TPE - La disparition des abeilles.

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Introduction

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ous avons choisi de parler du phénomène de la disparition des abeilles, un déclin intéressant et surtout inquiétant qui ravage tous les pays occidentaux depuis les années 90 environ. Nommé CCD (Colony Collapse Disorder « Syndrome

d'effondrement des colonies d'abeilles ») aux Etats Unis par les chercheurs désemparés face à ce fléau invisible, il provoque autant de dégâts en Europe et n’épargne pas la France. De plus ce sujet nous semble en rapport avec un des thèmes proposé, « L'homme et la nature ». En effet, le destin de l'homme est extrêmement lié au destin des abeilles : imaginez à quoi ressemblerait un matin dans un monde sans abeilles ? Vous ne vous imaginez pas ?! C’est normal, l’abeille est trop souvent perçue comme un simple insecte volant qui pique les jeunes enfants lorsqu’on les embête. Nous allons essayer de nous éloigner de toutes ces idées reçues. Vincent Tardieu, journaliste scientifique spécialisé dans l’écologie illustre parfaitement cette idée dans son livre « L'étrange silence des abeilles ». « Ce n’est pas seulement le miel qui disparaîtrait de notre table. Plus de confiture de groseille, d’abricot ou de marmelade d’orange. Plus de jus d’orange ou de pomme. Plus de café ni de chocolat. Il nous resterait le thé… Au rythme où les populations d’abeilles déclinent, ce cauchemar risque-t-il de devenir réalité ? ». Einstein lui-même ne le prophétisait-il pas en énonçant : « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre ». Même si cette citation est sujette à des doutes, de nombreuses questions en découlent. Nous en avons retenu une en particulier : l’Homme serait-il vraiment condamné par la disparition de l’abeille ? Pour répondre à cette question, nous avons posé la problématique suivante : Quelles sont les causes de la disparition brutale des abeilles et quelles en sont les conséquences pour l’Homme ? Nous y répondrons donc au fil du dossier en expliquant, dans une première partie, le fonctionnement d’une colonie d’abeille et surtout son rôle pour la nature : la pollinisation. En effet, pour bien comprendre le phénomène qui se produit dans les ruches, il est nécessaire de connaître de nombreuses notions à propos des abeilles et de leur rôle pour la nature. Puis, dans un second temps, nous étudierons les différents facteurs de cette surmortalité effrayante. Enfin, nous nous projetterons dans un avenir sans abeilles pour visualiser les conséquences d’un monde sans pollinisateurs…

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Parlons tout d’abord de la naissance des abeilles et de leur domestication. Il y a environ 100 millions d’années, lors de l’apparition des premières plantes à fleurs et donc des végétaux qui portent des fruits (angiospermes), la première abeille solitaire est apparue. Volant de fleurs en fleurs pour se nourrir du précieux nectar, elle a façonné l’environnement entier sans le savoir. Un morceau de schiste bitumeux découvert près de Manderscheid (Allemagne) confirme l’existence de ces petites bestioles miraculeuses à l’ère du Crétacé. On découvrira de nombreux fossiles d’abeilles dans de l’ambre dont certains datés d’il y a environ 20 millions d’années permettront de délimiter la période des abeilles solitaires - qui ne produisent pas de miel et vivent seules, comme leur nom l’indique, - et celle des abeilles sociales - qui forment des colonies dans le but de produire ce doux liquide sucré. L’homme, apparu il y a environ 4 millions d’années, n’a commencé à en consommer

qu’à partir de

10 000 ans avant J.C

« Cueva de la Araña », grotte de l’Araignée, près de Valence en Espagne, vieille de six mille ans. On y voit un homme suspendu à des lianes, portant un panier pour recueillir sa récolte, la main plongée dans un tronc d’arbre, à la recherche de rayons de miel.

Les égyptiens, les romains, les grecs, et d’autres peuples utilisaient ce miel pour faire des offrandes aux Dieux, comme remède à certains maux car il servait de produit antiseptique ou tout simplement pour se nourrir.

Mais c’est seulement à partir du XVIIIe siècle que l’Homme a su rentabiliser au maximum l’utilité des abeilles. Il a créé des ruches artificielles pour les abriter et surtout pour récolter le miel en quantité sans tuer ou perdre les abeilles. Ainsi, après plusieurs siècles de recherches et d’études sur le fonctionnement des abeilles, une profession à part entière est née : l’apiculture. Cependant, aujourd’hui encore, l’abeille reste un insecte mystérieux et dans de nombreux domaines incomprises de par la complexité de son mode de vie et bien d’autres facteurs.

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CARTE D’IDENTITE :

L'abeille mellifère que nous allons étudier tout au long du dossier possède la systématique suivante : Lignée : Arthropode (insectes, araignées, acariens) Classe : Insecte Ordre : Hyménoptère. Ce sont des insectes d'une taille comprise entre 0,1 mm et 10 cm, pourvus de quatre ailes membraneuses couplées en vol et de pièces buccales du type broyeur-lécheur. La tête est séparée du thorax par un cou très mince et très mobile. Ils sont aussi caractérisés par des mâles qui sont haploïdes ce qui signifie que leurs cellules ne renferment qu'un seul exemplaire de chromosomes de l'espèce tandis que les femelles sont diploïdes, leurs cellules possèdent une paire de chacun de ces chromosomes. Superfamille : Apoidea (ou apoïde) réunit des insectes appelés abeilles ou guêpes. Famille : Apidae (ou apidé) est le nom d'une famille regroupant des insectes appelés abeilles sociales, par opposition aux guêpes. On y trouve notamment les abeilles à miel. Genre : Apis (du latin apis « abeille ») est souvent utilisé par les apiculteurs pour désigner les abeilles domestiquées, capables de produire du miel en quantité. Sous genre : Apis Mellifera est une abeille originaire d’Europe utilisée massivement par les apiculteurs.

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Une mini-société en équilibre avec la nature. 1 – Une grande famille tributaire

Pont d’envol des butineuses

Toutes les abeilles vivant dans une ruche font partie de la même famille. Motif : ce sont toutes les enfants de la Reine. En pleine saison d'été, la ruche ne compte pas moins de 60 000 membres ! Qui dit mieux ? Cependant, une question se pose alors : comment le bon fonctionnement de la ruche peut-il être assuré avec autant d'individus ?! Nous verrons tout d'abord qu'en y fouillant, on finit par trouver trois sortes d’abeilles différentes, que l’on appelle des castes :

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La Reine : produite au printemps pour remplacer une mère en fin de vie ou lors d’un essaimage, elle est issue d'un œuf fécondé qui a été pondu dans une alvéole plus grande que les autres, et ronde

au

contraire

des

cellules

communes qui sont hexagonales. Elle se distinguera de ces dernières par un abdomen

plus

long

et

par

une

raréfaction des poils. Ses organes de récolte comme la trompe ou les jabots seront absents car inutiles.

Une Reine marquée d’un point jaune pour la distinguer

Une colonie ne peut comporter qu’une seule reine à la fois, sous risque d’un combat à mort dans le cas où il y en aurait deux ou plus. Certes la reine ne se fatigue pas lors de ses journées, qui consistent à préserver la reproduction de l’espèce, seulement sa fonction est d’une importance vitale. Elle se livre à cette tâche sept jours après sa naissance, après avoir effectué des vols nuptiaux et s'accouplera avec plusieurs mâles pour assurer la diversité génétique. Elle est ainsi la seule femelle fertile de la ruche, c’est donc la Mère de toutes les abeilles. Elle vit environ 4 ans et pond aux alentours de 2000 œufs par jour, soit un toutes les 40 secondes ! Elle produit deux types d'œufs: les œufs fécondés qui donnent naissance aux abeilles femelles (ouvrières ou reines), et les œufs non fécondés d'où sortent les abeilles mâles. Viennent ensuite les mâles - alias faux-bourdons - à cause de leur bourdonnement et leur corps plus gros. Ils ne possèdent pas de dard, ils ne peuvent donc pas piquer. On en compte environ 300 par colonie. 300 mâles que les ouvrières doivent nourrir car leur organe buccal est atrophié. Leur rôle dans la ruche se limite à la fécondation de la reine. Cette mission, étant tellement spécifique, qu’ils meurent dans les minutes qui suivent l’accouplement - cette mort est due au fait qu'ils laissent leur système reproducteur accroché à la reine.

Comparaison entre un mâle et une ouvrière

Enfin à l'arrivée de l'automne s'opère une régulation démographique indispensable à la survie de la colonie pour passer l’hiver. Les mâles deviennent inutiles, les ouvrières cessent alors de les nourrir et les rejettent impitoyablement de la ruche. Affamés et affaiblis, ils périssent rapidement.

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Pour finir, il reste les ouvrières : Ce sont les plus nombreuses - plus de 40 000 en pleine saison - et aussi les plus vaillantes. Elles se classent en deux groupes : ouvrières d'été et ouvrières d'hiver. Les premières ouvrières d’été apparaissent au printemps et les dernières générations naissent au début de l'automne. Durant leur courte vie, elles devront remplir un cahier de tâches très diversifié et fatiguant. Commençons donc depuis la naissance de l’abeille lors de sa sortie du couvain - ensemble des œufs, larves et nymphes, protégé par les nourrices - jusqu’à la fin de sa vie : Durant les 3 premiers jours, période nécessaire au développement de ses glandes nourricières, elle est chargée de la préparation des alvéoles dans lesquelles seront déposés les œufs. Elle se consacre au ménage de la ruche. Dès lors que ses glandes nourricières dites aussi hypopharyngiennes sont prêtes à fonctionner, l’abeille devient nourrice en alimentant les larves avec de la gelée royale - mélange de pollen et de miel extrêmement protéique fabriqué dans ces glandes.

Ouvrière butineuse

Petite info: Si on continue de nourrir une larve à la gelée royale après le 3eme jour, cette future abeille sera une Reine. A partir du dixième jour, les glandes nourricières de l’abeille disparaissent pour laisser place aux glandes cirières qui lui donnent le rôle de « bonne à tout faire ». Elle participe, alors, à l’agrandissement des rayons grâce à la fabrication de cire par ses nouvelles glandes, à la transformation en miel du nectar apporté par les butineuses, au nettoyage et à la régulation thermique de la ruche, puis à sa protection contre les prédateurs. Durant cette période, elle effectue aussi ses premiers vols autour de la ruche pour se repérer et apprendre à s’orienter. C'est à partir du vingtième jour qu'elle adopte la fonction de butineuse jusqu'à la fin de sa brève existence qui n'excède pas six semaines. Lors de cette période, elle approvisionne dès le lever du jour la ruche en nectar, en pollen, en propolis, en miellat ou en eau, parcourant la campagne dans un rayon de 2 à 5 km. Finalement, la butineuse meurt d'épuisement lors d'un dernier vol d'approvisionnement ou lors de son sommeil. Quelle brave bestiole ! L'ouvrière d'hiver a les mêmes tâches à accomplir que celles de ses sœurs estivales exceptée qu’à partir du vingtième jour, au lieu de quitter la ruche pour aller butiner, elle y reste confinée. Elle se consacre alors, pendant cinq à six mois, à maintenir l'essaim en bon état et à une température propice pour lui permettre de franchir la saison froide. Enfin, un peu avant l'arrivée du printemps, elle œuvre à la préparation de la naissance des nouvelles générations.

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Ainsi cette grande famille d’insectes sociaux est divisée en trois castes indissociables. Chacune possédant un rôle bien précis et permettant à la ruche de survivre et de produire du miel pendant plusieurs mois.

Une image de nymphes aux organes formées représentant, peut-être, la diversité des trois castes indispensable au bon fonctionnement de la ruche.

Cependant, vu le nombre d’individus que possède une colonie, on peut penser qu’un moyen de communication ou de signes doit exister entre les abeilles pour leur assurer une certaine cohésion. Sinon, quel bazar ! En effet, c’est bien en colonie et pour la colonie que vivent les abeilles et il est fascinant de constater à quel point plus de 60 000 individus doivent avant tout être considérés comme un individu unique, dont l’organisation est presque parfaite. La communication tient alors un rôle d'une importance primordiale et s'exprime de multiples façons.

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2 – Une communication sophistiquée mais fragile.

Un système de communication remarquable, propre aux abeilles, permet de diffuser dans la colonie un grand nombre de renseignements ou de messages importants comme le lieu de provenance de la nourriture (quantité, lieu et origine florale) par exemple. Si l’on compare avec l’Homme, celui-ci peut s’exprimer par l’intermédiaire de la parole pour se faire comprendre. Les abeilles, elles, s’expriment différemment, grâce à un système de communication à base de mouvements, d’odeurs, de repères visuels et de sons, appelé « danse » qui constitue leur langage.

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La communication entre reine et abeilles : Il s'agit d'une communication chimique qui assure la cohésion familiale de la colonie. La reine émet un nombre important de phéromones* royales qui sont transmises à toutes les ouvrières par le contact de leurs antennes, et par les échanges de nourriture. On notera deux substances chimiques spécifiques à la Reine, produites par les glandes mandibulaires situées sur le côté de sa tête, l’acide 9-oxo-décénoïque (9ODA) et l’acide 9-hydroxy-(E)-2-décénoïque (9HDA). Celles-ci régulent le comportement des ouvrières :  stimulation de rappel - l’ouvrière reste fidèle et proche de sa reine,  l’abeille récolte mieux lorsqu’il y a une reine en ponte au nid,  blocage de leur fonction ovarienne, les rendant stériles,  la reine exerce enfin un réel pouvoir sur ses filles en leur imposant par exemple de ne pas remettre son existence en cause ce qu’on appelle l’inhibition de l’élevage royal.

Suite aux contacts avec la Reine, les ouvrières nettoient leurs antennes avec leurs pattes antérieures, ce qui propage la phéromone. Puis elles se déplacent dans la ruche et ont des échanges avec d’autres ouvrières à un rythme très élevé facilitant la propagation des phéromones. Cette « odeur » est donc au cœur de la cohésion sociale de la colonie.

Enfin lorsque la reine vieillit ou qu'il y a un nombre trop important d’abeilles dans la colonie, il se déclenche alors des phénomènes de mutations où les ouvrières prennent l’initiative et c’est seulement dans ces circonstances que le pouvoir royal est remis en question. On pourra aussi considérer le vol nuptial de la Reine comme une communication entre elle et les faux bourdons. En effet, elle émet des phéromones qui vont attirer les mâles jusqu'à 60 mètres à la ronde pour venir la féconder.

* Une phéromone peut se comparer à une odeur dont l'émission va provoquer une action (ou une inhibition) des individus qui la perçoivent. (Phéromone = communication externe, hormone = communication interne)

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La communication entre ouvrières : La glande de Nassanov, située sur l’avant dernier segment de l’abdomen de l’abeille, produit une phéromone aux fonctions multiples. Elle sert à marquer l’entrée de la ruche, ou un lieu intéressant comme une source de nectar. Pour diffuser la phéromone, les abeilles exposent leur abdomen et ventilent en battant des ailes. Face à face entre une guêpe et des abeilles

On la voit distinctement lorsque les ouvrières s’adonnent au spectaculaire « battement de rappel ». Celui-ci a lieu surtout lorsque de jeunes ouvrières inexpérimentées se trouvent accidentellement hors de la ruche, en particulier lors de manipulations apicoles ou lors d’un essaimage*. L’odeur de la phéromone guide alors les ouvrières. Il existe aussi des substances de défense qui sont produites par les glandes mandibulaires et par l’aiguillon des ouvrières. Celles de l’aiguillon sont émises lorsque celui-ci est exposé pour piquer. La plus active est l’acétate d’isoamyle, qui incite les ouvrières à piquer et les attire vers l’élément perturbateur. Les ouvrières se transmettent aussi des informations par signes tactiles, code antennaire dit contacts d'antennes ou par des mouvements. Elles s’informent ainsi par des sortes de gesticulations que l’on appelle « danses » dont la signification a été découverte par le savant autrichien Karl von Frisch en 1968.

Les échanges d'information entre ouvrières : Les contacts antennaires : C'est au cours des échanges de nourriture qu'interviennent principalement les contacts antennaires. Le nectar collecté par une abeille butineuse est placé dans son jabot social. Une fois rentrée à la colonie, elle est capable de régurgiter son nectar et de le transmettre à une autre abeille, c'est la trophallaxie. Deux abeilles pratiquent la trophallaxie. Elles s’échangent aussi, malheureusement, les maladies

Ces échanges buccaux sont très fréquents et participent aussi à la diffusion des phéromones royales de la reine. On peut donc les considérer comme un système de communication. *Au milieu du printemps, plusieurs larves sont nourries avec de la gelée royale en prévision d’accueillir une nouvelle reine. Juste avant la naissance de celle-ci, une partie des abeilles quitte la ruche avec l’ancienne reine (l'essaim) pour former une nouvelle colonie. L'essaimage est donc le mode naturel de reproduction des colonies d'abeilles.

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La danse des abeilles

Grâce à ce mécanisme de communication, les colonies peuvent s'adapter et localiser efficacement les sources de nourriture disponibles ou nouvelles. L'intensité plus ou moins grande des danses renseigne sur les plantes qui cessent d'être productives et celles qui le deviennent. Selon la proximité de la source de nourriture, l’abeille effectue des types de rondes différentes. Elle émet également avec ses ailes un son particulier et transmet l'odeur du nectar dont elle veut communiquer la position. En effet, les abeilles sont munies d’une mémoire olfactive mise en évidence par des tests avec des fleurs artificielles. L'odeur mémorisée permet ainsi à la butineuse de retrouver et de s’orienter sur la fleur dont elle a précédemment récolté le nectar. Bien que ce soit une mémoire courte, qui s’efface pendant la nuit, l’abeille peut communiquer la position des fleurs qu’elle vient de butiner aux autres ouvrières de la ruche. Ainsi, même lorsque le soleil est caché, elles peuvent décoder les danses et partir à la chasse aux fleurs. De plus, les deux gros yeux de l’abeille ne captent pas le même spectre lumineux que nos yeux d’humains, et peuvent ainsi voir la lumière polarisée du ciel nuageux. Alertées, les abeilles jusque-là inactives s'envolent à la recherche de cette nourriture.

Exemple : Lorsqu’une

abeille

découvre

de

la

nourriture dans un lieu éloigné de la ruche, elle retourne à la colonie et effectue une danse

en

forme

de

8:

- La distance est donnée par la vitesse de la danse : plus la danse est rapide et plus la source

de

nourriture

est

proche.

- La direction est indiquée par rapport au Soleil : l’angle que dessine la danse avec la verticale sur un plan horizontal est égal à l’angle où se situe la nourriture avec le Soleil. Les ouvrières possèdent des organes spécialisés à la base de la nuque pour détecter l’angle de cette danse, et sont capables de traduire cette information en fonction de la localisation du soleil lorsqu’elles sortent de la ruche. Si ces organes autant que la mémoire de l’abeille étaient éliminés ou endommagés, les ouvrières ne pourraient plus s’orienter correctement vers les sources de nourriture ce qui serait dramatique pour la survie de la colonie.

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La ruche est donc une société parfaitement organisée, symbole du travail. Divisée en trois castes, la cohésion profonde des insectes de la ruche passe curieusement par la nourriture, qui va créer entre les membres des relations extraordinairement soudées, et rendre chaque individu dépendant de ses congénères, incapables de subsister par eux-mêmes. Comme toute organisation, la société des abeilles repose sur deux principes :  la distribution du travail entre ses différents individus par un cahier de charge spécifique,  et la coordination de ces tâches individuelles grâce à la communication et à leur instinct de travail, qui dès la naissance, leur fournissent ce plan structuré et commun.

La colonie, symbole du travail et de l’organisation, reste un écosystème fragile

En rapport avec ce que nous avons étudié, nous traiterons les questions suivantes : En quoi le nectar, et plus globalement les fleurs, sont-ils indispensables à la survie des abeilles ? Et quel est le phénomène majeur que les abeilles provoquent en se déplaçant ?

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3 – Un kit de survie 100% bio : la pollinisation

Arbre en bourgeon. Il a été fécondé par l’intermédiaire de la pollinisation

Lorsque nous parlons d’abeilles, nous pensons directement au miel et au butinage de fleurs. Cependant l’abeille joue un rôle beaucoup plus important pour la biodiversité auquel nous n’accordons pas assez d’attention. En effet l’abeille, en allant se nourrir de nectar sur les plantes, participe à la reproduction de celles-ci appelée : la pollinisation.

Ce rôle des abeilles et plus

généralement des insectes pollinisateurs a été découvert par le professeur d’histoire naturelle Joseph Kolreuter au 18e siècle. Nous allons donc voir dans cette partie quel est l’intérêt d’une pollinisation des plantes par les abeilles.

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Pollinisation ? Quèsaco ?

La pollinisation est principalement le mode de fécondation utilisé par les plantes angiospermes (plantes à fleurs produisant des fruits), et gymnospermes (plantes à graines). Le terme pollinisation désigne un transport des grains de pollen d’une fleur à une autre fleur de la même espèce. Ce pollen est produit dans les anthères de la plante - partie de l’organe mâle : l’étamine – puis il va être acheminé jusqu’au stigmate - qui est l’organe femelle de la plante situé à l’extrémité du pistil. Une fois déposé sur le stigmate, le grain de pollen va émettre un tube pollinique traversant le style jusqu’aux ovules. Les gamètes* mâles situés dans le pollen seront alors acheminés jusqu’aux ovules pour les féconder et permettre ainsi à la plante de faire des fruits portant les graines des futures générations de ce même végétal.

Anatomie de la fleur

*Cellules reproductrices matures capables de fusionner avec un autre gamète, du type opposé, pour engendrer une nouvelle génération d'un être vivant eucaryote, c’est-à-dire comportant des organites tels un noyau lui-même comportant l’ADN et des mitochondries, etc.

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On distingue différents agents de pollinisation dont le vent, l’eau ou les mammifères. Cependant, le moyen le plus développé et le plus efficace reste la pollinisation par les insectes appelée l’entomogamie. Elle représente le mode de fécondation de 80 % des espèces végétales dans le monde et donne à l’abeille l’Oscar de l’insecte pollinisateur par excellence. Effectivement, d’autres insectes permettent l’entomogamie comme les abeilles sauvages, les lépidoptères autrement dit les papillons, les mouches et certains coléoptères comme le bourdon et le mégachile. Mais l’abeille domestique reste la meilleure pollinisatrice, nous verrons pourquoi un peu plus bas. Pollinisation d'un pissenlit par une abeille où l’on peut voir le pollen de la fleur s'accrocher aux poils de l'insecte.

On distingue aussi différentes méthodes de pollinisations par les plantes, selon qu’elles soient unisexuées ou bisexuées. On notera alors les plus importantes :  L’autofécondation qui se produit dans les fleurs bisexuées (à deux sexes). La plante est autonome et peut se polliniser elle-même sans l’aide de l’abeille par exemple.  l’allogamie ou la fécondation croisée qui est le mode de fécondation le plus répandu et qui permet le brassage génétique*des espèces. Dans ce cas, la plante a besoin du vent ou d’un insecte pollinisateur pour transférer les grains de pollen d’une fleur à l’autre.

*Le brassage génétique est, lors d’une reproduction sexuée, le mélange des allèles du mâle et de la femelle lors de la division cellulaire puis de la fécondation. Il permet de diversifier le patrimoine génétique d’une même espèce appelé la diversité génétique, et a permis à tous les êtres vivants d’évoluer au fil du temps.

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Système de fécondation croisée par l’intermédiaire d’un insecte ou du vent permettant le brassage génétique des plantes.


La pollinisation est donc l’unique mode de fécondation des plantes à fleurs et à graines. Différentes méthodes sont utilisées lors de différentes périodes de l’année pour assurer cette étape primordiale à la survie et à l’évolution des végétaux. Néanmoins, pourquoi l’abeille se fatigue-t-elle à s’envoler chaque matin pour aller butiner des fleurs ? Et malgré sa toute petite taille, comment accomplit-elle ce lourd travail de pollinisation ?

Mais pourquoi et comment ?! Dans cette partie, nous constaterons que l’abeille n’a pas vraiment d’autres choix que d’aller butiner et que ce système d’interactions entre insectes et fleurs est bénéfique et indispensable aux deux parties.

Alvéoles remplies de miel et de pollen

Tout d’abord pourquoi : L’abeille comme tout être vivant a besoin de se nourrir. Et c’est dans le nectar de la fleur qu’elle va puiser tous les nutriments dont elle a besoin. La fleur permet aussi à l’abeille de produire de la cire, de la gelée royale, de la propolis et du miellat qui sont indispensables au bon fonctionnement de la ruche. La fleur, quant à elle, a besoin de l’abeille pour se reproduire comme nous l’avons vu précédemment. Ainsi la fleur tout autant que l’abeille sont réciproquement essentielles l’une à l’autre. Une entente a donc vu le jour au fil du temps, créant des relations particulières entre les deux individus. Des évolutions sont apparues, bénéfiques à l’hyménoptère et à la plante : on a appelé ce phénomène : le mutualisme. Et c’est grâce à ce mutualisme que la diversité que nous connaissons aujourd’hui a pu se développer.

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Pour améliorer cette entente, les fleurs ont adopté de nombreuses techniques pour attirer les abeilles :  Elles ont pris des couleurs de plus en plus chatoyantes et des formes particulières pour permettre à l’abeille de se glisser au plus profond de leurs corolles.  C’est

aussi

pour

assurer

ces

échanges de pollen entre fleurs, que les plantes ont produit à l'attention de ces transporteurs, les substances utiles qu'ils recherchaient. Des substances sucrées comme le nectar produit par les nectaires des végétaux à fleurs ou le miellat qui est une excrétion de pucerons que l’on retrouve sur certaines feuilles d’arbre. Et qui peut de temps à autre, remplacer le nectar dans la fabrication du miel. Finalement le nectar est d’une importance primordiale à la colonie car il est transformé en miel par les abeilles pour permettre de nourrir la ruche et de constituer des réserves pour l’hiver. Les abeilles récoltent aussi du pollen car il est très riche en protéines et en lipides et constituent donc des apports indispensables. C’est pourquoi les abeilles ont besoin de butiner de nombreuses fleurs différentes pour répondre à leurs besoins nutritifs pointilleux, d’où la nécessité d’une biodiversité abondante aux alentours des ruches.

On trouve deux sortes de plantes dans la nature : les mellifères qui sont des plantes dont les fleurs assurent aux colonies d'abeilles un apport en nectar, et les pollinifères qui assurent, elles, un apport en pollen comme le coquelicot. Il en existe en France environ 450 espèces mais seulement quelques dizaines ont un intérêt en apiculture pour la production de miel en quantité et en qualité - exemple : le châtaigner.

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Enfin, comment : Pour récolter le nectar d’une plante l'abeille plonge sa trompe à l'intérieur du pistil (ou la corolle) de la fleur et aspire le nectar. Elle le stocke ensuite dans son jabot qui est une poche à l’intérieur de son estomac. Lors de son vol de retour à la ruche, un enzyme l’invertase, hydrolyse le saccharose en glucose et en fructose. L’élaboration du miel commence dès lors dans le jabot de l’ouvrière.

Anatomie de l’abeille

Au cours du butinage, l’abeille, insecte de type broyeur-lécheur, utilise ses mandibules pour broyer les anthères des étamines. Puis grâce à l’adaptation de ses pattes postérieures, composées de brosses, elle rassemble les grains de pollen en une grosse pelote qu’elle place dans un organe appelé corbeille. Une fois de retour à la ruche, il est confié à une ouvrière magasinière. Ce n’est donc pas ce pollen qui permet la pollinisation des plantes. Mais c’est le pollen qui s’accroche à l’abdomen voire aux ailes ou à la tête de l’abeille qui de fleurs en fleurs laisse échapper ces grains précieux sur les stigmates des autres plantes.

Structure d’une patte d’abeille

Patte antérieure d'une abeille grossie 70 fois

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au microscope électronique.


Formation du miel : Enfin le nectar est rapporté à la ruche où de jeunes ouvrières dont c’est le travail, viennent battre des ailes devant les rayons pour faire évaporer l’eau de ce liquide précieux. Ensuite il est donné à des abeilles receveuses par trophallaxie puis il est ruminé pendant 20 min. Le miel est donc un mélange de nectar et de salive d’abeille.

Abeille transportant du pollen dans le but d’être consommé

Il est ensuite stocké dans les alvéoles pour être consommé par les abeilles friandes de protéines et de glucides. Quelques chiffres :  Il faut environ 5 500 000 fleurs pour obtenir un kilo de miel.  Le jabot d’une abeille = 40mg de nectar soit 10mg de miel  Pour 1L de nectar = 20 000 à 100 000 voyages  Pour 10kg de miel = 1 million à 4 millions de voyages. Les fleurs attirent donc les pollinisateurs avec des ressources, elles signalent leur présence et renforcent la fidélité de ceux qui les visitent par leur morphologie, leur couleur et leur odeur. Les abeilles possèdent de nombreuses caractéristiques qui en font des agents pollinisateurs par excellence :  leur nutrition puisqu’elles se nourrissent exclusivement de nectar et de pollen.  leur taille et leur morphologie sont particulièrement bien adaptées à la pollinisation car leur corps est recouvert de poils. De ce fait, les grains de pollen qui mesurent quelques micromètres, s’ancrent bien et en très grand nombre dans la fourrure des abeilles, 

enfin, le comportement de butinage des abeilles est aussi particulièrement favorable à la pollinisation car les individus sont généralement fidèles à une seule espèce de plante. De ce fait, le transfert de pollen entre étamines et stigmates s’effectue principalement entre fleurs de la même espèce, ce qui contribue à l’efficacité de la pollinisation tout en assurant le brassage génétique.

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Le monde porté par nos abeilles.

Maintenant que nous savons ce qu’est la pollinisation, pourquoi et comment le pollen est récolté, déterminons enfin l’intérêt de la pollinisation pour l’environnement et l’agriculture, par exemple.

Des abeilles avant tout ! L’incidence de la pollinisation par les abeilles est difficile à mesurer car d’autres facteurs comme le vent ou l’autopollinisation contribuent aussi à la pollinisation de certaines plantes. Mais lorsque l’on arrive à éliminer ces facteurs ou à mesurer leur impact, on réalise combien le rôle des abeilles est important. Une étude faite par des chercheurs de l’INRA d’Avignon a montré que la pollinisation par les abeilles contribue à 70% de la production de semences chez l’oignon. Outre ce fait, la qualité des graines issues des fleurs visitées par les abeilles est supérieure de plus de 10% à celle des graines produites par les fleurs pollinisées uniquement par le vent. Ces résultats ne sont pas étonnants car les abeilles, permettant la fécondation croisée des plantes, réduisent les risques de dégénérescences et assurent la biodiversité végétale.

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De plus, il est essentiel, pour la pollinisation des plantes cultivées mais aussi sauvages, de ne pas miser sur une seule espèce de pollinisateurs et de prendre en compte l’importance des abeilles sauvages. Certaines cultures se voient pollinisées par des abeilles domestiques seulement si elles travaillent en complémentarité avec des abeilles sauvages. Celles-ci assurent donc une stabilité de pollinisation. Cependant leurs jours sont comptés : la destruction de leur habitat est en cause. De plus, ce sont des abeilles solitaires, dès lorsqu’elles meurent, elles mettent fin à leur descendance. Les

abeilles

interviennent

dans

la

pollinisation de très nombreuses cultures : plus de 70% dont presque tous les fruitiers, légumes,

oléagineux

et

protéagineux,

épices,… tels que l’amandier, le cerisier, le fraisier, le pêcher, le poirier, le pommier, le prunier, la courgette, le melon, la pastèque, la tomate, le poivron, le kiwi, le colza, le tournesol, l’artichaut, le chou, le fenouil, l’oignon, le persil, le poireau, la scarole et la frisée, la luzerne et le trèfle. Soit 35 % du tonnage de ce que nous mangeons ! Champ de tournesol : plante fortement butinée par les abeilles

La pollinisation des plantes par les abeilles apporte deux types de bénéfices, en fonction de la culture butinée :

- une amélioration de la qualité, et une augmentation du rendement (arboriculture par exemple), - une régularité de la production voire une multiplication de semences (radis, oignon, carotte…) L’agriculture a donc intérêt à protéger les abeilles qui leur permettent de meilleurs rendements. Enfin, dans les milieux tempérés continentaux et méditerranéens, les cultures abandonnées – en friche - contiennent essentiellement des plantes strictement allogames, c‘est-à-dire nécessitant une fécondation croisée. Beaucoup de ces espèces dépendent donc largement des abeilles pour assurer leur fécondation. On peut citer par exemple des essences forestières : alisier, aubépine, églantier, merisier, sorbier, érables, airelle, arbousier, bruyère, callune, romarin, thym. Les abeilles garantissent ainsi la survie de toutes ces espèces végétales et par conséquence, de toute la biodiversité de la vie sauvage (oiseaux, rongeurs, mammifères) qui leur est associées.

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La Rolls Royce des pollinisatrices En somme, la pollinisation par les abeilles est remarquable autant d’un côté quantitatif que qualitatif. Tout d’abord, nous avons vu que la morphologie de l’abeille s’adapte parfaitement à ce « boulot » de pollinisateur. Donc sur un plan quantitatif les abeilles transportent des dizaines de milliers de grains de pollen. Et sur le plan qualitatif, en allant de fleurs en fleurs, les abeilles transportent du pollen génétiquement différent ce qui permet la fécondation croisée et la reproduction

de

toutes

les

espèces

auto-

incompatibles. Enfin, en déposant du pollen de plusieurs espèces récupérées lors de plusieurs voyages, les abeilles contribuent

largement à l’évolution des espèces

végétales en permettant le brassage génétique. Nature morte de Claude Monnet

Quand on y regarde de près, il est difficile d’imaginer un seul repas auquel les abeilles ne soient pas associées par leur activité de pollinisatrice ! Car seules 25 % des cultures pourraient s'en passer, mais il s'agit essentiellement de blé, de maïs et de riz.

Conclusion : Beaucoup d’insectes visitent les fleurs, mais parmi eux les abeilles ont une relation particulièrement indissociable avec celles-ci. Le mutualisme qui les lie a conduit à la diversité végétale que l’on connaît aujourd’hui. Plus de 20 000 espèces d’abeilles dans le monde contribuent à cette survie et à cette évolution de plus de 80% des espèces de plantes à fleurs dont 84% des espèces cultivées en Europe. Dans un monde où la population ne cesse de s’accroître et où les besoins alimentaires augmentent en conséquence, l’agriculture doit se renforcer et devenir de plus en plus productive. Dans un monde où l’agriculture devient intensive et où l’urbanisation s’accélère, l’abeille commence à perdre sa place. Seulement, tous ces changements radicaux ne sont pas la clé d’une production plus rentable et plus importante car les abeilles sauvages et sociales possèdent déjà tous les atouts nécessaires pour répondre à cette augmentation des besoins. Les abeilles constituent un écosystème non négligeable qui permet de nous nourrir quotidiennement et pourrait continuer ainsi pendant des siècles. Il est de notre devoir de les sauvegarder !

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Les causes du déclin mondial des abeilles. La communauté scientifique et les apiculteurs constatent, depuis les années 2000, une baisse très préoccupante de la population d'abeilles dans le monde. En 2007, les Etats Unis sont en état d’alerte : 60 % de perte sur la côte Ouest et jusqu’à 90% sur la côte Est du pays. Ce phénomène, d'une très forte ampleur se propage rapidement dans tous les ruchers du monde. Tous les hivers, environ 30% des abeilles disparaissent de la surface du globe. Face à cet état d’alerte, les gouvernements mettent en place quelques programmes tels que le programme européen ALARM (2004-2008) qui a eu pour objectif de déterminer l’évolution des pollinisateurs et d’évaluer l’impact de leur déclin sur la flore et l’agriculture en Europe. Ou bien encore la FAO (Nations unies en 1996) qui lance un cri d’alarme à l’attention des gouvernements pour sauvegarder la faune pollinisatrice. Seulement les scientifiques découvrent que l’effondrement des colonies, le CCD, est de cause multifactorielle, rendant les recherches pointues et compliquées. De multiples raisons se conjuguent donc pour causer le déclin des abeilles : des causes certainement naturelles mais aussi humaines. Peu importe le coupable, il est urgent de comprendre et, surtout, d’agir.

Dans l’ensemble de la partie qui va suivre, il est important d’associer à chaque cause, l’effet qu’elle produit, seule, sur l’abeille et le ou les effets que cette cause peut produire lorsqu’elle est combinée avec d’autres.

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1 – Les pathogènes Les produits phytosanitaires, étant des enjeux économiques très importants, les scientifiques européens autant qu’américains se sont d’abord penchés sur les agents biologiques respo nsables de diverses maladies pouvant causer cet inquiétant déclin : les pathogènes. Comme il n’y avait jamais eu d’études sur ces sujets, les scientifiques ne sont donc partis de rien, n’ayant aucune connaissance solide en toxicologie sur les abeilles. Les seules observations qu’ils avaient de ce phénomène étaient qu’il se caractérise par la disparition subite du nombre d’abeilles dans la ruche, sans causes apparentes, jusqu’à ce que la colonie s’effondre, du fait que les survivantes ne peuvent plus assurer les tâches élémentaires de la colonie. Ils ont ainsi démontré les actions néfastes possibles de :  Acarapis woodi : Acarien parasite interne de l'abeille. Il vit et se reproduit dans l'appareil respiratoire de son hôte en perforant la paroi de sa trachée et se nourrit du sang de l’hyménoptère : il l'affaiblit et gène sa respiration.

 La loque américaine : Connue depuis l’Antiquité, dénommée aussi sous le nom de loque gluante ou loque puante, c’est une épizootie, maladie qui frappe simultanément un grand nombre d'animaux de même espèce ou d'espèces différentes du couvain d'abeille. Elle est provoquée par une bactérie, la Paenibacillus larvae, qui dévore les larves d'abeilles de l'intérieur jusqu'à ne laisser qu'un résidu gluant. La seule possibilité actuelle de lutte contre cette épizootie est la destruction totale des couvains et colonies infectées. Une zone de sécurité d'un rayon de 3 km, interdite d'accès, est alors généralement mise en place autour de la ruche touchée. La maladie est d'autant plus difficile à éradiquer que les bactéries peuvent survivre sous forme de spores pendant des dizaines d'années et dont quelques-unes suffisent à infester une larve. Elles résistent aussi à la chaleur et aux traitements, et peuvent se reproduire à des milliards d’exemplaires dans la larve contaminée.

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 Le frelon asiatique : Comme son nom l’indique, il vient d’Asie. Cousin du frelon Européen, Vespa Crabro, le frelon d’Asie est quant à lui beaucoup plus néfaste au bien être des abeilles. Vivant dans des cocons en fibre de bois de 80 cm de diamètre, ces dizaines

de

milliers

d’insectes

mangeurs

d’abeilles attendent leur proie à l’entrée de la ruche, allant parfois jusqu’à l’intérieur de celleci. Ils terrorisent le Sud-Ouest de la France depuis 2004, venant directement de Chine par les importations maritimes. En Asie, ce frelon ne cause pas autant de dégâts dans les ruchers d’abeilles asiatiques, Apis Cerana. Elles ont réussi à trouver une parade pour mettre fin à ce prédateur en formant une boule volante autour de celui-ci. Elles battent des ailes pour faire monter la température jusqu’à 45°C, température fatale pour le frelon. En France, Apis Mellifera est encore déboussolée par l’arrivée de ce chasseur sanguinaire et se contente d’essayer de le piquer entre sa carapace solide, se sacrifiant pour la ruche dès lors qu’il est touché. Pour le moment, les scientifiques n’ont trouvé aucuns traitements contre le frelon.  Nosema ou maladie de la nosémose : Nosema Ceranae a été découvert en 2003 en Espagne par un chercheur

espagnol,

Mariano

Higes

Pascual.

Ce

microchampignon eucaryote de la famille des micros sporidies - embranchement de parasites intracellulaires appartenant au règne des champignons - était classé depuis longtemps par les scientifiques sous le nom de Nosema Apis, connu pour loger dans l’intestin de l’abeille. Il a cependant muté pour devenir le champignon tueur d’abeilles qu’il est actuellement. Nosema sous forme de spores

Il peut être sous différentes formes, passant de l’état de spores non infectieuses, forme de transport, à l’état végétatif lorsqu’il atteint son milieu naturel et devient par la même occasion, nuisible. Une fois à ce stade, il entraine des lésions irréversibles aux cellules de l’intestin, série de bouleversements métaboliques : altérations des acides gras, de son sang et réductions des glandes hypopharyngiennes, troubles digestifs causant la mort. Ces symptômes, qui sont de fortes diarrhées elles aussi contaminées par le champignon, sont visibles seulement après plusieurs semaines, mettant jusqu’à 8 mois pour effondrer une ruche entière, c’est donc un facteur de mortalité chronique qui, combiné à d’autres pathogènes comme le virus des cellules royales noires ou le virus des ailes déformées, pourrait être la cause principal du CCD.

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Il existe un traitement contre cette maladie : l’antibiotique Fumidil B (dont le produit actif est la fumagilline), interdit en Europe pour éviter la contamination du miel.  Varroa ou la varroase : Issu de l’île de Java en Asie où il vivait en équilibre avec les abeilles, le Varroa Jacobsini est arrivé en Europe dans les années 70 et en France dans les années 80 par les exportations de reines et d’essaims. D’une taille d’environ 1.2mm, un peu plus gros qu’une puce, ce parasite ressemble à un minuscule crabe brun qui se nourrit de l’hémolymphe de la larve, c’est-à-dire de son sang. Il est responsable de la varroase ainsi que de nombreuses autres maladies dont il est le vecteur car il réduit les réserves en graisse et la concentration en protéines du sang de l’abeille ce qui affaiblit son système immunitaire et sa capacité à résister aux maladies. Lors de sa piqure, il peut donc injecter des agents pathogènes comme le virus de la paralysie aigue ou le virus de la malformation des ailes,… L’infestation conduit également à une réduction de la qualité de la gelée royale, donc une diminution du poids des abeilles à l’émergence du couvain et sa durée de vie perd environ 9 à 14 jours. Sa méthode d’attaque est d’envoyer une femelle varroa dans le couvain de la ruche où elle pourra se nourrir et ainsi se reproduire, tout en affaiblissant les futures abeilles. Au bout de 12 jours, lorsque la toute jeune abeille sort de l’alvéole, en libérant au passage la varroa, elle est toute frêle et présente des glandes nourricières atrophiées, nécessaires à la fabrication de la gelée royale, aliment des larves. Dès lors, la femelle, qui peut vivre pendant 7 cycles, s’accroche sur le dos d’une nourricière, proie favorite de celle-ci car en constante communication avec le couvain. Puis elle recommence sans cesse, augmentant effroyablement le nombre de varroa dans la ruche. Augmentant par la même occasion le nombre de virus et de parasites, menant à l’effondrement de la ruche. Ainsi, le varroa ne tue pas l’abeille mais lui transmet de multiples pathogènes causant quant à eux, le décès de celle-ci. Tout comme le Nosema, c’est un agent de mortalité chronique qui met plusieurs mois, voire années, à décimer une colonie. Il existe différents traitements possibles, passant d’un traitement artisanal à un traitement chimique, mais aucuns d’eux ne sont efficaces à 100%. L’une des solutions consiste à poser des lanières plastifiées imbibées d’amitraze ou de fluvalinate au centre de la ruche. On peut aussi opter pour des traitements comme l’acide oxalique ou le thymol mais ces traitements chimiques présentent l’inconvénient de créer un phénomène de résistance pour le varroa. De plus, il s’agit de produits phytosanitaires qui viendront s’ajouter à la longue liste de produits chimiques potentiellement nocifs pour l’abeille.

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Le varroa devenant omniprésent dans les ruches, les scientifiques cherchent un moyen général de supprimer l’acarien des ruchers. Certains champignons aux noms latins compliqués et interminables comme le Beauvariabassiana, seraient de fervents ennemis du parasite et seraient capables de l’éliminer. Les chercheurs mettent aussi au point des abeilles « mutantes » qui auraient la capacité de résister au varroa en développant des moyens de lavages de couvains et d’abdomen de partenaires.  La teigne Les fausses teignes sont des lépidoptères ravageurs qui, à l’âge adulte, ressemblent à des papillons gris qui vivent seulement quelques jours pour se reproduire. Il en existe deux types, la Galleria mellonella (grande fausse teigne) et Achroea grisella (petite fausse teigne). La femelle s’introduit dans la ruche la nuit pour pondre dans la paroi de l’alvéole, où grandit la larve d’abeille. L’espace disponible pour la croissance de cette dernière est donc restreint. Dans ce cas l’abeille qui va naître sera malformée. La teigne va ensuite grandir et grossir très rapidement en se nourrissant de la cire des cadres, du pollen, du miel et des résidus de cocons qui restent au fond des alvéoles après plusieurs générations d’abeilles. Elle creuse des galeries et tisse un réseau de soie qui la protège des ouvrières. La teigne fragilise donc la ruche au péril de toute une colonie. Pour les aider il faut renouveler régulièrement les cadres. Les cadres noirs/bruns, c'est-à-dire infestés, doivent être changés car ils sont vecteurs de maladies.  Les virus : CBPV (Chronic Bee Paralysis Virus): le virus de la paralysie chronique de l'abeille

La paralysie chronique est une maladie infectieuse des abeilles adultes, présente sur tous les continents. Ce virus a été découvert en 1968 et provoque une paralysie en 7 jours en attaquant les cellules nerveuses de l’abeille. Les principaux symptômes sont des tremblements du corps et des ailes chez les individus malades, qui seront souvent rejetées par les gardiennes devant les ruches ou les tapis d'abeilles mortes qui peuvent se constituer. Le virus est présent dans le miellat - excréments d’insectes suceurs comme le puceron souvent récolté par les abeilles pour remplacer le nectar.

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ABPV (Acute Bee Paralysis Virus): le virus de la paralysie de l'abeille

Découvert en même temps que le CBPV, les chercheurs ont montré qu’il était porté par l’acarien Varroa qui l’injectait dans le sang de l’abeille larve. Une fois atteinte, paralysée en moins de 5 jours, les abeilles malades sont trainantes, incapables de voler à cause d’ailes déformées. Les larves meurent souvent dans les alvéoles, menant la ruche à sa perte. IAPV (Isreli Acute Paralysis Virus): le virus israélien de la paralysie aiguë

Identifié en 2002 dans une université de Jérusalem, il a été découvert dans des échantillons d’abeilles prélevées pendant l’hiver 2006/2007 aux USA. Soupçonné d’être la cause principale du CCD, ces affirmations sont vite éloignées par des analyses qui ont montré que sa présence aux États unis était antérieure à l'apparition du CCD et qu’il ne causait pas toujours de lourdes pertes. Egalement présent en Europe, il apparait comme une cause secondaire de la perte des abeilles. KBV (Kashmir Bee Virus) : virus de l'abeille du Cachemire

Proche génétiquement et biologiquement de l'IAPV, ce virus a été identifié en 1974 chez les abeilles européennes, Apis Cerana. Le KBV est particulièrement virulent chez l'abeille en présence de l'acarien Varroa, allant jusqu'à provoquer des épidémies importantes qui entrainent une mortalité très rapide du couvain et de l'adulte. BQCV (Black Queen Cell Virus): Le virus des cellules noires de reine

Il a été découvert en 1977 sur des larves de reines,

dont

il

provoque

la

mort

avec

noircissement des cellules. Il serait également à l'origine de la mort d'ouvrières du couvain en présence

de

Nosema

Ceranae.

Largement

distribué en Europe et en Australie, le BQCV infecte la colonie au printemps et au début de l'été.

Abeilles noires

et

abeilles normales

DWV (Deformed Wing Virus): le virus des ailes déformées

Ce virus des ailes déformées est lié à la présence du Varroa et du Nosema Ceranae. Il a été découvert à partir d'abeilles provenant du Japon en 1983 et a colonisé depuis tous les continents à l'exception de l’Amérique latine.

Abeille atteinte du virus des ailes déformées

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SBV (Sac Brood Virus): le virus du couvain en forme de sac

Présent sur tous les continents, le virus du couvain en forme de sac est sûrement l’un des plus connus. Il a été identifié en 1917 comme le premier virus responsable de la maladie du couvain. Il infecte, au printemps et au début de l’été, les larves d’abeilles, portées par le Varroa, et provoquent leur déformation. Celles-ci sont ensuite enlevées par les ouvrières, ce qui forme un couvain " à trous ". Il n’existe actuellement aucun traitement mais le virus disparait tout seul pendant la miellé.

Couvain comportant des « trous », témoin de la présence du virus SBV

Les abeilles sont depuis des décennies menacées par des dizaines de pathogènes, virus, parasites, maladies confondus, mais n’ont cependant jamais été victimes d’un aussi fort déclin. Les années de plus fortes miellées ont eu lieu pendant l’essor du tournesol en France et pourtant le varroa coexistait déjà avec les abeilles. De nombreuses études scientifiques ont confirmé que les abeilles ont toujours vécu en équilibre avec ces pathogènes. Aujourd’hui, le temps de l’harmonie est fini et la guerre est déclarée. En effet, des acteurs inconnus ou certaines conditions propices rendent les parasites, les virus et les champignons beaucoup plus nocifs pour l’abeille. Les causes naturelles ayant été étudiées, les chercheurs se tournent désormais, certainement vers le vrai coupable : l’Homme !

2- La faute de l’Homme Les colonies d’abeilles sont naturellement organisées pour se défendre des maladies, des virus et des prédateurs. Elles étaient sur terre bien avant l’Homme et depuis la nuit des temps elles ont résisté à tous les bouleversements… Malheureusement depuis plusieurs années, la situation se complique et l’Homme n’est pas innocent. Ce phénomène mondial, qui mobilise des chercheurs de toutes nationalités, pourrait avoir des conséquences très graves : la disparition des insectes pollinisateurs serait un désastre écologique menaçant l’agriculture et une grande partie de nos ressources alimentaires. Certainement multifactoriel, le déclin des colonies d’abeilles trouve une partie de ses causes dans les activités humaines et leurs influences sur les paysages, les ressources et l’équilibre écologique. Nous traiterons donc des causes séparément tout en gardant en tête que ce déclin est fort probablement causé par une combinaison de celles-ci.

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Contextualisation : Malgré la rapidité avec laquelle une colonie atteinte par le CCD est décimée, il est important de comprendre que les abeilles ne meurent pas subitement sans raison apparente - exceptées lorsque le décès est causé par des pesticides - mais que la plupart du temps cette mort est due à un affaiblissement total de la colonie. Ainsi cet affaiblissement peut être assimilé à la cause principale de la surmortalité de ces individus. La question qui nous vient directement à l’esprit est alors : Quelles sont les sources de cet affaiblissement général ? Histoire de faciliter la tâche, il se trouve que ces sources sont encore inconnues par les scientifiques mais qu’elles ont des origines très variées : le climat, l’environnement floristique, les différentes sources de pollution et les pratiques apicoles. Finalement, les chercheurs ne peuvent pas proposer une hiérarchisation de ces différentes causes potentielles car elles varient selon les cas.

Schéma caricatural du monde apicole et agricole

Enfin, l’aspect multifactoriel du problème créé des « combinaisons / synergies » qui permettent aux différents facteurs d’interagir entre eux. Ceci complique tellement les choses que même le meilleur chimiste du monde ne pourrait trouver la solution à ce problème tant les combinaisons et la diversité des causes possibles sont complexes.

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 OGM Depuis quelques années maintenant, la science a permis à l’agriculture de produire des plantes qui s’auto défendent face aux aléas naturels : les OGM ! Certains de ces OGM, comme celui du maïs, le « Mont Santo 810 » peut produire son propre insecticide. Malgré plusieurs études sur ces plantes mutantes, les scientifiques ne décèlent aucune intoxication chez les abeilles. Seulement, certains OGM, outre leur capacité à produire leur propre moyen de défense, produisent beaucoup moins d’apports nutritifs pour les abeilles, contenant un pollen pauvre et moins abondant.

OGM : bombe à retardement ?

Cette modernisation de l’agriculture est aussi passée par l’amélioration génétique des plantes cultivées afin de répondre à la demande des agriculteurs et des consommateurs. Dans le passé, les variétés de tournesol conduisaient à des périodes de floraison plus longues que les variétés cultivées aujourd’hui. De même, le volume de nectar sécrété par une culture peut varier énormément entre différentes variétés d’une même espèce. On comprend dès lors que les ruches proches de ces zones pauvres en pollen et en nectar ne sont pas en conditions favorables pour produire d’importantes quantités de miel et nourrir les abeilles.  Monoculture Tous les jours, en fin de journée, une ruche de 60 000 abeilles a visité environ 35 millions de fleurs. Tous les nutriments ainsi ingérées par les abeilles, surtout des protéines, sont digérées pour donner des acides aminés élémentaires qui serviront à la construction de nouvelles protéines, nécessaires à la croissance et au développement de l’organisme. Sur les 23 acides aminés existants, 9 ne peuvent pas être synthétisés par le corps et doivent forcément être amenés par l’alimentation. Les abeilles ont donc besoin d’une certaine diversité florale de façon à pouvoir butiner toute l’année tout en gardant une alimentation diversifiée capable de répondre à leurs besoins nutritifs. Or, pour répondre à notre besoin alimentaire sans cesse en augmentation, les agriculteurs ont appliqué une agriculture intensive appelée aussi monoculture qui correspond à la culture d’une seule espèce de plante. Ce mode de culture en lien avec la modernisation des techniques mais aussi de l’urbanisation ne comporte aucun bienfait pour l’écologie.

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En

effet,

il

entraine

un

épuisement de certains éléments nutritifs du sol et permet le développement

excessif

de

certains ennemis des cultures, ce qui est totalement paradoxale puisque

les

agriculteurs

dépensent des fortunes dans les pesticides pour se débarrasser de ces ennemis. La monoculture est aussi

une

biodiversité

gêne qui

pour est

la alors

inexistante et conduit les écosystèmes alentours, comme l’abeille, à leur perte.

1. les surfaces en luzerne ont diminué de 80% en 40 ans 2. les surfaces en prairies naturelles ont baissé de 4,4 millions d’hectares entre 1970 et 1999 3. chute de 600 000 ha pour le tournesol (plante mellifère, c’est-à-dire favorable aux abeilles) (- 40%)

Les abeilles installées aux alentours sont alors atteintes de carences qui peuvent influer sur leur cycle de vie jusqu’à mettre en danger la capacité de survie de la colonie. Ces carences causeront, par exemple, un développement perturbé des larves, une résistance accrue face aux maladies, aux virus et aux parasites. De plus, les abeilles sauvages, plus fragiles que les abeilles domestiquées, disparaissent deux fois plus rapidement que leurs congénères sociales, mettant fin parfois à la complémentarité entre les pollinisatrices, et par conséquent un terme à la pollinisation de cette zone de culture. Les monocultures apportent donc une pauvreté florale, détruisant la biodiversité alentour, qui apporte quant à elle un affaiblissement général de la colonie. La monoculture est donc l’une des sources de disparition des colonies.

Il ne faut pourtant pas baisser les bras face à ce cercle vicieux de plus en plus présent - moins de plantes à fleurs dans les champs donc moins de pollinisateurs donc encore moins de fleurs … - car les solutions existent. Il suffirait de restructurer le paysage en plantant des haies, des talus, des bosquets autour de ces champs. Ces zones permettraient alors de loger les espèces sauvages pollinisatrices qui enclencheraient chaque printemps le processus naturel qu’est la pollinisation et assureraient la préservation de la biodiversité florale. Il suffirait de planter 2% de jachères sur les abords d’un champ pour permettre aux abeilles de se nourrir correctement. De plus, ce système a un effet positif sur les cultures en augmentant le rendement des récoltes. Tout le monde y gagnerait.

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 Perturbation climatique Depuis l’essor de l’agriculture en France et dans le monde après la seconde guerre mondiale, les paysages ont beaucoup changé engendrant un appauvrissement des sources d’alimentation de l’abeille comme nous l’avons vu précédemment. Or les scientifiques ainsi que les apiculteurs pensent que le climat peut aussi venir s’ajouter aux causes de la surmortalité des abeilles. Tout d’abord, comme l’ont démontré Wahl et Ulm en 1993, les carences alimentaires augmentent la sensibilité des abeilles aux herbicides et insecticides. En l’absence de ressources polliniques variées, les larves doivent donc se contenter d’une alimentation pauvre, et vont produire des ouvrières plus faibles, plus sensibles aux attaques de pathogènes. Les abeilles ayant une alimentation peu riche sont donc des proies faciles face aux autres facteurs qui contribuent à leur surmortalité. De plus, en saison active – de mars à septembre – un mauvais temps prolongé est l’ennemi des abeilles. Elles doivent attendre des conditions climatiques propices pour aller butiner : - température extérieure d’au moins 13 ou 14°C, - absence de précipitations, - vent limité, en dessous de 43 km/h. Seulement si ces conditions sont retardées, à cause d’une trop basse température par exemple, ou sont trop souvent présentes, avec trop de vent ou de pluie, la colonie accumulera un retard par rapport à une saison « normale ». Elle commencera à récolter du nectar trop tard ou n’arrivera pas à en récolter assez pour passer l’hiver. De plus, de telles conditions météo, en fin d’hiver, limitent les possibilités pour la colonie de sortir nettoyer la ruche, ce qui peut permettre aux maladies de se développer. Ces conditions météorologiques ont enfin une influence sur les plantes qui prennent du retard pour pousser ou gèlent au début du printemps. Le problème d’alimentation et de santé des abeilles n’est pas seulement dû à une cause environnementale mais aussi climatique. Ainsi, l’hiver est un moment problématique pour l’alimentation des abeilles car elles doivent se préparer pour l’hivernage. Les abeilles qui naissent fin août/début septembre devront être beaucoup plus résistantes pour pouvoir survivre. Elles devront donc être beaucoup plus nourries avec un pollen ou un nectar riche en acides aminés. Finalement, des facteurs climatiques extrêmes, un très grand froid, une canicule ou une période de forte humidité, peuvent avoir des effets particulièrement désastreux sur les abeilles, notamment en les rendant incapables de trouver leur nourriture.

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 Conséquences des carences alimentaires Les affaiblissements des colonies dues aux monocultures ou à la météo défavorable entraînent des baisses de la production de miel, des baisses particulièrement néfastes pour tous les apiculteurs qui vivent de la vente des produits de la ruche mais aussi pour les abeilles qui sont censées être autonomes et censées se nourrir de leur propre miel. En effet, une colonie consomme en moyenne 40 à 60 kg de miel par an dont 15 kg pour se nourrir l’hiver et réussir à former une grappe au milieu de la ruche permettant aux abeilles de se tenir chaud, selon le même principe que les pingouins. Ainsi, les abeilles à l’alimentation carencée : - sont plus sensibles aux attaques des pathogènes, - sont plus sensibles à tout type d’intoxications, que ce soit apicoles ou agricoles, - ont une durée de vie réduite, ainsi que du mal à passer l’hiver. Au final, on se rend compte que l’abeille tout comme l’homme se porte bien mieux, et est bien plus résistante à toutes formes d’agressions extérieures, quand elle a eu une alimentation équilibrée et en quantité suffisante. Or, en excluant tous ces agents capables d’affaiblir les colonies une menace encore plus grande pèse sur les abeilles : les pesticides.  Pesticides Soumises à un milieu agricole de plus en plus hostile, normalement dotées d’une rare adaptabilité, les abeilles sont aujourd’hui désorganisées, anéanties ou affaiblies au point de ne plus pouvoir se défendre des effets des pesticides. Des pesticides de plus en plus toxiques à très faibles doses et de plus en plus rémanents, qui sont mis sur le marché et qu’il est désormais urgent et indispensable de prendre en compte. L’effet des pesticides comme cause des surmortalités des abeilles est un sujet des plus polémiques car il fait entrer en jeu des firmes multinationales milliardaires et concerne l’économie agricole entière d’un pays. La France est, par exemple, le troisième utilisateur mondial de pesticides devant les USA et le Japon avec une moyenne de 100 000 tonnes consommées par an. Par syllogisme, n’oublions pas que les pesticides et insecticides sont, comme leur nom l’indique, censés nuire aux insectes pour permettre aux agriculteurs d’éviter d’être ravagés par ceux-ci. Or l’abeille est un insecte, de la lignée des arthropodes, de la famille des apidés, du genre apis et de l’ordre des hyménoptères et malgré tous ces noms savants, elle est et restera un insecte. Pourquoi serait-elle donc épargnée par ces produits phytosanitaires ?

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Notions importantes :  Les pesticides sont des produits phytosanitaires qui peuvent tous perturber les insectes pollinisateurs,  Les herbicides participent à la raréfaction de leurs ressources alimentaires,  Les fongicides, appartenant à des familles chimiques particulières censées détruire les champignons parasites, peuvent également engendrer des troubles inattendus s'ils sont associés à des insecticides peu dangereux.  Les insecticides sont les pesticides les plus fortement impliqués dans les dommages infligés à la faune pollinisatrice. Leur action peut être directe, mais elle est assez souvent indirecte par les résidus déposés sur les plantes, contaminant la nourriture des insectes mellifères : pollen et nectar. Les intoxications : comme pour l’homme, on parle d’intoxication lorsque les abeilles sont en interaction avec un produit dangereux pour leur santé. Il existe deux types d’intoxications :  L’intoxication aiguë qui correspond à l'absorption d'une dose massive de toxique en une seule prise,  et l’intoxication chronique qui correspond à l'absorption de faibles doses de toxique répétées sur une période allant de plusieurs mois à plusieurs années. Enfin la notion de risque encouru par les abeilles dépend de :  la toxicité de l’insecticide (que l’on calcule avec la DL50, la dose létale autrement dit mortelle pour laquelle 50% des individus meurent. Etant donné que tous les individus d'une même espèce n'ont pas exactement la même sensibilité pour un toxique la DL50 mesure la sensibilité moyenne de l'espèce au toxique),  de l’exposition de l’abeille à celui-ci (exposition direct par contact ou indirecte par transport dans la ruche). Seulement cette exposition varie selon la rémanence de l’insecticide, c’est à dire sa durée de vie, d’activité :  dans les sols,  les plantes traitées,  et le corps de l’abeille.

Pesticide = hautement toxique

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Les différents pesticides Le premier insecticide mis en cause par les apiculteurs a été le Gaucho en 1991 par la firme allemande Bayer. Utilisé pour enrober les semences de tournesol et de maïs, il devient une révolution pour le monde agricole qui découvre pour la première fois un insecticide systémique : c’est-à-dire qui se diffuse à l’intérieur de la plante, y compris dans le pollen, tuant non seulement les insectes qui mangent la plante, mais aussi les abeilles qui viennent butiner. Sa substance active (SA) est l’imidaclopride, molécule qui a une forte ressemblance avec la nicotine, et il s’avère qu’elle est très toxique pour certains insectes ravageurs tels que la pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis, des insectes du type piqueur-suceur, et l’est donc finalement pour l’abeille. Famille chimique : néonicotinoïdes Sous famille : chloronycotinyles DL50 : - 3,7 ng/abeille par voie orale - 81 ng/abeille par contact Solubilité dans l’eau : 0,58g/l à 20°C. Molécule soluble dans l’eau. Propriété biologique principale : insecticide. L’imidaclopride partage en effet le même site de fixation que l’acétylcholine – neuromédiateur impliqué dans la mémoire et l’apprentissage - sur le récepteur nicotinique. Elle agit en provoquant une hyperstimulation d'une catégorie de synapses à acétylcholine - neuromédiateur dont le rôle est de permettre le passage de l'influx nerveux. Définissons ce qu’est un neuromédiateur :  c’est une molécule chimique qui assure la transmission des messages d'un neurone à l'autre, au niveau des synapses,  qui sont des régions d'interaction entre deux cellules nerveuses constituant une aire de jonction par laquelle le message chimique passe d'un neurone à l'autre.

Les désordres neurologiques alors provoqués chez les insectes produisent une incoordination motrice, des convulsions et la mort.

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Après le Gaucho, le Régent TS développé par BASF, une entreprise allemande, à base de fipronil. Il est commercialisé en 1993 et appartient à une nouvelle catégorie d'insecticides : les phénylpyrazoles. Famille chimique : fiproles (famille des neurotoxiques) Sous famille : phénylpyrazoles DL50 : - 4,17 ng/abeille par voie orale - 5,93 ng/abeille par contact Solubilité dans l’eau : 1,9-2,4 mg/l à 20°C. Molécule peu mobile et peu soluble dans l’eau. Propriété biologique principale : insecticide. C’est un antagoniste – qui agit dans le sens contraire - du canal chlore du récepteur GABA. La molécule agit en perturbant le fonctionnement des récepteurs neuronaux du GABA - l'acide gammaaminobutyrique, un des neuromédiateurs importants du système nerveux central. Comme ces récepteurs ont un rôle inhibiteur – diminution de l’activité d’une enzyme - leur blocage entraîne une hyperexcitabilité nerveuse que l’on peut aussi appelée hyperactivité qui finit par entraîner le mort des insectes. Comparaison : DL50 par ingestion :  

Fipronil 4,2 nanog/abeille Imidaclopride 3,7 nanog/abeille

DL50 par contact :  

Fipronil 5,9 nanog/abeille Imidaclopride 0,81 nanog/abeille

On voit que le fipronil est beaucoup plus actif par simple contact que l'imidaclopride. En effet, une étude a montré que le Régent TS était retrouvé en quantité notable sur les arbres alentours sous forme de poussières émises après la semence et qu’à l’inverse de ce qu’affirmait la firme BASF, le fipronil n’était finalement pas enfoui dans le sol. Un manque d’honnêteté qui en traduit long sur les effets néfastes de ces insecticides et que les firmes tentent de cacher. Des effets qui pourraient persister pendant plus d’un an et contaminer les champs alentours. Le fipronil étant aussi un produit pour traiter les maisons contre les termites avec une rémanence de 10 ans … Une autre étude a signalé que la VME - mesure la concentration maximum d'un produit dans l'atmosphère correspondait à l'absorption de 0,125 mg de fipronil par jour en respiration calme, ce qui excède d'un facteur fois 10 la dose journalière admissible. Les effets seraient cancérigènes pour l’Homme…

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Enfin, depuis février 2007, un nouveau pesticide voit le jour : Cruiser de Syngenta. Il est composé d’une nouvelle substance active (SA), le thiaméthoxame (famille des néonicotinoïdes, à action neurotoxique, tout comme la clothianidine et l'imidaclopride) qui a été inscrite dans l’annexe des substances actives européennes autorisées. Utilisé dans le cadre de la lutte contre les taupins (coléoptères) et les pucerons, il a été interdit en Allemagne, en Slovénie, et en Italie alors que la France a confirmé le 8 janvier 2008 sa décision quant à l’autorisation de se mise sur la marché.

Famille chimique : néonicotinoïdes DL50: 5,0 nanog/abeille

Solubilité dans l’eau : 4,1 g·L-1 à 20 °C. Molécule très soluble dans l’eau. Propriété biologique principale : insecticide. Ce pesticide appartient lui aussi à la dernière génération de produits phytosanitaire dit systémique. Du fait de cette propriété il est, comme ses anciens congénères, mis en cause dans le phénomène de surmortalité des abeilles. Selon l'AFSAA, (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) une dose de 5 nanogramme/abeille perturbe le retour à la ruche. Selon le mode d'épandage – autrement dit le mode de semence du pesticide - les concentrations de thiaméthoxame dans les pollens de mais récolté au cours de diverses études ont pu atteindre 4.8 nanogramme/g. Malgré ce chiffre alarmant proche de la valeur de la DL50, l'AFSAA a considéré le risque comme acceptable pour une application en enrobage de semence de maïs et a simplement recommandé d'éloigner les ruches à une distance de 3 kilomètres des cultures traitées. De plus, il conseille d’éviter de planter des végétaux attractifs pour les abeilles autour des cultures traitées au Cruiser, ce qui nous amène à un cas de monoculture « propre » c’est-à-dire des zones purgées de toutes autres plantes que celle désirée. Or les abeilles, nous n’irons pas jusqu’à dire qu’elles en sont friandes, ont l’habitude d’aller butiner dans les champs de maïs. Un paradoxe total. Les associations du monde apicole et de l'environnement dénoncent ''la toxicité'' de cet insecticide qu'elles estiment dangereux pour les abeilles. Selon elles, le thiaméthoxame pourrait entraîner la perturbation du vol de retour à la ruche en endommageant le système d’orientation et de communication de l’abeille, comme

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nous l’avons vu dans la première partie. Et il serait, de plus, persistant dans les sols. Ces associations précisent que sa toxicité pourrait être équivalente à celle du fipronil et de l'imidaclopride. Comment les pesticides atteignent l’abeille ? Il faut savoir que les abeilles sont particulièrement vulnérables aux toxines chimiques, comparées à la mouche drosophile par exemple. Des études ont montré que le génome d’Apis Mellifera possède très peu de gènes pour le système immunitaire inné. Plus important encore, elle est dépourvue de gène codant pour les enzymes de détoxification et se révèle donc incapable de développer une capacité de résistance contre les insecticides, d’où l’importance d’une diversité florale qui apportera tous les nutriments nécessaires à l’abeille

pour

qu’elle

puisse

créer

sa

nourriture,

le

miel,

produit

antiseptique.

Les insecticides peuvent tout de même se répandre dans le corps de la victime de deux façons différents :  Ils peuvent traverser la paroi de la plante et se déposer sur le corps de l’abeille.  Ils sont également ingérés lors de la consommation du nectar contaminé par la substance active au fond des corolles. Les abeilles domestiques consomment également de l'eau ou du miellat pollués.

Il existe aussi un mode vicieux de contamination : le transport au nid, par les butineuses, des aliments pollués, nectar ou pollen, qui vont servir à nourrir, soit des congénères adultes soit des larves.

Se diffusent dans la ruche ? Comme nous l’avons vu dans la première partie du dossier, les abeilles communiquent entre elles à l’aide de phéromones et du principe de trophallaxie. Ainsi les contacts entre les abeilles sont très développés :  toilettage, communication, échanges alimentaires ou trophallaxie au cours de laquelle les abeilles partagent le contenu de leur jabot ainsi que les sécrétions de leurs glandes.  De plus, les cellules qui reçoivent les descendants de la colonie sont réutilisées plusieurs fois. Les alvéoles ainsi que les cadres le sont aussi et lorsque les ouvrières les nettoient, elles sont alors infectées. Dès lors qu’une abeille est intoxiquée, la ruche toute entière le devient par la suite. Le pollen et le nectar contaminés par la substance active systémique vont être donnés aux larves pour les nourrir passant par le jabot des nourricières et des autres ouvrières de la ruche, les contaminant au passage. Les futures abeilles sont donc intoxiquées avant même qu’elles ne sortent de l’alvéole.

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Leurs effets sur les abeilles : les symptômes Le symptôme typique d'intoxication est le dépeuplement rapide des nids suite à la mort des adultes ou des larves. Les adultes peuvent aussi mourir à l'entrée du nid formant un tapis d’abeilles mortes, ce qui est peu courant chez les abeilles qui meurent, normalement, assez loin de la ruche dans un but de propreté. D'autres symptômes ont été identifiés : ce sont des réactions sublétales*.  Le signe le plus courant est l'hyperactivité.  Les comas réversibles surviennent aussi dans le cas d’une intoxication faisant entrer l’abeille dans une sorte de convulsion l’empêchant de voler donc de retrouver la ruche. De bien nombreux autres effets ont été identifiés tels que :  la baisse de fécondité de la reine,  une baisse de la longévité des abeilles ouvrières,  et des pertes de l’orientation des butineuses en raison d’un dérèglement du système nerveux et de communications concernant l’emplacement des ressources alimentaires (perturbation des danses, des phéromones etc. comme vu dans la première partie). Interactions/synergies : Les scientifiques, après s’être focalisés sur la toxicité des pesticides, étudient depuis seulement quelques années, les effets de ces produits lorsqu’ils sont combinés. Ainsi plusieurs chercheurs de l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) ont analysé les effets de l’interaction entre un champignon pathogène (Nosema) et un insecticide sur la santé des abeilles. Ils ont choisi d’étudier la synergie entre un champignon et un insecticide car les champignons sont souvent utilisés comme arme biologique dans les champs de maïs, des champs de maïs souvent traité à l’imidaclopride. Ils ont émis l’hypothèse d’un syndrome multifactoriel qui serait responsable des mortalités massives observées chez les abeilles. Ils ont ainsi démontré que l’interaction entre le champignon Nosema Ceranae, qui altère la nutrition de l’abeille en colonisant son intestin et en perturbant sa digestion, et l’insecticide Gaucho composé d’imidaclopride, une substance active largement répandue dans les cultures françaises, affectait la santé de l’abeille à un niveau non négligeable. *Terme proche de létal, qui provoque la mort. Une dose sublétale se dit d’une dose un peu inférieur à la dose mortelle.

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Les chercheurs ont donc étudié les effets de l’interaction de ces deux agents sur la santé des abeilles en examinant différents éléments :  la mortalité individuelle et le stress énergétique (mesuré par la consommation de saccharose),  l’immunité individuelle et l’immunité sociale (de la colonie). En effet, l’abeille étant un insecte social, sa santé n’est pas seulement individuelle, mais elle dépend du fonctionnement

global

de

la

ruche,

comme

nous

l’avons

vu

au

début

du

dossier.

Les résultats montrent que l’effet combiné entre Nosema et l’imidaclopride induit un taux de mortalité et un stress

énergétique

plus

élevés

que

chaque

agent

seul.

Si au niveau des individus, aucun effet n’a été observé sur les ouvrières, l’action combinée des deux agents testés affecte l’immunité de la ruche.  Pour tester cette immunité au niveau de la colonie, les chercheurs ont mesuré le taux de production du glucose oxydase. Cette enzyme permet la production d’antiseptiques (H2O2) dans la nourriture de larves et le miel, et permet donc de prévenir toute contamination de la nourriture. Alors que Nosema et l’imidaclopride seuls n’ont aucun effet, leur combinaison provoque une réduction de la production de glucose oxydase. Ceci suggère une prévention accrue de la ruche aux pathogènes, due à la diminution des antiseptiques.

 De la même manière, des scientifiques de l’université de Penn State aux USA estiment que certains fongicides, en combinaison avec des insecticides néonicotinoïdes peuvent avoir des effets 100 fois plus toxiques que n’importe lequel de ces produits utilisés seuls. Pas de quoi effondrer une colonie selon eux, mais de quoi considérablement affaiblir les défenses naturelles des abeilles résidentes. Or, ces mêmes scientifiques ont parfois relevé et identifié jusqu’à 70 pesticides différents dans une même ruche ainsi que des fongicides…

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Autorisation : Dès les années 90, lorsque les apiculteurs ont commencé à alerter l’opinion publique sur les mortalités anormalement élevées, les syndicats ont tout de suite pointé du doigt les insecticides, notamment ceux utilisés sur les cultures de tournesol et de maïs. Les produits phytopharmaceutiques sont sans doute parmi les produits les plus sévèrement contrôlés et évalués avant leur mise sur le marché. Chaque matière active doit recevoir une autorisation de la Commission des Toxiques (Comtox), chargée d'évaluer la toxicité du produit, et du Comité d'Homologation, qui évalue son efficacité. Par principe de précaution, le Gaucho® se voit suspendu sur le tournesol en 1999 et sur le maïs en 2004. Le Régent® TS est quant à lui suspendu sur

le

tournesol

et

le

maïs

en

2004.

Or lorsque le Cruiser® sort en France, petit cousin du Gaucho et du Régent TS de par sa composition et ses principes actifs, le gouvernement autorise son utilisation dans n’importe quel champ. Dès lors les apiculteurs prennent position et ne tolèrent plus ce refus de compréhension et d’aide de l’état et décident de mener une guerre sans pitié contre les agriculteurs et les firmes de pesticides.

Manifestation contre le Cruiser

On peut aussi déplorer l’efficacité des tests d’homologation car la plupart d’entre eux, du fait du manque de connaissance en toxicologie sur les abeilles et sur les nouvelles générations de produits, ne sont plus appropriés. Certains datent même de plusieurs décennies, nécessitant donc des tests complémentaires pour estimer correctement les éventuels impacts sur les abeilles. Solutions : Etant donné que les scientifiques n’ont toujours pas isolé la cause réelle de la surmortalité des abeilles, il n’existe à ce jour aucun traitement qui pourrait remédier à ce déclin brutal. D’ailleurs, les apiculteurs culpabilisent souvent du fait qu’ils pensent que les abeilles meurent à cause d’un manque de soin, de traitements, ou d’un placement des ruches mal approprié. C’est un sujet tabou dont ils n’osent pas parler de peur de s’attirer le ridicule, c’est d’ailleurs pourquoi ce phénomène mondial a mis du temps à se faire entendre, et encore aujourd’hui,

c’est

un

sujet

bien

peu

évoqué

comparé

à

l’enjeu

planétaire

qu’il

engendre.

Les apiculteurs, gardiens des abeilles, rejettent souvent la faute sur les agriculteurs sans prendre la peine de réfléchir , ce qui ne cesse de créer une tension entre les deux professions.

44


Pourtant, malgré les fortes tensions qui coexistent entre ces deux professions, il faut avouer que l’agriculture tend à se moderniser pour respecter la faune autant que la flore. En effet, l'initiative des bandes enherbées depuis 2005 est une illustration parmi d'autres : la bande enherbée est une zone tampon entre les cultures et les eaux superficielles (cours d’eau, fossés…). Elle est un moyen efficace de lutte contre les transferts de fertilisants et de produits phytosanitaires vers les eaux de surface. De plus, certains agriculteurs tentent de travailler en collaboration avec les apiculteurs en installant des jachères « apicoles » sur le bord de leurs champs, entrainant le phénomène de mutualisme qui coexiste entre l’abeille et les plantes, comme défini dans la première partie. Finalement l’une des meilleures solutions pour réduire les pertes d’abeilles serait de mettre en place une entente entre apiculteur et agriculteur, pour le bien de l’humanité ! Ondes ? Le sujet de l’effet des ondes sur les abeilles est très polémique. Pour certains scientifiques, d’autres facteurs sont plus

menaçants.

Pour

d’autres,

des

études

approfondies

sont

nécessaires.

Les études qui ont été menées reposent sur la mise en évidence de la sensibilité des abeilles aux champs électromagnétiques qui pourraient provoquer

Pays

l’expansion ou la contraction de particules de

Taux de mortalité (en %)

magnétites présentes dans l’abdomen des ces études n’ont été expérimentées qu’en

Allemagne Angleterre Autriche

laboratoire et non dans les milieux naturels.

Belgique

abeilles, nécessaires pour leur orientation. Or

Les résultats sont donc à considérer avec prudence. Toutefois si cela se révélait juste, les ondes pourraient être la cause de la disparition brutale des abeilles qui ne retrouveraient plus le chemin de la ruche. Surmortalité : les chiffres

Canada Espagne France Lichtenstein Luxembourg Suisse

Combinés, ces facteurs sont meurtriers à grande

échelle.

Entre

1995

et

2005,

1500 apiculteurs français ont dû cesser leur

USA USA (Californie) USA (Wisconsin)

activité suite à la perte de 300 000 à 400 000 ruches par an. Ces chiffres sont aussi critiques

USA (Pennsylvanie)

dans les autres pays européens comme en Italie, en Espagne et en Allemagne. Aux Etats Unis, la situation est beaucoup plus alarmante, les pertes annuelles d’abeilles sur l’ensemble du pays se comptent en millions !

17,8-61,1 0-80 0-70 6,1-18,4 0-84 37-58 10-90 7-64 53-70 55-60 31,7-51 12,3-14,3 40-50 23,8-36

Taux moyen de mortalité (en %) 29 40 30 28,2 22 34 14,6 17 25 40 30 18 18,1 32 33 23,2 26,4 40-60 50 44 45 29 40 30 35 28

Années

2003 1992 2002 2003 1999 2002 2003 2004 2005 2003 2004 2004 2003 2003 1998 1999 2003 2003 2005 2005 1993 1994 1995 1996 1997 2001 2002 2003 2004 2005

Tableau récapitulatif de la surmortalité mondiale des abeilles

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Conséquences planétaires. 1 - Les conséquences économiques L'histoire des abeilles accompagne celle de l'homme. En effet l'homme savoure le nectar si délicat que produisent les abeilles depuis l'aube de l'humanité. Mais aujourd'hui, cette denrée se fait rare car les abeilles sont malades. Le coupable ? L’Homme. Tout au long du dossier, nous avons étudié le rôle si essentiel de l’abeille pour l’environnement, avec 35 % de la production mondiale de nourriture qui provient directement des cultures dépendantes de la pollinisation par les insectes. Puis, l’abeille permet aux paysages d’avoir toutes ces couleurs chatoyantes et rayonnantes, fabriquant du bout de ces pattes, la biodiversité. Elles nous apportent finalement un double service : -

Les produits de la ruche qui sont à la fois des produits commerciaux mais aussi des produits

antibactériens comme le miel ou la propolis, ou des produits pharmaceutiques comme le pollen ou encore le miel, riche en nutriments et en vitamines. - et un service indirect dans la production agricole et la survie de l’environnement où elles jouent un rôle de sentinelle. Or, les apiculteurs ont pu observer depuis une dizaine d’année, en France et dans les autres pays du monde, que les quantités de miel récoltées chaque année chutaient complétement : par exemple, chez un apiculteur amateur, en un an il perd la moitié de sa production de miel passant de 30 à 15kg. Il en va de même pour les professionnels qui s’occupent de centaines de colonies, et qui passent de 80 kg de miel à moins de 20 kg au moment de la récolte. Mais le plus inquiétant n'est pas là. Car qui va alors faire le boulot de pollinisation à la place des abeilles si nous les laissons mourir ? Ceci s’est déjà produit dans quelques régions du monde comme en Asie, dans l’Hindu Kush, une région de l’Est de l’Himalaya. Les pommiers représentaient une source de revenus importante pour de nombreuses communautés de paysans. Au cours de la dernière décennie, la production de fruits de 84 villages montagneux chuta de 50% car la grande diversité de pollinisateurs qui occupaient ces contrées avaient péri face à l’usage abusif des pesticides. Un phénomène plus grave encore a été récemment révélé en Chine dans la province du Sichuan où, à cause des pesticides, les hyménoptères ont totalement disparu depuis les années 1980, au point que la pollinisation des poiriers doit être effectuée manuellement par les arboriculteurs.

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Une étude américaine a montré que, sur le plan économique, l’impact des pollinisateurs était considérable puisqu’il représente environ 10% du chiffre d’affaire de l’ensemble de l’agriculture au niveau mondial. Aux États-Unis, ce marché a été évalué à environ 15 milliards de dollars par an et à 153 milliards d’euros de déficit agricole et alimentaire au niveau mondial. Effectivement, sans les abeilles, il est absolument certain que les rendements agricoles chuteront considérablement. S’en suivra des licenciements et des pertes d’emplois : qui osera donc devenir fleuriste ? Mais ce n’est pas seulement les fleuristes qui seront touchés. Les apiculteurs, évidemment, seront les premières victimes de la disparition des abeilles et c’est 2 000 apiculteurs qui devront mettre la clé sous la porte en France et 20 000 personnes de la filière apicole. Les agriculteurs prendront aussi un grand coup. Pourquoi pas les peintres, qui, lassés de n’avoir aucun joli paysage à peindre, abandonneront la peinture.

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2 - Les conséquences écologiques Difficile d'imaginer un repas auquel les abeilles ne soient pas associées de près :

Plus de confitures, plus de jus d’orange, plus de salades de fruits, plus de café, moins de lait … Que resterat-il donc ? Les céréales, le pain et quoi encore ? … Aux Etats Unis, un repas sur deux est assuré par la pollinisation des abeilles. Prenons un exemple typiquement américain : si les abeilles disparaissaient, lorsque vous iriez chez Mc Donald acheter un Big Mac, il n’y aurait plus ni les tomates, ni la salade, ni le steak haché, ni les concombres, ni les grains de sésame. Il ne resterait que le pain… D’un point de vue environnemental, les paysages deviendraient mornes, se transformant en zones désertes sans fleurs ni arbres … Or d’un point de vue humain, nous savons tous que les arbres nous fournissent principalement l’O2 nécessaire pour vivre. Nous savons aussi que la Terre n’est pas en grande forme en ce 21e siècle et que la perte brutale des arbres

en

même

temps

que

les

abeilles,

serait

catastrophique. D’un point de vue animal, tous les mammifères, insectes, oiseaux, reptiles qui se nourrissent de fleurs, de plantes, de feuilles d’arbres ou d’herbes auraient du mal à trouver de quoi se nourrir, les menant à leur perte. Même si ces exemples sont poussés à l’extrême, il faut bien comprendre que si les abeilles continuent de disparaître à la vitesse actuelle, la planète entière changera, réduisant la durée de vie de l’humanité !

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Conclusion

L

‘ activité de pollinisation des abeilles est essentielle à l'agriculture : plus de 80% des espèces de plantes à fleurs dans le monde et 84 % des espèces cultivées en Europe en découlent. Elle constitue un élément indispensable dans la chaîne interactive des écosystèmes.

L’abeille est une sorte d’alarme annonçant l’état critique de la Nature. En effet, comme nous l’avons sans cesse répété, les abeilles sont les architectes de notre environnement et nous préviennent des dangers dans lequel l'homme le met en péril. Leur surmortalité n’est peut-être qu’un génocide de leur part, ces extraordinaires insectes préférant ne pas subir le pire qui reste peut-être à venir. Leur survie dépend de l'homme, qui dépend, lui-même, étroitement de l'hyménoptère. Alors que la France est le premier consommateur de pesticides en Europe, il est difficile de croire que nous pourrons en réduire la consommation de 50 % dans les dix ans à venir. Et pourtant, c’est un enjeu vital. L’Homme a tout de même pris conscience de l’importance de ces petits insectes et tentent malgré tout de les protéger. Des jachères apicoles ont été installées aux abords de certains champs, la culture biologique se répand de plus en plus, des projets gouvernementaux se sont mis en place tels que le programme européen ALARM,… Des associations voient aussi le jour comme « Un toit pour les abeilles » qui lance un appel aux particuliers autant qu’aux entreprises pour entretenir une ruche dans son jardin ! Jachère apicole

Enfin le 12 Juillet 2010 a eu lieu le Grenelle de l’environnement dont une loi a été dictée à propos des abeilles : « Section : Préservation de la biodiversité » Objectif : Assurer un bon fonctionnement des écosystèmes en protégeant les espèces et les habitats. - « Rendre l’agriculture durable en maîtrisant les produits phytopharmaceutiques et en développant le bio »

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Malgré tout, le mal reste ancré et les solutions pour faire changer la situation sont désormais trop radicales pour que les gouvernements et les sociétés l’acceptent. Il faudrait, en effet, arrêter d’utiliser des pesticides, ne plus émettre d’ondes électromagnétiques, ne plus utiliser d’OGM, etc. Paradoxalement à tout ce que l’on a vu, à la disparition des abeilles dans les campagnes, espaces de verdures et de fleurs, on assiste à un développement des ruches dans les villes. Par exemple à Paris où il est de plus en plus fréquent de voir des apiculteurs sur les toits d’immeubles récoltant le miel des abeilles. Serait-ce alors la solution ? Il est temps de prendre une décision quant à l’avenir de l’abeille.

Il faut agir !

Respectons cette ouvrière laborieuse, qui depuis des millénaires n’a pas pris un jour de vacances et prend soin de ce grand jardin qu'est la Terre, afin que nous puissions longtemps récolter les fruits de l’espérance !!!

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