La rue: témoin de la transformation d’un quartier Un urbanisme conflictuel issu d’ une commercialisation patrimoniale. Le cas de Metaxourgio, un quartier central d’Athènes.
urban mutations
Papaderakis Nikolaos
La rue: témoin de la transformation d’un quartier Un urbanisme conflictuel issu d’ une commercialisation patrimoniale. Le cas de Metaxourgio, un quartier central d’Athènes.
Papaderakis Nikolaos Mémoire de fin d’études, juin 2015 Séminaire: FARE Responsables: Valérie Foucher-Dufoix, Anne Chatelut, Nancy Ottaviano ENSA Paris-Belleville, juin 2015
De la Méditerranée au quartier...
Athènes
Région d’Attica
Municipalité d’Athènes
Centre historique
Triangle commercial, places centrales et le quartier Metaxourgio
4|5
Introduction
Le quartier de Metaxourgio, traditionnellement populaire, possède une histoire urbaine qui com-
mence lors de la déclaration de la ville d’Athènes comme capitale de la Grèce en 1833. La po-
pulation essentiellement ouvrière qui s’y installe, est attirée par l’implantation d’une industrie de la soie, à laquelle le quartier doit son nom (1), ainsi que par sa juxtaposition au nord-ouest de la ville, à proximité des axes qui conduisent à la ville portuaire du Pirée et au deux gares d’Athènes. Ces deux éléments majeurs ont donc guidé l’industrialisation de la ville vers l’ouest.
“Un voisinage nous dévoile, pour chacune des périodes de son histoire, les traces ou empreintes
des usages qu’à certains moments du passé ont été déclenchés à partir d’un élément initial (...). En effet, sa morphologie, à un certain moment donné, témoigne de toutes les strates successives
de son évolution. Cette profondeur historique enrichit le tissu et l’espace urbain en lui concédant de la polysémie, de l’animation et de la beauté, caractéristiques que les villes ex-novo planifiées sur papier ne peuvent pas reproduire. Cette relation dialectique est lisible dans le cas de Metaxourgio à Athènes, (...) et de son quartier.” (2)
Nous constatons, dès les premières études de site, que le quartier de Metaxourgio enregistre
dans sa morphologie architecturale et urbaine des traces de toutes les étapes de son évolution ainsi que de celle de sa classe populaire. L’espace physique au niveau de la rue reste témoin de
son héritage industriel et artisanal, ainsi que du développement économique de sa société, puis
de son délaissement et de sa décadence. L’histoire du quartier reste d’une certaine façon vivante et nous parvient encore aujourd’hui.
L’histoire de Metaxourgio est en effet, indissociable de son caractère productif: entre la deuxième moitié du XIXeme siècle et la première moitié du XX, le quartier devient un centre de productiv-
ité dans le contexte du centre ville d’Athènes. Son tissu urbain est composé d’un mélange de
commerces et d’ateliers d’artisans qui occupent un tiers des rez-de-chaussée de l’espace bâti.
(3) Pendant les années 1960-70, un certain nombre d’habitants du quartier ayant les ressources
économiques nécessaires quitteront le quartier à la recherche de logements de standing, vers l’est bourgeois de la ville. Commence alors un processus de délaissement progressif de Meta-
1. La traduction du mot “metaxourgio” en francais est soierie 2. Agriantoni Christina, Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, 155171, Athènes, Centre de Recherches Neo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995 3. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/files/file/01_Historical_report.pdf
xourgio, accentué par l’interdiction de la part du gouvernement grec, d’implantation des usages productifs en 1979. Ce ne sera qu’à la fin du XXème siècle, lorsque la municipalité prend la décision de mettre en valeur le quartier, que de nouveaux investisseurs privés arrivent progressivement sur le site.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, le quartier se trouve en plein milieu d’un processus de transformation
qui va effacer son identité artisanale et industrielle par l’apparition de nouveaux acteurs. Ceuxci vont transformer le quartier à leur façon en le reconfigurant, et c’est précisément ce nouveau
façonnement urbain qui s’oppose à l’héritage populaire du quartier. L’espace public en sera le témoin principal en tant que lieu d’établissement des nouvelles zones d’activité.
6|7
Problématique et hypothèses
Cette étude part d’un constat: les activités développés par les différents acteurs au sein de Metaxourgio sont lisibles et manifestées dans l’espace public du quartier. A partir de cela, nous nous
interrogeons d’abord sur quels sont les mécanismes de transformation du quartier mis en œuvre
par ces acteurs, et les rapports existants entre eux. Le but étant d’arriver à comprendre quelle est la nouvelle configuration urbaine qui émerge. Finalement, nous étudierons l’impact que celle-ci a sur le patrimoine, et donc sur l’histoire du quartier lui-même ainsi qu’à la politique d’urbanisme de la ville.
Nous avons choisit d’étudier la transformation de ce quartier du centre ville, d’une part parce que il s’agit d’un processus récent qui prend place pour la première fois à la grande échelle urbaine
d’Athènes et qui est, de plus, peu étudié. D’une autre part, parce qu’il s’agit aussi d’un phénomène
qui entraîne une série de mécanismes très particuliers d’appropriation spatiale qui se mêlent à l’élément historique du quartier. Nous focalisons sur cette mutation urbaine parce que c’est un
phénomène qui génère une série de mécanismes très particuliers d’appropriation spatiale qui se mélangent avec l’élément historique.
En effet nous constatons que chaque acteur, avec différentes approches et objectifs, va se manifester de différente façon dans l’espace physique qu’il occupe. Pour cela il emploi des mécanis-
mes d’appropriation spatiale avec pour but la constitution d’une zone de contrôle délimitant son emprise d’activité. Il s’agit d’un comportement qui est expliqué par la notion de la “territorialité”, la
quelle a été initialement introduite par Henri Lefebvre. Selon cette notion, l’appropriation spatiale est accompagnée d’un “marquage territorial” de la part de chaque acteur, qui se traduit par la mise en place d’objets, de signes et d’activités qui évoluent. Ce marquage sert à “l’identification
psychologique de chaque groupe avec son territoire” et à comme résultat l’établissement d’une propre zone de contrôle qui se manifeste dans l’espace public. (4)
Les différents acteurs du quartier développent leurs propres mécanismes de territorialité, qui
sont divers et hétérogènes d’une part mais qui d’autre part, utilisent la morphologie particulière du quartier, ce qui finalement conduira à une nouvelle production spatiale. Selon Lefebvre, ce
nouveau mode de production se génère quand “une nouvelle société, s’approprie, c’est à dire organise à ses fins, l’espace préexistant, modelé auparavant. Les classes sociales s’y investissent
différemment, (…), dans ces espaces occupés”(5). Il est donc important, dans un premier temps, d’analyser ces différents mécanismes d’appropriation, autrement dit la territorialité, en mettant en évidence le rôle de l’espace préexistant.
Dans un deuxième temps, nous observons que les relations entre les différents acteurs dont les intérêts et les objectifs sont hétérogènes se caractérisent par une forte présence ou absence d’in-
terdépendance, ce qui a un impact au niveau de l’espace global produit du quartier et de la ville.
La question de la territorialité combinée avec les rapports qui se développent entre les différents acteurs peut produire selon Lefebvre une “conflictualité de l’espace” (6). Plus spécifiquement, il observe qu’une “transformation sociale (donc spatiale) suppose la possession et la gestion collective de l’espace, par l’intervention perpétuelle des intéressés, avec leurs multiples intérêts, divers et même contradictoires. Donc la confrontation”.
Harvey reinterprète cette confrontation, à une échelle économique et politique, comme une “violence” spatiale exprimée par le système capitaliste et qui s’accentue par la privatisation du con-
trôle (contrôle sur la production et l’utilisation du surplus) dans le système néolibéral. (7) Selon Harvey, le conflit dans l’espace contemporain se base sur la notion “d’accumulation par dépos-
session” (8), qui s’exprime à travers le pouvoir public et le grand capital privé. Cette dépossession
se confronte avec les classes populaires qui habitent des quartiers centraux d’une ville. Il observe,
enfin, que ces classes, finalement, sont déplacées et remplacées par “une classe riche et par une économie politique urbaine qui se base sur le consumérisme, le tourisme et l’industrie culturelle”. (9)
Ensuite, nous étudierons la conflictualité historique qui se génère entre la nouvelle configuration urbaine et le patrimoine du quartier. A Metaxourgio, en effet, on observe une opéra-
tion médiatique qui considère le quartier et sa morphologie comme un produit à promouvoir. Selon Portaliou, l’espace historique des centres villes “se transforme en une scénographie consomable comme une marchandise”. (10) Il s’agit d’une observation formalisée par la no-
tion de “ville creative” de Charles Landry. (11) Un des principes de cette théorie est que la culture et les éléments historiques d’une ville doivent devenir une source de profit. Athanasiou, constate que dans ce cas, “la mémoire d’une ville et son patrimoine culturel sont util-
isés comme des outils de spéculation économique, de gentrification, de normalisation et au
bout du compte de stérilisation et de dépolitisation d’un espace social et physique”. (12)
5-6. Lefebvre Henri, (2000, 1974), La production de l’espace, Paris, Anthropos 7-8. Harvey David, (2011), Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, Paris, éd. Amsterdam 9. Harvey David, (2012), Rebel Cities: from the right to the city to the urban revolution, New York, Verso 10. Portaliou Eleni, L’aliénation de l’espace de la ville et la crise de la mémoire collective, OUTOPIA, nº 23, janvier-février 1997, pages 31-36 11. Landry C., (2000), The Creative City: A Toolkit for Urban Innovators. London: Earthscan Ltd. 12. Kostas Athanasiou, The gentrifying of the memory and the “becoming - child” of a city, disponible sur https://www.academia. edu/8586013/Gentrifying_the_memory_and_the_becoming-child_of_the_city
8|9
Etat des connaissances
Comme nous l’avons déjà mentionné, la transformation du quartier de Metaxourgio est un
phénomène très récent. L’état actuel est un résultat des mécanismes qui commencent à se mettre en place tout le long de la dernière décennie, notamment depuis 2009. Notre sujet n’est donc pas abordé dans cette dimension.
Malgré tout, nous pouvons retrouver des études à priori universitaires qui analysent certains as-
pects importants du quartier et sur lesquelles nous irons chercher quelques points de référence. Ces études sont centrées, d’une part, sur l’installation de la population chinoise et d’une autre part sur la question de la gentrification du quartier. Ces dernières se penchent surtout sur l’aspect poli-
tique et moins, voire pas du tout, sur le sujet de l’appropriation spatiale. Les spectre scientifique de toutes ces études s’étend depuis la sociologie et l’histoire jusqu’a l’architecture et l’urbanisme. Deux de ces études sont particulièrement utiles en tant que base de travail. La première à pour auteur Iris Polyzos, étudiante en sociologie urbaine, qui parle essentiellement des mécanismes d’ap-
propriation spatiale mis en place par la communauté chinoise du quartier. Elle observe que même
si l’espace produit possède certaines caractéristiques d’enclave ethnique, l’installation de cette population reste transitoire à cause des prix immobiliers qui montent et peuvent la délocaliser. (13) La deuxième étude qui nous est très utile est celle de Olga Balaoura, étudiante en architecture.
(14) Son travail est centré sur la possibilité d’une gentrification du quartier, hypothèse que, même
si elle n’a pas pu soutenir, a servi à créer une plate-forme de travail, surtout cartographique qui est très intéressante et utile pour notre étude.
Dans un cadre historique, nous avons la chance d’avoir accès à une bibliographie très riche sur l’évolution de la ville ainsi que sur le quartier, sa vie, et les raisons qui lui ont donné sa forme actuelle. Nous avons aussi la chance d’avoir une bibliographie concernant d’autres cas de transformations urbaines au centre ville d’Athènes, que nous analyserons au cours de cette étude.
Le dernier outil qui nous permettra de suivre l’actualité du quartier sera celui de la presse écrite et locale, les blogs et les réseaux sociaux.
13. Iris Polyzos, Le “quartier chinois” de Metaxourgio à Athènes, mémoire de Master 2, Paris, EHESS, 2009 14. Olga Balaoura, Metaxourgio of Athens, towards a counter hegemonic use of space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
Méthodologie
Le sujet de notre étude nous conduit vers une approche méthodologique pluridisciplinaire. Nous avons choisit, alors, plusieurs modes de travail qui dépassent par moments le cadre architectural afin de pousser notre recherche.
Tout d’abord, nous allons présenter l’histoire de l’évolution urbaine du quartier à travers une série de cartographie sélectionnée. Cela va nous permettre de comprendre la logique et la réparti-
tion programmatique dans un contexte historique. Elle va nous permettre aussi de le délimiter et d’identifier les différents moments significatifs de l’évolution du quartier.
Dans un deuxième temps, nous allons nous pencher sur des études de terrain effectuées en févri-
er, juillet et septembre 2014 et en février 2015. Etant donné que cette étude à pour base l’espace ressenti en s’interrogeant sur des sujets comme celui de l’appropriation spatiale, il est néces-
saire de mettre en valeur des outils photographiques ainsi que des relevés graphiques, qui nous aideront à identifier les différents acteurs. A travers cette observation, nous arriverons de même à comprendre les différents mécanismes d’appropriation spatiale et les rapports entre acteurs. Nous nous sommes surtout intéressé aux activités développées au niveau des rez-de-chaussée
ainsi qu’à leur extension et projection dans l’espace public. Le but est de montrer comment cette appropriation spatiale s’extériorise et se ressent depuis la rue.
Ensuite, nous essaierons d’illustrer la répartition des différents acteurs dans le quartier et de définir les limites de l’emprise spatiale de chacun d’entre eux au moyen d’une cartographie ex-
tensive. Cette cartographie nous aidera aussi à comprendre les différentes typologies spatiales qu’occupe chaque acteur et à situer les activités de façon spatiale et temporelle.
Nous présenterons, de plus, des articles de journaux, des communiqués de presse de la municipalité et des interviews réalisées avec des acteurs présents sur le site. Les acteurs nous permettrons de mettre en évidence le discours de chacun plutôt que leurs pratiques.
Finalement, nous analyserons les décisions municipales et gouvernementales qui ont une relation avec la transformation urbaine du quartier. Cela nous permettra d’avoir une meilleure compréhension des rapports entre le pouvoir central et les différents acteurs sur site.
10 | 11
PLAN DU MEMOIRE
Introduction Présentation du site
p. 5
Problématique et hypothèses
p. 7
Etat des connaissances
p. 9
Méthode
p. 10
1. L’évolution du quartier et les nouveaux acteurs
p. 15
1.1 L’évolution de la ville et de Metaxourgio
p. 16
1.1.1 La politique de l’urbanisme à Athènes; un regard critique
p. 16
1.1.2 L’urbanisme du vide politique
p. 29
1.1.3 La naissance d’un quartier productif
p. 32
1.1.4 Le délaissement du quartier
p. 39
1.1.5 La rénovation du quartier
p. 44
1.2 Les nouveaux acteurs économiques du quartier
p. 47
1.2.1 Le déplacement de la culture et de l’industrie des loisirs
p. 47
1.2.2 Le commerce chinois
p. 50
1.2.3 Les promoteurs
p. 55
2. Τerritorialité et pratiques d’appropriation
p. 61
2.1 La territorialité du délaissement
p. 64
2.1.1. Le déclin à travers le plein et vide
p. 65
2.1.2 Une territorialité liée à la prostitution
p. 69
2.1.3 Les drogues face au quartier
p. 74
2.2 La Chinatown Athénienne
p. 79
2.2.1 Le marquage des façades et la mise en place d’une appropriation volontaire
p. 80
2.2.2 Les pratiques quotidiennes et l’appropriation de la rue
p. 83
2.3 La territorialité élaborée de Oliaros
p. 89
2.3.1 Vers une territorialité “participative”
p. 89
2.3.2 L’art comme outil d’appropriation spatiale
p. 94
2.4 La territorialité du loisir
p. 99
2.5 La dimension sociale du quartier et la création d’une territorialité fictive
p. 103
2.6 La configuration urbaine du quartier
p. 106
2.6.1 La spatialité et la temporalité de l’appropriation territoriale de Metaxourgio
p. 106
2.6.2 Les espaces interstitiels et la production de conflit
p. 110
3. De la territorialité à la commercialisation de l’urbanisme
p. 120
3.1 La dégradation comme générateur de conflictualité
p. 124
3.1.2 Le profit de la “nouvelle bourgeoise” face à la dégradation
p. 125
3.1.3 Le commerce chinois face à la dégradation
p. 128
3.2 La rénovation du quartier et la territorialité politique de Oliarios
p. 130
3.2.1 Une démarche académique
p. 131
3.2.2 Les initiatives d’aménagement urbain
p. 133
3.2.3 Le remplissage du vide politique
p. 139
3.3 La consolidation des acteurs - Vers la privatisation de l’urbanisme
p. 141
3.3.1 La disparition de l’hétérotopie
p. 143
3.3.2 La recherche d’une nouvelle identité urbaine - vers la privatisation de l’urbanisme
p. 148
3.3.3 Vers la commercialisation du patrimoine
p. 153
3.4 Gentrification?
p. 159
3.4.1 La politique de l’urbanisme occidental
p. 160
3.4.2 Le cas de Metaxourgio et d’Athènes
p. 163
Conclusion générale
p. 169
bibliographie
p. 175
bibliographie graphique
p. 185
annexes
p. 191
1. L’évolution du quartier et les nouveaux acteurs
1.1 L’évolution de la ville et de Metaxourgio 1.1.1 La politique de l’urbanisme à Athènes; un regard critique
Dans cette partie nous allons présenter l’évolution de la ville d’Athènes et plus spécifiquement les
rapports entre la construction et l’extension de l’espace bâti de la ville et la politique d’urbanisme
qui se mit en place depuis la création de la capitale en 1833. L’étude des ces rapports va nous permettre d’une part de détecter les liens qui connectent le pouvoir central et sa politique avec l’urbanisme de la ville et d’une autre part, de comprendre comment Metaxourgio a émergé comme quartier et quel est le cadre politique dans lequel il évolue en tant qu’espace urbain aujourd’hui.
Il est important de noter aussi que, étant donné qu’Athènes est la capitale d’un pays politiquement
centralisé, son évolution urbaine a toujours été la première à subir les effets de chaque nouvelle politique qui se mettait en place, et qu’elle illustre aussi l’évolution de plusieurs villes grecques qui
s’inspirent de la capitale à niveau politique et urbain. Afin de pouvoir approfondir l’étude du cas d’Athènes, il faudra distinguer plusieurs étapes politiques chacune entraînant des modifications économiques, administratives et sociales qui ont eu un impact diffèrent sur l’identité et la morphologie urbaine de la ville.
Les différentes époques qui ont conduit à la consolidation de la forme actuelle de la ville sont cinq. La première est celle du règne d’Otto qui commence en 1833 et termine en 1862 avec le
détrônement du roi bavarois. La deuxième époque que nous pourrions appeler “trikoupienne” commence en 1862 et elle termine avec la banqueroute nationale en 1893. Une période de récession économique la succède ainsi que les deux guerres balkaniques en 1912 et 1913. En-
suite vient, la troisième époque d’entre guerres qui est marquée par l’industrialisation du pays et l’échange de populations entre la Grèce et la Turquie. Cette période historique a été marquée
aussi par deux coup d’états. La quatrième époque politique commence après la fin de la guerre civile en 1949 et dure jusqu’au coup d’état de 1967. La cinquième et dernière époque, débute après la fin de la dictature en 1974 et dure jusqu’au debut de la crise économique en 2010. Depuis
la crise, qui a marqué une période économique de récession, la ville ainsi que l’ensemble du pays traverse une phase de transition.
Pendant les trente ans du règne d’Otto nous observons, en ce qui concerne le contexte économique, l’absence d’une classe haute. La couche active et dominante de la societé n’est pas
16 | 17
Périodes historiques
Politique et économie
La ville d’Athènes
Le règne d’Otto 1833-1862
- Pouvoir qui s’exprimé par le palais
- Plan de la ville par Kleanthis et
- L’activité agricole comme pilier de l’économie
Schaubert modifié à maintes emprises - Création du triangle commercial
- La bourgeoisie reste très limitée
Période de Trikoupis 1862-1893
- Annexion de la Thessalie
- Augmentation de la population
- Industrialisation du pays
- Expansion de la zone productive
- Création d’une classe bourgeoise - Réception de prêts de l’Europe
de l’espace public-privé)
Banqueroute Nationale 1893 Guerres Balkaniques 1912-1913
Entre deux-guerres 1914-1940
- Annexion de la Macédoine - Migrations forcées entre la Grèce et la Turquie - Augmentation de la population du pays - Continuation de l’industrialisation
Seconde guerre mondiale et guerre civile 1940-1949
Après-guerre 1950-1967
- Destruction de la base productive et agricole
- La population augmente de 148% - Bidonvilles et construction illégale - Plan de Caligas pour le relogement des migrants - Grande famine (réduction de la population)
- Marginalisation politique de la gauche
- Endommagement du tissu bâti
- Effacement progressif de l’industrie
- Augmentation de la population
- Principe de Antiparohi
- Remplacement des anciennes
- L’économie pivote autour de la con-
enveloppes par des immeubles
struction de l’immeuble de standing
- Expansion de la ville en dehors
Dictature 1967-1974
Régénération Politique 1974-2010
vers le nord-ouest de la ville - Plan de la commission (délimitation
des limites du plan - Entrée à l’UE - Parti socialiste au pouvoir - Effacement de l’industrie et réduction de l’agriculture - Orientation vers l’économie touristique
- Sortie de la population du centre vers les banlieues - Délimitation du centre historique - Effacement des activités productives du centre - Nouvelle loi d’habitation (délimitation de zones programmatiques urbaines)
Crise économique 2010-aujourd’hui
- Mémorandums
- Reduction des activités immobilières
- Récession économique
- 20.000 sans-abris
- Politique de privatisations
- 60% de chomage pour les jeunes
D1. Timeline des périodes historiques d’Athènes
composée d’une classe sociale bourgeoise comme dans les autres pays occiden-
taux, mais au contraire elle est formée par le pouvoir central du palais. L’économie,
par conséquent ne bascule pas vers l’industrialisation mais continue de se baser sur
les activités agricoles. La plupart de l’élite économique grecque se trouvait au reste
15. Karydis Dimitris, (2008), Athènes du 19e siècle, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou
des balkans, en Egypte et en Russie et continuait à développer ses activités. Juste
une petite partie de cette élite avait commencé à se déplacer vers Athènes. La diffi-
culté qui se posait pour cette classe sociale était surtout d’ordre politique, puisque la mise en place d’un système économiquement plus ouvert se heurtait aux politiques
introverties et sans ordonnance mises en place à l’intérieur du pays par la couronne. Cette approche politique se refléta aussi au niveau de l’urbanisme d’Athènes.
Le règne d’Otto pourrait décrire dans un cadre urbanistique l’organisation de la nouvelle capitale et la mise en place des ses premières infrastructures. Plus spécifique-
ment, le 11 juillet de 1833 le premier plan directeur d’urbanisme fût mis en place suite à l’édit du nouveau gouvernement du pays. L’Edit avait comme objectif l’organisation de la ville pour pouvoir accueillir la nouvelle capitale. (15) Les architectes Stamatios
Kleanthis et Eduard Schaubert, anciens étudiants de la Baukademie de Berlin furent
chargés de composer le plan de la ville, qui avait à l’époque 12.000 habitants qui habitaient dans un tissu médiéval englobé par une ceinture fortifiée au nord de la colline de l’Acropole.
Les deux architectes, influencés par le courant du néoclassicisme et de la symétrie,
proposèrent un plan qui de développe sur trois axes programmatiques principaux.
Ils prévoyaient un centre administratif et politique au nord de la ville, à proximité de la place actuelle de Omonia, un centre culturel à l’est, à la place actuelle de Syntag-
I1. Vue de la ville depuis l’est, gravure de G. Soutsos (1840),
source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 77
18 | 19 16.
Karydis
Dimitris,
(2008),
Athènes du 19e siècle, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou
ma et un centre linéaire commerciale qui allait connecter le nord administratif avec
l’Acropole. Le plan mettait en place une grille rectangulaire de rues qui s’inscrivait à l’intérieur et par juxtaposition, à l’extérieur du triangle isocèle que les trois espaces programmatiques dessinaient.
Même si la zone d’aménagement se trouvait principalement à l’extérieur du tissu médiéval qui était déjà présent, un grand nombre de propriétaires réagirent aux expropriations issues de la régularité du plan qui ne respectait pas les tracés existants.
Le roi et le gouvernement décidèrent donc, d’une part pour réduire le cout des ex-
propriations et d’autre part pour éviter les plaintes des propriétaires, de déplacer le centre administratif et le palais au nord-ouest de l’Acropole, dans le région de Thisio et de dessiner une grille moins rigoureuse. Leon Von Klenze effectua la modification C1.
Plan initital de Kleanthis et
Schaubert de 1833 et implantation proposée pour le palais, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 27
C2.
Carte d’Athènes (1854) du
service géographique de l’armée française et implantation finale du palais, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 100
C1
en 1834. Malgré tout, pour des raisons d’insalubrité (puisque au nord-ouest il y avait des courants d’eau salles qui posaient des problèmes sanitaires), le père du roi décida de placer le centre administratif à l’est, à la place actuelle de Syntagma.
Nous observons finalement que le seul tracé du plan initial de Kleanthis et Schaubert qui resta en place fut celui du triangle isocèle. Toutes les autres décisions furent modifiées successivement et par fragments pour empêcher les réactions des pro-
priétaires ainsi que pour l’adapter aux nouvelles données. Dimitris Karidis constate que l’urbanisme pendant le règne d’Otto ne fut pas mis en place par un plan d’urbanisme global mais par une succession de décisions royales prises selon le cas et le contexte de chaque fragment de la nouvelle ville. (16)
C2
La situation changea en 1862 et une nouvelle économie prit forme. Progressivement le pays com-
mença à s’industrialiser surtout dans le secteur des céréales, tissus, poudre à canon, verre, papier et sucre. Cette industrie légère conduit à son tour à la naissance d’une petite bourgeoisie. Pendant la même époque, la région de Thessalie fut annexée au pays, ce qui eut pour effet d’augmenter la production agricole. Le gouvernement grec avait aussi commencé à recevoir des prêts
de l’étranger. Tous ces éléments conduisirent, malgré tout, à la création d’un modèle économique problématique.
D’abord le pays ne développa pas sa propre stratégie économique. Contrairement, les grands pouvoirs de l’époque, la France et l’Angleterre, imposent leur influence politique à travers une dépendance financière qui est induite par les prêts. L’industrie, ensuite, restait incapable de trou-
ver des marchés ouverts à l’étranger pour l’exportation de ses produits puisque ils étaient déjà saturés, et l’agriculture continua à être le moteur principal de l’économie nationale. Tous ces éléments ainsi que l’ensemble des prêts que le pays recevait depuis l’étranger ont conduit à la récession économique et à la banqueroute du pays pendant les années 1890.
Uniquement une petite partie du financement était destiné aux entreprises et aux ouvrages pub-
lics. La plus grande partie était donnée aux intermédiaires, à la transition et à la logique “d’acheter pour revendre”. En d’autres mots, la plus grande partie de ces prêts passa aux mains d’entre-
prises étrangères, qui s’occupaient de la construction et de la gestion des infrastructures (trains, gaz etc). Ce phénomène empêcha la création d’une bourgeoisie intérieure puisque la majorité du financement sortait du pays. La même situation eut lieu dans l’ensemble des pays balkaniques,
qui perdirent ainsi le contrôle de leur espace économique en détriment de pays étrangers, dans le cadre de politiques impérialistes. (17)
A la fin du 19e siècle le dysfonctionnement du modèle économique s’exprime par la composition de la population de la ville d’Athènes. Uniquement 9.568 habitants avaient un poste de travail productif, contrairement aux 25.906 qui effectuent des activités non-productives. Plus spécifiquement, il y avait une classe populaire qui travaillait dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture. Cette classe n’avait pas la conscience politique de sa qualité ouvrière puisque la créa-
tion des syndicats ne commença qu’à partir du 20e siècle.(18) Une grande classe moyenne la succédait et elle se composait par des employés et des propriétaires fonciers qui gagnaient de
l’argent en vendant des parcelles à la nouvelle population qui arrivait dans la ville. Cette classe
n’était pas productive car elle n’investissait pas son surplus. Au contraire elle couvrait ses besoins consuméristes en manifestant sa richesse. Enfin, une classe haute qui possédait les moyens de production avait comme objectif sa participation à l’appareil politique.
Cet écart entre la classe populaire et la classe moyenne s’est exprimé aussi dans l’espace urbain.
La première habitait à la partie ouest de la ville et la deuxième à l’est. Cette séparation spatiale s’explique aussi par les programmes qui on été implanté aux deux cotés de la ville. L’est accue-
illait le palais et tous les services administratifs ainsi que l’université de la ville et des services,
20 | 21 17,21.
Karydis
Dimitris,
(2008), Athènes du 19e siècle, Les sept livres de l’urbanisme,
Athènes,
Papasotiriou
18. Leodidou Lila, (1989), Les villes de la silence: colonisation ouvrière d’Athènes et du Pirée, 1909-1940, Athènes, Fondation technologique et culturelle ETBA 19. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http:// kmprotypigeitonia.org/files/ file/01_Historical_report.pdf 20. Agriantoni Christina, Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina,155-171, Athènes, Centre de Recherches
Neo-helléniques,
Centre National de Recherches, 1995
I2.
Architecture
résidentielle
de la fin du 19e siècle, source: Architecture Grèce,
Néoclassique
Athènes
1968,
en Ban-
que Emporiki, pages 196, 218
I3.
Vue du palais et de l’est
d’Athènes en 1873, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa,
programmes qui ont été implanté pendant le règne d’Otto à travers des décisions successives comme on à déjà vu. Ces éléments urbains ont attiré à leur tour l’implantation d’une classe moyenne. La classe haute aussi avait commencé progressive-
ment à partir des années 1870 à s’implanter en hauteur sur les régions de Neapoli qui connectait la colline de Lykavitos et celle de Strefi. (19)
A l’ouest de la ville, au contraire, il n’y avait pas de programmes proposés par le
palais. L’implantation de l’industrie de soie en 1852 et les atelier de l’orphelinat de Hatzikonstas avec ses ateliers artisanaux en 1856 dans le quartier de Metaxourgio, ainsi que l’implantation de l’industrie de gaz en 1859 à ses limites occidentaux at-
tirèrent progressivement la classe ouvrière qui recherchait un emploi.(20) Ces trois espaces productifs, même si leur implantation n’était pas prévue par le plan directeur de 1833, ont consolidé l’est productif de la ville en attirant au fil du temps des
fonctions similaires. Ils ont crée enfin un ensemble de quartiers populaires qui ac-
cueillaient la nouvelle population ouvrière qui est arrivé massivement dans la ville
pendant les années 1860. L’ouest est devenu la “porte” d’Athènes. Cette notion à été consolidée par la construction de deux gares de la ville à la fin du 19e siècle.
Εn 1860, le “plan de la commission” fut composé. Ce nouveau plan directeur indi-
quait l’emplacement des places, des écoles et des marchés et il fut partiellement validé. En 1864 le service technique de l’armée commença à construire les nouvelles
rues et les ilots qui allaient former les extensions de la ville. Ce plan encore une fois
ne proposait pas de programmes mais au contraire il délimitait l’espace public et l’espace privé de la ville. Sa composition essayait principalement de poursuivre la
densification de la ville qui avait lieu à l’époque en dehors des limites du premier plan. L’extension de la ville qui précédait le plan l’a obligé à 498 modifications et à
78 mises à jours de cas individuels. Le plan resta opérationnel pendant environ sept décennies.(21)
page 180
I2
I3
Les modifications envisagées dans le plan se justifient aussi par la mise en place d’un nouveau
service public en 1878, celui des ouvrages publics. Ce nouveau service a remplaça l’armée, et s’occupait de toutes les décisions urbanistiques. Il s’agit d’un moment très critique pour l’histoire
de l’urbanisme en Grèce et surtout à Athènes parce que, selon Kostas Biris, les parties politiques commencèrent à influencer les décisions du nouveau service. Plus spécifiquement Biris explique
que “le service fonctionne mal parce qu’il subit facilement aux pressions des propriétaires de terre. Ceci est dû au fait que les postes des fonctionnaires ne sont pas fixes, un élément qui les
rend fragiles puisque ils confrontent la menace du licenciement. Par conséquence, il ne peuvent pas résister aux pressions politiques et privés”. (22) Nous constatons, par conséquent, que l’ur-
banisme qui prend forme dans la ville d’Athènes commence à se définir par la présence d’un plan
qui essaye d’inclure ce qui a été déjà construit et par l’absence d’une politique urbanistique qui se limite à servir les intérêts privés. Des intérêts qui transforment le plan initial à maintes reprises.
A partir du 20e siècle et jusqu’à la deuxième guerre mondiale des nouvelles modifications on été amenées à l’ensemble du pays et surtout à Athènes. Les deux guerres balkaniques ont conduit à l’annexion de la région de la macédoine, ce qui augmenta la capacité productive du pays.
L’industrie continua d’augmenter ainsi que la classe moyenne. Cette évolution a fut accélérée par les migrations de population forcées entre la Grèce et la Turquie puisque une grande population
ouvrière arriva dans le pays. La capitale subit une grande transformation démographique pendant les années suivantes. Plus spécifiquement entre les années 1920-1940 la population de la ville
augmenta d’un 148,1%. De 453.000 habitants en 1920 la population passa à 801.000 en 1940. (23)
Cette transformation démographique renforça aussi la séparation de la ville car la majorité de la population immigrante qui faisait partie d’une classe ouvrière s’installa à l’ouest de la ville. Des bidonvilles émergèrent et une grand activité de vente illégale foncière extensive, en de-
hors les limites dessinés de la ville et à l’intérieur par le découpage parcellaire, prit place. (24) Malgré tout, pour la première fois dans l’histoire d’Athènes un plan urbain organisé fut mis en place pour la création de nouveaux quartiers pour héberger la nouvelle population. Le “plan de Caligas” fut élaboré en 1922 et il envisageait la construction de quelques zones d’ur-
banisme à l’extérieur des limites de la ville. En même temps une commission pour le relogement des immigrants, qui recevait du financement étranger fut formée.(25) Le système politique qui
définissait les choix des nouvelles zones d’aménagement urbain décida d’implanter la totalité des nouvelles agglomérations à l’ouest de la ville. Selon Dimitris Karydis, il s’agissait d’un choix volo-
ntaire qui visait à produire une ségrégation spatiale en implantant les nouveaux quartiers de un à
quatre kilomètres des limites existants du tissu bâti de la ville. Plus spécifiquement, selon l’auteur, le gouvernement “avait comme objectif l’isolation sociale des immigrés pour des raisons de ma-
nipulation politique ainsi que pour fournir des mains d’œuvre pas chères aux industries a cause
22 | 23 22,24,25,27. Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa
de la proximité. (…) De Perama (sud-ouest) jusqu’à Redi et à Nea Ionia un continuum
des logements ouvrières et des espaces de production a pris place et la séparation
entre l’ouest et l’est de la ville devint plus visible.” (26) Le résultat de cette politique
23,26 Karydis Dimitris, (2008), Athènes d’entre deux guerres et des années d’avant guerre, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou
était l’unification de la ville du Pirée avec la ville d’Athènes à travers l’axe de Pireos, au long duquel se trouve la majorité des quartiers que Karydis présente.
En 1926 le plan de Caligas a fut arrêté par le régime dictatorial de Pangalos suite aux pressions des propriétaires foncières qui allaient subir les expropriations que le plan proposait. De plus en 1930 la commission de relogement des immigrés ferma.
Evidement les emprises déjà affectées ne pouvaient en aucun cas loger la totalité de
la nouvelle population. Kostas Biris affirme l’échec du plan de relogement en disant que l’état “n’as pas réussit à couvrir les besoins de logement ni à construire des quartiers organisés dans un cadre urbain”.(27) Le résultat fut la construction illégale
extensive en dehors et à l’intérieur des limites de la ville pour couvrir les besoins de la nouvelle population. C3.
Agglomérations proposées
par le plan de Caligas, source: Ministère de Culture, Athènes du 20e siècle, 1885, page 2
I4.
Construction
illégale
à
Athènes, source: Paul Oliver (ed.), Shelter and Society, The Cresset Press, London 1969, page 155
Nous constatons que même s’il y a eu l’implémentation d’un plan d’urbanisme pour l’extension de la ville, à cause de sa courte temporalité, il n’a pas pu servir l’ensemble de la nouvelle population. L’échec de ce plan malgré ses intentions spatio-so-
ciales a été causé par les réactions et les pressions des propriétaires fonciers. Par
conséquence, nous observons que le pouvoir politique des individus qui possèdent de la terre dépasse celui de l’état. Même si l’état confectionna un plan d’urbanisme, rapidement, il céda aux pressions en effaçant sa volonté politique. Cette manque de C3
I4
présence et de volonté politique combinées avec le besoin de relogement a conduit à l’extension désordonnée de la ville, qui ne s’inscrivait pas dans un plan d’urbanisme, à travers la construction illégale qui s’accélère jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale.
La fin de la guerre civile en 1949 génère en Grèce un paysage politique tendu. Les communistes subissent une marginalisation et les forces conservatrices dominent. La guerre civile, de plus,
avait détruit la campagne et la production agricole. La marginalisation et le manque de travail à la périphérie de la Grèce ainsi que la recherche de l’anonymat a conduit beaucoup de familles à
Athènes et à l’étranger.(28) De plus la construction devint la première activité économique surtout aux villes qui avaient subit des destructions pendant la guerre et principalement à Athènes qui recevait une grande population nouvelle. Les deux lois de 1927 qui permettaient d’une part la formation de coopératives pour la construction de bâtiments et d’une autre part la “propriété horizontale” ou propriété par étage ont créé la toile pour la construction d’immeubles et l’émergence des investisseurs-maitres d’ouvrage privés à partir de années 1950. (29)
Plus précisément, en 1953 la monnaie nationale fut dévaluée. Cette situation économique conduisit le monde qui avait de l’or à investir dans la construction d’immeubles. La population crois-
sante de la ville d’Athènes renforça la nouvelle économie de la construction qui se mettait en
place à cause de son besoin de logement. Pendant la même époque la filière de l’industrie n’évo-
lue pas et l’immeuble domine le paysage économique du pays et principalement celui d’Athènes. De plus, une nouvelle logique au niveau de la construction se développe, celle de “Antiparohi”,
un phénomène typiquement grec. Il s’agissait d’un contrat économique entre le propriétaire d’une parcelle urbaine et un maitre d’ouvrage selon lequel le premier transmettait sa parcelle au deu-
xième pour construire un immeuble. Le maitre d’ouvrage à son tour remboursait le propriétaire en
lui donnant un nombre d’appartements qui correspondait à la valeur de la parcelle. Le résultat de cette logique était l’émergence d’un grand nombre d’immeubles construits à l’intérieur et à l’ex-
térieur du plan d’urbanisme de la ville en remplaçant les anciennes enveloppes et en remplissant
le vide urbain. La plupart de ces constructions, principalement celles qui se situaient à l’extérieur du plan d’urbanisme était illégale.
Le pouvoir central à son tour prenait une position tolérante face à l’illégalité qui se mettait en place à cause des pressions politiques et économiques. Karydis remarque que l’état à travers
son positionnement visait à renforcer la politique basée sur les relations de clientèle. (30) Plus spécifiquement on observe que l’état a toléré l’expansion de la ville qui a été effectuée par la con-
struction illégale pour pouvoir manipuler politiquement d’une part l’ensemble du monde qui était
propriétaire d’un appartement illégal et d’une autre part les maitres d’ouvrage. Cette approche, a conduit à l’émergence des reseaux de dépendence politique qui représentaient des petits et des grands intérêts.
24 | 25 28. Leodidou Lila, (1989), Les villes de la silence: colonisation ouvrière d’Athènes et du Pirée, 1909-1940, Athènes, Fondation technologique et culturelle ETBA 29,30. Karydis Dimitris, (2008), Athènes d’entre deux guerres et des années d’après guerre, Les
sept
isme, 31.
livres
Athènes, Biris
de
Papasotiriou
Kostas,
Athènes
du
siècle,
Athènes,
l’urban-
19e
(2005), au
20e
Melissa
Ensuite, la filière de la construction a conduit à un nombre de résultats qui ont modifié
l’identité sociale et historique de la ville. Nous observons initialement l’émergence d’une nouvelle classe sociale composée par de nombreux propriétaires fonciers. Il s’agissait d’une population qui avait profité de l’expansion de la ville en transformant, sans perte, des friches urbaines en logements à louer et à vendre. Cette classe
de petit-bourgeois a conduit, de son tour, à la création d’un nouveau modèle de vie. L’immeuble à partir des années 1950 représentait le moderne, l’occidental, l’eu-
ropéen. Au contraire, la maison populaire d’un ou deux étages, et l’habitat sur cour
qui dominaient le tissu urbain ont commencé à être considérés comme des éléments qui signifiaient la dégradation sociale et un mode de vie dépassé.(31) La création de cette classe et de son nouveau mode de vie à été illustré par un grand nombre des films des années 1950 et 1960 qui évoquaient la rupture entre l’ancien et le nouveau en promouvant la modernité.
La notion de la modernisation de l’habitat accompagné de la population croissante de la ville conduisit à la reconstruction de la plus grande partie du tissu bâti de la ville. Les anciens habitats furent démolis et des nouveaux immeubles les remplacèrent toujours
au moyen du principe de “Antiparohi”. Cette transformation a conduit à deux résultats
très importants. D’une part, la mémoire historique de la ville qui s’inscrivait dans son
tissu bâti fut effacée en vingt ans. Par conséquent la morphologie urbaine d’Athènes s’homogénéisa. D’une autre part, cette homogénéisation du bâti et le nouveau mode I5.
Remplacement des anci-
ennes enveloppes du centre d’Athènes à travers le principe de Antiparohi, source: Archive slides,
Département
isme, NTUA
d’Urban-
de vie conduisirent progressivement à la diminution du marge sociale entre la classe populaire et la haute bourgeoisie à cause de l’expansion de la classe de la petite bour-
geoisie. La réduction de l’écart a été visible dans le cas de la séparation d’Athènes en ouest populaire et en est bourgeois par l’augmentation du niveau de vie de la première classe qui a conduit à la production d’un paysage urbain et morphologique homogène. I5
Nous constatons que, dès 1950 et jusqu’au début de la dictature en 1967, l’économie du pays se modifie radicalement. Les secteurs productifs de l’industrie et l’agriculture entrent dans une période de déclin et l’économie majeure commence à pivoter autour de la construction. Il s’agit d’un phénomène qui est plus visible à Athènes puisque elle avait reçu une nouvelle immigration intérieure. Cette économie conduit d’une part à la création d’un nouveau mode de vie et pro-
gressivement à l’émergence d’une nouvelle classe sociale moyenne. La ville perd ses anciennes enveloppes et sa mémoire historique, et des nouveaux immeubles de standing se dressent dans
l’espace urbain D’une autre part, la nouvelle économie génère des nouveaux rapports entre le
pouvoir politique et la ville. L’absence d’une politique d’urbanisme et la tolérance des autorités face à la construction illégale dessinent une réalité politique irrationnelle qui se base sur les rapports de clientèle et le piston. L’absence d’un plan d’urbanisme, enfin, n’a pas empêché le système politique de légaliser toutes les constructions illégales quelques décennies plus tard. (32)
Nous observons, enfin, que le manque de politique urbaine crée une liberté urbanistique très par-
ticulière. Chaque maitre d’ouvrage et les propriétaires fonciers ainsi que les nouveaux locataires et propriétaires des rez-de-chaussée et des appartements décident la qualité programmatique des nouveaux immeubles. Ces pratiques d’autodéfinition programmatique qui émergent par conséquence jusqu’aux années 1980 pourraient être décrites par la mise en place d’un indi-
vidualisme au lieu d’un collectivisme dans les cadres de prises de décisions urbanistiques. Ce phénomène combiné avec l’expansion irrégulière de la ville conduisent à l’émergence d’une mor-
phologie urbaine générale qui juxtapose des programmes très hétérogènes. Un hôpital pouvait
se situer à coté d’un atelier menuisier, une école, une industrie, un bar ou même dans une zone d’habitat. (33) Finalement, la légalité d’un bâtiment ne se contrôlait pas par sa qualité program-
matique mais par sa mise en accord avec le gabarit indiqué par le plan d’urbanisme puisque le permit qui était donné était un permit de construction et pas un permit d’urbanisme. Il s’agit d’une
réalité très différente des pratiques de zonage programmatique qui se mettaient en place pendant la même époque en Europe.
Entre les années 1980 et 2008 une nouvelle époque politique et sociale a lieu. L’élection du parti socialiste en 1980 apporta un grand nombre de reformes qui visaient à l’amélioration du secteur
public et à l’évolution économique du pays. L’entrée à l’Union Européenne contribua aussi à la mise en place de certaines de ces reformes. Nous observons, notamment que le secteur industriel
fut en grande partie supprimé et les activités liées aux services furent encouragées comme par
exemple toutes celles qui étaient liées au tourisme. Les financements de l’Union Européenne et la
32. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/files/file/01_Historical_report.pdf 33. Karydis Dimitris, (2008), Athènes d’entre deux guerres et des années d’après guerre, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou
26 | 27 liquidité bancaire ont renforcé cette approche économique qui a conduit de son tour à la création d’une grande classe moyenne. La classe ouvrière, simultanément fut réduite radicalement et la
plus grand partie de la population commença à vivre dans une prospérité remarquable. C’est
cette prospérité qui a renforcé le domaine de la construction et par conséquence l’expansion des villes, ce qui a conduit à l’entrée des immigrants, de la mains d’œuvre, qui venaient principalement de l’Albanie et de la Bulgarie.
Athènes fut la ville qui exprima en premier, la nouvelle situation sociale, économique et politique. Sa population entre les années 1950 et 1970 était passée de 1.378.586 à 2.540.241 habitants et elle continuait à augmenter. De plus, le 31% des activités économiques se situaient dans la ca-
pitale.(34) La population du centre ville avait progressivement commencé à se déplacer vers les banlieues à la recherche des logements de standing et le centre se dé-densifiait. Cette grande concentration démographique et professionnelle ainsi que les déplacements à l’intérieure de la
région métropolitaine avaient conduit à l’expansion irrégulière de la ville. Face à cette situation, le nouveau gouvernement de 1980 dans le cadre de son programme politique de “renaissance
sociale et culturelle” eut comme objectif l’organisation de la ville et l’ordonnance de la liberté urbanistique qui a été effectuée pendant des années.
En 1981 la “nouvelle loi d’habitation” fut établie. Elle proposait l’extension du plan urbain, la création des zones d’habitation et, pour la première fois, elle imposait du contrôle sur l’usage program-
matique des bâtiments. Il s’agit de la loi qui par l’extension du plan urbain a légalisé toutes les agglomérations illégales qui se situaient en dehors des limites de la ville planifiée.(35) En 1985 le gouvernement a composa le “plan régulateur d’Athènes” qui indiquait les mesures nécessaires
pour l’organisation spatiale et urbanistique de la ville. (36) Selon le plan, les activités industrielles qui se situaient à l’intérieur de la ville devaient disparaître et le centre ville devait se transformer en
une zone d’habitation mixte. Le plan mettait en priorité certains quartiers de la ville dans le but de les rénover en intervenant dans l’espace public.
En 1997 et en 1999 deux nouvelles lois furent rédigées, dans le but de mettre à jour les deux
précédentes. En effet, le gouvernement avait observé que la réalité urbaine d’Athènes ne suivait pas les standards des autres villes européennes. Par conséquent, il paraissait nécessaire de
renforcer l’image et la qualité de la ville à travers ces deux lois. La première était celle du “développement résidentiel viable” et la deuxième était celle du “plan urbain et du développement du-
rable”. Le gouvernement à travers ces mises à jour visait à créer des nouveaux standards pour la vie économique, sociale et culturelle en dessinant l’espace de la ville, dans un cadre international
qui se caractérise par la technologie, les communications et la répartition du travail”.(37) Les lois,
34,35. Karydis Dimitris, (2008), Athènes d’entre deux guerres et des années d’après guerre, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou 36. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/files/file/01_Historical_report.pdf 37. Gerasidi Klito,(1998), La stratégie de la planification, Athènes, EMP, disponible sur http://courses.arch.ntua.gr/106909.html
en autres mots visaient la modernisation environnementale pour empêcher la pollution, la mise en valeur de l’espace public et la restauration de la mémoire historique de la ville. (38)
Nous observons, malgré tout, que la ville n’a pas réussit à changer son identité. Même si l’industrie
a été supprimée et les programmes urbains ont été partiellement organisés, l’ensemble des lois
n’a pas empêché la dégradation d’un certain nombre de quartiers du centre ville, et l’expansion de la ville en dehors de ses limites a continué. Le problème présenté par cette série de lois était le fait
qu’elles focalisaient sur des endroits spécifiques de la ville en ayant comme objectif la résolution
des problèmes locaux. Il s’agissait d’une approche spatialement limitée qui ne considérait pas la ville dans son ensemble, et donc qui ne correspondait non plus à l’ensemble de la problématique urbaine qui se posait.
De plus, nous remarquons qu’à partir des années 2000 la participation des acteurs privées dans le développement urbain à été établi par la municipalité de la ville.(39) La décision de la munici-
palité suivait la logique d’une loi des années 1970, celle de “l’urbanisme actif” qui reconnaissait le droit d’exploitation pour le secteur privé d’une zone urbaine planifiée par l’état. (40) La raison pour
laquelle le rôle de l’acteur privé a été considéré si important se détecte au constat d’une étude urbaine effectuée par l’agence de Antonis Karydis qui indiquait que le seul moyen de l’achève-
ment d’un projet urbain était la participation du secteur privé. Nous observons, par conséquent, qu’à partir des années 2000 les investisseurs privés obtiennent pour la première fois le droit de participer à la conception et à l’organisation de l’espace public et urbain.
Nous constatons, finalement, que malgré le discours politique et innovant sur la ville du partie socialiste, les relations entre le pouvoir central et les intérêts privés, des grands et des petits, ont continué de s’effectuer. Face à une époque économiquement prospère pour la majorité de la population du pays les relations de clientèle politique ont été accélérées et elles ont continué de définir à une grande échelle l’identité et la qualité de l’espace urbain d’Athènes.
28 | 29
1.1.2 L’urbanisme du vide politique
Nous observons que l’urbanisme de la ville d’Athènes a évolué historiquement par phases selon l’augmentation de sa population. Les besoins de logement de cette population étaient la cause
qui à son tour conduisait à l’expansion urbaine. Malgré tout, une politique d’urbanisme destinée à
planifier et à prévoir l’installation de cette population était à priori absente. Les décisions politiques urbaines, au contraire, suivaient en décalage l’expansion de la ville en la légalisant au fur et à mesure. Par conséquence, le vide temporelle et politique était celui qui a définit l’urbanisme de la ville d’Athènes depuis sa création en 1833.
Les besoins sociales, plus précisément, n’étaient pas responsables que pour l’expansion de la
ville mais aussi pour ses qualités programmatiques. Par exemple des zones productives qui se mélangeaient avec l’habitat et le commerce ont été mis en place, sans qu’elles suivent un plan d’urbanisme. La mixité programmatique était celle qui définissait le centre de la ville. Chaque indi-
vidu ou groupes d’individus selon leurs besoins, avaient l’occasion de remplir le vide politique et de définir leur propre espace de vie. Par conséquent, Athènes a progressivement pris une forme urbaine complexe qui ne correspondait pas aux règles d’un plan d’urbanisme.
Ensuite, nous observons que la production de la ville, à travers la construction légale et illégale, a
été le moyen de création d’une classe moyenne. Initialement, les micro-propriétaires fonciers qui
avaient à leur disposition des friches ou des parcelles agricoles centrales, avaient la possibilité de sauter directement à une classe plus haute. De plus, en visant le profit maximum par la vente de leurs parcelles ils mettaient successivement de la pression au pouvoir central quand les décisions urbanistiques ne servaient pas leurs objectifs. Tous les trois plans initiaux d’urbanisme d’Athènes ont été modifiés ou arrêtés à cause de l’intervention des intérêts privés.
A partir de la deuxième guerre mondiale, nous observons que les activités liées à la construction des immeubles ont accéléré l’augmentation de la classe moyenne, ainsi que ses rapports avec le
système politique. L’immeuble a marqué à son tour la fin de l’industrialisation du pays et le début d’une nouvelle époque économique ou les activités productives se réduisent et les services aug-
mentent. Toute l’économie nationale a commencé à pivoter autour de la construction immobilière. L’absence d’une politique urbaine, le vide politique, correspondait aussi à un manque de volonté
du pouvoir central. Nous avons vu que même s’il y avait historiquement un plan d’urbanisme il n’a
jamais été respecté ni terminé. Au fil du temps, l’absence de volonté politique a été transformée en un objectif pour faire de la politique. Des habitants des zones entières urbaines qui étaient
illégales en sont devenu les victimes. Ils ont été manipulés par les partis politiques, sous l’espoir de la légalisation de leur habitat. Ce phénomène qui a crée des liens et des échanges entre les
politiciens et les propriétaires est celui qui a défini progressivement à une grande échelle la réalité politique à Athènes et en Grèce.
Nous constatons finalement que l’urbanisme de la ville Athènes ainsi que le modèle économique
urbain suivent une logique très différente de l’urbanisme des grandes villes occidentales. Cette logique se compose dans un premier temps du vide politique que les différents acteurs remplis-
sent selon leurs besoins. Dans un deuxième temps, le remplissage programmatique du vide attire
l’intérêt du système politique. A son tour, même avant de juger la pertinence de l’occupation et de l’établir ou la supprimer, il manipule politiquement les différents acteurs qui s’impliquent. Nous
constatons, enfin, qu’il ne s’agit pas d’une logique typiquement capitaliste, selon le modèle des
villes occidentales, puisque le grand capital et le pouvoir central ne constituent pas les acteurs qui définissent la composition spatiale et sociale de la ville à travers le dessin, les usages et la
spéculation immobilière. Au contraire, un ensemble de petits et de grands intérêts individuels ainsi que des besoins qui se mêlent avec le pouvoir central définissent la forme de la ville d’Athènes.
30 | 31
Périodes historiques
La première urbanisation du quartier 1833-1852
Evolution du quartier
- Grille urbaine et proposition de l’implantation du palais à proximité - Investissements immobiliers (centre commercial de Kadakouzinos) - Perte d’intérêt immobilier après le modification de la place du palais (1935)
Naissance d’un quartier productif 1852-1875
- Ouverture de l’industrie de soie au bâtiment de Kadakouzinos - Ouverture de l’orphelinat de Hatzikonstas et des ses ateliers - Ouverture de l’industrie de gaz aux limites ouest du quartier - Attraction des activités productives - Fermeture de la soierie (1875)
Un quartier autonome et populaire 1875-1940
- Augmentation des activités productives - Hausse de la population - Mixité programmatique (industrie, habitat, services)
La dégradation progressive du quartier 1949-1980
- Construction d’un petit nombre d’immeubles de standing - Sortie d’une partie de l’ancienne population vers les banlieues - Arrivée d’une nouvelle population de l’intérieur du pays - Délaissement progressif des anciennes enveloppes - Effacement progressif des programmes productifs
L’accélération de la dégradation 1980-2004
- Annexion au centre historique - Interdiction des usages productives - Classement des anciens bâtiments comme patrimoine - Rénovation de deux rues du quartier - Accélération du délaissement - Implantation des activités liées à la prostitution et les drogues - Chute de prix immobiliers
Les transformations récentes 2004-2010
- Rénovation de la place central du quartier et transformation de l’ancienne soierie en pinacothèque municipale - Implantation du commerce chinois - Implantation des programmes liés aux loisirs et à la culture - Développement des activités immobiliers par des promoteurs
D2. Timeline de l’évolution de Metaxourgio
1.1.3 La naissance d’un quartier productif
L’histoire urbaine du quartier de Metaxourgio débute à l’époque de la fondation de la capitale. Le
quartier va servir comme un espace qui accueille des activités productives et progressivement
il va contribuer à la consolidation de la zone productive à l’ouest du centre ville. Son évolution va être parallèle à celle de la ville et jusqu’au premières années du 20e siècle son tissu bâti va
progressivement occuper l’espace urbain considéré aujourd’hui comme Metaxourgio. Dans cette partie de notre étude nous allons présenter l’évolution du quartier depuis les agglomérations ini-
tiales jusqu’à la deuxième guerre mondiale et sa consolidation comme un quartier prospère et productif.
L’histoire du territoire appelé de nos jours Metaxourgio est très réduite jusqu’à avant la fondation de la capitale en 1833. L’élément le plus remarquable était le cimetière antique des hommes poli-
tiques qui se situait sur le territoire du quartier pendant l’époque classique (5e-4e siècles AC). De plus, la présence de végétation qui fournissait de la matière combustible ainsi que les rivières de Iridanos, Kifisos et Kyklovoros qui enrichissaient le sol avec de l’argile avaient conduit à l’implantation d’ateliers de poterie aux nord-ouest de la ville antique. (41)
Pendant les siècles qui ont suivit, le cimetière a disparu sous les différentes strates du sol et
les ateliers ont progressivement fermé. Malgré tout au début du 19e siècle, Metaxourgio, connu comme Hezolitharo à l’époque, se situait à l’extérieur des murailles de la ville, ce qui ne permet-
tait pas la création d’agglomérations pour des raisons de sécurité. Jusqu’à la fin de l’occupation
ottomane Hezolitharo était un territoire agricole qui se juxtaposait à la partie nord des murailles de la ville au niveau de la porte de Morias, là où se croisent les axes qui conduisaient à l’ouest, aux
agglomérations d’Elefsina, Pireas et Sepolia. A proximité de la porte de Morias et à l’extérieur des
murailles, des forgerons tziganes mettaient en place la seule activité productive à l’exception de l’agriculture au nord des murailles. (42)
La fondation de la capitale en 1833, la destruction des murailles et le plan d’urbanisme de Kleanthis
et Schaubert de 1834 ont crée éventuellement les conditions nécessaires pour le développement urbain de Metaxourgio. Les architectes ont proposé une grille orthogonale de rues qui formaient
les ilots du quartier qui se délimitait par la rue de Deligiorgi, le ruisseau de Kyklovoros, la rue de Pireos et la rue de Salaminos. En plus de cela, ils ont proposé l’implantions du palais et des ser-
vices administratifs aux limites est, au niveau de la place de Omonia, ce qui a donné directement une valeur aux nouvelles parcelles urbains de Metaxourgio.
32 | 33 41,45.
Taxiarhi
Metaxourgio:
Panagiota,
Evolution
his-
torique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/ files/file/01_Historical_report.pdf 42,44.
Agriantoni
Christina,
Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina,
155-171,
Athènes,
Centre de Recherches Neohelléniques, Centre National de Recherches, 1995 43.
Karydis
Dimitris,
Pendant la même époque et à cause de la proposition d’implantation du palais au nord de la ville un certain nombre de personnes, d’une classe riche, a décidé d’investir sur
le quartier en achetant des propriétés foncières. Notamment, le marchand et prince de la Valachie Georgios Kadakouzinos, a acheté un terrain d’une demie hectare délimité par les rues de Leonidou, Kolokynthous, Megalou Alexandrou et Thermopylon.(43)
Dans sa propriété il visait à construire sa résidence et le premier centre commercial de la ville. Le projet du centre commercial qui a été dessiné par l’architecte Ch. Hansen était très ambitieux puisque il envisageait de mettre en place des espaces com-
merciaux au rez-de-chaussée du grand bâtiment et des logements commerçants aux étages. Les nouveaux bâtiments qui ont commencé à être construits s’inscrivaient
dans la nouvelle grille urbaine et ils étaient orientés vers la rue de Mylerou puisqu’il (2008),
Athènes du 19e siècle, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou
s’agissait de l’ancien axe qui conduisait à Sepolia. La nouvelle rue est devenue par conséquent le premier noyau d’agglomération du quartier. Malgré tout, la modifica-
tion de l’implantation du palais en 1836 a déplacé la demande immobilière à l’est
de la ville ce qui a arrêté l’investissement de Kadakouzinos, ce qui eut pour effet de provoquer l’arrêt de la construction du centre commercial. (44)
Pendant cette même époque Metaxourgio commença à devenir plus attrayant. Les I6.
Résidence de Kandakou-
zinos, 1835, source: Fr. Stademann, Panorama von Athen, tableau 8 - détail
résidences de Vlahoutsis ont été construites sur la rue de Kolonou. De plus, la maison
de la duchesse de Plaisance et la maison de Negreponde ont été construites sur la rue de Mylerou.(45) Des éléments qui montrent que la classe haute avait commencé
entre 1834 et 1836 à acheter des propriétés et à construire leurs maisons, une ten-
I6
dance qui a été arrêtée après le déplacement du palais. Malgré tout elle à crée les conditions et la perspective de la mise en place d’une zone résidentielle dans l’espace urbain de Metaxourgio. Une perspective qui à duré vingt ans de plus.
46.
Biris
Kostas,
(2005),
Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa
En 1852 l’entreprise anglaise A. Wrampe &Co a acheté le bâtiment à moitié terminé du centre commercial de Kadakouzinos en ayant comme objectif de créer une industrie
de soie. La position du bâtiment pour l’implantation de l’industrie était idéale puisqu’il ne se situait pas dans un espace habité et consolidé à niveau programmatique, ce qui
n’allait pas causer des incompatibilités avec le contexte existant résidentiel qui n’était pas consolidé. De plus, cette implantation allait offrir une occasion de recherche de main d’œuvre puisqu’elle se situait à proximité des axes principaux qui conduisaient la nouvelle population à la ville. L’absence d’espaces disponibles au reste de la ville
ainsi que l’absence d’usages d’occupation du sol indiqués par le plan d’urbanisme ont conduit l’entreprise à son achat. La mise en place du nouveau programme, finale-
ment, n’a pas été achevée parce que l’entreprise a fait faillite. Le bâtiment a été vendu deux ans plus tard au propriétaire de la Compagnie de Soie Grecque, Alexandros Douroutis.
Pendant les années qui ont suivit, la nouvelle soierie a conformé le noyau urbain du
quartier. Des nouvelles populations se installées pour travailler dans l’industrie et
C4.
L’axe qui conduisait à
Sepolia,
postérieurement
la
plusieurs nouveaux programmes productifs ont commencé à apparaitre. Le cas le
rue de Mylerou, source: carte
construit en 1856 au croisement de la rue de Pireos et de Mylerou. L’orphelinat répon-
I7.
plus remarquable est celui de la création de l’orphelinat de Hatzikonstas qui a été dait aux besoins d’urgence de l’époque de la surpopulation, de l’analphabétisme et des mauvaises conditions de vie. (46) Plus spécifiquement, la famille de Hatzikonstas
a construit aussi des ateliers artisanaux de couture, de cordonnerie et de métallurgie C4
d’Athènes, F. Aldenhoven, 1837 Ateliers de l’orphelinat de
Hatzikonstas, début du 20e siècle, source: http://sfiha.gr/index.php/fotos/category/3-palioktirio
I7
34 | 35 I8
C5
I8.
L’industrie
gio,
source:
limites
ouest
de
Gaz
de
Metaxour-
aux
http://news247.
gr/eidiseis/mixani-tou-xronou/
qui visaient à éduquer et à réinsérer les orphelins à la vie professionnelle. Le nombre d’orphelins qui travaillaient aux ateliers a augmenté de 60 à 220 entre 1860 et 1880. (47)
article3056332.ece/BINARY/w660/Gazi-193950.jpg
C5.
L’expansion de la zone
productive vers le nord-ouest du 1875,
centre
et
Metaxourgio,
source:
Metaxourgio
d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995, page 164
L’implantation de l’orphelinat sur la rue de Mylerou et à proximité de la soierie ainsi que la construction de l’industrie de Gaz en 1859 à proximité des limites ouest de Metaxourgio sur la rue de Pireos ont généré un pole d’attraction à l’ouest de la ville
pour l’implantation des programmes productifs. Selon Christina Agriantoni, l’évolution de la productivité vers l’ouest de la ville était inévitable.(48) Plus particulièrement, pendant la période ottomane de la ville l’ensemble des activités productives se situ-
ent au centre médiéval, dans le quartier actuel de Psiri et à l’est. Après la fondation de la capitale et la construction des rues centrales de Eolou, Ermou et Athinas les
activités productives s’organisent sur ces axes et principalement les ateliers artis-
anaux s’implantent à l’ouest de la rue de Eolou. L’est du centre ville, à cause de la présence du palais, ainsi que le nord, sont formés par des quartiers plus riches et des commerces et des espaces culturels, ce qui créait un obstacle pour l’évolution
des zones productives vers ces directions. La seul solution, par conséquent, était leur 47. Orphelinat de Hatzikonstas, disponible sur http://sfiha. gr/index.php/to-orfanotrofeio 48. Agriantoni Christina, Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, 155-171, Athènes, Centre de Recherches
Neo-helléniques,
Centre National de Recherches, 1995
expansion vers l’est. Cette logique, renforcée par le plan d’urbanisme qui n’indiquait pas des fonctions, à conduit progressivement à la division de la ville à la fin du 19e siècle, en un est bourgeois et un ouest populaire.
En 1875, l’industrie de soie ferme en laissant comme patrimoine son nom au quartier
(Soierie: Metaxourgio). Pendant la même époque la population de la ville augmente principalement à l’ouest de la ville ainsi que la demande de logement. Metaxourgio devient un des quartiers d’accueil de la nouvelle population qui commence à con-
struire ses maisons et à étendre le quartier vers l’ouest au delà de sa limite de la rue
C6. Les pôles de productivité
Industrie de Soie
Orphelinat de Hatzikonstas
Industrie de Gaz
Axes productifs
de Salaminos. Un quartier populaire prend forme où les ateliers artisanaux, les petites industries et les petits commerces dominent son paysage urbain.
La présence d’un centre de transports aux limites sud-ouest du quartier a conduit à l’émergence d’un nombre de services liés à la carrosserie et qui vont s’étendre au fil du temps dans le quartier. En 1862 la grande carrosserie de Galliani ouvre sur la rue de Mylerou à coté de la soierie et jusqu’en 1900 trois carrosseries de plus s’installent sur la même rue, ce qui renforce sa dynamique productive.(49) Pendant la même épo-
que un grand nombre d’ateliers de métallurgie ouvrent sur les rues de Lenorman et
de Kolokynthous, parmi lesquelles certaines ont évolué en industries. Cette tendance a conduit à la création d’un quartier mixte et populaire qui contenait des espaces résidentiels, productifs et commerciaux.
Jusqu’au les années 1930 le quartier se consolide comme un espace urbain résidentiel
et productif. Il est délimité par les rues de Deligiorgi à l’est, Pireos au sud, Iera Odos à l’ouest et Ahileos au nord. De plus, nous apercevons l’échellede sa densification et sa
mixité programmatique à travers les 1900 adresses qui s’y situent, parmi lesquels 680 appartiennent aux industries, ateliers artisanaux, commerce, loisirs et services. Plus spécifiquement, un tiers de l’ensemble du tissu bâti inclut des ateliers et des commerces. Il y a un petit nombre de commerces de vêtements et un seul restaurant. Il y a un grand
pourcentage de cordonneries, d’ateliers de couture et de dépannage, un tas de tavernes et de cafétérias et plusieurs programmes liés au loisirs, la santé et l’éducation. (50)
49,50. Quartier
Agriantoni de
Christina,
Metaxourgio,
Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, 155-171, Athènes, Centre de Recherches
Neo-helléniques,
Centre
National de Recherches, 1995
36 | 37 C7. Partition du quartier
La composition du quartier démontre son identité populaire et son caractère urbain
qui s’est consolidé dans une période de quarante ans (1870-1930). Malgré la mixité du quartier, nous observons qu’il y a une partition spatiale qui se met en place. Les activités productives se concentrent le long des rues de Mylerou, Thermopylon et
Kolokynthous au centre du quartier et à la périphérie le long des axes de Pireos,
Ahileos et Iera Odos. A l’ouest du quartier il y a principalement des résidences et des commerces d’alimentation et à l’est vers la direction de la place centrale de Omonia nous retrouvons des services et des travailleurs indépendants. Ces éléments créent
une partition du quartier en trois zones majeures, une productive au centre, une résidentielle à l’est et une des services à l’est.
La zone centrale présente un grand intérêt parce qu’elle concentre principalement
sur deux rues les 141 activités productives majeures.(51) Sur l’axe de Mylerou se
situe la production “lourde”. Des ateliers métallurgiques, de menuisiers, des imprimeries et d’ateliers de matériaux de construction dominent le paysage de la rue. Sur la rue de Theropylon nous détectons des ateliers qui sont liés au nouveau moyen de
transport, la voiture, qu’au fil du temps et surtout après la deuxième guerre mondiale 51. Agriantoni Christina, Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, 155-171, Athènes, Centre de Recherches Neo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995
se transforment en garages.
Nous constatons, finalement, que l’identité productive et populaire de Metaxourgio est bien consolidée pendant les années 1930. L’industrie de soie ainsi que les ate-
liers de l’orphelinat ont crée les conditions qui ont généré cette identité même si la première n’existe plus depuis les années 1870. Son impact, de plus, ne se limite pas
C8. Activités productives du quartier
Industrie lourde Industrie légère Ateliers d’artisans
qu’au territoire du quartier mais il s’étend à l’ensemble de l’ouest de la ville où des
zones productives émergent. Nous apercevons, enfin, que l’industrialisation de l’ouest de la ville n’a été pas réalisée selon un plan directeur mais selon les besoins de la nou-
velle population qui arrivait progressivement dans la ville ainsi qu’à travers l’évolution naturelle de l’espace urbain et productive qui existait avant la fondation de la capitale.
38 | 39
1.1.4 Le délaissement du quartier
Le quartier de Metaxourgio pendant la deuxième moitié du 20e siècle commence a confronter une période de dégradation progressive qui va conduire à l’implantation d’un ensemble d’usages informels et illégaux. Cette dégradation a un impact, d’une part sur la continuation des activités
productives et sur la vie de sa classe populaire et d’une autre part sur la mémoire collective de la société de la ville sur le quartier.
Jusqu’à la première décennie du 21e siècle les athéniens liaient le quartier avec les drogues et la prostitution et le considéraient comme un “espace autre”, une “hétérotopie”. Un lieu, qui selon
Foucault, se situe à l’intérieur de la société mais obéit à des règles qui sont autres, différentes. Des lieux qui se décrivent par “une hétérochronie, (…) une sorte de rupture absolue avec leur
temps traditionnel”.(52) Dans le cas de Metaxourgio, un imaginaire a été créé pour le quartier. Un imaginaire qui est lié avec la décadence, l’illégalité, le délaissement et la marginalisation.
Nous allons essayer, dans cette partie, de présenter l’évolution du processus de dégradation
du quartier ainsi que son état actuel. Comme nous avons déjà vu, le quartier a été établi comme un noyau productif au centre de la ville pendant les premières années du 20e siècle à travers
l’implantation des industries et des garages. Il a été transformé en espace urbain autonome, au niveau des services, par sa classe populaire, qui à son tour cherchait à améliorer son mode de vie. Malgré tout, l’évolution du quartier a été arrêtée par la deuxième guerre mondiale. Sa popu-
lation a souffert autant que le reste de la ville, surtout pendant l’époque de la grande famine de 1941-1942. Des bombardements, de plus, ont détruit une partie de son tissu bâti.
La destruction a continué pendant la guerre civile (1946-1949) et plus spécifiquement au debut,
pendant les événements de décembre de 1944, quand une guérilla urbaine a éclaté entre les forces d’ELAS (l’armée populaire de libération nationale grecque) et l’armée anglaise à Athènes. Les
premiers, qui occupaient l’ouest de la ville et étaient moins équipés, démolissaient des bâtiments avec des explosifs pour construire des barricades aux différents fronts de la ville.(53) Metaxour-
gio, en étant un des centres de ELAS, a subit un grand nombre de démolitions, surtout au nord-
est, au niveau de la place actuelle de Metaxourgio et à ses limites sud. La plus grande bataille, des événements de décembre, est connue comme la “bataille de Metaxourgio” et elle a eu lieu au
limites sud du quartier, au niveau de la rue de Pireos, entre le 28 décembre et le 4 janvier de 1945.(54)
52. Foucault Michel, Des espaces autres. Hétérotopies, Architecture, Mouvement, Continuité 5 (1984): 46-49., disponible sur http:// foucault.info/documents/heterotopia/foucault.heterotopia.en.html 53. Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa 54. left.gr, Balade historique: En recherchant les traces des événements de Decembre, 14 décembre 2014, disnponible sur https://left. gr/news/istorikos-peripatos-anazitontas-ta-ihni-ton-dekemvrianon
I9
I10
A partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, le quartier commence à rece-
I9.
qui a été gravement bombardé par les allemands. Dans un deuxième temps,
source:
dans le quartier à cause des prix bas immobiliers et de l’offre de postes de tra-
I10. Bâtiment détruit du centre
voir initialement une vague d’immigration d’une classe ouvrière qui venait du Pirée pendant les années soixante et soixante-dix, plusieurs familles se sont installé
vail aux différentes industries. Ce processus s’accélère pendant les années
1970 avec l’arrivée des musulmans de la région de Thrace dans les quartiers de Votanikos, Gazi et Metaxourgio, qui s’installent dans des bâtiments désaffectés. (55)
L’orphelinat de Hatzikon-
stas après la guerre civile, http://sfiha.gr/index.
php/fotos/category/3-palioktirio
d’Athènes pendant la guerre civile,
source:
Biris
Kostas,
(2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 344
La composition de la population du quartier change radicalement dans une période de trente ans. Ce processus a été intensifié par la sortie vers les banlieues de la ville
de l’ancienne population du quartier. Les démolitions des anciens bâtiments pour
la construction de la place de Metaxourgio, les dégâts provoqués par la guerre, la manque d’espaces verts et les nuisances des industries ont conduit les anciens ha-
bitants, qui avaient progressivement formé une classe moyenne, à la recherche d’une
meilleure vie en dehors du centre ville. De plus, la difficulté pour la construction des immeubles de standing, à travers le principe de “antiparohi”, à cause des propriétés
subdivisés, partagés et petites, qui n’offraient pas un coefficient d’occupation du sol suffisant pour les construction des bâtiments hauts a constitué un élément supplémentaire pour le découragement des habitants. (56)
Progressivement, le niveau économique des habitants se réduit, des logements se
vidèrent et le prix de la terre perdit de la valeur. Tous ces éléments ont conduit, à partir des années soixante-dix, à l’attraction des programmes illégaux, et principalement à l’implantation des maisons closes, des bars de la pègre ainsi que du commerce de
55,56.
Taxiarhi
Metaxourgio:
Panagiota,
Evolution
his-
torique et urbaine de l’antiquité
jusqu’à
disponible
sur
aujourd’hui, http://km-
proypigeitonia.org/files/ file/01_Historical_report.pdf
40 | 41 drogues. Plus précisément, à la fin des années soixante-dix les maisons de pros-
titution dépassaient les soixante. Hatziotis Kostas, un ancien habitant, décrit dans son livre que “Metaxourgio, un voisinage pittoresque d’Athènes, a été transformé en
un ghetto triste où la peur et le mauvais gout dominaient”. (57) La dégradation du quartier avait commencé.
Ensuite, l’intégration du quartier au centre historique de la ville d’Athènes en 1979 a contribué à la continuation de la dégradation. (58) Ce mandat, en ayant comme
objectif la purge environnemental du quartier, a interdit l’augmentation du cheval-va-
peur et la création de nouvelles industries. Par conséquent, plusieurs industries qui se trouvaient en dehors de la norme se voyaient obligées de fermer. Cela avait comme résultat, le déclin progressif de l’activité productive qui a été quasiment sup-
primée avec le plan régulateur d’urbanisme de 1998 qui interdisait le fonctionnement des garages à l’exemption de quatre rues du quartier et la réduction, de plus, du che-
val-vapeur des industries existantes. (59) Des espaces productifs sont resté vides, plusieurs ont été squattés par des sans-domicile et d’autres ont été reconvertis en maisons closes.
Dans un deuxième temps ces lois ont conduit à la mise en place des régulations
patrimoniales. Déjà la présence de ruines d’un intérêt archéologique au sous-sol du quartier posait des problèmes à la construction des nouveaux bâtiments puisque une découverte potentielle pouvait dans le meilleur des cas retarder la construction et dans le pire des cas, si elle avait une grande importance archéologique, provo-
quer l’expropriation de la parcelle. Pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt57. Hatziotis Kostas, (1999), Metaxourgio, Kolonos, Akadimia Platonos, Athènes, Service Culturel de la Municipalité d’Athènes 58. Edit Présidentiel, 21.9.1979 (ΦΕΚ
567Δ/13.10.79)
59. Edit Présidentiel, (ΦΕΚ 616Δ/ 19.8.1998) 60.
ments à conserver pour des raisons patrimoniales. En total presque 200 bâtiments du quartier, surtout de la rue de Salaminos et de Iasonos, ont obtenu ce statut. (60)
La majorité de ces bâtiments étaient mal entretenus et leurs propriétaires avaient rarement la capacité économique de les rénover.
Ces décisions ont conduit principalement au délaissement des ces bâtiments et à la réduction extensive des prix immobiliers puisque la maintenance n’était plus abor-
Αrchive
classés,
dix une série d’anciens bâtiments de Metaxourgio sont déclarés comme des bâti-
de
bâtiments
disponible
sur
http://estia.minenv.gr/ 61. Compreser, Face à l’oubli-Metaxourgio, 2 avril 2011, disponible sur http://kompreser. espivblogs.net/files/2011/04/ kompreser-enantia-sti-lithi-Metaksourgeio.pdf
dable. En plus de cela, trois pratiques ont été mises en place. La grande partie des propriétaires qui n’habitaient plus dans le quartier a commencé à cloisonner les portes et les fenêtres de leurs bâtiments pour empêcher leur occupation. Il s’agit d’un phénomène généralisé que nous avons observé à l’ensemble du quartier. La
deuxième pratique mise en marche consiste à la démolition de bâtiments par leurs
propriétaires dans e but d’éviter leur statut patrimonial. Notamment, en avril 1988, 11 incendies ont été provoqués dans une période de quelques jours. (61) Cette pra-
tique explique partiellement aussi la présence d’un grand nombre de friches dans le
I11
I11.
La soierie abandonnée
en 1995, source: Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina,
Hatziioanou
Maria
Christina, Athènes, Centre de Recherches
Néo-helléniques,
Centre National de Recherches, 1995, page 155
quartier. La troisième et dernière pratique qui a accéléré la dégradation du quartier, était celle de louer illégalement des propriétés à l’est du quartier à des maisons de closes. (62)
Nous observons, finalement, que d’une part la disparition des activités productives
du quartier qui constituaient sa caractéristique fondamental mais qui aussi avaient conduit initialement à la sortie de l’ancienne population du quartier vers les banlieues,
ainsi que les destructions que la guerre a apporté ont guidé progressivement au délaissement du quartier. D’une autre part, l’introduction des nouveaux programmes
et d’activités illégales, qui a été accentuée par la présence des bâtiments désaffectés, et par la suite, par les résultats produits partiellement par les lois patrimoniales et par
l’incapacité économique des habitants d’investir sur leurs propriétés, ont conduit à la dégradation de Metaxourgio.
Le délaissement du quartier a aussi favorisé la mise en place d’un commerce de
drogues dures et la présence des utilisateurs. Nous observons, généralement, qu’en Grèce, le système social ne contribue pas suffisamment ni à la prévention d’utilisation
des drogues ni à la réhabilitation des toxicomanes. De plus, un toxicomane, est traité plutôt comme un criminel que comme un patient. Dans le cas d’Athènes, le moyen primordiale de “prévention” des drogues est la police.
62. Entretien: Alexia, employée à Oliaros, 15 février 2014
42 | 43
Dans le contexte de Metaxourgio, l’accumulation des toxicomanes est grande et elle se produit, d’une part par le mise en place d’un noyau de commerce de drogues.
Ce noyau, pendant les années quatre-vingt-dix était situé à proximité de la place de Omonia et il a été déplacé dans les quartiers voisins de Metaxourgio et de Ex-
arhia juste avant les Jeux Olympiques. L’objectif des autorités de l’époque était d’éloigner les activités illégales de places centrales de la ville, en ayant l’aide de la police. Les toxicomanes et par conséquent le commerce a été implanté à la partie est de Metaxourgio, au même endroit où la prostitution augmentait. D’une autre part, le délaissement du quartier qui offrait des bâtiments vides et abandonnés et la pop-
ulation réduite ainsi que l’absence policière ont créé les conditions nécessaires pour l’établissement de cette activité.
Aujourd’hui, l’ensemble du quartier témoigne ce délaissement. Des friches et des bâtiments du début du 20e siècle en mauvais état avec des fenêtres et des portes
cloisonnées dominent une grande partie du quartier. Un petit nombre d’immeubles abrite principalement les cinq mil habitants du quartier. Une densité qui est en des-
sous de la moitié de la moyenne de la ville d’Athènes. Les maisons de prostitution illégales, parallèlement, conforment la plus grande concertation de la ville. Environ soixante sont situées au long de la rue Iasonos, Kolonou et Megalou Alexandrou. Des toxicomanes fréquentent les trottoirs de la rue de Keramikou et de Iasonos ainsi
que la cour de l’ilot de China Town. Nous observons, enfin, que le délaissement de
l’espace bâti se transforme en une mise en scène de la dégradation du quartier, ainsi qu’en un espace d’accueil pour les activités illégales.
I12.
Garage
des
voitures
abandonné en 1995, source: Metaxourgio
d’Athènes,
edit.
Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995, page 171
1.1.5 La rénovation du quartier
La proposition de la municipalité de la ville pour la confrontation du délaissement du quartier est arrivée en 1985, comme nous avons partiellement déjà vu, avec le
plan régulateur d’urbanisme. Le plan mettait en priorité le quartier, parmi d’autres de l’ouest du centre ville, et visait à sa rénovation. Les ministères de culture, d’infrastruc-
tures et la municipalité concentrent leurs forces pour formuler les différents objectifs de cette rénovation urbaine.
Pendant les années 1990 et 1995 les objectifs ont été définis et la rénovation a été
63. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui,
disponible
sur
http://kmprotypigeitonia.org/ files/file/01_Historical_report. pdf 64.
Edit
Présidentiel,
(ΦΕΚ
616Δ/ 19.8.1998)
structurée autour des directions suivantes. La mise en valeur des caractéristiques historiques et morphologiques de l’espace bâti, l’intégration du quartier à un programme de rénovation culturelle de la capitale et la mise en place d’un environne-
ment urbain qui est en accord avec l’échelle urbaine.(63) Le dernier objectif faisait référence surtout à l’incompatibilité entre les programmes productifs et nuisants du
quartier et les programmes résidentiels. Il a constitué la raison pour laquelle le plan directeur de 1998 a interdit les fonctions productives et a prévu des zones prinipalement résidentielles dans le quartier de Metaxourgio. (64)
Suite au plan d’urbanisme de 1985 et aux objectifs qui ont été définis pendant les
année suivantes, un nombre d’interventions a eu lieu. Des arbres ont été plantés pour renforcer l’image du quartier et le rendre plus accueillant. De plus un nombre
de rues ont été transformées en rues piétonnes comme celles de Iasonos, Salaminos, Sfaktirias, Leonatou et Paramithias en ayant comme objectif la mise en valeur de leur réserve de bâtiments néoclassiques et un grand nombre de bâtiments du début
du 20e siècle ont pris le statut patrimonial. Malgré tout, ces interventions n’ont pas I13
I13. Rue de Salaminos I14.
Places de Dourouti et de
Avdi
I14
44 | 45 65. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http:// kmprotypigeitonia.org/files/ file/01_Historical_report.pdf
Programme
des
espaces
de
la
ville
d’unification
archéologiques d’Athènes,
dégradation et de délaissement s’aggraver.
En 2001, une nouvelle période de rénovation commence. Cette fois ci, l’agence
d’étude de A. Karydis essaye de redéfinir les objectifs pour que le quartier puisse
66. Article 3 de la Loi 1515/85 67.
modifié le caractère du quartier qui voyait, comme nous avons déjà vu, son état de
dis-
ponible sur http://www.astynet. gr/static.php?lang=2&c=5
sortir de son état de délaissement.(65) L’agence n’a pas procédé à la proposition
d’un projet mais elle a apporté une grande modification sur la politique d’urbanisme qui était très importante pour le futur du centre ville d’Athènes. L’agence a constaté,
notamment, que pour la réussite d’un projet urbain, il est nécessaire l’implication du capital privé. Nous constatons, par conséquent, qu’à partir des années 2000 l’urbanisme cesse d’être exclusivement exercé par l’état et les acteurs privés commencent à avoir la possibilité d’y participer. Il s’agit d’un phénomène qui va s’ac-
célérer dix ans plus tard et que nous allons étudier plus en détail pendant la troisième partie de cette étude.
Parmi d’autres objectifs que cette étude a mis en place, elle a proposé aussi le renforcement de l’image et de la dimension historique du quartier pour qu’il puisse de-
venir une partie intégrale du centre historique de la ville. Il s’agit d’un objectif qui fait référence à la décision présidentielle de 1979 qui annexait sur les papiers Metaxour-
gio au centre-ville historique mais aussi à la décision du plan régulateur de 1985 pour l’unification des espaces archéologiques de la ville.(66) Dans le cas de Metaxourgio, l’espace qui présente un grand intérêt archéologique est celui de Dimosio Sima
(Δημόσιο Σήμα), qui est le cimetière antique de l’époque classique de la ville. Un des objectifs, tel qu’il a été définit par le service archéologique, est la création d’un axe qui va relier l’Académie de Platon qui se retrouve au nord du quartier avec Dimosio Sima,
le quartier dans le “triangle commercial” du centre de Psiri et le site archéologique I15. Rue de Giatrakou I16.
cipale
La Pinacothèque Muni-
de l’Acropole.(67) L’étude de Karydis a signifié un point de départ pour la dimension archéologique du quartier qui a été renforcée pendant la même période par la découverte des ruines du cimetière entre la rue de Plateon et Salaminos.
I15
I16
Malgré toutes les études et décisions successives, les excavations archéologiques n’ont pas été
entièrement achevées et le quartier pendant quelques années est resté dans un état de transition. De nouvelles infrastructures etaient en attente et les prix immobiliers restaient à des niveaux très bas. De plus, cette transition à été renforcée progressivement par l’arrivée de certains nouveaux programmes liés à des acteurs privés, qui étaient très différents entre eux. Ces nouveaux programmes hétérogènes et la continuation des activités illégales ont crée un espace urbain complexe qui se composait de plusieurs identités.
Face à plusieurs difficultés budgétaires la municipalité a décidé, finalement, de procéder à la rénovation de l’espace central du quartier au niveau de la place d’Avdi. En 2009, l’ancien bâtiment de la soierie qui était abandonné pendant plusieurs décennies a été rénové et il a accueillit la pina-
cothèque municipal d’Athènes. Pendant la même époque la place de Dourouti et d’Avdi ainsi que la rue de Akadimou qui longe les deux places juxtaposées ont été rénovées. Le projet faisait partie
d’un grand programme de rénovation du centre ville historique qui avait commencé en 2003. Pour
le cas de Metaxourgio, l’objectif de la municipalité était la création d’un pôle d’activités culturelles qui allait aider le développement du quartier et son ouverture au reste de la ville. (68)
Pendant la même époque, nous observons la réussite de la stratégie de la municipalité. Pro-
gressivement un ensemble de programmes a été installé dans le quartier, partiellement liés avec les objectifs de la municipalité, surement attirés par les nouvelles infrastructures. Des espaces
culturels ont commencé à émerger ainsi que des bars et des restaurants. Un nouveaux pôle de
divertissement a commencé a se générer et une population jeune a commencer à fréquenter le quartier. Malgré tout, l’arrivée de ces nouveaux programmes ne se justifie pas que par l’aménagement urbain mais aussi par un ensemble d’autres raisons que nous allons étudier.
68. Rénovation du centre historique d’Athènes, disponible sur http://www.culture2000.tee.gr/ATHENS/GREEK/BUILDINGS/BUILD_TEXTS/ B180_t.html
46 | 47
1.2 Les nouveaux acteurs économiques du quartier 1.2.1 Le déplacement de la culture et de l’industrie des loisirs
69. Service d’Etudes Environnementales
EPE,(1992),
Etude
économo-technique pour la rénovation de la zone de Gazohori, Athènes, Municipalité d’Athènes
Pendant les années 1990, Psiri et Gazi, les quartiers voisins de Μetaxourgio ont
commencé à se transformer dans le cadre de la rénovation urbaine mise en place
par la municipalité. Les deux avaient des caractéristiques très similaires puisqu’ils étaient habités par une classe populaire et ils avaient subit les lois qui interdisaient la productivité. A Gazi, plus spécifiquement, l’usine de production de gaz qui avait crée
un pôle productif dans le quartier avait fermé en 1984. A Psiri il y avait principalement des bâtiments d’un ou deux étages qui accueillaient des ateliers artisanaux, des imprimeries et une industrie légère.
En 1992, une étude économo-technique a été effectuée pour la rénovation de Gazi qui prévoyait la mise en valeur de l’usine de gaz et sa transformation en un centre
culturel qui allait générer un quartier culturel. (69) Pendant la même époque, des bars
ont commencé à ouvrir. Ce phénomène s’est accéléré après l’ouverture du centre I17.
culturel de l’ancienne usine de gaz. De plus, plusieurs artistes ont implanté leur atelier Psiri, les anciens ateliers
tranformés
en
bars,
source:
http://www.ough.gr/uploads/
dans le quartier et des espaces d’art les ont suivit. Les espaces qui anciennement
servaient les programmes productifs ont été transformés en galléries, ateliers, bars,
Melanthiou%20%287%29.jpg
restaurants et lofts. Le quartier offrait une ambiance et une qualité spatiale industrielle
I18.
nouveaux programmes.
veau
Gazi, bar et le noucentre
Technnopolis,
culturel source:
de http://
popaganda.gr/wp-content/uploads/gazarte2.jpg
I17
ainsi que de prix immobiliers très bas qui ont attiré et facilité l’implantation des ces
Nous retrouvons la même évolution historique à Psiri mais avec quelques exceptions. L’implantation des nouveaux programmes n’était pas réalisée à cause de la création I18
C9.
Déplacement de l’industrie
des loisirs vers Metaxourgio
d’un pôle d’attractions comme celui de Gazi. Au contraire, sa position dans le centre
ville commercial a directement crée une tendance d’implantation. De plus, le quartier a rapidement commencé à attirer des programmes qui étaient principalement liés aux loisirs comme des bars, des boites de nuit et des cafétérias et des restaurants. Au bout de quelques années le quartier s’est saturé, “il donnait l’impression d’une
ville artificielle, d’un Disneyland” qui fonctionne principalement pendant les heures nocturnes. (70)
Jusqu’à 2007 les prix immobiliers ont explosé dans les cas des deux quartiers et sur-
tout à Gazi à cause de l’ouverture de la station du métro. Des plus la demande des
programmes liés au divertissement augmentait et les espaces vacants se réduisaient. (71) Les prix d’un coté et la demande de l’autre ont conduit plusieurs entrepreneurs à la recherche de nouveaux espaces à proximité. Malgré tout, au sud de Psiri et Gazi il
70. Dimitris Aggelidis, Gentrification:
Amélioration
de
classe d’un quartier, 1 octobre 2009,
disponible
sur
http://
y avait le centre archéologique et touristique qui avait des prix immobiliers très hauts.
dimitrisangelidis.blogspot.
de Pireos et de Konstantinoupoleos et de s’implanter aux espaces vacants et bon
71. Avdikos Vassilis, (2014),
Par conséquent, certains d’entre eux ont choisit de traverser les limites de l’avenue marché de Metaxourgio. Leur implantation a été faite dans un premier temps à l’ouest du quartier puisqu’il se trouvait à proximité des deux quartiers précédents et il était accessible depuis la station du métro de Keramikos.
fr/2011/06/blog-post_1446.html
Processus de gentrification à Gazi et à Metaxourgio: Capital symbolique et Immobiliers, Athènes, Epikedro
48 | 49 C10.
Répartition des loisirs et
culture
bars, réstaurants (2008-15) réstaurants locals (... -2008) espaces de culture théâtres
A partir de 2004, nous observons aussi l’implantation d’un certain nombre de
galeries et de théâtres qui sont dispersés dans le quartier. Les raisons pour lesquelles
les différents entrepreneurs ont choisit le quartier sont très similaires avec celles qui
ont conduit les bars dans le quartier. De plus, la disponibilité des grands espaces vacants qui servaient au passé les activités productives et les prix immobiliers très
bas en comparaison avec le reste du centre ville ont facilité la mise en place des ces nouveaux programmes. (72)
Aujourd’hui, nous repérons deux pôles d’activités qui sont liés aux loisirs. Le premier s’étend à l’est, au long de la rue de Plataion et à proximité sur les rues perpen-
diculaires de Keramikou, Agisilaou et Sfaktirias. Le deuxième se situe autour et à proximité des deux places de la pinacothèque municipal, sur les rues de Giatrakou, Leonatou et Keramikou. Finalement, nous observons deux éléments intéressants.
D’une part le choix de Metaxourgio comme un site d’accueil pour l’implantation de différentes entreprises a était accélérée grâce à l’intervention municipale, puisque nous observons une forte tendance d’implantation antérieure à 2009, mais aussi par un besoin de recherche de prix abordables après 2009. D’autre part nous observons 72. Olga Balaoura, Metaxourgio of Athens, towards a counter hegemonic use of space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
la réussite partielle de la municipalité qui avait comme objectif l’établissement d’un noyau culturel dans le quartier, même si les règles du marché ont énormément con-
tribué. En 2014 nous avons repéré dans le quartier d’étude onze espaces d’art et huit théâtres qui ont ouvert après les années 2000.
1.2.2 Le commerce chinois
Un acteur très présent et qui développe ses activités depuis les années 2000 au cœur du quartier de Metaxourgio est celui de la population chinoise. Il s’agit d’une population qui a mis en place
un ensemble d’activités qui sont liées avec le commerce de gros. Ce commerce ne peut as être
considéré comme une activité économique statique mais plutôt comme un noyau initial dans le cadre duquel un grand nombre d’activités économiques, des pratiques sociales et des mouvements spatiaux sont générés.
Avant tout, pour mieux comprendre cet acteur, nous allons étudier les raisons qui conduisent
à son implantation dans le quartier. Nous allons voir aussi quelles sont les conditions, plutôt économiques et politiques, qui attirent cette implantation et nous allons essayer d’expliquer comment l’immigration chinoise arrive à Athènes et en Grèce.
L’immigration chinoise, selon Pierre Trolliet, s’accentue au début des années 1980, après l’ouver-
ture économique de la République Populaire de Chine qui conduit à une grande libération de
l’immigration. Les récepteurs de cette “sortie” migratoire deviennent les pays occidentaux et plus spécifiquement l’Europe de l’ouest. Des pays comme la France, le Royaume Uni, les Pays-Bas,
la Suède et l’Italie reçoivent les nouveaux immigrés. (3) Il s’agit d’une population qui vient des provinces, plutôt agricoles, de Fujian, Guangdong, Zhejiang, Hainan et aussi des régions urbaines comme celle de Shanghai. (73)
La Grèce, comme pays de destination, n’attire pas pendant la même époque cette immigration.
Elle peut, malgré tout, vu ses fortes similitudes, faire partie du “cinquième groupe” d’immigration chinoise. (74) Selon Frank Pieke, qui a choisit de catégoriser les immigrés chinois selon les péri-
odes historiques et les raisons sociales qui ont conduit à leur déplacement, le “cinquième groupe”
s’agit d’une typologie d’immigration qui a immigré après les années 1990 vers les pays de l’ex
union soviétique et l’Europe du sud-est. Ce groupe ne possède pas les mêmes caractéristiques que les groupes précédents car il s’appui sur des réseaux qui se sont formés récemment et pas sur une tradition migratoire. (75)
La Grèce devient un pays de destination surtout à la fin des années 1990 pour une population
chinoise qui vient de la région de Wenzhou et de Fujian. Cette immigration représente le 70 à 80%
des Chinois en Grèce. Même s’il s’agit d’une majorité, nous retrouvons aussi plusieurs étudiants
73. Iris Polyzos, Le “quartier chinois” de Metaxourgio à Athènes, mémoire de Master 2, Paris, EHESS, 2009 74. Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014 75. Frank Pieke (dir), The Chinese in Europe, Basingstoke, Macmillan Press, 1998
50 | 51 et des jeunes diplômés qui ont choisit de poursuivre une carrière académique ou professionnelle en ayant comme point de départ la Grèce.(76)
Les raisons principales qui rendent le pays en une nouvelle destination pour la diaspora chinoise sont primordialement trois. La première raison est liée avec l’expansion des relations commer-
ciales entre la Grèce et la Chine, qui s’accélèrent pendant les derniers quinze ans. Selon, Yanis Varoufakis, il s’agit d’un résultat qui dérive de la politique banquière européenne qui a eu lieu
jusqu’à 2008. Plus spécifiquement, il explique que “le surplus des banques de l’Europe centrale a été recyclé par les banques de la périphérie. (…) Un tel tsunami de capital qui coule vers l’Irlande,
la Grèce, le Portugal et à quelques parties de l’Espagne a tendance à produire de bulles acides. Ces bulles acides créent un mirage de croissance car la population commence à se sentir plus
riche. Comme résultat (…) des entreprises d’importation et d’exportation, surtout d’importation, tel que les chinoises, augmentent”. (77) Cette augmentation du commerce chinois peut être liée dans ce sens avec la diminution forte de la productivité grecque, depuis les années 1980, mais elle est aussi fortement liée avec la saturation d’autres marchés proches ou les chinois s’activaient, comme celui de l’Italie.
De plus, une raison fondamentale qui facilite l’installation chinoise en Grèce est l’accès rapide
à l’acquisition d’une carte de séjour. Les entrepreneurs chinois, peuvent aussi bénéficier d’une
mesure politique qui a été récemment prise, selon laquelle, l’obtention d’une carte de séjour est possible si ils réalisent un investissement de plus de 250.000 euros. Cette carte qui dure cinq ans, parmi d’autres avantages qu’elle offre à l’intérieur du pays, permet le déplacement et le développement des activités économiques dans l’espace Schengen.
Aussi, ce qui aide à l’implantation de cette population est la mise en place rapide d’un réseau d’associations d’entraide par les immigrés qui favorise l’arrivée d’autres membres de leur commu-
nauté ou de leurs familles. De plus, ces réseaux facilitent l’intégration économique et sociale des nouveaux arrivés dans le cadre de la communauté chinoise qui est mise en place.
La troisième raison, qui se lie avec la première d’une façon économique, est le positionnement
géographique de la Grèce. C’est un pays qui est stratégiquement placée entre l’Asie, l’Afrique
et l’Europe et crée un carrefour commercial car il se trouve sur les courants maritimes qui relient
ces trois continents. Sa position justifie aussi la croissance de grandes entreprises de navires, à l’échelle mondiale, et aussi des grands ports commerciaux comme celui du Pirée, de Thessalonique et de Patras. Tous ces éléments ont servit comme des motifs pour l’expansion du commerce Chinois.
76. Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014 77. Varoufakis Yanis, Débat avec Joseph Stiglitz, OCDE, 9 avril 2015, Paris, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=OY3Qxm6BoUI
Le positionnement géographique du pays a aussi généré une série de relations et d’accords politiques et économiques entre le gouvernement grec et le gouvernement chinois. Plus spécifiquement, en 2006 le Premier ministre grec, au cours d’une
visite officielle à Beijing qui avait comme but le renforcement des relations bilatérales avec la Chine, a concrétisé les rapports économiques qui avaient déjà commencé à se mettre en place depuis 2000. Le Premier ministre accompagné par 29 entrepreneurs grecs ont discuté avec leurs homologues sur le sujet des entreprises
maritimes, d’importation et d’exportation et du tourisme. Même s’il y a eu des accords sur l’exploitation des ports grecs comme des zones de transit commercial par
des entreprises chinoises, les discussions sur le tourisme et l’exportation de produits
78. Hiotis Vassilis, Le chinois entrent au port du Pirée, 22 janvier 2006, disponible sur http://www.tovima.gr/politics/ article/?aid=170783 79. Papastathopoulou Christina, Le gouvernement donne le port aux chinois, 25 novembre 2014, disponible
sur
http://www.
efsyn.gr/arthro/i-kyvernisi-paradidei-limani-stoys-kinezoys
grecs n’on pas fleurit. (78) A la fin de novembre de 2014, deux terminaux de con-
teneur du port du Pirée ont été franchisés exclusivement à l’entreprise maritime de COSCO dans le cadre du programme de privatisations du gouvernement grec.(79)
Nous constatons que toutes ces raisons ainsi que les rapports bilatéraux entre les deux gouvernements ont conduit à la première grande installation chinoise à Athènes après les jeux olympiques de 2004. Cette immigration était, à priori, bien organisée d’un
point de vue économique car elle a crée dès son arrivé des espaces de travail. Elle a créé une structure professionnelle de distribution de produits qui venaient directement
de la Chine à travers le port du Pirée. Les premiers commerces de gros ont occupé les rez-de-chaussée vacants du quartier central de Gerani, qui se retrouve dans le centre
C11.
Déplacement du com-
merce chinois
52 | 53 traditionnellement artisanal et populaire de la ville. Dans une courte période de temps, à cause du petit nombre des commerces disponibles à louer, le quartier a été saturé. La solution pour les commerçants chinois était de s’étendre vers un quartier proche.
La réponse, la plus évidente à l’époque était l’extension dans le quartier voisin de Metaxourgio. En observant les différentes caractéristiques du quartier, les raisons
pour lesquelles il a attiré l’implantation de ces commerces sont quatre. La première, comme nous avons déjà expliqué était la proximité avec le quartier de leur première
installation. La deuxième raison était la juxtaposition du quartier avec un axe routier
très important pour le commerce chinois, celui de l’avenue de Pireos qui relie la ville d’Athènes avec le Port du Pirée. Cela facilite le transport des produits entre le lieu de réception et le lieu de vente et optimise encore plus le processus grâce à des
livraisons communes pour les deux quartiers qui se retrouvent aux cotés opposés de la même avenue.
La grande disponibilité des espaces commerciales aux prix bas au sein de MetaxI19.
La cour du bâtiment de
China Town, source: http://assets.vice.com/content-images/ contentimage/140419/chinatown2.jpg
ourgio forme la troisième raison. Comme nous avons déjà observé, les différents pro-
grammes artisanaux, productifs et commerciaux commencent à se réduire dans le quartier à cause de différentes décisions politiques qui ont conduit à la désindustrialisation et d’une tendance de décentralisation ou les anciens habitants commen-
cent à se déplacer aux banlieues de la ville. La grande réserve foncière de diverses
I19
typologies spatiales (ateliers, entrepôts et espaces commerciaux) aux rez-de-chaussée du quartier ont servi à l’installation du commerce chinois. Les nouveaux programmes commerciaux ont été intégrés aux espaces préexistants et une nouvelle
zone d’activités a été générée. Nous remarquons aussi, qu’au fil du temps l’activité immobilière ne s’est pas limitée aux espaces commerciaux mais elle s’est étendue à la location et des fois à l’achat des logements puisque plusieurs familles chinoises se sont installé dans les appartements du quartier.
80. Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014
L’image du quartier a beaucoup changé pendant ces dernières années. L’implantation de commerces de gros chinois a été accompagnée par l’ouverture de commerces qui s’adressent à la population chinoise, des associations de la communauté
et des restaurants chinois qui s’adressent à un plus large public. Selon l’inventaire de Iris Polizos de 2013, 143 commerces chinois développent dans le quartier leurs activités. (80) En plus de cela, il est apparent que le commerce chinois a crée un pôle
commercial dans la ville qui a attiré l’installation d’un grand nombre de commerces de
gros grecs. Nous pouvons localiser, grâce à notre étude sur le terrain qui a eu lieu en 2014, 63 entreprises grecques.
Nous constatons, enfin, que l’installation chinoise à Metaxourgio, a conduit à une grande transformation urbaine. Elle a donné de la vie à travers ses activités à un quartier délaissé et elle a crée un point repère commercial dans une courte période de temps.
C12.
Répartition des com-
merces de gros
chinois général grecs
54 | 55
1.2.3 Les promoteurs
81. Compreser, Rethink Gentrification, 4 octobre 2012, disponible sur
https://nothingtorethink.
wordpress.com/2014/07/12/ rethink-gentrification/ 82.
Olga
Balaoura,
Metax-
ourgio of Athens, towards a counter
hegemonic
use
of
space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
Comme nous avons déjà expliqué, le tissu bâti du quartier de Metaxourgio a pro-
gressivement émergé. Ce qui dominait étaient les petites propriétés foncières qui ont conduit à la création de bâtiments familiaux d’un à trois étages. Ces habita-
tions qui incluaient habituellement un commerce ou un atelier au rez-de-chaussée correspondaient aux besoins de la classe populaire du début du 20e siècle. Les
petites propriétés foncières sont aussi la raison qui a empêché le développement
des immeubles de standing, à travers le principe de “antiparohi”, après les années 1960. Malgré, tout la mise à jour du plan d’urbanisme de 1998, qui permettait l’achat des parcelles voisines pour la réalisation d’une nouvelle construction en augmen-
tant le coefficient de l’occupation du sol combiné avec les faibles prix immobiliers dans le quartier créent un grand intérêt au sein des promoteurs immobiliers. (81)
Le premier grand promoteur qui s’active dans le quartier est la compagnie
GEK-TERNA (ΓΕΚ-ΤΕΡΝΑ) qui a procédé en 2005-2006 à l’achat de la majorité des propriétés de l’ilot délimité par les rues Mylerou, Germanikou, Marathonos et Leo-
nidou. Par la suite, elle a organisé un concours architectural international pour la construction d’un ensemble de logements de luxe. Le concours a été gagné par I20.
Le nouvel immeuble de
logements de la rue Mylerou (à droite)
I20
l’agence de Tasos Biris et un bâtiment d’une très bonne qualité en a été le résul-
tat un an plus tard. Malgré l’achèvement du projet, l’entreprise n’a pas réussit à gagner le maximum de profit à cause des hauts prix et de la faible demande. (82)
Le promoteur suivant est la compagnie “Oliaros” qui était déjà installée dans le quartier de Metaxourgio depuis 2002. En 2006 elle a commencé à se centrer sur
l’exploitation foncière des différentes parcelles du quartier à travers le développement de projets architecturaux et urbains. Le créateur de l’entreprise, I. Tsakonas, après un
cursus éducatif aux Etats Unis et une carrière économiquement fertile comme agent immobilier à Ajerbaïdjan et ensuite comme promoteur immobilier à l’ile de Antiparos (83), explique que c’était l’état de délaissement du quartier qui les a conduit à le choisir comme terrain d’activités.
Le premier pas vers la spéculation immobilière, se réalise entre 2006 et 2008 avec
83.
Hatzigeorgiou
Voisinage
de
Aris,
real-estate
et
quartier des… interets, , 11 août
2010,
disponible
sur
http://www.enet.gr/?i=news. el.article&id=192064 84.
Koufopoulos
Vassilis,
Metaxourgio-Keramikos, mai
2014,
disponible
7 sur
http://www.athensvoice.gr/ the-paper/article/481/%.....
l’achat de la plus grande partie de la propriété de l’entreprise. Cette propriété se compose de 19 bâtiments classés comme patromoine, 5 bâtiments d’usage artisanal
des années 1970 et 21 friches.(84) Metaxourgio, en tant que quartier en dégradation depuis plus de deux décennies, avec des prix fonciers qui se réduisent, a facilité les différents achats effectuées.
L’entreprise s’est concentré, plus spécifiquement, sur le 46% “d’espace libre” de Metaxourgio. Ce pourcentage n’inclut pas l’espace public mais la totalité des par-
celles vides et des bâtiments dégradés, et consiste, selon l’entreprise, en un outil qui
peut régénérer la totalité du quartier et du centre ville. Oliaros en possédant environ le 9% de cet espace, ou 45 parcelles, vise à motiver le reste des propriétaires et
C13.
Propriétés de l’entre-
prise Oliaros
propriétés
56 | 57 partager une vision commune avec eux sur le développement futur du quartier, à l’aide d’une “méthodologie contemporaine”. (85)
Le fonctionnement de l’entreprise qui est assez complexe et multidimensionnel nous aide à comprendre de quoi s’agit cette “méthodologie contemporaine”. Alexia, employée de Oliaros
nous explique qu’il y a deux grands catégories d’activités, celles qui sont lucratives et celles qui ne sont pas.
La première catégorie se concentre sur le développement immobilier à travers des projets
architecturaux conçus par une élite de nouveaux architectes à l’échelle de la Grèce et à l’échelle mondiale.
“Avec l’aide de Christine Binswanger (associée de l’agence Herzog et Demeuron) en 2006 et 2007, une équipe internationale d’architectes doués qui n’avaient jamais travaillé sur Athènes a été formée en ayant comme objectif de réexaminer les typologies dominantes de la ville et de répondre aux besoins actuels et futurs de ceux qui vivent et travaillent au centre ville.” (86)
Le propriétaire de l’entreprise, Iason Tsakonas, après une série de visites aux agences de plusieurs jeunes architectes a créé l’équipe qui allait transformer Metaxourgio en un quartier contem-
porain. Des agences comme Bow-Wow, BIG, Boyd Cody, Camilo Rebelo, Andreas Angelidakis, ANTONAS et doxiadis+ ont composé parmi d’autres cette grande équipe. De plus, un concours international pour jeunes architectes a été organisé en 2009 pour la construction de dix-huit loge-
ments étudiants qui avait le nom UpTo35. L’agence de João Prates Ruivo et de Raquel Maria
Oliveira etait celle qui a gagné le cocnours et dont le travail a été exposé au public dans une série d’événements qui ont eu lieu soit dans le quartier soit dans des musées. La presse, pendant la même époque et en raison du concours a commencé à parler de ce nouvel investisseur qui es-
sayait de transformer le quartier de Metaxourgio. Des publications commençaient aussi à mettre en question si l’architecture pourrait transformer le centre historique. (87)
Dés que la conception des projets a été faite, un nouvel espace internet a surgit en 2009, celui
de KM Properties (Keramikos - Metaxourgio Properties). Le site présentait les premières images fortes des différents projets sous une forme de collage ainsi qu’une série d’informations extensives sur le quartier et les activités de l’entreprise. Une fuite de mails de la compagnie de web de-
velopers “Loom Concept” qui s’adressait au propriétaire de Oliaros nous explique quels étaient les objectifs de communication du nouveau site internet. L’entreprise demandait, plus spécifique-
ment, une plateforme “chargée d’émotion” qui allait présenter les différents projets architecturaux. 85. Oliaros, Keramikos-Metaxourgio: Une approche elaboré, 15 septembre 2010, disponible sur http://www.oliaros. com/?lang=gr&p=134&title=Κεραμεικός-Μεταξουργείο-Mια-μελετημένη-προσέγγιση 86. ARCHITECTS, REVISITING URBAN LIFE AND TYPOLOGIES, disponible sur http://www.oliaros.com/kerameikos-metaxourgeio/process/#ARCHITECTS 87. Rigopoulos Dimitris, L’architecture sauve le centre historique?, 28 mars 2010, disponible sur http://www.kathimerini.gr/389062/article/ politismos/arxeio-politismoy/h-arxitektonikh-swzei-to-istoriko-kentro
I21
Elle devait aussi illustrer à travers son design le lien avec des notions comme l’urbain,
le contemporain, le moderne, l’animation et l’ouverture d’esprit dans le but d’informer et de convaincre le visiteur du site et de le faire visualiser comment serait de vivre dans le quartier au futur. (88)
I21.
Le site internet interactif
des projets immobiliers de Oliaros, source: 1. http://www.oliaros. com/kerameikos-metaxourgeio/ proposition/
Ensuite, Oliaros propose un nombre de nouveaux programmes qui vont s’implanter
dans le quartier comme des ateliers d’artistes et des espaces de co-working ainsi qui des logements touristiques. Tous les programmes s’accompagnent en même temps
d’espace public ou partagé et d’une qualité écologique. La récession économique qui a commencé en 2010, cependant, changé la répartition programmatique et l’a adapté aux besoins du marché. Plus précisément, la répartition entre 50% de logement et 50% d’usage commerciale a été transformée respectivement en 30% et 70%.
Même si nous observons une grande démarche commerciale par ce nouveau promo-
teur, la construction des projets n’a pas encore commencé. Alexia, nous a expliqué, que l’étape de la construction se ralenti d’une part par la bureaucratie administrative et technique et d’une autre part par la crise économique. Elle nous a expliqué, enfin, que le projet immobilier de l’entreprise mûrit progressivement et malgré les délais ils
arriveront à le rentabiliser et à le faire évoluer dans une temporalité de quinze à vingt ans. (89)
88. Gagarinos, Quelque chose de plus, 2 octobre 2010, disponible
La deuxième catégorie d’activités d’Oliaros est bien plus complexe car elle se struc-
ture à travers un réseau d’activités. Dans ce réseau on retrouve primordialement deux
structures liées à une grande échelle avec l’entreprise. La première, s’agit d’une
sur
https://athens.
indymedia.org/post/1211735/ 89. Entretien: Alexia, employée à
Oliaros,
15
février
2014
58 | 59 association non lucrative qui se spécialise sur le re-investissement de “l’espace libre” et de l’es-
pace public à travers des actions participatives et académiques, qui a le nom “KM voisinage modèle”(ΚΜ Πρότυπη Γειτονιά). La deuxième structure est celle de la biennale d’art contempo-
rain, qui a le nom ReMap et qui s’organise dans les limites du quartier et coïncide temporellement avec la Biennale d’Art de la ville d’Athènes.
KM voisinage modèle a été fondée en 2008 par le créateur de Oliaros, I. Tsakonas, qui a financé
à 86% l’organisation,(90) des professionnels qui s’activent dans le quartier et des habitants du quartier, tous venant d’une classe sociale moyenne-haute. Leur objectif, selon leur charte, est “la création d’un voisinage modèle au centre ville d’Athènes qui va promouvoir une nouvelle culture
urbaine et qui sera utilisé comme un modèle exemplaire par d’autres voisinages d’autres villes”. Leur objectif se fonde sur l’adaptation d’une architecture contemporaine au milieu de l’espace
public et privée qui respecte l’histoire du quartier et les besoins des habitants, sur l’implantation d’une culture artistique, sur la coexistence des différents groupes sociaux, sur l’innovation et la créativité. (91)
ReMap quant à lui est le nom du festival d’art contemporain qui a été organisé pour la première
fois en 2007. Il vise à réactiver le quartier à travers l’art et à le faire connaitre au public de la ville. Il s’agit d’une plateforme artistique qui donne l’occasion à plusieurs artistes de s’exprimer dans les différents espaces qui sont situés dans le quartier de Metaxourgio. Des friches, des bâtiments délaissés et les espaces publics deviennent les galléries éphémères qui, à part l’art, accueillent des workshops, des projections et d’autres activités pendant quelques semaines.
Nous constatons, finalement que l’entreprise Oliaros constitue une structure pluridisciplinaire qui d’une part vise à créer un marché immobilier et d’une autre, vise à améliorer la qualité de vie à
Metaxourgio et de l’extérioriser au public de la ville. L’entreprise devient un acteur primaire qui contribue à la transformation du quartier à travers un ensemble de pratiques de médiatisation et
d’appropriation spatiale. Elle met en place, aussi, un nouveau système d’investissement, qui est très ouvert et communiqué ainsi que original et ambitieux pour le contexte urbain et economique d’Athènes.
90. Charte de fondation de “KM Voisinage-Modèle Organisation Non Lucrative Urbaine”, disponible sur http://kmprotypigeitonia. org/?p=memorandum 91. KM Voisinage-Modèle, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/index.php?p=who
2. Τerritorialité et pratiques d’appropriation
L’étude de l’évolution du quartier et de la ville qui a été effectuée au premier chapitre nous aide à constater que pendant les derniers ans le quartier de Metaxourgio se retrouve dans une période de transition.Cette transition s’explique d’une part par la dégradation que le quartier subit princi-
palement depuis la fin du 20e siècle et d’une autre part par l’introduction d’un certain nombre de nouveaux acteurs. Des acteurs qui en développant leurs activités conduisent à la mise en place de leur propre identité urbaine.
Dans ce chapitre nous allons nous interroger sur quelle est la forme que le quartier prend aujourd’hui. Pour répondre à cette question nous allons utiliser la notion de la territorialité. Cette ap-
proche va nous permettre dans un premier temps, en mettant en valeur les observations que nous avons effectué pendant l’étude de terrain, de détecter les différentes pratiques de marquage et d’appropriation symbolique de l’espace public qui s’exercent à travers les différents acteurs. Dans
un deuxième temps, l’analyse de l’ensemble de pratiques va nous aider à comprendre la nouvelle configuration spatiale du quartier ainsi que son identité.
Une autre question que nous allons essayer de répondre et celle de la conflictualité territoriale. Il
s’agit d’une notion qui peut se mettre en place potentiellement au cas ou plusieurs territorialités hétérogènes se croisent dans l’espace du quartier. Cette interaction spatiale, quand les intérêts qui s’expriment ne sont pas compatibles, peut générer des conflits qui sont visibles dans l’espace
urbain. Pour pouvoir répondre à la question de la conflictualité, par conséquent, nous allons ana-
lyser les interactions directes ou indirectes entre les différents acteurs qui s’expriment à travers la mise en place de leur territorialité.
Les acteurs que nous allons étudier sont ceux qui sont principalement responsables de la trans-
formation du quartier. Nous avons choisit, par conséquent, d’analyser les pratiques territoriales
qui s’effectuent au niveau des commerces chinois, l’entreprise Oliaros, l’industrie de loisirs, la prostitution et celles qui sont liées aux drogues. Nous avons aussi décidé de présenter la territo-
rialité qui s’exprime à travers le délaissement du quartier puisqu’il donne une image qui domine le paysage urbain et qui est lié pour des raisons différentes avec certains qui nous intéressent. L’échelle d’importance des trois premiers acteurs se prouve par le fait qu’ils occupent le 40% des
rez-de-chaussée du quartier ainsi que les espaces délaissés et la prostitution occupent le 27% selon nos relevés. Un pourcentage global qui définit le fonctionnement du quartier.
62 | 63
Le choix de l’ensemble de ses activités nous a conduit vers une zone d’étude où elles sont principalement présentes. Pendant notre étude de terrain nous avons réussit à
définir cette zone et la délimiter au niveau des rues de Ahileos au nord, Deligiorgi à
l’est, Pireos au sud et Plateon à l’ouest. Nous avons exclu de la zone d’étude la pointe ouest du quartier puisque c’est un endroit plutôt résidentiel où la présence des acteurs qui nous intéressent est rare et faible.
Notre analyse se concentre sur l’espace ressenti de la zone d’étude. Nos trois visites
nous ont permit de détecter un ensemble de pratiques à travers l’observation et les conversations que nous avons eu avec un nombre de personnes qui vivent, travail-
lent ou visitent le quartier. Nous allons présenter l’ensemble de nos observations et remarques sous forme de parcours ou d’images fixes, ce qui va permettre une meil-
leure compréhension de l’ambiance qui se génère ainsi que de l’échelle temporelle et spatiale de l’ensemble des pratiques. C14. Le site d’etude et les rues du quartier
2.1 La territorialité du délaissement Dans cette partie nous allons examiner à quel niveau la morphologie actuelle du quartier témoigne de son délaissement. Plus de cinquante ans sont passé depuis le premier départ de la popula-
tion ancienne vers les banlieues et trente ans depuis l’interdiction des programmes industriels.
L’abandon a conduit progressivement à la dégradation de Metaxourgio. De nouveaux usages et principalement la prostitution illégale ont occupé les anciennes enveloppes. Malgré tout, pourri-
ons nous parler d’une territorialité de ce délaissement? Es-ce que aujourd’hui la dégradation se projette dans l’espace public?
Dès nos premières visites au quartier nous avons observé une “appropriation du délaissement”. Nous avons observé, en autres mots, un certain nombre des pratiques qui se mettent en place
et qui extériorisent cette période de déclin du quartier. Pour mieux les expliquer nous les avons reparti en trois typologies. La première typologie contient les différentes pratiques de protection de la part des propriétaires des bâtiments et des friches délaissés. Ensuite, les deux autres typologies de pratiques sont liées avec la réappropriation du bâti abandonné et de l’espace public
d’une part par les maisons de prostitution et d’une autre part par les activités liées aux drogues. Nous allons, par conséquent, focaliser, des fois, à l’échelle du quartier à l’aide d’une cartographie
qui va nous aider à comprendre la répartition des différentes situations, et d’autres fois à l’espace ressenti de la rue pour pouvoir analyser les différentes pratiques et le degré de dégradation que le quartier subit.
64 | 65
2.1.1 Le déclin à travers le plein et vide En arrivant pour la première fois à Metaxourgio nous avons distingué deux éléments primaires morphologiques, le “plein” et le “vide”. Deux éléments qui présentent de
leur propre façon le délaissement du quartier. Avec l’utilisation du premier terme, plus spécifiquement, nous n’essayons pas de décrire l’ensemble du tissu bâti. Au contrai-
re, nous décrivons l’ensemble des bâtiments qui sont délaissés et dont les façades donnent, aujourd’hui, une image d’abandon. Le deuxième terme que nous utilisons, le vide, décrit l’ensemble des espaces vides qui sont présents dans le quartier pouvant être des friches ou pouvant accueillir une fonction temporaire.
L’élément en commun de ces deux espaces urbains est leur identité historique. Com-
me nous avons déjà expliqué, le manque de ressources économiques qui serviraient à la rénovation des bâtiments à conserver conduisaient leurs propriétaires qui n’habitaient plus dans le quartier à deux solutions potentielles. La première était le délaisse-
ment de l’enveloppe jusqu’à ce qu’ils aient la possibilité de la vendre ou la rénover
et la deuxième était de démolir le bâtiment avant qu’il soit classé comme patrimoine architectural. La première solution a généré un nombre important de bâtiments qui
s’abiment progressivement. La deuxième, au contraire, a conduit à l’émergence d’un
grand nombre de friches. De plus, nous avons observé un grand nombre d’espaces commerciaux et artisanaux au niveau du rez-de-chaussée de certains bâtiments qui
sont vacants. L’absence d’activités s’explique aussi par la suppression des activités C15.
productives ainsi que par la réduction de la population du quartier. Nous constatons, Le
délaissement
quartier
bâtiments abandonnés friches parkings commerces vacants
du
finalement, que la présence de ces espaces est dû principalement aux mêmes raisons historiques et à ses extensions économiques et sociales.
Dans un premier temps, à l’aide des relevés qu’on a réalisé en septembre 2014, nous allons essayer de qualifier la dimension des ces espaces à l’échelle du quart-
ier d’étude. Plus spécifiquement, nous observons que le 40% des rez-de-chaussée
du quartier consistent en des espaces délaissés qui s’étalent dans l’ensemble du quartier. Le 21% comprend tous les rez-de-chaussée qui anciennement incorporaient
des fonctions productives et commerciales et qui sont actuellement vacants. L’autre 19% inclus des bâtiments abandonnés et en mauvaise condition. A part ce 40%, nous
observons un 9,5% des espaces vides, qui donnent sur les rues du quarter, parmi lesquels un 6% consiste en des friches et le reste en des espaces de parking.
Nous constatons que malgré les différents programmes qui s’implantent pendant les derniers quinze ans presque la moitié des espaces qui se juxtaposent à la rue sont formés par des bâtiments abandonnés, des rez-de-chaussée vacants et des friches.
Ce grand pourcentage est dû principalement à la période de délaissement du quartier vu l’âge et l’état des ces espaces. Malgré tout, la représentation des ces espaces sur
la carte du quartier ne montre pas leur vraie dimension. Depuis les rues du quartier, nous arrivons à apercevoir la vraie échelle de l’espace urbain qui se génère à travers le “plein” et le “vide”.
En réalité, ce qui accentue la présence forte des ces “pleins” et “vides” urbains est le moyen avec lequel il sont marqués ainsi que le moyen avec lequel il sont délimités. Nous observons, d’abord, un ensemble de pratiques qui se mettent en place et qui visent au blocage d’accès. Le cas des bâtiments abandonnés est très remarquable.
Les propriétaires décident de fermer les ouvertures de l’enveloppe, les portes et les fenêtres, et principalement ceux des rez-de-chaussée. Alexia, employée à l’entreprise immobilière de Oliaros, nous explique que la fermeture des ouvertures est justifiée parce qu’il s’agit d’une mesure de prévention. Plus spécifiquement, un bâtiment ac-
cessible depuis la rue peut commencer à accumuler des ordures, il peut être aussi I22
I23
I 22,23,24. Bâtiments
abandonnés,
cage de points d’accès
I24
blo-
66 | 67 92. Entretien: Alexia, employée à Oliaros, 15 février 2014
squatté par des sans-abris, des toxicomanes qui veulent prendre leur dose ou même par des maisons de prostitution. Alexia, nous dit typiquement, qu’il s’agit “d’une action responsable par quelqu’un qui respecte le voisinage”. (92)
Une grande variété de matériaux est employé, par conséquent, pour créer ces barrières “anti-squat”. Nous avons observé, pendant notre étude de site, des maçonne-
ries en brique, des grilles métalliques, des planches en bois qui sont clouées sur les volets des fenêtres et des panneaux métalliques et en bois qui fermaient d’un bout à
l’autre l’ensemble des ouvertures. Des fois, nous avons retrouvé des bâtiments où les
cadres des ouvertures n’étaient plus visibles. Ils donnaient l’impression d’un volume massif, d’un socle, sur lequel le premier étage du bâtiment venait se poser et révéler
ses ouvertures. Ce motif se répète dans l’ensemble du quartier et à certains endroits plus que d’autres.
Les friches suivent la même logique. Des grilles métalliques et des murs les con-
tournent pour empêcher l’accès. Les propriétaires les mettent en place pour éviter
l’accumulation des ordures et le stationnement des voitures. Ici, au contraire, nous avons observé un élément de plus qui crée une barrière physique, celui de la végéta-
tion. Dans plusieurs cas, la végétation envahi les parcelles et génère de hauts murs naturels. Il s’agit d’un élément que nous retrouvons aussi à certains bâtiments aban-
donnés où la seule partie de l’enveloppe qui reste est la façade. On peut apercevoir à travers les ouvertures les arbustes et les hauts arbres qui poussent et qui occupent progressivement l’ensemble de la parcelle.
Nous constatons que l’ensemble du “plein” et du “vide” subit une dégradation con-
tinue qui est extériorisée dans l’espace public à travers les façades et les barrières physiques et naturelles. La dégradation se transmet aux formes physiques qui à leur tour génèrent un marquage territorial qui domine l’espace de la rue. Il s’agit d’un marI 25,26. Friches, clôtures et végétation
quage, avant tout inévitable puisque l’ensemble de ces espaces subit le passage du temps et le délabrement, mais aussi volontaire à cause des pratiques qui s’exercent par les propriétaires. I25
I26
I27
I28
De plus, la morphologie architecturale variée du quartier souligne ce marquage. Les
immeubles de cinq étages se juxtaposent aux bâtiments abandonnés et aux friches. Des façades complexes émergent au long des rues et conduisent à la production d’un gabarit qui cadre les “pleins” et les “vides” délaissés du quartier. Nous pourrions dire
aussi, que tous ces différents éléments génèrent une mise en scène de l’abandon qui caractérise fortement l’ensemble de Metaxourgio. Cette mise en scène, au contraire, ne s’agit pas d’un élément passif mais plutôt d’un élément actif, d’une surface sur
laquelle d’autres pratiques d’appropriation se greffent et la plus visible parmi elles est l’art de la rue.
Le street-art, ou l’art de la rue est une expression qui fleurit dans l’espace urbain d’Athènes. Dans le cas de Metaxourgio, les bâtiments délaissés forment une sorte
de toile qui occupe une grande partie du quartier. Des graffitis, des pochoirs et des enseignes l’occupent. Nous avons retrouvés aussi, une série d’affiches très intéres-
santes dans le contexte du délaissement. Le réalisateur en reprenant la police, la taille et les couleurs des annonces de vente qui sont affichés sur plusieurs bâtiments délaissés et en remplaçant le mot “à vendre” par le mot “à offrir” a créé sa propre annonce. Cette fausse annonce a été placée sur les façades de plusieurs bâtiments abandonnés et faisait probablement référence à la grande chute de prix immobiliers.
Nous constatons, finalement, que malgré la présence du street-art, qui peut embellir le
quartier ou qui peut prendre position face à la sa transformation, la réserve foncière du bâti délaissé ainsi que l’espace public à proximité ont facilité l’inscription d’un ensem-
ble d’autres pratiques d’appropriation qui ont acceleré le processus de dégradation. Les deux pratiques primordiales, qu’on va analyser par la suite, se mettent en place d’une part par la prostitution et d’un autre part par les activités liées aux drogues.
I27.
Le street-art du quartier
I28.
Affiches avec le mot
“Δωρίζεται” (il est offert)
68 | 69
2.1.2 Une territorialité liée à la prostitution
93. Entretien: Alexia, employée à
Oliaros,
15
février
2014
94. Loi 2734, article 3, ΦΕΚ 161, τ. Α, 5- 8- 1999.
Metaxourgio, aujourd’hui, concentre le plus grand nombre de maisons closes d’Athènes. Cette activité est principalement installée dans des bâtiments abandonnés et classés comme patrimoine dans partie est du quartier et surtout sur les rues
Iasonos et Kolonou. Historiquement, comme nous avons déjà expliqué, l’accélération de l’implantation de la prostitution a eu lieu pendant les trois dernières décennies du
20e siècle. Partiellement elle a été favorisée par des propriétaires qui ont décidé de louer les bâtiments, à priori délaissés, au différents réseaux de prostitution,(93) mal-
gré la loi de 1999 qui interdisait l’implantation des maisons closes dans des bâtiments qui sont classés. (94) Les maisons de prostitution occupent aujourd’hui le 6% des rez-de-chaussée du quartier.
Ici, nous allons essayer de présenter à quel niveau cette activité exprime sa territori-
alité. Nous allons voir aussi comment elle renforce la mise en scène du délaissement.
Nous avons observé un nombre d’objets, de couleurs et d’actions qui conduisent à l’appropriation de l’espace public ainsi qu’au marquage territorial de cette activité et
nous allons essayer de les déchiffrer. Pour cette raison, nous avons choisit de nous concentrer sur la rue de Iasonos à l’aide de notre étude de terrain. C16.
Répartition de la prosti-
tution
maisons closes
La rue de Iassonos commence au niveau de la rue de Agisilaou et arrive jusqu’à la rue
de Ahileos. Elle accumule un grand nombre de bâtiments néoclassiques du début du
19e siècle qui ont été classés pendant les années quatre-vingt. Pendant les années quatre-vingt-dix, dans le cadre de la rénovation du quartier elle a été transformée en une rue piétonne et elle a obtenu la forme que nous voyons aujourd’hui. Malgré tout, elle se transforme à la fin du 20e siècle en un noyau de prostitution.
95.
Compreser,
Face
l’oubli-Metaxourgio, 2011,
disponible
à
2
avril
sur
http://
kompreser.espivblogs.net/ files/2011/04/kompreser-enantia-sti-lithi-Metaksourgeio.pdf 96. Lekas Renatos, La prostitution fleurit à Athènes de
L’installation de la prostitution dans rue a été accélérée après sa rénovation urbaine.
la crise, 10 novembre 2013,
Avant 1990 la rue concentrait deux maisons closes contrairement à aujourd’hui où il y
disponible
en mauvais état et non munis de salles de bain. Nous avons observé qu’elles sont
97. Une description publiée au
en a vingt-quatre. (95) La plupart de ces espaces sont installées dans des bâtiments fréquentées pendant toutes les heures de la journée et principalement à partir de
l’après-midi. De plus, elles sont connues comme “les commerces à bons prix” à cause de leur prix très bas. (96)
sur
http://www.
athenspress.gr/2013/...
blog AthensVille, 9 septembre 2009, disponible sur http://athensville.blogspot. com/2009/09/ blog-post_03. html
La rue de Iasonos a du sexe pas cher, c’est le voisinage le plus dense en bordels.
Les garçons baisent et ensuite ils pissent, en offrant à la rue une odeur de décadence
magnifique accompagnée par le faible éclairage. En oubliant la puanteur, on lève la
tête et on observe la continuité architecturale néoclassique incroyable des deux cotés de la rue. (97)
Cette phrase décrit d’une façon très pertinente l’ambiance de la rue. Pendant notre visite dans le quartier nous avons pu étudier les différents éléments qui créent l’hétéro-
topie de la rue. Un espace urbain qui est très diffèrent du reste du quartier et que nous avons traversé avec un sentiment mixte d’inquiétude et de curiosité. Nous sommes
arrivés à répertorier trois plans successifs d’appropriation qui structurent l’ambiance de la rue. Les deux premiers nous les avons localisé au niveau des façades et des
entrées des maisons closes et le troisième nous l’avons repéré au niveau de la rue piétonne.
Plus spécifiquement, les deux premiers créent un marquage volontaire de la façade et du hall d’entrée du bâtiment. Il s’agit d’un marquage volontaire puisque il a comme ob-
jectif la projection de son programme dans l’espace public de la rue. Cette projection
se met en place à travers une signalétique qui vise à attirer la clientèle potentielle. Le premier élément est une lampe et nous l’avons détecté sur la porte d’entrée. La lumière
signifie directement qu’il s’agit de l’entrée d’une maison close. Cette lampe blanche
I29.
Lampes
munication qui s’emploie à l’ensemble du quartier. Certaines fois, nous avons observé
I30.
Lampes
est allumée pendant toutes les heures de la journée et constitue un principe de complusieurs lampes sur les mêmes bâtiments mais qui marquaient des accès différents.
de
maisons
de
maisons
closes (vue 1)
closes (vue 2)
70 | 71
V.2
Meg. Alexandrou
V.3
V.4
V.1
V.5
Iasonos Keramikou
D3. AxonomĂŠtrie de la rue de Iassonos, maison closes et points de vue I29 I30
La lampe qui se pose au niveau de l’entrée est succédée par le deuxième plan de marquage que nous avons détecté dans le hall d’entrée, visible depuis la rue. Les éléments qui composent ce plan peuvent varier et ils n’ont pas une représentation étab-
lie. Souvent, nous avons remarqué des murs qui étaient peints en violet et en rouge. Des fois nous avons repéré aussi des affiches d’un caractère pornographique ainsi
que, dans le cas d’une cour qui succédé l’entrée, une deuxième lampe à l’intérieur de
la cour. Il faut remarquer que tous ces éléments ne sont pas visibles à moins que nous nous trouvions face à l’entrée de la maison de prostitution. Nous avons constaté, par conséquent, que cet ensemble de signes du deuxième plan de marquage, fonctionne
comme une forme d’épreuve de la fonction du bâtiment. Ils marquent, finalement, un
espace de transition, l’interface entre le dehors et le dedans, le public et le discret. Le troisième plan d’appropriation se compose par des activités qui se développent
au sien de la rue de Iasonos et sont liées avec la clientèle des maisons closes ainsi qu’avec leur fonctionnement. Plus spécifiquement, nous avons observé une circu-
lation, pendant tout la journée, d’individus qui entraient et sortaient des différentes maisons closes de la rue. Cette activité s’accélère pendant la nuit. De plus, pendant les heures nocturnes des groupes de jeunes se retrouvent au croisement de la rue
de Iasonos avec la rue de Megalou Alexandrou et visitent successivement différentes maisons. Nous avons aussi des fois les tenancières qui sortent aux entrés et aux balcons pour saluer ces groupes et leur offrir d’entrer.
I 31,32 Les halls d’entrée (vue 3)
I31
I32
72 | 73 L’appropriation de l’espace public était aussi liée avec une grande manque d’hy-
giène. Comme nous avons expliqué, la majorité des maisons closes ne possèdent
pas de toilettes. Cette situation conduit principalement à deux résultats qu’on a
observé à Iasonos. D’abord, nous avons observé qu’après la sortie des individus des maisons closes certains urinaient sur les bordes de la rue. Ensuite, nous avons
vu des tenancières qui sortent à la rue et vidaient des bassines remplies avec de
l’eau. Toutes ces actions, par conséquent, posent des problématiques sanitaires.
Des problématiques qui ont très récemment et partiellement été confrontées par la
municipalité de la ville avec la mise en place d’un service de nettoyage qui lave la rue tous les matins.
Nous constatons, finalement, que la prostitution n’est pas juste présente à travers son
marquage territorial au niveau de façades mais elle génère des activités qui ont un impact évident au niveau de l’espace public de la rue. Le fait qu’elle s’implante dans
des bâtiments délaissés et en mauvais état qui sont situés dans une proximité spa-
tiale l’un à l’autre crée une densité programmatique. Cette densité d’une part met en
place une zone d’activités spatialement précise, un clos urbain, qui s’impose à une grande échelle au reste du quartier. D’une autre part, vu les conditions d’hygiène, elle
conduit à une dégradation de l’espace public à proximité, qui est ressentie par ceux qui le traversent et qu’y vivent.
I 33,34 La circulation à la rue de Iassonos (vue 4 et 5)
I33
I34
2.1.3 Les drogues face au quartier
Les activités liées aux drogues constituent la dernière typologie de territorialités qui renforcent le marquage du délaissement et de la dégradation. Nous pourrions aussi dire que la présence d’un tissu bâti abandonné ainsi que la création d’un noyau illégal de prostitution ont attiré les activités liées aux drogues. D’une part, nous observons
que les limites est du quartier qui sont définies par la rue de Deligiorgi, marquent une
98. Olga Balaoura, Metaxourgio of Athens, towards a counter hegemonic use of space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
interface entre la légalité et l’illégalité puisque les patrouilles de police s’y arrêtent. Cet élément, a renforcé l’image hétérotope de l’est du quartier surtout à travers l’installation de la prostitution. D’une autre part, la présence de la prostitution a pérennisé un
espace d’activités, qu’à cause de sa proximité avec la place centrale de Omonia a attiré, principalement à partir des années 2000 des activités liées aux drogues.
Ensuite, nous observons, que la réserve des bâtiments abandonnés contribue à l’attirance des gens sans-abris puisque elle peut être squattée. Plus spécifiquement,
selon l’étude de Olga Balaoura, les bâtiments abandonnés qui se situent à l’est entre
les rues de Iasonos, Agisilaou, Akadimou et Keramikou concentrent un grand nombre
de sans domicile. (98) Leur présence se justifie par les mêmes raisons qui expliquent l’installation de la prostitution et elle peut être aussi liée aux drogues, quelque chose que nous n’avons pas pu prouver, à l’exception de quelques cas spécifiques.
I35. Toxicomanes à la cour du
bâtiment de China Town (vue 1)
C17.
Répartition des activités
liées aux drogues
rues espaces publics
74 | 75 Ici, nous allons présenter à quel niveau les activités qui se lient aux drogues s’inscrivent dans l’espace public ainsi qu’à quel niveau elles conduisent au renforcement de la notion que nous avons définit comme la territo-
rialité du délaissement et de la dégradation. Pour qu’on puisse réussir à analyser ces problématiques on va
présenter deux parcours que nous avons effectué dans le quartier. Le premier a eu lieu pendant l’après-midi et le deuxième pendant les heures nocturnes. Chacun de ces parcours va expliquer des différentes extensions d’ap-
propriation issues des activités liées aux drogues. Les deux parcours, qui ont eu lieu pendant la même journée,
commencent par la rue de Agisilaou au niveau du bâtiment de China Town et ils terminent au croisement de la rue Iassonos avec la rue de Keramikou.
Notre premier parcours a commencé dans la cour du bâtiment de China Town pendant les premières heures de l’après-midi. Là nous avons observé, et plus spécifiquement dans la galerie qui relie la grande cour du bâtiment avec la petite, deux toxicomanes qui prenaient leur dose d’héroïne. Leur position dans l’espace sombre de la
galerie, à l’intérieur de l’ilot, d’une part, les protégeaient des regards du public qui circulait dans la rue voisine et commerciale de Pireos mais d’autre part elle n’empêchait pas de les rendre visibles puisque les cours de
l’ilot sont accessibles, et sont traversées par un certains public. L’image que nous avons reçu était dure car un
homme qui était agenouillé aidait l’autre qui était assit par terre en lui tenant le bras pour s’injecter sa dose. En sortant à la rue de Agisilaou où se situent les commerces chinois nous avons avancé vers le nord du quartier.
Ensuite, nous avons pris la rue de Milerou qui nous a amené à la rue de Keramikou où nous avons commencé
à longer vers l’est. Juste avant le carrefour avec la rue de Iasonos nous avons vu un bâtiment néoclassique abandonné sur les marches d’entrée duquel la même activité qu’avant avait lieu. Un groupe de jeunes, derrière
une voiture garée, occupait l’entrée et le trottoir étroit devant le bâtiment. Les deux étaient en train de chauffer l’héroïne dans des cuillers et les autres deux assis à coté discutaient entre eux. L’image, encore une fois,
I35
Ia
so
no
s V.3
V.2
u
iko
m
ra Ke
V.1
u
ro
yle
M
D4. AxonomĂŠtrie du parcours et points de vue
76 | 77 était dure et nous avons observé le mécontentement et le désespoir des passants qui changeaient des trottoirs afin de pouvoir continuer leur chemin. De plus, nous
avons compris que le bâtiment devant lequel l’activité se déroulait, même s’il était abandonné et abimé avait les fenêtres de l’étage ouvertes, il y avait des rideaux et la porte d’entrée n’était pas bloquée. Au contraire il donnait l’impression d’être habité. Par conséquent, nous avons constaté qu’il était squatté vu les différents signes ainsi que la présence quotidienne des gens devant la porte d’entrée.
Depuis le carrefour de la rue de Iasonos avec la rue de Keramikou nous avons fi-
nalement observé la même situation mais encore plus visible. Cette fois ci, un grand groupe de gens était assit sur les bords des parterres de la rue piétonne et sur le
pavé de Iasonons devant ou à proximité des maisons closes. En même temps des
gens marchaient sur la rue et croisaient le groupe qui s’injectait des drogues et qui était à moitié allongé par terre. L’extériorisation de l’activité à ce niveau de notre par-
cours était grande et très visible. Nous avons, constaté, par conséquent, qu’il y a trois
échelles d’appropriation de l’espace public qui dépendent du degré de visibilité de l’activité ainsi que du contexte programmatique de chaque espace.
Pus spécifiquement, le bâtiment de China Town possède un contexte programma-
tique commerciale et la circulation des gens est forte dans son périmètre. Malgré tout, I36. rue
la galerie de la cour du bâtiment génère un espace sombre, discret et presque pas Toxicomanes de
Iassonos
à (vue
la 3)
I37. Batiment squaté à proximité sur la rue de Keramikou (vue 2)
fréquenté qui peut permettre l’utilisation des drogues. Les toxicomanes approprient le cœur de l’ilot pour une durée courte en restant découpés de la circulation commer-
ciale. De plus, ils ne sont visibles que par les commerçants et par un petit nombre de gens qui traversent l’ilot. Le cas du bâtiment de la rue Keramikou est assez diffèrent. I36
I37
L’appropriation de l’espace public, même en étant plus visible car la rue est très fréquentée, a lieu
dans une interface entre l’obstacle visuelle de la voiture et le bâtiment squatté qui peut servir, à son tour, et dans le cas où il y a problème, comme un espace d’accueil. Le troisième espace de la rue Iasonos, comme nous avons déjà expliqué, génère une zone d’activités qui sont exclusive-
ment liées à la prostitution. Dans ce cas, l’utilisation de drogues au milieu de la rue, même en étant très visible, s’intègre dans l’espace tampon, “l’hétérotopie”, créé par la prostitution.
Ces trois échelles d’appropriation qui découlent de l’exposition visuelle et de la qualité spatiale et programmatique font émerger une territorialité spatiale qui est plus ou moins visible. Cette territorialité s’inscrit, naturellement, dans les espaces délaissés du quartier et dans des zones qui possè-
dent déjà le statut de l’illégalité. Malgré tout, l’appropriation qui se met en place par les drogues, peut importe l’échelle d’exposition, fait émerger un résultat, une typologie de plus d’appropriation, qui représente l’échelle de la dégradation.
Nous avons détecté cette forme d’appropriation en réalisant le même parcours pendant la nuit.
Il s’agit, plutôt, d’un résultat de l’usage des drogues qui a un impact dans l’ensemble de l’est du
quartier. En réalisant le deuxième parcours le même jour nous n’avons plus remarqué la présence de toxicomanes. Nous avons repéré par contre l’impact immédiat de l’activité. En marchant sur
la rue de Keramikou et de Iasonos nous avons trouvé jetées par terre à différents endroits de ces deux rues des aiguilles qui ont été utilisée pour l’injection de l’héroïne. Cette image, au cours d’au-
tres visites nocturnes, se reproduisait à des différents endroits de l’est du quartier. Elle marquait un autre type de territorialité qui contribue à la dégradation et qui a un grand impact sur les gens qui circulent dans les différents espaces du quartier.
Enfin, nous constatons que le délaissement qui se projette dans l’ensemble de Metaxourgio à travers le mauvais état des bâtiments, la présence de friches et la mise en place des barrières conduit à l’émergence d’un pole d’activités illégales à l’est du quartier. Ce pole à son tour implan-
te sa propre territorialité à travers des signes, des objets et des activités. Une territorialité, bien délimité spatialement, qui crée une hétérotopie spatiale qui à son tour témoigne de l’ensemble de
la dégradation du quartier. Les maisons closes, les drogues, les bâtiments squattés dominent l’est
de Metaxourgio et rendent leurs activités lisibles dans un double sens. D’une part, les différentes activités s’extériorisent visuellement, et d’une autre, les mêmes activités génèrent une problématique d’hygiène qui peut être ressentie au milieu de l’espace public.
La formalisation, enfin, de la dégradation pose beaucoup de questions. Ici nous avons essayé
de déchiffrer principalement les différentes pratiques d’appropriation et de marquage territorial, leur répartition spatiale et leur impact sur l’espace ressenti. Nous comprenons, aussi, qu’il existe des responsabilités envers l’état actuel du quartier et à notre avis ce dont on témoigne aujourd’hui n’est qu’un résultat. Un résultat qui a été produit par une politique urbaine médiocre et, avant tout, par l’absence d’une politique sociale qui lutterait contre le trafficking et le commerce de drogues en protégeant les groupes sociaux les plus fragiles.
78 | 79
2.2 La Chinatown Athénienne
Avec le titre de ce chapitre nous ne voulons pas faire référence à la création ou la mise en place d’un quart-
ier ethnique mais au contraire nous voulons faire référence au vocabulaire qui est employé de la part de la
population chinoise et de la société Athénienne, en général, pour décrire l’agglomération chinoise du quartier de Me- taxourgio. Dans cette partie, nous voulons étudier les différentes expressions de territorialité de la part de la communauté chinoise, les répertorier et les illustrer.
Depuis les premières visites au quartier nous avons observé au milieu de l’espace public un grand nombre d’ac-
tivités, de présence et de mouvement qui se développait au sein de la population chinoise et qui avait un rapport
avec le commerce de gros. Nous avons repéré ces activités, d’abord au trottoir et à son extension formée par
galléries des immeubles et ensuite sur la rue. Nous avons observé, aussi, plusieurs signes sur les façades, des
objets et des affiches qui étaient toujours visibles depuis la rue et qui marquaient une identité chinoise, soit par l’utilisation des idéogrammes ou d’autres représentations qui font référence à la culture chinoise.
Nous pourrions dire, à travers un premier regard, qu’il parait essentiel pour cette communauté de pouvoir s’iden-
tifier dans l’espace du quartier et aussi d’être identifiable par un plus grand public. Notre étude de terrain nous a conduit plus loin. Elle nous a permit de repérer plusieurs types d’appropriation et de marquage territorial, que nous allons analyser. Dans un premier temps elle nous a mené au constat qu’il existe deux catégories
d’appropriation spatiale mises en place par la communauté chinoise. D’une part nous observons un marquage
médiatique et volontaire qui s’exprime dans les cadres du commerce, et d’une autre part, une appropriation involontaire qui se génère par les pratiques quotidiennes. C18. Répartition du commerce chinois
commerces de gros commerces éthniques commerces éxotiques
2.2.1 Le marquage des façades et la mise en place d’une appropriation volontaire
Lorsque nous avons commencé les premières études de terrain, nous avons repéré depuis les premières balades sur la rue de Agisilaou et Keramikou un grand nom-
99. Anne Raulin, L’Ethnique est quotidien. Diasporas, marchés
bre de signes des commerces chinois qui employaient des motifs asiatiques, des
et cultures métropolitaines, Par-
c’est le reconnaitre et se l’approprier. L’auteur remarque “qu’un mot défini aussi une
100. Guillon Michèle, Taboa-
idéogrammes ainsi que des lanternes rouges. Selon Anne Raulin nommer un lieu fonction et une réalité sociale” et que “nommer le commerce c’est lui donner une iden-
tité à des fins particulières, publicitaires, c’est-à-dire en fonction d’un public, d’une clientèle ou de clientèles potentielles”.(99)
is, L’Harmattan, 2000
da-Leonetti Isabelle, Le triangle de Choisy. Un quartier chinois à Paris, Paris, ClEMl/L’Harmattan. 1986
Cette observation nous permet de constater que chaque signe présenté à la façade
d’un commerce sert à annoncer le produit qui est vendu, sa provenance et le public
au quel il s’adresse. Il s’agit d’une approche médiatique qui cherche à attirer une clientèle à travers une mise en scène de signes et d’objets qui sont organisés d’une façon attentive et qui se projettent au milieu de l’espace public. En étant quelqu’un
qui passe par le quartier on peut les détecter et juger s’ils s’adressent à nos besoins commerciales.
Pour pouvoir répertorier les différents signes qui sont présents et le public auquel ils s’adressent, l’étude de Guillon Michèle et Taboada-Leonetti Isabelle sur le triangle de Choisy nous est très utile. Selon les auteurs il y a trois types des commerces
chinois. Les premiers sont les commerces “ethniques” qui s’adressent exclusive-
ment à la communauté chinoise, les deuxièmes sont les commerces “exotiques” qui s’adressent à un plus grand public et les derniers sont les commerces “français” qui s’adressent à l’ensemble de la population du quartier. (100)
I38
I 38,39.
Enseignes et objets des commerces de gros chinois
I39
80 | 81
Dans les cas de Metaxourgio, nous observons que les commerces de gros chinois qui
ciblent une clientèle grecque, ainsi qu’une clientèle interethnique, utilisent des signes bilingues. La langue qui est toujours mise en premier est le chinois qui marque le nom de l’entreprise et ce qui suit est une traduction en anglais. Plusieurs fois nous remar101. Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014
quons que l’adresse de l’entreprise est écrite sur partie basse des panneaux en grec
et des fois le type de commerce qui a lieu (du commerce de gros ou du commerce de gros et de détail) ou même du style des vêtements (mode française, mode italienne). Des lanternes chinoises qui s’accrochent souvent aux façades renforcent l’identité eth-
nique des entreprises. De plus, une autre pratique de marquage que nous observons
se met en place par les commerçants de gros qui se spécialisent sur les vêtements.
Plus particulièrement, ils posent aux pieds de leurs façades et entre le plan des poteaux des galléries des mannequins comme un outil de communication de leur marchandise.
Selon les trois catégories de Guillon et de Taboada-Leonetti, ces commerces de gros ne peuvent pas s’inclure dans une des trois catégories. Il ne s’agit ni de commerces “exotiques” parce que le commerce de gros ne coïncide pas avec les activités des
ces commerces, ni des commerces “grecs” puisque leur appartenance ethnique se témoigne.
Dans le quartier nous repérons aussi une signalétique “ethnique”. Dans le cas du
bâtiment de la rue de Agisilaou, des idéogrammes décoratifs sont mis en place de façon visible tout au long de la rue perpendiculaire de Marathonos. Ces idéo-
grammes attestent clairement le nom du bâtiment: quartier chinois. Au dessous de
ces idéogrammes nous voyons aussi la traduction en anglais. Cette dénomination
I 40,41,42. Enseignes des commerces de gros
chinois
et
mannequins
devant les façades
I40
vise à attirer une clientèle principalement chinoise puisque le bâtiment abrite des ser-
vices et des commerces communautaires. (101) D’autres commerces et surtout des épiceries et des restaurants correspondent à la même catégorie. Les signes sur les
I41
I42
façades sont en chinois et nous ne pouvons pas retrouver une traduction en anglais
ou en grec. Les produits que vendent ces derniers sont principalement des produits chinois et leurs propriétaires ne parlent pas forcement le grec.
Un cas intéressant est celui d’un restaurant chinois au 32 de la rue Keramikou, qui entre 2011 et 2014 à remplacé son enseigne écrite en chinois par une enseigne qui
est aussi traduite en anglais. De plus, il a affiché des photos de plats chinois sur la
vitrine ce qui témoigne de l’intérêt du propriétaire à attirer un public plus large. Cet exemple nous montre la catégorie différente des commerces que nous retrouvons
dans le quartier, celle des commerces “exotiques”. Nous ne retrouvons pas cette catégorie que dans le cas des restaurants du quartier mais aussi dans le cas des quelques épiceries.
Les commerces “exotiques”, selon Guillon et de Taboada-Leonetti, “cherchent le dépaysement ou le contact avec une civilisation différente”. Dans le cas de Metaxourgio, nous observons d’une part des dragons à droite et a gauche de l’entrée du restaurant du 24 rue de Leonidou, d’une autre part nous observons un mélange
d’idéogrammes chinois et d’éléments architecturaux gréco-antiques qui configurent l’entrée du restaurant au 27 de la même rue.
I 43,44.
Le bâtiment de China Town à la rue de Agisilaou marquage
Nous constatons finalement que tous les commerces chinois mettent en place un
ensemble de pratiques publicitaires, en extériorisant avant tout leur ethnicité, afin de créer une forte image d’appel. L’objectif de ces pratiques est, avant tout, l’attraction d’une clientèle qui peut changer en fonction de l’offre et de la demande. I43
I44
I45
I46
éthnique
I 45,46.
Restaurants chinois à la rue de Leonidou
82 | 83
2.2.2 Les pratiques quotidiennes et l’appropriation de la rue
Cette deuxième typologie d’appropriation ne concerne pas des pratiques volontaires qui se lient avec la publicité mais au contraire, des pratiques involontaires d’appropriation spatiale qui reflètent l’expres-
sion de la vie quotidienne. Par conséquence, elles ne visent ni au profit économique ni à la projection d’une signalétique ethnique, mais plutôt à la satisfaction de besoins qui sont liés au commerce et à la vie sociale.
Cet ensemble de pratiques ne s’arrete pas dans tous les cas de mettre en place un mouvement, et une
occupation spatiale qui est fortement liée avec la communauté. La compréhension du spectre de ces
activités nous conduit à les diviser en deux catégories programmatiques et en deux échelles spatiales: celle de la rue et celle du trottoir.
La première catégorie d’activités découle de l’activité commerciale. En prenant comme référence la rue de Agisilaou et en se concentrant ensuite sur le bâtiment de Chinatown nous observons un ensemble
d’activités qui sont liées à la livraison de marchandise chinoise et au décor des commerces de gros
qui dépasse les limites du commerce et sort occuper une partie du trottoir. Pour que nous puissions
comprendre le rapport entre la livraison et l’appropriation de l’espace public, nous allons présenter un timeline spatial de l’activité.
Un après-midi, pendant l’étude du site, nous repérons une camionnette qui est conduite par des chinois et qui se gare à la rue de Agisilaou, à proximité des commerces de gros. La circulation de la rue est à
moitié coupée parce que le stationnement de la camionnette empêche le passage des voitures. Des
employés des commerces attendent déjà avec leurs chariots au bord du trottoir. Dès que les portes du véhicule s’ouvrent les employés commencent à le décharger. Une chaine humaine se crée afin de
décharger les boites en cartons et les déposer sur les chariots. Chaque fois qu’un chariot est rempli,
un autre prend sa place. Cette organisation du déchargement n’empêche pas que des fois il y ait des cartons qui s’accumulent sur la rue, ce qui provoque des retards et l’insatisfaction, même les coups de Klaxons des conducteurs qui sont bloqués derrière la camionnette. Malgré tout, les employés transpor-
tent progressivement les cartons vers les commerces et les posent sur le trottoir des galeries devant les entrées ou bien en bordure de rue. Enfin, les cartons sont ouverts sur le trottoir pour inspecter la marchandise et ensuite ils sont transportés un par un à l’intérieur du commerce pour les stocker.
Le processus de la livraison décrite est d’une activité qui se répète plusieurs fois par semaine à des endroits qui peuvent varier mais d’habitude nous la détectons tout au long de la rue de Agisilaou. Nous
observons, aussi, que chaque livraison crée un mouvement à l’échelle du quartier en raison des grandes distances qui peuvent exister entre l’endroit de stationnement de la camionnette et l’implantation du commerce. Cela veut dire que lorsque nous nous retrouvons dans le quartier nous pouvons voir des jeunes chinois avec leurs chariots faisant des zigzag entre les voitures afin de pouvoir arriver au commerce où ils travaillent.
I47.
Processus de livraison
I47.
Déchargement des containers à la rue de Pireos
I48.
I48.
Chargement des camionnettes de livraison
I49.
Déchargement des camionnettes à proximité du commerce
I51. I50.
Ouverture des cartons sur le trottoir
I49.
I50.
I51.
Stockage temporel des cartons entre le plan des poteaux des galeries
84 | 85 La deuxième catégorie des pratiques d’appropriation involontaire est liée avec la vie
quotidienne de la communauté chinoise. Il s’agit d’un ensemble de pratiques qui se déroulent principalement dans les espaces publics et surtout à l’échelle du trottoir et qui servent à mieux définir cette territorialité chinoise. Nous observons que cette ty-
pologie se compose de trois activités principales. La première est liée aux publicités qui s’adressent au public chinois, la deuxième avec la vie sociale de la communauté et la troisième avec la vie commerciale informelle.
Encore une fois nous allons présenter un parcours au niveau de l’ilot de Chinatown qui commence sur la rue de Pireos et, à travers la cour du bâtiment, continue jusqu’à rue de Agisilaou. Nous focalisons sur cet espace du quartier puisque nous y détec-
tons l’ensemble des activités qui nous intéressent. Notre parcours chaque fois va décrire en détail les différents éléments physiques que nous croisons.
Nous avons commencé à nous balader au carrefour de la rue Pireos et Mylerou.
En marchant sous les galeries de la première rue nous avons remarqué trois plans
primordiales d’appropriation du trottoir, entre les poteaux qui portent et délimitent la galerie, et les façades commerciales. Nous avons détecté le premier plan dans les espaces entre les poteaux. Des scooters étaient garées, l’une à côté de l’autre, en
formant une rangé continue le long de la galerie interrompue parfois par des chariots qui servent au déplacement de marchandises ainsi que des boites en carton.
D’une part, nous avons considéré qu’il s’agissait d’un espace de stationnement et de stockage pour les commerces et les travailleurs mais d’une autre part nous avons re-
marqué l’émergence d’un espace social. Plus spécifiquement, les jeunes travailleurs chinois des différents commerces qui effectuaient leur pause sortaient au trottoir, se rassemblaient pour discuter et utilisaient les scooters comme des bancs.
I52.
Les trois plans d’appro-
priation du trottoir, galerie du bâtiment de China Town, rue de Pireos (vue 1)
Le deuxième plan que nous avons retrouvé était celui du trottoir entre les façades et les poteaux de la galerie. Dans cet espace il n’y avait pas d’activités qui se dévelop-
pait puisqu’il sert comme un espace de circulation pour les piétons à l’exception de deux cas. Le cas des tables et des chaises d’une cafétéria qui occupaient une grand
portion du trottoir et le cas d’un commerce de gros chinois en dehors duquel les tra-
vailleurs avaient placé des chaises au milieu du trottoir et où ils effectuaient leur pose. Le troisième plan est celui de la bordure des façades commerciales. Il ne s’agit pas
d’un espace physiquement délimité par la structure du bâtiment puisque il fait partie du trottoir. Les éléments qui le délimitent au contraire varient et sont mis en place par les gens qui travaillent aux commerces. Les deux objets que nous avons observé
sont des boites et carton vides ou remplies et les chaises juxtaposées à l’entrée de
chaque commerce. Les boites ne sont pas des éléments fixes puisque elles font partie du processus de livraison que nous avons déjà vu. Les chaises au contraire, restent
pendant toutes les heures d’ouverture des commerces et elles sont utilisées par le
personnel. Nous avons observé, dans plusieurs cas, des chinois avec leurs portables qui s’assoient pour un petit moment avant de reprendre le travail.
En traversant la cour du bâtiment où nous avons vu un homme qui peint des étagères métalliques on est arrive à la rue Agisilaou. La première chose qu’on a observé c’était les affiches et les pochoirs qui couvrent les poteaux de cette
gallérie du bâtiment. Il s’agit de publicités qui proposent de multiples services à la population chinoise, comme des jeux de casino, des salons de coiffure, des agences de transfert d’argent, des fêtes pour diverses célébrations, des restau-
rants et des petites annonces de location. Nous avons repéré plusieurs qui parfois se superposent et créent un collage de couleurs sur les poteaux de la galerie.
I53. Exposition du marchandise
et répos des travailleurs, galerie du bâtiment de China Town, rue de Pireos (vue 1)
I54.
Peinture des étagères,
cour du bâtiment de China Town (vue 2)
I55.
Annonces en chinois sur
les poteaux du bâtiment de China Town (vue 3)
I53.
86 | 87
Pireos
Agisilaou
V.1
V.3 V.2
D5. Axonométrie du parcours, îlot chinois et points de vue
I54.
I55.
Un peu plus loin, dans les galeries, entre l’accès du parking souterrain du bâtiment de Chinatown et le croisement de la rue de Agisilaou avec la rue de Mylerou une activité d’appropriation dif-
férente avait lieu. Même si nous avions observé la présence de trois plans d’occupation spatiale aux galeries de la rue de Pireos, ici la situation était plus complexe. Un marché informel occupait l’ensemble du trottoir et juste un petit passage restait dégagé pour la circulation des piétons. Les
marches au bord des façades commerciales et les espaces entre les poteaux étaient occupés
par les commerçants chinois qui vendaient des légumes et des fruits. Des présentoirs improvisés,
construits grâce à un assemblage de boîtes en carton et de caissons se déployaient le long de la galerie.
A part cela, des chinois, des individus ou des familles, s’arrêtaient pour faire leurs courses et d’autres se rassemblaient devant les deux épiceries pour discuter, fumer et manger du mais
qu’une vielle femme chinoise grillait au bout de la galerie. Le personnel des commerces de gros était debout ou assis à côté des entrées et discutaient avec les gens qui passaient par marché.
A l’extérieur de la galerie, à côté de l’arrêt de bus, un certain nombre d’hommes chinois étaient concentrés autour d’une table et ils jouaient du bonneteau.
Il s’agit d’un marché qui s’adresse exclusivement au public chinois et qui s’organise deux fois par semaine. Les produits qui sont vendus viennent des parcelles agricoles qui sont situés à
Marathonas, à l’extérieur de la ville d’Athènes, et qui sont louées et cultivées par des chinois. Le marché en lui même constitue un événement social pour la communauté chinoise du quartier. Il
s’agit d’un espace de sociabilité et d’échanges qui modifie complètement l’ambiance à ce niveau de la rue de Agisilaou.
Nous constatons, enfin, que cette dernière catégorie n’as pas une relation directe avec l’appro-
priation organisée et médiatisée qui se met en place par les commerces chinois. Il s’agit plutôt, d’un ensemble de pratiques quotidiennes et involontaires qui servent les besoins de sociabilité, de repos et d’échanges intérieurs de la communauté chinoise. Même si nous les retrouvons principalement autour du bâtiment de China Town, elles se mettent en place dans l’ensemble des rues
où les commerces chinois sont implantés. Par conséquent, une zone d’activités liée à la population chinoise émerge au long de la rue de Pireos, Agisilaou et Kolokinthous. I56
I57
I58
88 | 89
2.3 La territorialité élaborée de Oliaros 2.3.1 Vers une territorialité “participative”
102. Athensville, Trois parcelles qui sont plus verts, 9 Octobre 2010, disponible sur http://athensville.blogspot.fr/2010/10/m. html?utm_source=fe... 103. Entretien: Alexia, employée à Oliaros, 15 février 2014
Depuis 2010, la plateforme citoyenne d’Oliaros “KM voisinage - modèle” passe à l’action. Les nouveaux habitants, plus “alternatifs”, du quartier, la société dite souvent “dynamique” par la presse, à l’aide d’autres associations de la ville, des sponsors et
des autorités prennent leurs pelles et commencent à aménager, à rendre visible un certain nombre de friches. La première action a lieu en Octobre de 2010.
Avec la présence des trois maires candidats, un grand public sous la direction de
jardiniers et d’architectes ont commencé la mise en place de trois jardins éphémères. (102) Parmi les trois friches qui ont été choisies, deux étaient abandonnées et la
troisième a été cédée, dans le cadre de l’événement, aux organisateurs par le propriétaire. L’objectif de l’association était dans ce cas là, de “rende visible les es-
paces vides du quartier et de montrer le besoin de leur maintenance soit par les
I 56,57,58.
Marché de la rue de Agisilaou, lieu de commerce et de sociabilité (vue 3) Participation au projet de trois éphémères,
source:
http://athensville.blogspot. fr/2010/10/m.html#coment-form
I61.
Enfants qui jouent dans
le friche transformé en jardin de
première manifestation à venir dans l’espace public par “KM voisinage modèle”.
Trois actions de plus, au fil du temps, ont été organisées par l’association. Chacune
I 59,60. jardins
propriétaires soit par les autorités de la ville”. (103) Cette action citoyenne était la
jeux,
source:
http://km-
protypigeitonia.org/?p=activities&id=kmprosorinospaidikoskipos
I59
était plus médiatisée que la précédente par la free presse athénienne, les sites
internet et les réseaux sociaux. Chacune était de plus en plus soutenue par les autorités de la ville à travers l’aide technique et la présence physique.
La deuxième action de l’association est arrivée un mois plus tard, en novembre 2010. Cette fois-ci il s’agissait de l’aménagement d’un jardin de jeux éphémère pour les enfants du quartier. L’espace qui a été choisi était une grande friche qui ap-
partient à l’organisme de bâtiments scolaires (O.Σ.Κ.).L’action a été financée par la I60 I61
compagnie cosmétique KIEHL’S, qui venait d’entrer au marché grec, et qui a in-
clus l’action dans son programme environnemental. De plus, un grand nombre de célébrités ont participé, parmi eux des artistes et des acteurs, surtout pour soutenir
et promouvoir l’action de la compagnie. (104) L’agence d’architecture VOIS, qui a été responsable de la réalisation du projet, a dessiné un espace végétalisé, avec des surfaces de jeux de différentes natures afin de répondre à la demande de l’association.
104. A.V. Team, Notre ville est plus belle grace à KIEHLS, 16 décembre 2010, disponible sur http://www.athensvoice.gr/article/market/av/... 105.
ΚΜ
Jardin
d’enfants
ephemere, disponible sur http:// kmprotypigeitonia.org/?p=ac-
La demande décrivait un espace qui offrirait suffisamment de motifs aux enfants pour le développement d’activités créatives. L’association, à travers ce projet, visait
tivities&id=kmprosorinospaidikoskipos
à défendre, à son tour, “le besoin d’espace public de qualité dans le voisinage et la création de conditions nécessaires qui permettront aux familles de rester ou de venir élever leurs enfants au centre ville d’Athènes”. (105)
La troisième action avait un impact spatial et temporel plus grand que les deux ac-
tions précédentes car elle n’avait pas un caractère éphémère et son résultat spatial est toujours présent et utilisé. Elle a eu lieu deux ans plus tard, en mai 2012.
Le site de l’intervention était une friche qui avait un intérêt archéologique. Cet intérêt s’explique par la découverte de ruines antiques. L’importance de cette découverte
est remarquable parce que pour la première fois elle permettait de localiser la place de l’ancien cimetière, qui a le nom Dimosio Sima (Δημόσιο Σήμα), où des hommes politiques et d’autres grandes personnalités du Xe A.C ont été enterrés. C’était la raison pour laquelle le service archéologique avait exproprié plus de la moitié d’un îlot même si l’excavation initiale qui a été effectuée occupait uniquement un quart de cet
espace. Les autres trois quart de la parcelle ont été occupés par des bâtiments du début du 19ème, qui ont été abandonnés et endommagés gravement par un incendie.
Le manque de ressources financières, par contre, ne permettait pas et continue à ne I62
I 62,63.
Projet de Dimosio Sima et mise en œuvre, source: http://kmprotypigeitonia.org/?p=activities&id=dimosiosimaenonei
I63
90 | 91 106.
Entretien:
Alexia,
em-
ployée à Oliaros, 15 février 2014 107. Dimosio Sima ΙΙ, disponible sur
http://kmprotypigeitonia.
org/?p=activities&id=demosiosemaII
pas permettre l’extension des excavations à l’ensemble du site, ce qui explique son état de délaissement.
L’association, après une longue recherche de financement et de soutient politique, a décidé d’effectuer un projet d’aménagement de l’espace désaffecté. L’objectif, selon
l’association, était de démolir les bâtiments déjà expropriés, de trier les matériaux qui pourraient être outils pour l’aménagement et de créer un espace public jusqu’à ce que le service archéologique soit en mesure de continuer l’excavation.(106) Finalement avec la participation technique et financière de la municipalité d’Athènes et du
ministère de culture et avec un projet paysager réalisé par l’agence d’architecture de
doxiadis+ l’aménagement s’est fait. Des habitants et des propriétaires de commerces voisins ont aussi contribué à la création de ce nouvel espace public de 600m2. (107)
La dernière action a été effectuée fin janvier 2014 et elle aussi a un caractère permanent. Elle a eu lieu devant un bâtiment désaffecté de la rue piétonne de Iasonos, I64.
Panneaux placés sur les
I65.
Action à la rue Iassonos,
bâtiments classés de Oliaros
source: https://www.facebook. com/media/set/?set=ms.c.eJxFzdkRxDAMAtCOdgS6~_29sbStOPt8AUiiBcFVrpskvjq3H9tgp8Dapa4tiSPJ6~_ vr2a~%3Bo3D2xr97WffWBcyJ3T9Jh0Xa6SHAd19R3y5JVY~%3B~_Cc~_8rc9zOrX~_8cXy5rb~_bxB4tKMAk~-.bp
dont le propriétaire est Oliaros. L’objectif de cette initiative était la mise en valeur de la rue à travers la rénovation de ses équipements et la mise en évidence de la qualité architecturale d’un certain nombre de ses bâtiments.
Les différentes interventions qui ont été réalisées étaient d’une part le remplacement des anciennes ampoules de la rue par des ampoules LED à basse consommation,
la réhabilitation des parterres et le remplacement des pavés détruits de la rue par des nouveaux. D’une autre part des tableaux décrivant les qualités architecturales
des quelques bâtiments de la rue ont été accrochées sur leurs façades. Il faut noter que les bâtiments choisis faisaient partie de la propriété immobilière de l’entreprise.
I64
I65
Ce dernier projet avait encore une fois le soutien technique de la municipalité et la présence du maire, mais aussi le soutien financier d’un nouvel sponsor: la compagnie Papastratos, une affiliée de Philip Morris. A part cela, des groupes de ci-
toyens de la ville ont participé et des restaurants ont fournit de la nourriture pour
l’organisation d’une fête en fin de journée, accompagnée par des groupes de musique. Toutes ces actions mettent en place une forme de territorialité même si elles n’avaient pas toutes un caractère physique pérenne. L’association “KM voisinage modèle”, d’une certaine façon, développe des mécanismes d’appropriation spatiale, à travers ses activités au milieu de l’espace public du quartier, d’une nature symbolique et aussi politique qui se manifestent dans l’espace public. On peut considérer comme
appropriation symbolique tous les éléments physiques qui sont implantés au cours des différents projets développés. Les tableaux posés sur les façades des bâti-
ments délaissés ou même l’ensemble du projet de Dimosio Sima font partie des ces éléments. Il est fondamental aussi de remarquer l’aspect symbolique des projets à dimension événementielle. Chaque projet forme un chantier au milieu de l’espace public. Il crée un rassemblement de plusieurs acteurs qui en une journée, transfor-
ment cet espace. En lui même l’événement est une forme de manifestation, il devient visible aux yeux de la société du quartier et il délimite son espace.
Cette délimitation spatiale d’un événement produit aussi une forme d’appropriation C19.
Répartition des actions
de “KM voisinage-modèle”
LED Iassonos, Keramikou Dimosio Sima
Trois jardins éphémères Jardin de jeux éphémère
92 | 93 108. Raulin Anne, (2001), Anthropologie Colin, Paris
Urbaine,
Armand
politique. Nous l’appelons politique parce que l’association revendique, réclame, d’une certaine façon, un espace. Cette revendication ne recherche pas une pos-
sibilité d’accès à cette propriété mais plutôt effectue une pression politique sur la
qualité programmatique et physique de cet espace. Dimosio Sima, dans ce sens là, passe d’être un espace délaissé à devenir un espace public. La rue de Iasonos qui
est dominée par la prostitution et les drogues devient pour un jour une rue bohème
et alternative. La revendication de Iasonos s’accentue avec la mise en place d’une
nouvelle illumination publique qui la rend plus claire et qui pourrait potentiellement réduire les activités illégales pendant la nuit. Finalement, nous constatons que chaque projet devient non seulement une sorte de plainte face l’état actuel du quartier, mais devient aussi une proposition pour son futur.
En étudiant cette association ainsi que son public (les bénévoles-habitants du
quartier et les associations des citoyens de la ville), nous constatons qu’il s’agit d’un public social qui vient d’une classe économique moyenne-haute, et qui ne représente
pas forcement l’ensemble des désirs et des priorités des différents habitants du quartier. Il s’agit, à priori, d’habitants à hauts revenus qui ont choisit pendant ces dernières années de s’installer au centre ville ou même de propriétaires de commerces (bars et restaurants) et d’espaces culturels (théâtres et galeries).
Nous pourrions, même, employer le terme de “nouvelle bourgeoisie” pour décrire ce
public. Une classe qui, d’après Anne Raulin, met en place sa territorialité à travers un regroupement spatial volontaire, qui n’a aucune contrainte économique et qui forme
une agrégation spatiale. Il s’agit, avant tout, d’une classe qui “possède la capacité
de fabriquer et de transmettre du ‘’patrimoine urbain’’, sous la forme non seulement de valeur immobilière mais aussi de style architectural, de conception de l’espace habité, privé et public, de mode de vie”. (108)
En lisant la charte de l’association “KM voisinage modèle” et en étudiant leurs dif-
férents projets nous retrouvons toutes les caractéristiques que A. Raulin décrit. Nous retrouvons aussi l’intérêt qu’elle développe sur le patrimoine existant du quartier et l’effort qu’elle dépense pour sa mise en valeur. Il s’agit, avant tout, d’un outil qui
va servir à l’émergence d’une nouvelle urbanité, plus contemporaine et avec une esthétique propre. Finalement, nous observons que l’installation de la nouvelle bourgeoisie de Metaxourgio n’est pas un phénomène généralisé mais plutôt elle se
compose par un noyau central de propriétaires de différentes entreprises et par quelques habitants qui cherchent à développer leurs pratiques participatives à travers l’association. Un nombre d’autres plateformes citoyennes d’Athènes qui pos-
sédent des caractéristiques de la nouvelle bourgeoisie participent aussi aux activités de KM voisinage-modèle en attirant, toujours, un plus large public de la ville.
2.3.2 L’art comme outil d’appropriation spatiale
Comme nous avons vu, l’association KM voisinage-modèle constitue la plateforme citoyenne de l’entreprise Oliaros. Néanmoins, une structure non-lucrative différente a
109. About ReMap, disponible sur http://remapkm.org/4/about/
été mise en place en parallèle. Il s’agit du festival d’art contemporain “ReMap” qui a ouvert ses portes pour la première fois en 2007. Trois festivals de plus l’ont succédé
en 2009, 2011 et en 2013. L’événement à une structure bisannuelle coïncidant avec la biennale d’art de la ville d’Athènes et son objectif initial est d’une part de créer une
plateforme artistique accessible et d’une autre part de rendre visible l’art au public Athénien.
Plus précisément, il vise à “rassembler des artistes, des programmateurs artistiques, des institutions et des galeries consolidés et émergents de différentes parties du
monde afin de créer une nouvelle dynamique artistique”. Cette dynamique, dans un deuxième temps, sera accessible au grand public de la ville à travers des expositions
“ouvertes et gratuites”. (109) L’espace urbain de Metaxourgio sert à la réalisation de
ce processus. Il devient l’espace qui accueille les différentes expositions, ainsi qu’un espace d’exposition. Comme nous l’explique le site web du festival de 2007:
C20.
Espaces d’exposition
du festival ReMap
Propriétés de Oliaros Autres propriétés
94 | 95
I66
I66.
Instalation dans une friche
de la rue de Iassonos, source: http://remapkm.blogspot. fr/2007/09/open-air-screeningroom.html
“ReMap est un expérience sur les cartes psycho-géographiques crée par des
espaces transitoires, un processus de forme indéterminée et mutable qui génère la cartographie incomplète, par couches superposés, du quartier de KM (Kera-
mikos-Metaxourgio). A travers des interventions d’art éphémères et des installations, l’intention est d’offrir différentes occasions afin de créer un lien entre le monde tangible des bâtiments, des rues et des paysages urbains (du quartier) et les pratiques artistiques contemporaines, les réseaux sociaux et les moyens de communication”(110)
L’outil qui sert à cette expérimentation est l’espace du quartier lui même. Les bâ-
timents-propriétés de l’entreprise Oliaros, les galeries et d’autres propriétés qui se retrouvent dans le quartier, ainsi que l’espace public servent comme des lieux d’ex-
position. Des artistes implantent leurs œuvres dans des bâtiments délaissés, des friches, des immeubles et des places parmi d’autres endroits. La plupart des fois, ils essayent de mettre en valeur le contexte social et urbain du quartier. Parfois, ils inter110. Olga Balaoura, Metaxourgio of Athens, towards a counter hegemonic use of space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
viennent à travers des installations artistiques ou des performances qui se projettent
dans l’espace public. Nous constatons, enfin, que la morphologie du quartier, se transforme, dans les cadres du festival, en une mise en scène qui, à son tour, inspire, guide et délimite les différentes installations artistiques.
Une installation artistique qui présenta un grand intérêt était celle de l’artiste Eleni Bagaki dans bâtiment néoclassique du 26 de la rue de Iasonos dans le cadre du festival de 2013. Comme nous avons déjà mentionné, la rue de Iasonos rassemble un
très grand nombre de maisons de prostitution, un élément parmi d’autres qui a prin-
111. Eleni Bagaki, My crap is BIGGER than yours!, ReMap4, 2013, disponible sur http://elenibagaki.tumblr.com/
cipalement inspiré l’installation de l’artiste. Elle explique plus spécifiquement sur son site internet que l’installation “My crap is BIGGER than yours!” s’agit:
“(...) d’un projet spécifiquement fait pour ce site et qui consiste en trois enseignes en néon, une jambe, une pierre et un cafard (…). J’ai utilisé une sélection d’images et
d’objets trouvés dans des sources variées -des livres de sexe, des encyclopédies sur
la vie sauvage, des guides, des marchés locaux et sur la rue- et je les ai transformé
en des enseignes en néon, qui sont inspirés par l’esthétique des restaurants fast-food.
Installés en dehors d’un bâtiment néoclassique de la rue Iasonos à Metaxourgio, ils se fusionnent avec les enseignes des supermarchés, des bordels et des cafétérias
du voisinage, en s’appropriant l’espace public et en composant des récits subjectifs et fragmentés.” (111)
L’artiste utilise le contexte proche de la dégradation ainsi que le contexte de la com-
mercialisation qui s’exprime à travers les bars et les restaurants pour le projeter au milieu de l’espace public. On observe aussi que l’installation artistique s’extériorise
dans la rue et l’illumine d’une façon très similaire à celle des lumières qui marquent les entrées des maisons de prostitution. Malgré tout, même s’il s’agit d’un type d’expres-
sion artistique subjective et abstraite, elle génère, avant tout, un marquage territorial
I67.
Instalation de Eleni Baga-
ki au bâtiment abandonné de la rue de Iassonos, source: http:// elenibagaki.tumblr.com/
I67
96 | 97 112. Entretien: Alexia, employée à Oliaros, 15 février 2014
qui sert comme point de repère pour le festival dans une rue assez problématique du quartier.
De plus, le public qui veut visiter le festival obtient une carte de Metaxourgio à tra-
vers le bureau d’information qui se retrouve dans la place centrale du quartier. Cette carte illustre le plan du quartier et localise les différents espaces d’exposition et
d’événements en présentant en même temps le programme détaillé du festival. Nous constatons, par conséquent, que cet ensemble de lieux réinvestis génère plusieurs parcours qui peuvent être effectués par le public afin de découvrir l’art. Le quartier,
dans ce sens, prend d’une part la forme d’une grande galerie urbaine, qui domine le paysage urbain proche pendant plusieurs semaines. D’une autre part il se transforme en œuvre d’art prête à être découverte par le public de la ville.
Alexia, employée à Oliaros nous explique que le festival pourrait être organisé dans
un autre endroit de la ville. Cependant, il s’agit aussi “d’une relation entre économie et ambiance” et puisque “l’art c’est de l’esthétique, du gout et de la perception, qui sont
des caractéristiques que nous retrouvons à Metaxourgio, y compris des espaces disponibles, ainsi que la volonté du monde de visiter et de connaitre le quartier, nous avons choisi de l’organiser ici”. (112) I68.
Carte qui a été distribué
en 2011 aux visiteurs, source: http://remapkm.com/3/wp-content/downloads/ReMap3Map_ ENG.pdf
I68
Nous constatons aussi que le festival devient un outil pour une lecture différente du
quartier. Il est très essentiel de remarquer ici deux éléments importants. Première-
ment, comme nous avons déjà expliqué, le quartier, à cause de son délaissement
et de l’accumulation d’activités illégales, a une mauvaise réputation selon l’opinion
publique athénienne. La présence de la communauté chinoise avait aussi rajouté un
caractère commerciale et multiculturel et le reste la ville avait commencé à parler d’un China Town.
113.
ART
BOOM,
ReMap
KM - La cartographie de la ville,
13
disponible
septembre sur
2007,
http://www.
lifo.gr/mag/features/215
Deuxièmement, les nouveaux programmes qui ont été implantés à Metaxourgio
avant 2007 et qui sont liés à la culture, surtout les théâtres et les galeries malgré leur présence active, ne parvenaient pas à changer le caractère du quartier. Si nous con-
sidérons, de plus, que la culture s’adresse surtout à des classes moyennes-hautes, Metaxourgio restait comme une zone tampon. ReMap, grâce à sa structure événe-
mentielle a remis en question le caractère du quartier. Il a attiré et familiarisé un grand public, surtout jeune, avec le quartier et le leur a présenté à nouveau à travers l’art. Il
a crée un nouveau pole d’intérêt dans la ville lié à la culture et l’art et il a contribué à la pérennisation des espaces d’art qui se situent dans le quartier.
Nous pourrions parler, finalement, d’un marquage territoriale, même s’il est événementiel, qui découle d’une mise en scène des activités artistiques ainsi que par la
génération d’un mouvement spatial effectué par les visiteurs du festival. Le quartier
reçoit un grand rassemblement de monde qui par conséquence offre de l’animation
qui “perturbe” l’évolution de la vie quotidienne. Il se transforme en un espace festif qui a été décrit par un journal athénien comme un “énorme Disneyland d’art”. (113) La mise en place du festival conduit, enfin, à l’activation d’autres programmes secon-
daires qui peuvent servir le public comme par exemple ceux liés à la restauration et l’amusement.
98 | 99
2.4 La territorialité du loisir
Dans cette partie de notre étude nous allons essayer de présenter la territorialité qui
s’exprime par les activités qui sont liées avec le loisir. Nous avons déjà vu que depuis 2004 il existe une tendance d’implantation de bars et restaurants dans le quartier qui
a été accélérée après la rénovation des places centrales du quartier et l’ouverture de la pinacothèque. La réserve de rez-de-chaussée vacants en combinaison avec
les faibles prix immobiliers a facilité cette implantation qui à conduit à l’ouverture d’environ 40 bars et restaurants. Tout commença avec l’ouverture de Bios en 2004,
un grand espace polyvalent de culture qui incorpore principalement des bars et des salles de concerts. Sa position au carrefour de l’avenue de Pireos et la rue de Salaminos a rapidement crée un noyau de loisir à l’ouest du quartier.
Nous observons, notamment, que le long d’une période de sept ans, de 2008
jusqu’en 2015, plus de trente nouveaux bars et restaurants s’implantent autour de deux places centrales et à l’ouest du quartier au niveau de la rue de Plateon. Cette
augmentation remarquable a aussi conduit à l’émergence d’une nouvelle ambiance dans le quartier. Principalement pendant les heures nocturnes et pendant le weekend une grande partie du quartier se transforme en un espace animé envahit par un jeune
public. Cette ambiance, de plus, se traduit par la mise en place d’un ensemble de
pratiques d’appropriation spatiale et de marquage territorial que nous allons essayer de présenter et d’analyser dans cette partie de notre étude. C10.
Répartition des loisirs et
culture
bars, réstaurants (2008-15) réstaurants locals (... -2008) espaces de culture théâtres
Pendant nos études de site nous avons principalement observé deux typologies d’ap-
propriation territoriale. La première est liée avec la communication du caractère des différents bars et restaurants et elle s’exprime à travers un marquage de façades. La deuxième est liée avec l’aménagement de chaque commerce qui conduit à une ap-
propriation spatiale. Pour que nous puissions analyser cette ensemble de pratiques qui se mettent place et les répertorier nous allons nous concentrer sur le noyau de
loisir de la rue de Plateon et plus spécifiquement à un parcours que nous avons a effectué dans cette zone.
Notre parcours a commencé pendant les heures nocturnes à la rue de Keramikou et
progressivement nous avons longé la rue de Plateon pour arriver à la rue de Sfaktirias. La rue de Keramikou était quasiment obscure puisque elle était illuminée par le faible
éclairage public. D’un coté de la rue nous voyions des immeubles avec des galeries
sombres avec des commerces fermés ou vacants. De l’autre coté de la rue il y avait
une façade continue composée par des bâtiments néoclassiques abandonnés d’un
ou deux étages. Ils étaient uniquement éclairés par la faible lumière qui suspendait le long de la rue.
Au fond nous avons pu distinguer les rez-de-chaussée éclairés des deux bâtiments
au croisement de la rue de Keramikou avec la rue de Plateon. En avançant nous
avons constaté que ces espaces étaient des bars dont la lumière se mélangeait
avec celle de la rue. Le premier était en retrait dans une galerie et il avait mis en
place une guirlande de lampes sur le plan des poteaux de l’immeuble, face à la rue. Le deuxième faisait partie de la rangée des bâtiments abandonnés, sauf que sa
façade était éclairée depuis l’extérieur. En montant la rue de Plateon l’enchainement entre lumière et ombre est devenu plus fréquent puisque les bars et les restaurants se parsemaient devant nous.
I69.
Les bars comme des
phares dans la rue obsure de Plateon (vue 3)
I69
100 | 101
Plateon
V.3
V.2
Keramikou
D6. AxonomĂŠtrie du parcours nocturne, loisirs et points de vue
I70.
Occupation du trottoir, lu-
mière et enseignes, rue de Keramikou (vue 1)
I70
V.1
De plus nous nous sommes rendu compte que chacun de ces bars et restaurants
avait une esthétique différente. Chacun avait son propre style de tables et chaises
qui débordaient sur le trottoir, chacun avait son propre décor qui était visible depuis l’extérieur, son style de musique et sa propre clientèle. Les clients à leur tour remplis-
saient l’intérieur de chaque espace ainsi que le trottoir où ils étaient principalement assis et ils prenaient leur verre. La musique n’était pas haute et nous écoutions le bruit
qui provenait des différentes conversations et qui s’enchaînait avec le silence entre les commerces. De plus le nom de chaque bar ainsi que l’esthétique des enseignes montrait la qualité de chaque espace. Un élément qui était déjà visible à travers le décor et la clientèle.
Nous avons constaté, finalement, que comme dans le cas des pratiques volontaires
de marquage des commerces chinois, un ensemble d’objets et de signes se mettaient en place pour attirer une certaine clientèle. Les noms, les enseignes, le décor et la mu-
sique formaient la liste des différents éléments qui s’implantaient et qui conduisaient à la formation de l’identité, du style, de chaque entreprise. Tous ces divers éléments de territorialité indiquent aussi, à part l’identité, quels sont les services qu’ils offrent.
La clientèle à son tour approprie l’espace des bars et des restaurants et surtout l’espace public du trottoir. Elle aussi, à travers son appropriation et son esthétique, devient un signe qui indique la fonction de l’entreprise et le public auquel elle s’adres-
se. Aussi une circulation se génère entre les restaurants et les bars et le public se recycle pendant la soirée. L’élément qui met tous ces activités en scène et les rend
visibles est la lumière des façades commerciales. Nous pourrions aussi dire que les bâtiments abandonnés qui se retrouvent entre ces commerces ainsi que le pâle
éclairage public renforcent cette ambiance et délimitent spatialement et visuellement
I71.
Décor de la façade et lu-
I72.
Décor de la façade et oc-
mière d’un restaurant (vue 3) cupation du trottoir d’un restaurant (vue 2)
les activités.
I71
I72
102 | 103
2.5 La dimension sociale du quartier et la création d’une territorialité fictive
114. Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui,
disponible
sur
http://kmprotypigeitonia.org/ files/file/01_Historical_report.pdf 115. Lifo, La nouvelle Chinatown Athénienne, 7 février 2008, disponible sur http://www.lifo.gr/ mag/features/454
Comme nous avons déjà vu, le marché et les interventions de la mairie ont conduit à
l’implantation de programmes liés à l’art et au loisir. Ici, nous allons nous interroger au sujet du caractère social du quartier dans son ensemble qui pourrait constituer
d’une part une raison d’attirance envers un certain public de la ville, d’une autre part un facteur qui a augmenté l’expansion du noyau de loisir et des activités liées à l’art.
Dans le cas de Metaxourgio, nous observons qu’au début des année 2000 le quartier
se compose principalement d’une classe populaire qui en partie traverse toujours une époque de déclin à cause de la fermeture des programmes productifs. La ma-
jorité de cette population sont des musulmans qui ont immigré depuis le région de
Thrace. Il y a aussi des grecs de l’Asie mineure et d’autres anciens habitants qui se sont installés pendant les années 1950 et 1970. Nous retrouvons aussi une population d’immigrants de l’Egypte, la Bulgarie et l’Albanie ainsi que quelques familles de Roms qui habitent dans le quartier depuis les années 1980. (114)
Pendant la première décennie du 20e siècle, des bars et des espace d’art apparais-
sent et les commerces chinois rajoutent la présence d’une nouvelle population. Ces commerces, comme nous avons déjà vu mettent en place un ensemble d’activités dans l’ensemble du quartier et principalement aux limites sud qui expriment leur ter-
ritorialité volontaire et involontaire. Leur présence à travers ces différentes pratiques devient visible dans l’espace public du quartier à la fois en rajoutant une qualité multiculturelle à Metaxourgio. La presse athénienne avait même célébré la nouvelle am-
biance du quartier et avait commencé à parler de l’émergence de la première China Town de la ville. (115) Parallèlement, le festival d’art ReMap et un ensemble d’autres
événements génèrent un pole artistique et culturelle au sein du quartier qui attire à une échelle événementielle un grand public de la ville. De plus, le délaissement de l’ensemble du quartier, visible à cause des bâtiments abandonnés, des commerces
vides et des friches ainsi que la dégradation qu’il subit à cause des drogues et de la
prostitution jouent un rôle fondamental dans la composition sociale du quartier ainsi que dans son image.
Nous observons, en même temps, plusieurs articles qui parlent du quartier, de ses bars, galeries et des activités liées à Oliaros ainsi que de la dégradation et le délaissement. Ces articles ont comme objectif la médiatisation du quartier et son ex-
tériorisation au grand public de la ville. Leur point en commun est la présentation de la
composition sociale et des ambiances du quartier. Certains d’entre eux, par exemple, présentent la dégradation comme un élément intégral de l’évolution du quartier plutôt
que comme une problématique. Plus spécifiquement, nous avons trouvé un article du New York Times Magazine qui commence avec une comparaison entre Berlin et
Athènes en ce qui concerne leur scène artistique. Ensuite il se concentre sur l’est du centre ville en disant que “le voisinage de Metaxourgio, qui a toujours une portion de
dealers et de prostitués comme tout quartier artistique doit avoir, se transforme en lieu de galeries influentes comme celle de Breeder et de Rebecca Camhi”. (116)
Un ensemble d’autres publications qui a comme objectif la promotion des différents bars et restaurants qui ouvrent décrit Metaxourgio comme un “quartier de contrastes”.
Comme un quartier qu’il faut absolument visiter afin de recevoir ses ambiances
variées produites par les chinois et les autres groupes d’immigrants ainsi que par l’espace bâti et les activités artistiques, malgré sa dégradation qui fait tout aussi parti de l’ensemble. (117) Nous constatons, en l’occurrence, que les différents espaces
artistiques, les bars et les théâtres mettent à leur service un grand système de médi-
atisation, qui d’une part attire le public de la ville et crée un noyau d’activités qui
peut potentiellement s’étendre. D’une autre part, cette médiatisation, en effectuant une analyse superficielle et simpliste, utilise la situation sociale complexe du quartier et la transforme en une simple vitrine à regarder. Une mise en scène qui devient un produit à promouvoir et à vendre.
Patrick Simon a distingué l’arrivée d’une classe sociale dans le cas du quartier de Belleville à Paris. Il s’agissait d’une population jeune qui avait commencé à fréquen-
ter ou même à s’installer dans le quartier et qui a été décrit comme une classe de “multiculturels”. Ce groupe social recherchait une proximité avec les classes popu-
laires et les immigrés du quartier. Ils célébraient l’ambiance cosmopolite, conviviale et animée même s’il ne disposait pas véritablement d’ancrage local. Enfin, ils recherchent dans le quartier un “village”, décalé dans le temps, et ils exploitent leur territorialité fictive comme une ressource sociale supplémentaire. (118)
Dans le cas de Metaxourgio, principalement à travers l’imaginaire du quartier crée par la presse, une classe de “multiculturels” se génère. Il s’agit d’une classe qui n’habite
pas forcément dans le quartier mais qui l’aperçoit comme une succession d’images, un objet et pas comme un espace vivant. C’est un public de jeunes qui a souvent un
rapport avec les activités artistiques. C’est un public, enfin, qui reçoit cette territorialité fictive et qui est guidé naturellement vers ces espaces transitoires de la ville. Selon Ley, il est attiré par le centre de la ville et par des endroits qui se retrouvent dans
116. Monica Khemsurov, The 2.0 Report, 13 mai 2010, disponible sur http://tmagazine. blogs.nytimes.com/2010/05/13/ the-2-0-report/?_r=1 117. Athens Magazine, Metaxourgio-Keramikos, 28 janvier 2011,
disponible
sur
http://
www.athensmagazine.gr/portal/ guides/1328 118. Simon Patrick, Les usages sociaux de la rue dans un quartier cosmopolite, Espaces et sociétés 2/1997 (n°90), pages 43-68
104 | 105 119. Ley, D.,(1996), The New Middle Class and the Remaking of the Central City, Oxford, Oxford University Press 120. Iris Polyzos, Le “quartier chinois” de Metaxourgio à Athènes, mémoire de Master 2, Paris, EHESS, 2009
les limites avec les espaces compatibles, où se situe la classe moyenne. Ils cher-
chent dans ces endroits, socialement et culturellement contrastants, des espaces qui offrent la distance nécessaire par les valeurs dominantes de la classe moyenne. (119)
Dans ce sens, la dimension sociale et les ambiances produites par les différents activités qui se mettent en place dans le quartier se transforment en un pole d’attraction, en un outil qui facilite l’implantation des programmes liées au loisir et à la cul-
ture. La médiatisation génère un imaginaire sur le quartier, une territorialité fictive qui s’adresse et essaye d’attirer principalement une classe moyenne de jeunes alternatifs
qui ne possèdent aucun lien avec le quartier. Le quartier devient un objet à regarder, une mise en scène d’un nombre d’activités, de “contrastes”, aux yeux de ces indivi-
dus qui à leur tour se limitent à la visite culturelle d’un théâtre et d’une exposition ou
à la sortie nocturne. En même temps ils ne développent presque jamais des relations ni avec la population chinoise qui représente le cosmopolite et l’ancienne population
ni avec la prostitution et les drogues qui représentent la dégradation, à l’exception
des raisons académiques. (120) L’espace bâti délaissé et abimé devient une image pittoresque et romantique qui formalise cette mise en scène.
2.6 La configuration urbaine du quartier 2.6.1 La spatialité et la temporalité de l’appropriation territoriale de Metaxourgio
Dans cette dernière partie du deuxième chapitre nous allons explorer la dimension spatiale et temporelle des pratiques de territorialité effectuées par chaque acteur. Ceci nous permettra de
définir, dans un premier temps, les limites d’influence de chaque acteur. Nous allons voir, en autre mots, jusqu’où et avec quelle temporalité les différentes pratiques se mettent en place. Cette délimitation, dans un deuxième temps, va nous aider à comprendre s’il y a des espaces intersti-
tiels où deux ou plusieurs pratiques de territorialité se superposent. La présence potentielle de
ces espaces, va conduire la suite de notre étude puisque c’est eux qui par la superposition des
différentes dynamiques peuvent contenir la notion de la conflictualité urbaine dans une échelle spatiale et politique.
Nous allons principalement étudier dans cette dernière partie qui peut être considérée comme une
conclusion extensive de ce deuxième chapitre, quelle est la forme que le quartier de Metaxourgio obtient aujourd’hui. Nous allons voir quelles sont les différentes zones d’activités qui émergent et quel est leur impact sur la composition spatiale et programmatique du quartier. Notre analyse de
l’ensemble des territorialités qui s’expriment dans cet espace urbain de la ville nous permet de comprendre que d’une part elles rendent visible dans l’espace sensible de la rue, une transfor-
mation qui se met en place et elles renforcent, à travers leur caractère hétérogène, l’état transitoire
du quartier. D’une autre part, nous observons que les limites de ces activités sont concises ce qui conduit à la création d’un zonage du quartier.
Plus spécifiquement, nous observons que les programmes du quartier qui ont un caractère tem-
porel fixe délimitent leurs propres zones d’activités en les dominant à travers leur territorialité. Nous retrouvons, par conséquent, une zone de commerce chinois, deux zones où se situent les
bars et les restaurants et une zone où s’accumule la prostitution et les drogues. Une distribution
spatiale émerge et elle transforme le quartier en un sud chinois, un ouest et un centre de loisir et de culture et un est d’activités illégales.
Le commerce chinois et les activités liées à la population chinoise se développent autour du bâti-
ment de China Town. Plus spécifiquement elles sont délimitées par la rue de Pireos, au sud, la rue
de Plateon, à l’ouest, la rue de Kolonou à l’est et la rue de Agisilaou au nord. Cette dernière limite s’étend parfois vers la rue de Keramikou, principalement au niveau du bâtiment de China Town. Ce bâtiment qui occupe un ilot entier, ne contient pas uniquement des commerces chinois mais
aussi des services et des logements sur ses étages où des familles chinoises, surtout celles des
106 | 107 propriétaires des commerces, habitent. Le bâtiment devient un noyau et un point de référence pour la vie communautaire et professionnelle chinoise.
Les entreprises liées aux loisirs, les bars et les restaurant, l’art et la culture s’implantent autour de
deux zones. La première se retrouve à l’ouest du quartier et est limitée par les rues de Plateon à l’ouest, de Thermopylon à l’est, de Keramikou au sud et de Paramithias au nord. Quelques entre-
prises se situent aussi au sud vers la rue de Pireos, surtout au niveau de la rue de Plateon. Les
programmes de ces entreprises sont principalement liés au loisir plutôt qu’à l’art ou la culture. La deuxième zone se situe autour des deux places centrales de la pinacothèque municipale. Elle est délimitée plus spécifiquement par les rues de Marathonos à l’ouest, de Megalou Alexandrou au nord, de Keramikou au sud et de Kolokynthous à l’est. Un petit nombre d’entreprises princi-
palement liées à l’art et la culture se situe à l’est de la rue de Keramikou. Cette deuxième zone se compose d’un ensemble de bars, de restaurants, d’espaces d’art et de culture.
La zone structurée par les drogues et la prostitution s’étend à l’est du quartier. Son noyau princi-
pal est la rue piétonne de Iassonos où nous retrouvons la plus grande accumulation de maisons
closes du quartier. Son espace d’activités et d’influence est délimité par les rue de Kolokynthous à l’ouest, Kolonou à l’est, Achileos au nord et Keramikou au sud. Malgré tout, nous avons observé
que même si les activités liées aux drogues s’accumulent dans cette zone elles peuvent s’étendre
vers les places centrales du quartier ou dans la cour de l’ilot de China Town. Cette expansion vers l’ouest se réalise au cas où il y aurait des patrouilles de police à l’est du quartier. La même zone, enfin, comprend plusieurs bâtiments abandonnés qui sont squattés.
Nous observons, par conséquent, que les différentes activités génèrent leur propre espace
programmatique qui occupe une partie précise du quartier. Cet espace contient chaque fois
ses propres caractéristiques qui sont liées à son programme et qui s’extériorisent à travers des signes, des objets et des activités. La mise en place de cette territorialité conduit au marquage
général de chaque zone du quartier et génère un espace de control et d’influence qui attire des activités similaires. La notion de l’influence, plus spécifiquement, fait référence au processus de densification d’une de ces zones du quartier avec des programmes qui correspondent au ca-
ractère déjà établi. C’est un processus qui continue à se mettre en place jusqu’à aujourd’hui,
ce qui génère des contrastes programmatiques et qui par la suite renforce l’état transitoire du quartier.
Les différentes zones programmatiques de plus conduisent à la génération d’un quartier partition-
né. Elles conduisent à la création d’un collage composé par des morceaux différents qui ont leur
propres caractéristiques et identités. Malgré tout nous observons que ces différents morceaux, à
part leurs programmes hétérogènes, font émerger un grand contraste à l’échelle temporelle. En autres mots, la mise en place des différents pratiques d’appropriation de chaque zone ne suivent pas les mêmes horaires, ce qui conduit par conséquent à une atrophie fonctionnelle de l’ensemble du quartier.
Plus précisément, nous détectons le plus grand contraste de ce type au centre et
à l’ouest de Metaxourgio. C’est un contraste qui est crée par les activités liées au commerce chinois d’une part et par le fonctionnement des bars et des restaurant de
l’autre. Nous observons que le commerce chinois qui occupe le sud du quartier et qui met en place une animation à travers ses activités au sud du quartier pendant l’en-
semble de la journée se transforme en un espace inactif à partir de huit heures du soir. Les rouleaux métalliques des façades descendent, les échanges entre la population
chinoise s’arrêtent et l’ensemble des rues de Pireos et de Agisilaou se transforme en un “no mans land”. L’éclairage faible de la rue est le seul qui reste et qui témoigne des traces d’activités qui ont eu lieu pendant la journée. Le seul noyau qui continue
à être actif pendant deux heures encore est celui d’une petite partie de la galerie du bâtiment de China Town de la rue de Agisilaou où les deux épiceries chinoises continuent à offrir leurs services.
Les bars et les restaurants au centre et à l’ouest du quartier génèrent, à leur tour, le
même phénomène mais pendant la journée. Nous observons que, même si pendant les heures nocturnes ces deux zones du quartier sont animées et bien éclairées grâce aux différentes entreprises, pendant la journée elles se transforment en un espace
vide. A l’exception de quelques restaurants et bars qui ouvrent à partir de dix-huit
heures, la plus part des entreprises reste ouverte pendant toute la journée. Malgré tout, la plupart du public qui fréquente les différentes entreprises vient de l’extérieur du quartier. Ce manque de proximité combiné avec la faible demande de la popula-
C21. La nouvelle partition programmatique du quartier
Commerce de gros Prostitution Loisirs Commerce 9h - 20h Loisirs week-end (soir) Illégalité toute la journée
108 | 109
I73
I73.
Commerces de gros chi-
nois fermés à la rue de Agisilaou pendand la nuit
tion réduite du quartier, ne permet pas au surplus des bars et des restaurants le bon
fonctionnement pendant l’ensemble de la journée et de la semaine. Cette dernière raison conduit à une resultat principal. Le centre et l’ouest du quartier obtiennent
principalement de la vie pendant les soirs du jeudi et du vendredi ainsi que pendant l’ensemble du weekend tandis que le reste de la semaine une ambiance de délaissement se met en place.
Nous constatons, enfin, que ces deux zones qui constituent le sud, le centre et
l’ouest du quartier génèrent une partition à l’échelle temporelle. Le manque de mixité
programmatique ainsi que les horaires différents conduisent une grande partie du quartier à un mal-fonctionnement et à un grand contraste spatial qui bascule entre
des grands espaces urbains actifs et inactifs qui s’alternent pendant la journée. Cela crée une atrophie programmatique qui en combinaison avec les nombreux espaces
vacants, les bâtiments abandonnés et la population réduite du quartier, génère un espace urbain faible qui n’a pas de caractéristiques réellement dominantes. Le grand
paradoxe qui se produit à cause de cette atrophie est le renforcement de l’identité de
la partie dégradée à l’est du quartier qui ne subit pas des modifications temporelles et qui reste, par conséquent, active et visible pendant toute la journée en établissant son propre espace de contrôle.
2.6.2 Les espaces interstitiels et la production de conflit
Nous apercevons que toutes ces zones programmatiques génèrent une partition spa-
tiale ainsi qu’une partition temporelle, pourtant nous nous demandons si leurs limites sont bien définies, si en réalité ils se croisent ou non. Pendant notre étude nous avons constaté que les différentes zones programmatiques ne sont pas tout à fait juxta-
posées mais qu’au contraire les espaces qui se retrouvent aux limites de l’une se
superposent avec les espaces qui se retrouvent aux limites de l‘autre. Cela crée des zones interstitielles qui peuvent potentiellement créer soit des espaces conflictuels soit des espaces de mélange entre les différents groupes sociaux et d’échanges entre
les différents acteurs. Pour que nous puissions présenter cette dimension de rela-
tions spatiales nous allons nous concentrer parfois à l’échelle de la territorialité fixe et d’autres fois à l’échelle de la territorialité événementielle.
Dans un premier temps, nous allons présenter les interactions qui se produisent dans l’espace urbain du quartier et qui mettent en contact les différents groupes. Plus
spécifiquement, nous observons qu’il n’y pas réellement des rapports quotidiens. Pourtant un ensemble d’événements qui surviennent occasionnellement créent des
liens entre les différents groupes qui se retrouvent dans le quartier. Ces événements
sont liés principalement avec des pratiques commerciales et des activités culturelles qui se réalisent au sein de Metaxourgio.
C22.
Les interactions évène-
mentielles
Marché de Keramikou
Défilé du carnaval
110 | 111 I74
I74.
Mixité sociale au marché
de la rue Keramikou
La première pratique qui se met en place plus régulièrement et qui est liée avec la vie quotidienne et ses besoins commerciaux est celle marché de biens qui a lieu une fois
par semaine à la rue de Keramikou. Pendant notre étude de site, nous avons visité ce marché et nous avons observé un grand spectre de la société du quartier qui effectue
ses courses. C’était en réalité la première fois que nous avons vu des anciens habi-
tants du quartier, qui sont à priori plus âgés, se mélanger dans l’espace public avec des jeunes et des familles chinoises. Il n’y avait pas de contact personnel entre les
différents groupes mais d’une façon indirecte les différents commerçants créent un pont de communication à travers le commerce. La mixité et le mélange social étaient surtout spatial, pourtant il favorise les liens dans l’espace public et des rapports potentiels qui pourraient se développer au fil du temps entre les groupes sociaux.
La deuxième pratique se compose d’événements culturels qui se réalisent une fois par an, celui du carnaval de Metaxourgio qui s’organise tous les mois de févri-
er depuis 2008. Ses organisateurs sont des jeunes qui habitent aussi bien dans le quartier que dans le reste de la ville. Leur démarche est liée profondément avec l’art
et la créativité. Un des principes du carnaval est de mettre en contact tous les habi-
tants du quartier dans une ambiance festive qui dure une journée entière. Le premier
outil employé pour la réussite de cet objectif est la médiatisation de l’événement.
I75
I77
I78
I76
112 | 113 I75.
Pochoirs en chinois et en
bulgarequi annoncent le carnaval en reprenant le graphisme des annonces chinoises
I76. Affiche multilingue du carnaval qui reprend le graphisme des annonces de vente et de location, source:https://metaxourgeio.wordpress.com/catego-
I77. Arrêt du défilé dans la cour du batiment de China Town, source:
https://metaxourgeio.
wordpress.com/2015/02/16/ metaxourgeio-carnival-street-party-vol-6-photos/
I78.
Défilé et un dragon à la
rue Keramikou, source: https:// metaxourgeio.wordpress. com/2015/02/16/metaxourgeio-carnival-street-party-vol-6-photos/
Chaque an, une série d’affiches et des pochoirs occupent les murs du quartier en
annonçant le festival. Cette pratique publicitaire se sophistique encore plus à travers les modes de représentation. D’abord l’annonce du carnaval est écrite en plusieurs langues parmi lesquelles il y a le chinois, le turc, l’arabe et le bulgare qui correspon-
dent aux langues maternelles des habitants du quartier. L’annonce aussi reprend les
formats publicitaires que nous retrouvons dans le quartier comme ceux des pochoirs publicitaires chinois ou des annonces de vente immobilière.
La médiatisation se succède par le carnaval lui même. Un défilé qui commence à la place centrale essaye de mettre en contact toutes les dynamiques qui s’implantent dans le quartier quoi qu’elles représentent. (121) Depuis la place le défilé avance
vers l’est par la rue de Iasonos où se situent les maisons closes. Ensuite il avance
vers l’ouest du quartier en passant par différents théâtres, bars et restaurants qui sont sur le trajet. Le défilé s’arrête en dehors de chaque local et un nouveau groupe de
musique joue des mélodies. Les évènements musicaux s’alternent au fil de la journée
et des centaines de personnes s’accumulent. Dès que le défilé arrive à la partie ouest du quartier, il effectue demi tour et il retourne à la place centrale en traversant la cour
de China Town. Enfin, un grand nombre se chars improvisés qui sont inspirés par les différents identités du quartier accompagnent le défilé.
Nous constatons que le carnaval est la seule pratique à cette échelle qui arrive à
attirer un grand public du quartier et de la ville. Nous avons vu des familles de Roms, des anciens habitants, des chinois qui sortaient de leurs commerces et de leurs mai-
sons pour observer ou même participer au spectacle. Même si leur participation n’est
pas très active, l’événement en déployant son parcours et en pénétrant aux différents zones contrastées réussit à les attirer et à les inclure. Il s’agit d’une territorialité mo-
bile qui a rassemble les différents groupes dans un espace précis, elle s’invite à leur propres espace de contrôle en annulant temporairement leur dominance. Ce
processus, enfin, génère des espace interstitiels de sociabilité, de mélange et de divertissement dans l’ensemble du quartier. Des espaces que les zones programmatiques ne réussissent pas à créer individuellement.
Malgré tout, pendant notre étude nous avons aussi constaté qu’à part les zones de
mélange qui résultent occasionnellement, il y a des zones interstitielles qui peuvent 121.
spyretto,
Metaxourgeio
Carnival Street Party-le trajet, 19 février 2012, disponible sur https://metaxourgeio.wordpress.com/2012/02/19/metaxourgeio-carnival-street-party-vol-3-diadromi-2/
avoir un caractère conflictuel. Plus spécifiquement il s’agit des espaces que nous
pouvons détecter principalement à l’est du quartier. A ce niveau du quartier nous observons une superposition de plusieurs territorialités qui se génèrent par des
programmes qui font partie des trois zones d’influence. Celle des chinois, des entreprises liées au loisir et à la culture et de la dégradation qui se lie avec la prostitution et les drogues.
Le lieu où ces trois dynamiques se superposent et où il pourrait se créer potentiellement un espace conflictuel est celui limité par les rues de Agisilaou, Kolokynthous,
Leonidou et Kolonou. De plus dans cet espace nous détectons la plus grande concentration de propriétés de l’entreprise Oliaros qui se composent de bâtiments désaf-
fectés le long de la rue de Iassonos. La conflictualité qui peut émerger, dans ce cas
là, se relie avec l’incompatibilité entre les programmes qui se mettent en place par les chinois, les entreprises liées au loisir et à la culture et Oliaros d’une part, et les maisons closes ainsi que les drogues d’une autre.
Les activités mises en place par le festival d’art ReMap et par la plateforme citoyenne “KM voisinage-modèle” qui font partie de l’entreprise de Oliaros peuvent être con-
sidérées comme une réaction de l’entreprise face à la dégradation de la rue. D’une part, ReMap occupe la rue de Iasonos, parmi d’autres rues de l’est du quartier pen-
dant plusieurs semaines, en modifiant les équilibres de contrôle territorial qui se met en place par les maisons closes et les drogues. Le festival implante un programme
éphémère qui domine l’est du quartier. En plus, il rend accessible cet espace urbain à un grand public de la ville et par conséquent il expose les activités illégales. Nous
observons que cette exposition à son tour rend ces activités fragiles et elle les oblige à maintenir une territorialité plus discrète. Les toxicomanes parallèlement partent de l’est du quartier à la recherche d’un espace plus sûr.
C23.
Zone de conflictualité
entre Oliaros et Illégalité
Drogues Prostitution Propriétés de Oliaros
114 | 115 D’une autre part, la plate-forme citoyenne de Oliaros a déjà effectué deux actions
dans la rue de Iassonos. La première, comme nous avons déjà présente, s’agissait de la transformation d’une friche en un jardin éphémère et la deuxième, du change-
ment de l’éclairage de la rue. La première action citoyenne avait le même impact que le festival mais plus réduit car elle a occupé une petite portion de la rue et elle
était courte. La deuxième action, au contraire, a apporté un résultat pérenne, celui
du changement de l’éclairage. Les activités qui sont liés à la dégradation de la rue de Iassonos ont subit une importante modification d’ambiance. Plus spécifiquement, avec le nouvel éclairage, l’illumination de la rue a été augmenté, ce qui veut dire
que les activités illégales de la rue sont devenu plus visibles pendant les heures nocturnes.
Nous constatons, que l’entreprise de Oliaros cherche à transformer l’est du quartier
puisque la majorité de ses propriétés à développer s’y situent. Cette volonté se reflète à travers les différentes actions qu’il effectue qui s’expriment à leur tour à travers
une territorialité éphémère. Une territorialité qui contient des extensions politiques car elle prend la forme d’activisme avec le soutien d’une classe sociale moyenne-haute qui revendique l’amélioration de la qualité de l’espace du quartier. Nous constatons par conséquent, que cette relation qui se présente dans l’espace public entre deux différentes territorialités, entre deux programmes, pourrait être décrite comme une relation conflictuelle qui vise à un contrôle spatial.
Notre étude nous permet de détecter une territorialité conflictuelle de plus dans le
quartier qui se développe à une échelle commerciale. Cette fois ci l’espace interstitiel se situe au sud de notre site où les commerces de gros chinois se situent. Comme
nous avons déjà expliqué, l’activité commerciale chinoise a crée un pole d’activités
de commerce de gros. Plus spécifiquement, cette première implantation chinoise a attiré au fil du temps 65 entreprises grecques qui ont ouvert dans l’ensemble du quartier. Un grand nombre des ces entreprises, pour des raisons de proximité avec
l’axe de la rue de Pireos, et de disponibilité des espaces vacants se sont implantés au sud du quartier et à grande proximité des commerces chinois qui existaient déjà.
Même si les programmes mis en place par les commerçants grecs étaient identiques à ceux qui préexistaient, un contraste important a été généré.
Nous avons vu précédemment que les commerces chinois mettaient en place une territorialité volontaire. Cette territorialité visait à attirer une clientèle spécifique à tra-
vers le marquage des façades. Des enseignes composés par le noms de l’entreprise en chinois et en anglais ainsi que par la description du type de produit qui se vend
en grec, revêtaient la partie supérieure de la façade du commerce. Ce marquage extériorisait sur la voie publique non seulement le type de marchandise mais aussi
sa provenance ainsi que celle du propriétaire. L’implantation des commerces de gros
grecs et surtout ceux qui se situaient au sud du quartier ont suivit la même logique. Plus précisément, en se baladant dans la rue de Agisilaou, nous avons détecté plusieurs commerces qui mettent en place un ensemble de signes pour montrer la prov-
enance grecque de leurs produits. L’utilisation comme symbole du drapeau grec se reproduisait sous la forme de différents formats le long des façades commerciales. Un ensemble d’enseignes, d’affiches et d’autocollants se mettaient en place pour affirmer
que les vêtements en vente sont cousus en Grèce. Un autocollant qui se répétait aux
façades disait “la mode grec, notre affaire” et en petites lettres était écrit “devient un supporteur”. En observant les différentes enseignes nous avons constaté qu’ils ne
s’agissait pas que d’une stratégie publicitaire qui visait à montrer la provenance des produits mais aussi d’une stratégie d’instigation qui visait à convaincre la clientèle de choisir les produits grecs plutôt que les produits chinois pour des raisons de qualité ainsi que pour des raisons provenance.
Nous avons retrouvé cette tendance dans les grossistes grecs qui sont au sud et par-
tagent la même zone commerciale avec les chinois. Au nord du quartier, au contraire,
la même pratique a été beaucoup moins visible. Cette mise en place de marquage génère directement une rivalité de la part des commerçants grecs qui veulent se différentier du commerce chinois. Le résultat est la génération d’un espace conflictuel
C24.
Zone de conflictualité
entre commerçants grecs et chinois
Commerces de gros chinois
Commerces de gros grecs
116 | 117 I79
I79.
Logo de l’initiative “Mode
I80.
Un commerce grec juxta-
I79
grécque- notre affaire” posés à un commerce chinois. Chaqun projète sa propre identité ethnique
I81.
Des autocollants avec le
drapeau grec sut la vitrine d’un commerce
I80
I81
où des entrepreneurs, en mettant en place une pratique publicitaire pour augmenter la concurrence, revendiquent le contrôle de la zone commerciale au sud du quartier.
Nous constatons, par conséquent que la création d’une zone de contrôle est pro-
fondément liée avec la mise en place d’un marquage territorial. Des signes, des
objets et des activités constituent les éléments fondamentaux pour l’établissement de cet espace. Les différentes pratiques que nous détectons à Metaxourgio confirment le développement de ce processus. Des zones de contrôle émergent à travers la
consolidation d’un ensemble de pratiques de territorialité et conduisent inévitable-
ment le quartier à une partition programmatique. Une partition qui à son tour produit un mal-fonctionnement de l’ensemble du quartier, une atrophie, qui conduit à la dominance d’un seul ensemble des activités, celui qui représente la dégradation.
Nous avons observé, de plus, qu’un certain nombre des activités qui se développent à l’échelle événementielle mettent en rapport les différents acteurs et groupes
sociaux du quartier. D’une part, nous avons retrouvé des activités qui sont liées au commerce et qui génèrent indirectement des liens entres les habitants du quartier.
D’une autre part, nous avons détecté des activités qui sont liées à la culture et le loisir
et qui ont comme objectif la mise en place d’une interface de mixité et de mélange social. Des activités qui sont encouragées et organisées par un public jeune et
créatif. Ce public, ou les “multiculturels” de Metaxourgio, en empruntant la définition
de Patrick Simon, invente sa propre territorialité fictive qui lui permet de traverser touts les espaces sociaux et programmatiques du quartier et créer des lien entre eux.
Finalement, nous apercevons que la juxtaposition d’un ensemble de zones programmatiques peut créer des espaces interstitiels problématiques ainsi que des rapports
de dominance à l’intérieur de chacune. La présence de ces espaces interstitiels
entre différents programmes, différents acteurs et multiples intérêts, principalement économiques, peut conduire à la confrontation. Une notion qui se met en place en raison de différentes zones de contrôle qui se superposent. La confrontation dans l’espace urbain, devient, inévitablement, visible à travers l’ensemble des pratiques hétérogènes de territorialité qui se réalisent dans un seul espace. Le cas de Metaxourgio nous confirme à l’échelle inter-programmatique ainsi qu’à l’échelle d’une seul typologie d’ac-
tivités la mise en place d’un confrontation. Un processus qui conduit à l’émergence
d’une conflictualité territoriale parmi les multiples intérêts présents dans le quartier. L’étude de l’espace sensible nous a permit de détecter la présence d’un espace
conflictuel à travers la notion de la territorialité et elle nous a conduit à apercevoir la
forme que le quartier obtient aujourd’hui. Notre étude va continuer à s’interroger sur la
confilctualité territoriale mais cette fois ci dans un cadre plus global. Nous allons, plus spécifiquement, essayer de déchiffrer, à l’échelle politique, économique et surtout urbaine, comment se structurent les rapports de pouvoir et les stratégies de dominance spatiale qui conduisent à la transformation du quartier.
3. De la territorialitÊ à la commercialisation de l’urbanisme
Les systèmes politiques qui se mettent en place dans un appareil d’état s’inscrivent dans l’es-
pace bâti de la ville. La ville représente les rapports de pouvoir et chaque transformation qu’elle subit surgit de la consolidation de ces rapports. Le concept de la conflictualité de l’espace vise à représenter un état transitoire d’un espace qui se transforme en un théâtre où différentes entités, pouvoirs et intérêts se croisent en ayant comme objectif de le dominer.
Dans le contexte des pays capitalistes, Henri Lefebvre a détecté que la conflictualité de l’espace
a lieu à travers une “hétérotopie qui est en tension avec l’isotopie ainsi qu’avec l’utopie en tant
que désir expressif”. L’isotopie représente concrètement “l’ordre spatial accompli et rationalisé du capitalisme de l’Etat” et l’hétérotopie, à son tour, les différentes pratiques urbaines. Lefebvre constate, de plus, que la relation entre les deux notions “ne peut se concevoir correctement que
d’une façon dynamique (…) les groupes anomiques façonnent les espaces hétérotopiques, tôt ou tard récupérés par la praxis dominante”.(122)
Dans le quartier de Metaxourgio nous observons la mise en place d’une conflictualité spatiale qui se détecte principalement dans le cas du commerce et de la dégradation. Le cas de la dégrada-
tion est celui qui va nous intéresser à priori puisque des dynamiques isotopes se confrontent avec des dynamiques hétérotopes. Plus spécifiquement les intérêts économiques de certains acteurs
majeurs du quartier s’opposent à la présence de l’espace informel qui est lié avec la prostitution, les drogues et la criminalité.
Pour mieux comprendre la transformation du quartier nous allons employer le concept de “l’accumulation par dépossession”, ou autrement-dit, de la “gentrification” pour vérifier si Metaxourgio suit la logique des quartiers centraux des villes occidentales. Des concepts qui sont stricte-
ment liés avec le système économique mondial, et plus spécifiquement celui du capitalisme et
du néolibéralisme, et qui s’inscrivent dans la production spatiale de la ville. La transformation sera aussi étudiée dans une échelle patrimoniale car les nombreuses anciennes enveloppes qui
occupent une partie importante du quartier sont aperçues comme des éléments qui contribuent à la dégradation.
122. Lefebvre Henri, (1968), Le droit à la ville, Paris, Anthropos
122 | 123 Dans cette dernière partie de notre étude nous allons dans un premier temps étudier comment se structure le rôle des acteurs économiques majeurs au-delà de l’échelle de l’espace sensible de la rue. Plus spécifiquement nous allons étudier quelle est l’évolution les rapports entre les autorités
de la ville et les acteurs du quartier pendant les cinq derniers ans ainsi que quel est l’impact dans l’espace économique, patrimonial et physique du quartier. Cela va nous permettre de compren-
dre l’échelle de consolidation et de dominance de chaque acteur, les rapports entre eux et aussi leur positionnement face à la dégradation.
Pour effectuer cette étude nous allons mettre en valeur, d’une part plusieurs sources qui démon-
trent l’évolution des rapports entre la municipalité et l’entreprise Oliaros ainsi que le commerce chinois. D’une autre part nous allons analyser le nouveau plan régulateur d’urbanisme du cen-
tre ville d’Athènes qui a été publié en avril de 2014. Ce plan va nous aider à comprendre à
quel niveau le rôle des acteurs du quartier se consolide et s’établit comme protagoniste pour les transformations à venir.
Finalement nous allons nous demander si Metaxourgio suit la logique de production et de transfor-
mation socio-spatiale du capitalisme occidental ou, au contraire, la logique d’un modèle politique
local. Cela va nous permettre de répondre aux hypothèses initiales de la “l’accumulation par dépossession” et de la commercialisation du patrimoine en ayant un regard critique sur l’histoire de la politique urbanistique de la ville d’Athènes et en prenant en compte le contexte de la crise économique actuelle.
3.1 La dégradation comme générateur de conflictualité
Pendant notre étude de territorialité nous avons détecté une zone interstitielle ou plu-
sieurs activités se juxtaposaient. Elle se situe à l’est du quartier et elle se caractérise
principalement par les activités liées à l’illégalité. Les drogues et les maisons closes dominent le paysage de cette zone. Malgré tout, un grand nombre des propriétés de
Oliaros ainsi que des galeries, des théâtres et des commerces chinois s’y situent. Les axes principaux de l’interstice programmatique sont ceux de Iassonos et de Kolonou.
Cette zone, de plus, peut s’étendre spatialement puisque les activités liées à l’illégalité génèrent une circulation et une ambiance qui sortent des limites spatiales strictes. Par conséquent, la juxtaposition et l’interaction avec d’autres acteurs est inévitable.
La police à son tour n’était pas très présente dans le quartier pendant les années 2000. Le patrouilles s’arrêtent principalement à la place de Omonia, à l’est du quartier, ce qui à conduit, comme nous avons déjà vu le déplacement des drogues
vers le quartiers de Exarhia et Metaxourgio. Cette absence était combinée aussi avec une certaine tolérance face aux activités qui sont liées à la prostitution. Plus précise-
ment, selon Grigoris Lazos, professeur d’anthropologie, 525 maisons closes existent dans la ville d’Athènes et parmi elles, seulement dix sont légales. Il souligne aussi la difficulté de repérer le chiffre exacte puisque dès qu’elles sont fermées par la police
elles se réinstallent directement dans un autre endroit de la ville. Il remarque aussi que
le phénomène de trafficking s’accélère à cause de l’incapacité de la police et de l’état à le confronter.(123) Metaxourgio, comme nous avons vu consiste en un des noyaux
du centre ville qui accumule ce genre d’activités et l’absence de la police le rend fragile face à la criminalité qui peut s’y développer.
123.
Daskalopoulou
Dina,
Le plus gros business est la chatte, 4 avril 2015, disponible sur http://www.efsyn.gr/arthro/ipio-megali-mpizna-einai-moyni
124 | 125
3.1.2 Le profit de la “nouvelle bourgeoise” face à la dégradation
124. ghetto
Kleftogianni du
centre
Ioanna,
Le
vire
des
théâtres et des galèries, 1 octobre 2010, disponible sur http:// www.enet.gr/?i=news.el.article&id=208886
Le 30 septembre 2010 la conflictualité s’est exprimée en s’adressant aux autorités de la ville. En effet, un certain nombre d’habitants du quartier et principalement des propriétaires des théâtres, des galeries et d’hôtels ainsi qu’une délégation de
l’entreprise de Oliaros se sont retrouvé à l’hôtel “Classical Imperial” avec le directeur
général de la police, Grigoris Balakos, et d’autres agents de la police. Leur objectif était d’assurer l’engagement immédiat de la police pour le “nettoyage du ghetto” qui
a été crée à l’est du quartier. Les commentaires étaient divers et ce qui dominait était la colère face à l’incapacité de la police à contrôler les drogues, les immigrants qui squattent les bâtiments et la prostitution. L’article de Kleftogianni Ioanna recueille les commentaires suivants: (124)
“Au pied de ma maison ils vendent de l’héroïne tous les jours, aux mêmes heures. Je demande à la police de venir mais elle n’apparait jamais. Nous sommes tous furieux!
Es-ce que vous pouvez faire quelque chose pour qu’on n’ait plus peur? Nous demandons simplement des patrouilles”
Rebecca Camhi, propriétaire d’une galerie
“Je sortais de mon théâtre et j’ai vu trente personnes qui shootaient de l’héroïne. Vous
pensez qu’un seul spectateur va venir à mon théâtre? (…) Il faut résoudre là mainte-
nant le problème! Es-ce que la police est prête à virer les drogues monsieur Balakos? Sinon, on va sortir tout seuls et ils vont nous assassiner. Et vous allez avoir la responsabilité. On s’en fou de la plantation des arbres, on veut que les drogues partent”
Anna Vagena, propriétaire d’un théâtre
“La situation a empiré depuis août. La place d’Avdi s’est remplie de toxicomanes
pendant les deux derniers mois. Les limites des patrouilles policières se situent entre
la place de Theatrou et la rue de Kolonou. Nous demandons que la limite de Kolonou se déplace à Iera Odos”
Iason Tsakonas, propriétaire de Oliaros
La conversation et les plaintes ont continué et de nouveaux problèmes ont affleuré. Un d’entre eux était la présence de bâtiments abandonnés qui se transforment en ghettos de toxicomanes, d’immigrés et accumulent des poubelles. Finalement, le
directeur de la police à son tour a rassuré tout le monde, même si les plaintes ont
continué, que le 5 octobre 1.350 policiers nouveaux diplômés, allaient sortir aux rues du centre d’Athènes pour éloigner les toxicomanes et régler la situation.
THEATRES
OLIAROS DEGRADIATON POLICE
ILLEGALITE
GALERIES
Nous observons finalement deux éléments importants qui émergent de ce rassemble-
ment. Initialement, l’ensemble du public qui s’est réunit est composé par des acteurs qui ont des intérêts économiques dans le quartier. Ils s’agit là d’entrepreneurs qui par-
ticipent, comme nous savons, aux activités de “KM voisinage modèle” et qui forment la “nouvelle bourgeoisie” du quartier. Leurs intérêts les amènent à s’ooposer d’une part à la dégradation du quartier, et d’une autre part à la police et à son incapacité à éloigner les activités liées aux drogues et à l’occupation des bâtiments abandonnés.
L’autre élément que nous observons est celui des mesures proposées pour la réso-
lution du problème. La dégradation et l’illégalité se présentent comme une réalité problématique, un ghetto, dans l’espace urbain de Metaxourgio qu’il faut effacer à travers l’oppression. Les extensions politiques ou sociales du problème ne s’envi-
sagent pas. Aucun parmi les participants ne parle de la mise en place d’une politique sociale qui prend en charge le phénomène des drogues. Aucun parle du manque
d’espaces d’accueil pour les sans-abris. Au contraire, l’ensemble des participants
propose la multiplication des patrouilles policières. Le résultat de cette approche, par conséquent, n’est pas la solution du problème mais plutôt son déplacement vers un autre quartier de la ville.
Nous retrouvons la notion du ghetto et de la logique de l’oppression dans plusieurs articles depuis fin 2007. En effet, l’arrivée d’un grand nombre d’immigrants après les jeux olympiques a été suivie de leur installation dans la partie occidentale du centre
ville du fait des faibles loyers. De plus un centre de réhabilitation (ΟΚΑΝΑ) ainsi qu’un centre d’accueil des sans domicile ont été implantés pendant la même époque au sud de Metaxourgio. L’auteur d’un article remarque que l’ensemble de ces éléments en
D7. Schéma de confictualité
126 | 127 125. Trivoli Despina, Le nouveau ghetto
d’Athènes,
4
octobre
2007 disponible sur http://www. lifo.gr/mag/features/241
combinaison avec les bâtiments abandonnés ont conduit à la dégradation du centre
de la ville. Elle remarque, aussi, le fait qu’“aucune ville européenne n’a un ghetto au centre, à coté des ses sites touristiques”. (125)
Cette logique se répétait quotidiennement et conduisait à la naissance d’une nouvelle classe sociale liée à l’illégalité et à la dégradation du centre ville, ainsi qu’à une im-
age indésirable. C’était une classe qui se composait de toxicomanes, de prostitués,
de sans domicile et d’immigrés comme s’il s’agissait d’une seule problématique. De plus, elle était responsable de l’accélération de la dégradation de la ville. La lecture
du problème commençait progressivement à se baser sur l’esthétique et non pas sur une problématique sociale. Par conséquent, la seule solution faisable et pertinente
s’avérait l’oppression de l’ensemble de ces acteurs par les forces de la police et leur expulsion du centre ville.
C25. Zone conflictualité,
entrepreneurs - illégalité
Drogues Drogues Prostitution Espaces d’art Théâtres Propriétés de Oliaros
3.1.3 Le commerce chinois face à la dégradation En 2008, le conseil de l’association “Overseas Chinese in Greece” a adressé une pétition à la municipalité face à la criminalité grandissante dans le quartier. Plus pré-
cisement, la pétition soulignait la dégradation du quartier et surtout l’utilisation de la drogue, étant donné qu’elle a un impact sur leurs activités commerciales. Selon Iris
Polizou, un grand nombre de commerçants ont été victimes de vols dans le quartier de Metaxourgio, surtout pendant la nuit, après la fermeture des commerces. (126) Malgré la plainte déposée à la municipalité, il n’y eut aucun effet.
Quatre ans plus tard, en juillet 2012, une réunion entre la municipalité, l’ambassadeur de la Chine et des délégués de la communauté Chinoise a eu lieu. L’objectif était d’une part la recherche de solutions face à la criminalité dont sont victimes les com-
merces chinois, et d’une autre part l’encouragement des investissements grecs en Chine. Nous observons que cette réunion marque la consolidation des rapports entre
les entrepreneurs chinois et la municipalité de la ville. (127) Plus particulièrement, selon un communiqué de presse:
“Le maire, M George Kaminis, a fait l’éloge de la contribution de la communauté chi-
noise à la très forte évolution du commerce de la ville. Le départ éventuel des ressortissants chinois serait une perte considérable en matière de capital économique et
humain. Il souligne que la sécurité est importante et a exprimé son vif espoir envers une meilleure coopération entre les deux parties. Il s’engage à ce que les services
municipaux fassent de leur mieux pour faciliter la vie des ressortissants chinois.” De son côté, le président de l’association “Chinese Commercial and Cultural Asso-
ciation of Greece”, M Xu Weichun, a souligné que “la communauté chinoise vit en bonne entente avec les citoyens grecs. Elle a atteint les 20 000 personnes, mais il n’en
reste que la moitié à cause de la crise”. Malgré cela, il note que de nombreux Chinois s’orientent maintenant vers les exportations de produits grecs en Chine et il remer-
cie les autorités grecques pour l’intérêt qu’elles portent aux commerçants chinois. Le discours du vice-président de cette même association est intéressant puis-
qu’il s’est exprimé plus clairement sur les perspectives du quartier: ”il faut que le quartier chinois d’Athènes s’améliore: faire des investissements, les encourag-
er et mieux contrôler le quartier pour qu’il puisse se développer davantage. Les Chinois veulent amener de nouveaux investissements à Athènes”. La vice- prés-
idente de l’association “Greece Overseas Chinese Women Association” est
re- venu aussi sur la question de la crise en indiquant que “la municipalité doit faire un effort pour garder une belle Athènes. Le nombre de Chinois qui partent est inquiétant. Grecs et Chinois vont surmonter ensemble la crise économique”.
126. Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014 127. Communiqué de presse, municipalité d’Athènes - associations chinoises, 3 juillet 2012, disponible surhttps://www.cityofathens.gr/node/20265
128 | 129
COMMERCE
ASSOCIATIONS CHINOISES
MAIRIE
D8. Schéma de confictualité
DEGRADIATON ILLEGALITE
L’évolution des rapports entre les associations chinoises établies à Metaxourgio et les autorités municipales, depuis 2008, nous conduisent à une série de remarques.
D’une part, nous constatons que les représentants locaux voient les commerçants chinois comme une “présence positive et valorisante”, aussi bien pour le quartier
que pour l’ensemble de la ville. Cette présence est acceptée puisqu’elle produit des effets économiques et sociaux positifs à l’échelle locale. De plus, la communauté
chinoise s’oppose à la dégradation du quartier dans le but de pouvoir développer
leurs activités économiques. Tous ces éléments les différentient de la classe qui représente la dégradation et la criminalité au centre-ville, qui, comme nous avons
déjà vu, est composée d’immigrants, de prostitution et de drogues. Dans le cas de l’immigration chinoise, ce positionnement est tout à fait inverse. Les Chinois sont vus comme des “victimes” de cette situation et demandent le renforcement de la sécurité
et la rénovation du quartier dans le contexte de la période de crise économique qui renforce la difficulté de développement de leurs activités économiques. C26. Zone conflictualité, Chinois - illégalité
Drogues Drogues Prostitution Commerces de gros Commerces ethniques Commerces éxotiques
3.2 La rénovation du quartier et la territorialité politique de Oliarios
Nous observons, ensuite, que l’entreprise de Oliaros et ses propriétés s’inscrivent, comme nous avons déjà remarqué, dans le contexte très problématique du quartier. Plus spécifiquement, sa vision d’un quartier contemporain et accessible coïncident
spatialement avec des activités qui sont liées à la prostitution, les drogues et la réserve des bâtiments dégradés. Nous avons aperçu aussi que la logique de l’entre-
prise s’exprime à travers les actions de “KM voisinage modèle” et par le festival d’art de “ReMap” qui à leur tour en occupant les espaces vides mettent en place une
lecture différente du quartier qui s’oppose à la dégradation et au délaissement de celui-ci. Nous constatons, par conséquent, que l’entreprise essaye d’imposer sa propre territorialité, son propre espace d’activités au cœur du quartier.
Dans cette partie nous allons étudier les extensions politiques des pratiques effectuées par l’entreprise de Oliaros ainsi que leurs rapports avec la rénovation du quartier. Nous observons qu’au fil du temps depuis la création de l’entreprise il y a eu
une série d’actions qui n’ont pas été matérialisées mais qui, au contraire, ont conduit
à la coordination de l’entreprise avec la municipalité. Ces actions ont été dévelop-
pées d’une façon linéaire et visaient dans un premier temps à exposer à un public académique les problématiques qui se posent à l’ensemble du quartier, et principale-
ment celles qui sont liées avec la dégradation. Dans un deuxième temps, ils visaient
à proposer des solutions urbaines qui allaient être exposées à un plus grand public et surtout à des destinataires du domaine politique. Dans cette partie nous allons présenter la mise en place de ce processus qui a conduit progressivement à une territorialité politique.
130 | 131
3.2.1 Une démarche académique
128.
aristerikinisi,
Cours
de
planification urbaine par l’entrepreneur
Iasonas
Tsakonas…,
20 mars 2011, disponible sur https://akaeaak.wordpress. com/2011/03/.....
Après l’achat de l’ensemble de ses propriétés, l’entreprise a commencé à dévelop-
per une démarche académique. Plus spécifiquement, en 2009, une collaboration a été mise en place entre Oliaros et l’école d’architecture d’Athènes. Le professeur A. Kourkoulas a intégré à son enseignement, à travers son studio de projet du sixième
et du neuvième semestre, le projet de recherche de Oliaros. Chaque étudiant pouvait choisir un site de l’entreprise à Metaxourgio pour développer son projet personnel. De plus, l’ensemble des projets devaient faire partie d’une conception globale ur-
baine qui allait changer la qualité de la ville. (128) La démarche académique s’ouvrait
encore plus à cause de la collaboration de Kourkoulas avec l’école d’architecture de
Lausanne (EPFL), le professeur et architecte Harry Gugger et le Laboratoire de Basel (LABA).
Le nom du projet global de recherche était “Athènes, ville d’immigrants/ Architec-
ture d’unification” et il avait comme objectif l’amélioration des conditions urbaines du centre ville face aux problèmes qui sont liés avec l’augmentation d’immigrants et la
création de ghettos urbains. Le projet a été développé en deux temps. Initialement, les étudiants devaient repérer l’ensemble des problématiques qui se situent au cen-
tre ville d’Athènes ainsi que la composition d’un premier plan urbain de rénovation. D9.
Approche académique de
Oliaros
Dans un deuxième temps ils devaient proposer un ensemble de projets qui allaient faciliter la connexion entre les différents quartiers du centre en améliorant la qualité
LAPA - EPFL
OLIAROS
NTUA
PROJETS METAXOURGIO
EXPOSITION
CONTEXTE = DEGRADATION
AU GRAND PUBLIC
architecturale du paysage urbain. (129)
L’ensemble du projet a été exposé au symposium “Athènes en crise” le 28 novembre 2010 au
musée de Benaki. L’objectif de ce symposium était la présentation de l’ensemble des problèmes qui avaient lieu dans la ville d’Athènes. Les différents sujets, qui ont été introduits dans la table
ronde par des architectes, des sociologues et des politiciens, pivotaient autour de l’archéologie, l’environnement, la gouvernance et l’immigration. De plus, les travaux des étudiants étaient ac-
crochés dans la salle centrale du musée en attirant l’intérêt du public qui donnait son avis. Iason Tsakonas, le propriétaire de Oliaros, en regardant les différents projets sur Metaxourgio, a con-
staté suite à une analyse économique approfondie, qu’aucun projet n’allait pouvoir se construire à cause de leur énorme coût de mise en œuvre. (130)
Nous constatons, enfin, qu’un processus original a été mis en place à travers la collaboration de
l’école d’architecture d’Athènes avec Oliaros. Un processus qui inclut dans un premier temps l’intérêt et la vision d’un investisseur privé à un projet académique en utilisant les sites d’intérêt de ce même investisseur. Dans un deuxième temps le projet global se présente comme une solu-
tion potentielle face à la crise de la ville dans les cadres d’un événement. Nous observons donc que la vision de Oliaros sur la rénovation du quartier, masquée par un projet académique, s’in-
troduit progressivement dans la scène académique et politique de la ville. La problématique de l’entreprise face à la dégradation se rend légitime en se transformant en une problématique urbaine.
129. lapa Studio ATHENS 2010/11, disponible sur http://jahia-prod.epfl.ch/page-68130-en.html 130. aristerikinisi, Cours de planification urbaine par l’entrepreneur Iasonas Tsakonas…, 20 mars 2011, disponible sur https://akaeaak.wordpress.com/2011/03/.....
132 | 133
3.2.2 Les initiatives d’aménagement urbain
Comme nous avons déjà présenté dans le chapitre précèdent de cette étude, la plateforme ci-
toyenne de Oliaros “KM voisinage modèle” a effectué certaines activités pour améliorer de façon temporaire les espaces vides du quartier et surtout les terrains abandonnés. Elle a crée des espaces publics, des jardins, des espaces de jeux dont certains ont eu un caractère moins
éphémère que d’autres. La plateforme citoyenne, malgré tout, ne s’est pas limité à ces actions et elle a commencé parallèlement à développer une recherche urbaine qui visait à l’amélioration de l’espace public de Metaxourgio.
Initialement, nous allons présenter un extrait de l’entretien que nous avons effectué avec Alexia,
employée à Oliaros pour pouvoir comprendre la problématique urbaine qui se posait pour la plate-forme citoyenne et qui l’a conduite à procéder à l’étude de l’espace public du quartier.
Ensuite, nous allons étudier des sources que nous avons trouvé qui expliquent l’évolution des rapports entre “KM voisinage modèle” et la municipalité de la ville d’Athènes. Cella va nous per-
mettre de déchiffrer la mise en place d’une territorialité et d’une influence politique de la part de l’entreprise de Oliaros.
Entretien avec Alexia, employée à Oliaros, 15 février 2014 -Qu’es-ce que le “KM voisinage modèle” propose pour l’espace public de Metaxourgio? -L’espace public de Metaxourgio est très limité. Tu sais, quand quelqu’un prend un verre et veut
écouter de la musique à coté d’un enfant qui hurle et qui veut jouer, nous sommes face à des activités qui ne sont pas très compatibles à mon avis. L’extension de l’espace public pourrait se faire
et la vie publique pourrait s’y organiser mieux. L’été dernier par exemple des projections en plein air ont été organisées dans le cadre d’un festival et ils ont choisit intelligemment un film sur le trafic
de femmes qui avait des images très dures, indécentes pour les mineurs. Malgré tout, personne ne pouvait interdire aux enfants d’être présents et de regarder. Par conséquent, l’espace de la place de Metaxourgio ne suffit pas pour la population du quartier.
Pour ces raisons on a commencé à réfléchir sur comment on pourrait augmenter l’espace public.
L’argent disponible pour effectuer des expropriations est très limité. On se dit de se baser sur les rues et les trottoirs pour voir qu’es-ce qu’il pourrait se dessiner et comment on pourrait avoir rapidement des résultats, donc de l’espace public supplémentaire.
Les transformations des rues en rues piétonnes qui ont été effectuées jusqu’à aujourd’hui n’ont
pas generé de l’espace public appropriable par les habitants. En même temps, il n’y a pas de
bancs et elles ne sont pas légalement établies, ce qui est très marrant. Ces rues
piétonnes existent depuis trente ans et elles ne sont pas encore reconnues par la loi,
donc tu ne peux ni mettre des bancs ni les voitures qui sont illégalement garé sur la rue peuvent recevoir des amendes. Tu ne peux pas faire beaucoup de choses dans
ces espaces. La rue de Iasonos a des maisons closes. La rue de Salaminos est mal aménagée, la végétation est très basse, elle est sombre, il y a beaucoup de bâtiments vides à cause de l’enjeu archéologique de la rue, donc elle n’est pas utilisée par le
monde. On croit que tous ces espaces devraient être redessinés et réaménagés pour qu’ils puissent devenir plus accueillants pour notre vie publique et la vie dans l’espace public en général.
-Donc, quelle était votre proposition? -La même problématique a été prise en compte par notre équipe d’étude. Ils ont décidé de choisir la rue de Salaminos à cause de son importance archéologique et la
rue de Keramikou. La dernière s’agit d’une rue qui avait été choisie pour être reconvertie en rue piétonne par l’étude urbaine de 1994 pour connecter les rues perpendic-
ulaires. Une autre raison qui a conduit au choix de cette rue est l’absence de bus, et la circulation faible de voitures par rapport aux autres rues du quartier. De plus elle a douze mètres de largeur. Donc elle peut devenir plus accueillante et accessible pour
le piéton et le vélo. La rue de Salaminos de l’autre coté, même si elle est déjà piétonne, elle lui manquent de bancs et de végétation haute afin que le piéton puisse circuler et recevoir de la lumière.
C27. Proposition de projets de “KM voisinage-modèle”
Axes de projets Sites archéologiques
134 | 135 L’avancement du projet “KM voisinage modèle” a commissionné le projet à deux agences d’architecture. L’agence de Aristidis Antonas a dessiné le réaménagement de la rue de Keramikou.
Il a proposé l’extension des trottoirs et l’implantation d’une voie de circulation de vélos. Dans le cadre de l’économie du projet il a proposé la réutilisation des matéri-
aux des bâtiments démolis qui sont stockés aux entrepôts de la municipalité. La rue de Salaminos a été redessinée par l’agence de Doxiadis. L’architecte a proposé un aménagement paysagiste à travers l’implantation de bancs, d’une végétation plus haute que l’existante et d’une voie pour la circulation des vélos.
Il est important aussi de noter que cette dernière rue se situe sur l’axe archéologique qui relie la colline de l’Acropole avec l’Académie de Platon au nord du centre ville à
travers le cimetière antique de Dimisio Sima qui se situe à l’intérieur de Metaxourgio. Il s’agit d’un axe dont le réaménagement de son ensemble est prévu pour rendre
visibles et accessibles les différents sites archéologiques. Déjà depuis les années
1980 le service archéologique de la ville ainsi que la municipalité avaient inclus la création de ce parcours au plan d’urbanisme de la ville. I82. Projet de la rue de Salaminos
I83. Projet de la rue de Keramikou
I82
Le dix aout 2010 une petite équipe de “KM voisinage modèle” guidé par Iason Tsakonas, le propriétaire de Oliaros a participé au conseil municipal en ayant comme
objectif la présentation de ces deux études urbaines ainsi que d’obtenir le soutien de
I83
ARCHITECTES
DOXIADIS + ANTONAS REACTIONS NEGATIVES DU CONSEIL
OLIAROS
PROJETS
SALAMINOS ET IASONOS
DEMANDE > PERMIT
ET FINANCEMENT DE LA MAIRIE
la mairie. Pendant la présentation et le débat, Tsakonas a pris le rôle d’animateur de
la conversation. Il a demandé au conseil la réalisation immédiate de l’ensemble des
D10.
Rapports entre Oliaros
et la mairie d’Athènes en 2010
projets puisque, selon lui, “la période juste avant les élections municipales représente une très bonne occasion pour l’exécution de ce type d’infrastructures”. Le conseil mu-
nicipal a directement réagit face au discours de Tsakonas, même s’il soulignait qu’il n’avait pas un but lucratif. Certains élus lui ont répondu que la politique est menée par le conseil et non pas par les promoteurs. D’autres élus ont signalé l’entreprise Oliaros car son but lucratif se mêlait avec l’urbanisme public et ils l’ont responsabilisé d’une gentrification potentielle. (131) La débat est resté très tendu et finalement les délégués
de “KM voisinage modèle” ont quitté la salle sans pouvoir gagner ni la confiance ni le soutien du conseil.
Malgré la distance initiale entre les autorités et l’entreprise, nous observons que
progressivement les équilibres se modifient. Le nouveau maire de la ville qui a été élu fin 2010 a commencé à se positionner différemment. Plus spécifiquement, pendant les activités éphémères de “KM voisinage modèle” il était toujours présent et la municipa-
lité à son tour offrait plusieurs services pour faciliter les différents projets de l’équipe.
Le projet qui présente le plus de collaboration entre la municipalité et Oliaros est celui qui avait comme objectif le remplacement de l’éclairage public de la rue de Iasonos et de la rue de Keramikou. La municipalité a soutenu l’action à travers son service technique et administratif et de plus elle a permit la mise en place d’une infrastructure publique qui a été financée par une entreprise privée.
Pendant la même époque l’entreprise Oliaros commence une recherche de financement. Avec ce financement elle visait d’une part à couvrir le cout des deux projets
d’aménagement de l’espace public du quartier et d’une autre part à l’investir dans ses propres projets immobiliers. Plus spécifiquement, en 2012, elle a réussit à recevoir
un financement privé à travers la compagnie de tabac Papastratos, une affiliée de
131.
Hatzigeorgiou
Aris,
Voisinage de real estate et quartier des... profits, 11 août 2010,
disponible
sur
http://
www.enet.gr/?i=news.el.article&id=192064
136 | 137 132.
Entretien:
Alexia,
em-
ployée à Oliaros, 15 février 2014 133. JESSICA: Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas disponible sur http://ec.europa.eu/regional_ policy/en/funding/special-support-instruments/jessica/#6
Phillip Morris. Avec cet argent, elle a financé initialement les projets de “KM voisinage modèle” et plus précisément, celui du remplacement de l’éclairage public des rues de Iasonos et de Keramikou. (132) Une grande partie du financement a été réservé
pour la transformation de la rue de Keramikou dans l’objectif de procéder à un don à la municipalité de la ville et d’améliorer les rapports politiques entre les deux.
Au début de l’année 2013, pendant que les relations avec la municipalité se développaient, l’entreprise a posé une candidature pour le programme d’investissements européens JESSICA (Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas). Il s’agit d’un financement qui est fourni par la Banque Européenne d’inves-
tissement (EIB) et le Conseil de la Banque Européenne de Développement (CEB). Il vise à améliorer les infrastructures urbaines comme les transports, l’eau et l’énergie ainsi que de mettre en valeur des sites patrimoniaux et culturels à travers l’implantation de nouveaux programmes soutenables comme le tourisme. Les conditions
préalables pour la mise en place de ce programme d’investissement sont, d’une part
la collaboration entre le secteur privé et public, ainsi qu’une clause de soutenabilité. (133) En autres mots l’investissement urbain doit générer du profit économique pour
rembourser les investisseurs. Ensuite, il s’agit d’un financement - investissement qui permet la mise en place d’un processus “fast track”, ce qui permet aux autorités lo-
cales de commissionner directement des promoteurs et des professionnels, comme des architectes, en contournant le long processus bureaucratique et les concours.
Enfin, il offre la possibilité d’une mise en œuvre rapide qui peut générer à court terme des profits.
Avec cette candidature l’entreprise visait à recevoir 70 millions d’euros, qui allaient lui permettre la construction de son ensemble de projets. L’intervention de l’entreprise au quartier de Metaxourgio a été présentée dans le dossier de la candidaD11.
Rapports entre Oliaros et
la mairie d’Athènes en 2013
ture comme la “transformation d’un quartier dégradé avec une forte criminalité en un quartier d’entrepreneuriat productif et créatif pour les jeunes”. Plus spécifique-
PROJETS
JESSICA
IMMOBILIERS
OLIAROS
DEPOT DE DOSSIER A LA MAIRIE PROJETS
SALAMINOS ET IASONOS
DEMANDE DE FINANCEMENT
ment, Oliaros a proposé initialement la construction de trente bâtiments avec une mixité de bureaux, commerces et logements. Ensuite, ils ont proposé la construction des logements
étudiants et de dix bâtiments de plus, dont sept allaient former un noyaux d’entrepreneuriat, “cluster”, en accueillant des entreprises, liées avec l’informatique, le design, la mode et l’architec-
ture, et trois qui accueilleraient d’autres programmes comme l’éducation. Le projet de l’entreprise, dans le contexte de l’espace public, proposait la mise en place d’un marché qui allait promouvoir
les produits grecs et étrangers de haute qualité. (134) Le propriétaire de Oliaros explique plus en détail:
“L’idée centrale était que nous vivons dans une époque différente où le monde cherche de nouveaux modes de développement économique et urbain. Une nouvelle classe d’entrepreneurs se génère et nous venons proposer sa concentration géographique dans un environnement urbain
qui est de nouveau étudié, qui est en accord avec les besoins contemporains et qui va apporter des résultats positifs à tous et à la ville” (135)
Nous observons, finalement, qu’en une période de trois ans, de 2010 à 2013, les rapports en-
tre la municipalité et l’entreprise Oliaros s’améliorent progressivement. Les réactions face aux projets de l’entreprise en 2010 se transforment en une tolérance politique qui contin-
ue de se modifier positivement. La candidature de l’entreprise au programme de financement JESSICA marque la culmination des ces rapports puisque elle n’aurait pas pu être possible sans l’accord des autorités de la ville. L’entreprise réussit à s’impliquer dans la politique ur-
baine et crée son espace de dominance et de territorialité politique progressivement au coeur de Metaxourgio. Une nouvelle vision urbaine, qui correspond à priori à la vision de Oliaros et
qui s’adapte aux conditions préalables du financement et des plans régulateurs du quartier des années 1990, commence à s’établir. (136) Des plans qui visaient à générer les conditions
nécessaires au sein de Metaxourgio pour la création d’un noyau culturel dans le centre ville.
134. Hemikoglou Ahileas, “Tirage au sort” de 100 millions euros pour Keramikos-Metaxourgio, 23 mars 2013, disponible sur http://www. tovima.gr/finance/article/?aid=503946 135,136. Koufopoulos Vasilis, Metaxourgio-Keramikos, 7 mai 2014, disponible sur http://www.athensvoice.gr/the-paper/article/481/%CE%BC%CE%B5....
138 | 139
3.2.3 Le remplissage du vide politique
Nous observons que le positionnement de deux grands acteurs économiques qui se situent dans
le quartier suit la logique historique de la mise en place de l’urbanisme de la ville. Comme nous
avons déjà vu au premier chapitre de cette étude, le tissu urbain de la ville d’Athènes n’a pas été crée selon des plan directeurs. Au contraire il à été généré par les besoins des acteurs qui
s’implantaient dans la ville. L’état et la municipalité, sans proposer des usages d’occupation du sol, se limitaient à inclure dans les plans directeurs l’évolution physique et programmatique de la ville qui avait été déjà effectuée.
Le quartier de Metaxourgio est le résultat, à son tour, de l’absence d’une politique urbaine. L’implantation de l’industrie de soie a été celle qui à consolidé son identité productive et populaire
jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Ensuite, la recherche d’un nouveau mode de vie ainsi que l’appauvrissement du tissu bâti issu de la guerre a conduit une grande partie de la population du quartier aux banlieues de la ville. A partir des années 1980 la dégradation du quartier s’est ac-
célérée d’une part à cause de la disparition des activités productives qui a conduit à la réduction des revenus de la classe ouvrière, et d’une autre part, le classement patrimonial de plusieurs bâti-
ments du quartier a rendu difficile pour les propriétaires à faibles ressources économiques de les rénover. Le résultat inévitable était la démolition de certains bâtiments ainsi que le délaissement et la dégradation d’une grande partie de la réserve bâtie du quartier.
Malgré tout, la politique d’élimination des usages productives et du classement patrimonial pré-
voyait une stratégie vague de rénovation du quartier qui visait à la création d’un pôle culturel. Il
s’agissait plutôt d’une stratégie d’embellissement et de préservation de l’image du quartier que
d’une stratégie économique et urbaine qui allait résoudre les problèmes posés par la disparition de l’industrie et la fuite progressive de la population à l’extérieur du quartier. L’absence d’une prospective urbaine a accéléré la dégradation et elle a généré un “vide politique”. Des activités
liées aux drogues, à la prostitution et par conséquent à l’illégalité ont réapproprié ce vide, c’est-àdire la réserve de bâti abandonné et l’espace public de l’est du quartier, en créant leur hétérotopie spatiale et programmatique.
Nous constatons que l’entreprise Oliaros et l’ensemble du commerce chinois ainsi qu’un cer-
tain nombre d’entrepreneurs qui se situent dans le quartier ont aussi de leur propre façon réapproprié ce vide. Des théâtres et des galeries, des projets éphémères et des activités
culturelles ont émergé ainsi que des commerces de gros et une industrie du loisir. Chacun des
acteurs a généré sa propre zone d’activités dans le quartier qui se croisent inévitablement dans la plupart des cas avec l’hétérotopie et son espace d’influence.
La juxtaposition, les espaces interstitiels entre ces zones conduit comme nous avons déjà observé à une confrontation, à une conflictualité spatiale entre les intérêts économiques des nouveaux acteurs et la dégradation du quartier. La confrontation s’exprime à travers un po-
sitionnement des acteurs face au “vide politique”, face à la dégradation qui à un impact immédiat négatif sur leurs activités économiques. Par conséquent, ils mettent de la pression
aux autorités de la ville en ayant comme objectif la disparition de l’hétérotopie du quartier. Pour les chinois et les autres entrepreneurs qui partagent la même zone avec les activités illégales, un problème de sécurité se pose puisque leurs activités économiques confrontent un nombre de risques immédiats. Quant à l’entreprise Oliaros au contraire, même si elle se pose la ques-
tion de la sécurité, elle se positionne avant tout face à la dégradation globale du quartier en
proposant une solution alternative urbaine dans les cadres de son projet d’investissement. Nous observons finalement que la pression effectuée par ces acteurs envers les autorités de la ville se transforme progressivement en des rapports entre les deux parties. Des rapports qui se consolident et qui marquent la naissance d’une nouvelle dynamique de production et de t
ransformation spatiale. Les acteurs privés commencent à influencer la politique urbanistique, dans les cadres de la rénovation et de la protection du quartier, à travers les profits qu’ils apportent ou qu’ils peuvent apporter dans l’espace économique de la ville et du pays.
En effet des relations de type “win-win” se mettent en place entre les deux grands acteurs
économiques du quartier. Dans le cas de la communauté chinoise, l’évolution des bons rapports avec la municipalité et le gouvernement peuvent générer du profit à travers l’exportation de pro-
duits grecs en chine et en retour ils demandent la sécurité de leurs activités commerciales à Athènes. Dans le cas de Oliaros, l’entreprise propose un plan de rénovation du quartier qui va
générer un espace d’activités économiques, et donc du profit à mi-terme pour la ville. La seule condition pour la mise en place du projet de l’entreprise est le financement initial par la municipalité à travers les programmes d’investissement européens. Le “vide politique” qui existait aupara-
vant à Metaxourgio commence à se remplir par l’intervention de ces deux grands acteurs privés qui proposent, dans le cas de Oliaros, et qui effectuent, dans le cas du commerce chinois, une réactivation économique et par conséquent urbaine, d’après leur propre vision, dans l’espace du quartier et de la ville.
140 | 141
3.3 La consolidation des acteurs - Vers la privatisation de l’urbanisme
En avril de 2014 la municipalité d’Athènes a publié le “Plan d’intervention urbaine globale du
centre d’Athènes” (ΣΟΑΠ) qui définissait les objectifs de développement du centre ville ainsi que les mesures et les interventions à suivre. (137) Il s’agit d’un plan qui va beaucoup nous intéresser puisqu’il consolide et établi les rapports entre la municipalité et les acteurs majeurs de Metaxourgio et principalement l’entreprise Oliaros.
L’objectif global du nouveau plan est la redéfinition du centre ville comme le “centre d’une
métropole internationale et viable”, une ville qui sera accueillante pour sa propre population et pour le tourisme. Pour cela il propose “un nombre d’interventions cohérentes qui répondent
aux problématiques qui se posent dans le contexte de la crise économique” qui vont s’effectuer au moyen de la collaboration du secteur public avec le secteur privé. Selon le plan, la ville ne
peut pas se renouveler sans la mise en place d’une concurrence et d’un développement de l’entrepreneuriat.
Parmi les différents axes du plan, nous allons nous intéresser sur ceux qui concernent directement notre quartier d’étude. Les axes que nous avons sélectionné sont les trois suivants: l’augmentation
du degré de sécurité et de légalité qui va permettre le retour de la population aux quartiers du centre ville qui ont été dégradés, l’amélioration des activités économiques, et la rénovation de l’espace public ainsi que le renforcement de l’identité du centre ville.
Nous observons que l’ensemble des problématiques qui se posent à Metaxourgio et qui sont liées avec la dégradation du quartier, les activités illégales ainsi que la rénovation sont présentes dans
le nouveau plan de la ville. Metaxourgio est inclus parmi les quartiers prioritaires. Autrement dit, le plan met en priorité le quartier de Metaxourgio et l’ensemble des mesures proposées correspon-
dent à son contexte actuel. Il est intéressant aussi de remarquer que la municipalité de la ville
répond aux appels des acteurs du quartier en consolidant leurs espaces d’activités ainsi que leur rôle dans l’économie urbaine et l’urbanisme de la ville.
Dans cette partie de notre étude nous allons voir plus spécifiquement comment le plan envisage le développement du quartier et quelles sont les extensions de cette vision. Nous allons étudier
la méthodologie du plan et les mesures qu’il propose face à l’espace d’illégalité qui existe dans
le quartier, la dégradation de l’espace bâti, le patrimoine, les propositions de Oliaros et les autres
137. Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs
acteurs du quartier. Cela va nous permettre de comprendre dans un premier temps à quel niveau
les rapports entre les acteurs se consolident, ou autrement dit, à quel niveau la municipalité rempli à travers ce plan d’urbanisme, le vide politique qui a été réapproprié en avance par les acteurs économiques qui se situent dans le quartier.
Dans un deuxième temps, l’étude du plan va nous permettre de détecter la présence potentielle
de nouvelles conflictualités qui vont se générer dans le quartier. Plus spécifiquement, nous allons analyser la nouvelle vision du quartier, présentée par le plan, et les impacts qu’elle peut avoir sur
le patrimoine existant et visible du quartier ainsi que sur sa composition sociale. Cela va nous permettre par la suite de comprendre l’échelle globale de la transformation du quartier et de la qualifier.
Enfin, l’analyse de cet ensemble de points va nous aider à vérififier la validité de nos hypothèses
initiales liées à la gentrification et à la commercialisation du patrimoine de la ville. En préservant toujours une approche marxiste nous allons voir à quel niveau les transformations proposées pour
le quartier s’inscrivent dans un cadre capitaliste ou néolibéral selon les études que nous avons cité à l’introduction.
Probablement, nous pouvons déjà constater que l’évolution de la ville d’Athènes n’a pas suivi la logique des grandes villes du reste de l’Europe, contrairement, elles présentent ses propres par-
ticularités qui déclinent du cadre capitaliste. Malgré tout, pendant les dernières années et surtout après la publication de ce plan d’urbanisme, la logique de la production spatiale d’Athènes est
en train de changer radicalement. Metaxourgio, en tant qu’espace urbain, nous montre justement
dans quelle direction avance la politique de l’urbanisme. Par conséquent, l’analyse de ce plan ainsi que nos hypothèses initiales vont nous permettre de la détecter.
142 | 143
3.3.1 La disparition de l’hétérotopie
Un des premiers objectifs du nouveau plan d’urbanisme d’Athènes est celui de la confrontation des problèmes qui sont liés avec l’illégalité. Plusieurs des mesures proposées visent la suppres-
sion de la prostitution, des drogues et de l’immigration ainsi que des sans-abris du centre ville. Ceci, d’après la municipalité, va permettre aux quartiers qui subissent la dégradation, de devenir
plus accueillants et sûrs et prêts à attirer l’implantation d’ une nouvelle population ainsi que des entreprises. Notamment les problématiques qui se posent pour la municipalité sont les suivantes: “Le fonctionnement des maisons closes illégales dans le centre historique d’Athènes reste un
des plus grands problèmes pour la municipalité d’Athènes. Dans ces maisons closes il y a des personnes qui travaillent illégalement, de plus l’absence de mesures de précaution et de contrôle
sanitaire provoquent fréquemment des maladies infectieuses. L’expansion des maisons closes
illégales dans les quartiers du centre historique, et principalement à Metaxourgio, traumatise les voisinages, elles attirent l’accumulation de personnes qui effectuent des activités illégales et
réduisent les valeurs immobilières. Par conséquent, un grand nombre des quartiers importants du centre historique sont affectés négativement dans le cadre du marché immobilier” (138)
“L’abandon graduel du centre-ville de la part des habitants ainsi que de celle des entreprises
du secteur public et leur implantation aux banlieues a conduit à la modification brutale des pro-
grammes urbains du centre historique et d’autres quartiers de la ville et à l’occupation de grande
partie du centre ville par des “éléments marginaux” et des immigrants, surtout illégaux, dont le degré d’intégration est faible. Simultanément, la dégradation de la réserve bâtie à travers l’augmentation des espaces vides et des bâtiments abandonnés a conduit à la dégradation globale
du paysage urbain et des fonctions de la ville. Aujourd’hui, des quartiers entiers remarquables qui forment des parcours urbains importants sont marqués par la dégradation et l’appauvrisse-
ment. Ce fait, en combinaison avec l’augmentation de la criminalité, du nombre des chômeurs, des sans-abris et des immigrants a conduit à la “ghettoïsation” de ces quartiers et à la détériora-
tion de leur l’identité sociale et culturelle. La plupart des problèmes qui ont été décris ci-dessus
sont liés avec la présence hors échelle des étrangers qui sont principalement illégaux.” (139) Les mesures qui sont annoncées pour la confrontation de l’ensemble des activités illégales sont diverses. Dans le cas de la prostitution, le nouveau plan propose l’étude des critères et des
138. Αction n.2, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 14-15 139. Αction n.4, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 18-19
conditions qui permettent l’implantation des maisons closes. Cette étude va s’ef-
fectuer en collaboration avec des organisations sociales, des entrepreneurs, des représentants de la filière immobilière et des syndicats de propriétaires. De plus, la
municipalité va examiner la possibilité de création d’une proposition selon laquelle un endroit spécifique du centre-ville sera sélectionné pour accueillir l’ensemble des maisons closes légales, ou autrement, un “red-light district”. Enfin, elle propose le renforcement de la loi qui va permettre la fermeture des maisons closes illégales.
Le cas de la criminalité qui est liée avec la récence des immigrants illégaux se re-
trouve face à des mesures plus radicales. Le plan propose initialement l’étude, en collaboration avec des ONG et des universités, des raisons pour lesquelles les immigrants illégaux se concentrent dans des quartiers spécifiques du centre ville. Cela va permettre dans un deuxième temps de mettre en place un système
d’enregistrement et d’identification des immigrants à travers des services sociaux d’alimentation, d’hébergement et de recherche de travail provisoire.
La municipalité va aussi examiner la proposition d’enlèvement des espaces d’accu-
eil, de soin et d’alimentation de sans-abris du centre ville. Elle va ensuite, étudier la
possibilité de création de nouveaux critères d’implantation de ces espaces ainsi que des espaces de réception et de détention des immigrants. Les espaces de détention
vont permettre aux autorités de trier les immigrants et de définir qui a la possibilité de rester et qui doit être expulser. L’ensemble des espaces qui ont été présentés
ci-dessus vont dans un deuxième temps s’implanter dans la périphérie de la ville ce qui va empêcher l’expansion des groupes socialement faibles à l’intérieur du centre-ville et par conséquent l’illégalité.
Finalement, en ce qui concerne la confrontation de l’ensemble des problématiques liées à l’illégalité, le nouveau plan souligne l’importance du rôle du contrôle. Plus pré-
cisément, il propose le renforcement des patrouilles de police ainsi que la création
de groupes pluridisciplinaires composés par la police, le bureau fiscal, les services sanitaires, la municipalité, la région et des procureurs. Cela va permettre la mise en
place d’un cadre de contrôle intensif et sévère qui va avoir la possibilité de résoudre immédiatement, en contournant la bureaucratie, les problématiques liées à l’illégalité. Effectivement, l’annonce de Human Rights Watch de 2015 démontre l’échelle du ren-
forcement des mesures policières face aux groupes sociaux les plus faibles d’Athènes
en procédant par la suite à l’accusation des pratiques policières qui ont été mises en place à partir de juillet de 2014. Plus spécifiquement l’annonce de HRW explique la situation suivante. (140)
140. Hatzistefanou Aris, HRW: La police cible des sans-abris, toxicomanes
et
prostitués,
6 mai 2015, disponible sur http://info-war.gr/2015/05/hrw%CE%B7-%CE%B5%CE%BB%CE%B1....
144 | 145 “La police arrête des personnes aux rues du centre-ville, des sans abri, des toxi-
comanes et des prostituées pendant qu’ils marchent, attendent le bus ou visitent
un centre d’accueil dans le but de manger ou de prendre une douche, pour les contrôler, en procédant par la suite à leur détention. La police a aussi arrêté des per-
sonnes qui participent à des actions dans la rue comme dans le cas d’un chercheur
de Human Rights Watch qui effectué son étude de terrain avec son équipe et qui ont été arrêtés dans la rue par la police en subissant un contrôle corporel.”
Selon HRW, dans les cadres de l’opération policière “Thiseas” qui a commencé en juillet
de 2014, la police a effectué 42.452 arrestations et détentions provisoires dans une période de cinq mois dans le centre ville d’Athènes. Parmi ces arrestations uniquement le 1,5% a conduit à une arrestation officielle pour des crimes qui ont été commis. Ce grand
déséquilibre probablement conduit au constat que la police effectue une tactique discriminatoire face à des personnes selon des caractéristiques sociales et physiques.
Malgré l’élection du nouveau gouvernement de gauche en janvier de 2015, qui an-
nonçait la fin des opérations policières abusives qui conduisaient aux arrestations massives d’immigrants à Athènes, la situation n’a pas beaucoup changé. Pendant le mois d’avril la police de la ville a annoncé son nouveau plan qui propose des opéra-
tions ciblées envers des personnes suspectes soi-disant liées au commerce illégal, à I84.
Sans-abris
au
cen-
tre d’Athènes, source: HRW, https://www.youtube.com/ watch?t=114&v=wrAABybrgiU
I84
l’utilisation de drogues et à la mendicité ainsi que des prostituées, même si leur activ-
ité n’est pas illégale. Ce nouveau plan, selon HRW, crée de l’inquiétude d’une part à cause de l’absence d’une politique sociale, d’une autre part parce que les pratiques abusives et violentes de la police peuvent continuer et se renforcer.
Nous observons que la logique du nouveau plan d’urbanisme met en place et propose
une série de mesures qui sont très intéressantes. D’abord la municipalité adopte la
notion du “ghetto” qui a été beaucoup employée par la presse avant 2014. Avec cette notion elle décrit l’ensemble des problématiques liées à l’illégalité en effectuant une généralisation sociale qui se base sur les caractéristiques des personnes. Autrement
dit, la prostitution, les drogues, les sans abri et les immigrants font partie d’une seule problématique puisqu’elle conduit de façon générale à la dégradation du centre ville.
Cette approche, d’une part ne permet pas une identification de façon individuelle des caractéristiques sociales et des problématiques liées à chaque groupe. D’une autre
part, elle remplace les problématiques sociales et donc politiques qui se posent, par une problématique spatiale, celle de la dégradation, qui est liée avec l’image de la ville et les valeurs immobilières.
Nous observons, plus particulièrement, que dans un premier temps la mairie, à
l’aide de la force policière, identifie et opprime l’ensemble des groupes sociaux qui effectuent la “ghettoïsation” des quartiers centraux de la ville. Les stratégies abusives de la police s’accélèrent pendant 2014 et continuent jusqu’à présent en provoquant
du malaise social aux individus qui les subissent. En même temps les études sociales de la municipalité qui allaient se centrer sur l’identification des immigrants et d’autres
groupes à l’aide des ONG n’avancent pas. Au contraire, la police prend le rôle de
l’identificateur et les ONG subissent les pratiques policières comme dans le cas de HRW.
Dans un deuxième temps, le plan d’urbanisme propose deux mesures à long terme très importantes. La première est le déplacement des services qui s’adressent aux groupes sociaux les plus vulnérables, ainsi que la création de centres de détention
et d’accueil pour les immigrants dans la périphérie de la ville. Il faut aussi remarquer que selon la presse postérieure à 2014, l’implantation des services sociaux et de réhabilitation au centre ville, était la cause de la concentration des activités illégales qui ont conduit éventuellement à la dégradation de la ville. Ce déplacement spatial
des services sociaux et des espaces de détention vers la périphérie de la ville nous montre la volonté de la municipalité de supprimer la présence des groupes sociaux plus fragiles au centre-ville, de faire disparaître le “ghetto” pour améliorer l’image ur-
baine et pour augmenter les valeurs immobiliers, au lieu de proposer des solutions politiques qui correspondent aux problématiques sociales.
La deuxième mesure proposée à long terme est celle de la consolidation d’une zone
d’activités légales liée à la prostitution. La problématique que cette mesure pose
est très importante. La municipalité considère la légalisation de la prostitution et sa concentration dans un espace urbain délimité comme une ressource économique.
146 | 147 Cet espace va développer éventuellement des caractéristiques qui lui seront propres
et il va potentiellement devenir l’équivalent du “red light district” d’Athènes. Cette vision de la ville coïncide avec la vision de l’entreprise de Oliaros qui demande soit
la disparition de la prostitution de Metaxourgio soit sa légalisation et la création d’un quartier de prostitution qui correspond aux standards européens. Nous constatons, par conséquent, que la problématique autour de la prostitution ne se pose pas au
sujet de si elle doit être légale ou illégale, mais au contraire, elle se pose sur si elle peux générer du profit économique ou pas.
Nous constatons finalement que le quartier de Metaxourgio peut subir ou subit les
mesures qui ont été annoncées par le nouveau plan d’urbanisme. Cela nous conduit à comprendre que la pression qui a été effectuée par les acteurs économiques ma-
jeurs du quartier envers les autorités de la ville pour la confrontation de l’illégalité et de la dégradation a été consolidée initialement par le nouveau plan d’urbanisme et par la suite par un nombre de mesures de contrôle et d’oppression qui ont été mises
en place par la police de la ville. Il parait dans ce cas que la conflictualité entre ces
acteurs et l’hétérotopie du quartier va conduire à la disparition progressive de la deuxième. Nous constatons, par conséquent, que l’entreprise Oliaros, le commerce
chinois et d’autres entreprises vont pouvoir établir leur propre espace sûr d’activités économiques sans interférer avec l’espace hétérotope.
3.3.2 La recherche d’une nouvelle identité urbaine - vers la privatisation de l’urbanisme
Le nouveau plan d’urbanisme part du constat que l’identité actuelle de la ville est très
faible car elle se base sur le passé. En même temps, la criminalité et la dégradation ont conduit à la création d’une image négative qui empêche la ville d’être attractive face à sa propre population ainsi que face au tourisme. Pour répondre à ces prob-
lématiques le plan propose principalement le renforcement de l’entrepreneuriat, de la créativité culturelle ainsi que la rénovation des espaces publics et des points repères
de la ville. Nous observons qu’un certain nombre des mesures qui se proposent af-
fectent directement le quartier de Metaxourgio et par conséquent nous allons essayer
de les présenter en détail. Ces mesures sont directement liées avec les grands ac-
teurs économiques du quartier et surtout avec l’entreprise Oliaros. L’analyse à son
tour va nous permettre d’identifier comment se consolide le rôle de l’entreprise et ce qu’il signifie pour le développement urbain du quartier.
Le plan présente un nombre de problématiques qui sont en relation avec le quartier
de Metaxourgio et dont la facilitation et solution peut conduire à la transformation de
l’identité du quartier. Ces problématiques ont principalement un rapport avec l’art, la culture, l’entrepreneuriat et l’espace public. Le plan présente notamment les problématiques suivantes.
“ le renforcement et la diffusion de l’art au milieu de l’espace public peut servir comme
un levier d’amélioration de la familiarisation perceptive avec l’espace de la ville, étant
un motif d’interaction ainsi qu’un mécanisme d’attraction des visiteurs qui a comme objectif le renforcement de l’utilisation de l’espace public” (141)
“ Le secteur créatif de la ville d’Athènes est particulièrement dynamique (théâtres, groupes artistiques, musique, design, graffiti) et il fonctionne sans un financement public. Il faut, par conséquent, encourager des actions de soutien pour renforcer la scène artistique ainsi que les initiatives citoyennes.” (142)
“Nous constatons que beaucoup d’artistes jeunes, qui s’orientent vers la filière plas-
tique et numérique, ont besoin de a) espaces et b) de la proximité entre eux afin qu’ils puissent développer leur œuvre (cross-fertilization) et créer une dynamique d’interaction et de collectivisme qui va leur permettre de devenir professionnellement plus ef-
ficaces. Nous constatons aussi que beaucoup d’artistes ne savent pas suffisamment encore comment promouvoir dans le marché leurs produits” (143)
141. Αction n.22, Plan d’intervention
urbaine
globale
du centre d’Athènes (SOAP), avril
2014,
Μunicipalité
d’Athènes, Service de Plans Régulateurs,
pages
56-59
142. Αction n.5, Plan d’intervention
urbaine
centre
d’Athènes
avril
2014,
globale
du
(SOAP),
Μunicipalité
d’Athènes, Service de Plans Régulateurs,
pages
20-22
143. Αction n.14, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 40-41
148 | 149 144. KM Public Murals, disponible sur http://www.oliaros. com/kerameikos-metaxourgeio/ process/#MURALS
Nous observons qu’un grand nombre de mesures qui ont été proposées par la
suite se basent sur le quartier de Metaxourgio. Plus spécifiquement la municipalité
propose la mise en place d’une identité urbaine qui se lie avec l’art, la créativité et l’entrepreneuriat. Cette identité va se développer d’une part dans l’espace public du quartier, ce qui va le transformer en un point repère dans le centre ville, et d’une autre part à travers des projets privés qui vont attirer l’installation d’activités professionnelles en relation avec l’art.
Quant à la modification de l’identité de l’espace public du quartier le plan propose
initialement la mise en valeur des pignons des immeubles qui vont servir comme
une toile pour l’expression artistique. Cette intervention va se combiner avec la mise en place de sculptures contemporaines dans l’espace public du quartier. Nous observons aussi que la première mesure correspond au projet “Public Murals” proposé par Oliaros en 2009. L’entreprise, plus spécifiquement, avait invité des artistes pour proposer des fresques qui allaient remplir les pignons vides des immeu-
bles des années 1960-1970. Cette intervention avait comme objectif la transformation des pignons en une galerie de fresques publique et en plein air. (144) Ensuite, le plan
propose la mise en place d’activités dans l’espace public qui sont liées au théâtre
de la rue, au Street Art, au graffiti et à la musique, ce qui va permettre l’animation du quartier. L’ensemble de ces mesures en combinaison avec les festivals du quartier
vont conduire, dans un deuxième temps, au développement d’un tourisme spécialisé sur les événements culturels et l’art.
I 85,86
I85
Projets de pignons prévu par Oliaros, source: http://www.oliaros. com/kerameikos-metaxourgeio/ process/#MURALS
I85
I86
Le plan propose aussi la création d’un noyau d’entrepreneuriat (cluster) qui va incorporer des
programmes qui sont liés à l’art et la culture ainsi qu’un marché spécialisé en plein air qui va avoir comme objectif la promotion de produits “créatifs” grecs et internationaux. Le projet du
noyau d’entrepreneuriat vise à mettre en valeur la production artistique de jeunes artistes afin de développer des activités commerciales. Pour arriver à cet objectif il propose la création d’une “couveuse” de 30 à 50 entreprises et d’ateliers dans les années à venir. Nous apercevons, par
conséquent, qu’il existe des grandes similarités avec le projet qui a été proposé par Oliaros pour
recevoir le financement européen. Malgré tout, quels sont les liens entre le plan d’urbanisme et l’entreprise?
La réponse survient lors de la réunion du 16 avril 2013 entre le maire et l’entreprise.(145) Cette
réunion marque la consolidation des rapports entre l’entreprise et la municipalité de la ville puisqu’elle inclut le projet d’investissement de l’entreprise au programme d’investissement de JESSICA. Plusieurs organes politiques et économiques étaient présents et plus spécifiquement
des représentants du Ministère de Culture, du ministère de Protection du Citoyen, du ministère
d’Environnement, du Service Archéologique et de la Banque Nationale. Par rapport au projet proposé par Oliaros, le maire et le ministre de Transports et d’infrastructures ont fait les déclarations suivantes:
“Nous avons eu l’occasion aujourd’hui, ici au ministère de Développement, de nous retrouver
entre nous tous les organes politiques, pour discuter sur cette initiative privée d’investissement
très importante qui va se réaliser au sein des quartiers de Metaxourgio et de Keramikos. La municipalité a déjà inclu l’ouvrage au programme JESSICA, et indépendamment elle l’a intégré au
programme de financement européen (ΕΣΠΑ), qui peut fournir 7 millions euros. Pour ces quartiers, il est prévu de construire une crèche et une piste de piétons “verte” (rue de Keramikou), la rénovation de la place Avdi et l’éclairage de tout le quartier avec des lampes d’une haute technologie”
Kaminis Giorgos, maire
“Aujourd’hui nous avons effectué un débat très large. Le maire d’Athènes y a participé ainsi que
des représentants des ministères concernés. Le sujet de la réunion était un projet important pour Athènes. Le projet pour la rénovation urbaine du quartier de Metaxourgio-Keramikos. Ce projet privé, prévoit parmi d’autres choses, la construction et reconversion de trente bâtiments, la
construction de résidences étudiantes et spécialisées, ainsi que l’accueil d’entreprises de nou-
velles technologies. C’est un projet avec un budget de 70 millions euros qui il sera financé par le
programme JESSICA et soutenu par le ministère de Développement à travers l’application d’un processus rapide d’octroi de licences (fast-track)”
Mitarakis Notis, ministre de Transports et d’infrastructures
145. Communiqué de presse, Reunion de N. Mitarakis et G. Kaminis sur le sujet des plans d’investissement à Keramikos-Metaxourgio, 16 avril 2013, disponible sur https://www.cityofathens.gr/node/21613
150 | 151 La consolidation de l’acteur privé va venir s’établir à travers le plan d’urbanisme de 2014. Un plan qui accepte et qui valide le financement européenne pour l’ensemble des propositions de Oliaros. D’une part il soutient les interventions dans l’espace public en intégrant les projets de la rue de Salaminos et de Keramikou, des fresques et du marché en plein air, et d’une autre part
en intégrant l’ensemble des projets privés immobiliers de l’entreprise qui visent à la création d’un pole créatif d’entrepreneuriat. Plus de 70 millions d’euros seront fournit à Oliaros à travers la mu-
nicipalité pour reconfigurer l’espace urbain et les usages du quartier en ayant comme objectif la “création d’un nouveau écosystème qui va donner naissance au noyau de la nouvelle économie grecque”. (146) Cette logique nous permet de faire une série de remarques qui se centrent sur
nos premières hypothèses ainsi que sur la dynamique de la politique d’urbanisme qui commence à se transformer.
D’abord, nous constatons qu’à travers la mise en place de la stratégie de Oliaros depuis 2009,
les équilibres des rapports avec les autorités de la ville ont été modifiés, ce qui a conduit à la
consolidation de l’entreprise comme l’acteur primaire pour la transformation future du quartier. Oliaros obtient officiellement le droit de reconfigurer Metaxourgio, sa qualité programmatique et
son espace public selon ses propres projets et visions et d’établir une nouvelle identité urbaine. La liberté de l’entreprise est renforcée, de plus, par la mise en place d’un processus “fast-track”.
Cela permet le développement de l’ensemble des projets du quartier, y compris ceux qui ont un caractère public, en contournant la bureaucratie et les systèmes de concours dans une temporalité courte.
La réalisation rapide de l’ensemble des projets nous amène à comprendre qu’un urbanisme com-
mercial se met en place. Plus spécifiquement, selon le programme d’investissement JESSICA, les nouvelles infrastructures qui vont être construites doivent produire du surplus pour que le récep-
teur de l’investissement puisse rembourser partiellement les deux banques qui le fournissent. Cela veut dire que l’urbanisme doit se transformer en une source de profit qui répond principalement aux besoins du marché plutôt qu’aux besoins sociaux. Il s’agit d’un urbanisme d’optimisation
économique qui vise à créer les infrastructures qui vont accélérer et renforcer l’économie urbaine. Ensuite, nous constatons que le pouvoir de la politique d’urbanisme passe dans le cas de Meta-
xourgio à un acteur privé. Oliaros, commence à avoir le droit de faire sa propre politique dans le
quartier ce qui va conduire à long terme à l’émergence d’un espace urbain où les prix immobiliers ainsi que la composition sociale vont être réglés en grande mesure par l’entreprise. Il s’agit d’une
logique qui s’inscrit dans les cadres du Néolibéralisme et qui, selon Harvey, peut être décrite comme la prise de contrôle politique et urbain par le capital privé. (147) Cette logique se renforce
146. Hemikoglou Ahileas, “Tirage au sort” de 100 millions euros pour Keramikos-Metaxourgio, 23 mars 2013, disponible sur http://www. tovima.gr/finance/article/?aid=503946 147. Harvey David, (2012), Rebel Cities: from the right to the city to the urban revolution, New York, Verso
encore plus par l’ensemble des grands acteurs économiques qui se situent à Metaxourgio. Le commerce chinois ainsi que d’autres entrepreneurs influencent, comme nous avons déjà ob-
servé, les autorités de la ville et à leur tour ils désirent un quartier sûr et rénové qui facilite le développement de leurs activités économiques. De plus le nouveau plan d’urbanisme propose le renforcement du commerce de gros par son financement ainsi qu’il modifie les usages du sol
pour permettre le fonctionnement des théâtres et d’autres espaces de concentration de public qui fonctionnaient jusqu’à présent avec des permis provisoires. Tous ces éléments nous conduisent au constat que la municipalité a transformé l’ensemble des besoins et les intérêts privés en mesures qui forment le nouveau plan d’urbanisme.
L’économie urbaine pouvant générer du profit économique et la transformation spatiale s’impo-
sent par conséquent aux différentes problématiques sociales qui existent et elles les effacent
en établissant leur propre contrôle politique et spatial. Cette nouvelle approche, pour le cas d’Athènes nous conduit à une remarque historique importante. Nous observons, de fait, qu’une
nouvelle politique d’urbanisme qui en utilisant la politique préexistante crée une rupture avec le passé et elle se consolide. Plus spécifiquement nous constatons, que les acteurs, en s’inscrivant
au “vide politique”, à l’absence d’une politique d’urbanisme, et en s’opposant à la dégradation du quartier, arrivent à influencer les décisions des autorités de la ville pour créer leur propre espace d’activités.
Le basculement du pouvoir politique vers le secteur privé s’accélère, de plus, dans le contexte de la crise économique qui a commencé en 2010. En effet, nous observons que dans les cadres
des mémorandums que les gouvernements grecs ont signé, une grande partie des propriétés publiques sont passées aux mains des grandes entreprises grecques et étrangères. Des contrats de privatisation ont été signés ou sont en cours d’être signés, concernant les aéroports, l’énergie,
les moyens de transport et l’eau. (148) Cette logique de privatisation du secteur public coïncide
aussi avec la nouvelle politique de production spatiale. Un certain nombre de plans régulateurs comme celui d’Athènes, à l’échelle d’urbanisme, ainsi que celui de la Crète, à l’échelle territoriale
à travers des pratiques de financement rapide, fast track, et de contournement de la bureaucratie,
donne au secteur privé la possibilité de dessiner, de décider et de mettre en œuvre ses propres projets. Ils offrent le contrôle de la production spatiale.
Cette série d’éléments conduit, enfin, dans le cas d’Athènes, à un nouveau plan régulateur d’urbanisme qui, à travers le commissionnement de Oliaros pour la transformation du quartier, pos-
sède des caractéristiques très différentes de ceux des plans précédents. Cela veut dire qu’il ne
s’arrête pas à la consolidation et l’établissement de ce qui a été déjà fait, mais il propose aussi l’évolution future du quartier et le renforcement de l’ensemble des grands entrepreneurs. Une
évolution qui vise à la modification de l’identité du quartier et qui se base sur les intérêts et les visions du capital privé.
148. Hatzistefanou Aris, (2011), Debtocracy (documantaire), disponible sur http://info-war.gr/2011/04/debtocracy/
152 | 153
3.3.3 Vers la commercialisation du patrimoine
Une série des mesures proposées par le nouveau plan directeur de la municipalité concernent la réserve de bâtiments abandonnés y compris les bâtiments patrimoniaux qui subissent les dégâts
provoqués par le temps. Pour la municipalité ils constituent une grande problématique car ils contribuent à la dégradation du centre ville. Presque le 20% du tissu bâti du quartier de Metaxourgio est composé par des bâtiments abandonnés qui datent principalement du début du 20e
siècle. A cause de cette forte présence il nous parait important d’analyser les mesures qui ont été proposées. Avant tout nous allons voir les problématiques qui se posent pour la municipalité de la ville.
“L’incapacité de rénovation et par conséquent la dégradation de la réserve bâtie du centre ville d’Athènes ont conduit à la sortie progressive de son ancienne population ainsi qu’à son délaisse-
ment. Selon une étude de repérage récente, les bâtiments abandonnés du centre ville dépassent les 400, dans lesquels habitent des immigrants et des toxicomanes. En même temps des monuments historiques du centre-ville d’Athènes subissent des dégâts sévères à cause de l’incapacité
économique de leurs propriétaires mais aussi à cause de la complexité propriétaire qui rend diffi-
cile la gestion de la propriété. La grande accumulation de personnes dans des bâtiments à moitié délabrés et insalubres, qui ne sont ni connectés au réseau de distribution d’eau ni au système
d’égouts, crée des noyaux urbains insalubres qui mettent en danger direct la santé de millions de résidents de la capitale” (149)
“Les bâtiments à préserver, qui constituent une grande partie du patrimoine culturel du pays,
sont protégés par les clauses de l’article 24. (…) le problème le plus important qui se pose après l’examen et l’application du cadre institutionnel est le fardeau sur la propriété individuelle à cause
des frais de maintenance et de réparation du bâtiment à préserver. Ce problème se génère dans plusieurs cas lors de la déclaration, non seulement d’un bâtiment ou d’une enveloppe comme patrimoine à préserver, mais aussi de son programme, ce qui crée un engagement négatif pour la
mise en valeur de la propriété, surtout quand l’ancien programme ne correspond plus à la réalité urbaine actuelle” (150)
L’ensemble des actions 31, 32 et 33 illustrent certaines des mesures que la municipalité doit prendre pour confronter la dégradation de la réserve des bâtiments abandonnés ainsi que
149. Αction n.31, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 74-75 150. Αction n.33, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 78-79
pour améliorer l’espace public et le cadre patrimonial. Notamment dans le cas de bâtiments abandonnés le plan propose deux solutions. La première fait référence à
l’implication de l’état et de la municipalité. Elle propose le repérage de l’ensemble des bâtiments abandonnés qui peuvent être expropriés par les deux organes ainsi
que la mise en place d’un système alternatif de remboursements aux propriétaires. Il
s’agit d’un système qui peut effectuer des échanges foncières au lieu de fournir des remboursements en argent. L’expropriation vise à accumuler des bâtiments centraux en mauvais état et les démolir afin que la municipalité puisse créer de l’espace public.
La deuxième solution que le plan propose s’adresse aux propriétaires des bâtiments abandonnés. En effet, elle a pour but de créer un cadre de mesures d’incitation pour
faciliter la maintenance et la rénovation des anciens bâtiments. Ces mesures peuvent être économiques sous la forme d’un programme d’investissement comme celui de JESSICA. Cela engage les intéressés de développer un programme économique dans leur bâtiment qui puisse apporter rapidement du profit pour rembourser les créan-
ciers. Les mesures peuvent être aussi indirectement économiques. La municipalité
va examiner la possibilité de déplacement du coefficient d’occupation du sol dans le cas des bâtiments qui n’occupent pas la totalité de la surface constructible. Cette
mesure va permettre aux propriétaires d’utiliser les coefficients d’occupation restants et les ajouter à la construction d’un autre bâtiment ou les vendre à un autre intéressé. Dans le cas de la vente ils peuvent utiliser le surplus à la rénovation et maintenance
de leur propriété initiale. Même si cette mesure a déjà existé au préalable en Grèce, elle demeure très complexe et son application pose un grand nombre de problèmes.
Le plan propose aussi la modification du cadre législatif au sujet des règles et des contrôles sanitaires de l’espace bâti en ayant comme objectif leur durcissement. Plus
spécifiquement il vise à imposer des sanctions pénales et administratives dans le cas
des bâtiments qui ne respectent pas les régulations sanitaires et qui peuvent devenir un danger pour la santé publique. Cette modification du cadre législatif oblige les propriétaires qui ont délaissé leurs bâtiments à intervenir à travers la rénovation ou le blocage des points d’accès, comme nous avons déjà vu dans le cas de Metaxourgio,
pour éviter le squat ou l’accumulation de poubelles, éléments qui empirent, selon le plan, les conditions sanitaires.
Dans le cas de bâtiments patrimoniaux et délaissés le plan propose trois types de me-
sures qui concernent le niveau de dégradation et les acteurs intéressés. La première
mesure concerne les propriétaires et elle propose un cadre de mesures d’incitation pour faciliter la maintenance et la rénovation des leurs bâtiments. Plus spécifique-
ment, il propose dans un premier temps la mise à disposition de programmes de
financement comme celui de JESSICA. La mise en place de ce type d’investissement,
154 | 155 malgré tout, pose les mêmes problématiques que dans le cas des bâtiments qui ne
sont pas classés. Une autre aide, au contraire, qui peut être plus utile pour l’ensemble des propriétaires est la mise à disposition de réductions fiscales. Ce qui veut dire qu’un propriétaire dans le cas de mise en œvre des travaux de rénovation aura la possibilité de ne pas payer les taxes foncières. Dans le cas contraire, donc quand les travaux n’avancent pas, l’avantage fiscal s’arrêtera.
Le deux mesures suivantes concernent la position de la municipalité face aux bâtiments classés. Plus spécifiquement, dans le cas qu’un bâtiment en mauvais état et
qui peut potentiellement devenir un danger à cause de son écroulement, la muni-
cipalité va avoir la possibilité de contourner les propriétaires à cause de l’urgence, et de le réhabiliter temporairement à l’aide d’échafaudages ou le démolir. Jusqu’à présent, la réhabilitation d’urgence reste une action très rare à cause de son cout.
Contrairement, la plupart du temps, les autorités des villes en Grèce décident de
procéder à la démolition sauf s’il s’agit d’un bâtiment qui appartient au secteur public. La dernière mesure est en relation avec les expropriations. La municipalité exam-
ine la possibilité d’exproprier une série de bâtiments qui se situent dans des zones urbaines spécifiques. Cette mesure vise à la rénovation des ces bâtiments et à la
création de zones urbaines d’un “caractère patrimonial et d’intérêt historique”. Ces zones seront surtout délimitées le long des parcours historiques et archéologiques.
Finalement, le plan propose l’examen et éventuellement la correction des cadres
institutionnels qui définissent les critères de classification d’un bâtiment comme “patrimoine à préserver” et comme “monument moderne”. Cette mesure vise à fusion-
ner les deux statuts et à faciliter les processus bureaucratiques. Un problème à long
terme se pose ici et il s’agit du fait qu’une fusion probable peut modifier les critères
de classification pour les deux statuts. Dans ce cas, un nombre de bâtiments qui ne correspondent plus aux nouveaux critères vont se déclassifier et par conséquent ils
peuvent potentiellement être démolis. Le plan propose enfin le réexamen de la pos-
sibilité d’annulation du classement patrimonial du programme des anciens bâtiments pour donner la possibilité d’implantation de nouveaux usages qui correspondent aux besoins actuels de leurs propriétaires.
L’ensemble de ces mesures nous permet d’arriver à une série de constats. Tout d’abord, même si ces mesures visent à la création d’un cadre d’incitation, elles ne correspondent pas à la capacité économique de la majorité des propriétaires ainsi
qu’à la complexité propriétaire des bâtiments. D’une part, les financements comme
celui de JESSICA exigent une planification économique très élaborée qui pose des difficultés d’application pour une population qui n’a pas suffisamment de ressources.
D’une autre part, les aides fiscales concernant les taxes foncières n’enlèvent pas non
I87
I87.
Bâtiment abandonné et
classé à la rue Germanikou
plus le fait que les propriétaires n’aient pas les moyens économiques, et que le cout d’une rénovation reste très élevé, surtout pendant la période d’une crise économique.
Par conséquent, il est très probable que le délaissement d’une grande partie de la réserve des bâtiments abandonnés et classés se poursuive.
Dans ce cas, si les propriétaires subissent des sanctions pénales ils décideront de
vendre leurs propriétés à des intéressés. Dans le cas contraire, les bâtiments vont
continuer à s’abimer même s’il respectent les règles sanitaires et à partir du moment qu’ils commenceront à supposer un danger pour la sécurité, ils seront démolis par la
municipalité et par la suite vendus comme des parcelles vides. Dans tous les cas, le plan d’urbanisme ne prévoit pas la mise en place de mesures d’incitation pour les propriétaires aux ressources économiques faibles. Cette logique va produire inévitable-
ment l’accumulation de bâtiments classés, abandonnés et des friches dans les mains
de la municipalité en cas d’expropriation, et dans les mains des intéressés privés qui vont avoir la capacité économique de réhabiliter ou de construire à nouveau.
Un deuxième constat, qui découle du premier est celui de la logique de la commer-
cialisation du patrimoine. Plus précisément, le fait que la seule possibilité de percevoir un financement pour la réhabilitation d’un bâtiment abandonné ou classé est celle
qui s’offre à travers des programmes comme JESSICA, montre que la mise en place d’un programme commercial et économiquement soutenable est nécessaire. Cela veut dire, autrement, qu’un grand nombre des nouveaux propriétaires qui vont appa-
raître vont implanter des programmes qui correspondent aux besoins de l’économie urbaine. Cette logique, dans tous les cas ne facilite pas les achats immobiliers par
156 | 157 151. Portaliou Eleni, L’aliénation de l’espace de la ville et la crise de la mémoire collective, OUTOPIA, nº 23, janvier-février 1997, pages 31-36 152. Landry Charles, (2000), The Creative City: A Toolkit for Urban Innovators, London, Earthscan Ltd.
des individus qui veulent habiter au centre ville, mais plutôt les grands entrepreneurs
avec un plan élaboré et avec la capacité d’investir dans les anciennes enveloppes. Le cas de Metaxourgio montre assez clairement cette logique à travers l’entreprise Oliaros qui est un grand entrepreneur immobilier qui a, à sa disposition, à priori des
bâtiments classés. Cet exemple nous permet de comprendre l’échelle d’élaboration et de capacité économique qui se met en place et qui permet la réalisation d’investissements immobiliers. La logique qui se met en place est résumée dans l’obser-
vation de Eleni Portaliou qui expliquait que l’histoire subit une commercialisation qui “s’adresse aux groupes sociaux de consommateurs privilégiés”. (151)
L’ensemble des mesures qui concernent les bâtiments abandonnés et classés
concrétisent le premier objectif de la municipalité qui est centré sur la génération
d’une ville accueillante pour ses habitants et aussi pour le tourisme. L’ancien espace
bâti devient l’outil et la victime de cet objectif, d’une part parce qu’il devient l’espace qui va accueillir de nouveaux usages commerciales, et d’une autre part parce que dans le cas de ne pas pouvoir être rénové pour des raisons économiques, il va dis-
paraître. Cette logique de commercialisation qui vise l’embellissement de l’espace bâti historique nous renvoie au concept de “Villes Créatives” de Charles Landry.
“L’espace historique de la ville est quantifié et consommé ainsi que le passé de la ville (…) est utilisé comme une mesure économique qui doit être calculé, valorisé et
commercialisé. Dans les cas des villes créatives le patrimoine culturel, les centres historiques, (…), connectent le désir de la ville à son passé avec des énormes in-
justices socio-politiques. Il n’est pas surprenant que les villes créatives conduisent presque toujours à la gentrification (…). Dans ce cas, la mémoire de la ville, le patrimoine culturel sont utilisés comme des outils de spéculation économique, de gentri-
fication, de normalisation, de dépolitisation et de stérilisation de l’espace physique et social de la ville.” (152)
Dans le cas d’Athènes le patrimoine qui a été traditionnellement commercialisé était lié avec l’antiquité. Cette approche a conduit à la naissance du centre historique de
la ville et à des zones touristiques juxtaposées aux monuments antiques comme celui de l’Acropole. Elle a conduit aussi à la création du projet de l’unification des espaces archéologiques, un parcours historique, qui allait s’étendre au delà des limites actuelles des zones touristiques en traversant des quartiers comme Metaxourgio.
Par conséquent, nous observons que dans notre quartier d’étude il y a deux cas
patrimoniaux qui se juxtaposent, celui de l’antiquité et celui de la réserve du bâti classé du début du 20e siècle. Dans ce cas, le quartier se transforme en un labo-
ratoire patrimonial qui va mettre en place un nouveau hybride d’économie urbaine
lié au tourisme et à l’entrepreneuriat artistique. Une économie qui modifie l’espace historique actuel en ayant comme objectif de le transformer en une source de capital et donc en une image pittoresque à apprécier et en un produit à vendre.
Enfin, les éléments à fort caractère patrimonial, qui illustrent les deux économies qui vont se mettre en place sont: d’une part l’axe de Iasonons, où nous détectons la majorité des projets commerciaux de Oliaros et d’une autre part l’axe de Salaminos qui
incorpore le parcours archéologique et qui conduit au site archéologique du quartier, le cimetière de Dimosio Sima. Des axes qui vont conduire à la naissance de zones à “caractère patrimonial et d’intérêt historique” et avant tout commerciales.
C28.
Les deux deux zones
économiques potentielles
Sites archéologiques Projets de Oliaros
158 | 159
3.4 Gentrification?
Dans cette dernière partie du troisième chapitre nous allons nous demander, en nous basant sur l’étude déjà effectuée, quelle est la production et la transformation spatiale qui se développe dans le quartier de Metaxourgio. Pouvons-nous parler de la mise en
place, dans les cadres marxistes, d’une “accumulation par dépossession” ou d’une gentrification? Pour que nous puissions répondre à ces questions il va falloir dans un premier temps présenter le cadre théorique de ces notions et par la suite le comparer avec le contexte historique, politique et économique du quartier et de la ville.
Nous ne pouvons pas analyser les transformations du quartier d’une façon statique mais au contraire d’une façon dynamique puisqu’elles se sont mis en place pen-
dant une grande période temporelle et par l’apparition de plusieurs acteurs avec
des intérêts hétérogènes. Par conséquent, il s’agit d’un processus qui met en scène
différentes situations dans l’espace du quartier qui produise comme nous avons déjà expliqué de la confictualité.
3.4.1 La politique de l’urbanisme occidental
Dans le cas des villes industrialisées du 19eme siècle, David Harvey aperçoit un conflit entre les autorités et les classes sociales qui empêchent l’évolution de la vision politique des premières. Ce conflit s’agit de la mise en place d’une violence nécessaire pour “la construction d’un nou-
veau monde urbain sur les ruines de l’ancien”, effectué par la classe économique dominante. Le
cas de l’urbanisme parisien rend visible ce processus. Harvey explique plus spécifiquement que
“Haussmann a démoli les bidonvilles parisiens, en utilisant des forces d’expropriation, au nom du développement civique et de la rénovation. Il a intentionnellement éliminé la classe ouvrière et d’autres éléments indisciplinés du centre ville qui constituaient une menace à l’ordre publique
et au pouvoir politique”. (153) Le conflit dans un contexte capitaliste, par conséquent, se développe entre le pouvoir représenté fondamentalement par une classe économique haute, et par le
gouvernement, et la classe ouvrière qui à son tour occupe des espaces importants d’influence dans la ville.
Harvey a introduit une notion de plus pour décrire d’un point de vue marxiste et économique ce conflit, celle de “l’accumulation par dépossession”. Cette notion est liée avec les hautes valeurs
immobilières que les quartiers du centre ville peuvent potentiellement générer. Les valeurs, au contraire, n’augmentent pas si la réserve foncière du quartier est dégradée. La solution probable est son expropriation qui va permettre la démolition et ensuite son renouvellement. (154) Il s’agit
d’un processus qui a été déjà détecté par Frederick Engels pendant la deuxième moitié du 19e siècle dans les sociétés industrialisées.
“Le développement des grandes villes modernes donne des valeurs colossalement et artificiel-
lement croissantes à la terre dans certaines zones urbaines et plus spécifiquement à celles qui sont situées au centre; les bâtiments qui sont construits dans ces zones font baisser cette valeur
au lieu de l’augmenter, car ils ne correspondent plus au nouveaux standards. Ils sont démolis
et remplacés par d’autres. Cela se déroule principalement dans le cas des maisons ouvrières (donc des classes hétérotopes) situées au centre dont les loyers, même avec le surpeuplement
maximum, ne peuvent jamais, ou très lentement, dépasser un certain prix maximum. Ces bâtiments sont démolis et à leur place apparaissent des commerces, entrepôts et bâtiments publics.” (155)
153. Harvey David, (2011), Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, Paris, Amsterdam 154. Engels Frederick, (1872), Housing Question, disponible sur https://www.marxists.org/archive/marx/works/1872/housing-question/ 155. Harvey David, (2012), Rebel Cities: from thé right to thé city to the urban revolution, New York, Verso
160 | 161 Nous constatons, par conséquent, que les centres des villes ne se transforment pas qu’en des
terrains conflictuels mais qu’il subissent aussi un changement démographique provoqué par la spéculation immobilière. Les classes économiquement plus faibles partent et cèdent éventuelle-
ment leur place à des classes économiquement hautes. Ce phénomène a été détecté aussi par Ruth Glass dans le quartier ouvrier de Islington à Londres. En effet, elle a observé une modifica-
tion du profil social du quartier qui a été générée par l’implantation d’une nouvelle classe moyenne qui a progressivement remplacé la classe ouvrière. La notion qui a été introduite pour décrire ce changement démographique a été celle de la “gentrification”. (156)
La notion de la gentrification comme un processus de transformation urbain et économique a été étudié profondément par Neil Smith. Selon lui, ce type de transformation est lié avec un processus vaste de développement déséquilibré de l’espace urbain causé par le mode de produc-
tion capitaliste de la deuxième moitié du 20e siècle. (157) Contrairement à l’école de Chicago qui décrit la gentrification comme un modèle territoriale statique mis en place par un ensemble
de déplacements et par un zonage urbain qui sépare le centre d’affaires d’une périphérie de
quartiers populaires et une ceinture de banlieues de classe moyenne-haute, Smith observe qu’il s’agit principalement d’un processus dynamique qui se développe au fil du temps.
Il observe, plus spécifiquement que l’extension de la ville vers les banlieues qui a eut lieu au sein
des économies occidentales était un résultat de la recherche de valeurs foncières basses. Le déplacement d’une grande partie de la classe moyenne, qui cherchait à satisfaire ses nouveaux besoins et son nouveau mode de vie, vers les banlieues était lié avec la dégradation que les
centres villes subissaient. La réserve bâtie était ancienne et mal maintenue et les infrastructures de soutien et de maintenance de l’habitat étaient limitées. Par conséquence, les classes popu-
laires étaient celles qui demeuraient dans les centres villes puisqu’ils n’avaient pas les ressources
économiques nécessaires pour suivre le nouveau mode de vie. Les banques, pendant la même époque, ne fournissaient pas facilement des prêts à la population des centres-villes pour la réno-
vation des anciennes enveloppes puisque les risques économiques étaient assez hauts. Cette
situation a conduit progressivement à la réduction des prix immobiliers et à l’accélération de la dégradation de la réserve bâti aux centres villes.
Le déplacement de la classe moyenne et la dégradation des quartiers centraux a conduit à ce
que Smiths appelle “rent gap” ou un écart des prix fonciers, une notion très importante pour déchiffrer le processus de la gentrification. Elle décrit la différence entre la vraie valeur de la terre,
c’est-à-dire, la valeur actuelle de la réserve bâti dégradé, et la valeur qu’elle peut obtenir par son exploitation potentielle. Quand l’écart des prix augmente, donc quand les prix immobiliers du
156. Glass Ruth, (1964), Aspects of Change, in London: Aspects of Change, London, University College, Centre for Urban Studies 157. Smith Neil, (1996), The New Urban Frontier: Gentrification and the Revanchist City, New York, Routledge
centre ville baissent suffisamment, le processus de la gentrification peut commencer puisque les investisseurs achètent des propriétés à des prix bas, ce qui leur permet de construire à nouveau et de vendre en rentabilisant leur investissement.
L’introduction des investisseurs, qui à travers leurs activités génèrent un impact important dans
l’espace urbain, à été décrit par David Harvey comme une prise de contrôle politique et urbain de la part du capital privé dans le cadre du projet néolibéraliste pendant les derniers trente ans. (158)
Cette prise de contrôle se consolide à travers la politique du “fast track” et de la rénovation des quartiers en priorité. Les investisseurs, en contournant la bureaucratie et le système de concours,
réalisent à court terme des aménagements immédiats qui visent à la maximisation du profit. Ces aménagements à leur tour définissent la qualité future et la composition de l’espace urbain.
Tous ces concepts, finalement, nous montrent que la ville inscrit éventuellement dans sa mor-
phologie et ses programmes l’évolution du système politique, ainsi que les conflits spatiaux qui ont lieu entre les différentes classes, le capital et le pouvoir, à travers les concepts de la dégradation, la transformation démographique et la rénovation. Nous observons, de plus, que dans les
cadres historiques du système capitaliste il y a deux différents modes de production de la ville qui expriment l’évolution des rapports entre le capital et le pouvoir politique. Le premier mode de production s’est développé pendant l’époque de l’industrialisation des villes occidentales pendant laquelle il y a une forte opposition entre la classe ouvrière et la classe moyenne haute, une opposi-
tion d’intérêts qui s’inscrit dans la ville et qui se retrouve dans un conflit spatial qui se met en place par la politique du pouvoir central.
Ce processus de production urbaine se modifie après la deuxième guerre mondiale. Les villes
s’étendent vers les banlieues, l’industrie se décentralise, les quartiers anciennement productifs se dégradent et un nouveau mode de production urbaine se met en place. Ce nouveau mode, marqué par la répartition du capital et la création d’un grande classe moyenne, génère une re-
distribution du pouvoir central qui passe aux mains des investisseurs privés. Cette évolution du capitalisme, illustrée par le système néolibéraliste, introduit des nouveaux acteurs privés qui, en
possédant un surplus économique, l’investissent dans la production spatiale. Progressivement ils s’occupent de la construction ou la rénovation de l’espace public et définissent de plus en plus la qualité et l’identité de l’espace urbain.
158. Harvey David, (2011), Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, Paris, Amsterdam
162 | 163
3.4.2 Le cas de Metaxourgio et d’Athènes
L’évolution de la ville d’Athènes ainsi que l’évolution de l’espace urbain de Metaxourgio n’ont pas suivit un plan régulateur d’urbanisme, comme nous avons déjà expliqué dans le premier
chapitre de notre étude. Au contraire ils ont été formés par la mise en place spatiale des besoins
économiques et sociales de la population croissante de la ville. Dans le cas de Metaxourgio, l’industrie et la productivité mélangées avec l’habitat et les services locaux ont occupé progressivement le quartier à la fin du 19e et au début du 20e siècle. La pérennisation des usages pro-
ductifs qui a été naturellement attirée par le quartier à conduit, de plus, à l’émergence d’une partie urbaine ouest productive et populaire qui s’opposait à l’est bourgeois de la ville.
Cette logique peut aussi être expliquée par la notion que nous avons introduit du “vide politique”. Plus spécifiquement, nous avons observé que la municipalité de la ville ainsi que le gouver-
nement, au lieu de proposer des plans régulateurs d’urbanisme qui allaient prévoir l’expansion urbaine et les usages programmatiques des différentes zones, ils consolidaient et établissaient à travers une série de décisions politiques l’espace et les usages déjà produits.
Ce processus urbain a conduit progressivement à la naissance d’un système politique assez particulier qui ne correspond pas au fonctionnement du capitalisme des pays et des villes occi-
dentales. La menace continue de la démolition des constructions illégales ainsi que les pressions
qui s’exerçaient envers les autorités de la ville par des petits ou grands propriétaires fonciers, ont conduit à la création d’un système politique basé sur les “rapports de clientèle”. Ce système permettait d’une part aux propriétaires de modifier les plans d’urbanisme afin qu’ils correspondent à leurs intérêts économiques et d’une autre part au pouvoir central de manipuler politiquement la nouvelle population, économiquement faible, de la ville.
De plus, nous observons que la mise en place d’un conflit entre la classe ouvrière et le pou-
voir central n’a pas été inscrit dans l’espace urbain d’Athènes. Les raisons pour lesquelles ce
conflit n’a pas eut lieu sont diverses. D’abord, Athènes était historiquement peu industrialisée et son économie majeure pivotait autour du commerce et de la construction. Les quartiers ouvriers étaient aussi spatialement découpé des quartiers bourgeois, ce qui mettait à distance les dif-
férents intérêts. Ensuite, la conscience de classe était absente pendant le 19e siècle et elle s’est fondamentalement développée grâce au parti communiste pendant la première moitié du 20e
siècle, une fois que l’industrie lourde était en déclin. La guerre civile et la victoire de la droite ont conduit à l’interdiction et la marginalisation politique et sociale de la classe communiste ouvrière. Par conséquent, après les années 1950 la dynamique et l’influence politique de cette classe était très réduite.
A partir des années 1950 nous observons aussi deux tendances qui se sont ac-
célérées au fil du temps. D’abord les activités productives de la ville ont commencé progressivement à disparaître et l’économie majeure était de plus en plus liée avec la construction d’immeubles de standing dans l’ensemble de l’espace urbain. De plus, la classe moyenne a commencé à augmenter et une grande partie de la population du centre-ville et principalement celle qui habitait aux quartiers de l’ouest a com-
mencé à partir vers les nouvelles banlieues à la recherche de logements de standing.
L’ancienne population a été remplacée progressivement par de nouveaux immigrants qui venaient de l’intérieur du pays et plus tard pendant les années 1990 par des étrangers. La manque de ressources de cette nouvelle population et le départ de l’an-
cienne ont conduit au fil du temps à la dégradation de la réserve bâti du centre-ville d’Athènes, principalement à son côté ouest.
Tous ces éléments nous permettent de comprendre que l’évolution urbaine de la ville d’Athènes ainsi que le système politique qui a été mis en place ne correspondent pas à la logique capitaliste avec laquelle l’ouest de l’Europe s’est développé. Les activi-
tés industrielles n’étaient jamais la source, ni de l’économie majeure ni d’une grande classe ouvrière. Des luttes dans l’espace urbain ne se sont jamais inscrites et le
système politique ne se basait pas sur le grand capital mais au contraire sur les “rapports de clientèle”. Malgré tout, même si la population a changé au centre ville pour des raisons de recherche d’un nouveau mode de vie, l’interdiction des activités productives pendant les années 1980 a constitué une forme de violence politique
puisque elle a supprimée les activités économiques d’une partie importante de la population du centre-ville et elle a contribué, à son tour, à la dégradation.
Le cas du quartier de Metaxourgio suit la même logique évolutive. La productivité a été supprimée, la population a été transformée, et le délaissement ainsi que la dégra-
dation ont dominé l’espace du quartier en l’introduisant dans une période transitoire
perdant la fin du 20e siècle et le début du 21e. Malgré tout, l’arrivée de nouveaux
acteurs économiques pendant les années 2000 ainsi que l’intérêt de la municipalité pour la rénovation du quartier marquent une nouvelle période politique urbanistique. Une période qui a signifié la transformation de l’espace du quartier, un processus qui se consolide progressivement pendant les derniers cinq ans.
Dans le contexte de la crise économique et en relation avec les privatisations marquées par les mémorandums, la municipalité a publié le nouveau plan régulateur d’ur-
164 | 165 banisme du centre ville d’Athènes et passe le droit de l’aménagement spatial et pro-
grammatique du quartier à l’entreprise immobilière Oliaros, en satisfaisant en même temps les demandes de l’ensemble des nouveaux acteurs économiques du quartier.
Elle propose un grand nombre de mesures pour la confrontation de la dégradation du quartier qui sont liées aux activités illégales et à la réserve du bâti abandonné. Des me-
sures qui s’expriment à travers une violence directe sous forme d’oppression policière et indirecte par l’absence d’offre de motifs de rénovation aux anciens propriétaires. Le quartier devient un laboratoire de la mise en place d’une nouvelle économie urbaine
qui se base sur l’entrepreneuriat et la commercialisation du patrimoine. Un laboratoire qui vise à servir les intérêts économiques des entrepreneurs et à créer un quartier accueillant et sûr qui va attirer du tourisme et l’installation d’une nouvelle classe haute.
Cette nouvelle politique néolibéraliste consolide et établi l’espace qui a été déjà crée
ou proposé par les acteurs majeurs. Une espace initialement dégradé qui a réobtenu
de la valeur immobilière après l’installation des nouveaux acteurs. Nous observons, en effet, que le prix du mettre carré a été doublé entre 1999 et 2010, ce qui s’expli-
que par l’installation du commerce de gros chinois et des espaces de loisirs, ce qui
a augmenté la demande immobilière pendant les dernières années. Malgré la crise
économique, les valeurs immobilières du quartier se sont réduites très légèrement en comparaison avec d’autres quartiers centraux. (159) Cette modification de prix fon-
ciers, en combinaison avec le nouveau plan d’urbanisme, ainsi que le déplacement historique de l’ancienne population vers les banlieues, facilitent la mise en place d’un “rent-gap” et par conséquent, d’un début de gentrification.
“La poursuite de l’aménagement des centres anciens fait entrer de nombreux quart-
iers en phase de transition. Au cours de cette transition s’opère une requalification sociale et symbolique des zones autrefois à mauvaise réputation. Une telle transformation de l’image des quartiers dégradés procède d’une part de la réhabilitation 159.
Olga
Balaoura,
Metax-
ourgio of Athens, towards a counter
hegemonic
use
of
space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013 160. Simon Patrick, Les usages sociaux de la rue dans un quartier cosmopolite, Espaces et sociétés 2/1997 (n°90) , p. 43-68
du bâti et d’autre part, d’une succession de population, notamment des nouveaux
habitants appartenant aux classes moyennes et supérieures venant remplacer les ouvriers autochtones et immigrés.” (160)
Malgré les processus mis en place par la municipalité et Oliaros, la transformation du quartier, tout en suivant la logique de rénovation qui a été présentée par Patrick Simon pour le cas du quar- tier de Belleville, n’inclut pas l’implantation d’une nou-
velle population des classes moyennes et supérieures. La population majeure du
quartier est composée d’habitants d’une classe populaire qui se sont installés pendant la deuxième moitié du 20e siècle. Cela prouve que nous ne pouvons pas parler
d’une gentrification accomplie mais au contraire d’un gentrification qui peut se mettre
progressivement en place au futur au cas ou les plans de Oliaros et de la municipalité auront lieu dans l’espace physique du quartier.
Finalement, nous arrivons au constat que même si ces plans se mettent en place,
le contexte de la crise économique empêche leur optimisation puisque la capacité d’achat a été largement réduite et le chômage a augmenté jusqu’au 49% pour les jeunes et 26% pour l’ensemble de la population active. (161) Cela veut dire que la majorité de la population de la ville d’Athènes ne va pas pouvoir créer suffisamment de
demande d’achat pour les nouveaux programmes qui vont apparaitre dans le quartier,
notamment du moment que la valeur du mettre carré dans d’autres quartiers centraux correspond à la moitié des prix qui ont été proposé par Oliaros. (162) Nous consta-
tons, enfin, que la réussite de la gentrification du quartier sera un résultat à long terme
puisqu’elle exige la présence d’une société économiquement prospère dans l’espace urbain d’Athènes.
161. Eurostat, La Grèce arrive en première au chômage, 8 janvier 2015, disponible sur http:// www.kathimerini.gr/798525/ article/oikonomia/ellhnikh-oikonomia/eurostat-arnhtikh-prwtia-ths-elladas-sthn-anergia 162. Delevegos Dimitris, Business dorés au centre degradé d’Athènes?, 10 novembre 2010, disponible sur http://www.capital.gr/story/1083531
Conclusion générale
La morphologie et l’évolution urbaine de la ville moderne d’Athènes ont toujours précédé la planification officielle à partir de sa fondation en 1833. En effet, dans la plupart des cas, les plans directeurs se limitent à inclure ce qui a été déjà construit.
Les besoins de la population qui ne cesse d’augmenter ont été les principaux facteurs
dans la définition de la qualité programmatique et de l’identité des différentes zones de la ville. Cette particulière tendance est ce que nous avons appelé “vide politique”.
Effectivement nous remarquons qu’Athènes possède sa propre dynamique urbaine
entre les 19e et 20eme siècles, sans comparaison avec l’évolution urbaine des grandes villes occidentales, principalement à cause des différents rapports qui se
mettent en place entre le pouvoir politique et les mécanismes de production spatiale. Notamment, dans le cas athénien, la production spatiale n’est issue, ni d’une plan-
ification exécutée par le pouvoir central et le grand capital, ni de la mise en scène
d’un conflit entre les classes ouvrières et le pouvoir. Contrairement, l’espace urbain athénien répond plutôt aux besoins sociaux d’une part et aux pressions d’acteurs
économiques divers qui s’opposent systématiquement à la planification de la ville si celle-ci arrive à nuire leur profit. Cette dynamique conduit progressivement à la mise
en place d’un système politique et urbain fondamentalement basé sur des rapports de clientèle et de manipulation politique.
C’est pendant cette époque, au début du XXème siècle, que Metaxourgeio prend forme en tant que quartier urbain populaire et consolide ses usages productifs et résidentiels. Cette identité programmatique contribue fortement à l’expansion des activités productives et industrielles vers l’ouest du centre ville. .
Malgré tout, la deuxième guerre mondiale marque le début du déclin pour le quartier.
En effet, sa population commence à quitter Metaxourgeio pour partir à la recherche d’un nouveau mode de vie dans les banlieues athéniennes, et le quartier ne pourra pas suiv-
re le rythme de la modernisation du reste d’Athènes. Bien au contraire, les enveloppes
des bâtiments laissés à l’abandon après l’exode de population se dégradent, et vers la fin du XXème siècle differentes activités illégales s’installent, contribuant à la forma-
tion d’une hétérotopie. Cette dégradation est accélérée par la disparition des activités productives au sein du quartier, sous prétexte d’une modernisation jamais achevée.
170 | 171 La confluence de tous ces facteurs laisse Metaxourgeio dans une sorte d’état transi-
toire pendant une longue période. Le résultat en est le délaissement du quartier qui
n’a aucune identité programmatique consolidée. Cette période reste toujours visible aujourd’hui dans l’espace public de ses rues.
Au début du XXIème siècle, de nouveaux acteurs économiques commencent cepen-
dant à s’installer dans ce quartier dégradé qui offre des prix fonciers bas ainsi qu’une
réserve de bâti nécessaire pour l’implantation de leurs activités. L’étude sensible
des rues nous permet de faire une série de remarques sur les différents degrés de
leur appropriation directe ou indirecte de l’espace public de Metaxourgeio. Elle nous permet, de même, d’arriver à comprendre quelle est l’identité programmatique qui se met en place de nos jours dans le quartier et quelles relations prennent forme entre les différents acteurs.
Dans un premier temps, nous remarquons un phénomène de marquage territorial
des emprises, aussi bien à l’échelle temporelle qu’à l’échelle spatiale, de la part de
tous les acteurs au moyen de pratiques de territorialité bien visibles depuis la rue. Dans le cas de la population chinoise, ce marquage territorial s’exprime à travers des
actions publicitaires liées avec le commerce de gros, ainsi qu’à travers des pratiques quotidiennes de cette population.
Les maisons closes, quant à elles, établissent un marquage sur des plans successifs de façade qui mettent en place une interface entre l’espace public et l’es-
pace intime, toujours dans un but publicitaire. Mais leur influence s’étend jusque
dans l’espace de la rue, puisque plusieurs pratiques d’appropriation en relation avec la clientèle et le fonctionnement de ces maisons closes sont visibles, particulièrement sur la rue de Iassonos, contribuant à l’ambiance générale de délaissement du quartier. Il en est de même en ce qui concerne les activités liées avec les
drogues, dont la présence dans la rue renforce l’aspect hétérotope du quartier. D’une autre part, le marquage territorial, surtout nocturne, de la part des bars et des restaurants se traduit par l’emploi d’éléments décoratifs et d’éclairage ainsi que par une appropriation des trottoirs.
Enfin, l’entreprise Oliaros, à travers diverses activités événementielles et leur média-
tisation, marque sa présence au sein du quartier en même temps qu’elle extériorise Metaxourgeio vers un public plus large.
Dans un deuxième temps, nous remarquons que ces différentes activités conduisent dans la plupart des cas à la consolidation de zones programmatiques en correspondance avec les acteurs qui les développent. Ainsi, le commerce de gros occupe es-
sentiellement le sud du quartier, les activités de loisir se concentrent au centre et à
l’ouest, et la prostitution et les drogues à l’est. La partition spatiale de ces zones, ainsi que le décalage temporel de fonctionnement, d’une part des commerces chinois qui sont ouverts pendant le jour, d’une autre part des bars et des restaurants qui s’activent pendant la nuit, génère un espace urbain caractérisé par une atrophie programma-
tique. Cette configuration spatiale et temporelle conduit au renforcement de l’identité de la zone de prostitution qui reste active pendant toutes les heures de la journée.
Malgré le fait que les interactions entre acteurs restent réduites, nous avons repéré
une série d’espaces interstitiels au sein desquels se superposent plusieurs zones d’activités commerciales et culturelles. Ces espaces peuvent conduire à une con-
flictualité directe, comme dans le cas du commerce de gros entre grecs et chinois, ou indirecte dans le cas de l’entreprise Oliaros et la zone liée aux drogues et à la prostitution.
La constatation de l’existence de ces zones conflictuelles, notamment de celle en relation avec les activités illégales et Oliaros, nous conduit vers le troisième et derni-
er chapitre de notre étude. En effet, nous pouvons affirmer que le phénomène de
marquage territorial n’est qu’un reflet des transformations urbaines, politiques et économique plus profondes qui ont lieu à l’échelle de la ville. Les nouveaux acteurs
économiques, toujours cherchant une viabilité à leurs investissements, visent à con-
trôler leur espace d’activité et, par conséquent, font pression sur les autorités dans le
but de faire disparaître les activités illégales du quartier. Le cas de l’entreprise Oliaros mêle aussi les intérêts économiques de celle-ci à travers un processus académique
et médiatisé, à la problématique urbaine de la dégradation, et propose des solutions pour la rénovation du quartier.
Nous déduisons de ces situations une absence de volonté de la part de la municipal-
ité envers l’améliorations de l’état actuel de Metaxourgeio, ce qui conduit à un “vide
politique” remplit par le positionnement des acteurs économiques majeurs face au délaissement du quartier. Ce remplissage se consolide et devient officiel à partir de la rédaction du plan régulateur de la ville de 2014.
Ce nouveau plan renforce non seulement le statut économique des nouveaux acteurs,
mais marque aussi le basculement de pouvoir politique en matière d’urbanisme du secteur public vers le secteur privé, en lui donnant des outils pour contourner les systèmes de concours et la bureaucratie dans l’exécutions de projets. Une nouvelle
172 | 173 approche politique de production de la ville, inscrite dans le cadre du néolibéralisme,
se met ainsi en place, en concordance avec les politiques de privatisations issues de la crise économique qui débute en 2010.
Dans le cas de Metaxourgio, le plan d’urbanisme et l’implication de Oliaros préfigurent d’une certaine façon le futur urbain proche du quartier. Ce futur trouve son
point de référence dans l’embellissement de l’image de la ville qui se structure autour de la commercialisation du patrimoine et la mise en place d’une nouvelle économie
urbaine basée sur l’entrepreneuriat. La condition nécessaire néanmoins, est la dis-
parition des couches sociales faibles et de l’hétérotopie du centre ville, responsables de la dégradation urbaine et leur déplacement vers la périphérie. Nous pouvons
donc affirmer que le quartier devient un instrument exclusivement économique dont la mission est de créer du profit, même si pour cela il faut exclure les classes sociales
qui dérangent. Ainsi, les problématiques sociales se transforment en problématiques
d’image et de sécurité, en délocalisant et en opprimant tous les obstacles, et les rapports de type “win-win” entre autorités et entrepreneurs deviennent le levier de la transformation du quartier.
Dans ce sens là, Metaxourgio devient en quelque sorte un laboratoire qui préfigure les transformations pouvant arriver au fil du temps au centre ville athénien. Il devi-
ent aussi un espace urbain au sein duquel peut avoir lieu un potentiel processus de gentrification. En effet, notre étude nous permet d’affirmer que ce processus n’a
pas encore débuté et ne peut donc pas représenter l’état actuel du quartier, étant donné que les habitants du quartier ne sont pas déplacés par de nouveaux arrivants.
L’implantation des activités commerciales chinoises et des programmes liés aux loi-
sirs et à la culture ont sûrement fait augmenter les prix immobiliers du quartier, ainsi
que la demande dans l’établissement d’activités similaires, mais sans transformation encore de sa structure sociale.
Même si les investissements de Oliaros peuvent entraîner un phénomène de gentrifi-
cation, le pouvoir d’achat dans le contexte économique de crise reste très réduit, ce qui à court terme ne peut pas produire une transformation programmatique et démo-
graphique du quartier. Nous ne pouvons pas assurément exclure la possibilité d’une
gentrification future, mais aussi faut-il d’abord comprendre que aujourd’hui encore Metaxougio vit sa propre période de transition. Une période caractérisé en partie par
la mise en place d’un processus de “rent-gap” puisque les prix immobiliers évoluent,
mais surtout par la présence d’une violence politique visant à la création d’un quartier
sûr et pittoresque, accessible aux classes moyennes-hautes et donc inexorablement au tourisme.
Bibliographie
Ouvrages
Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa Glass Ruth, (1964), Aspects of Change, in London: Aspects of Change, London, University College, Centre for Urban Studies Guillon Michèle, Taboada-Leonetti Isabelle, (1986), Le triangle de Choisy. Un quartier chinois à Paris, Paris, ClEMl/L’Harmattan Harvey David, (2011), Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, Paris, éd. Amsterdam Harvey David, (2012), Rebel Cities: from the right to the city to the urban revolution, New York, Verso Hatziotis Kostas, (1999), Metaxourgio, Kolonos, Akadimia Platonos, Athènes, Service Culturel de la Municipalité d’Athènes Karydis Dimitris, (2008), Athènes du 19e siècle, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou Karydis Dimitris, (2008), Athènes d’entre deux guerres et des années d’avant guerre, Les sept livres de l’urbanisme, Athènes, Papasotiriou Landry Charles, (2000), The Creative City: A Toolkit for Urban Innovators, London, Earthscan Ltd. Lefebvre Henri, (2000, 1974), La production de l’espace, Paris, Anthropos Lefebvre Henri, (1968), Le droit à la ville, Paris, Anthropos Leodidou Lila, (1989), Les villes de la silence: colonisation ouvrière d’Athènes et du Pirée, 1909-1940, Athènes, Fondation technologique et culturelle ETBA Ley, D.,(1996), The New Middle Class and the Remaking of the Central City, Oxford, Oxford University Press Raulin Anne, (2001), Anthropologie Urbaine, Armand Colin, Paris Raulin Anne, (2000), L’Ethnique est quotidien. Diasporas, marchés et cultures métropolitaines, Paris, L’Harmattan Sefraty-Garzon Perla, L’Appropriation, Dictonnaire critique de l’habitat et du logement, edit. Marion Segaud, Jacques Brun, Jean-Claude Driant, Paris, Editions Armand Colin, 2003 Smith Neil, (1996), The New Urban Frontier: Gentrification and the Revanchist City, New York, Routledge
176 | 177
Articles
Agriantoni Christina, Quartier de Metaxourgio, Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, 155-171, Athènes, Centre de Recherches Neo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995 Portaliou Eleni, L’aliénation de l’espace de la ville et la crise de la mémoire collective, OUTOPIA, nº 23, janvier-février 1997, pages 31-36 Simon Patrick, Les usages sociaux de la rue dans un quartier cosmopolite, Espaces et sociétés 2/1997 (n°90), pages 43-68
Etudes académiques
Alexandri Georgia, Modifications spatiales et sociales au centre d’Athènes, Thèse de doctorat, Athènes, Université de Harokopio, Département de Géographie, 2013 Arvanitidis Pashalis, Skouras Dimitrios, Immigrants et modèles d’implantation à Athènes, Thèse de doctorat, Département d’urbanisme et d’études territoriales, Université de Thessalie, 2008 Iris Polyzos, Le “quartier chinois” de Metaxourgio à Athènes, mémoire de Master 2, Paris, EHESS, 2009 Iris Polyzos, Parcours des migrants et mutations sociospatiales à Athènes: Le cas des commerçants chinois à Metaxourgio, thèse en géographie, Athènes, Université de Poitiers, Université Technique National d’Athènes, 2014 Olga Balaoura, Metaxourgio of Athens, towards a counter hegemonic use of space, Thèse de Master en Urbanisme, Delft, TU Delft, 2013
Documents officiels
Edit Présidentiel, 21.9.1979 (ΦΕΚ 567Δ/13.10.79) Article 3 de la Loi 1515/85 Edit Présidentiel, (ΦΕΚ 616Δ/ 19.8.1998) Loi 2734, article 3, (ΦΕΚ 161, τ. Α, 5.8.1999) Service d’Etudes Environnementales EPE, (1992), Etude économo-technique pour la rénovation de la zone de Gazohori, Athènes, Municipalité d’Athènes Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs Αction n.2, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 14-15 Αction n.4, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 18-19 Αction n.5, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 20-22 Αction n.14, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 40-41 Αction n.22, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 56-59 Αction n.31, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 74-75 Αction n.33, Plan d’intervention urbaine globale du centre d’Athènes (SOAP), avril 2014, Μunicipalité d’Athènes, Service de Plans Régulateurs, pages 78-79
178 | 179
Videos
Varoufakis Yanis, Débat avec Joseph Stiglitz, OCDE, 9 avril 2015, Paris, disponible sur https://www.youtube.com/ watch?v=OY3Qxm6BoUI Hatzistefanou Aris, (2011), Debtocracy (documantaire), disponible sur http://info-war.gr/2011/04/debtocracy/
Entretiens Entretien: Alexia M., employée à Oliaros, 15 février 2014
Sites Internet
A.V. Team, Notre ville est plus belle grace à KIEHLS, 16 décembre 2010, disponible sur http://www.athensvoice.gr/ article/market/av/%CE%B7-%CF%80%CE%BF%CE%BB%CE%B7-%CE%BC%CE%B1%CF%83-%CE%BF%CE%BC%CE%BF%CF%81%CF%86%CE%BF%CF%84%CE%B5%CF%81%CE%B7-%CF%87%CE%B1%CF%81%CE%B7%CF%83%CF%84%CE%B7%CE%BD-kiehls About ReMap, disponible sur http://remapkm.org/4/about/ ARCHITECTS, REVISITING URBAN LIFE AND TYPOLOGIES, disponible sur http://www.oliaros.com/kerameikos-metaxourgeio/process/#ARCHITECTS Αrchive de bâtiments classés, disponible sur http://estia.minenv.gr/ aristerikinisi, Cours de planification urbaine par l’entrepreneur Iasonas Tsakonas…, 20 mars 2011, disponible sur https://akaeaak.wordpress.com/2011/03/20/%CE%BC%CE%B1%CE%B8%CE%AE%CE%BC%CE%B1%CF%84 %CE%B1-%CE%B1%CF%83%CF%84%CE%B9%CE%BA%CE%BF%CF%8D-%CF%83%CF%87%CE%B5%CE %B4%CE%B9%CE%B1%CF%8 3%CE%BC%CE%BF%CF%8D-%CE%B1%CF%80%CF%8C-%CF%84%CE%BF%CE%BD-%CE%B5/
ART BOOM, ReMap KM - La cartographie de la ville, 13 septembre 2007, disponible sur http://www.lifo.gr/mag/features/215 Athens Magazine, Metaxourgio-Keramikos, 28 janvier 2011, disponible sur http://www.athensmagazine.gr/portal/ guides/1328 AthensVille, 9 septembre 2009, disponible sur http://athensville.blogspot. com/2009/09/blog-post_03. html Athensville, Trois parcelles qui sont plus verts, 9 Octobre 2010, disponible sur http://athensville.blogspot.fr/2010/10/m. html?utm_source=fe... Avdikos Vassilis, (2014), Processus de gentrification à Gazi et à Metaxourgio: Capital symbolique et Immobiliers, Athènes, Epikedro Charte de fondation de “KM Voisinage-Modèle Organisation Non Lucrative Urbaine”, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/?p=memorandum Communiqué de presse, municipalité d’Athènes - associations chinoises, 3 juillet 2012, disponible sur https://www. cityofathens.gr/node/20265 Communiqué de presse, Reunion de N. Mitarakis et G. Kaminis sur le sujet des plans d’investissement à Keramikos-Metaxourgio, 16 avril 2013, disponible sur https://www.cityofathens.gr/node/21613 Compreser, Face à l’oubli-Metaxourgio, 2 avril 2011, disponible sur http://kompreser.espivblogs.net/files/2011/04/ kompreser-enantia-sti-lithi-Metaksourgeio.pdf Compreser, Rethink Gentrification, 4 octobre 2012, disponible sur https://nothingtorethink.wordpress.com/2014/07/12/ rethink-gentrification-%CF%86%CE%B9%CE%BB%CF%8C%CE%B4%CE%BF%CE%BE%CE%BF%CE%B9-%CE%BC%CE%B5%CF%83%CE%AF%CF%84%CE%B5%CF%82-%CE%BE%CE%B5%CF%80%CE%B5%CF%83%CE%BC%CE%AD%CE%BD%CE%BF%CE%B9-%CE%BC%CE%B5/ Daskalopoulou Dina, Le plus gros business est la chatte, 4 avril 2015, disponible sur http://www.efsyn.gr/arthro/i-piomegali-mpizna-einai-moyni Delevegos Dimitris, Business dorés au centre degradé d’Athènes?, 10 novembre 2010, disponible sur http://www. capital.gr/story/1083531 Dimitris Aggelidis, Gentrification: Amélioration de classe d’un quartier, 1 octobre 2009, disponible sur http://dimitrisangelidis.blogspot.fr/2011/06/blog-post_1446.htm Dimosio Sima ΙΙ, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/?p=activities&id=demosiosemaII
180 | 181 Eleni Bagaki, My crap is BIGGER than yours!, ReMap4, 2013, disponible sur http://elenibagaki.tumblr.com/ Engels Frederick, (1872), Housing Question, disponible sur https://www.marxists.org/archive/marx/works/1872/housing-question/ Eurostat, La Grèce arrive en première au chômage, 8 janvier 2015, disponible sur http://www.kathimerini.gr/798525/ article/oikonomia/ellhnikh-oikonomia/eurostat-arnhtikh-prwtia-ths-elladas-sthn-anergia Frank Pieke (dir), The Chinese in Europe, Basingstoke, Macmillan Press, 1998 Gagarinos, Quelque chose de plus, 2 octobre 2010, disponible sur https://athens.indymedia.org/post/1211735/ Hatzigeorgiou Aris, Voisinage de real-estate et quartier des… interets, , 11 août 2010, disponible sur http://www.enet. gr/?i=news.el.article&id=192064 Hatzistefanou Aris, HRW: La police cible des sans-abris, toxicomanes et prostitués, 6 mai 2015, disponible sur http://info-war.gr/2015/05/hrw-%CE%B7-%CE%B5%CE%BB-%CE%B1%CF%83-%CF%83%CF%84%CE%BF%CF%87%CE%BF%CF%80%CE%BF%CE%B9%CE%B5%CE%AF-%CE%AC%CF%83%CF%84%CE%B5%CE%B3 %CE%F%CF%85%CF%82-%CF%84%CE%BF%CE%BE%CE%B9%CE%BA%CE%BF%CE%BC%CE%B1/ Hemikoglou Ahileas, “Tirage au sort” de 100 millions euros pour Keramikos-Metaxourgio, 23 mars 2013, disponible sur http://www.tovima.gr/finance/article/?aid=503946 Hiotis Vassilis, Le chinois entrent au port du Pirée, 22 janvier 2006, disponible sur http://www.tovima.gr/politics/article/?aid=170783 JESSICA: Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas disponible sur http://ec.europa.eu/regional_policy/en/funding/special-support-instruments/jessica/#6 Kleftogianni Ioanna, Le ghetto du centre vire des théâtres et des galèries, 1 octobre 2010, disponible sur http://www. enet.gr/?i=news.el.article&id=208886 ΚΜ Jardin d’enfants ephemere, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/?p=activities&id=kmprosorinospaidikoskipos KM Public Murals, disponible sur http://www.oliaros.com/kerameikos-metaxourgeio/process/#MURALS KM Voisinage-Modèle, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/index.php?p=who Kostas Athanasiou, The gentrifying of the memory and the “becoming - child” of a city, disponible sur https://www. academia.edu/8586013/Gentrifying_the_memory_and_the_becoming-child_of_the_city
Gerasidi Klito, (1998), La stratégie de la planification, Athènes, EMP, disponible sur http://courses.arch.ntua. gr/106909.html Orphelinat de Hatzikonstas, disponible sur http://sfiha.gr/index.php/to-orfanotrofeio Foucault Michel, Des espaces autres. Hétérotopies, Architecture, Mouvement, Continuité 5 (1984): 46-49., disponible sur http://foucault.info/documents/heterotopia/foucault.heterotopia.en.html Koufopoulos Vassilis, Metaxourgio-Keramikos, 7 mai 2014, disponible sur http://www.athensvoice.gr/the-paper/article/481/%CE%BC%CE%B5%CF%84%CE%B1%CE%BE%CE%BF%CF%85%CF%81%CE%B3%CE%B5%CE%AF%C E%BF-%CE%BA%CE%B5%CF%81%CE%B1%CE%C%CE%B5%CE%B9%CE%BA%CF%8C%CF%82 Lapa Studio ATHENS 2010/11, disponible sur http://jahia-prod.epfl.ch/page-68130-en.html left.gr, Balade historique: En recherchant les traces des événements de Decembre, 14 décembre 2014, disnponible sur https://left.gr/news/istorikos-peripatos-anazitontas-ta-ihni-ton-dekemvrianon Lekas Renatos, La prostitution fleurit à Athènes de la crise, 10 novembre 2013, disponible sur http://www.athenspress. gr/2013/11/%CE%B7-%CF%80%CE%BF%CF%81%CE%BD%CE%B5%CE%AF%CE%B1-%CE%B1%CE%BD%CE% B8%CE%B5%CE%AF%CF%83%CF%84%CE%B7%CE%BD-%CE%B1%CE%B8%CE%AE%CE%BD%CE%B1-%CF% 84%CE%B7%CF%82%CE%BA%CF%81%CE%AF%CF%83%CE%B7%CF%82/ Lifo, La nouvelle Chinatown Athénienne, 7 février 2008, disponible sur http://www.lifo.gr/mag/features/454 Monica Khemsurov, The 2.0 Report, 13 mai 2010, disponible sur http://tmagazine.blogs.nytimes.com/2010/05/13/the2-0-report/?_r=1 Oliaros, Keramikos-Metaxourgio: Une approche elaboré, 15 septembre 2010, disponible sur http://www.oliaros. com/?lang=gr&p=134&title=Κεραμεικός-Μεταξουργείο-Mια-μελετημένη-προσέγγιση Papastathopoulou Christina, Le gouvernement donne le port aux chinois, 25 novembre 2014, disponible sur http:// www.efsyn.gr/arthro/i-kyvernisi-paradidei-limani-stoys-kinezoys Programme d’unification des espaces archéologiques de la ville d’Athènes, disponible sur http://www.astynet.gr/ static.php?lang=2&c=5 Rigopoulos Dimitris, L’architecture sauve le centre historique?, 28 mars 2010, disponible sur http://www.kathimerini. gr/389062/article/politismos/arxeio-politismoy/h-arxitektonikh-swzei-to-istoriko-kentro Rénovation du centre historique d’Athènes, disponible sur http://www.culture2000.tee.gr/ATHENS/GREEK/BUILDINGS/BUILD_TEXTS/B180_t.html
182 | 183 Spyretto, Metaxourgeio Carnival Street Party-le trajet, 19 février 2012, disponible sur https://metaxourgeio.wordpress. com/2012/02/19/metaxourgeio-carnival-street-party-vol-3-diadromi-2/ Taxiarhi Panagiota, Metaxourgio: Evolution historique et urbaine de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, disponible sur http://kmprotypigeitonia.org/files/file/01_Historical_report.pdf Trivoli Despina, Le nouveau ghetto d’Athènes, 4 octobre 2007 disponible sur http://www.lifo.gr/mag/features/241
Bibliographie Graphique
Images ( I )
1.
(page: 18), Vue de la ville depuis l’est, gravure de G. Soutsos (1840), source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 77
2.
(page: 21), Architecture résidentielle de la fin du 19e siècle, source: Architecture Néoclassique en Grèce, Athènes 1968, Banque Emporiki, pages 196, 218
3.
(page: 21), Vue du palais et de l’est d’Athènes en 1873, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 180
4.
(page: 23), Construction illégale à Athènes, source: Paul Oliver (ed.), Shelter and Society, The Cresset Press, London 1969, page 155
5.
(page: 25), Remplacement des anciennes enveloppes du centre d’Athènes à travers le principe de Antiparohi, source: Archive slides, Département d’Urbanisme, NTUA
6. 7.
(page: 33), Résidence de Kandakouzinos, 1835, source: Fr. Stademann, Panorama von Athen, tableau 8 - détail (page: 34), Ateliers de l’orphelinat de Hatzikonstas, début du 20e siècle, source: http://sfiha.gr/index.php/fotos/catego ry/3-palioktirio
8.
(page: 35), L’industrie de Gaz aux limites ouest de Metaxourgio, source: http://news247.gr/eidiseis/mixani-tou-xronou/arti cle3056332.ece/BINARY/w660/Gazi-193950.jpg
9.
(page: 40), L’orphelinat de Hatzikonstas après la guerre civile, source: http://sfiha.gr/index.php/fotos/category/3-palioktirio
10.
(page: 40), Bâtiment détruit du centre d’Athènes pendant la guerre civile, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 344
11.
(page: 42), La soierie abandonnée en 1995, source: Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995, page 155
12.
(page: 43), Garage des voitures abandonné en 1995, source: Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995, page 171
13.
(page: 44), Rue de Salaminos
14.
(page: 44), Places de Dourouti et de Avdi
15.
(page: 45), Rue de Giatrakou
16.
(page: 45), La Pinacothèque Municipale
17.
(page: 47), Psiri, les anciens ateliers tranformés en bars, source: http://www.ough.gr/uploads/Melanthiou%20%287%29.jpg
18.
(page: 47), Gazi, bar et le nouveau centre culturel de Technnopolis, source: http://popaganda.gr/wp-content/uploads/ gazarte2.jpg
19.
(page: 53), La cour du bâtiment de China Town, source: http://assets.vice.com/content-images/contentimage/140419/chi natown2.jpg
20.
(page: 55), Le nouvel immeuble de logements de la rue Mylerou (à droite)
21.
(page: 58), Le site internet interactif des projets immobiliers de Oliaros, source: 1. http://www.oliaros.com/keram eikos-metaxourgeio/proposition/
22,23,24. (page: 66) Bâtiments abandonnés, blocage de points d’accès 25,26.
(page: 67) Friches, clôtures et végétation
27.
(page: 68) Le street-art du quartier
28.
(page: 68) Affiches avec le mot “Δωρίζεται” (il est offert)
186 | 187 29, 30
(page: 71) Lampes de maisons closes
31,32.
(page: 72) Les halls d’entrée
33,34.
(page: 73) La circulation à la rue de Iassonos
35.
(page: 75) Toxicomanes à la cour du bâtiment de China Town
36, 37.
(page: 77) Batiment squaté à proximité sur la rue de Keramikou (vue 2)
38,39.
(page: 80) Enseignes et objets des commerces de gros chinois
40,41,42. (page: 81) Enseignes des commerces de gros chinois et mannequins devant les façades 43,44.
(page: 82) Le bâtiment de China Town à la rue de Agisilaou marquage éthnique
45,46.
(page: 82) Restaurants chinois à la rue de Leonidou
47.
(page: 84) Déchargement des containers à la rue de Pireos
48.
(page: 84) Chargement des camionnettes de livraison
49.
(page: 84) Déchargement des camionnettes à proximité du commerce
50.
(page: 84) Ouverture des cartons sur le trottoir
51.
(page: 84) Stockage temporel des cartons entre le plan des poteaux des galeries
52.
(page: 85) Les trois plans d’appropriation du trottoir, galerie du bâtiment de China Town, rue de Pireos
53.
(page: 86) Exposition du marchandise et répos des travailleurs, galerie du bâtiment de China Town, rue de Pireos
54.
(page: 87) Peinture des étagères, cour du bâtiment de China Town
55.
(page: 87) Annonces en chinois sur les poteaux du bâtiment de China Town
56,57,58. (page: 88) Marché de la rue de Agisilaou, lieu de commerce et de sociabilité 59,60.
(page: 89) Participation au projet de trois jardins éphémères, source: http://athensville.blogspot. fr/2010/10/m.html#co ment-form
61.
(page: 89) Enfants qui jouent dans le friche transformé en jardin de jeux, source: http://kmprotypigeitonia.org/?p=activi ties&id=kmprosorinospaidikoskipos
62,63.
(page: 90) Projet de Dimosio Sima et mise en œuvre, source: http://kmprotypigeitonia.org/?p=activities&id=dimosiosim aenonei
64.
(page: 91) Panneaux placés sur les bâtiments classés de Oliaros
65.
(page: 91) Action à la rue Iassonos, source: https://www.facebook.com/media/set/?set=ms.c.eJxFzdkRxDAMAt COdgS6~_29sbStOPt8AUiiBcFVrpskvjq3H9tgp8Dapa4tiSPJ6~_vr2a~%3Bo3D2xr97WffWBcyJ3T9Jh0Xa6SHAd19R3y 5JVY~%3B~_Cc~_8rc9zOrX~_8cXy5rb~_bxB4tKMAk~-.bps.a.632116476826079.1073741828.149514051752993&type=1
66.
(page: 95) Instalation dans une friche de la rue de Iassonos, source: http://remapkm.blogspot.fr/2007/09/open-air-screen ing-room.html
67.
(page: 96) Instalation de Eleni Bagaki au bâtiment abandonné de la rue de Iassonos, source: http://elenibagaki.tumblr.com/
68.
(page: 97) Carte qui a été distribué en 2011 aux visiteurs, source: http://remapkm.com/3/wp-content/downloads/ReMap 3Map_ENG.pdf
69.
(page: 100) Les bars comme des phares dans la rue obsure de Plateon
70.
(page: 101) Occupation du trottoir, lumière et enseignes, rue de Keramikou
71.
(page: 102) Décor de la façade et lumière d’un restaurant
72.
(page: 102) Décor de la façade et occupation du trottoir d’un restaurant
73.
(page: 109) Commerces de gros chinois fermés à la rue de Agisilaou pendand la nuit
74.
(page: 111) Mixité sociale au marché de la rue Keramikou
75.
(page: 112) Pochoirs en chinois et bulgare qui annoncent le carnaval en reprenant le graphisme des annonces chinoises
76.
(page: 112) Affiche multilingue du carnaval qui reprend le graphisme des annonces de vente et de location, source:https:// metaxourgeio.wordpress.com/category/%CF%80%CE%B1%CF%81%CE%B5%CE%BC%CE%B2%CE%AC%CF%83%CE %B5%CE%B9%CF%82/page/3/ry/%CF%80%CE%B1%CF%81%CE%B5%CE%BC%CE%B2%CE%AC%CF%83%CE%B5% CE%B9%CF%82/page/3/
77.
(page: 112) Arrêt du défilé dans la cour du batiment de China Town, source: https://metaxourgeio.wordpress. com/2015/02/16/metaxourgeio-carnival-street-party-vol-6-photos/
78.
(page: 112) Défilé et un dragon à la rue Keramikou, source: https://metaxourgeio.wordpress.com/2015/02/16/metaxour geio-carnival-street-party-vol-6-photos/
79.
(page: 117) Logo de l’initiative “Mode grécque- notre affaire”
80.
(page: 117) Un commerce grec juxtaposés à un commerce chinois. Chaqun projète sa propre identité ethnique
81.
(page: 117) Des autocollants avec le drapeau grec sut la vitrine d’un commerce
82.
(page: 135) Projet de la rue de Salaminos
83.
(page: 135) Projet de la rue de Keramikou
84.
(page: 145) Sans-abris au centre d’Athènes, source: HRW, https://www.youtube.com/watch?t=114&v=wrAABybrgiU
85,86.
(page: 149) Projets de pignons prévu par Oliaros, source: http://www.oliaros.com/kerameikos-metaxourgeio/process/#MU RALS
87.
(page: 156) Bâtiment abandonné et classé à la rue Germanikou
Cartes ( C )
1. (page: 19) Plan initital de Kleanthis et Schaubert de 1833 et implantation proposée pour le palais, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 27 2. (page: 19) Carte d’Athènes (1854) du service géographique de l’armée française et implantation finale du palais, source: Biris Kostas, (2005), Athènes du 19e au 20e siècle, Athènes, Melissa, page 100 3. (page: 23) Agglomérations proposées par le plan de Caligas, source: Ministère de Culture, Athènes du 20e siècle, 1885, page 2 4. (page: 34) L’axe qui conduisait à Sepolia, postérieurement la rue de Mylerou, source: carte d’Athènes, F. Aldenhoven, 1837 5. (page: 35) L’expansion de la zone productive vers le nord-ouest du centre et Metaxourgio, 1875, source: Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Re cherches, 1995, page 164 6. (page: 36) Les pôles de productivité 7. (page: 37) Partition du quartier 8. (page: 38) Activités productives du quartier, source: Metaxourgio d’Athènes, edit. Agriantoni Christina, Hatziioanou Maria Christina, Athènes, Centre de Recherches Néo-helléniques, Centre National de Recherches, 1995, page 168-169 9. (page: 48) Déplacement de l’industrie des loisirs vers Metaxourgio 10. (page: 49,99) Répartition des loisirs et culture
188 | 189 11. (page: 52) Déplacement du commerce chinois 12. (page: 54) Répartition des commerces de gros 13. (page: 56) Propriétés de l’entreprise Oliaros 14. (page: 63) Le site d’etude et les rues du quartier 15. (page: 65) Le délaissement du quartier 16. (page: 69) Répartition de la prostitution 17. (page: 74) Répartition des activités liées aux drogues I36. Toxicomanes à la rue de Iassonos (vue 3) 18. (page: 79) Répartition du commerce chinois 19. (page: 92) Répartition des actions de “KM voisinage-modèle” 20. (page: 94) Espaces d’exposition du festival ReMap 21. (page: 108) La nouvelle partition programmatique du quartier 22. (page: 110) Les interactions évènementielles 23. (page: 114) Zone de conflictualité entre Oliaros et Illégalité 24. (page: 116) Zone de conflictualité entre commerçants grecs et chinois 25. (page: 127) Zone conflictualité, entrepreneurs - illégalité 26. (page: 129) Zone conflictualité, Chinois - illégalité 27. (page: 134) Proposition de projets de “KM voisinage-modèle” 28. (page: 158) Les deux deux zones économiques potentielles
Autres documents graphiques ( D )
1. (page: 17) Timeline des périodes historiques d’Athènes 2. (page: 31) Timeline de l’évolution de Metaxourgio 3. (page: 71) Axonométrie de la rue de Iassonos, maison closes et points de vue 5. (page: 87) Axonométrie du parcours, îlot chinois et points de vue 6. (page: 101) Axonométrie du parcours nocturne, loisirs et points de vue 7. (page: 126) Schéma de confictualité 8. (page: 129) Schéma de confictualité 9. (page: 131) Approche académique de Oliaros 10. (page: 134) Rapports entre Oliaros et la mairie d’Athènes en 2010 11. (page: 135) Rapports entre Oliaros et la mairie d’Athènes en 2013
Annexes
Décissions Gouvernementales (FEK-ΦΕΚ)
*04006161908980008*
192 | 193
Nouveaux plan régulateur d’urbanisme d’Athènes (SOAP-ΣΟΑΠ)
Entretien: Alexia M., employée à Oliaros, 15 février 2014
Με ποιους τρόπους δραστηριοποιείται η Πρότυπη Γειτονιά; Κάναμε τις προάλλες μια δράση στην Ιάσωνος. Κάπως θέλαμε να δείξουμε λίγο τον δρόμο και τέλος πάντων ήταν μια προσπάθεια της ΚΜ Πρότυπης Γειτονιάς που ασχολούμαι και εγώ προσωπικά, της ελληνικής εταιρείας περιβάλλοντος και πολιτισμού, είχαμε και έναν χορηγό την Παπαστράτος. Καθ’ όλη την εβδομάδα που ήμουν στο δρόμο που έχει τους τοξικομανείς κτλ έμαθα πληροφορίες για το real estate της γειτονιάς, επειδή ένας στην ομάδα είναι η εταιρεία Ολίαρος που δραστηριοποιείται στα ακίνητα. Πρώτον έμαθα πληροφορίες για real estate από τους “μπουρδελιάριδες”. Ήξεραν καλυτέρα τι συμβαίνει στο real estate της περιοχής απ’ ότι εμείς και εγώ που είμαι σε αυτό το χώρο. Γνώρισα τοξικομανείς, που θα μπορούσαν να ήταν με φοβερή διαύγειας σκέψης και πνεύματος, που όταν μιλάς με ανθρώπους μορφωμένους, δεν βρίσκεις αυτή τη λογική και την καθαρότητα στην σκέψη. Εκείνη την ημέρα έγιναν τα τραγελαφικά πράγματα που μόλις τελείωσε όλο αυτό το πράγμα, που εγώ εξαντλήθηκα προσωπικά, λέω θεούλη μου, το πιο καθαρό το βρήκα στα πρεζάκια, που ο ένας ήταν φυλακή, δεν ξέρω και εγώ τι, σε αυτό το περιθώριο ας πούμε. Σ’ενα 20% έβλεπα μια διαύγεια, που λέω δεν ξέρω τι κάνω στη ζωή μου γενικότερα. Οπότε γι’ αυτό ξεκίνησα να σου λέω ότι ψάχνεις να βρεις την λογική και το πως και γιατί συμβαίνουν αυτά που συμβαίνουν σε αυτή τη γειτονιά και σε άλλες. Η πρώτη προσωπική μου απάντηση είναι ότι δεν υπάρχει λογική. Αν μπορούσες να μου περιγράψεις με 3-4 φράσεις τις δραστηριότητες που αναπτύσσονται μέσα σ’ αυτό το κτίριο που έχουν σχέση με το Μεταξουργείο, ποιες θα ήταν αυτές; Οι δράσεις χωρίζονται σε δυο μεγάλες κατηγορίες που είναι οι κερδοσκοπικές δραστηριότητες και η μη κερδοσκοπικές δραστηριότητες. Οι κερδοσκοπικές εστιάζουν στην ανάπτυξη ακίνητων. Γενικά η ιδέα ήταν ότι εφόσον η περιοχή αυτή ιστορικά έχει δεχτεί όλες αυτές τις αλλαγές και ακόμα δεν έχει βρει την ισορροπία της και αυτό φαίνεται από την χαμηλή πληθυσμιακή πυκνότητα που έχει, τα πολλά κενά ακίνητα, τα πολλά εγκαταλελειμμένα , δηλαδή ακόμα οι κοινωνίες της Αθήνας και της περιφέρειας δεν νομίζω ότι είναι εξοικειωμένες με την περιοχή. Δεν την γνωρίζουν. Εγώ ας πούμε πήγα σχολείο στην Πλάκα, μεγάλωσα στο κέντρο, είχα φίλους που έμεναν εδώ πέρα , είχα έρθει στα σπίτια τους ως μικρή. Έφευγα θυμάμαι με τους γονείς μου για ταξίδια από εδώ. Ήταν πρόσβαση προς την εθνική οδό. Αλλά δεν την είχα περπατήσει όπως είχα περπατήσει άλλες γειτονιές. Ήταν σαν αφιλόξενη. Όχι ότι την φοβόμουν, αλλά σαν να μην είχε κάτι να με προσελκύσει πέρα από τους ανθρώπους, τους συμμαθητές μου και τους φίλους μου. Δηλαδή ενώ θα περπατούσαμε στα Εξάρχεια, στη Πλάκα, στο Μοναστηράκι, εδώ δεν περπατούσαμε με τα παιδιά που έμεναν εδώ πέρα. Βέβαια ποτέ δεν είχα την εντύπωση ότι ήταν κακή, καλή, φτωχή, ακριβή, σαν να ήταν κάτι, σαν φάντασμα. Μετά που ήρθα εδώ για δουλειά, άρχισα να θυμάμαι τα σπίτια τους και την είδα με τελείως διαφορετικό βλέμμα, πολύ μεγαλύτερη φυσικά. Είναι τμήμα του ιστορικού κέντρου. Ήταν στο πρώτο πολεοδομικό σχέδιο της Αθήνας. Έχει μια πολύ καλή ρυμοτομία λοιπόν, ορθοκανονικό σύστημα, πλατείς δρόμους, φυτεύσεις που δεν έχουν άλλες γειτονιές. Είναι αρκετά κενή. Δεν
κυκλοφορεί πολύς κόσμος δεν έχει δραστηριότητες, πολύ λίγα τυπογραφεία, έχουν μείνει, δύο τρία συνεργεία και κατά τ’άλλα καταστήματα γειτονιάς που και αυτά είναι σε έλλειψη. Ένα κρεοπωλείο υπάρχει πια, για μια περιοχή 100 τετραγώνων. Τα καταστήματα της χονδρικής είναι τελευταίο φαινόμενο Τα καταστήματα της χονδρικής είναι τελευταίο φαινόμενο. Δηλαδή ξεκίνησε με το china town, τους κινέζους που ήρθαν πρώτοι μετά την ολυμπιάδα. Το έχω συνδέσει με μια επίσκεψη του τότε πρωθυπουργού, του Καραμανλή, στην Κίνα. Όταν γύρισε, έγινε το μεγάλο μπουμ με τους Κινέζους. Άνοιξαν πάρα πολλά μαγαζιά και πάρα πολύ γρήγορα και με πολλά λεφτά, δηλαδή, δίνανε αέρα στο Μεταξουργείο και πολύ, για να φύγουν άλλοι και να μπούνε αυτοί εκεί. Μετά πήραν αυτό το μεγάλο κτίριο της china town, και άρχισε να γεμίζει, τώρα πλέον πρέπει να είναι τελείως γεμάτο. Οι έλληνες κάποια στιγμή κατάλαβαν την αγορά που έχει δημιουργηθεί εδώ πέρα, πουλάνε κυρίως χονδρική σε όλη την Ελλάδα. Φθηνό ρούχο. Οπότε άρχισαν και αυτοί να κάνουν καταστήματα. Τον τελευταίο χρόνο πρέπει να έχουν ανοίξει, δεν ξέρω, 50-100 Έλληνες επιχειρηματίες, αλλά τα προϊόντα δεν νομίζω να είναι ελληνικά. Οπότε είναι η ανταγωνιστική αγορά. Έχω πάει να δω τι γίνεται στα κινέζικα καταστήματα και είναι σαν να φοράς πετρέλαιο. Τέλος πάντων. Ανοίγουν διαρκώς καταστήματα. Αυτά συμβαίνουν σήμερα. Τα τελευταία 7 χρόνια που είμαι εδώ έχει αρχίσει να έρχεται ένας πληθυσμός που είναι πιο δυναμικός, ευαισθητοποιημένος, την γνωρίζει, την αγαπήσει την γειτονιά. Είναι πιο νέοι συνήθως. Υπάρχει ο πληθυσμός που παραδοσιακά ήταν εδώ περά, που έχουν γεννηθεί εδώ, όπως και οι γονείς τους κτλ. Όπως η καθηγήτρια μου από το σχολείο, η οποία είναι έξαλλη με το πως έχει γίνει η γειτονιά. Γιατί κάποτε, δεν ήταν έτσι, είχε περισσότερο κόσμο, περισσότερο πληθυσμό. Με την απογραφή του 2001 είχε 6.000 κατοίκους και τώρα λογικά θα έχει μειωθεί ακόμα περισσότερο. Δηλαδή σε σχέση με άλλα διαμερίσατε στο κέντρο της Αθήνας, έχει πολύ χαμηλό πληθυσμιακό δείκτη. Αυτό συμβαίνει κατ ́αρχάς γιατί έχει πολλά διατηρητέα από το 1985, από το σχέδιο της Αθήνας είδαν μια περιοχή προς ποιοτική αναβάθμιση. Οπότε από τότε, χαρακτηρίστηκαν πάρα πολλά ακίνητα διατηρητέα οπότε δεν μπόρεσαν να γίνουν πολυκατοικίες, η ανοικοδόμηση της αντιπαροχής δεν μπορούσε να προχωρήσει. Είναι μια περιοχή που από τότε, κάτι πάει να γίνει ,άλλα δεν γίνεται. Ο πληθυσμός δεν ξέρει, να έρθει, να μην έρθει, να φύγει, να κάτσει. Υπήρχε και το φαινόμενο ότι πολλοί έφυγαν και πήγαν στα προάστια τη δεκαετία του 90, πολύ έντονα. Ήταν μια φυσική εξέλιξη. Από το ρυθμιστικό σχέδιο του 1985 ήταν περιοχή προς αναβάθμιση όπως η Πλακά, του Ψυρή, το Γκάζι κτλ. Σε πολλές από αυτές όντως κάτι έγινε, αναβαθμιστήκαν κατά ένα τρόπο. Με το πολεοδομικό διάταγμα που έκαναν το 1998 πλέον περιόρισαν τη χρήση και την δόμηση, άρα οικονομικά έγινε λίγο ασύμφορο να επενδύσει κάποιος στη περιοχή σε σχέση με τα προάστια ή άλλες γειτονιές. Έπρεπε δηλαδή να υπάρχουν, όπως έγινε και με την Πλακά, ψηλότερα εισοδήματα που θα μπορούσαν να στηρίξουν τις υπάρχουσες κατοικίες λόγω του μεγάλου μεγέθους τους και της παλαιότητας τους και να απουσιάζουν οι κατατετμημένες ιδιοκτησίες. Άρα, ήταν μια συγκυρία πραγμάτων και φυσικά η ανικανότητα της πολιτείας που ενώ από το 1985 λέει ότι η περιοχή είναι προς αναβάθμιση, παρ’όλα αυτά, ό,τι κινήσεις έχουν γίνει, είναι αποσπασματικές, ευκαιριακές. Στην Πλάκα ας πούμε που έγινε το gentrification που θα έλεγε και η κυρία Τζιρτζιλάκη για παράδειγμα, έγινε πολύ
οργανωμένα. Έγινε ένα γραφείο, γιατί κάποτε στη Πλάκα ήταν μαζεμένη η νύχτα της Αθήνας, πάρα πολλά μπαρς, ναρκωτικά, τις δεκαετίες του 60-70. Ήταν το χιπ μέρος της Αθήνας για τα πιο λαϊκά στρώματα. Στην Πλάκα ήταν και οι τουρίστες, οπότε γινόταν λίγο χαμός. Και τότε ο Τρίτσης με τον Μάνο, αν δεν κάνω λάθος, κάνανε γραφεία στη Πλάκα, καταγράψαν ένα- ένα τα ακίνητα, μίλησαν με όλους τους ιδιοκτήτες, είπαν ότι θα κάνουν τις παρεμβάσεις, πεζοδρομήθηκε, έγινε δηλαδή πολύ συντονισμένη δουλειά. Υπάρχει ικανοποιητικός δημόσιος χώρος στη συνοικία και ποιος είναι ο ρόλος της Πρότυπης Γειτονιάς; Ο δημόσιος χώρος στο Μεταξουργείο είναι πολύ περιορισμένος. Ξέρεις, όταν ο άλλος πίνει μπύρα και θέλει να ακούσει μουσική και το παιδάκι δίπλα ουρλιάζει και παίζει δεν είναι ακριβώς συμβατές δραστηριότητες, έτσι πιστεύω εγώ τουλάχιστον. Θα μπορούσε να υπάρχει κι’ άλλος δημόσιος χώρος που θα μπορούσε να οργανώνεται καλυτέρα η δημόσια ζωή. Στον δρόμο δηλαδή. Το καλοκαίρι για παράδειγμα κάνανε θερινές προβολές σ’ ένα φεστιβάλ και πολύ εύστοχα επέλεξαν μια ταινία για το trafficing με πολύ σκληρές εικόνες, ακατάλληλες για ανηλίκους, παρ’ όλα αυτά, δεν μπορούσε κανείς να απαγορέψει στα παιδιά να είναι around και να ρίχνουν και καμιά ματιά. Άρα δεν φτάνει αυτή η πλατεία για τον πληθυσμό της περιοχής. Έτσι και αρχίσαμε να σκεφτόμαστε πως θα μπορούσαμε να αυξήσουμε τον δημόσιο χώρο. Τα χρήματα βέβαια για απαλλοτριώσεις είναι πολύ περιορισμένα πλέον. Είπαμε να σκεφτούμε τους δρόμους και τα πεζοδρόμια, να δούμε τι μπορεί να σχεδιαστεί και πως, ώστε να έχεις έμμεσα κάποια αποτελέσματα και κάποιο περισσότερο χώρο. Οι πεζοδρομήσεις που έχουν γίνει μέχρι σήμερα δεν αξιοποιούνται από τους κατοίκους. Βέβαια δεν έχουν παγκάκια, δεν είναι θεσμοθετημένοι καν και αυτό έχει πολύ πλάκα. Μπορεί να μετράνε 30 χρόνια ζωής αλλά δεν έχουν θεσμοθετηθεί ακόμα, άρα δεν μπορείς να βάλεις παγκάκια, άρα δεν μπορείς να γράψεις τα αυτοκίνητα που περνάνε και παρκάρουν. Πιστεύω ότι τώρα το κάνουν, έχει ξεκινήσει η διαδικασία. Δεν είναι χώροι που μπορείς να κάνεις πολλά. Η Ιάσωνος έχει τους οίκους ανοχής, η Σαλαμίνος είναι και αυτή περίεργα σχεδιασμένη, έχει και αυτή χαμηλή βλάστηση, σκοτάδι, πολλά κενά κτίρια λόγω του αρχαιολογικού ρίσκου του δρόμου, άρα και εκείνη δεν αξιοποιείται από τον κόσμο, αλλά δεν έχει και που να κάτσει, η αλήθεια είναι. Άρα πιστεύουμε ότι όλα αυτά κάπως πρέπει να ανασχεδιαστούνε, να γίνουν πιο φιλικά για τη δημόσια ζωή μας και τη ζωή στο δημόσιο χώρο. Αυτό σκέφτηκε αυτή η ομάδα μελέτης. Κατάληξαν σε δυο δρόμους, στη Σαλαμίνος, λόγω της σημασίας που της έχουν αποδώσει οι μελέτες που έχουν γίνει και λόγω του αρχαιολογικού ενδιαφέροντος που έχει. Ο άλλος είναι η Κεραμικού που η πρώτη μελέτη του 1994 έλεγε ότι έπρεπε να πεζοδρομηθεί και αυτή για να συνενώσει τους καθέτους πεζόδρομους και επειδή δεν περνάνε λεωφορεία, έχει στοπ σε κάθε διασταύρωση, έχει ήπια χρήση, προσφέρεται σε σχέση με τους υπόλοιπους δρόμους της περιοχής. Είναι μεγάλη, έχει 12 μέτρα πλάτος. Για τη Σαλαμίνος είπαν, πεζόδρομος είναι βέβαια, πρώτα να θεσμοθετηθεί, και κάπως να έχει κανένα παγκάκι, η φύτευση να πάει πιο ψηλά, να βλέπεις, να υπάρχει διαμπερής κίνηση και όραση και αίσθηση, φως. Η Κεραμικού, να γίνει και αυτή πιο φιλική προς τον πεζό, προς το ποδήλατο, τη βόλτα κτλ. Έγινε το 2010 λοιπόν μια προσπάθεια, έγινε μια παρουσίαση στο δημοτικό συμβούλιο, πάλι αντιδράσεις και ότι “πίσω υπάρχουν επιχειρηματικά συμφέροντα”, ενώ είναι πολύ καθαρό, είναι μέλος της μη κερδοσκοπικής δραστηριότητας. Αυτό που γίνεται δεν αποσκοπεί στο κέρδος του επιχειρηματία. Σωστά; Είναι κάτι που ωφελεί όλη τη γειτονιά. Δεν
καταλαβαίνω λοιπόν γιατί εστιάζουν στα 2 ακίνητα, που μπορεί στα 40 που υπάρχουν στη περιοχή, να υπάρχουν και στη Κεραμικού, όπως υπάρχουν και στη Λεωνιδίου και σε άλλους δρόμους. Πάει αμέσως στο κακό και στο μοχθηρό η σκέψη, χωρίς πάλι να έχεις τη δυνατότητα να εξηγήσεις το γιατί. Το λένε 2 πολεοδομικές μελέτες που έχουν γίνει, 10 άλλοι μηχανικοί και 10 άλλοι οι δικοί μας, 20. Προτείνουν τη Κεραμικού, πως μπορεί να υπάρχει δηλαδή δόλος από πίσω; Αυτή η προσπάθεια ξεκίνησε το 2010, κάπως σήμερα μοιάζει να παίρνει ένα δρόμο πιο προς την υλοποίηση, με τη χορηγία πάλι της Παπαστράτος που είχαμε την τύχη, γιατί κατά τύχη έγινε να την πάρουμε. Προχωράνε κάποιες μελέτες που είχαν ξεκινήσει από το 2010 για να γίνει δωρεά προς τον δήμο και να προχωρήσει η ανάπλαση. Γιατί η πεζοδρόμηση δεν ξέρω πότε μπορεί να γίνει, δεν έχει γίνει η Σαλαμίνος ακόμα. Ανάπλαση, και η γραφειοκρατία είναι μεγάλο πρόβλημα στην Αθήνα και σε όλη την Ελλάδα. Να αναπλαστεί, να μεγαλώσουν τα πεζοδρόμια, να έρθει σ’ένα επίπεδο, να υπάρχει ένα σχέδιο τέλος πάντων. Να μπουν υλικά πιο φιλικά προς το περιβάλλον, πιο εύκολα στη συντήρηση, πιο φιλικά προς τον χρήστη, τον τυφλό, με ειδικές ανάγκες, για καροτσάκια παντός είδους, να γίνει πιο ανθρώπινος, αυτή είναι η ιδέα, να επιτρέπεται και το αυτοκίνητο αλλά. Αυτός είναι ο σκοπός. Άρα μέσα από δράσεις προσπαθεί η Πρότυπη Γειτονιά να αναβαθμίσει την περιοχή. Και οι δράσεις αυτές τι περιεχομένου είναι; Δεν υπάρχει κάποια σχέση με το ReMap; Όχι, καμία. Λοιπόν, έχει αυτό το χαρακτήρα “ξανακοίταξε τον δημόσιο χώρο, την ποσότητα, την ποιότητα κτλ”. Για το αρχαιολογικό θέμα της περιοχής, και ως προς την αξία του αλλά και ως προς την αρνητική του χροιά, με την έννοια ότι είναι εμπόδιο για το κάτω τμήμα, πιο πολύ γιατί φοβούνται οι άνθρωποι να πάρουν ρίσκα, να έρθουν να σκάψουν κτλ. Και γενικά θέλαμε να αναδείξουμε τη μέση διαδρομή και εκεί, ότι κάπως πρέπει να γίνει. Και ότι η αρχαιολογία δεν είναι κάτι που υποκλινόμαστε, αυστηρή απρόσιτη, εκτός πόλης. Πρέπει να μπει, να κατέβει και αυτή στον δρόμο, να μη τη νοιάζει μόνο το δικό της επιστημονικό πεδίο, γιατί είναι ένα επιστημονικό πεδίο μέσα σ’έναν αστικό ιστό, με αλλά 200 γύρω-γύρω. Πρέπει κάπως να αλλάξει αυτό. Και κάναμε στο Δημόσιο Σήμα μια δράση. Ήταν ένα απαλλοτριωμένο και προς απαλλοτρίωση οικόπεδο, που οι άνθρωποι εδώ και 15 χρόνια δεν έχουν πάρει την αποζημίωση τους από το Υπ. Πολιτισμού, δίπλα στη ανασκαφή που έχει γίνει, η οποία τυχαία ανακαλύφθηκε. Θα γινόταν ένα θέατρο εκεί. Έσκαψαν και βρήκαν τους τάφους, απαλλοτριώθηκε και αυτό και παίρνουν σταδιακά και τα γύρω-γύρω οικόπεδα. Ήταν εκεί, 600 τμ, ένα οικόπεδο χάλι με κάτι λαμαρίνες περιφραγμένο που πέφτουν, με κάτι πινακίδες, βρωμά, μπάζα, ποντίκια, τραγική κατάσταση. Όπου με συνεργασία με άλλες μη κερδοσκοπικές τα καθαιρέσαμε, τα απομακρύναμε και έχει γίνει ελεύθερος χώρος μέχρι να το σκάψει η αρχαιολογία. Είναι λίγο πιο καθαρά και περιποιημένα βασικά. Άλλη μια δράση ήταν με κάποια κενά οικόπεδα. Την είχαμε πει Προσωρινοί Κήποι όπου και εκεί θέλαμε να αναδείξουμε τα πολλά κενά της περιοχής και την ανάγκη ότι πρέπει να φροντίζονται αυτά από τους είτε ιδιοκτήτες ,είτε από τις αρχές. Πως εξηγείται η ύπαρξη τόσων πολλών κενών οικοπέδων σε μια κεντρική περιοχή της Αθηνάς, γιατί δεν έχουν δομηθεί; Το ρίσκο πάλι είναι τα αρχαιολογικά ευρήματα που μπορεί να εντοπιστούν με τις ανασκαφές.
Ήταν αυτά τα οικόπεδα πάντα κενά; Κάποια από αυτά δεν έχουν σημάδια δόμησης. Κάποια έχουν, βλέπεις στους τοίχους ράφια,όπου έχουν μείνει οι μεσοτοιχίες. Υπάρχουν και αλλά που δεν υπάρχει τίποτα. Είναι η πολυκατοικία δίπλα συνήθως, όχι κάποιο παλιό κτίριο και το οικόπεδο. Κενούς χώρους έχει ο Ολίαρος; Έχει, πολλούς. Δηλαδή απ’όλο το project η περισσότερη δόμηση πάει στα κενά οικόπεδα. Παρόλο που την μεγάλη δόμηση την έχουν τα προϋπάρχοντα, αλλά δεν είναι του χαρτοφυλακίου αυτά, των 70’s δηλαδή, όπου σήμερα είναι πολύ χαμηλότερη αυτή που υποχρεούσαι να κάνεις από το 1998. Ο Ολίαρος, όπως είπαμε, εστιάζει στο κενό όπως είναι λογικό. Τι άλλο έχουμε κάνει; Έναν παιδικό κήπο κάναμε κάποια στιγμή που θέλαμε να αναδείξουμε την έλλειψη χώρου για το παιδί, μία παιδική χαρά, ένα πάρκο. Κάπως και τα παιδιά να έχουν τον χώρο που τους αναλογεί σε μια γειτονιά. Και υπάρχουν πολλά παιδάκια στη γειτονιά. Το καλοκαίρι παίζουν 50-100 παιδάκια στη πλατεία. Γιατί να μην υπάρχει μια παιδική χαρά; Προσωρινή ήταν και αυτή, σ’ένα οικόπεδο του οργανισμού σχολικών κτιρίων. Το λέω προσωρινό γιατί δεν έχουμε τη δυνατότητα της συντήρησης και της φύλαξης. Στο Δημόσιο Σήμα για παράδειγμα, βάλαμε φως, προβολέα, που έπαιρνε φως από τον αρχαιολογικό χώρο, τώρα δεν λειτούργει, πρέπει να ασχοληθούμε εμείς, να πάμε να το φτιάξουμε. Η η γειτονιά δεν το υιοθετεί δηλαδή. Η άμεση γειτονιά που θα έπρεπε να την ενδιαφέρει, όπως το να πάρεις ένα τηλέφωνο τον δήμο να του πεις ότι δεν έχω λάμπα. Όχι απλά να γκρινιάζεις ότι δεν έχεις λάμπα. Δεν μπορεί να έχει ο δήμος ματιά παντού, τουλάχιστον μέχρι να αποκτήσει τεχνολογία που θα του το επιτρέπει. Το ReMap είναι μια από τις δραστηριότητες του Ολίαρου; Το ReMap είναι άλλη εταιρεία μη κερδοσκοπική που έχει ως αποκλειστικό σκοπό την διοργάνωση και την προώθηση και ότι έχει να κάνει με την σύγχρονη τέχνη. Γιατί στο Μεταξουργείο λοιπόν; Γιατί είναι εταιρεία του επιχειρηματία που απασχολείται με το Μεταξουργείο και την Ολίαρος. Όπως βλέπεις (στο γραφείο) υπάρχει μια αδυναμία στη σύγχρονη τέχνη. Και γίνεται ένας συνδυασμός εκεί περά, οικονομίας-κλίμα θα το’λέγα. Θα μπορούσε να γίνει κάπου αλλού, αλλά επειδή η τέχνη είναι θέμα αισθητικής και γούστου και αντίληψης αξιών και ιδεών και πραγμάτων και επειδή και το Μεταξουργείο έχει τέτοια χαρακτηριστικά για την επιλογή για τη συγκεκριμένη επένδυση και επειδή υπάρχουν και οι χώροι, και επειδή θέλει να έρθει ο κόσμος στην περιοχή και να την δει και να την περπατήσει, νομίζω ότι είναι η “ισχύς εν τη ενώσει”. Έχει γίνει 4 φορές (2007, 2009, 2011, 2013), έχει γίνει και το καλοκαίρι και το φθινόπωρο, μικρά-μεγάλα. Στην αρχή ξεκίνησε με λίγα κτίρια, τώρα κι’άλλοι ιδιοκτήτες συμμετέχουν.
Άρα δεν περιορίζεται στους χώρους του Ολίαρος; Όχι συμμετεχουν κι’αλλοι. Άρα, ο Ολίαρος απ’ότι μου λέτε, επεκτείνει τις δράσεις του προς διάφορες κατευθύνσεις πέρα από την επιχειρηματική, είτε αυτό είναι ο δημόσιος χώρος, είτε η τέχνη. Αυτές βέβαια οι προσπάθειες απαιτούν μια κοινωνική δυναμική και υποστήριξη που έως τώρα απ’όσο καταλαβαίνω υπάρχει. Μπορεί όμως ο Ολίαρος και σκοπεύει να διατηρήσει αυτή τη δυναμική μέσα στα επόμενα χρόνια, μεσοπρόθεσμα ή και μακροπρόθεσμα; Δεν μπορώ να στο πω αυτό, όμως το ελπίζω. Κοίτα είναι 7 χρόνια ήδη που ακόμα σχεδιάζει, ωριμάζει και δεν έχει γίνει κάτι. Αν παίρνει 7 χρόνια ο σχεδιασμός, δεν ξέρω, τα 20-30 χρόνια για την υλοποίηση δεν μου φαίνονται μεγάλο διάστημα. Και ναι σκοπεύει. Βλέπει μακριά ο Ολίαρος; Ναι βλέπει, είναι και οι συνθήκες τώρα βέβαια που δεν βοηθούν πολύ προς αυτή την κατεύθυνση και δεν είναι κακό και αυτό. Εντάξει βέβαια από την άλλη, είναι πάντα όλες αυτές οι ισορροπίες που πρέπει να τις κρατούμε και να τις επιτυχαίνουμε κτλ. Και προσπαθούμε, νομίζω, σε αυτά το κτίριο να τις διατηρούμε, αλλά άμα βλέπεις και πολύ πολεμική συνέχεια, να το πω λίγο πιο γλαφυρά, να τρως ξύλο από πολλαπλές πλευρές και για τελείως διαφορετικούς λόγους. Το ξύλο το χρησιμοποιείτε μεταφορικά ή κυριολεκτικά; Και τα δυο. Στο ReMap έχουν περάσει και έχουν πετάξει μέσα σε γκαλερί σκατά και χημικά που βρωμάγανε και αμπούλες και τέτοια. Υποστήριξαν βέβαια αυτοί που το έκαναν ότι ήταν performance αλλά δεν νομίζω να ήταν. Δεν ξέρω πόσο καλό είναι να φας ένα αυγή στο κεφάλι, για ένα μέρος performance. Και να μην το έχεις ζητήσει. Ήταν βίαιο ως προς το άτομο που ήταν μέσα στο χώρο, περισσότερο απ’ότι στο ReMap.