Senegal njaay #14 novembre 2016

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Editorial…

« ETRE GRAND, C’EST SOUTENIR UNE GRANDE CAUSE »

Taxawu Tuut Tànk, une caravane humanitaire de soutien pédagogique et matériel aux enfants. C’est une action multiple : c’est un projet pédagogique, une aide matérielle concrète et un vecteur d’éveil des consciences. La C3T consiste à aller à la rencontre des enfants à apporter aux enfants et aux jeunes une aide matérielle concrète. Nous sommes allé à Mbour ( à la pouponnière Vivre Ensemble et à l’école Demain Ensemble) offrir des denrées alimentaires et autres fournitures aux enfants nécessiteux. A Mbao, nous avons récompensé les meilleurs élèves de la commune suite à un concours de dictée et un tournoi de calcul que nous y avons organisé lors de la célébration du troisième anniversaire de NJAAY. Ces lauréats seront suivis et soutenus par le programme 3T tout le long de leurs cursus. La C3T (caravane taxawu tuut tànk) s’est également rendu à Tivaoune le Samedi 20 Août 2016. Elle a offert aux Ndongo Daara des habits et à été reçu avec les honneurs par Serigne Mbaye Abdou qui a magnifié la mission et prié pour sa pérennité.... Suivant son objectif d’apporter des soins et un souffle nouveau aux talibés et à tous les enfants qui en ont besoin, la C3T se rendra à Thienaba dans un autre Daara, en Novembre 2016. Pour réaliser cette mission, nous avons besoin de vous : c’est la raison pour laquelle nous avons lancé une collecte de financement participatif, afin de faire participer l’ensemble des citoyens à cette mission. Babacar KORJO Senegal Njaay N° 14 - Novembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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BIRAGO DIOP

Le plus «africain» des écrivains Sénégalais

COIN D’HISTOIRE

Sommaire…

A la une

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KAAÑ, FIGURE MARQUANTE DU DIANKHIN P•30


•••• Rubrique ••••••

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•••••• Figure Littéraire ••••

BIRAGO DIOP

Le plus «africain» des écrivains Sénégalais «Birago DIOP est le plus africain des écrivains sénégalais» décrète le cinéaste sénégalais SEMBENE Ousmane (19232007). Vétérinaire, conteur et poète sénégalais d’expression française, Birago DIOP est marqué par l’enracinement dans les valeurs culturelles ancestrales. Birago DIOP a résolu ce déchirement culturel par un humour inaltérable, de plus en plus tendre et féroce : «L’hybride n’est pas toujours ce caractère inquiet et, parmi les produits de culture antagonistes, surgit un original, les yeux plissés par le rire derrière des verres épais, la bouche faite pour la raillerie et la satire» souligne Roger MERCIER. Senegal Njaay N° 14 - Novembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• Figure Littéraire •••• En effet, Birago, qualifié par Jean-Paul SARTRE, de «centre calme du maelström» est connu pour ses rapports avec la Négritude, et la mise par écrit de contes traditionnels de la littérature orale africaine. «J’avais appris à lire pour écrire. J’ai beaucoup écouté pour savoir dire. Et j’ai essayé de bien écrire des dits», souligne, dans sa grande modestie, Birago DIOP, sa conception de l’écrivain. «Birago DIOP a vécu, comme seuls savent le faire les auditeurs négro-africains, les récits des griots ; il les a repensés et écrits en artiste nègre et français» dit Léopold Sédar SENGHOR. Le philosophe sénégalais, Souleymane Bachir DIAGNE pense que le français est une langue africaine. Fin lettré, puisant dans les richesses d’expression, d’émotion et d’expérience des deux mondes qu’il connaît, la France et l’Afrique, Birago connaît ses grands classiques : «J’ai bu longuement chez Villon. Je me suis abreuvé des classiques, ayant récité à satiété Corneille, Racine, Boileau et Molière, après Ronsard. J’ai été inoculé du virus Voltaire. Et ne m’en suis trouvé que plus accompli, sans complexe, avant d’aborder les Maîtres romantiques et par-

nassiens, ou je me suis étanché abondamment, et ensuite chez Anatole France» dit-il. En effet, Birago DIOP emploie la langue de l’un pour révéler la beauté, le mystère et la vie profonde de l’autre. «L’arbre ne s’élève qu’en enfonçant ses racines dans la Terre nourricière» dit Birago DIOP. C’est à Paris qu’il composa en 1942 «les Contes d’Amadou-Koumba», publiés en 1947, marquant dès ce premier livre sa prédilection pour la tradi-

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tion orale des griots. Les traits des mœurs qui caractérisent ses personnages renvoient-ils à la réalité villageoise dans ce qu’elle a à la fois de particulier et d’universel. Son recueil de poèmes, «Leurres et Lueurs», en 1960, est profondément imprégné de culture française alliée aux sources d’une inspiration purement africaine. A travers son œuvre, on reconnaît bien le cadre africain de manière générale, mais surtout le style

nègre dont SENGHOR parle assez souvent : l’asymétrie dans le rythme qui n’ennuie nullement le public du conte. Les contes de Birago DIOP, associés à l’enfance, ont leur origine dans la tradition orale de l’Afrique. Récitées rituellement à un groupe la nuit par un conteur souvent professionnel, un griot, les histoires folkloriques furent répétées par les gens qui les écoutaient. Pendant la cérémonie on interpolait des chansons et des danses. Ainsi tout en servant de divertissement les contes africains remplissaient une fonction didactique : ils enseignaient aux jeunes pendant des veillées émotionnellement impressionnantes les croyances et les valeurs de leurs ancêtres. Evoquant les histoires que lui racontait sa grand-mère Birago dit : «J’ai bu l’infusion d’écorce et la décoction de racines, j’ai grimpé sur le baobab. Je me suis abreuvé enfant aux sources, j’ai entendu beaucoup de parole de sagesse, j’en ai retenu un peu». Son fameux poème, «Les Souffles», convoque les forces de l’esprit et constitue une puissante réflexion sur les rapports entre la vie et la mort, sur le sens de notre existence.

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•••••• Figure Littéraire •••• Né le 11 décembre 1906, à Ouakam, dans une proche banlieue de Dakar. Birago DIOP, dont la concession familiale est établie à Dakar, n’a jamais habité Ouakam. Mais le caprice du sort a voulu qu’il y soit né par hasard. Sa mère, Sokhna DIAWARA, d’origine Soninké et ménagère, devait porter à son mari, Ismaël DIOP, un Ouolof et maître-maçon, le repas de midi et parcourir ainsi, à pied, plusieurs kilomètres par jour. C’est au cours d’une de ces navettes, que Birago est né, par hasard, à Ouakam. Son père qui travaillait à la construction du camp militaire (lieu de naissance de Ségolène ROYAL) devait mourir deux mois plus tard, après sa naissance. Les femmes occupent une place singulière dans ses contes. Birago issu d’un métissage entre deux ethnies, a grandi à Dakar, dans un contexte de diversité culturelle, auprès des Capverdiens, des Soussous, des Peuls et des Européens ; ce qui témoigne de son ouverture d’esprit. Birago voue un culte sans limites à sa mère ; il est donc attaché à la tradition. Son frère Badara est envoyé à Saint-Louis, puis en Côte-d’Ivoire. Massyla et Youssouf, ses deux frères aînés,

exerceront sur lui une influence considérable. Massyla, demi-frère de Birago qui disparaîtra en 1932, est un commis principal aux affaires indigènes, un intellectuel et sensible qui avait voulu entreprendre des études de Lettres. Auteur de deux nouvelles, «Les Chemins du salut» (1923) et du «Le réprouvé, roman d’une Sénégalaise» (1912), ainsi de quelques sonnets, dont «Thiaga», Massyla a été le directeur d’une revue éphémère, «la Revue africaine artistique et littéraire», en 1925. L’autre grand-frère, brillant médecin et passionné d’histoire, européanisé, parfait érudit, Youssouf, «gardien de mémoire et berger de souvenirs», est resté le guide spirituel de Birago, jusqu’à sa mort en 1962. Birago reconnaît avoir été fortement inspiré par ses frères : «J’avais aussi et surtout, dans la famille, deux grands frères qui avaient été mes exemples et mes moniteurs. J’ai tenté de « plonger ma poésie aux sources mêmes de croyances et de la sensibilité négro-africaine». Birago DIOP reçut, en 1911 une formation coranique, chez un marabout Peul, et suivit, à partir de 1916, de son propre chef, les

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cours de l’école française, à la rue Thiong, à Dakar. En juin 1920, il échoue au certificat d’études primaires et ne pourra donc pas aller à l’école William Ponty, à Gorée, pour devenir instituteur. Mais, il réussit au concours des bourses et s’inscrit, en janvier 1921, au cours secondaire, au lycée Faidherbe, à Saint-Louis, un établissement fréquenté par des Européens, des Africains et des Métis. Fort en sciences, mais s’intéressant aux grands classiques de la littérature, à la poésie, Birago découvre les africanistes comme Maurice DELAFOSSE (1870-1926), Léo FROBENIUS (1873-1938) et Georges HARDY (1884-1972). Birago DIOP se met au diapason des écrits de l’époque. Il avait entendu parler d’Amadou Duguay Clédor N’DIAYE, un homme politique sénégalais, qui a publié en 1912, «la Bataille Guilé», un récit historique et épique. L’année 1921 sonne comme un coup de tonnerre avec le prix Goncourt attribué au «Batouala» de René MARAN. Il connaissait à la rue de Thiong, Amadou Mapaté DIAGNE avec ses «Trois volontés de Malick». Quand, il obtient son baccalauréat, de justesse, Birago DIOP devait faire son service

militaire, à l’hôpital militaire de Saint-Louis. Pendant onze mois, il va se «dissiper, dans une vie de fête» dit Mohamadou KANE. Les bourses n’étant accordées qu’aux étudiants en médecine vétérinaire, et à la fin de cette année 1928, il rejoint Toulouse où l’hypothèque familiale ne lui permet pas d’entreprendre des études de médecine humaine. Il se spécialise dans les pathologies bovines et devient docteur. «Je me suis fait vétérinaire par nécessité. Mes fonctions de véto colonial m’ont permis d’être et plus en contact avec la brousse, la nature et les gens. J’ai cessé d’écrire lorsque je suis devenu vétérinaire (à Dakar)», dit-il. Birago DIOP rejoint alors l’Institut de Médecine Vétérinaire Exotique de Maisons-Alfort dont il obtient le diplôme. Il arrive à Paris, en novembre 1933, en plein bouillonnement intellectuel sur la Négritude, une entreprise de réhabilitation du continent noir. «Stagiaire après mon doctorat à l’Institut des Études de Médecine Vétérinaire Exotique d’Alfort, de novembre 1933 à juin 1934, j’avais fait la connaissance du Sénégalais Léopold Senghor, du Martiniquais Aimé Césaire et du Guyanais Léon-Gontran

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•••••• Figure Littéraire •••• Damas, les trois «promoteurs» de la Négritude. Le premier me sera «un frère», dit-il. Birago DIOP participe à l’aventure de «L’Étudiant noir», la revue littéraire que l’on considère comme l’acte de naissance du mouvement de la Négritude, et se lie d’amitié avec ses fondateurs. «Je vous étonnerai peut-être en vous confessant que je n’ai jamais lu une page de L’Étudiant Noir dont j’ai toujours ignoré le format et le volume. Même pas l’exemplaire ou avait du être publié mon conte «Kotje Barma ou les Toupets Apophtegmes», envoyé de l’École Vétérinaire de Toulouse en 1932» dit-il. Il s’est lié d’amitié avec le Guyanais, Léon GONTRAN-DAMAS qui l’a présenté au prix Goncourt, René MARAN : «J’avais retrouvé Damas et Senghor. Damas avait été mon mentor. Il m’avait installé à «un établi» au Café Le Méphisto, rue de Seine, à l’angle du boulevard Saint-Germain, pour me faire reprendre la plume. Il m’avait commandé un conte pour La Revue du Monde que venaient de créer Paul Morand et Ramon Fernandez, un des premiers clients assidus du Méphisto», dit Birago. Damas fait paraître la totalité du manuscrit, en 1947, dans sa collection

«Ecrivains d’Outre-Mer», chez Fasquelle. Fin 1949, Les Contes d’Ahmadou Koumba reçoivent leur récompense : le recueil obtient le Grand Prix littéraire de l’Afrique Occidentale Française. • Birago se marie le 5 avril 1934, à Toulouse. Ils auront deux filles, Renée et Andrée. Sa femme, Marie-Louise Paule PRADERE, est originaire de Sengouagnet, en Haute-Garonne. A son retour en Afrique, il est affecté, en qualité de vétérinaire, de 1934 à 1937, à Kayes au Mali ; ce qui lui donne l’occasion de parcourir la brousse et de faire la rencontre avec Fily Dabo SISSOKO, un instituteur, poète et futur parlementaire, surtout avec Ama-

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•••••• Figure Littéraire •••• dou Koumba N’GOM, griot de la famille maternelle auprès de qui il recueillit beaucoup d’histoires. Commence alors un travail de «véto de brousse» qu’il résume dans cette formule aussi lapidaire qu’explicite : «courir au cul des vaches et en faire des rapports». Il exerce ainsi jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, où il prend la mesure de la mise en péril de l’économie locale au profit exclusif des Blancs et de la métropole. «Amadou Koumba m’a raconté, les mêmes histoires (…) qui bercèrent mon enfance. Il m’en a appris d’autres qu’il émaillait de sentences et d’apophtegmes où s’enferme la sagesse des ancêtres» dit Birago DIOP. «C’est que je suis devenu homme, donc un enfant incomplet. C’est que surtout, il me manque la voix et la mimique de mon vieux griot » ajoute notre écrivain. Se révoltant contre ce qu’on appelait «la mission civilisatrice de la France», ce Sénégalais recherche ses racines et la source de sa puissance créatrice dans les croyances, les coutumes et les valeurs de son continent natal. «Dans la trame solide de ses contes et de ses sentences (Amadou Koumba), me servant de ses lices sans ba-

vures, j’ai voulu, tisserand malhabile, confectionner quelques bandes pour coudre un pagne sur lequel grand-mère, si elle revenait, aurait retrouvé le coton qu’elle fila la première ; et où Amadou Koumba reconnaîtra, beaucoup moins vif, sans doute, les coloris de la belle étoffe qu’il fila naguère» précise ainsi l’auteur toute l’orientation de sa contribution littéraire. Birago DIOP amasse de nombreux contes et se sent investi d’une mission : «la nécessité de réhabiliter les cultures, d’en attester le dynamisme, c’est-àdire les facultés d’adaptation au monde nouveau» dit Mohamadou KANE, son biographe. Il séjournera une seconde fois au Soudan, entre 1937 et 1942 et naviguera entre Nioro-duSahel, Ségou et Djenné. Il fait une découverte plus poussée des choses et des gens. Pendant, il est affecté à l’Institut de Médecine vétérinaire exotique, à Paris de 1942 à 1944. Il retournera en Afrique servir l’administration coloniale, pendant cinq ans, en Côte-d’Ivoire, en Haute-Volta (Burkina-Faso), en Mauritanie et à Saint-Louis du Sénégal. SENGHOR publie ses poèmes dont les «Souffles» dans son «Anthologie de la nouvelle

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poésie nègre et malgache». En 1950, Birago DIOP rentre au Sénégal et prend sa retraite de fonctionnaire colonial en mai 1961. Nommé ambassadeur du Sénégal à Tunis (1960-1965), au lendemain de l’Indépendance, il affirme dans un premier temps vouloir renoncer à la littérature ; mais son séjour en Tunisie est au contraire marqué par une exploration plus profonde encore de la littérature traditionnelle africaine avec la publication, «Déjà à Tunis, ma Chancellerie était plus un «atelier littéraire» qu’une ambassade, d’où sortiront, aux Éditions Présence Africaine dans le même semestre 1963, les poèmes «Reliefs» de mon conseiller feu Malick Fall, et «Négristiques » de mon secrétaire Lamine Niang, en même temps que mon troisième livre « Contes et Lavanes», dit Birago DIOP. En 1963 les «Contes et Lavanes», peinture de la société traditionnelle de l’Afrique de l’Ouest, qui lui valut le Grand Prix Littéraire d’Afrique noire, en 1964. Sa carrière diplomatique, après l’indépendance du Sénégal, et son retour à son premier métier

de vétérinaire à Dakar, à partir de 1965, n’entravèrent pas son exploration de la littérature traditionnelle africaine. «Ni poème, ni conte. Car l’âge venant et venu, je considère ma vie comme le meilleur des contes, le plus réussi. J’essaie de la rapporter, depuis les sources généalogiques (ce qui est la seule richesse mentale du Négro-africain en général, et du Sénégalais en particulier), en me racontant et en racontant le peu que j’ai retenu de celles et ceux que j’ai rencontrés ou fréquentés au cours de mes diverses «carrières» que je trouve plus que remplies, depuis que j’ai quitté le bercail dakarois, pour y repasser par intermittence d’abord, et y revenir ensuite définitivement» dit-il dans une interview de 1985, à Bernard MAGNIER. Vice-président de la Confédération internationale des auteurs et compositeurs, il préside pendant plus de vingt ans, l’Association des Écrivains du Sénégal, et dirige également le comité de lecture des Nouvelles Éditions africaines. Grand ami d’Amadou Mactar M’BOW, il côtoie d’éminentes personnalités de la culture, dont Léopold Sédar SENGHOR et Mme Aminata SOW FALL qu’il cite abondamment dans ses mémoires.

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•••••• Figure Littéraire •••• Même s’il déclare avoir «cassé sa plume», son oeuvre semble se décliner en deux temps : le temps de la création et le temps des souvenirs. Birago DIOP a publié «la Plume raboutée» et quatre autres volumes de mémoires de 1978 à 1989. Dans ses mémoires, auxquels il a consacré la dernière décennie de sa vie, l’existence de Birago DIOP est bien connue. Grace à la biographie établie par Mohamadou KANE, à son autobiographie «tous contes faits», on peut reconstituer la vie de Birago DIOP, un homme méticuleux et rigoureux. Ses mémoires constituent un précieux témoignage pour comprendre aussi bien l’homme que son époque. Birago DIOP est un mondain et ses mémoires foisonnent de détails sur ses réceptions, ses voyages, ses thalassothérapies. «C’est un carabin, du genre littéraire, certes, mais il aime par-dessus le monde et le bruit», dit Mohamadou KANE. Dans son originalité, le professeur KANE précise «son manque de conformisme et du peu de cas qu’il fera des écoles et des théories». Birago DIOP est en effet un paradoxe incarné : vétérinaire et fonctionnaire colonial d’une part, écrivain, garant et rénovateur de l’art de conter africain de l’autre. C’est un conteur-poète.

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•••••• Figure Littéraire ••••

Birago - le conteur Entre la poésie, le conte et le théâtre, la contribution littéraire de Birago DIOP est riche. «Le conte domine et inspire tout» dit Mohamadou KANE. Le conte englobe tout. C’est l’époque où Birago DIOP a participé, de manière décisive à la réhabilitation de la culture africaine, souvent méprisée. «Ces civilisations que l’on tenait pour périssables comme le bois et le verbe qui en sont le support naturel, se dégagent de la gangue du parti pris et de jugements hâtifs qui les étouffaient pour se montrer dans toutes leurs splendeurs» renchérit le professeur KANE.

Birago DIOP,

gardien de la tradition orale

Les contes d’Amadou Koumba, un retour à l’authenticité de la culture africaine, Le recueil des contes d’Amadou Koumba est qualifié par

Mohamadou KANE de «tableau complet de la vie rurale, du lever au coucher de soleil, et au fil des saisons». L’ouvrage s’ouvre sur une brève introduction où Birago rend hommage, avec une grande modestie, aux deux personnes qui ont forgé son goût du conte : sa grand-mère et le griot Amadou Koumba N’GOM. Il prétend ne faire que traduire et répéter ce que dit la tradition orale. En fait, «c’est au moment où il compose les Contes d’Amadou Koumba, qu’il se libère de ses Maîtres pour aller à la découverte de l’authenticité des Choses et des Êtres de la Surréalité» souligne Mohamadou KANE. C’est à partir de 1936 qu’il a rassemblé son contes avec les trois objectifs :«Montrer la complexité et l’intérêt littéraire de ces contes, les transposer en français en conservant leur valeur littéraire et en les rendant susceptible d’être reçus comme morceaux littéraires, les faire reconnaître par la critique européenne et assurer leur survie. La rédaction des Contes

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•••••• Figure Littéraire •••• manifeste une double intention de l’auteur : témoigner d’une culture collective et développer une écriture personnelle» dit Viviane AZARIAN. Birago DIOP reconnaîtra, dans la biographie que lui consacre le professeur Mohamadou KANE, sa part de créativité ; «Amadou Koumba n’a été qu’un prête-nom, un pavillon commode, pour couvrir presque toute la marchandise que j’ai essayé de présenter et qui m’est venue de plusieurs sources». C’est un recueil composé de dix-neuf contes, et abordant divers thèmes Le premier et le dernier conte traite du thème de l’incapacité à changer. «Fari l’ânesse» transformée en femme pour échapper à la famine, ne peut devenir autre, et est condamnée à être démasquée et asservie. Dans les contes de Birago DIOP on trouve, un mélange de l’humain, du naturel et du surnaturel, l’animisme de l’univers, le manque de barrière entre la vie et la mort, les animaux avec des personnalités et des faiblesses humaines. Le

merveilleux domine dans certains contes comme dans «Les mamelles», récit étiologique expliquant la présence des «Mamelles» du Cap Vert, et effets réalistes comme le récit «N’Gor Niébé», qui stigmatise l’indiscrétion des femmes. Les contes de Birago sont pleins de poésie. «Mauvais tisserand l’hiver n’arrive pas à égrener ni à carder le coton» dit-il dans les «Mamelles» ou encore dans ce même conte, il début avec cette maxime : «Quand la mémoire va ramasser du bois mort, elle rapporte le fagot qui lui plaît». Le conte «Maman-Caïman» est particulièrement intéressant puisqu’il combine le merveilleux de la fable avec cette mère caïman que ces enfants refusent d’écouter et le réalisme des guerres entre Maures et Wolofs. Il ouvre une longue série de contes ayant des animaux pour héros : «Maman-Caïman» que ses petits refusent d’écouter, «Les mauvaises compagnies I, II, III et IV», deux contes mettant en scène l’hyène Bouki et son fils M’bar, «La lance de l’hyène» et «Une commission» puis

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•••••• Figure Littéraire •••• deux contes mettant en scène «Leuk le lièvre» : «Le salaire» et «Tours de lièvre». Le recueil propose ensuite un conte sans personnage zoomorphisé qui s’achève tragiquement «Petitmari». Suit ensuite une fable «Vérité et mensonge» et deux contes animaux «La biche et les deux chasseurs» et «Les calebasses de Kouss». «Sarzan», dans le recueil des contes d’Amadou Koumba, est l’aventure d’un ancien sergent africain revenu à son village natal, avec la ferme intention de le «civiliser», est rendu fou par les «souffles» du village qui le ramène à sa nature profonde africaine. Selon toute probabilité ce conte est la création de Birago DIOP et ne doit rien au griot. Dans ce récit on voit l’Afrique de deux points de vue différents: celui de Kéita, le sergent, influencé à un tel degré par les Français qu’il veut se révolter contre sa culture natale pour «civiliser» les «sauvages» africains; et celui du narrateur qui, aimant les traditions indigènes, emploie une ironie mordante pour se moquer des valeurs de

la «civilisation» européenne. Dès le commencement du conte, on apprend que les indigènes tiennent beaucoup à leurs croyances. L’emprise de leur religion se révèle à travers le récit pour culminer dans deux poèmes, chants musicaux maintenant célèbres en dehors de ce conte où l’on peut la sentir comme une force surnaturelle. Alors que le premier poème décrit la vie intense de l’univers animé, le second révèle la peur et l’horreur de l’ordre renversé. Ce n’est donc pas seulement par son récit et par ses personnages que Birago DIOP saisit son lecteur ; c’est aussi, et peut-être surtout, par sa puissance poétique.

entre divertir et instruire, «L’Os de Mor Lam», comédie satirique, a été adapté pour le théâtre. Dans ce conte, un homme, Mor Lam, à cause de sa gourmandise et de son ingratitude, finira par provoquer sa propre mort, car il ne voulait pas partager son repas avec son frère Moussa. Birago défendant, avec vigueur

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les valeurs traditionnelles de l’hospitalité et de la fraternité, dénonce le parasitisme social. On sent sa volonté de fixer les mœurs qui tombent en désuétude. Dans une société solidaire, si l’individu se singularise, le groupe se dresse contre lui, et cette confrontation s’achève par sa perte. Entre 1947 et 1963, Birago DIOP a publié trois recueils contenant 52 contes dans lesquels les principaux personnages sont des animaux. Dans ses contes, Birago DIOP fait défiler, dans la brousse et ses villages, des hommes et des animaux pleins de vie et de couleurs. «Les contes de Birago DIOP sentent nettement la brousse africaine tendant l’oreille aux battements sourds des tam-tams mâles et femelles» dit René MARAN. S’appuyant sur la tradition de moquerie de certains groupes ethniques, on retrouve très souvent dans ses contes, un Maure, un Peul, une femme ou un marabout. Ainsi, les flatulences de Mawdo, le vieux peul du Macina, sont au cœur de «N’Gor Niébé. Le marabout est souvent décrit comme, un

gourmand, un parasite qui tire partie de l’incrédulité de ses disciples. Birago dépeint dans ses contes (Commission, Le tamtam du lion, un jugement, N’Gor Niébé, Liguidi-Malgam, etc.) une vue nette de la place de la femme au sein du foyer et dans la société traditionnelle. La femme est, à première vue, considérée comme un objet dont on peut se servir. Elément essentiel de la société, la femme sait tourner les choses à son avantage par son savoir-faire. La femme est coquette, mais indiscrète. Kotje BARMA recommandait d’aimer sa femme, mais de ne jamais se fier à elle. On se moque des femmes, pour divertir. Dans ses contes, le merveilleux côtoie le réel. Le jujubier parle, le tamarinier fait des affaires. Il dresse une peinture complaisante des mœurs des animaux. Ainsi, «Leuk-le-lièvre», petit mais déloyal et rusé, discute d’égal à égal à égal avec le lion. A certains égards, Birago DIOP fait appel à la fantaisie : l’hyène demande au chasseur des conseils pour capturer plus facilement une proie. Le lièvre fait un enfant

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•••••• Figure Littéraire ••••

à la fille du Roi. Les animaux ont leurs graves défauts. Ainsi, le singe est malfaisant, mal élevé, voleur et malicieux. La panthère, fourbe et sans honneur, voit avec les œil d’un maître et l’âme d’un esclave. Le caïman est impitoyable et féroce. L’âne est méchant et sot. Le lion, roi puissant, est un tyran despotique. L’hyène, bête et cupide, est la victime conventionnelle que la tradition accepte de ne pas plaindre. «En Afrique Noire, toute fable, voire tout conte, est l’expression imagée d’une vérité morale, à la fois connaissance du monde et leçon de vie sociale» dit

Léopold Sédar SENGHOR le 20 octobre 1957, dans sa préface aux Nouveaux contes d’Amadou Koumba. Dans les contes de Birago DIOP la dialectique de la vie, la paix et l’ordre finissent par triompher, par l’effet de ces vertus que sont la pitié, le bon sens, la générosité, la patience, le courage. Birago DIOP voit dans les contes un «miroir fidèle de la sensibilité et de la sagesse africaine» souligne M. KANE. Le conte n’est qu’une forme de divertissement mais c’est élément majeure de la culture africaine, avec une vertu morale, sociale voire philosophique. Il a réussi à concilier l’écrit et l’oralité, sans bavardages, il a restitué l’Afrique rurale, dans son authenticité, ses modes de vie, ses sagesses et ses civilisations. Dans certains contes (Boli et Sarzan), les coutumes et traditions sont menacées par l’impatience et l’incompréhension de la jeunesse. Le conte «N’Gor Niébé» célèbre la vertu de la mémoire des hommes et les indiscrétions des femmes. «Mor Lam» est une condamnation de la gourmandise et de la cupidité : «s’il avait le ventre derrière lui, ce ventre le mettrait dans un trou».

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•••••• Figure Littéraire •••• Birago, sa poésie et les forces de l’esprit, L’Africain est fondamentalement superstitieux, et croit, comme Birago DIOP, aux forces de l’esprit. Dans son conte «L’héritage» Birago fait état de croyances animistes : «le défunt n’a jamais offensé la terre». A côté des êtres humains, il y aurait un monde des Djins, des démons et des esprits. «Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire et dans l’ombre qui s’épaissit, les morts ne sont pas sous la terre : ils sont dans l’arbre qui frémit, ils sont dans le bois qui gémit, dans l’eau qui coule, dans l’eau qui dort, dans la cave, ils sont dans la foule, les morts ne sont pas morts», ce poème, «Les Souffles», dédié à M. CASSAGNE et son fils Charles, pour leur aimable accueil dans un village français, est l’un des plus célèbres du continent africain. C’est un extrait du recueil de poèmes «Leurres et Lueurs» paru en 1960. Léopold Sédar SENGHOR avait fait publier ce poème en 1948, dans son «Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache», page 143. Birago commence à écrire ses premiers poèmes lyriques, sensiblement influencés par Verlaine, dès 1925. «Mes poèmes sont datés, ainsi que je vous l’ai dit. Je l’ai

précisé : les premiers de 1925 au Lycée Faidherbe, le dernier de 1946 en Haute-Volta. Parce que justement j’ai trouvé dans les contes la substance et l’expression de la poésie de mon terroir et des régions que j’ai parcourues en Afrique Noire. Je vous apprendrai que le mot «poème» n’existe pas dans mon wolof sénégalais. Chez nous, on connaît le «woï», le chant. Et même la Geste, telle celle du Roi (Charlemagne) ou de Garin de Monglane, chantée et non dite, pour Samba Guiladjégui ou LatDior DIOP» dit-il. Pour achever de définir l’originalité de Birago DIOP, il faut enfin mentionner la place que le merveilleux et le fantastique tiennent dans son œuvre, notamment dans ce poème «Souffles». L’écrivain a l’habileté de nous rendre plausibles ces données irréalistes en évitant de les présenter trop brutalement et en ménageant toujours un passage entre l’imaginaire et le réel. La croyance que les esprits des ancêtres morts continuent à errer dans le monde autour de leurs descendants sert de support à Birago DIOP laisse deviner derrière la réalité un arrière-plan de mystère, reste exceptionnel.

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Dans ce poème, les «Souffles», qui animent les choses et les êtes sont les ancêtres, des êtres sereins. Birago nous invite à «écouter plus souvent les choses que les êtres». Les choses étant les êtres inanimés, les situations, c’est-à-dire, le Rocher, la Demeure, l’Eau, le Feu, la Case, le Bois. Les «Souffles» est un poème hautement symbolique et expressif qui renvoie à nos ancêtres. Les «Souffles» symbolisent tous les êtres animés et inanimés : le feu crépite, l’eau coule et dort, le buisson sanglote, l’arbre gémit et les herbes pleurent. Renouant avec l’animisme africain, pour Birago DIOP la vie n’est pas synonyme d’existence : «les morts ne sont pas morts». «La mort, est le fruit de la vie. La vie est le fruit de la mort» dit un dicton au pays Diola, au Sénégal. «Il n’y a pas de frontière, en Afrique Noire, pas même entre la vie et la mort» précise M. Mohamadou KANE. La vie continue par-delà de notre existence. «Dans la cosmogonie négro-africaine, l’idéologie de la vie prime sur celle de la thanatologie, car la vie ne finit pas avec la mort. A contrario, elle la dépasse, la transcende et continue dans l’Au-delà. Ainsi, la mort n’est pas le dernier mot de la vie pour l’Africain. Celle-ci est,

reste et demeurera une phrase en pointillés qui s’achèvera au village des ancêtres lors du retour final» dit Marcel ANGANGA. Les ancêtres vivent, en toutes choses, animées ou inanimées : «tous ceux sont morts ne sont pas partis». Un pacte nous lie à nos ancêtres ; c’est pour cela que nous devons les respecter. Commentant la philosophie de TEMPELS, Souleymane Bachi DIAGNE, un éminent philosophe sénégalais estime que «Le Muntu, l’être humain, est vivant et fort de ses liens à la divinité, à son clan, à sa famille, à ses descendants, comme il est fort et vivant de son patrimoine et de sa terre, de ce qu’elle porte et de ce qu’elle produit, de ce qui y pousse ou y vit». , «Les morts en Afrique ne sont pas morts». Ils ne sont pas partis, à en croire le poète sénégalais Birago DIOP, bien que vivant ailleurs d’une autre façon, ils restent cependant présents parmi les vivants. Ils sont avec eux, mais autrement. Invoqués en cas de nécessité, ils répondent et donnent satisfaction. D’où les rites d’invocations et d’offrandes pratiqués à leur égard. Birago est décédé à Dakar le 25 novembre 1989. Le plus bel hommage que l’on puisse lui rendre c’est son poème, «Les Souffles».

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•••••• Figure Littéraire ••••

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•••••• Coin d’Histoire ••••

PIONNIER DU BANDITISME

KAA

FIGURE MARQUAN

Dans la mémoire du Sénégal, il y a personnes que l’histoire retiendra p toujours. De génération en génératio se souviendra d’eux, même s’ils n’ont fait grand-chose pour nous ou notre Agresseurs, bandits ou justiciers, héro anti héros, leur nom figurera à jamais le cahier de l’histoire du Sénéga

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E POPULAIRE AU SENEGAL

AÑ,

NTE DU DIANKHIN

des pour on, on t pas pays. os ou s dans al. source: seneplus Senegal Njaay N° 14 - Novembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• Coin d’Histoire ••••

Mythe ou réalité, les Sénégalais parleront toujours de Kaañ (d’Alou kaañ). Cette personne n’est connue que de nom par la plupart des Sénégalais, surtout de la jeune génération. Qui est-il ? Qu’a-t-il fait ? Comment était-il ? Existait-il vraiment ? Qu’y a-t-il d’extraordinaire chez lui ? Rien, sinon une volonté, un engagement physique total, une action à la fois violente et miraculeuse destinée à sauver une communauté en péril, c’est-à-dire les populations les plus démunies. Fictif ou réel, tout héros est le produit d’un discours. Comme le rappelle André Malraux dans son roman intitulé L’Espoir (1937) : «il n’y a pas de héros sans auditoire». «Le Populaire» se charge de vous conter l’histoire de cette personne légendaire recueillie auprès de

chercheurs et de passionnés d’histoire. Et ce sera à vous, lecteurs, de décider si Kaañ pourra être considéré comme héros ou pas. Kaañ, Yaadikoone, Sidiya Diop, Ndaté Yalla, Lat Dior, Alboury Ndiaye, Maba Diakhou Bâ, El Hadji Omar Tall, Alioune Sitoë Diatta, Samory Touré… le grand livre de l’Histoire est peuplé d’êtres exceptionnels. Tous, à des degrés divers et de manières diverses, ont marqué leur temps. Qu’il s’agisse de Kaañ, Yaadikoone, des héros controversés ou des grands résistants sénégalais, l’histoire retiendra toujours leur nom. Mais, ce qui nous intéresse, aujourd’hui, ce n’est pas l’histoire de ces résistants qui, tout le temps, ont fait l’objet d’enseignement au niveau des établissements scolaires et parfois même universitaires. Ce qui

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•••••• Coin d’Histoire ••••

nous intéresse et que nous pensons va intéresser nos lecteurs, c’est l’histoire de Kaañ, le pionnier du banditisme populaire au Sénégal.

Kaañ, le bandit d’honneur populaire

Au Sénégal, dans l’époque coloniale, il existait un endroit situé entre la presqu’île du Cap-Vert et Thiès qui s’appelait Diankhin. Cet endroit centré sur les collines de Thiès est ceinturé dans ses parties ouest, sud-ouest et nord-ouest par une multitude de territoires dont les populations appartiennent au sous-groupe des Sérères locuteurs Saafi et dans ses parties sud-est par le Jobaas et le Kajoor (Cayor). C’était un espace marginalisé du fait de la densité de la forêt. Ce qui, pensent certains, à empêcher les

habitants de Kajoor d’y cultiver. D’ailleurs, le roi du Kajoor ne s’intéressait pas à ses terres, il les négligeait, parce que c’était inaccessible. Cette forêt séparait donc la presqu’île du CapVert et le reste du Sénégal. Le Diankhin dont le plateau boisé refuge et lieu de cueillette et de chasse constitue le centre de gravité de la vie de ses populations et son couvert végétal était le bouclier par excellence des populations persécutées. Dans cette forêt se trouvait un homme exceptionnel qui a fini par donner son nom à cet endroit : il s’agit de Kaañ. Ce dernier était un Sérère bon teint, originaire de Diankhin. Selon les dires, il était robuste, rebelle, téméraire. C’était un coupeur de route pour certains, c’est-à-dire un brigand et pour d’autres un justicier. Pour dire qu’à son sujet, les

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•••••• Coin d’Histoire ••••

avis diverses. Mais la question que bon nombre de personne se posent, c’est de savoir qui était véritablement Kaañ. «Kaañ était un Sérère qui occupait cet espace (la forêt de Diankhin). Il s’appelait véritablement Dial Ciss», raconte Abdou Khadre Gaye, chercheur-écrivain, président de l’Entente des mouvements et associations de développement (Emad). À en croire ce chercheur, l’histoire de cette personne, disons mystérieuse, a installé une polémique. «Certains disent qu’il était un coupeur de route et d’autres disent qu’il était un marabout, mais on peut concilier les deux», indique M. Gaye qui affirme que Kaañ attaquait les gens qui venaient piller la forêt, les voyageurs qui traversaient la forêt, les frappait et prenait tout ce qu’ils

avaient pour le distribuer aux villageois, aux habitants de Diankhin». Ceux-là qu’il frappait le considéraient donc comme un agresseur, un bandit de première catégorie, alors que pour les pauvres, c’est-à-dire ceuxlà à qui il venait en aide, qu’il protégeait, c’était un justicier, un robin des bois. Mais, il y a une autre version concernant l’histoire de Kaañ où il est dit que ce sont les anciens Lébous qui l’avaient mis làbas pour filtrer les entrées, puisque Dakar était le lieu de convergence de beaucoup de personnes qui venaient d’un peu partout au Sénégal. Donc, il fallait un guerrier filtreur installé avec sa troupe à l’entrée de la presqu’île qui serait capable d’éviter que de mauvaises personnes n’envahissent la cité refuge.

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•••••• Questionnaire De Proust…•••

Avec…

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Mbaita Sene

Mbaita Saèr Séne

Quelle qualité préférez-vous chez un homme? Sincérité,

Quel défaut ne supportez-vous pas? l’hypocrisie

Et chez une femme? Dignité

Le petit plat qui vous fait craquer ? thiébou dieune

Le trait de votre caractère dont vous n’êtes pas très fière? je suis trop gentille Une qualité que vous aimeriez avoir? pouvoir pardonner et oublier! je sais pardonner mais je n’oublie jamais. Votre plus bel atout? J’ai un bon coeur

Les personnalité que vous admirez? Mr Abdoulaye Wade La célébrité dont vous rêveriez d’être l’amie? Blake Lively L’air que vous fredonnez sous la douche ? les chansons de Sidiki Diabaté Si vous étiez un objet? je serai certainement un téléphone

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Votre loisir préféré? être avec les enfants talibé et s’occuper d’eux Votre plus grand bonheur? vivre en paix et en harmonie et en bonne santé avec tout le monde Le lieu dakarois que vous préférez? La corniche Vos Destinations pour les vacances? Iles du Saloum, Dubai, Inde, Las Palmas Votre rêve? Une grande maison R+2 pour ma maman, avoir une pouponnière, une ferme...


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Verbatim… Mamadou Traoré Chaque année, nous fêtons dans nos pays l’anniversaire de la proclamation de la République, alors que d’année en année, le nombre d’Africains qui meurent en essayant de fuir ces républiques s’amplifie.

Abdoul Fatah Seck « les meilleurs instruments, ce sont les instruments naturels, notamment la voix et les percussions du corps ». Et cet album du kid (faada freddy) de St Louis au Sénégal est un feu d’artifice stratosphérique

Cheikh Tidiane Ndiaye la baisse de rentabilité du Tourisme de notre pays n’est pas toujours liée à des facteurs pour la plupart périphériques, mais elle a pour soubassement les comportements inciviques qui ont des effets ravageurs sur notre tradition de la Téranga et en voie de conséquence, sur l’attractivité de la destination Sénégal, en même temps que sur tous les secteurs de notre développement économique et social.

Sokhna BENGA Seul le travail paie et je me rends compte que mes vingt et un ouvrages ont un impact certain, particulièrement sur des monuments mondialement connus du monde des Arts, des Lettres et de l’Enseignement.

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