site. En effet, la méthode rigoureuse mise en œuvre pour isoler au mieux le projet de Zanderroth à Berlin contraste avec le projet d’OAB étudié dans ce corpus, où la question des ponts thermiques est moins dommageable au confort d’hiver, situé à Barcelone.
Vue des toitures, logements modulaires, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.378
Vue intérieure, baies vitrées, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.381
Vue depuis étage haut, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.381
110
3. Approche matérielle
Détail enveloppe, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.383
111
3. Approche matérielle
Détail enveloppe, revue Detail, vol.4, juillet-août 2012, p.382
112
Préfabrication
3. Approche matérielle
Souto de Moura
3.1
Choix des matériaux et des
Logements Porto conception 1992 construction 1995
éléments de construction
Ce projet s’inscrit dans une tradition constructive issue de l’évolution historique et urbaine de Porto. Situé en périphérie proche, beaucoup de bâtiments sont construits avec des éléments préfabriqués en pierre, ou avec une structure en façade porteuse composée de brique, avec une charpente en bois. Les murs extérieurs sont en général protégés par un panneautage en zinc. Souto de Moura réinterprète cette logique constructive en substituant à la structure en brique ou en pierre, une ossature en acier. Cette structure simple, rationnelle et modulaire permet d’ouvrir la façade de plancher à plancher et de créer des espaces de vie lumineux. L’approche conceptuelle de ce projet, qui consiste à réinterpréter les modes constructifs ancestraux de la région de Porto, permet de développer des thèmes contemporains tels que l’industrialisation, la préfabrication et la modularité. Les matériaux employés sont issus de la chaîne de production industrielle et sont donc disponibles à bas coût. L’assemblage in situ d’éléments préfabriqués permet une mise en œuvre plus rapide par filière sèche.
Rapport à l’existant, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.258
Façade en métal, préfabrication, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.259
Façade arrière, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.263
113
Préfabrication
3. Approche matérielle
Souto de Moura
3.1
Choix des matériaux et des
Développement résidentiel Berlin 2012
éléments de construction
Plans, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.261
114
Préfabrication
3. Approche matérielle
Souto de Moura
3.1
Choix des matériaux et des
Développement résidentiel Berlin 2012
éléments de construction
Plan, coupes, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.261
115
Préfabrication
3. Approche matérielle
Souto de Moura
3.1
Choix des matériaux et des
Développement résidentiel Berlin 2012
éléments de construction
Vue intérieure, pièce d’eau, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.260
Vue intérieure, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.260
Façade, New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR, p.262
116
3. Approche matérielle
3.1
Choix des matériaux et des
éléments de construction
Recyclé, renouvelable Une autre solution plus radicale peux se traduire par la récupération de matériaux non utilisés et même de procéder à un détournement fonctionnel d’éléments préfabriqués et industriels, dans le but de procéder à un recyclage de matière et à réduire le coût des fournitures.
Patrick Bouchain Patrick Bouchain s’efforce depuis des années à engager un mouvement de réaction face aux problèmes de mal logement et place ses espoirs dans une prise de conscience politique. Il négocie la récupération de matériaux non utilisés sur les chantiers situés dans une zone définie autour de sa zone de projet et propose à des personnes sans emplois de travailler à la construction de ses projets, sorte d’autoconstruction encadrée. Stéphane Malka Stéphane Malka aborde le problème du logement abordable de manière assez frontale en préconisant la récupération de matériaux surnuméraires tels que les palettes de stockage. . Il propose une enveloppe composée de palettes associées deux à deux en système de panneaux pliants, permettant d’occulter la façade.
117
4. Approche contextuelle
4.1 Ressources in situ
Matériaux locaux Bois Ce matériau possède des propriétés presque aussi multiples que le nombre d’essences existantes. On compte environ 30000 essences dans le monde dont 500 disponibles dans le commerce. A la fois matériau et matière, cultivable, débitable et renouvelable, il présente l’avantage d’être perçu et traité en tant que matière première, donnant naissance à de nombreux matériaux dérivés dont les propriétés peuvent varier du tout au tout en fonction du traitement subit, de la mise en forme structurelle donnée à la matière. En plus d’être un parfait moyen de stocker du carbone, le bois propose un champ étendu de possibilités constructives et reste encore sous exploité dans le domaine du logement collectif, en France. Peut-être parce que, à la différence du béton, il implique la mise en action d’une main d’œuvre qualifiée plus coûteuse, et que son emploi en milieu urbain n’est pas entré dans les mœurs constructives. Cependant le bois est un matériau d’avenir, à la fois par sa flexibilité de mise en œuvre et par sa nature renouvelable. Facile à travailler, il se plie à la modularité et permet de mener à bien un chantier en filière sèche, ce qui peut s’avérer essentiel dans des contextes particuliers difficiles d’accès.
118
4. Approche contextuelle
Glenn Murcutt
4.1 Ressources in situ
Glenn Murcutt est passé maître dans l’art de magnifier la simplicité des assemblages, tout en conservant fonctionnalité et qualités architecturales. Dans le cas de la maison Marie Short, à Kempsey, Murcutt met en oeuvre tout un panel de matériaux usuels locaux, allant d’essences de bois poussant à proximité aux taules ondulées des toitures. Ce choix de matériaux abordables et facilement disponible est un avantage conséquent pour rendre un projet plus facilement viable et lui permettre d’être aisément transposable dans diverses régions défavorisées des pays émergeants, en s’adaptant aux matériaux locaux et accessibles. Cette démarche a aussi pour but de limiter les dépenses énergétiques liées au transport des matériaux et de la main d’oeuvre afin de simplifier la logistique globale. Dans un marché constamment en phase avec un système de concurrence mondialisé, faisant appel de manière a-contextuelle à la solution la plus rentable à cours termes, il serait bon de revenir à une étude plus nette des ressources in situ. Quant à la plupart des projets de Glenn Murcutt, ils rivalisent d’ingéniosité pour mettre en oeuvre des matériaux courants selon des assemblages simples et efficaces, comme le montre la réalisation de la Maison Marie Short, où la toiture est composée de taules ondulées métalliques. D’ailleurs, si Murcutt a imaginé des assemblages simples pour faciliter le travail des entreprises locales, il n’oriente pas moins ma réflexion vers l’auto-construction. En effet, la notion de logement abordable, pas seulement pour un couple de jeunes cadres dynamiques, mais bel et bien pour un agriculteur ou un réfugié d’un pays émergent, passe par une alternative à l’architecture de l’urgence; la mise à disposition de structures flexibles et appropriables, pouvant intégrer l’auto-construction encadrée, dans une certaine limite, pour aboutir à des logements performants basés sur une mise en oeuvre simple de matériaux locaux bon marché.
119
Plan, Glenn Murcutt, Françoise Fromonot, p.98
Vue extérieure, Glenn Murcutt, Françoise Fromonot, p.99
Vue intérieure, Glenn Murcutt, Françoise Fromonot, p.99
4. Approche contextuelle
4.2 Technicités locales
Référence au vernaculaire Une enveloppe ne peut être abordable que si l’on réduit toutes les sources potentielles de dépenses liées à sa conception et à sa réalisation. Ceci inclus donc une démarche globale, depuis le choix de matériaux jusqu’au modus operandi de mise en oeuvre pour écourter la durée du chantier et donc limiter les dépenses. Dans ce sens, l’architecture vernaculaire est source d’enseignements, issue d’un savoir acquis au fil des générations et dont le mot d’ordre est l’emploi de matériaux locaux et doit faire preuve d’une étude fondée sur un régionalisme critique. Le régionalisme critique est un mouvement de pensée développé au début des années 80 par plusieurs protagonistes, dont les précurseurs furent d’abord Alexander Tzonis, Liane Lefaivre, puis Kenneth Frampton et Lewis Mumford. Ce qui est intéressant dans le travail de Mumford, c’est son analyse des technicités américaines au cours du XXe siècle. Il se penche sur la question du régionalisme critique et de son opposition à tout style universel, prônant les qualités intrinsèquement universelles d’une approche régionaliste, ce qui d’ailleurs pour Anthony Alofsin énonce un paradoxe. Selon Alofsin, Mumford comparait par exemple Thomas Edison à l’un des premiers vrais architectes régionaliste américain, par sa pratique en amateur d’une architecture basée sur l’emploi de ressources locales.
120
« La tradition est un enjeu pour l’innovation.»_ Alvaro Siza
4. Approche contextuelle
4.2 Technicités locales
Un régionalisme critique serait il pertinent aujourd’hui, à l’heure des délocalisations massives et de l’abstraction vers laquelle tendent les systèmes de gestion, tant au niveau des capitaux que des ressources humaines? D’après Keith L.Eggener, le régionalisme critique est avant tout un produit intellectuel, et en cela est problématique.
« Regionalism used to be an interesting approach, but it was also a fait divers.1»
_Souto de Moura
Souto de Moura a sa propre vision du régionalisme critique. Ce ne fût pour lui qu’un mouvement de pensée, porté au cours des années 80, notemment concernant le travail de “l’école de Porto”, dont Siza resterait l’exception confirmant la règle selon lui. Un tel mouvement est selon lui respectable d’un point de vue critique mais n’est pas en phase avec la réalité de la production mondialisée.
« Architectural issues became universal a the start of 20th century ; they broke through frontiers.2»
_Souto de Moura
1 El Croquis n°146, Eduardo Souto de Moura, 2005-2009 Entretient 2 El Croquis n°146, Eduardo Souto de Moura, 2005-2009 Entretient
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4. Approche contextuelle
4.2 Technicités locales
Eggener place le régionalisme critique dans une position de double échec, coincé entre historicisme et modernisme. Selon lui, l’idée de Frompton étant avant tout un processus et une méthode critique plus qu’un moyen concret de production, il était difficilement appréhendable et sans unité stylistique, puisque soumis aux variables du cas par cas régional. L’un des points intéressant dans le développement de Eggener est que cette idée de régionalisme critique telle qu’elle fut formulée dans essays par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre n’est qu’une réaction d’opposition à un système dominant de style universel, et donc induite par ce mouvement global.
« Think global, design and build local1 » 1
_ Hiromi Tobei Japan Architect, yearbook 2012, p.28
Think global, design and build local C’est en ces termes qu’ Hiromi Tobei exprime ce que peut être une coordination de savoir globaux et de savoir faire locaux, dans le cas de reconstructions post catastrophes. D’après elle, une intervention de reconstruction doit être contextualisée socialement dans l’espace et dans le temps, car une intervention a-contextuelle encadrée par des intervenants exotériques aux spécificités culturelles, sociales et matérielles du site pourrait causer de nouveaux problèmes en lançant un processus de reconstruction inadapté. Il est clair qu’un régionalisme critique aveugle, dans ce sens qu’il serait une pure réaction d’opposition aux systèmes financiers et indsutriels, et non une action conçue, serait utopique et déconnecté du réel dans un monde ultra connecté et globalisé. Ce pourrait être comparable à un coup d’épée dans l’eau. La notion de régionalisme critique, ou plutôt de régionalisme analytique et comparatif, telle qu’elle devrait être abordée pour être valide aujourd’hui relève d’une démarche concrète, en lien étroit avec les modes de production et orientée par une compréhension globale du projet, entité inenvisageable comme simple objet déconnecté de son site et de ses ressources et spécificités multiples.
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Conclusion
D’après Christian Schittich, le logement collectif est le lieu de tous les défis. C’est un domaine engagé dans des habitudes opératoires fortement encrées, à savoir la direction dans laquelle se lancent les sociétés immobilières et les promoteurs dans le but de coller au plus près à la demande. Les avancées technologiques ne se déclinent que très lentement dans le domaine du logement collectif alors que leur évolution est exponentielle dans d’autres domaines de consommation industrialisée, comme les domaines de l’informatique ou de l’automobile. Cependant, la technologie de pointe n’est pas une condition sinequanone à la création de logements collectifs abordables et performants, une conception radicale et une méthodologie précise sont les rails conducteurs que les architectes créateurs d’espaces habités et pratiqués doivent suivre. Je n’ai abordé ici qu’un contexte purement occidental, mais ce problème se ramifie évidemment au reste du monde et aux pays émergents. Cependant, la mission en pays émergents est plus délicate car en plus du facteur économique, il faut prendre en compte le facteur géopolitique et s’adapter aux exigences traditionnelles locales. Des architectes occidentaux tels Frédéric Druot se sont penché sur les problèmes de mal logement au Brésil notamment, mais tout reste à faire. La mise à contribution des savoirs et des innovations en matière de logement abordable doivent être effective et appuyée par une volonté politique accrue. C’est une question ouverte aux intellectuels. Que peut on retenir concernant les enjeux inhérents à la condition et aux implications de l’enveloppe, dans un contexte d’économie de l’habitat ? Après une prise de conscience historiquement orientée, et en prenant en compte le travail effectué depuis les années 50, dont les racines puisent dans l’émergence du métal pendant la révolution industrielle, il est clair que le poste de l’enveloppe est le lieu d’enjeux vitaux pour la pertinence d’un projet de logements collectifs.
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« (…) pour que plus de logements soient construits, des logements économiques et écologiques, qui remplissent des critères sociaux précis et qui puissent réagir aux changements de la société. » _ Christian Schittich.
Conclusion
Peu importe le contexte géopolitique, géographique, social ou économique, toute l’attention se pose sur l’enveloppe, séquence préfinale du projet. Comme le montre ce développement, l’enveloppe concentre les enjeux techniques, structurels, économiques, liés à la vie et aux usages, esthétiques, éthiques et socio culturels. L’enveloppe, bien que soumise aux règlementations et aux restrictions budgétaires, demeure un lieu potentiel d’invention. C’est un poste du projet qui fixe l’imaginaire et l’aspect spirituel du projet. Comme l’a montré l’évocation de l’approche japonaise, avec la manière complexe d’aborder la question de limite entre intérieur et extérieur, la notion d’enveloppe ne peut se borner au seul aspect fonctionnel. C’est pourquoi, la conception de l’enveloppe doit suivre une stratégie permettant de retourner la contrainte en avantage pour le projet. Comme le montre le travail de rationalisation du volume, par Kempe Thill, pour le projet de logement de Zwolle, où les maîtres d’œuvre tirent partie de la contrainte budgétaire pour proposer un produit de qualité et moins cher que le budget proposé. Aujourd’hui des moyens sont disponibles pour permettre la conception d’enveloppes performantes et économiques. Ces moyens, d’ordre technique pour la plupart, éthiques pour certains, ne peuvent que rarement être appliqués en même temps dans un projet, cela relève d’une attente quasi-utopique. Cependant, l’architecte doit se poser les bonnes questions en abordant le thème de l’enveloppe, en amont de la conception, au même moment que les questions de soutainement, de fondation et de structures primaire. L’enveloppe se pense dès les origines du projet, car elle dépend de la volumétrie générale qu’elle doit englober. La flexibilité dans l’espace et le temps, en plan, mais aussi en coupe, par l’ajout d’espaces appropriables, doté de potentialités multiples, dans un travail de zone tampon praticable, annexable, pouvant être à la fois séjour et loggia, comme le prouve le travail de Kempe & Thill.
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«Architecture is a question of skin.1» _ Jacques Herzog
1 El Croquis n°146, Eduardo Souto de Moura, 2005-2009 Propos rapportés par Souto de Moura en entretient
Bibliographie
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Bibliographie
Ouvrages
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Birkhauser Verlag AG 2013
Frame and generic space, Bernard Leupen, 010 Publishers, Rotterdam, 2005 Time-based Architecture, Bernard Leupen, 010 Publishers, Rotterdam, 2006 Density is Home, a+t research group: Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Javier Arpa,
a+t architecture publishers, 2011
Glenn Murcutt - Projets Et Réalisations (1962-2002), Françoise Fromonot, Editions Gallimard, 2003 Typology Plus: Innovative Residential Architecture, Peter Ebner, Birkhauser Architecture, 2010 Natural History, Herzog & De Meuron, Lars Müller Publishers, 2002/2005 Building Skins, Christian Schittich, Ed. Detail, 2001 Materiology, Daniel Kula, Élodie Ternaux, Birkhäuser, 2013 Histoire de l’architecture moderne: stucture et revêtement,
Giovanni Fanelli,Roberto Gargiani, presses polytechniques et universitaires romandes, 2008
Renaissance, Baroque et Classicisme 1420-1720, Jean Castex, Ed. de la Villette, 2004 Composition, non-composition: Architecture et théories, XIXe-XXe siècles, Jacques Lucan,
presses polytechniques et universitaires romandes, 2009
New alternative housing, Manuel Gausa, Birkhäuser ACTAR Transparent Plastics: Design and Technology, Simon Jeska, Birkhauser Verlag AG, 2007 Riken Yamamoto, work, Editions Toto, 2011
Périodiques
AV 135-136: SPAIN YEARBOOK 2009, Ed. AV Monografias, 2009 Japan Architect, Yearbook 2012, Ed. JA Japan Architect Magazine AMC, Ed. Le Moniteur, Novembre 2011 Detail, vol.4, juillet-août 2012, Christian Schittich Detail Green, mai 2013, Christian Schittich, Jakob Schoof Details of Contemporary Houses, Makoto Takei + Chie Nabeshima, Go Hasegawa,
Katsuya Fukushima + Hiroko Tominaga, Sou Fujimoto, Ed. Shokokusha, 2009
The first decade of the century, Japanese houses, Nobuyuki Yoshida, Ed.Shinkenchiku-Sha, 2010
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