no comment®
n°42 - juillet 2013 - mensuel gratuit - mada - événements - culture - nuits - sorties - tv - www.nocomment.mg
SOMMAIRE ACTUEL 10 Y’a pas que le diplôme
PORTFOLIO 46 François-Régis Durand : « Un moment, tu ne contrôles plus »
FOMBA AMAM-PANAO 50 Bien le bonjour de l’hiver !
SONDAGE 12 Passe ton bac d’abord !
Podcast
Les comiques du Net
CULTURE 32 Damily : Tsapiky nomade 35 Elemotho : La voix du désert
ÉCO
36 Michel Andria : Choses vues 38 Zach Edith : Chapeau L’Artiste !
MÉDIAS
CULTURE
40 D-Project : Opération Mangas 45 Le livre du mois : Madagascar, nocturnes
Shaani
« Pas facile de me taper dans l’œil »
TRADITIONS 52 Contes du Sud : La belle et la mer 57 Vita bacc : Deux nuits pour s’éclater
MÉDIAS 60 Lova Rasamimanana : « Fini les grands concerts »
62 Les Comores à Mada 66 Assist Immobilier : « Quand le bâtiment va… » 68 Pierre Martens : « Le contrat qu’il fallait remporter »
MÉTIERS 72 Ralava car wash : C’est du propre !
ASSOS 74 Des fjords aux hauts plateaux 76 Bel Avenir : Sur un rythme de batucada
NATURE 78 Criquets migrateurs : Alerte à la vague verte 82 Herijaona Randriamanantenasoa : « Des parcs autosuffisants »
ESCALES 86 Sambava, la méconnue 90 Oronjia : Du sable à l’orange
COUSINS/COUSINES 94 Chantal Mady : Chante ma valiha 97 Menwar, résonnant voyageur
GASTRONOMIE 98 Interview gourmande : Stéphane Passalia du Louchébem 103 Le vin du mois : Baron d’Ardeuil Vieilles Vignes 2009 104 Le cocktail du mois : Le Lady Jack du Tana Plaza
SORTIR 106 Zouky Eric : Gargote cinq-étoiles !
LOISIRS 108 Sports équestres : Le remède de cheval
LA MODE ! 110 Tout fout le camp
DÉCO 126 Madame Zo : Matières à créer
FANANAHANA 129 L comme Libertins
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CAHIERS DE NUIT BY NIGHT
159 Jaojoby : « Deux ans, ça se fête ! »
TONONANDRO 162 Cancer : Pour vivre heureux, vivons couché
FICTION 166 Alohalika ny ranombary
DOWNTOWN 182 En ville avec Nichad Djouma Lila
VINTAGE
85 Marie-Hélène Kam Hyo : Là-haut sur Macolline…
Dr Martens Godasses destroy !
Y’a pas que le diplôme… JOHN ELITE
« Premier à l’école de la vie » u président fondateur du groupe Elite (Elite GSM & Electronique, Techno, Universal A Exchange, Mad-Inox) s’applique complètement ce mot de milliardaire parti de rien : « Je suis un bac -5. Quand je suis arrivé sur le marché du travail j’avais déjà 10 ans d’avance sur
mes amis bac +5… » De fait, John Elite (Harijaona Andriarimalala pour l’état civil) ne s’est pas beaucoup attardé sur les bancs d’écoles. À 14 ans, il était déjà au travail. « Je ne suis pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Il m’a fallu très tôt penser à gagner ma vie. » Le voici tour à tour commis d’épicerie, collecteur de fruits et légumes, aide chauffeur, vendeur de godasses à Analakely… Jusqu’à ce jour de 1997, où il « sent » (la fameuse intuition des affaires) que la téléphonie mobile va être le prochain truc qui va bouleverser le marché. L’un des tout premiers à s’y mettre. « J’ai vendu tout mon stock de chaussures et j’ai investi dans l’achat de 70 téléphones que je revendais en douce dans la rue. C’était quitte ou double. » Six ans plus tard, à même pas 30 ans, il encaisse son premier milliard et lance Elite GSM. « Mon premier diplôme, ç’a été quand j’ai reçu le Trophée du jeune entrepreneur (TJE) de la BNI, j’étais fier ! » Comme tous les self-made men, il est constamment animé d’une énorme envie d’apprendre. Autour de lui, des collaborateurs hyperdiplômés. « Quand on ne sait rien, il faut savoir s’entourer », ironise-t-il. « Je ne parle pas très bien le français ni l’anglais, mais ça ne m’empêche pas de conclure des gros contrats avec des patrons de firmes internationales. » Voire de donner des conférences dans des écoles de commerce !
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ACTUEL
CERVEAU KOTOSON
n voilà un qui ne l’a pas volé, son surnom. Bac en poche à 15 ans, animé d’une monstrueuse envie E d’apprendre, avec les capacités neuronales qui vont avec, il décroche tout à tour un DEA (Master) en commerce internationale, une maîtrise en littérature française et un diplôme en identification criminelle… plus
polyvalent, tu meurs ! Puis on le retrouve dans l’enseignement, et toujours multicartes puisqu’il enseigne à la fois l’anglais, le français, l’histoire, la géographie et la philosophie. « Etre précoce n’est pas toujours un atout sur le marché du travail. Soit vous impressionnez, en faisant peur, soit vous manquez de crédibilité auprès de ceux qui se méfient des diplômes. C’est pourquoi je me suis lancé dans plein d’études, parce que j’étais trop jeune pour travailler ! » Un surdoué qui n’hésite pas à toucher à la peinture, à l’écriture de comédies musicales et à la danse, ce qui lui a permis de remporter une médaille d’or lors des troisièmes Jeux de la Francophonie à Madagascar en 1997. A 34 ans, il s’estime comblé par la diversité des expériences qu’il a pu faire, de responsable des activités artistiques et culturelles à l’Université d’Antsiranana à journaliste pour La Tribune de Diego. Sa recette ? « Je dors très peu, en moyenne trois heures par jour, ce qui me laisse le temps de faire plein de choses. » Suffisait d’y penser !
Une vraie tête, ce cerveau ! Pages réalisées par Aina Zo Raberanto et Solofo Ranaivo Contact sur www.nocomment.mg
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Passe ton bac d’abord !
SONDAGE
Le diplôme qu’on met sous verre avec son beau cachet rouge, ça fait toujours bien quand on reçoit de la visite. Quant à en faire l’autoroute royale vers la réussite, c’est une autre histoire. Enfin tout dépend du diplôme, de l’école et des moyens qu’on y met ! Et vous, qu’en pensez-vous ?
Quel est votre niveau d’études ? Je ne suis jamais allé(e) à l’école Primaire Secondaire Licence Master Doctorat
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Vos parents sont-ils diplômés ? Oui, primaire Oui, secondaire Oui, universitaire Non Les diplômes, ça sert… À apprendre plein de choses À gagner plein d’argent À avoir plein de prestige social À avoir plein de pouvoir sur les autres À rien Où décrocher les meilleurs diplômes ? À l’Université À l’étranger Dans les écoles privées En formation continue dans l’entreprise Autres En termes de salaires, quelle est la meilleure filière ? Sciences et techniques (médecin, ingénieur, architecte)
10 % 48 % 21 % 21 % 36 % 31 % 30 % 2% 1% 48 % 32 % 10 % 9% 1%
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Droit (avocat, juriste) 24 % Commerce (cadre d’entreprise) 14 % Sciences humaines et sociales 11 % (enseignant, sociologue, psychologue) Services (restauration, artisanat, etc.) 7% Communication/marketing 6% Autres 4% Avec votre diplôme, à quel salaire mensuel aspirez-vous ? Entre 250 000 et 500 000 Ar 26 % Entre 500 000 et 1 million Ar 37 % Entre 1 et 3 millions Ar 21 % Plus de 3 millions Ar 16 % Votre fils (fille) veut arrêter l’école pour devenir chanteur(se), vous lui dites : Hostile : « Passe ton bac d’abord ! » 74 % Réaliste : « Si tu rates le concours de 16 % chant, tu pourras toujours passer celui de la Poste… » Enthousiaste : « Michael Jackson non plus 10 % n’avait pas de diplômes ! »
Enquête menée en face à face à domicile sur 326 individus du Grand Tana et représentative des 15 ans et + selon les quotas d’âge et de profession du chef de foyer, après stratification géographique. Marge d’erreur d’environ 5 %.
COUV’ BY
Le portrait chinois de
Madame Zo
Si j’étais un film… Le genre de film qui fait rêver. Si j’étais un lieu… Plus parlant qu’un CV, moins aride qu’une bio, le Une plage tranquille. portrait chinois s’invite dans Si j’étais un personnage ® no comment . Madame historique… Zo, artiste-tisserande et Christophe Colomb. J’adorerais illustratrice de notre couv’, découvrir un continent. répond du tac au tac… Si j’étais un jeu… Un puzzle. A réaliser plutôt que Si j’étais un objet… Je serais un tracteur, pratique terminé… Si j’étais un fruit… et tout-terrain. Un bon avocat. Si j’étais un animal… Je serais Berny (mon chien). Si j’étais un véhicule… Une auto-tamponneuse, Si j’étais un plat… ambiance fête foraine. Une bonne grillade de poireaux. A défaut les utiliser Si j’étais un pays imaginaire… Une île avec des cocotiers en tressage ? et du sable blanc. Presque Si j’étais une chanson… Une berceuse pour endormir bébé. Madagascar ! Si j’étais un personnage de Si j’étais un bruit Un éclat de rires. Je reste fiction… furieusement optimiste. Une espèce de super héro qui emmènerait les gens Joro Andrianasolo Contact sur www.nocomment.mg voler avec lui.
C’est vous qui le dites
COURRIER
Coups de cœur, coups de gueule, envie d’envoyer un message à une personne qui vous est chère ou simplement de vous exprimer… cette rubrique vous est dédiée. Envoyez vos mails à courrier@nocomment.mg, nous les publierons.
Animal on est mal J’ai énormément apprécié votre article sur le refuge pour animaux et l’association Animal SOS Madagascar dans le numéro du mois de mai (no comment® n° 40). Je me posais juste la question : est-ce que l’association est prête à accueillir toutes sortes d’animaux ou seulement les chiens, car on a surtout parlé de chiens dans l’article ? Patrick, Ambohibao
Comme l’explique Carlina Herselman, la fondatrice de ces structures (le chenil Special Security Services of Madagascar d’Ivato, la Vet Clinic et l’association Animal SOS Madagascar), la philosophie de l’association est d’accueillir tous les animaux en détresse, qu’ils soient errants, battus ou malades. Il se trouve juste que les chiens et les chats sont les plus nombreux dans ce cas. Mais l’association prend également en charge les oiseaux capturés et vendus illégalement sur le bord des routes, par exemple. Elle les soigne, les nourrit et les réintègre dans leur milieu naturel sitôt qu’ils sont remis
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en forme. « Je m’occuperais volontiers des zébus si je le pouvais. Savoir qu’on les attelle à des chariots surchargés pour leur faire grimper des collines me scandalise », nous confiait Carlina Herselman. Joli cri du cœur dans un pays qui a déjà bien à faire, c’est entendu, pour nourrir tous ses habitants. Manu ciao L’Alliance française d’Antananarivo nous fait savoir qu’à son grand regret, et contrairement à ce qui était annoncé dans l’interview (réalisée en avril) de son directeur général Jean-Michel Frachet (no comment® n° 40), la venue du chanteur français Manu Chao, en juin, n’a pu se concrétiser. L’idée était de profiter de sa participation à la dixième édition du festival Sakifo à Saint-Pierre de La Réunion le 6 juin pour le faire venir à Madagascar, mais les aléas du calendrier en ont décidé autrement. Partie remise, comme on dit.
Coup de cœur J’ai eu un vrai coup de cœur pour votre dernière Une en forme de bédé (no comment® n° 41). Bravo au dessinateur Farahaingo qui n’a pas peur de sortir des sentiers battus et de nous montrer ces instantanés de Mada aussi vrais que désopilants. Son coup de crayon est magnifique et vraiment novateur chez nous. Et merci à no comment® de laisser s’exprimer de tels artistes ! Ny Holy, Antsirabe
Fausse joie Pour une raison technique indépendante de notre volonté, nous informons nos lecteurs que la publicité Antsanitia Resort, parue en page 109 du numéro de juin (no comment® n° 41), faisait bien mention d’une offre spéciale de 125 000 Ar par jour et par personne, et non de 25 000 Ar comme cela semble apparaître dans la page. Les responsables d’Antsanitia Resort s’excusent auprès de nos lecteurs pour ce problème technique et la fausse joie qu’ils ont pu leur occasionner…
no comment® recherche Pour étoffer son équipe rédactionnelle, no comment® recherche des correspondants sur Antsirabe, Fianarantsoa, Toamasina, Toliara et Nosy Be. Excellent français exigé. Une formation en informationcommunication est un plus. Envoyer CV et lettre de motivation à tana@nocomment.mg
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CLINS D’ŒIL 4
1 La Foire Internationale de Madagascar (FIM) avec tous nos partenaires, du jeudi 23 au 26 mai au parc des exposants, zone Forello, Tanjombato. 2 Aurlac a ouvert un nouveau magasin de peinture à Soanierana pour vous en faire voir de toutes les couleurs ! 3 Un hippopotame nain no comment® offert par notre partenaire Alumada®, un autre sera à gagner sur www.nocomment.mg dans notre jeu en ligne, un grand merci ! 4 Le 18 mai, le CLIC (Centre de Lecture d’Information et de Culture) d’Ampefy a fêté ses dix ans d’existence. Ce CLIC, premier du réseau qui en compte aujourd’hui 24, a été créé par Trait d’union France Madagascar, en partenariat avec le Ministère de l’Education nationale malgache, les communes et l’ambassade de France. 5 À l’occasion du lancement des miniAmerican center, deux soirées ont été organisées : découverte de la technologie le jeudi 30 mai au siège de Teknet Group Isoraka et mise en scène de « Ilay Atody », le 31 mai au Louvre Antaninarenina.
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6 no comment® lu à Montréal, clin d’oeil de nos fidèles lecteurs ! 7 La sortie du livre « Madagascar, nocturnes » de Rijasolo avec no comment® éditions, le jeudi 13 juin au Pavillon de l’Emyrne Isoraka.
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8 Soirée de levée de fonds initiée par Akama (Association des amis malagasy) - le 1er Juin 2013 au dôme RTA Ankorondrano afin de démarrer le projet de réhabilitation de l’hôpital mère-enfants de Tsaralàlana. 9 Dégustation du whisky écossais Highland Park avec Mada duty free au Presto Lounge, à La City Ivandry, le 20 juin.
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10 Installation du premier réseau d’hydrophones dans l’océan Indien pour l’observation des baleines à bosse avec Cetamada. 11 Le Café de la Gare a remporté la « course des garçons de café » organisé par l’Ortana, le samedi 1er juin. 12 Le Salon du tourisme à l’hôtel Carlton Anosy du 30 mai au 1er juin.
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13 « Paroles brûlées », à l’occasion du centenaire de la publication des Hain-teny par Jean Paulhan, un spectacle a été produit par le Cemdlac, le vendredi 7 juin 2013 à Analakely Antananarivo.
La mouise et le lilas À lire toute cette presse, nous voilà encore avec une tonne d’emmerdements sur le dos pour les douze prochains mois. Politique, économie, social… tout est bouché, noir, bien densément cramé, mazouté de tous les côtés. Style tunnel dont on n’est pas prêt à voir le bout, même en actionnant avec l’énergie du désespoir nos petits briquets Zippo (tout juste bons à faire un Vintage dans no comment®). Sans parler des 500 milliards de criquets (source AFP) qui s’apprêteraient à nous tomber dessus depuis Antsirabe. À ce qu’il paraît ! Sauf qu’on n’en a toujours pas vu un seul à Tana. Même pas dans la lointaine banlieue où les premiers détachements de « petits êtres verts » devraient pourtant avoir déjà débarqué. Alors question, et si les journalistes prenaient un malin plaisir à nous affoler pour rien ? Ou plutôt pas pour rien, car tout a un prix ici-bas, surtout la mauvaise nouvelle. Et c’est vrai que de façon générale, la mouise se vend mieux que le lilas, à défaut de ne pas sentir pareil ! Tout cela pour dire que nous, à no comment®, on a envie de positiver un brin. Positiver intelligemment, pas béatement. Juste la bonne vibration, comme disait l’autre. Alors, vous trouverez dans ce numéro tout un tas de bonnes nouvelles absolument pas piquées des hannetons… ni des criquets. Exemple, notre petite Shaani, la DJ girl Djette qui monte qui monte en Europe et qui se fait inviter au 20 heures de France 2 (p. 30) Ou encore John Elite qui ramasse son premier milliard à même pas 30 ans, avec un bac -5 en poche, juste parce qu’il a été a un des premiers à sentir venir la vague du portable dans les années 90 (p. 10). La vie, ce n‘est pas que des emmerdements quand même !
AGENDA
Du mardi 02 au samedi 20 juillet 2013 IFM (ex CCAC) : Exposition/dessins : « Images innées - Un dessin, une histoire… » , halle d’exposition, entrée libre Mercredi 03 juillet 2013 CEMDLAC 15h : conte pour enfants « Ilay mpizaha vorona mahay » (Izay ela nitoratorahana mahavoa mason’angatra), avec Arikaomisa Randria, entrée gratuite IFM (ex-CCAC) 15h : Cinéma : « La reine des pommes », de Valérie Donzelli, France, 2010, 1h24min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 15h : animations pour les enfants : « l’alimentation : pourquoi on ne mange que des frites? » avec Françoise Rastoin-Faugeron, espace multimédia jeunesse, entrée libre pour les adhérents IFM (ex-CCAC) 19h : Cinéma : « Illégal », d’Olivier Masset-Depasse, France/Belgique, 2010, 1h35min - salle de spectacle Jeudi 04 juillet 2013 Paprika : live avec Tahina Vibe & Lova, entrée libre In Square 19h : Soirée « Pub lounge Bar » Café de la Gare 19h : Concert classique avec Mirana Randria et Agnès Vendredi 05 juillet 2013 In Square 20h : Soirée « Cool Tempo » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Asco Music Chillout Café 21h : soirée « La Boum Part II » des années fin 70 à 2000 ; déguisement ou accessoires souvenir de ses années + photo minute Samedi 06 juillet 2013 IFM (ex-CCAC) 10h : Forum littéraire - Présentation de : « Retrouvailles » de Hery Mahavanona, salle de spectacle, entrée libre CEMDLAC 14h : Live avec l’Association des jeunes Amis du CEMDLAC IFM (ex-CCAC) 15h : Cinéma : « Sans toit ni loi », d’Agnès Varda, France, 1985, 1h45min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 15h : Slam : scène ouverte - Terrasse de la
médiathèque, entrée libre IFM (ex-CCAC) 18h : Cinéma : « Louise Wimmer », de Cyril Mennegun, France, 2010, 1h20min - salle de spectacle In Square 19h : Soirée « Sing like star karaoke » Café de la Gare 19h : concert de Crystal Tettey Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Tsienimparihy Dimanche 07 juillet 2013 Salle de l’Horloge 15h : Ciné-jeunesse : « Titeuf le film » Salle de l’Horloge 19h : Cinéma : « Sublimes créatures » Mercredi 10 juillet 2013 IFM (ex-CCAC) 19h : Cinéma : « La cérémonie », de Claude Chabrol, France, 1994, 1h51min - salle de spectacle Jeudi 11 juillet 2013 Paprika : live avec Mihaja Trio (Mihaja, Njaka, Jax), entrée libre In Square 19h : Soirée « Karaoke soft » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Andreson (Jaojoby junior) Vendredi 12 juillet 2013 In Square 20h : Soirée « 100% RNB » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Eric Tropic Chillout Café 21h : Live avec le Groupe Ibetsimihilana, musique traditionnelle des hauts plateaux Samedi 13 juillet 2013 IFM (ex-CCAC) 10h : Cinéma - séance jeune public : « Le chien, le général et les oiseaux », de Francis Nielsen, France, 2003,
1h15min - salle de spectacle IFM (ex CCAC) 10h30 : Culture scientifique : Rencontre avec un chercheur sur le thème « Les trous noirs, le big bang, l’expansion de l’Univers », salle de spectacle, entrée libre IFM (ex-CCAC) 15h : Cinéma : « Hors Jeu », de Jafar Panahi, Iran, 2006, 1h28min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 18h : Cinéma : « Lola », de Jacques Demy, France, 1962, 1h30min - salle de spectacle In Square 20h : Soirée « intimate evening soul music live » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Papa John Dimanche 14 juillet 2013 Salle de l’Horloge 15h : Ciné-jeunesse : « Age de glace 4 » Salle de l’Horloge 19h : Cinéma : « Hansel&Gretel » Mercredi 17 juillet 2013 IFM (ex-CCAC) 13h : Madagascar Mozarteum présente Quatuor Trompettes - Clarinette - Orgue, salle de spectacle, entrée libre CEMDLAC 15h : Conférence débat « Femme et Patrimoine Culturel Imateriel » en collaboration avec la Direction du Patrimoine IFM (ex-CCAC) 15h : Cinéma : « Be happy », de Mike Leigh, Grande-Bretagne, 2008, 1h58min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 15h : animations pour les enfants sur le thème : « Dessiner mes vacances », espace multimédia jeunesse, entrée libre pour les adhérents IFM (ex-CCAC) 19h : Cinéma : « White Material », de Clair Denis, France 2006, 1h42min - salle de spectacle
Du jeudi 18 juillet au 07 aout 2013 Is’art Galery : Exposition de peinture/ dessin/ vidéo : la galerie invite 3 membres du collectif Aleaaa de l’Ile de la Réunion : Stepane Kenkle, Cristof Denmont, Jean Marc Lacaze, vernissage le 18 juillet à 18h Jeudi 18 juillet 2013 Paprika : soirée « Jazz n funk » avec Manitra Ramandavola, Tabiha Mahatozo, Hasina Rakotomalala, Titi Razakamiadana et Rado Rakotorahalahy, entrée libre In Square 19h : Soirée « Billard Clubbing et karaoke » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Jaojoby junior Vendredi 19 juillet 2013 CEMDLAC 15h : spectacle chorégraphique de danse contemporaine avec Rajaona Mirindra In Square 20h : Soirée « Funky spirit » avec Bim&Tommy Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Pierrot Matatana Chillout Café 21h : Musique Ba-gasy avec Ralanto Samedi 20 juillet 2013 IFM (ex-CCAC) 10h : Cinéma - séance jeune public : « L’illusioniste », de Sylvain Chomet, France, 2008, 1h20min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 15h : Cinéma : « Bal poussière », d’Henri Duparc, Côte d’Ivoire, 1988, 1h30min - salle de spectacle IFM (ex-CCAC) 18h : Cinéma : « It’s a free world », de Ken Loach, Grande-Bretagne, 2008, 1h33min - salle de spectacle In Square 19h : Soirée « Sing like star karaoke » AFT Antsirabe 19h30 : Cabaret - concert : « Madajazz » et « Mpamanga », PAF : 3000 Ar/2000 Ar pour les membres Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Jacky Askagny Dimanche 21 juillet 2013 Salle de l’Horloge 15h : Ciné-jeunesse : « Tempête de boulette géantes » Pour paraître dans l’agenda, merci de nous faire parvenir vos infos avant le 15 JUILLET à : agenda@nocomment.mg
Salle de l’Horloge 19h : Cinéma : « Die Hard » Jeudi 25 juillet 2013 Paprika : live avec Navale Quartet (Navale, Lova, Jax, Bolo), entrée libre In Square 19h : Soirée « Karaoke soft » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Anderson (Jaojoby junior) Vendredi 26 juillet 2013 In Square 20h : Soirée « funky à l’ancienne 70’s 80’s 90’s » Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Pahery Kudeta 20h : soirée « Miami Vice » avec Sim’s et la Skol Chillout Café 21h : Soirée « Electro project » avec des DJ’s producteurs de Mada Samedi 27 juillet 2013 Kudeta : soirée « Private Space Mix » avec la Skol In Square 20h : Show case Jao’s Pub 20h : Cabaret avec Rengita (invité Jaojoby) Dimanche 28 juillet 2013 Salle de l’Horloge 15h : Ciné-jeunesse : « Chicken little » Salle de l’Horloge 19h : Cinéma : « The baby makers » Tous les samedis Chillout café 20h : soirée Karaoke Live Dancing Tous les dimanches Jao’s Pub : Soirée discothèque.
Shaani 30
Un passage au JT de France 2 en mai dernier pour annoncer sa présence au Festival Electronix, la belle ne se refuse rien ! Sur le point de boucler son nouvel album annoncé R&B tendance « lounge », la DJ Girl Djette (première partie de Bob Sinclar en 2011) balance sec sur le milieu du Djing. Même Mada en prend pour son grade !
Où en es-tu avec ton nouvel album ? Cela fait cinq mois que je travaille dessus, quasiment à temps plein. Je voulais en sortir des extraits en mai, mais je ne suis pas complètement satisfaite après le mastering (matriçage). Sortir un morceau de qualité est plus long qu’on ne le croit, même avec tous ces logiciels de studio ! Il faut laisser l’inspiration venir, faire, défaire, refaire, écouter, réécouter… Voilà pourquoi c’est si long et pourquoi certains albums prennent des années pour arriver à terme. En plus, moi je ne suis pas trop dans l’optique album.
Pas facile de
CULTURE L’industrie de la musique a tellement évolué qu’on raisonne plutôt (spectacle) est sympa, mais derrière en termes de singles aujourd’hui. Une fois un certain nombre les paillettes, ça reste très superficiel. de singles sortis, on passe à l’album ; le contraire d’avant où on À la longue tu te lasses. Ce n’est pas préparait l’album en entier et on présentait le single pour le lancer. la musique qui me lasse, mais les gens qu’on peut rencontrer, les requins, les usurpateurs, les rigolos. Je ne suis pas blasée, je Quelle coloration aura-t-il ? viens d’intégrer l’agence Pimp My Dreams qui travaille avec des C’est Shaani la chanteuse et auteurepointures comme Jessy Matador ou compositeure que je veux mettre Logobi GT, donc ça va bien pour moi. en avant. Sinon je reste fidèle à mes C’est juste un constat. premières amours : Soul, Nu Soul, R&B, électro au sens large. Je développe Ton expérience de la scène malgache ? aussi des trucs plus lounge et laid back Pour l’anecdote, je devais venir (relax), comme sur la chanson The Day. cette année pour un concert, mais En fait, je compose et j’écris au gré de l’organisateur a mis sept mois après la l’inspiration, sans trop calculer. Des signature de l’accord avant de chercher collaborations avec d’autres artistes ne des sponsors ! Ce n’est pas très sérieux. sont pas à l’ordre du jour. C’est difficile Une fois qu’un accord est signé, cela de me taper dans l’œil, même si on m’a signifie que les moyens ont été réunis Shaani invitée au 20 h de France 2, chapeau ! vu tourner avec DJ Daddy K ou Greg pour l’honorer, ce n’était pas le cas. Ce Cerrone (N.D.L.R., fils d’un des inventeurs du son disco dans genre de pratique est inimaginable si on veut être crédible. Un les années 70) au dernier Be In Festival de Belgique. Mais si un autre voulait me faire venir au réveillon 2012. Après un mois jour j’ai un coup de cœur artistique, pourquoi pas ? Ce que je et demi de négociations, l’accord verbal était conclu et il ne recherche, ce sont des gens dotés d’un univers à eux, pas des restait plus qu’à signer. Le gars s’est rétracté au dernier moment copieurs comme il y en a tellement dans ce milieu ! pour dire qu’il n’avait finalement pas les moyens. Hallucinant ! Dans ce milieu, si tu dis oui, tu as intérêt à tenir parole, sinon Madagascar fait partie de tes prochains plans ? Oui, je projette d’y venir pour souffler un peu, me ressourcer, tu te grilles… renouer avec l’essentiel. Voir aussi ce qui se passe ici et ce que Joro Andrianasolo Contact sur www.nocomment.mg je peux apporter à mon pays. Le monde de l’entertainment
me taper dans l’œil !
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Damily
Tsapiky. Effectivement, ça pique ! Quand un public d’étrangers découvre cette « transe malgache » pour la première fois, automatiquement les questions fusent. Et qui de mieux pour en parler que Damily, en direct du Salon des musiques de l’océan Indien, à La Réunion.
ous ne sommes pas à Madagascar, nous sommes au Port, Île N de la Réunion, département français du 974. S’y déroule du 4 au 6 juin, en amont du festival de musique Safiko, un
Salon des musiques de l’océan Indien (Iomma), sorte de marché où producteurs, diffuseurs et médias viennent découvrir les nouveautés musicales grand cru 2013. Des Australiens, Chinois, Français et Indiens viennent « faire leur marché » comme une sorte de Lion’s Club branché qui aime a se congratuler et s’échanger des cartes de visites sur papier glacé. C’est le chemin apparemment obligé pour une harmonisation et une mondialisation musicale. Les groupes présents jouent en live 30 minutes maxi. Les décisions d’achats et de vente s’opèrent en un temps record. Un CAC 40 du Top 50. Ce soir-là, en alternance : Regis Gizavo, Téta et Damily entrecoupés de rock indien (Teddy Boy Kill) et de trash métal créole métaloya (Warfield). Par chance, Damily et son groupe (quatre musiciens et une manageuse dynamique) me reçoivent le lendemain à leur hôtel à Saint Pierre… Hôtel l’Endormi, ça ne s’invente pas ! Ma première question : les trois artistes malgaches programmés au salon Iomma sont tous natifs de Toliara. Hasard ? Peut-être, il est difficile de savoir comment la sélection officielle s’est déroulée. Damily est en tout cas enchanté que le Sud-Ouest soit représenté de manière aussi forte.
CULTURE Artiste « identitaire », il joue depuis la fin des années 1980 dans tous les « bals poussières » (bals de brousse) de sa région. Sans concession, ni influences. Vingt ans de transes, de hululements, d’amplis rafistolés et de guitares déglinguées. « Le bal poussière m’a fait grandir », concède-t-il. Pour lui, impensable de dévier de ce patrimoine musical, dont il est lui-même un des précurseurs. Dans la chanson Mahavelo mitaha, tirée du nouvel album Ela Lia, il raconte comment lui et son groupe ont grandi dans cette culture où les musiciens tiennent un rôle central. Et difficile d’y échapper, car la manifestation des dieux, par la transe du guérisseur, dépend précisément du pouvoir émotionnel de la musique… Qu’espère-t-il de l’Iomma 2013 ? « Comme tous les musiciens malgaches, j’attends la Terre promise. Le producteur vazaha qui m’ouvrira le monde, comme un train qui n’arrive jamais… » Sourire entendu. Omda, Artmada, Craam, Sacem ont beau se démener pour faciliter la mobilité des artistes malgaches, ce n’est pas encore ça. «La patience est un art malgache à lui tout seul », reconnaît Damily qui n’est pourtant pas le plus mal loti de sa génération. Il réside aujourd’hui en Bretagne où il anime « Tsapiky nomade », un spectacle sous chapiteau itinérant. Une seule ligne de conduite : « Évoluer vers l’international avec une énergie de conquérants, mais toujours se défier des diables du show-business… » En clair, ne pas signer n’importe quoi. Au moins sauver son âme. Texte et photos : Philippe Bonaldi Contact sur www.nocomment.mg
TSAPIKY NOMADE
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Elemotho G.R. Mosimane est un artiste namibien originaire du désert de Kalahari. Lauréat du Prix Découvertes RFI-France 24 en 2012, il a donné son premier concert sur la Grande Île en mai dernier à l’Institut français de Madagascar. Trois questions vite faites avant son entrée en scène.
Qu’est-ce qui a changé pour toi avec le Prix Découvertes ? C’a été comme un tremplin, plein de portes subitement se sont ouvertes. Pendant des années j’ai bourlingué avec ma guitare en Afrique, aux États-Unis, en Europe… je sais ce que c’est d’être l’inconnu que personne n’attend. Et ce soir je chante pour le public malgache ! En plus je suis le premier Namibien à avoir remporté ce concours, c’est une fierté supplémentaire. Aujourd’hui, je peux me consacrer uniquement à ma musique, sans me charger de la promotion ou de la production. Peu d’artistes ont ce privilège. Te considères-tu comme un artiste engagé ? Je suis à la fois un artiste et un militant. Tout petit, j’écoutais les radios du Zimbabwe, d’Afrique du Sud et du Botswana. Partout c’était l’apartheid, en Namibie aussi il y avait la séparation entre Blancs et Noirs. Puis on a eu l’indépendance en 1990. Tout cela te marque forcément, même si je l’ai vécu au fond d’une petite ferme sans
électricité du désert de Kalahari. Mes chansons fonctionnent un peu comme les histoires qu’on se racontait autour du feu. Dans le désert, il n’y a rien, il faut savoir aller à l’essentiel. J’y parle de politique, d’amour, des rapports entre gens de culture différente (ma femme est Espagnole), de spiritualité, de philosophie. Je veux que ma musique émeuve. Elle est faite pour qu’on danse dessus autant que pour être écoutée. Comment définir ton style de musique ? Pour faire simple, c’est un mélange de sonorités africaines et de rythmes contemporains. J’aime explorer tous azimuts, c’est la raison pour laquelle je puise aussi bien dans le jazz, le reggae, le blues que dans les mélodies de chez moi. Dans mon premier album The System is a joke, (Le système est une plaisanterie), on retrouvait des rythmes de chez moi avec des accents folks. Mon troisième album Ke Nako (Le moment venu), sorti cette année, est dans cette lignée, sans doute un peu plus studio que les précédents. Les morceaux sont chantés en setswana, ma langue maternelle, en anglais et dans d’autres langues de Namibie. Je ne veux surtout pas faire de musique commerciale.
CULTURE
Elemotho
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto
La voix du désert
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AU PORT DE MAJUNGA « J’ai peint cette toile lors d’un séjour à Mahajanga. Le port a été pour moi une vraie source d’inspiration. Même s’il peut sembler ordinaire à certains, j’ai relevé avec beaucoup d’intérêt ce parking de botry (pirogues). » (2013 - peinture à l’huile sur toile - 54 x 73 cm)
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Michel
RANDRIA
CULTURE Antsirabe À 38 ans, il est l’une des valeurs montantes de l’école fugurative malgache. Bien qu’originaire de Bealanana (Mahajanga), son œuvre doit beaucoup au milieu artistique antsirabéen, avec deux influences majeures, celles de ses aînés Léon Fulgence et Solofoson. « En plus de la couleur, ils m’ont appris l’amour des petites gens et des choses simples », reconnaîtil. Une leçon de vie. Avec Fulgence, il fonde en 2000 l’Association Sarikanto regroupant les peintres du Vakinankaratra. Largement exposé à l’étranger (France, Allemagne, Hollande, Maurice, Comores), il anime également depuis 2004 un atelier de peinture à l’Alliance française d’Antsirabe. Il exposera en juillet à SainteMarie à l’occasion du Festival des baleines.
VILLAGE DES HAUTS PLATEAUX « Je trouve que la vie des Malgaches est souvent indissociable de la religion. Sur ce tableau, on peut observer en arrière-plan la présence d’une église. Les gens s’y donnent rendezvous tous les dimanches, au même endroit et toujours avec la même ferveur. » (2013 peinture à l’huile sur toile - 46 x 50 cm)
Choses vues
AU PORT « En puisant dans mon imagination, j’ai peint cette toile qui représente une scène de vie côtière typiquement malgache. Dans une ambiance animée et souvent festive, les femmes accueillent avec émotion leurs pères, maris ou fils, heureuses de les retrouver sains et saufs de retour de la pêche. » (2013 - peinture à l’huile sur toile - 31 x 41 cm)
Propos recueillis par Henintsoa Mampionona Contact sur www.nocomment.mg
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Zach Edith Protagoniste du festival Hosotra qui réunit en août tous les peintres malgaches, Zach Edith a voulu réinitialiser le concept en ouvrant, il y a un an, sa propre galerie d’art, L’Artiste, à Nanisana. Un espace strictement dédié à la création locale.
en bord de route à Nanisana, L’Artiste est la nouvelle Sexerceitué vitrine de l’art malgache. Son propriétaire, Zach Edith, 47 ans, lui-même comme peintre depuis 25 ans. « Après avoir été longtemps au contact des artistes locaux et des galeristes étrangers, je me suis dit que c’était le moment de créer ma propre structure. S’agissant de promouvoir la peinture malgache, j’estime qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même. » L’Artiste a donc ouvert ses portes le 7 juin 2012. La barre de sélection pour s’y voir exposé est assez haute, car Zach Edith entend bien éviter ce « côté trop commercial de la peinture locale qui empêche les artistes d’évoluer. »
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CHAPEAU L’ARTISTE !
CULTURE Pas de place non plus, et c’est un peu normal, pour les artistes sont des nationaux. « Je ne m’attendais pas un tel engouement, je étrangers. L’Artiste privilégie un certain classicisme, précisément trouve que les choses évoluent bien à Madagascar dans le domaine pour n’être pas de l’art. » La galerie redondant par rapport prend un pourcentage au positionnement assez minime sur « art contemporain » de les ventes : 20 %. l’Is’art Galerie. « Dès qu’une vente est On peut y admirer bouclée, nous remettons des paysages peints à directement l’argent aux l’huile, des scènes de vie artistes. Peu de galeries et quantité de portraits. le font. » Neuf artistes y sont L’Artiste commence exposés en permanence, à se faire un nom et non des moindres en collaborant avec puisqu’on y retrouve les centres culturels le photographe Pierrot à l’étranger, mais Men, le sculpteur également par des Jery, Willy Vato pour ateliers de peinture qu’il les pierres, et côté organise à travers le peinture : Georges pays. Pour sa prochaine La galerie de Nanisana a fêté son premier anniversaire en juin. Rakotomanana, Hugues exposition, Zach Edith Rakotomalala, Yony veut faire redécouvrir les Lalaina, Léon Fulgence, Jean Yves Chen et Zach Edith lui-même. talents d’expatriés malgaches : Andrianaivoravelona, Razanatefy, En douze mois, la galerie a organisé deux expositions ; la dernière Ralanto en France ou Mbohangy aux États-Unis. Des noms quasi en date était celle de l’impressionniste Hugues Rakotomalala oubliés chez nous. pour le premier anniversaire de la galerie. Aina Zo Raberanto Avec cinq à dix œuvres vendues chaque mois, il existe bel et bien Contact sur www.nocomment.mg un marché de l’art malgache, d’autant que la moitié des acheteurs
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Une véritable école malgache de mangas est en train d’éclore. Son point de ralliement le D-Project de l’association Roses & Baobab. De jeunes talents (on dit « mangakas ») qui ne désespèrent pas de mettre un jour des « lambahoany » à leurs personnages…
le manga malgache peine encore à trouver son Sfaçoniidentité, au sens où il est encore très calqué sur la de faire des Japonais, on sent parmi la génération
montante un vif désir d’émancipation. Cela est particulièrement vrai au sein du collectif D-Project (pour Drawing Project), la branche « dessin » de l’association Roses & Baobab. En activité depuis janvier 2013, ce véritable laboratoire du manga (mais pas seulement) abrite de jeunes mangakas (dessinateurs) pleins de promesses, tels Tahina, Gael, Suki, Sawyer, Hachimitsu ou Spiel. « Tahina et moi savions que Roses & Baobab s’occupait d’art malagasy. On leur a montré nos dessins et le président Gérard Albin Fiorina a été intéressé à nous intégrer à l’association », explique Gael. Le public a eu l’occasion de les découvrir à la galerie Art’ko de Roses & Baobab du 11 mai au 1er juin. Juste un aperçu de ce qu’ils savent faire, en attendant la
D-Project 40
OPÉRATION
MANGAS
CULTURE
parution de leur premier album de bédé qu’ils sont en train de réaliser chacun de leur côté. Chacun dans son style à lui. Tahina aime dessiner des femmes sexy ; Suki préfère les images sombres, fantomatiques, voire sanglantes ; Gael est davantage tourné vers les univers médiévaux fantastiques, mélangés à des éléments futuristes. Tahina est celui dont le travail est le plus avancé. Il s’attelle à un shonen, une histoire ciblant les adolescents de sexe masculin : « Les aventures d’un lycéen un brin pervers, mais plutôt humoristique », explique-t-il. Cela pour donner une idée de l’extrême variété des genres qui peuvent cohabiter au sein de la nébuleuse manga. Ce mot japonais signifiant « image dérisoire » ou « caricature grotesque » n’a pris le sens de bande dessinée qu’à partir de 1945. Les mangas, ce sont des millions d’albums qui paraissent au Japon et inondent le monde, souvent associés à des jouets ou à des jeux vidéo. Dragon Ball s’est vendu à plus de 250 millions d’exemplaires, surpassant même Tintin… Dû à sa composante asiatique, le public malgache semble avoir une sensibilité naturelle vis-à-vis de la culture japonaise, et notamment du manga. Suki l’explique par la facilité avec laquelle ce média parvient à véhiculer les émotions, sans trop passer par les mots. « Le rythme est plus rapide que dans les bédés occidentales. Au niveau du découpage et des cadrages, cela ressemble au cinéma. Et il y a plus d’onomatopées que de vrais textes » L’hyperexpressivité des visages, touchant effectivement à la caricature et au grotesque (par exemple, l’évanouissement signifié par une croix remplaçant les yeux) est l’un des autres grands traits de l’esthétique manga. « On ne va pas jusqu’à reprendre, comme les Américains ou les Français, le sens de la lecture japonaise (de droite à gauche),
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car cela risque d’amener une certaine confusion dans l’esprit du lecteur. Il faut l’initier petit à petit », considère Gael. Pa r f a i t e m e n t autodidactes, tous ont commencé en observant les dessins animés adaptés de mangas diffusés à la télévision malgache. Séduits, ils commencent par les imiter avant de véritablement chercher leur style. Encore aujourd’hui, ils se réfèrent aux grands noms du genre, tels Osamu Tezuka (Le Roi Léo, Astroboy), Takeshi Otaba (Death Note) ou à des créateurs de jeux vidéo comme Tetsuya Nomura (Final Fantasy). Avec cette Une histoire signée Daniel. différence qu’ils veulent parvenir le plus possible à du manga malgache. « On insère des éléments de mythologies malgaches dans nos histoires. On ne prévoit pas encore de dessiner des femmes en lambahoany, mais ça viendra. Raconter l’histoire de Madagascar en manga ce serait déjà une belle réussite », estime Suki. Joro Andrianasolo Contact sur www.nocomment.mg
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Van Gogh 1991 - France – 150 mn - Film dramatique de Maurice Pialat avec Jacques Dutronc, Bernard Le Coq, Elsa Zylberstein
Après un séjour à l’asile de Saint-Rémyde-Provence, le peintre Vincent Van Gogh loue une chambre à Auvers-sur-Oise sous la protection du docteur Gachet, amateur d’art. Il est entouré de son frère Théo, de la prostituée Catherine, mais aussi de Marguerite, la fille de son hôte, auprès de qui il coule ses derniers instants de bonheur. Vincent plonge inexorablement dans l’amertume d’un constat pénible : ses proches n’ont jamais cru en lui. Il se suicidera à 37 ans. Cette œuvre brute et superbe, pas plus modifiable qu’une toile de Van Gogh, rince l’artiste des scories de son mythe, mais renforce le mythe qui entoure Pialat, celui de l’incompris de naissance, du toujours inassouvi, de l’ombrageux. Le Van Gogh de Pialat est, de façon inattendue, un film gai, vif et drôle. On y rit, on y est emporté par les bals et les déclarations. Si on vient y chercher un fou, un malade, une éternelle victime, un mourant, un suicidé de la société, on sera déçu. Ce film, comme tous les grands films, est à peu près exempt de pathos. Sans jamais forcer la note, ni tomber dans le mélo, Pialat nous offre ici sans doute son plus beau film, et Dutronc son plus grand rôle. Diffusion sur Parabole le samedi 6 juillet à 13 h 45 et vendredi 12 juillet à 20 h 45.
Le Livre du mois
CULTURE
Le Film du mois
Madagascar, nocturnes Par Rijasolo
Dans les rues ou dans les bars, en brousse ou en ville, Rijasolo explore un autre Madagascar ; celui des gens qui sortent quand tous rentrent chez eux, de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas dormir : le Madagascar de la nuit où se côtoient travailleurs et oisifs, prostituées et jouisseurs, déshérités et fêtards. Les nuits de Rijasolo sont comme des scènes primitives. La beauté qu’elles offrent tient à une perpétuelle hésitation entre violence et apaisement, entre pudeur et crudité. En choisissant d’appeler nocturnes les photographie qui composent ce recueil, Rijasolo invite le lecteur à les envisager comme autant de poèmes sortis de la nuit, comme autant de méditations sur ce que les lieux, les hommes et les femmes deviennent lorsque la lumière se fait plus rare et plus fragile. Né en 1973 en France, Rija Randrianasolo, dit Rijasolo, est lauréat du prix Leica 35 mm Wide Angle pour son reportage sur Ilakaka. Il vit et travaille à Antananarivo. Son travail a fait l’objet d’une dizaine d’expositions dans le monde. « Madagascar, nocturnes », par Rijasolo : 21 x 21 cm, 64 pages, Éditions no comment®. Prix : 45 000 Ar
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François-Régis
DURAND
ILAKAKA « Cette image m’a été un peu imposée par les gens, les parents de la petite fille… Tout le monde voulait que je la prenne en photo... Devant ses hurlements j’étais hésitant... Il est évident que je ne peux photographier si cela engendre une douleur quelconque ! Quand j’ai ramené l’image à Ilakaka (là ou a été photographiée la pauvre malheureuse) Tout le monde en la voyant s’est esclaffé… Alors je suis retourné voir la petite fille et j’ai fait une autre image… Qu’elle ne garde pas qu’un mauvais souvenir du vazaha ! »
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Un moment tu ne contrôles plus
PORTFOLIO
Une enfance « renfermée » fait-elle les grands artistes ? Ne voyant ses parents que par intermittence « quatre à cinq jours tous les cinq à dix ans », sa grand-mère pour le sortir de son isolement lui offre ses premiers livres de photographie : déclic. Bac à poche, il choisit de passer les 25 années suivantes à l’usine, dont « 20 ans de nuit pour pouvoir photographier Paris le jour ». En 2003, suivant un oncle missionnaire à Madagascar, il découvre l’île. Et Pierrot Men et Franck Remy qui lui fait découvrir Ilakaka. Il remporte en 2010 le grand prix SFR Jeunes Talents photo. Peu friand de discours, il voit la photo comme « une prise de parole indispensable, car il est indispensable de témoigner ». A la question d’un magazine qui lui demandait s’il se positionnait comme reporter ou artiste, il répond : « reporter de mes propres émotions ».
VERS MANAKARA « Dans le train Fianarantsoa-Manakara… 12 heures dans une chaleur intense… j’en pouvais plus… J’ai du prendre des dizaines d’images. Le papa était vraiment très gentil… Je lui avais promis une photo… Mais de retour en France, je me suis aperçu que son adresse mal écrite était illisible… Si par bonheur il pouvait tomber sur cette image en lisant co comment, je serais le plus heureux des hommes… Je sais juste qu’il était professeur à Manakara… »
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FIANAR « Je ne sais plus comment ou pourquoi je suis rentré dans cette gargote, je me souviens juste de la lumière chaude d’une fin d’aprèsmidi, d’un café pas mauvais, pour une fois, et du visage prévenant de la patronne sans doute étonnée de voir un vazaha prendre un café chez elle. Elle aura toujours ce visage bon et ce sourire un peu coquin chaque fois que je viendrais manger ici. Cette image a été prise à la volée sans réfléchir, puis instinctivement les images qui suivent sont mieux cadrées... Mais moins fortes ! Il y a un moment où l’on ne contrôle plus, et il faut qu’il en soit ainsi ; tout contrôler, c’est la mort ! Seule une part « d’erreur magique » peut vous faire basculer du bon côté ; c’est en cela que je ne crois pas aux photos trop posées qui ne laissent pas de place aux impondérables… »
Recueillis par Joro Andrianasolo
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Bien le bonjour de l’hiver ! Les médecins font de la pub pour la circoncision «à l’américaine » qui permet au garçon de « porter pantalon dans l’immédiat ». Exit le malabary significatif, l’espèce de tunique à carreaux qui évite le slip ou la culotte. Il ne s’en vend plus que dans les lointaines campagnes…
juillet, plein de jouets, ELa nmais aucune poupée. froidure de juillet en
fait le mois des garçons. Mois hygiénique par excellence, il empêche la prolifération des microbes et virus divers et, surtout, favorise la cicatrisation des blessures. Dont acte pris sur les marchés-trottoirs de Tana. Ils sont envahis par les autos ou les avions et hélicos miniatures, les ballons ou autres. Juillet est le mois de la
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par Mamy Nohatrarivo
circoncision, une des deux fêtes coutumières majeures malgaches, la seconde étant le retournement des morts. La première est une opération chirurgicale qui intègre le bambin dans le monde de son sexe, le monde des hommes. Elle s’accompagne de pleurs qui, en juillet, cesseront bien vite. Dans un pays où le sens de la grande famille et de la communauté fait partie intégrante de la culture sociale, la circoncision et le retournement des morts soudent la famille et, autour de chaque famille, le village et le quartier communient dans la tradition de la solidarité. La circoncision n’est pas la fête d’un seul foyer. En juillet, le vacarme et les décibels des sonos informent les alentours, voire les passants tardifs ou matinaux, qu’il y a fête en la demeure. Tout le monde entre sans complexe et, très vite, chacun discute le bout du gras avec son voisin. Le café, voire un vrai repas (riz et viande), est servi. En échange, la petite enveloppe de rigueur à titre de participation aux frais. Les non-Malgaches doivent connaître la formule de circonstance. « Arahab’ ririnin’ e ! » (Bien le bonjour de l’hiver !). On leur répondra « Sam’ vit’e ! » (Nous y avons tous passé !) Toute fête de circoncision appartient ainsi à la communauté et un grand-père, ou celui qui en tient lieu, assume le rôle de courroie de transmission des valeurs. Pas de circoncision sans un aïeul. La tradition lui réserve le devoir d’avaler le…prépuce fraîchement enlevé. Rien ne
FOMBA AMAM-PANAO
doit se perdre, et par le rite expédié avec une banane, le bébé devenu garçon rejoint ainsi toutes les générations de garçons de sa grande famille qui l’ont conduit vers le jour. C’est pourquoi, juillet est le mois des petits bonshommes qui deviendront grands. Les jeunes rivalisent pour assurer le transport du rano mahery, l’eau de la puissance ou l’eau qui donne la force ou l’eau des forts. Elle servira à laver la plaie. On va la chercher dans un joyeux tohu-bohu où les faiblards n’ont pas leur place, on se dispute pour la porter et garder la bouteille sur la tête. Mais les valeurs se perdent. Les médecins font de la pub pour la circoncision « à l’américaine », sans couteau, sans lame de rasoir (!), sans douleur et qui permet au garçon de « porter pantalon dans l’immédiat ». Exit le malabary significatif, l’espèce de tunique à carreaux qui évite le slip ou la culotte. Il ne s’en vend plus que dans les lointaines campagnes. Plus besoin de décibels ou d’une opération bien avant les aurores. Cela fait partie des rites maisons de l’anesthésie. On empêche le petit bonhomme de dormir, on le « sacrifie » alors qu’il est encore plus qu’ensommeillé. Il est à peine réveillé (par la douleur) que tout est déjà consommé. Il n’a même pas eu le temps d’avoir peur. Ce sont les jouets qui l’éblouissent.
La belle et la mer
Par Sylvia Mara
l était une fois un homme nommé Irespecté Roandria, un notable, riche et dans son village. Il avait trois épouses. La première, Soamahery – belle-dure –, avait deux garçons et deux filles. La seconde, Soamalao – belle-piquante –, était mère d’un garçon et de deux filles. Et la dernière, Soamazava – belle-lumineuse –, n’avait qu’une enfant prénommée Soavoatse – bien-faite, belle. Roandria aimait ses enfants d’un amour égal. Mais c’est à Soavoatse, la plus démonstrative de tous, qu’il manifestait ses sentiments : une grande tendresse et surtout une protection passionnée pour l’enfant unique de sa mère. Ce que la fratrie n’appréciait guère. Le groupe se mit alors à comploter pour faire perdre à la benjamine la place de préférée du père. Comme leurs mères, premières épousées, étaient des nanties, ce qui n’était pas le cas de celle de Soavoatse,
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Contes du Sud ils se mirent tous les jours de la semaine à apporter à leur père du foie de chèvre, du lait et du miel. Soavoatse, dans la naïveté de ses sept saisons de pluies, apportait également des présents à son père, faits de petites fleurs sauvages, souvent durement cueillies en haut des épineux, ou de coquillages cherchés loin au bord de la mer. Cela émouvait Roandria et augmentait son affection pour sa toute dernière. Les frères et sœurs tinrent alors conseil : - Utilisons la manière forte, éliminons-la ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Un plan était monté pour faire disparaître la petite. Et un matin : - Soavoatse ! tu ne veux pas venir jouer avec nous aujourd’hui ? La surprise remplit le cœur de la fillette d’une joie qui éclatait en cris. Elle était heureuse que les grands, qu’elle croyait la détester, s’intéressent enfin à elle. Ceux-ci l’entraînèrent alors aux champs, prévenants et caressants, la portant à tour de rôle sur le dos, sous prétexte que leur père se fâcherait si elle rentrait fatiguée au village. Trop heureuse, Soavoatse se laissait faire. Arrivés aux champs, ses frères se mirent à fabriquer sous ses yeux une caisse de la taille d’un enfant. Pendant ce temps, ses sœurs ramassaient ce qu’elles trouvaient d’herbe et coupaient des feuilles. Elles en tapissèrent ensuite la caisse. - À quoi cela va-t-il servir ? s’enquit Soavoatse. - À rapporter un grand cadeau pour notre père, répondit l’un.
TRADITIONS
- Oui, une statue magnifique de ta taille, poursuivit l’autre. - Justement, il faut que tu l’essaies pour voir, dit un autre encore. - Vas-y ! encouragea l’une de ses sœurs. Notre père sera tellement heureux. Entendant ces derniers propos, Soavoatse s’exécuta sans hésiter. Elle a l’air faite pour toi, gloussa une autre. - Attends qu’on essaie aussi le couvercle ! Et le couvercle fut posé, fixé, et le tout attaché. Après quelques minutes de silence et d’attente, la prisonnière se mit à crier, à hurler, à taper, à supplier, à pleurer en vain. Ses frères hissèrent la caisse sur leurs épaules et le groupe se dirigea d’un pas rapide vers la mer où elle fut jetée. Aussitôt la mer entraîna la caisse vers l’horizon… Les sept frères et sœurs retournèrent au village et apparurent devant leur père, les larmes jusqu’au cou. « Père, se lamentaient-ils, Soavoatse a été enlevée par un esprit des eaux. Nous lui avons bien interdit de s’approcher de la plage, nous lui avons bien expliqué que la mer est pour nous une zone tabou. Mais que voulez-vous, en acceptant ses coquillages, vous l’avez encouragée à fréquenter la mer maudite. La voilà disparue à jamais, emportée par les esprits. » Le père s’effondra. La mère, Soamazava, accourut, les yeux fous. Les grandes épouses arrivèrent à leur tour, imitant leurs enfants en cris et en larmes. Mais Soamazava lisait la
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jubilation dans leur cœur. Sans émettre aucun son, se drapant dans son lamba, elle quitta le village et se rendit à la mer. Elle vit alors au loin une caisse qui ballottait au gré du vent. « Oooh mes grands ancêtres paternels, mes grands ancêtres maternels, faites tourner le vent dans la direction du rivage pour que la mer puisse me ramener ma belle ! » Ainsi priait la mère avec ferveur, chantonnant sa douleur, expirant les tumultes de son cœur dans les notes de sa mélopée. Et elle passa la journée entière à suivre du rivage l’évolution de la caisse sur la mer. Elle allait toujours plus au nord. La nuit tombait, la caisse s’éloignait. Une lune clémente éclairait la surface liquide, et du rivage, Soamazava continuait à veiller sur son enfant et à marcher. « Oooh mes grands ancêtres paternels, mes grands ancêtres maternels, faites tourner le vent dans la direction du rivage pour que la mer puisse me ramener ma belle ! » Le lendemain, le soleil levant vit Soamazava toujours en marche, les yeux hagards, les traits tirés, les joues creuses, les cheveux emmêlés. Mais son dos restait droit, sa marche rapide, son lamba bien noué, son regard perçant, et un halo de lumière semblait l’envelopper. Et son chant suppliant, fait de douleur et d’espoir, remplaçant les larmes qu’elle n’arrivait pas à verser, continuait de se répandre sur l’étendue de la plage, au-dessus des eaux, dans les airs. « Oooh mes grands ancêtres paternels, mes grands ancêtres maternels, faites tourner le vent dans la direction du rivage pour que la mer puisse me ramener ma belle ! » Et au matin du troisième jour, la caisse échoua sur la plage. Soamazava se précipita, s’acharna sur la corde, puis sur le
couvercle, en vain. Avec ses dernières forces, elle traîna la caisse et partit à la recherche de mains secourables. Mais à chaque porte qu’elle frappait, de chaque individu qu’elle approchait, elle entendait la même réponse négative : « Soamahery et Soamalao ont fait dire partout que ceux qui vous porteront secours, vous hébergeront ou vous donneront à boire en pâtiront. Nous sommes désolés. » À bout de force, menaçant de s’écrouler sous l’effort, Soamazava déposa la caisse et se mit à gratter le bord du couvercle avec un bout de coquillage. Le soleil commençait à décliner quand celui-ci céda enfin et découvrit Soavoatse, inconsciente. La mère darda sur sa fille des yeux que l’amour rendait de braise. Réchauffé, le corps inanimé bougea et l’enfant ouvrit les yeux. La mère s’évanouit. Le cœur de Soavoatse était au bord de l’éclatement, tant sa douleur était grande de voir sa mère qui n’avait gardé que la peau sur les os. Elle était méconnaissable mais elle rayonnait. Soavoatse éclata en sanglots. Elle pleura toutes les larmes de son corps, si longtemps qu’un ruisseau finit par se former, baignant le corps inerte de sa mère. La nuit tomba, le vent se leva. Le froid saisit Soamazava qui frissonna et reprit connaissance. Ses yeux qui s’ouvrirent furent les premières étoiles de cette nuit-là. Lentement, le ruisseau de larmes de Soavoatse rejoignit la mer. Chaque fois que vous trouvez sur la plage une petite source d’eau douce qui se jette dans la mer, ayez une pensée pour les larmes de la belle devant l’épreuve inhumaine de sa mère. Un conte est un conte, je nettoie le coquillage, vous en décorez votre intérieur.
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haque année, les nuits du jeudi et du vendredi qui suivent les examens C du baccalauréat sont très mouvementées. On les appelle communément « défoulement après-bac », et depuis quelque temps manala vita bacc (graphie
malgache), du nom du concert que le percussionniste Olombelo Ricky organise tous les ans à cette occasion. Bacheliers, recalés, vieux étudiants, peu importe, tout le monde est de la fête, le temps de deux soirées où il n’y aura pas que du jus de corossol qui va couler dans les gobelets. Chaque année, la presse s’en indigne et décrit le spectacle « affligeant » de ces ados, garçons ou filles, qu’on retrouve le lendemain matin affalés devant les entrées des salles de spectacle ou de fêtes. La mine défaite. La langue pâteuse. Grosse gueule de bois assurée. « On dit que certains d’entre eux découvrent le sexe durant ces nuits-là. Bien entendu, il ne faut pas généraliser », relève Juliette Raharinivonirina, psychothérapeute pour adolescents. « Il n’y a pas lieu de les blâmer s’ils veulent faire la fête. Ils viennent de passer la semaine la plus rude depuis leur enfance », clame-t-elle. Pour elle, le défoulement après-bac est en soi bénéfique : il permet à l’adolescent de décompresser après des semaines d’intense bachotage et surtout d’exister pleinement par rapport à son groupe d’âge. Une espèce de rite social, d’examen d’entrée à la vie adulte en somme. Le tout est de ne pas faire n’importe quoi. « Ce sont des jeunes inexpérimentés en plein de domaines. Ils ne maîtrisent pas forcément le mode d’emploi. Il faut les mettre en garde avant, à l’école par exemple, pour éviter qu’ils ne se retrouvent dans des situations délicates ou dangereuses. Il y a des bêtises qu’on regrette toute sa vie… » Solution radicale, l’accompagnement imposé des parents. Papa maman qui surveillent du coin de l’œil pendant que fifille danse le Gangnam Style avec ses
Vbacc ita
TRADITIONS
Depuis des décennies, les élèves des classes terminales ont hâte que l’année scolaire se termine. Tous ne décrocheront peut-être pas le bac, mais une chose est sûre, la fête sera au rendez-vous pour tout le monde avec les deux soirées du défoulement après-bac. Parents, n’écoutez pas !
copines. Très sûr pour éviter les ennuis, mais pas forcément du goût de l’ado qui réclame en ces jours de « relâche » un vrai droit à l’émancipation. « C’est atroce de s’éclater avec les parents qui te surveillent. À huit heures, ils te font comprendre qu’il faut déjà rentrer. Tes copines te prennent pour une demeurée, tu es grillée pour toute l’année », estime Mandimbiniaina qui prépare depuis des semaines sa tenue vita gasy. Presque aussi bien préparée que son bac ! Solution intermédiaire, le grand frère ou la grande sœur. À condition qu’ils résistent eux-mêmes aux sirènes de la fiesta. Bref, un peu de tenue, que diable ! Et comme dit l’autre : il faut que jeunesse passe… Solofo Ranaivo
Deux nuits pour s’éclater
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Podcast Lié à l’avènement du Web 2.0, le podcast est une façon décomplexée de se moquer de la bêtise médiatique ambiante. À la manœuvre de nouveaux comiques pas plus âgés que 20 ans. Voici Hianja, un podcaster 100 % gasy, mais d’audience planétaire…
aux téléréalités débiles, l’humour retrouve droit de cité sur internet. Quel Grâce plaisir de parodier les « non mais, allô, quoi » et autres évaporations neuronales
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de bimbos siliconées ! L’arme absolue en l’occurrence s’appelle le podcasting, contraction d’iPod, le baladeur d’Apple, et de broadcasting pour « diffusion ». Il s’agit tout simplement de fichiers audio ou vidéo (appelés podcasts ou balados) à télécharger sur la Toile. Comme leur nom l’indique, ils étaient destinés à l’origine aux baladeurs numériques de type iPod, mais pas que ! Ce média tout nouveau tout beau est une véritable aubaine pour les jeunes créateurs en mal de buzz. Exemple avec Hianja Rasolofondraibe. À tout juste 17 ans, il fait partie de cette nouvelle génération de podcasteurs malgaches bien décidée à faire parler d’elle sur la Toile. À la fois auteur de sketchs et réalisateur, il a littéralement cartonné sur youtube avec sa parodie de la fameuse Nabilla de l’émission française Les anges de la téléréalité. Pas moins de 2 700 téléchargements d’un coup ! « Je voyais qu’on n’arrêtait pas d’aller sur ma vidéo et des gens m’envoyaient des messages de félicitations d’un peu partout dans le monde. C’est ça le podcasting, tu bidouilles ton truc tout seul dans ton coin et ça devient tout de suite planétaire ! » À l’étranger, des podcasteurs sont déjà de véritables références dans le milieu,
LES COMIQUES DU NET
MÉDIAS comme Norman, Mister V ou Cyprien. Moyenne d’âge : 20 ans. Des gens que Hianja suit sur leurs vidéoblogs et apprécie : « Ils ont un humour décalé mais pas élitiste. Ils ne se prennent pas pour des artistes, même si dans le fond ils le sont. Juste des mecs qui aiment déconner, comme moi… » Parodies d’émissions de télé, de tubes de l’année, de publicités, de discours de politiciens, tout est bon à passer à la moulinette du podcast. « C’est juste ma vision de la vie que je partage, explique Hianja. J’analyse les choses marrantes ou pas que je vois dans la rue, à l’école, dans la famille. » La grande originalité du podcasting est d’échapper à toute forme de centralisation ou de récupération par des intermédiaires plus ou moins intéressés. Tout se fait strictement entre le distributeur de son ou de vidéo et le récepteur qui télécharge le fichier podcast. Si le courant passe entre les deux, s’ils se reconnaissent une parenté de pensées, le téléchargement devient automatisé : les programmes et les mises à jour des nouvelles émissions seront automatiques dans l’« agrégateur » qui gère les fichiers. De cette nouvelle façon de communiquer, Hianja espère bien en faire plus tard un métier, même si ce qu’est un hobby pour l’instant. « Le podcast t’oblige à être polyvalent. Tu es à la fois technicien, scénariste, acteur, réalisateur. Il n’y a que pour la capture des vidéos que je travaille avec un ami. » Un comique en puissance ? Peut-être : « Je pense qu’on peut se moquer de tout. Enfin pas tout à fait. Tu vois de ces trucs sur le Net des fois, tu n’as plus envie de rire… » Aina Zo Raberanto Contact sur www.nocomment.mg
Lova RASAMIMANANA La crise a fait pas mal de dégâts au business de l’événementiel. L’époque n’est plus aux grands grands concerts mais à des opérations plus ponctuelles, comme les « show cases » à rentabilité moins aléatoire, explique Lova Rasamimanana, premier responsable de Kanto & Kintana Productions
Comment en es-tu venu à l’événementiel ? En 2003, alors que j’habitais encore en France – j’y ai vécu trente ans - j’ai créé la maison de production Kanto Prod. Mon ambition était de mieux faire connaître les artistes malgaches en les faisant se produire dans de grandes salles parisiennes, comme le New Morning, pas seulement dans le circuit fermé de la diaspora. C’est ainsi que Mahaleo a fait la salle mythique de l’Olympia en 2007, puis Jaojoby l’année suivante. Il y a eu aussi Lolo sy ny Tariny à La Cigale en 2008. On arrivait à organiser une bonne dizaine de concerts par an. C’est pas mal dans un pays où la musique malgache se résume encore aux Surfs des années 60 ! Et Kintana ? A Madagascar, parallèlement, j’avais Kintana Production. Le même concept mais dans le sens inverse : faire venir des artistes français à Madagascar et les faire jouer pour le public malgache. On a eu Tragédie en 2004, Yannick Noah en 2008, La Fouine en 2009, Kassav en 2010, Colonel Reyel en 2012. Puis en 2008, il y a eu la crise boursière en France, le business a commencé à prendre l’eau. Je me suis davantage consacré à Madagascar et en 2012 on a fusionné les deux structures. Mais je continue à travailler sur les deux pays.
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Fini les gra
MÉDIAS Combien ça coûte pour faire venir un artiste ? Pour ceux que nous produisons ici, le cachet pour un concert varie de 7 000 à 15 000 euros (20 millions à 40 millions ariary). Ce sont des artistes nouvellement célèbres, sinon on ne pourrait pas mettre les billes. Il faut savoir que faire venir Johnny Halliday ou Céline Dion, ça va chercher dans les millions d’euros ! Impossible à Madagascar, on ne pourrait jamais rentabiliser. Et je ne parle pas des dépenses annexes. Généralement, un artiste solo voyage à cinq, lui-même, son choriste, le DJ, le manager et un technicien. Même dans la catégorie qu’on vise, ça devient vite lourd. La crise ne se fait pas sentir à Madagascar ? A voir le nombre de concerts qui sont programmés à travers le pays, on pourrait penser que le business de l’événementiel va bien. En réalité, depuis deux ou trois ans, ça rame. Avec mes dix ans d’expériences, j’ai connu des hauts et des bas, mais là, ces deux dernières années, je peux dire que ç’a été les pires. On a été à deux doigts de jeter l’éponge. Heureusement, la passion est intacte… Peut-être que l’époque n’est plus aux grands concerts ? C’est en effet ce que je pense. Les gens sont fauchés. Ou plutôt il y a ceux qui sont prêts à dépenser 100 000 Ar dans une soirée pour de la bière, mais qui vont être réticents à payer 5 000 Ar pour un spectacle. A la limite, mieux vaut organiser des concerts gratuits et faire consommer le public à l’intérieur. C’est ce que nous faisons. Nous remplaçons les grands concerts par des shows-cases, des promos dans des salles de 150 à 200 personnes où nous sommes sûrs que toutes les places sont prises. C’est plus rentable qu’un concert en plein air de 50 000 personnes où tu ne vendras que 100 billets. Ton actualité ? Au mois d’août, nous organisons un concert avec Matt Houston au Palais des sports de Mahamasina. C’est actuellement notre plus grand projet, mais vu la situation à Madagascar, la date du spectacle est encore à préciser… Propos recueillis par Solofo Ranaivo
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ALI MOHAMED « Rien à exporter sur Madagascar… » Où en sont les relations entre les Comores et Madagascar ? Nous avons une représentation diplomatique à Madagascar depuis 1975, année de notre indépendance que nous célébrons ce 6 juillet. Nous avons dû repartir au milieu des années 80 pour des raisons politiques, mais depuis 1994, je dirais que les relations sont au beau fixe. Les deux pays, en plus de leur voisinage, sont unis par une longue histoire. Leur culture est très proche. On dit même que les Comores constituent la septième province de Madagascar, la dix-neuvième ethnie malgache. Combien de Comoriens vivent à Madagascar ? Environ 200 000. L’accueil des Malgaches est plutôt bon, on ne se sent pas étrangers sur la Grande Île. Certains sont ici depuis des générations, traditionnellement dans le commerce. Nous importons beaucoup de produits malgaches comme l’oignon ou le haricot qui font défaut chez nous. D’autres sont ici pour des raisons médicales ou pour leurs études. Nous n’avons pas d’hôpitaux bien équipés aux Comores, pas de médecins chevronnés, pas d’université non plus. Et les Malgaches aux Comores ? Ils ne sont pas très nombreux, pas plus nombreux que les Comoriens vivant ici. Ils sont généralement dans les administrations, l’éducation, très rarement dans le commerce. Les Comores, avec leur superficie de 2 300 km² et leurs 900 000 habitants, sont trop petites pour accueillir plus d’immigrants. Mais on vit bien chez nous.
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Comores à Mada
Propos recueillis par Solofo Ranaivo
Comores and more…
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Il y a cette perception que les Comoriens entrent clandestinement à Madagascar… C’est faux, trop de journaux véhiculent ce mythe de clandestins qui arriveraient en pirogues de l’archipel, au péril de leur vie. Et pourquoi le feraient-ils ? Obtenir le visa pour Madagascar est si facile, peut-être même un peu trop. Aucune procédure à suivre, pas d’enquête. Il en est de même pour les Malgaches qui veulent émigrer aux Comores. Ces clandestins arrêtés par la police malgache avec de faux papiers, ce n’est pas pour rester à Madagascar qu’ils sont ici, c’est pour aller en France. Ils sont juste en transit ici. Qu’en est-il des échanges commerciaux entre les deux pays ? Malheureusement plus à l’avantage des Malgaches que des Comoriens. Les Comores ne font qu’importer, ils n’exportent pas. De toute façon, il n’y a rien à exporter sur Madagascar. La vanille, le girofle, le cacao, la patate douce, le maïs, le manioc, tous ces produits que nous cultivons chez nous, les Malgaches les produisent également, et à grandes quantités. La Grande Île a de plus ses ressources minières qui nous font complètement défaut, et sa compagnie aérienne qui relie Antananarivo à Moroni. Au plan alimentaire, nous sommes autosuffisants, pas de soucis làdessus. Sinon nous comptons beaucoup sur l’aide de la diaspora. Ces deux pays ont-ils un avenir commun ? Ils ont beaucoup de potentialités et devraient s’unir sur des projets qui construisent l’avenir. Le tourisme, par exemple. Nous devons aussi travailler davantage sur le libre-échange entre les deux pays car c’est un aspect encore mal exploité malgré la bonne relation existante. Mais par dessus tout, nous souhaiterions que des médecins malgaches créent des hôpitaux ou des cliniques chez nous.
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La cuisine comorienne est un mix des cuisines malgache, arabe, indienne et africaine. Elle se distingue par une alimentation à base de riz, de bananes vertes et de manioc. Chez Mama Abid, un petit restaurant situé à la Petite Vitesse, les plats comoriens sont mis en avant comme le pilao de poulet au lait de coco. Un plat traditionnel préparé à base de riz, de viande de poulet mariné et de lait de coco : des ingrédients que l’on trouve facilement à Madagascar. Tous les Comoriens connaissent Mama Abid pour ses petits plats et chaque midi, son restaurant ne désemplit pas. Pour les repas de fêtes, les Comoriens ont l’habitude de manger le mardouf ou couscouma, une sorte de galette préparée à base de farine, d’œuf, de beurre et d’eau. Le mardouf s’accompagne de viande ou de poisson en sauce. Il remplace facilement le pain. Sans oublier les fameux samousas qui sont des beignets farcis à la viande ou aux légumes. De par ses influences indiennes, la cuisine comorienne intègre les épices dans ses plats comme la cannelle, la cardamome, le cumin ou la vanille.
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