Dossier de spécialisation M1 - Images propagande et tic

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Dossier de spécialisation

Sujet n°29 : Images, propagande et TIC Problématique :

Observe-t-on un retour du patriotisme en France ? Quentin BITARD-FEILDEL Noémie CAGNIART David GOISNARD Marine LE BRETON Kévin LE CASTREC Mélinda LE FRAPPER Maxime LE LOUËR Marie LEROY Département Art Lettre Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE

RÉSUMÉ. Ce dossier traite de la propagande idéologique du citoyen français avec le retour éventuel du patriotisme. Il se décline en neuf parties. Tout d’abord, seront abordées la construction de l’image et l’utilisation des TIC pour propager les messages de propagande. Le sujet sera ensuite développé à travers l’ensemble des facteurs qui permettent de propager cette idéologie. En effet, cette diffusion passe par le discours politique, les actions publicitaires entrepris par les entreprises, la promotion des actions dans le milieu associatif et les moyens mis en œuvre dans les domaines de l’art et la culture. Les secteurs de l’éducation, l’ensemble des institutions ainsi que l’armée et l’identité du citoyen sont également des éléments qui constituent cette diffusion. MOTS-CLÉS : Image, TIC, discours, politique, entreprise, art, culture, patrimoine, éducation, propagande, patriotisme, institution, association, identité,

2015-16, pages 1 à 225


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Plan général du dossier de spécialisation Introduction générale - pages 7 à 12 Plan thème 1 : La construction de l’image, du discours et le déploiement des TIC - pages 13 à 51 Introduction : La construction de l’image, du discours et le déploiement des TIC 1. Quelle est la place de l’image dans la construction du discours ? Et comment les TIC propagent le discours ? 1.1. L’image comme vecteur du discours d’influence 1.1.1. Le moyen d’influence inconsciente : la psychologie sociale 1.1.2. Le discours persuasif 1.2. Le réflexe conditionné : la représentation et l’action collective commune 1.2.1. La représentation d’une image mentale : la pratique du signe 1.2.2. La propagande sociologique 1.2.3. Le processus qui inculque des normes et des valeurs dominantes d’une société 2. Le XXème siècle : des innovations majeures dans le domaine des TIC 2.1. L’impact des TIC sur la société 2.1.1. Un milieu professionnel transformé 2.2.1. Un bouleversement du quotidien 2.3.1 Une redéfinition du temps et de l’espace 2.2. La technique au service de la propagande 3. Recherches de terrain 4. Conclusion 5. Bibliographie Marine LE BRETON 6. Bibliographie Marie LEROY 7. Table des annexes

Plan thème 2 : Politique - pages 52 à 52 Plan thème 3 : Entreprises - pages 53 à 77 Introduction 1. L’influence politique sur l’économie 1.1 Le discours des politiques 1.2 L’impulsion de la « Marque France » par la politique 1.3 L’influence sur les entreprises 2. Arguments et stratégies utilisés Images, propagande et TIC


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2.1. Savoir-faire et image de qualité 2.1.1. La perception du « made in » par les consommateurs 2.1.2. Technique du storytelling : l’exemple de Louis Vuitton 2.1.3. Technique de La peur : répondre à l’inquiétude 2.2. Susciter le sentiment d’appartenance 2.2.1. Technique de la peur : l’exemple de Toyota 2.2.2. Le stéréotype : l’exemple de Renault 2.2.3. Égéries, succès français : l’exemple de Renault 3. Étude de terrain analyse : l’évolution publicitaire 3.1. Le citoyen français et sa relation à la publicité 3.2. La publicité et sa relation avec le patriotisme 3.2.1. Personnages emblématiques de l’histoire de France 3.2.1.1. Le personnage mythique 3.2.1.2. La personnalité politique 3.2.1.3. Le personnage symbole 3.2.2. Les faits historiques 3.2.2.1. La révolution française 3.2.2.2. La période coloniale 3.3. De l’effacement progressif du roman national à un retour en force du patriotisme 4. Conclusion 5. Bibliographie 6. Annexes

Plan thème 4 : Associations - pages 78

à 113

Introduction 1. Fonctionnement et spécificités du monde associatif en France 1.1. Histoire et définition(s) des associations 1.2. Originalités françaises autour de l'associatif 1.3. Le bénévolat en France 2. La promotion de l'association humanitaire 2.1. Définition de l'humanitaire 2.2. Secteur humanitaire dans le monde associatif 2.3. Promouvoir l'association humanitaire 2.4. La notion de don 3. Le cas du Secours populaire français 3.1. Naissance et évolution du SPF 3.2. Identité et principes fondamentaux du SPF 3.3. Communication du SPF 3.4. Le projet associatif 4. Conclusion théorique

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5. Enquête de terrain 5.1. Retour introductif 5.2. Méthodologie de l'enquête 5.3. Présentation de l'enquête 5.4. Analyse de l'enquête 6. Conclusion 7. Bibliographie 8. Annexes

Plan thème 5 : Arts, culture et patrimoine - pages 114

à 136

Introduction 1. Le patrimoine culturel français : transmission et socialisation 1.1. Une idée de patrimoine 1.2. Les premiers moyens de conservation 1.3. La diffusion et la conservation du patrimoine par les TIC 1.4. S’identifier au patrimoine français 1.5. Une propagande culturelle 2. La propagande par l’art : enquête de terrain 2.1. Entretien directif avec Monsieur Baptiste BRUN 2.2. Sujets abordés 2.3. Conclusion 3. Conclusion 4. Bibliographie 5. Annexes

Plan thème 6 : Education - pages 137

à 152

Introduction 1. Evolution de l’Education en France 1.1. Les principes fondateurs de l’éducation républicaine française 1.2. L’éducation et la propagande pendant les deux guerres mondiales 1.3. L’Education d’aujourd’hui 2. Les programmes scolaires, outils de propagande ? 2.1. Utilité des programmes scolaires 2.2. Evolution des programmes et de leurs manuels 3. Pourquoi utiliser l’éducation comme outil de propagande ? Quels sont les enjeux sociaux et politiques ? 3.1. L’éducation, une composante de la croissance économique 3.2. Transmettre des savoirs et des compétences 3.3. Transmettre les valeurs de la République 4. Bibliographie 5. Annexes Images, propagande et TIC


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Plan thème 7 : Institutions - pages 153

à 173

Introduction 1. Contextualisation générale du sujet : les institutions 1.1. Contextualisation de la question général et de la problématique de recherche 1.2. Synthèse de la revue de littérature scientifique 1.3. Méthodologie 2. Recherches empiriques 2.1 Historique des républiques 2.2 Constitution et fondements de la Vème République 2.3 Le pouvoir exécutif : le président et le gouvernement 2.4 Le Parlement 2.5 Une langue spécifique : LQR 2.6 Les valeurs patriotiques 2.7 L’armée et la propagande 3. Les symboles patriotiques à Rennes 3.1 Institutions et patriotisme à Rennes 3.2 Symboles patriotiques rennais 3.3 Analyse du terrain 4. Conclusion 5. Bibliographie 6. Annexes

Plan thème 8 : Armée - pages 174

à 200

Introduction 1. La propagande et la guerre 1.1. La maîtrise de l'information au cœur de la guerre 1.2. La propagande : une guerre psychologique 1.3. L'extension de la stratégie militaire à l'opinion publique 2. La construction des représentations de la guerre, pour la guerre 2.1. Les moyens techniques utilisés par l'armée 2.1.1. L'imprimé 2.1.2. La parole 2.1.3. L'image 2.1.4. Le cinéma 2.1.5. La télévision 2.1.6. Le spectacle 3. Le patriotisme et l'armée 3.1. Le patriotisme, par définition lié au domaine militaire 3.2. Le patriotisme, historiquement construit dans les conflits Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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3.3. Le rôle de l'École dans le patriotisme 4. La communication institutionnelle appuyant l'armée 4.1. Le rôle des institutions dans la propagande 4.2. La communication des armées, toute une organisation 5. Problématique de recherche 5.1. Avant-propos 5.2. Méthodologie 6. Les jeunes et l'armée aujourd'hui 6.1. Contextualisation 6.2. Présentation de l'étude 6.2.1. Focus Groupe au GRS de Rennes 6.2.2. Questionnaire semi-directif au CIRFA de Rennes 7. Phénomène post-attentat 7.1. Caractéristiques du phénomène 7.2. Entretien avec un appelant 8. Conclusion 9. Bibliographie 10. Annexes

Plan thème 9 : Identité Nationale et globalisation - pages 201 à 223 Introduction 1. Contextualisation 1.1 Qu’est-ce que l’identité ? 1.2. Qu’est-ce qu’une nation ? 2. Problématisation 3. Argumentation 3.1. Théorisation et analyse des recherches scientifiques 3.2. Mise en parallèle du système français 4. Amalgames 5. Mondialisation et globalisation des nations 6. Stratégies identitaires 7. Conclusion des recherches scientifiques 8. Contextualisation de la question générale et de la problématique de recherche 8.1. Mariage pour tous et famille 8.2. Les débats de la manif’ pour tous 8.3. Emergence d’une jeunesse ultra-conservatiste 8.4. Conclusion 9. Bibliographie

Conclusion générale - pages 224 à 225 Images, propagande et TIC


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Introduction générale Le patriotisme ferait-il globalement un retour en force dans la société française ? Comment la propagande, à travers les images et les technologies de l’information et de la communication (TIC), participe-t-elle à ce phénomène dont la littérature et la presse abondent depuis quelques années ? Voici les deux grands axes de nos travaux. Avant de commencer tout développement, il est fondamental de définir les différents termes qui constituent notre thème général. Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre ce que signifient les termes propagande et TIC. Comme nous le dit Jacques Ellul, la propagande peut se définir comme « ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisé en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d'individus psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés dans une organisation. ». Elle est aujourd’hui modernisée de par de nouveaux moyens de diffusion, notamment par l’intermédiaire des TIC. Les TIC désignent les domaines de l’informatique, de l’audiovisuel, des multimédias, d’Internet et des télécommunications. Il s’agit de l’ensemble des dispositifs mis en place pour gérer, produire, faire circuler et permettre une meilleure diffusion de l’information sous diverses formes (images, textes, musique, vidéo et interface graphique) au sein des systèmes qui composent notre société. Le contexte actuel, qui semble proposer un retour de valeurs « autour de la nation » en passant par la diffusion du “être, penser, acheter Français”, a orienté notre sujet de problématique sur l’éventualité d’un retour éventuel au patriotisme au sein du pays, et de la propagation de celui-ci à travers tous les pans de la société, des discours et de leurs supports de diffusion. Il convient de définir le terme de “patriotisme” et nous tâcherons ensuite de définir le processus historique à partir duquel ce terme s’est construit et diffusé. 1. Le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria, gé patris. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée et ses héros… 2. Pays de la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères.

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Le patriotisme se définit comme : L’ « attachement profond et dévouement à la patrie, souvent avec volonté de la défendre militairement en cas d'attaque extérieure. » Pour le Larousse : « Attachement sentimental à sa patrie se manifestant par la volonté de la défendre, de la

promouvoir. » A partir de là, le patriote se définit comme : « (Celui, celle) qui aime sa patrie, se met à son service, prend les armes pour sa défense. »1. « Qui aime ardemment sa patrie et le prouve par ses actes. »2 Ainsi, « patriote » comme « patriotisme », d'un point de vue purement sémantique, se rapportent clairement au champ de l'engagement citoyen comme au champ militaire. Il est néanmoins important de revenir sur les origines de ces termes : leur emploi, leur sens et leur évolution au fil de l’histoire. Une des premières traces du terme de “patrie” nous vient de 22 av. J-C avec Horace, poète latin qui écriva dans Odes (III, 2, 13), l’expression “Dulce et decorum est pro patria mori” qui signifie “Il est doux et glorieux de mourir pour sa patrie”. Mais ce terme de “patrie” sera, jusqu’au XVème siècle, employé au pluriel car il désignera les pays, les terres, les régions, ne sera donc pas uniquement employé pour parler d’un royaume dans son entièreté. Les légistes de Charles VII écrivirent “patriae nostrae” pour parler des divers “pays” de France. C’est au XVIème que ce mot de “patrie” va englober la France toute entière, et surtout sous la plume de Joachim Du Bellay. Dans Défense et Illustration, où l’écrivain fait l’éloge de la langue française qu’il veut rendre digne et élégante, il confie : “C’est en effet la Défense et Illustration de notre langue françoise. A l’entreprise de laquelle rien ne m’a induit que l’affection naturelle envers ma patrie”. Cette ferveur présente chez Du Bellay fait suite à l’ordonnance de Villers-Cotterêts éditée en 1539 par François 1er qui impose l’utilisation exclusive de la langue française dans les documents relatifs aux affaires publiques du Royaume. Mais outre la langue française, un autre élément va également permettre d’unifier la France et faire, de ce fait, glisser le terme de “patrie” à l’ensemble du royaume : c’est l’ascension de la monarchie absolue. Effectivement, le fait d’avoir soustrait la papauté des affaires du royaume, d’avoir diminué le pouvoir des seigneurs et d’avoir créé une administration royale centralisée en confiant les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) au roi a permis d’arriver, après plusieurs siècles, à la monarchie absolue qui connaîtra son apogée sous Louis XIV. Cet élément est fondamental dans la transformation des représentations car le roi devient dès lors l’emblème d’un royaume unifié. Et comme l’écrit Jean Lestocquoy : 1 2

Source : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) Source : Larousse

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“Or, si l’idée de patrie reste difficile à définir, rien n’est plus simple que de l’incarner en un homme, et le XVIIème siècle, siècle religieux jusqu’au fond de l’âme, siècle du prêtre, attribuera un caractère sacerdotal au roi”. Les philosophes des Lumières n’étaient pas en reste sur l’utilisation du terme “patrie”. Rousseau, en parlant des Héros, écrivit : “Non, ce n’est point à la bravoure de ceux de nos concitoyens qui ont versé leur sang pour leur pays que j’accorderai la Couronne héroïque, mais à leur ardent amour pour la Patrie et à leur constance invincible dans l’adversité.” Voltaire, de son côté, écrira qu’il est “ triste que souvent, pour être patriote, on soit l’ennemi du reste des hommes… (...) Telle est donc la condition humaine que souhaiter la grandeur de son pays, c’est souhaiter du mal à ses voisins.” Et il ne croyait pas si bien dire à la veille de la Révolution. Après le coup d’éclat de 1789, la France voit sa population se soulever de partout, ces “guerriers patriotes” comme les appela Condorcet devant l’Assemblée Nationale le 25 janvier 1792. Ce terme de “patriote” vient tout droit du parti Patriote, parti proche des révolutionnaires, qui donna son nom aux citoyens prenant les armes lors de la Révolution. Mais cette prise de conscience “patriotique” va entraîner très vite des excès, comme les Massacres de Septembre où de nombreux révolutionnaires vont tuer foule d’individus royalistes ou partisans potentiels pour annihiler ce qui menace la Révolution de l’intérieur. Ce qui va à l’encontre de la Révolution est qualifié de “crime contre la Patrie”. Cela donnera un prétexte à toutes les exactions des “patriotes”. Le rapport remis au Comité de Salut public par Robespierre le 25 décembre 1793 “sur les principes du gouvernement révolutionnaire” témoigne de la légitimité accordée aux tueries sous couvert de l’argument patriotique : “protéger le patriotisme, même dans ses erreurs… S’il fallait choisir entre un excès de ferveur patriotique et le néant de l’incivisme ou le marasme du modérantisme, il n’y aurait pas à balancer. (...) Le patriotisme est ardent par nature; qui peut aimer froidement sa patrie ?... Si donc on regardait comme criminels tous ceux qui, dans le mouvement révolutionnaire, auraient dépassé la ligne exacte tracée par la prudence, on envelopperait dans une proscription commune, avec les mauvais citoyens tous les amis naturels de la liberté, vos propres amis et tous les amis de la République”. Ce sentiment patriotique est alimenté de surcroît par une vision universaliste de la Révolution française. En effet, le nouveau modèle français étant présenté comme l’avenir de l’humanité, il doit s’imposer aux autres peuples en Europe et dans le monde. Les monarchies voisines, ne l’entendant pas de cette oreille, soulèveront leurs armées face à la France. A partir de là, il faudra vaincre ces ennemis, et “le sentiment national sera donc de plus en plus violent à l’égard de l’étranger : il sera chaque jour plus nécessaire de verser “le sang impur”, comme le note Jean Lestocquoy. Que dire de la Marseillaise où les enfants de la patrie y sont appelés à verser le sang impur, qui rappelons-le, évoquait le sang des ennemis de la liberté même français, comme l’avait souligné Antoine Barnave en 1789, et non le sang des peuples étrangers ni même le sang des citoyens français. Toutefois, sa tonalité guerrière dont l’objectif est

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de motiver les révolutionnaires dans la défense de leur patrie, symbole de la “liberté chérie”, aura certainement eu pour conséquences de motiver la haine contre l’ennemi. L’élément qui soutiendrait cette hypothèse est certainement le dernier couplet retrouvé au musée des Archives nationales, couplet pacifique publié dans la première édition de la Marseillaise, avant d’être enlevé puis oublié : Que l’amitié, que la patrie Fassent l’objet de tous nos vœux Ayons toujours l’âme nourrie Des feux qu’ils inspirent tous deux (bis) Soyons unis, tout est possible, Nos vils ennemis tomberons ! Alors les Français cesseront De chanter ce refrain terrible : Aux armes citoyens... Sous Napoléon Bonaparte, on ne peut pas dire que le sentiment patriotique avait disparu car l’empereur avait été un fervent partisan de la Révolution, il appelait régulièrement au sentiment de fierté nationale. On peut noter que sous le premier Empire, le patriotisme s’incarnait avant tout dans la personne même de l’empereur plutôt que dans le pays lui-même. Cela dit, Napoléon sera à l’origine de la création de l’Ordre de la Légion d’Honneur en 1802, ayant pour fonction de récompenser par la plus haute distinction française les « mérites éminents » militaires ou civils rendus à la Nation. La devise de cette nouvelle institution sera “Honneur et Patrie”. A la suite du Premier Empire, de nombreuses circonstances, dont les guerres napoléoniennes, vont bouleverser l’Europe et faire surgir ou resurgir des sentiments nationalistes qui vont ramener le patriotisme à ce qu’il a de plus violent. Cela débouchera sur les conflits de la fin du XIXème siècle jusqu’au milieu du XXème siècle. Consécutivement à l’annexion de la Prusse par Napoléon, un sentiment d’union nationale se fait sentir parmi les intellectuels, puis le peuple. Le “discours à la nation allemande” en 1807 du philosophe allemand Fichte, soutien de la Révolution française, appelle à une Allemagne unifiée contre l’invasion de l’Empire français, se voulant être un des premiers penseurs du “pangermanisme”. Le support de son discours sur l’unification est, d’une part la langue allemande, et d’autre part la portée universaliste de l’humanisme allemand : “Le cosmopolitisme est la volonté dominante que l’objectif de l’existence du genre humain soit atteint pour l’ensemble du genre humain. Le patriotisme est la volonté que cet objectif soit atteint avant tout à l’intérieur de la nation dont nous sommes membres et que de là ce succès s’étende à l’ensemble du genre humain.”

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Ce sentiment patriotique fort continuera à s’alimenter en Allemagne, et la guerre franco-allemande de 1870 va en être une étape. La défaite française va réveiller un patriotisme virulent et haineux chez les intellectuels en France où la présence des prussiens va être vue comme une “invasion barbare”. A cette même époque, l’Ecole fut très vite un lieu de formation des patriotes. Dans le dernier paragraphe du manuel de Lavisse, on peut y lire : “ La France est la plus juste, la plus libre, la plus humaine des patries.” Cet objectif est soutenu par l’idée qu’il faut supprimer toute évocation à Dieu ou à la Providence, supprimer l’évocation de la religion. A l’inverse, la Patrie vient combler ce vide. L’affaire Dreyfus, qui se déroula de 1894 à 1906, se révélera également être une période marquée par le déchirement entre dreyfusards, persuadés de l’innocence du capitaine Dreyfus et les anti-dreyfusards, convaincus de sa culpabilité. Au milieu de ce conflit, l’accusation du Capitaine Dreyfus, soupçonné d’avoir livré des documents confidentiels aux Allemands. Les origines alsaciennes de l’accusé n’auront pas joué en sa faveur, dans une période où la France et l’Allemagne gardent en mémoire les querelles du passé. De même que les relents d’antisémitisme au sein de la population française ne donnèrent pas raison à Dreyfus du fait qu’il soit juif. C’est dans cet environnement socio-politique complexe que revient la question du patriotisme. Les antidreyfusards accusant les dreyfusards “d’antipatriotisme”, de représenter “le parti de l’étranger”. On notera par ailleurs que cet événement permis le retour de la “Ligue des patriotes” en 1897, un parti créé initialement en 1882, et qui va disparaître en 1889 avant de ressurgir. Le terreau patriotique pour ne pas dire nationaliste, xénophobe, antisémite et militariste sur lequel est bâti ce parti va l’amener à soutenir les antidreyfusard. Les crises de Tanger (1905) et Agadir (1911) vont continuer à accentuer la ferveur patriotique face à une Allemagne de plus en plus menaçante. Le conflit que tout le monde présentait comme inévitable éclata en 1914, et amena à une des plus grandes guerres que connu l’humanité. Ces quatre ans de conflits ramenèrent une fois encore le patriotisme sur le devant de la scène. Là encore, les intellectuels français comme allemands participèrent à cette guerre par des discours patriotiques, voire nationalistes et racialistes, participant à la propagande de guerre. Le gouvernement français cherchera également à amplifier le sentiment d’appartenance nationale pour redonner du moral aux troupes. Cela passera notamment par des techniques de propagande via des affiches et le cinéma. Cela n’aura toutefois pas tellement de succès au sein de l’hexagone. Ainsi, l’histoire de France a vu se construire le sentiment patriotique. Au départ très disparate dû à l’absence d’unification du pays, les événements socio-politique qui ont Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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construit le pays ont amené à voir la patrie non plus comme une simple terre, mais un territoire délimité non pas que par des frontières, mais par des valeurs et des idéaux construisant l’identité de ses résidants, ces patriotes. Si on s’appuie sur les travaux de Claude Nicolet, on distingue ainsi trois types de patriotismes : 

Le patriotisme géographique : attaché à un territoire, une terre-mère. C’est la définition de base de la “patrie” vue en première partie.

Le patriotisme culturel : propre aux bonnes mœurs d’un individu, à ce qui fait de lui quelqu’un de “civilisé”. C’est le patriotisme invoqué dans les conflits du XIXème et du XXème siècle entre la France et l’Allemagne.

Le patriotisme juridique : propre aux lois et valeurs sur quoi reposent un territoire. C’est le patriotisme de la Révolution.

Le patriotisme peut être défini comme de la propagande car il a pour but d’agir psychologiquement sur une population afin de l’unifier et de l’encadrer autour d’une idéologie. Le patriotisme, comme la propagande touche tous les pans d’une société, et est organisée. La deuxième moitié du XXème siècle a globalement été épargné par le patriotisme en France. Toutefois, peut-on dire qu’il a totalement disparu ? La mise en avant des “valeurs de la France” (ou “valeurs républicaines”), “la France impitoyable” face aux “barbares de Daech” (terroristes), le “made in France” ou encore les drapeaux bleu, blanc, rouge aux balcons marquent-ils un retour du patriotisme en France ? Pour répondre à la problématique “Observe-t-on un retour du patriotisme en France ?”, le présent dossier se déclinera en neuf parties. Tout d’abord, seront abordées la construction de l’image et l’utilisation des TIC pour propager les messages de propagande. Le sujet sera ensuite développé à travers l’ensemble des facteurs qui permettent de propager cette idéologie. En effet, cette diffusion passe par le discours politique, les actions publicitaires entrepris par les entreprises, la promotion des actions dans le milieu associatif et les moyens mis en œuvre dans les domaines de l’art et la culture. Les secteurs de l’éducation, l’ensemble des institutions ainsi que l’armée et l’identité du citoyen sont également des éléments qui constituent cette diffusion.

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Thème 1: La construction de l’image, du discours et le déploiement des TIC Problématique :

Quelle est la place de l’image dans la construction du discours ? Et comment les Technologies de l’information et de la communication le propagent ? Marine LE BRETON Marie LEROY Département Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE mariine.le.breton@gmail.com leroy6293@laposte.net

RÉSUMÉ. Dans une première partie, ce dossier a pour objectif d’expliciter la construction de l’image, ainsi que la place qu’elle détient dans l’élaboration du discours. Le but étant d’étudier les différentes techniques de manipulation de la société au travers de ces deux supports, conduisant à une action collective. Dans une seconde partie, il s’agira de traiter de l’utilisation des Technologies de l’information et de la communication dans la diffusion de messages de propagande. Au travers de cela, il sera question de comprendre la manière dont les TIC exercent une action psychologique dans le but de créer un nouveau comportement chez l’individu. MOTS-CLÉS : image, propagande, psychologie sociale, représentation, discours, manipulation, influence, contrôle, comportement, action collective, TIC, innovation, Web.

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Plan Introduction : La construction de l’image, du discours et le déploiement des TIC 1. Quelle est la place de l’image dans la construction du discours ? Et comment les TIC propagent le discours ? 1.1. L’image comme vecteur du discours d’influence 1.1.1. Le moyen d’influence inconsciente : la psychologie sociale 1.1.2. Le discours persuasif 1.2. Le réflexe conditionné : la représentation et l’action collective commune 1.2.1. La représentation d’une image mentale : la pratique du signe 1.2.2. La propagande sociologique 1.2.3. Le processus qui inculque des normes et des valeurs dominantes d’une société 2. Le XXème siècle : des innovations majeures dans le domaine des TIC 2.1. L’impact des TIC sur la société 2.1.1. Un milieu professionnel transformé 2.2.1. Un bouleversement du quotidien 2.3.1 Une redéfinition du temps et de l’espace 2.2. La technique au service de la propagande 3. Recherches de terrain 4. Conclusion 5. Bibliographie Marine LE BRETON 6. Bibliographie Marie LEROY 7. Table des annexes

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Introduction : La construction de l’image, du discours et le déploiement des TIC La question de l’image est un élément essentiel de la structuration, de la naissance même de la propagande. En effet, l’image est depuis toujours au cœur de l’action psychologique exercée pour influencer et contrôler la perception du peuple de façon à l’endoctriner et l’embrigader ou le faire adhérer à quelque chose, selon une volonté prédéfinie. L’enjeu de la propagande repose, à son origine, sur l’image et plus précisément au travers d’affiches de propagande et du discours s’y rattachant dans des domaines variés. La propagande implique une manipulation du peuple, de son comportement et de ses actes, de l’opinion publique au détriment de sa faculté de raisonnement et de jugement. De nos jours, la propagande est encore constamment utilisée notamment par le biais des médias, au travers desquels peut s’observer une intention de façonner et d’inculquer un état d’esprit à la population, aux consommateurs citoyens que nous sommes. Cet effet de recherche d’influence et de contrôle des foules prend une plus grande ampleur avec les TIC. Les Technologies de l’information et de la communication (TIC) ont pris une place importante dans la société ces dernières décennies. Dès leur apparition, on a compris qu’elles joueraient un rôle important dans différents secteurs et à différentes échelles. Il est alors intéressant d’étudier les TIC et leur rôle dans l’élaboration d’une stratégie de propagande. Et plus particulièrement une stratégie de propagande dirigée vers les citoyens français dans leur façon « d’être, penser, acheter Français ». Bien avant l’arrivée de nouvelles technologies, la propagande se servait de différents vecteurs, tels que les discours et les images, pour atteindre les foules. Les TIC ont permis d’exacerber le pouvoir que peut avoir une stratégie de propagande par l’utilisation d’un nombre de supports très variés et ayant des fonctionnalités bien spécifiques. Aujourd’hui, on peut dire que les TIC occupent une place importante dans diverses organisations telles que les entreprises, les institutions ou encore les associations. De plus, les TIC ont eu des effets importants sur des domaines comme la culture ou l’éducation. Les supports numériques sont ainsi des dispositifs permettant de faire émerger les médias. Par ailleurs, Harold Dwight Lasswell a été le premier à énoncer une typologie des fonctions remplies (fonction de transmission, de mise en relation, de contrôle et de surveillance de l’environnement) par les médias dans la société. Charles Wright s’appuie sur ces travaux et sur les concepts suggérés par Robert Merton pour dresser son propre inventaire des activités des médias et va compléter la typologie d’Harold Dwight. Lasswell par une quatrième, la fonction de distraction et fait également une distinction entre les fonctions manifestes et les fonctions latentes de surveillance, de mise en relation, de transmissions culturelles et de relations exercées par les médias au niveau de la société des individus qui la compose des groupes intermédiaires de la

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culture dans son ensemble. Il considère alors que les médias n’exercent pas que des fonctions positives. Par ailleurs, Elihu Katz accepte le fait que les médias ne nous disent pas ce qu’il faut penser mais il soutient toutefois qu’ils nous disent à quoi il faut penser en affichant les thèmes à débattre. Par la collectivité, ils influencent les processus de décisions par le biais d’un rythme de médiatisation imposé. Ce sociologue avance que les médias sont adoptés par les individus en quête d’orientation c’est-à-dire par des gens influençables, du fait de leurs indécisions sur des idées précises. Maxwell Mccombs and Donald Shaw démontrent que le récepteur fait ses choix en fonction de ses préoccupations, de ses désirs, de ses besoins. Certes, il existe une corrélation forte entre le choix fait par les médias et celui fait par le public mais les médias ne peuvent pas imposer leurs points de vue, dicter ce qu'il faut penser. Par conséquent, un sujet ou un événement qui a reçu une importante attention dans les médias ne devient pas forcément une affaire importante pour le public. Les gens ne s’exposent pas à des idées qui les heurtent. Il y a donc une capacité de résistance au message. De plus, Philip Ernest Converse, juge dans son article “Information flow and stability of partisan attitudes” que les médias ne peuvent être amenés à changer les comportements des indécis, des flottants. Kurt Lewin, quant à lui, introduit la notion de “Gatekeeper”, autrement dit de portier culturel permettant de changer les comportements dans le processus de décision et d’action. Selon lui, l’information suit certains canaux ponctués de portes qui s’ouvrent et se ferment sous l’effet d’influences diverses impliquant ou non un acte, considérant ainsi que les médias n’ont pas une efficacité suffisante pour amener à un changement de comportement. En effet, l’individu utilise trois niveaux de sélectivité par rapport au message médiatique : l’exposition sélective, la perception sélective (qui est subordonnée aux intérêts, aux besoins et aux valeurs et la mémorisation) et la mémorisation sélective (qui s’effectue sur des critères de préférence, des expériences propres, etc.). Ces derniers travaux sont une remise en question de ceux de Paul Felix Lazarsfeld démontrant la limite portée du pouvoir des médias. En effet, la notion d’exposition sélective renvoie à une sélection de faits, à une préférence des citoyens ou des consommateurs à s’exposer aux informations en accord avec leurs opinions qui renforcent leurs croyances. Les travaux Robert Merton quant à eux, considèrent que les médias pouvaient être assimilés à un “narcotique social” qui peut ainsi être une thérapie contre les frustrations. Dans ce contexte, les médias peuvent permettre de fuir provisoirement et de façon illusoire la réalité. Par ailleurs, selon le modèle des deux étapes de la communication de Paul Felix Lazarsfeld et d’Elihu Katz, prénommé “The Two-step Flow of communication”, la diffusion de l’information des médias se fait par le biais des réseaux de relations interpersonnelles (les canaux d’information, les sources de pressions sociales et de support social). Paul Felix Lazarsfeld démontre également l’importance de l’influence interpersonnelle, soit du groupe de référence. Ces influences sont ainsi plus fortes que celles des médias dans l’appréciation des messages. Ces personnalités prouvent qu’il existe, au sein d’un même public, une différence qualitative Images, propagande et TIC


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des récepteurs. En d’autres termes, au sein d’un même public ou d’un groupe déterminé, il y a ceux qui vont comprendre un message et le mémoriser et ceux qui vont être incapables de cela. Ainsi, ces derniers ont besoin d’un répétiteur, d’un intermédiaire. De par son ouvrage “The people’s choice”, présentant les résultats d’une enquête sur la formation, la fabrication des opinions pendant les campagnes électorales, Paul Felix Lazarsfeld relève l’importance des réseaux de relations interpersonnelles pour la diffusion sociale, notamment dans le processus de communication de masse, et de formation des opinions politiques au-delà de l’influence de la presse et de la radio. Il crée ainsi la notion de leader d’opinion et de followers (ou de suiveurs). Le leader d’opinion est un guide d’opinion appelé prescripteur qui est un élément intermédiaire dans la pénétration effective de l’information créée par les médias, en influençant de manière régulière l’opinion et la décision des gens. De part de son influence via son identité, sa compétence, ses connaissances et sa position stratégique, il joue le rôle de médiateur, de relais entre les médias et le public. Toutefois, Everett Rogers, considère le fait que la recommandation ne déclenche pas l’adoption d’une opinion, d’une valeur, du fait de la distinction de l’action et de l’information en elle-même. Il établit cependant l’importance de la diffusion sociale et l’efficacité d’une influence personnelle directe comparé à une campagne médiatique dans le processus d’adoption. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte un facteur essentiel qui est la crédibilité de la source de l’information, de l’émetteur du message. Celle-ci dépend de sa compétence et de la confiance que l’on peut lui témoigner. Aujourd’hui, la multiplicité d’écrans abondent notre culture, notre société et ces supports sont de plus en plus confrontés à devenir des « opérateurs » cognitifs et sémiotiques métamorphosant l’image fixe en cinétique conduisant elles aussi, à des « sortes d’adhésion mimétique ». Toutefois, « la propagande suppose toujours un facteur institutionnel. ». Le caractère d’une propagande suppose « l’existence d’une organisation qui détient des moyens de communication de masse, […], c’est-à-dire d’une administration. ». Les médias doivent ainsi passer par des structures préexistantes avant de toucher leurs cibles. Jacques Ellul précise qu’« il ne peut y avoir vraiment propagande qu’à l’intérieur d’un groupe, à l’intérieur d’une nation principalement. ».

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1. Quelle est la place de l’image dans la construction du discours ? Et comment les TIC propagent le discours ? Afin de développer notre questionnement, je reprendrai la réflexion de Roland Barthes, dans son écrit sur la rhétorique de l’image : « L’image double-t-elle certaines informations du texte, par un phénomène de redondance, ou le texte ajoute-t-il une information inédite à l’image ? ». Cet auteur porte sa réflexion sur le fait qu’ « aujourd’hui, au niveau des communications de masse, il semble bien que le message linguistique soit présent dans toutes les images : comme titre, comme légende, comme article de presse, comme dialogue de film, comme Fumetto ; on voit par là qu’il n’est pas très juste de parler d’une civilisation de l’image : nous sommes encore et plus que jamais dans une civilisation de l’écriture, parce que l’écriture et la parole sont toujours des termes pleins de la structure informationnelle. ». L’écriture est apparue suite à un besoin de mémorisation des hommes lors de transactions commerciales. Elle a ensuite évolué pour acquérir un rôle de conservation de l’Histoire, et de transmission de la connaissance à travers les siècles. On peut la considérer comme le tout premier support de propagande, après la parole. L’arrivée de l’imprimerie en 1468 par Johannes Gutenberg, fut une invention déterminante dans la transmission d’information car elle permettait une diffusion à plus grande échelle. À cette époque, cette technologie va permettre d’accélérer la communication. La naissance du télégraphe électrique en 1838, par le physicien Charles Wheatston, vient remplacer le télégraphe optique qui consistait à faire passer une information entre deux points éloignés, à l’aide de signaux optiques et d’une longue vue. La première ligne de télégraphe électrique est mise en place en France en 1854, entre Paris et Rouen. Puis, en 1951, le télégraphe est mis à disposition du grand public. La théorie mathématique de Claude Shannon et Warren Weaver a été élaboré pour rendre compte des phénomènes de transmission télégraphique et téléphonique en proposant un modèle de communication linéaire rendant la communication efficace par la résolution de problèmes d’ordre technique (concernant l’exactitude de la transmission des messages entre l’émetteur et le récepteur), d’ordre sémantique (concernant la signification précise des symboles transmis soit le rapport entre l’intention de l’émetteur et l’interprétation du récepteur) et d’ordre pragmatique (efficacité de l’information reçue c’est-à-dire les possibilités d’influencer dans le sens désiré, la conduite de l’autre, du récepteur du message). Warren Weaver va s’intéresser aux perturbations physiques et aux bruits. Il ajoute ainsi la notion de bruits sémantiques soit la différence de code entre un émetteur et un récepteur pouvant nuire à la compréhension du message. Roman Jackobson quant à lui, s’inspire des trois éléments de base du schéma de Claude Shannon (l’émetteur, le Images, propagande et TIC


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message et le récepteur) et ajoute trois éléments : le contexte, le contact et le code. Il va par la suite proposer une classification des fonctions du langage (fonction expressive, référentielle, poétique, phatique, méta-linguistique et conative). Par ailleurs, selon Edward Twitchell Hall, il existe une série de langage et de code pour chaque culture. Par conséquent, les différences culturelles accroissent l’incompréhension. Selon Neil Postman dans son ouvrage « l’empire de la raison », le désastre intellectuel du citoyen est à situer avec l’arrivée du télégraphe - la communication s'accélère considérablement et s'assimile avec la révolution des transports. Du fait d’une information, sortie de son contexte et fragmentaire, sa valeur ne réside plus dans sa signification mais dans la curiosité de l’information et du fait qu'elle ne soit pas linéaire. L’autre avancée majeure du XIXème siècle est l’invention du téléphone par Alexander Graham Bell, en 1876. Cette invention a été mise en œuvre par la collaboration de Claude Shannon et Warren Weaver qui ont théorisé le modèle de la communication linéaire permettant de répondre à une exigence d’efficacité et de rentabilité du système de communication. En France, les premières lignes interurbaines sont installées en 1884. Dans les années 1890, on compte environ 10 000 abonnements téléphoniques. Quatre années plus tard, le téléphone est utilisé pour la première fois au cours de grandes manœuvres militaires. 1.1. L’image comme vecteur du discours d’influence Selon Roland Barthes, « les « belles images » […] ne peuvent être innocentes ». Il précise aussi que « l’image devient une écriture, dès l’instant qu’elle est significative […]. On entendra donc ici, désormais par le langage, discours, parole, etc., toute unité ou toute synthèse significative, qu’elle soit verbale ou visuelle ». Ensuite, il convient de comprendre ce qu’est une stratégie de propagande. Richard Alan Nelson définit la propagande comme « une forme intentionnelle et systématique de persuasion, ayant le but d'influencer les émotions, les attitudes, les opinions et les actions des groupes cibles pour atteindre des objectifs idéologiques, politiques ou commerciaux, à travers la transmission contrôlée des messages d'information partiale via les canaux directs de masse et des médias. » L’influence ayant lieu lorsque il y a interaction, on peut d’ores et déjà dire que les TIC favorisent l’influence en permettant de relier entre eux les individus, et de ce fait créer cette interaction. De plus, agir sur les émotions permet d’avoir de meilleur résultat en termes de propagande. En effet, les individus vivent généralement en suivant leurs émotions, agir sur celles-ci permettrait donc d’opérer de grands changements d’opinions ou de comportements.

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1.1.1. Le moyen d’influence inconsciente : la psychologie sociale Selon Serge Moscovici, « la psychologie sociale est la science des phénomènes de l’idéologie (cognitions et représentations sociales) et des phénomènes de communication. ». Robert J. Vallerand quant à lui, décrit la psychologie sociale comme étant « le domaine d’étude scientifique qui analyse la façon par laquelle nos pensées, nos sentiments et comportements sont influencés par la présence imaginaire, implicite ou explicite des autres, par leurs caractéristiques et par les divers stimulis sociaux qui nous entourent et qui de plus examinent comment nos propres composantes psychologiques personnelles influent sur notre comportement social ». Beauvois, explique que « la psychologie sociale s’intéresse, quels que soient les stimulis ou les objets, à ces événements psychologiques fondamentaux que sont les comportements, les jugements, les affects et les performances des êtres humains en tant que ces êtres humains sont membres de collectifs sociaux ou occupent des positions sociales (en tant donc que leurs comportements, jugements, affects et performances) sont en partie tributaires de ces appartenances et positions. ». Rappelons ainsi la définition du terme « idéologie » que Jacques Ellul utilise : « il s’agit de toute organisation d’idées reçues par les individus ou les peuples, sans tenir compte de leur origine ou de leur qualité. ». Il ajoute que « la propagande a besoin d’un milieu idéologique pour se développer. » et qu’elle s’organise par rapport à celle-ci. Selon lui, la propagande « apparaît comme un moyen, spontané ou organisé, de répandre à l’extérieur ou de fortifier à l’intérieur l’idéologie d’un groupe. Il est évident que, dans cette situation, la propagande est directement inspirée par l’idéologie […] à répandre. ». Par ailleurs, lorsqu’il y a manipulation, propagande ou influence, cela suppose qu’une relation s’installe entre celui qui propage l’information et celui qui la reçoit. Christine Marsan et Fabrice Daverio distinguent deux types de relation lorsqu’il y a communication d’influence, la relation dite « sociale » et la relation dite « politique ». Dans la première, les interlocuteurs s’influencent mutuellement, et dans la seconde, un interlocuteur profite de la relation pour convaincre des tiers. Dans le cas de la propagande, on aurait tendance à dire qu’il s’agit d’une relation dite politique. En effet, il s’agira plutôt d’une communication d’influence à sens unique car l’objectif est de faire adopter aux individus un comportement bien précis, sans que ceux-ci aient le pouvoir d’influencer à leur tour. Cependant, dans certaines situations, la réaction des individus pourrait pousser celui qui influence à changer sa propre façon d’agir. Jacques Ellul caractérise la propagande classique « comme une manipulation destinée à modifier des idées ou des opinions, à faire « croire » telle idée, tel fait par l’individu, et finalement à le faire adhérer à telle doctrine, ce qui est encore affaire intellectuelle ; autrement dit, la propagande serait une question de croyances ou d’idées. ». Il ajoute que de par cette propagande antérieure « on essaie de convaincre, d’emporter une décision, de créer une ferme adhésion à telle vérité. ». Il précise alors, Images, propagande et TIC


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qu’aujourd’hui « le but de la propagande moderne n’est plus de modifier des idées, mais de provoquer une action. Ce n’est plus de faire changer d’adhésion à une doctrine, mais d’engager irrationnellement dans un processus actif. Ce n’est plus d’amener à un choix, mais de déclencher des réflexes. Ce n’est plus de transformer une opinion, mais d’obtenir une croyance active et mythique. ». Il rajoute ainsi, que « le but de cette propagande, c’est d’obtenir un acte de l’individu. ». Il précise en explicitant que « ce que cherche la propagande, c’est obtenir une action exacte, correcte dans le sens voulu, sans faire intervenir l’élément délibération, choix, décision. Il faut que l’action devienne de l’ordre du réflexe ». Selon Edward Bernays, « la propagande moderne désigne un effort cohérent et de longue haleine pour susciter ou infléchir des événements dans l’objectif d’influencer les rapports du grand public avec une entreprise, une idée ou un groupe » en créant « simultanément des images dans l’esprit de millions de personnes ». « L’intervention de la propagande devra donc se situer au niveau de l’inconscient. ». Cependant, selon Jacques Ellul, « la propagande agit […], sur celui qui partage « les centres d’intérêts » de sa société […] un centre d’intérêt collectif, partagé par des foules d’individus. ». Toutefois « la propagande ne peut jouer que sur des individus participant de façon plus ou moins intense à des courants sociaux. ». Jacques Ellul écrit que « la propagande ne peut partir de rien, ne peut créer quelque chose à partir de rien. Elle doit s’accrocher à un sentiment, une idée ; elle doit construire sur un fondement préexistant chez l’individu. ». Il ajoute qu’un « propagandiste doit se soucier avant tout des besoins de ceux qu’il veut atteindre. Toute propagande doit répondre à un besoin, soit un besoin réel (pain, paix, sécurité, travail, etc.), soit un besoin psychique de propagande. ». La propagande répond ainsi à un besoin d’individus. C’est à partir de là que la propagande peut créer un nationalisme. Ce dernier est dans ce cas, totalement fabriqué. La propagande sociologique « tente d’intégrer en elle le maximum d’individus, d’unifier les comportements de ses membres selon un modèle, de diffuser son style de vie à l’extérieur d’elle-même et par là de s’imposer à d’autres groupes. » - c’est au niveau du style de vie que se situe cette influence, bien plus qu’au niveau de l’opinion ou même d’un comportement donné. Le groupe entier s’exprime de la même façon. La propagande sociologique est donc « la pénétration d’une idéologie par le moyen de son contexte sociologique. ». Roland Barthes précise le fait que « les idéologies, elles, sont des inventions partisanes ». Jacques Ellul explique que dans la propagande, il faut une part de faits vrais. Les faits ainsi traités entraînent les individus dans un courant sociologique précis. Il énonce que « d’une vérité habilement présentée, il faut laisser le public tirer les conséquences évidentes, et il se trouve que l’énorme majorité tire, en effet, les mêmes conséquences, créant ainsi un courant d’opinion » et précise que l’on « ne peut ainsi modifier les conséquences que l’individu a tirées de la suggestion. ».

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1.1.2. Le discours persuasif Dans la rhétorique de l’image, Roland Barthes, explique que « l’image livre tout de suite un premier message, dont la substance est linguistique » (notamment en publicité), il ajoute qu’ « en fait, seule la présence du message linguistique compte, car ni sa place ni sa longueur ne semblent pertinentes (un texte long peut ne comporter qu’un signifié global, grâce à une connotation, et c’est ce signifié qui est mis en rapport avec l’image) ». Il précise en disant que « le message linguistique guide non plus l’identification, mais l’interprétation, il constitue une sorte d’étau qui empêche les sens connotés de proliférer soit vers des régions trop individuelles (c’est-à-dire qu’il limite le pouvoir projectif de l’image), soit vers des valeurs dysphoriques. Ainsi, « le texte dirige le lecteur entre les signifiés de l’image, lui en fait éviter certains et en recevoir d’autres ; à travers un dispatching souvent subtil, il le téléguide vers un sens choisi à l’avance. Dans tous ces cas d’ancrage, le langage a évidemment une fonction d’élucidation, mais cette élucidation est sélective ». Par ailleurs, Jacques Ellul dénonce que « l’homme courant de nos démocraties est composé d’une gamme de sentiments et d’idées.» ; il est alors essentiel pour la propagandiste de « connaître aussi exactement que possible le terrain auquel il s’adresse. Il faut savoir les sentiments et opinions, les tendances et schèmes du public que l’on cherche à atteindre ». Il évoque le fait qu’« il faut que le discours corresponde à quelque chose de visible ; il faut que l’élément visible, actif, soit expliqué par le discours. ». Il précise que « les arguments, doivent être rigoureusement modelés sur le type d’homme que l’on veut atteindre. ». Jacques Ellul ajoute que « les termes, les mots, les sujets que la propagande utilise, doivent porter par eux-mêmes leur puissance, leur capacité d’engagement, leur pouvoir de rompre la barrière d’indifférence de l’individu ; ces mots doivent faire « balle » et pénétrer, ils doivent évoquer spontanément un ensemble d’images, ils doivent être d’eux-mêmes affectés d’une grandeur. ». Les mots ne nous montrent pas la chose, mais présume, éveille, notre capacité d’imaginer les choses au travers desquelles nous avons associé ces choses, dans un contexte donné. En effet, selon Charles Sanders Peirce, les mots « suscitent dans l’esprit, la production d’images mentales susceptibles de permettre de représenter par ressemblance un lien supposé. ». Selon la technique de persuasion de Carl Iver Hovland, connue sous le nom du modèle dit de Yale, il existe une stratégie graduelle de la persuasion se faisant ainsi en six séquences successives : la phase d’exposition (où l’individu accepte de s’exposer au message), la phase d’attention (qui est plus ou moins sélective), la phase de compréhension (qui est un travail de construction du sens plus ou moins efficace), la phase de réflexion (soit une phase où l’on se demande si l’on accepte ou rejette le message), la phase de mémorisation (ce que l’on retient en mémoire) et la phase de changement (changement de comportement en fonction de la nouvelle opinion). Cela

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démontre que la propagande diffusée n’est pas automatique et qu’elle se réalise sur un temps long. En 1895, l’invention de la radio va révolutionner la diffusion du discours et permettre d’atteindre davantage les foules. Avant de l’appeler communément ainsi, on parlait de Transmission sans fil (TSL). Au début, la première application de la TSL se fait dans la sécurité maritime. En effet, certains navires en sont équipés pour leur permettre de communiquer en morse. Avec la Première guerre mondiale, la radio connait un essor important, en équipant la plupart des bateaux et des avions de guerre. Après plusieurs innovations, il a ensuite été possible d’émettre des signaux vocaux et le 21 novembre 1921, on entendait Yvonne Brothier chanter pour la première fois la Marseillaise à la radio. La fondation Rockefeller subventionne quant à elle, les études de Paul Felix Lazarsfeld sur les messages radiophoniques et le classement des effets à court terme des médias (sur les attitudes, les opinions, les comportements d’achats, les électeurs américains) en trois volets : l’analyse d’études d’audience, l’analyse de contenu des émissions radiophoniques et l’étude des réactions des usagers en situation expérimentales d’écoute. La radio est depuis un outil utilisé constamment dans l’armée et dans les foyers français en tant que loisir. Au même moment, naît un nouveau support de diffusion, à savoir le cinéma. Ce média est apparu suite à l’invention du projecteur de film par les frères Lumière. Les premiers films seront enregistrés par Thomas Edison en 1891. Le cinéma va devenir un outil fort de propagande car il va permettre de diffuser des messages politiques ou idéologiques à un large public. Par l’image, il aura un grand pouvoir de suggestion et de manipulation sur les foules. Le cinéma de propagande sera largement utilisé dans les années 1920 et 1930 par le régime totalitaire soviétique et en Allemagne nazie. Ensuite, ce sont les premières émissions de télévision qui font leur apparition. En France, c’est en 1936 que les premières émissions quotidiennes arrivent sur les écrans des quelques Français qui possèdent un téléviseur. En 1940, la BBC créée Radio Londres, nom donné aux programmes français durant la Seconde guerre mondiale. Celui-ci se compose de six bulletins quotidiens d’information françaises, avec deux émissions indépendantes avec d’une part “Honneur et Patrie”, sous la responsabilité de la France libre du Général Charles de Gaulle ; et d’autre part, “Les Français parlent aux Français”, éditée par le gouvernement britannique. Radio Londres devient alors une véritable arme de guerre pour contrer la désinformation et encourager les Français à s’insurger contre l’occupant. De là, la télévision est le média qui porte à son paroxysme les fonctionnalités qu’avait le télégraphe. C’est l’écran du monde. Elle va tendre à remplacer également la radio et le cinéma, et va occuper la plupart des ménages en quelques années. C’est le média privilégié. C’est en rendant les informations peu pertinentes que ce média ne permet pas aux citoyens de jouer leur rôle de critique.

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Edward Bernays, énonce que « la propagande est universelle et permanente ; […] au bout du compte elle revient à enrégimenter l’opinion publique », et qu’ « il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la direction voulue ». Jacques Ellul explique qu’il est possible de changer l’opinion d’une masse, en utilisant celle auparavant établie « par dérivation, soit en agissant par compensation, soit en les situant dans une ambiguïté. ». Il précise toutefois que « le propagandiste doit attester de la pureté de ses intentions et accuser du même coup l’adversaire. ». L’existence d’une composante imagée, de par une dimension iconique dans le concept lexical soit le langage verbal permet l’activation de leur représentation visuelle. Roland Barthes, exprime par ailleurs, que le message linguistique à une double fonction par rapport au message iconique, à savoir celle de l’ancrage, dans le cas où c’est l’image qui détient la charge informative ; et de relais, qui nécessite, pour être déchiffré, l’apprentissage d’un code digital, celui de la langue ou encore de l’écriture. Il ajoute que « le texte a une valeur répressive, et l’on comprend que ce soit à son niveau que s’investissent surtout la morale et l’idéologie d’une société », et conclue sur le fait que « la parole (le plus souvent un morceau de dialogue) et l’image sont dans un rapport complémentaire ». Il faut toutefois noté que parfois, le dialogue donne « des sens qui ne se trouvent pas dans l’image » qui peuvent impliquer l’action chez l’individu. 1.2. Le réflexe conditionné : la représentation et l’action collective commune La propagande doit prendre en compte et comporter le « reflet psychologique » des structures de la société, à savoir les présuppositions collectives sociologiques, notamment « un ensemble de sentiments, de croyances et d’images en vertu desquels on juge des événements et des choses sans en prendre conscience, sans les remettre en question » et les mythes sociaux qui expriment les tendances profondes de la société au travers une charge religieuse. Selon Jacques Ellul, « on essaie tout d’abord de créer chez l’individu des réflexes conditionnés par un véritable dressage qui, en présence de certains mots, de certains signes, de symboles, et aussi en présence de certaines personnes ou de certains faits, provoquent des réactions immanquables. ». Il précise que « le réflexe conditionné ne peut s’établir qu’à partir d’un réflexe inné ou d’un réflexe conditionné préalable. Le mythe ne s’élabore pas davantage de toutes pièces, il doit répondre d’un ensemble de croyances spontanées. L’action ne peut être obtenue que si elle répond à un ensemble de tendances ou d’attitudes déjà fixées, et provenant de l’éducation, du milieu, du régime, des églises, etc. ». De plus, Charles Sanders Peirce affirme que « l’action provoquée par le signe est une action conçue et non un agir d’ordre ponctuel ou second ».

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1.2.1. La représentation d’une image mentale : la pratique du signe Bernard Darras avance le fait que « l’image […] présente quelque chose à voir dans l’immédiateté de la perception ». Christiane Chauviré va plus loin en disant que « tous les signes communiquent des notions aux esprits humains » et précise que « tout signe « s’adresse à un esprit », évoque une interprétation, s’ouvre sur ses interprétations possibles. ». Edward Bernays ajoute que « la propagande modifie les images mentales que nous avons du monde. ». Toutefois, Christiane Chauviré énonce le fait que « l’interprète est absolument indispensable au fonctionnement du symbole. Celui-ci ne tient en effet sa valeur signifiante que du fait d’une connexion instituée (le plus souvent conventionnelle) entre lui et son objet qui prend l’allure d’une « habitude d’interprétation ». Le lien avec l’objet est donc des plus précaires dans le cas du symbole ; n’étant de fait assuré que par l’interprétant, ce lien est en effet une loi d’association mentale que seul un interprète peut rendre efficiente. ». Roland Barthes, ajoute que pour lire le signe « il suffit d’un savoir en quelque sorte implanté dans les usages d’une civilisation très large ». Ce savoir peut être culturel par exemple. 1.2.2. La propagande sociologique Jacques Ellul, énonce le fait que la propagande « procède par des manipulations psychologiques, par des modifications caractérielles, la création de sentiments ou de stéréotypes utilisables le moment venu. Elle doit être continue, lente, imperceptible. Il s’agit de pénétrer l’homme pour modifier progressivement telle tendance. Il s’agit même de le faire vivre dans un certain climat. ». Il précise qu’« une propagande directe, tendant à modifier des opinions et des attitudes, doit être précédée d’une propagande à caractère sociologique, lente, générale, cherchant à créer un climat, une ambiance, des pré-attitudes favorables. Il y a lieu alors de constater qu’aucune propagande immédiate ne peut être efficace sans une pré-propagande, qui, sans aucune agression directe et sensible, se borne à créer des ambiguïtés, à diminuer des préjugés, à diffuser des images apparemment sans intention. […]. Il y a préparation sociologique du terrain avant de passer à l’impulsion directe.». Ainsi, selon lui, « la pré-propagande aura essentiellement pour objet de préparer l’homme à une certaine action, de le rendre sensible à telle influence, de le mettre en condition pour qu’au moment venu il puisse effectivement, sans retard, sans hésitation, participer au mouvement. ». Toutefois, « la propagande sociologique seule ne conduira jamais l’individu à une modification de son action. ». 1.2.3. Le processus qui inculque des normes et des valeurs dominantes d’une société Tout d’abord, Jacques Ellul dit que « la propagande doit non seulement se rattacher à ce qui préexiste dans l’individu, mais également traduire les courants fondamentaux de la société qu’elle cherche à influencer. ». Il avance également le fait que pour être fonctionnelle la propagande doit aller dans le sens général de l’évolution qui renvoie à

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la notion de la croyance du progrès et évoquer le devenir mélioratif d’une société. Il précise alors que « toute propagande doit jouer sur le fait que l’on équipera la Nation, on produira davantage, on est à la pointe du progrès, etc. ». Bernard Darras ajoute que « la conventionnalisation des unités visuelles est extrêmement répandue, particulièrement à notre époque où les conditions d’une vie sociale, […], nous forcent à recourir à des icônes construites ». Roland Barthes « la règle ne constitue pas une contrainte réelle, mais l’apparence conventionnelle de la régularité ». Jacques Ellul explique qu’ « en réalité chaque moyen utilisable comporte son efficacité particulière, spécifique, mais en même temps localisée, limitée : il ne peut suffire à lui seul à attaquer l’individu, à briser ses résistances, à le décider. ». De plus, il ajoute que « le fait précisément que chaque moyen comporte une efficacité limitée à un secteur, entraîne évidemment la nécessité de la complémentarité de ces moyens.». Jacques Ellul explique que la propagande, c’est « l’organisation du mythe qui essaie de saisir la totalité de la personne. Par le mythe qu’elle crée, la propagande, elle, impose une image globale, de connaissance intuitive qui n’est susceptible que d’une interprétation, unique, unilatérale, et qui exclut toute divergence. Et ce mythe prend une telle vigueur, qu’il envahit tout le champ de la conscience, qu’il ne laisse aucune faculté, aucune tendance intacte. […] ce mythe contrôle la totalité de l’individu, qui échappe à toute influence seconde. ». Jacques Ellul précise que la propagande « suppose une imprégnation lente et constante. ». « La propagande doit être continue et durable. […] il faut que tout moment de la vie de l’individu soit occupé par cette propagande ». Il précise que « pour saisir l’individu dans le réseau de la propagande, il faut que chaque moyen technique soit utilisé dans le sens de son efficacité spécifique, orienté vers tel effet qu’il porte en soi, et par conséquent conjoint avec tous les autres moyens : chacun atteignant l’individu d’une façon particulière, chacun le faisant réagir à nouveau sur le même thème, dans le même sens, mais différemment » « car il faut tenir compte aussi du fait que ces moyens ne s’adressent pas tous également au même public ». « Les instruments de propagande sont donc orientés en fonction d’un public et doivent tous être utilisés de façon concordante pour atteindre le plus d’individus possible. ». Jacques Ellul explique que « l’action rend l’effet de la propagande irréversible. […]. Il est obligé de continuer à avancer dans le sens indiqué par la propagande car l’action appelle l’action. Il est ce que l’on appelle : engagé. ». Il explique que « si l’action obtenue par la propagande est en effet exacte, elle ne peut être individuelle, elle doit être collective. La propagande n’a de sens que si elle obtient la convergence, la coexistence d’une multiplicité d’actions réflexes individuelles. ». De plus, il précise que l’action réflexe obtenue par la propagande, « se développe harmonieusement que par l’organisation dans laquelle et grâce à laquelle le prosélyte deviendra militant. ». Il rajoute également le fait que « l’homme qui a agi selon la propagande a pris position dans la société. ». Images, propagande et TIC


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2. Le XXème siècle : des innovations majeures dans le domaine des TIC L’année 1943 est connue pour une innovation extraordinaire sans précédent dans le domaine de l’information. Tout d’abord, Alan Turing invente le premier ordinateur qui aura pour première application de percer les codes allemands lors de la Seconde Guerre Mondiale. La « machine de Turing » sera le fondement théorique pour la réalisation du futur ordinateur. Allan Turing est également le père de l’intelligence artificielle et réalisera de nombreuses expériences pour prouver sa théorie. Il fait le « pari que d'ici cinquante ans, il n'y aura plus moyen de distinguer les réponses données par un homme ou un ordinateur, et ce sur n'importe quel sujet ». Aujourd’hui, de nombreuses sociétés investissent dans les recherches concernant l’intelligence artificielle. C’est un domaine qui se développe tous les jours avec notamment des robots de plus en plus perfectionnés capables de prendre des décisions seuls face à certaines situations. Pour continuer dans les innovations du XXème siècle, en 1948, Von Neumann développe le concept de mémoire pour l’ordinateur. L’architecture matérielle des ordinateurs qu’il a développée est toujours la même aujourd’hui. Comme de nombreuses innovations technologiques, les travaux de Neumann étaient d’abord conçus pour des fins militaires. En effet, il travaillait avec l’armée sur des calculateurs pouvant résoudre des problèmes de balistique et ainsi travailler sur la mise au point de l’arme atomique. En 1969, le réseau ARPANET est créé par le département de défense des EtatsUnis. Il s’agissait d’un système de diffusion dans les réseaux de paquets de signaux, qui permet à une autre machine ayant le même système de lire ces signaux. C’est le développement de la communication à distance entre deux ordinateurs. On peut dire qu’il s’agit de l’ancêtre d’Internet. Les Etats-Unis ont créé ce réseau afin d’échapper à tout contrôle et pour ne pas être espionnés par d’autres pays. Cependant la lenteur d’ARPANET conduit à le faire évoluer. En 1983, il adopte le système TCP/IP qui consiste à uniformiser le réseau. Ce sera la base de l’Internet d’aujourd’hui. En France, une autre innovation arrive dans les années 1981. En effet, on assiste à l’apparition du minitel grâce au réseau postal français qui le met en place. Celui-ci va permettre de relier des milliers d’individus entre eux, révolutionnant ainsi les moyens pour communiquer. Cela marque également l’essor de la vente par correspondance électronique et des sites de rencontres. L‘utilisation du minitel se fera moindre à l’apparition d’Internet et finira par disparaitre quelques années plus tard. L’étape que l’on peut considérer comme la plus importante dans le développement des TIC est celle de la naissance d’Internet dans les années 90, et plus particulièrement

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du Web. À l’époque, le Web est un ensemble de pages, écrites dans le langage html, avec seulement du texte, des liens et des images. Au même moment, afin de simplifier l’utilisation d’Internet et de permettre son accès au plus grand nombre, Tim Berners-Lee invente le World Wide Web. C’est le système de navigation qui a permis l’accès du réseau au grand public. Internet et le World Wide Web sont donc deux systèmes complémentaires qui ont permis de révolutionner l’utilisation des ordinateurs, mais il ne faut pas les confondre. En effet, le World Wide Web n’est qu’une application d’Internet, tout comme le courrier électronique et la messagerie instantanée. Pour conclure, on peut dire que « la période 1990-2012 peut être considérée comme les Vingt Glorieuses de l’ITC » car elle a été marquée par les plus grands progrès technologiques de l’histoire. Aujourd’hui les TIC, généralement associées à Internet et aux multimédias, impactent de nombreux aspects économiques, des Etats et des sociétés humaines du monde entier, créant une nouvelle dimension à l’information et la communication. Toutefois, selon Michel de Montaigne, les médias tentent de relier les hommes entre eux et de tenir l'esprit humain bridé.

2.1. L’impact des TIC sur la société Les TIC sont entrées dans la vie de millions de personnes au cours de ces dernières décennies jusqu’à en faire partie intégrante. Il est donc naturel qu’elles aient eu des impacts majeurs sur le comportement des individus que ce soit dans leur vie professionnelle ou privée.

2.1.1. Un milieu professionnel transformé Au fur et à mesure que les nouvelles technologies sont apparues, elles ont fait leur entrée dans le monde du travail et dans la vie en entreprise bien avant de faire partie de la vie quotidienne des individus. C’est dans les années 60 que le processus d’informatisation a débuté dans les entreprises. Avec les nouveaux moyens de communication, la diffusion d’information au public externe à l’entreprise est facilitée. De même la communication interne est améliorée avec le développement de nombreux outils mis à disposition des employés tels que l’intranet, la vidéo conférence ou les réseaux sociaux d’entreprise. L’intégration des TIC en entreprise a eu des répercussions sur tous les aspects de son fonctionnement allant de son mode de production à son mode de gestion. Les changements opérés au sein même de l’entreprise ont logiquement eu des impacts sur le comportement des salariés et leur manière d’évoluer à leur poste de travail. Avec les TIC mises à sa disposition, l’individu au sein de son entreprise va développer de nouvelles compétences telles que la polyvalence, l’autonomie, l’initiative ou encore la capacité de travailler en réseau. Et ces nouvelles compétences qu’il aura acquises dans son milieu professionnel vont lui servir également dans sa sphère privée. Philippe Moati, dans son ouvrage « Nouvelles technologies et modes de vie » explique que « le mode de fonctionnement professionnel déteint sur le mode d’existence Images, propagande et TIC


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privée », et ce « pour le meilleur et le pire ». En effet, aujourd’hui, avec le développement des appareils mobiles et des réseaux, le salarié à la possibilité de travailler de partout, et entre autre de chez lui. Et inversement il peut s’occuper d’affaire privée sur son lieu de travail. On parle alors d’une frontière qui devient de plus en plus « poreuse » entre la sphère professionnelle et la sphère privée de l’individu. Pour finir, il explique que l’entreprise n’a pas seulement servi à introduire les TIC dans la sphère privée des individus mais qu’elle a également redéfinie « la position de l’individu dans la société ».

2.1.2. Bouleversement du quotidien De nos jours, les TIC font partie de chaque aspect de la vie d’un individu étant donné que celles-ci sont présentes partout autour de lui. En effet, on les retrouve dans trois grandes catégories allant de la télécommunication, en passant par l’électronique, jusqu’au service Internet et les réseaux en général. La surabondance de ces technologies fait qu’elles prennent de plus en plus de place dans la société, et plus particulièrement dans la vie de chacun. Les TIC qui structurent de plus en plus notre société, ont donc des répercussions sur le mode de vie de tous les individus. Avec les TIC, et plus particulièrement avec l’accès à Internet et aux multimédias, les individus qui constituent une société ont la possibilité de s’exprimer sur tous les sujets qu’ils souhaitent, de partager entre eux et de renforcer leurs liens sociaux depuis chez eux. C’est la vie en communauté qui a donc été complètement remodelée. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’être en présence d’autres personnes pour communiquer, cela peut se faire à distance, de manière virtuelle. Les liens sociaux entre les individus s’en retrouvent donc bouleversés. Par ailleurs, on assiste à un nouveau comportement associé directement à l’apparition des nouvelles technologies. En effet, avec les téléphones mobiles et les ordinateurs portables par exemple, il y a un effet de « privatisation des machines ». Les individus font un usage individuel des TIC qu’ils considèrent comme privé. C’est un comportement en complète rupture avec celui des Trente Glorieuses, où l’on achetait des biens dans le but de les partager, comme l’automobile ou la machine à laver. Il y a même un effet de personnalisation des biens pour qu’ils s’intègrent complètement avec la personnalité de l’individu. Philippe Moati utilise le terme d’ « individu hypermoderne » pour désigner les personnes qui ont complètement intégré dans leur vie l’utilisation des nouvelles technologies. Un autre terme qui est également largement répandu est celui de la génération Y. Il désigne les personnes nées à la période où toutes les technologies liées à Internet se sont développées. Certains individus ont grandi en consommant diverses technologies, ce qui leur confère une grande facilité dans leurs usages. Les inégalités en Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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termes d’utilisation des TIC tendent à se réduire, mais elles restent tout de même présentes. En effet, ces inégalités peuvent être dues à l’impossibilité de se fournir en technologie, ou au fait de ne pas savoir s’en servir. De plus, les TIC offrent la possibilité de consommer autrement. Avec toutes les nouvelles sources de diffusion mises à disposition, un nouveau rapport à la culture, l’éducation, le divertissement est apparu.

2.1.3. Redéfinition du temps et de l’espace Les TIC ont donc eu de nombreuses répercussions sur le comportement et le mode de vie des individus, mais certains auteurs évoquent aussi le fait qu’elles affectent d’une toute autre manière celui-ci. François Gere dans le « Dictionnaire de la Désinformation » évoque le terme de « panmédiatisation » lorsque qu’il désigne « l’insertion des médias non seulement dans la vie sociale mais jusque, et y compris, dans le rythme biologique des individus, notamment leur rapport au temps ». L’augmentation de la mobilité des individus et la capacité qui leur est donnée pour communiquer des informations très rapidement et en grande quantité offrent de plus grandes potentialité en termes d’espace et de temps. Philipe Moati explique que les TIC permettent de « gagner du temps et contracter l’espace ». Avec les nouvelles technologies, l’individu peut « gérer son activité, contrôler son environnement », et ainsi avoir la sensation de maîtriser l’espace et le temps. Il a en effet la possibilité de basculer à sa guise « d’une activité à une autre, d’un réseau relationnel à un autre, d’un registre d’action à un autre, voire d’un lieu à un autre », et tout cela en un temps très court. On peut donc dire que l’individu a la possibilité de gérer de manière virtuelle aussi bien sa vie professionnelle que privée à l’aide des outils numériques à sa disposition. Et plus facilement, étant donné que ces technologies devenues mobiles accompagnent l’individu partout. Marc Guillaume, un économiste et professeur dit même que « le virtuel semble abolir l’espace réel ». Les individus ressentent le besoin de maîtriser l’espace et le temps qui les entourent. C’est une façon pour eux de se sentir plus rassurés dans leurs actions. Le fait de pouvoir remplir les temps vides en réduisant le temps d’accès à leur besoin, leur apportent de l’assurance et rendent plus supportable les temps d’attente en général. « Conçu comme un moyen de communiquer, le mobile devient aussi un moyen de sécurisation individuelle ».

2.2. La technique au service de la propagande L’individu, touché au plan social et dans son rythme biologique par les TIC, serait-il plus susceptible d’être atteint par des formes d’influence et de manipulation ? Les nouvelles technologies exacerbent-elles le rôle que peut avoir une stratégie de Images, propagande et TIC


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propagande ? Voici les questions que nous pouvons nous poser lorsque l’on met en relation les TIC et la propagande. Une stratégie de propagande est mise en place lorsque qu’il y un public à influencer, à atteindre, et ceci dans le but de le contrôler. Or les TIC ont fait apparaître un nouveau public, beaucoup plus vaste et réparti partout dans le monde. Aujourd’hui, pour désigner ce public composé d’un nombre important d’individus, on parle de « masse ». Le terme de masse est apparu pour la première fois à la période de la révolution industrielle, lorsque la population rurale s’est déplacée dans les villes, créant ainsi de grandes concentrations urbaines. Le rassemblement de la population en masse a ouvert la voie à toutes manipulations, qu’elles soient exercées par les entreprises ou les politiques. Et les TIC ont apporté une nouvelle dimension à ce phénomène de masse, permettant d’atteindre la foule à une plus grande échelle. On parle notamment de médias de masse pour désigner les médias « capables d'atteindre et d'influencer une large audience ». Aujourd’hui ces médias font principalement allusion à la télévision, la radio, la presse écrite et le Web, entre autres. Outre le fait que les TIC offrent un public très vaste susceptible d’être influencé, leur omniprésence dans la société joue également un rôle important dans l’élaboration d’une stratégie de propagande. En effet, des outils comme la radio, la télévision et surtout les réseaux sociaux offrent une visibilité constante à tous message de propagande. Ces messages de propagande qui apparaissent sur tous les appareils mobiles que possède un individu le suivent et l’accompagnent à chaque instant de sa vie. Il ne peut s’en défaire et il est donc dans l’impossibilité de les éviter. De nos jours, en France, le message qui est constamment diffusé dans les médias par les entreprises et les classes dirigeantes est l’idée « d’être, penser, acheter Français ». En effet, que ce soit à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux, on s’aperçoit que « l’identité française » est mise en avant, valorisée et que l’on fait l’éloge du savoir être et du savoir-faire français. Cette diffusion de « l’identité française » n’est pas seulement visible dans les médias, mais également au cœur même de nos institutions, de l’enseignement, d’associations et toutes structures et domaines qui composent la société française. Pour finir, un concept à l’origine des TIC qui va agir dans l’élaboration d’une stratégie de propagande est celui du Big data. C’est lorsque que le Web se développe dans les années 90 que le Big data commence à émerger. Le Big data correspond à une masse colossale d’information collectées grâce aux données et aux traces laissées par les individus lorsqu’ils naviguent sur Internet. « Le Big Data, c’est donc non seulement une masse considérable de données, mais c’est aussi une spectaculaire force de calcul informatique mise en œuvre pour les analyser, dans le but d’en retirer une valeur ajoutée supplémentaire : dépistage de Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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risques sanitaires, découvertes spatiales, renseignement policier, développement de nouveaux modèles économiques, prévisions climatiques, nouveaux procédés marketing, etc. ». Le Big data, en analysant les données récoltées va apprendre à connaître les habitudes d’un individu. Il sera alors possible d’adapter le message à la personnalité de l’individu pour mieux agir sur celui-ci. Des messages ciblés pourront ensuite apparaître automatiquement sur des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter par exemple, et ainsi rendre plus efficace leur effet. On peut alors parler d’automatisation de la propagande. Le président Barack Obama a déjà fait l’usage du Big data lors sa campagne de deuxième mandat. Les données et les traces laissées par les américains sur Internet avaient été analysées par une armée d’analystes afin d’effectuer un micro-ciblage des électeurs. En France, le Big data est voué à être développé. En effet, en 2013, le « Big data faisait partie des sept ambitions stratégiques de la France déterminées par la Commission innovation. » Cette ambition consiste en la valorisation des données massives.

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3. Recherches de terrain Pour approfondir et prolonger la partie théorique avancée, une piste intéressante s’offre à nous, concernant l’étude de terrain à mener. En effet, notre travail portant sur l’image, les nouvelles technologies et leur impact originel, nous devions trouver un terrain qui abordait ces différents thèmes, au niveau national, afin de développer notre réflexion sur leurs répercussions sur notre société actuelle, à l’ère du numérique et du Web 2.0. Depuis 2004, on parle de Web 2.0. Cela correspond à de nouvelles applications possibles du Web. Le Web 2.0 est donc l’évolution du Web vers plus de simplicité d’utilisation et d'interactivité. C’est Tom O’Reilly qui propose ce concept et il ne le définit pas “par les technologies utilisées, mais par les nouvelles façons d’amener le plus grand nombre de personnes possible à travailler, partager et construire ensemble ». Avant le Web agissait comme une vitrine qui ne laissait pas la place à l’échange avec l’utilisateur. Aujourd’hui, le Web 2.0 apporte de nouvelles perspectives de communication en rendant possible l’interactivité. On parle même de Web participatif, de Web social et d’intelligence collective. L’utilisateur peut alimenter lui-même des pages Internet, il devient un acteur et a la sensation d’avoir le contrôle sur l’information qu’il diffuse. Le Web 2.0 aura donc permis de changer profondément le rapport de notre société à l’information et engendre de grandes innovations tous les jours. Nous nous sommes donc appuyées sur l’analyse d’un sondage OpinionWay sur “Les Français et l’innovation numérique” pour le pôle Images et Réseaux de la Technopole Rennes Atalante. Ce pôle, qui a vu le jour il y a maintenant dix ans, a évolué en même temps que le développement des nouvelles technologies. Leurs connaissances dans ce domaine et leur présence sur le territoire breton depuis plusieurs années leur permettent d’analyser les innovations qui ont vu le jour ces dernières années et de comprendre les nouveaux comportements et attentes liés à celles-ci. Images et Réseaux est un pôle de compétitivité au travers d’un secteur de recherche, de développement, d'innovation et d'expérimentation, en collaboration avec des acteurs de l'industrie et de la recherche dans le domaine des télécommunications, de l'Internet, de l'audiovisuel et des technologies de l'information. Ce centre associatif de recherche, à vocation mondiale, est centré sur les nouveaux usages et services des nouvelles technologies numériques de l'image et des réseaux fixes et mobiles de distribution de contenus, et sur l'assouvissement des futurs besoins et attentes de la société qu'ils vont générer sur la thématique des contenus numériques et des réseaux de transport de l'information (distribution et sécurité des contenus, rich média, réalité virtuelle et augmentée, 3D, etc.).

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L’ambition de ce bassin d'expertise a pour perspective de développer son envergure au travers de la synergie des compétences et des savoirs-faire des différents acteurs afin de donner un élan supplémentaire à l'innovation et permettre d'accroître la compétitivité, l'attractivité, le dynamisme du territoire breton et engendrer l'implantation de nouveaux acteurs dans le domaine de la recherche et développement pour améliorer les équipements, adapter les logiciels, gérer les métadonnées entre autres.

Analyse de l’étude Ipsos - Les Français et l’innovation numérique - Juillet 2015 « Sondage OpinionWay pour Images & Réseaux » L’analyse s’est portée sur l’étude Ipsos, “ Les Français et l’innovation numérique”, juillet 2015, dont le sondage a été opéré par OpinionWay pour Images & Réseaux. Cette enquête a été réalisée sur un échantillon de 1011 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofesionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. Pour cette taille d’échantillon, la marge d’erreur est de 2 à 3 points. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne sur système Cawi (Computer Assisted Web Interview). Les sondages ont été effectués les 7 et 8 juillet 2015. Nous pouvons constater que 50% des Français sont des technophiles autrement dit, sont équipés d’au moins un smartphone et d’une tablette et se connectant à Internet plusieurs fois par jour pour une connexion sur les sites de e-commerce ou sur les réseaux sociaux. Le profil de ces technophiles correspond principalement à la tranche d’âge des 35-49 ans (tranche la plus représentative de la population), ainsi qu’aux catégories sociaux professionnelles supérieures. Malgré que cette activité soit l’une qui se rapporte le moins à l’ensemble des Français; elle comporte 41% des technophiles sur un représentatif de 27%, avec une force tendance pour les professions intermédiaires s’élevant à 19% de technophiles sur un échantillon de 15% des Français. Quant à la majorité de l’ensemble des Français, 40% sont les inactifs soit les retraités et autres inactifs, seulement 27% sont des technophiles. En termes de localisation, les technophiles résident principalement dans le sud (31%) ainsi que dans les agglomérations de 100 000 habitants et plus (31%). Les sondés affirment à 63% que depuis dix ans, les innovations numériques et technologiques ont eu un impact important sur leur vie quotidienne et ce, même si seulement 8% des Français disposent d’un taux d’équipement moyen (un smartphone et une tablette). De plus, en termes de consommation, 80% des Français se connectent plusieurs fois par jour notamment avec un ensemble de 83%, ayant réalisé un achat sur Images, propagande et TIC


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Internet au cours des trois derniers mois. Les innovations numériques et technologiques qui ont ainsi révolutionné leur quotidien sont le e-commerce et les paiements en ligne, le smartphone et son utilisation, la dématérialisation administrative partielle entre autres. Par ailleurs, sur un total supérieur à 100%, le terme “innovation numérique” est principalement assimilé à des outils technologiques plus performants (47%), à une nouvelle technologie (44%), à la recherche et développement (35%) ainsi qu’aux nouveaux usages (35%). Cependant, seulement 1% des sondés pensent que la France est en avance sur la production d’innovation dans les secteurs de la santé connectée, de la maison connectée, de l’e-éducation et de la ville intelligente et 25% estiment que la France est en retard notamment pour ces deux derniers secteurs. 88% considèrent qu’aucun de ces secteurs n’est en avance et 35% estiment que la France n’est en retard. L’avis est particulièrement partagé en ce qui concerne les secteurs de la santé et de la maison connectée. Par ailleurs, les sondés pressentent qu’au cours des dix prochaines années, le progrès technologique sera marqué en termes de dématérialisation totale des services administratifs, de télémédecine, de robotique dans un contexte professionnel notamment dans le médical mais aussi dans l’industrie, les dispositifs de cybersécurité (protection de la vie privée et des bases de données), le numérique à l’école tout comme les objets connectés auront le plus d’impact sur leur vie en modifiant leurs usages, en facilitant le quotidien et en améliorant les conditions de travail ou encore d’études. Tout produit issu de l’innovation numérique génèrent des attentes spécifiques, notamment chez les plus de 65 ans, et ce en termes de respect de l’environnement, d’adaptation aux comportements de l’utilisateur et de son mode de vie résultant d’une anticipation des besoins. De par une adaptation au mode de vie de l’utilisateur, ces innovations numériques devront de plus pouvoir être contrôler à distance ainsi qu’être en interactivité avec d’autres objets engendrent un gain de temps et d’argent (efficacité des tâches), un confort supplémentaire de par une plus grande facilité d’usage (telle que l’instantanéité), ou encore un sentiment d’appartenance à une communauté (connexion entre les gens). De plus, 28% des sondés assimilent l’innovation numérique à la transformation des métiers. Toutefois, 31% des interrogés considèrent que ce phénomène est réservé à une élite (31%) et ne peut être comprise que par les nouvelles générations (31%). Cependant, ce sont les personnes âgées qui se montrent plus sensibles aux innovations. En effet, les Français âgés de 50 - 65 ans et plus, se montrent les plus enthousiastes en termes de perceptions des apports de l’innovation numérique. Par ailleurs, les jeunes (18-24 ans) rencontrent une difficulté à caractériser ce concept et à en définir leurs attentes.

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Entretien directif avec Madame Julie Hary, responsable de la Communication, Images et Réseaux. Nous avons ensuite pris contact avec Madame Julie Hary, responsable de la Communication du pôle Images et Réseaux de Rennes, afin de réaliser un entretien de type directif, nous permettant d’échanger sur plusieurs questions en rapport avec notre sujet. En effet, cette rencontre nous a aidé à compléter et à confirmer une grande partie des problématiques mises en avant dans la partie théorique ci-dessus. Elle nous a également permis de développer notre réflexion et de nous questionner sur d’autres aspects liés à l’impact des TIC sur notre société aujourd’hui. Tout d’abord, dans la partie « un milieu professionnel transformé », nous avions expliqué que les TIC avaient eu des répercussions au niveau du fonctionnement même de l’entreprise et qu’elles avaient, de fait, également eu des impacts sur le comportement des salariés et leur manière d’évoluer à leur travail. Aujourd’hui, nous pouvons avoir le sentiment que la majorité de la communication passe par les nouvelles technologies. Cela apporte de nombreux avantages à l’entreprise mais aussi des inconvénients. Lors de l’entretien, nous avons pu noter par exemple que le courriel peut avoir des nuisances dans le cadre professionnel, car il tend à l’effacement du rapport humain physique. On expliquait également que la barrière entre la sphère privée et professionnelle devenait de plus en plus poreuse. Cette frontière tendrait même complètement à disparaître aujourd’hui. Suite à cela, on voit depuis quelques années un nouveau phénomène naître, le burn-out. On peut définir comme un épuisement professionnel profond qui se caractérise par « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail » (Organisation mondiale de la santé). Ce qui confirme que le rythme biologique peut être transformé suite à l’utilisation des TIC tout le temps et partout. Cela revient donc à cette question de l’affranchissement des frontières et des répercussions que cela peut avoir sur la société. Cet effet offre plusieurs avantages avec notamment le fait de connecter les gens entre eux, en détruisant les frontières physiques et de la langue. Cependant on a pu noter quelques inconvénients à cela. Tout d’abord, tous les pays ne sont pas égaux quant à l’utilisation des TIC. En Chine, on peut constater un frein politique, alors qu’en Côte d’Ivoire, par exemple, il s’agira plutôt d’un frein technologique. Par ailleurs, il y a un inconvénient quant au manque de cybersécurité et au problème de barrières de temps en tant que tel. Au-delà de l’impact visible que les TIC ont eu sur les employés et l’entreprise, les nouvelles technologies accordent également de nouvelles possibilités de maintenir une relation entre l’entreprise et les consommateurs. En effet, le numérique est un réel atout car il permet à l’entreprise de tenter d’établir un contact permanent avec le consommateur. Grâce au numérique, les entreprises ont développé de nouvelles Images, propagande et TIC


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compétences qui leur permettent d’acquérir une forte connaissance du consommateur. Par l’exploitation de données récoltées, notamment par le biais des cookies, elles peuvent ainsi diffuser des publicités ciblées auprès de leurs clients actuels et potentiels, et de ce fait augmenter l’alternative, la plausibilité d’achat chez celui-ci. Toutefois, on peut également noter des inconvénients quant à la présence des TIC dans cette relation entreprises-consommateurs. Aujourd’hui, le consommateur est surinformé, il reçoit des nouvelles offres à tout moment de la journée de différentes entreprises. Il sera donc sujet à faire jouer la concurrence. Il s’agit d’ailleurs d’un constat aujourd’hui, que les TIC ont augmenté la concurrence. Comme cela a été vu précédemment dans la partie théorique, les TIC n’ont pas seulement eu un impact sur notre vie professionnelle, mais également au sein même de notre quotidien, créant un bouleversement de celui-ci. Lors de l’entretien, un changement important concernant le mode de vie des individus a été mis en avant. Dans l’entreprise, le recours aux courriels fait qu’il y ait moins de contact. Cette communication virtuelle implique une rupture du contact physique. Aujourd’hui, il y a un réel enjeu sociologique et sociétal, Les technologies et notamment Internet, permettent une ouverture sur le monde et aux cultures. Toutefois, son utilisation développe également l’ego des individus et le sentiment d’appartenance à un groupe voire une société, même si celui-ci reste de l’ordre du virtuel. Un second risque lié à l’usage d’Internet est la cyber-criminalité. L’enjeu ici sera donc que les citoyens prennent conscience que le numérique peut être dangereux. Par ailleurs, le numérique a engendré un bouleversement du quotidien dans le sens où il permet une meilleure efficacité. En effet, certaines tâches peuvent être réduites en temps grâce au numérique, ce qui laisse par la suite plus de possibilité d’action dans d’autres tâches. Depuis le développement des TIC, de nombreux changement ont été perçu en termes de leur consommation et de leurs usages. L’instantanéité, rendue possible par les TIC, a été un chamboulement, une perturbation majeure dans le quotidien des individus. Le deuxième changement marquant est la nouvelle façon de consommer et de penser la communication ainsi que le marketing. Aujourd’hui, les marques qui s’adaptent à l’usage des TIC sont celles qui réussissent le mieux. Un autre changement en termes d’usages des TIC est l’apprentissage de nouvelles compétences par soi-même. En effet, les nouvelles technologies, avec des outils comme les MOOC, des cours en ligne, ou encore des tutoriels (que l’on peut trouver sur YouTube par exemple), permettent d’apprendre à son rythme, à tout moment et de partout. Avec les TIC, la notion d’autodidacte est donc très présente. Cependant, Julie Hary, précise durant l’entretien, qu’il reste un problème quant à la reconnaissance de ces nouvelles compétences acquises. En effet, pour qu’elles soient légitimes, il faut savoir les appliquer dans la “vraie vie”. De plus, il faut veiller à ne pas puiser

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l’information n’importe où, s’assurer de leur exactitude auprès de professionnels ou d’experts et avoir un suivi présentiel. Pour compléter la partie sur le bouleversement du quotidien nous avons posé des questions au sujet du rapport qu’a le citoyen aux nouvelles technologies. En effet, avec les TIC, le Français connaît un changement dans son milieu professionnel et privé mais également un changement dans son rôle de citoyen au quotidien. Tout d’abord nous avons pu noter que, de manière générale, la France est un pays bien placé en termes d’innovation numérique cependant, elle occupe la 44ème place mondiale au classement du débit Internet marquant la présence de zones blanches. Concernant l’usage de ces nouvelles technologies, le citoyen français est dans la moyenne. En effet, il fait un bon usage des TIC pour tout ce qui est du domaine du loisir, des réseaux sociaux, et une partie d’Internet. Il est cependant très loin d’un usage optimal. Julie Hary nous cite un exemple intéressant concernant la maîtrise des nouvelles technologies de la part des citoyens : 80% des personnes possédant un mobile utiliseraient seulement 10% des fonctionnalités de celui-ci. Il y a beaucoup d’attentes de la part des citoyens et ce en termes d’efficacité pour mieux vivre. De même, nous avons questionné Julie Hary sur l’effet qu’ont eu les TIC sur les citoyens et si ceux-ci pouvaient, d’une certaine manière, redonner vie à une citoyenneté active. D’après elle, « le numérique a apporté une notion de collectif, de mobilisation et de partage ». Elle précise cependant que le citoyen qui se mobilise dans le virtuel, doit également le faire dans le réel, sur le terrain. En effet, les mobilisations virtuelles et réelles doivent être en cohérence pour que le rôle du citoyen soit reconnu. Nous pouvons donc noter qu’il y a des limites à cette citoyenneté en ligne. D’une manière générale, les TIC agissent sur les citoyens mais également sur la société elle-même. Nous nous sommes demandé s’ils pouvaient d’une certaine manière revitaliser ou assoupir la société. Julie Hary nous explique que les technologies ont, d’une part, donné un nouveau souffle à la société en offrant de nouvelles possibilités mais qu’elles ont, d’autre part, aussi la possibilité de l’assoupir. Avec Internet les gens vivent entourés d’une étendue d’information et de possibilités, sans pour autant passer à l’acte, agir dans le réel. Ils auraient donc tendance à s’assoupir et vivre par procuration. Pour continuer, nous avons abordé dans notre partie théorique le fait que la technique serait au service de la propagande. Nous nous sommes questionnées sur le rôle des nouvelles technologies lorsqu’il y a manipulation et influence sur un individu. Nous avons notamment mis en avant le fait que les nouveaux supports qu’offraient les TIC permettaient à tous messages de propagande d’être visible constamment et de partout. L’entretien réalisé avec Julie Hary a permis de confirmer certains de nos propos et d’apporter plusieurs précisions. Tout d’abord, nous pouvons noter que l’évolution de l’image et des TIC a engendré un changement certain dans la diffusion de messages et d’idées. Le numérique permet de diffuser des messages plus rapidement et de rendre leur visibilité immédiate, Images, propagande et TIC


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renforçant ainsi leurs impacts sur les individus. Cependant, nous nous sommes demandées s’il y avait un écart entre la diffusion d’une information et son assimilation par l’individu qui la reçoit. À cela, Julie Hary nous explique qu’il y a un gros écart entre la diffusion et l’assimilation d’une information. L’intégration d’un message se fait par la répétition de celui-ci par les médias et les écoles. Mais l’assimilation dépend des intérêts de l’individu, elle n’est donc pas systématique lorsque l’information diffusée est jugée peu intéressante par celui-ci et inversement. L’écart entre diffusion et assimilation vient aussi du fait que, le cerveau a la capacité de filtrer, trier l’information de manière automatique. Il s’agit d’un phénomène appelé le zapping. Par ailleurs, le problème de l’assimilation peut provenir d’une incompréhension du message de la part de l’individu. Or, une information mal comprise serait généralement due à une information mal donnée. Cette précision révèle le problème de la surabondance d’information. Pour une même information, il faut ainsi veiller à son homogénéité sur les différents supports par lesquels elle passe. De plus, cette surabondance de messages exacerbe le phénomène de zapping, engendrant une perte d’attention du lecteur, impliquant la question de : comment est-il possible de gérer cette surabondance d’information ? Enfin, pour compléter notre réflexion sur la technique et la propagande, nous avons demandé ce qu’il en était de la propagande aujourd’hui, avec l’usage des TIC. L’évolution rapide des nouvelles techniques et des nouveaux supports implique un changement de la stratégie de propagande. Celle-ci serait « plus cachées, maquillées, édulcorée, détournée ». De plus, elle est universelle de par l’affranchissement des frontières, rendu possible par les nouvelles technologies. Nous en serions donc imprégnés sans nous en rendre compte, ce qui la rend très puissante. Pour finir, notre étude de terrain a permis de compléter notre réflexion, avec notamment un questionnement porté plus particulièrement sur l’information elle-même. Par exemple, on ne peut pas parler de privatisation de l’information lorsque l’on parle d’Internet et de nouvelles technologies. Toutes données diffusées sur Internet sont visibles par tous et pour toujours, sauf en cas d’une demande de droit à l’oubli (sous conditions). Nous avons donc évoqué la question du bien public et du bien privée concernant l’information. Avec Internet, tout individu détient une grande liberté de parole à travers les différentes formes que lui propose l’outil numérique (forums, réseaux sociaux, Youtube, podcast, etc). Il faut cependant accepter les risques que cela peut générer de diffuser une information sur le Web, et comprendre qu’elle puisse devenir un bien public. Par ailleurs, l’un des avantages des TIC, est le fait que tout le monde peut être auteur et lecteur d’information. C’est la notion de « consom-acteur ». Il faut cependant rester prudent quant à l’exactitude de l’information donnée, et donc de la légitimité de son auteur.

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4. Conclusion Il ressort de l’enquête de terrain que malgré un usage relatif des TIC due à une fracture numérique générationnelle (utilisation des outils), nous observons une réelle explosion des usages du numérique via l’affranchissement des frontières, tant sur le plan professionnel, que personnel. Le citoyen peut de nos jours, devenir un personnage public, d’où la nécessité d’adapter les usages des TIC à cette nouvelle forme de l’espace public (sphère Internet). L’outil numérique offre à la fois une nouvelle ouverture au monde mais du fait de la perte de distinction de la sphère privée et publique, l’individu peut être amené à limiter de lui-même sa liberté d’expression, à se soumettre à une autocensure par peur de jugement, de la critique des autres. Il génère cependant une ouverture au monde par le biais de l’interconnexion des individus. Cet aspect peut être bénéfique tout comme nocif aux individus. Dans le domaine de la propagande, le numérique est un réel atout pour générer et diffuser des messages induits, détournés, maquillés, édulcorés et cachés. Avec Internet, c’est à un tout nouveau type de propagande auquel le citoyen doit faire face. Par ailleurs ces nouvelles formes de propagande via Internet, de par leur subjectivité et leur universalité, nous sont totalement imperceptibles. Toutefois, il y a un réel écart entre la diffusion d’information, de messages, et leur assimilation qui dépend du destinataire et ce, en fonction d’un filtrage du cerveau de par des intérêts personnels, qui influeront sur la rapidité de l’imprégnation. Cette absorption se fait notamment par le biais de la répétition, générée par les médias et le milieu éducatif. L’influence des médias est ainsi limitée du fait de la sélectivité des récepteurs lui faisant obstacle. Par conséquent, cette influence ne peut être immédiate en raison du temps qu’exige le processus de persuasion. Il faut noter que le numérique est un service et n’est en aucun cas une fin en soi. Il génère beaucoup d’attentes auprès des particuliers et des professionnels. Cet outil a bouleversé une partie de notre quotidien, nos habitudes de consommation et de penser, du fait que nous soyons plus facilement enclins à recevoir de l’information inductive de par notre constante connectivité; et, prédisposés à diffuser des éléments informationnels d’ordre privé permettant de sensibiliser davantage malgré notre tendance au “zapping” (filtrage). En effet, nous sommes perpétuellement sujet aux TIC que ce soit intentionnel ou non du fait que nous appartenons à un nouveau genre de société du connecté et par conséquent, celle de l’instantanéité et de la surconsommation autrement dit, du “tout, tout de suite et maintenant” au détriment d’une information fiable et viable, produite par des consom-acteurs.

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Malgré des apports conséquents du numérique tant sur l’aspect du collectif, de la mobilisation et du partage entre autres; il y a, une réelle importance de veiller à la concrétisation de l’action dans la réalité mais aussi de prendre garde de la dangerosité du numérique. Ceci étant du ressort du rôle citoyen.

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5. Table des annexes Annexe 1 : Etude Ipsos - Les Français et l’innovation numérique - Juillet 2015 « Sondage OpinionWay pour Images & Réseaux » Annexe 2 : Questions entretien Images & Réseaux Annexe 3 : Notes de terrain

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Annexe 1 : Etude Ipsos - Les Français et l’innovation numérique - Juillet 2015 « Sondage OpinionWay pour Images & Réseaux » Cf. : clé USB

Annexe 2 : Questions entretien Images & Réseaux

Interlocuteurs : Mesdames Marine Le Breton, Marie Le Roy et Julie Hary. 1- Comment qualifieriez-vous la maîtrise des TIC des citoyens ? Pensez-vous que nous en avons un usage optimal ? 2- Quelle est la place de la France concernant l'innovation et l'usage des TIC sur le plan mondial ? 3- Quels changements en termes de pratique/consommation et usages avez-vous perçu depuis le développement des TIC ? 4- Sur quels aspects avez-vous perçu un réel bouleversement du quotidien des citoyens ? 5- Quels avantages les TIC offrent aux relations entreprises-consommateurs ? Quelles possibilités s'accordent aux entreprises ? 6- Comment développez-vous l'enjeu d'échanges entre des personnes qui ne communiquent en général pas ensemble ? 7- Quels sont les effets des NTIC sur la démocratie actuelle / sur les cybercitoyens ? (--> idée : recherche de cohésion affective plutôt que de l’information) 8- Quels sont les avantages et les inconvénients de l'affranchissement de l'espace et du temps des internautes pour être en connexion les uns avec les autres, en modifiant voire détruisant les frontières de l'espace médiatique (ceux qui ont accès à l'information et ceux qui n'ont pas cela) ? 9- Est-ce que les technologies et les TIC peuvent vraiment redonner vie à la citoyenneté active ? 10- Est-ce qu’Internet et les NTIC peuvent avoir pour fonction de revitaliser ou assoupir la société ? 11- En quoi et sous quelles conditions l’utilisation des TIC permet de développer des compétences ? 12- Quel est l'emploi des TIC dans le domaine de la communication ? 13- Diffusion ou privatisation des savoirs/ de l’information ? 14- Quels types d'information sont diffusés via les TIC ? 15- Quelle information est un bien public ? Et quelle est celle qui relève, au contraire, de la propriété privée ? 16- Selon vous, y a-t ‘il un écart conséquent entre la diffusion de l'information Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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sur écran et l’assimilation de celle-ci pour aboutir à la connaissance ? – (phénomène de zapping) 17- Qu'engendre l'évolution de l'image et des TIC sur la diffusion de message, d'idées ? (→ Question de temps et de mobilité) 18- Quels supports sont privilégiés pour la diffusion d'information ? 19- Avez-vous perçu des problèmes de compréhension de l'information, dans son sens textuel ? 20- Jugez-vous qu'il soit plus difficile aujourd'hui de capter l'attention de l'internaute ? (liens hypertextes → perte du lecteur) 21- Comment gérer la surabondance d'information ? 22- Qui peut être auteur ou lecteur d'information ? 23- Propagande : question de la démocratie et de l’absentéisme : question de la citoyenneté. Demander comment ça fonctionne, dans la communication, dans la “propagande” d’aujourd’hui ? 24- Quelle est la place du débat citoyen aujourd'hui ? 25- Question de la liberté de la parole sur le Web. Est-ce que l'outil numérique est considéré comme la forme unique de la parole ? 26- Quel est le processus de concertation des divers acteurs pour pouvoir échanger ?

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Annexe 3 : Notes de terrain 1- « Non, en moyenne les citoyens en ont une utilisation de loisirs et utilisent qu’une partie d’Internet et des TIC tel que Facebook entre autres. Par exemple, 80% des personnes possédant un mobile utilise seulement 10% des fonctionnalités de celui-ci. L’usage des TIC est alors très loin d’être optimal. Il y a un réel problème au niveau de la maîtrise des TIC, hormis pour les primo accédant autrement dit les geeks. Globalement, il y a beaucoup d’attentes de la part des citoyens et ce, en termes d’efficacité pour mieux vivre ». 2- « Au niveau de l’innovation, la France est plutôt bien placée avec notamment les French Tech et la réalité augmentée. Les diverses aides à l’innovation permettent ces avancées. Toutefois la France connaît un usage moyen des TIC sur le plan mondial ». 3- « Le changement est premièrement le phénomène d’instantanéité, du “tout de suite et maintenant”, quitte à ce que ce soit de la mauvaise information. Il fait toutefois faire attention avec l’inscription ou non dans le réel et à la consommation “zapping”. Le deuxième changement s’articule autour de l’induction à une nouvelle façon de consommer et de penser la communication ainsi que le marketing. Les marques qui s’adaptent aux TIC réussissent mieux ». 4- « Le réel bouleversement du quotidien des citoyens s’observe au niveau de la possibilité de communiquer avec autrui par le biais de la virtualité (réseaux sociaux) et ce, afin de garder ou de créer des liens. Cependant, il est nécessaire de remettre du réel et du contact physique. De plus, le numérique a permis une meilleure efficacité via les drives par exemple. Le temps gagné peut être utilisé ailleurs ». 5- « Avantages : Le numérique est une véritable mine d’or et offre un contact permanent avec le consommateur. Grâce au numérique, les entreprises peuvent acquérir une forte connaissance du consommateur (données). Les cookies permettent une publicité ciblée. En effet, les informations sur les habitudes de consommation impliquent une forte connaissance du consommateur et ainsi un bon ciblage. Inconvénients : effet de surinformation générant un consommateur frivole. En effet, il est sujet à aller voir la concurrence et comparer les offres avant de faire son choix ». 6- « Enjeu sociologique : Ouverture sur le monde, les cultures, etc. et développement de l'ego (voire l’estime de soi) et d’un sentiment d’appartenance fictif/virtuel à un groupe, une société. Toutefois, il y a également une possibilité d’effacer le rejet de l’individu tout comme le développer. Attention il ne faut pas oublier le problème de la cyber criminalité. Il faut que le citoyen prennent conscience que le numérique peut être dangereux. Le réel enjeu aujourd’hui est l’importance de prendre conscience de l’aspect sécurité et risque qui est du ressort

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de l’éducation mais aussi des familles et de l’entourage en général (rôle citoyen). Globalement, ils ne sont pas assez conscients du risque. Il faut apprendre aux gens à utiliser internet correctement ». 7- « Le numérique a apporté une notion de collectif, de mobilisation et de partage. Cependant il faire le gap entre la mobilisation sur internet et dans le réel. Pour que ça marche, il est nécessaire d’avoir un terrain réel. Internet permettant uniquement de “grossir” les choses. Il faut également veiller à ce qu’Internet ne devienne pas un monde parallèle générant un problème d’identité, d’attitude et de comportement du citoyen. Il faut que réel et virtuel soit en cohérence. Sinon il y a un problème d’identité ». 8- « Avantages : l’affranchissement de l’espace et du temps → connexion les uns avec les autres, destruction des frontières et des langues + remonter dans le temps. Inconvénients : la cyber sécurité et barrières de temps (décalage) ». « Le numérique en France est quand même une chance. La perception du numérique diffère selon les pays. Nous le percevons comme un atout, une chance pour des partis prix politique ou technologique ». 9- « Je pense avec la limite que ce soit lié avec des actions dans le réel. De plus, les TIC offrent une ouverture sur ce qui se fait déjà ailleurs. Le numérique ouvre un espacetemps du “tout est possible” mais pas jusqu’à bouleverser les codes, les normes, etc. A force d’être “fliqué”, le citoyen va se réveiller (retour en force de la lutte (écologie)) et va finir par se déconnecter. Les gens saturent ». 10- « Un peu des deux. Car trop d’information tue l’information. Avec internet on vit par procuration. Les NTIC ont donné un nouveau souffle à la société mais ils ont la possibilité de l’assoupir s’il n’y a pas de réel. On s’assoupit car on vit avec plein de possibilité mais on ne passe pas à l’acte (ex : choix d’une décoration) ». 11- « Internet est un véritable vivier d’information et de par l’aspect autodidacte d’Internet, les TIC permettent de développer des compétences professionnelles ou non, au travers d’outils comme les MOOC (cours en ligne), ou encore des tutoriels YouTube par exemple. Toutefois, il reste un problème de reconnaissance de ces compétences notamment sur le plan professionnel éventuellement due à une non application concrète dans le réel. Il faut aussi veiller à ne pas puiser l’information partout mais s’orienter de préférence vers des experts ». 12- « De nos jours, il n’y a pas de communication sans nouvelles technologies. Exemple : les réseaux sociaux, les médias sociaux, les mailings, le marketing, le lobbing, les réseaux d’influence, etc. ». Images, propagande et TIC


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13- « Il n’y a de nos jours, plus de privatisation de l’information mais il n’y en avait pas avant non plus. Internet et les nouvelles technologies enlève le filtre de la privatisation. Un savoir n’est pas fait pour rester privé ; les médias doivent gérer le droit de réserve et prendre le temps de vérifier toutes informations ». 14- « Tous les types. ». 15- « Public : relève de l’intérêt de la société, soit un fait de société. Tout ce qui touche à l’intégrité de la société (voir le droit à l’oubli) ». 16- « Oui, il y a un gros écart. L’assimilation et l’intégration (dans les esprits) se fait notamment par le biais de la répétition, qui est généré par les médias et les écoles. L’assimilation dépend des intérêts de l’individu. Elle peut être rapide voire immédiate lorsque l’information porte un intérêt particulier à l’individu, et donc le touche davantage. Le cerveau a une capacité intellectuelle de filtrage de l’information ce que l’on appelle aussi le phénomène de zapping ». 17- « Le numérique a apporté l’instantanéité par une diffusion plus rapide des messages ainsi qu’une possibilité de consultation quasi immédiate. Nous avons l’information en temps voulu et plus rapidement qu’avant ». 18- « Cela dépend de l’information à transmettre. Il est nécessaire, aujourd’hui, de diffuser partout. Il n’y a pas de support privilégié. Il faut toucher tout le monde. Il faut veiller à adapter le message en fonction des supports ». 19- « Non. L’information mal comprise est due à une information mal donnée. Il y a un problème dans la surabondance de l’information même si celle-ci est différente de par son adaptation aux supports de diffusion. Il faut veiller à une homogénéité de l’information ». 20- « Oui et ce en raison de la surabondance, de la surconsommation et du phénomène du zapping. On perd l’attention du lecteur ». 21- « Chaque citoyen doit faire la part des choses, trier et filtrer en fonction de notre utilisation. Comment gérer la déconnexion, le filtre, le tri, le nettoyage? ». 22- « Aujourd’hui, tout le monde. On parle de “consom-acteur”. C’est bien l’atout des NTIC. Toutefois se pose la question de la légitimité, de la reconnaissance de l’auteur ».

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23- « Aujourd’hui la propagande est plus cachée, maquillée, édulcorée, détournée. Nous avons à faire à une propagande vicieuse/détournée et publi rédactionnelle avec des produits induits. Cette propagande est fourbe et universelle par son affranchissement des frontières. Avec Internet, on est imprégné sans forcément nous en rendre compte ». 24- « Problème : il faut que le débat soit plus efficace et plus efficient. Plus riche et plus actif. Il y a une réelle importance qu’il prenne véritablement place dans le réel, qu’il se concrétise dans les urnes. Il existe toutefois le problème de la réelle prise en compte de l’avis (lobbing des industriels) ». 25- « Le web permet une grande liberté. Mais il faut accepter d’être critiqué. Parfois on se restreint sur nos posts. Pour éviter problème de recrutement. Le numérique est un outil. Il existe diverses formes de la parole (site web, blog, chaîne YouTube, podcast, réseaux sociaux, forums, photos, webradio, etc.) ». 26- « Il est resté le même pour la décision finale avec le système de hiérarchie. Le numérique ne remplacera jamais le réel, il est une vraie nuisance au travail. Grand mal des entreprises : le mail à une valeur juridique légale. Barrière sphère privée/public complètement effacée. Où cela s’arrête ? C’est dernière année, un boom de burnout ! Explosion des usages du numérique → plus de frontières (importance sociale). Problème de liberté d’expression vie privée / publique ».

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6. Bibliographie Marine LE BRETON BARTHES, Roland. Mythologies. Paris : Ed. du Seuil, DL 1970, Coll. Points (Paris), 1957, n°10, 1 vol., 233 p. 2-02-000585-9 978-2-02-000585-2 BARTHES, Roland. Rhétorique de l’image in Communication n°4,1964, p.40-51 BERNAYS, Edward. Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie. 2ème édition. Paris : La Découverte, Zones, 2007. 144 p. 9782355220012 CHAUVIRE, Christiane. Peirce et la signification, introduction à la logique du vague. Paris : Presses universitaires de France, 1995, 287 p. 2-13-046819-5 DARRAS, Bernard. Icône – Image. Mei n°6, Paris : l’Harmattan, 1997, 175 p. 27384-5341-4 ELLUL, Jaques. Propagandes. 1912-1994, 1 vol., Paris : Impr ; Jouve, 2008, 361 p. 2-7178-1848-0 ; 978-2-7178-1848-2 Qu’est-ce que la sociale.eu/?page_id=248

psychologie

sociale ?,

http://www.psychologie-

Lectures complémentaires : DORNA, Alexandre. QUELLIEN, Jean. SIMONET, Stéphane. La propagande : images, paroles et manipulation. Paris : l’Harmattan, DL, 2008. 215 p. 978-2-29607017-2 FRESNAULT-DERUELLE, Pierre. L’image placardée. Paris, Nathan, 1997 HUYGHE, François-Bernard. Maître du faire croire : de la propagande à l’influence. 1vol. Coll. Comprendre les médias. Paris : Ministère de l’éducation nationale, Impr : 2008, 175 p. 978-2-7117-1194-9 LAMBERT, Frédéric. Je sais bien mais quand même. Essai pour une sémiotique de l’image et de la croyance, Ed. Non Standard, Paris, 2013. VERNIER, Jean-Marc. L’image-absolue du 11 septembre 2001 : une image télévisuelle pas comme les autres ». In Quaderni, n°48, 2002.

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7. Bibliographie Marie LEROY Christine MARSAN et Fabrice DAVERIO, La communication d’influence : décoder les manipulations et délivrer un message éthique dans une société en mutation, CFPJ, 2009 François GERE, Le dictionnaire de la désinformation, 2011 Philippe MOATI, Nouvelles technologies et hypermodernité, 2005

modes de vie Aliénation ou

Pierre MUSO, Usages et imaginaires des TIC. Brève histoire des technologies de l’information et de la communication, disponible sur : https://flagelleurmental.wordpress.com/2009/02/17/a-propos-des-technologies-del%E2%80%99information-et-de-la-communication/ Alexandre DORNA, Discours de propagande et techniques de manipulation, disponible sur : http://www.fssp.uaic.ro/argumentum/numarul%207/03_Dorna_tehno_final.pdf Mathieu PIERRE et Sylvain LOIZEAU, L’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication Comment l’ouverture au grand public en a modifié les utilisations initiales, disponible sur : http://perso.crans.org/pierre/documents/Les%20nouvelles%20technologies%20Expose %20HST/les%20nouvelles%20technologies%20version%20finale.pdf Mémoire en ligne, Impact des TIC, disponible http://www.memoireonline.com/03/12/5488/m_Impact-des-TIC-technologie-delinformation-et-de-la-communicationdans-lentreprise-cas-de-Wo4.html

sur :

Dossier sur les TIC, disponible sur : http://www.mollat.com/dossier/les_tic_technologies_de_l_information_et_de_la_comm unication-8236.html Culture et Médias 2013, Fiche 4, Evolution des TIC, disponible sur : http://www.culturemedias2030.culture.gouv.fr/annexe/04-fiches-culture2030-4-.pdf Annexe 80, Définir et distinguer TIC et Médias, disponible sur : http://www.amtice.ulg.ac.be/upload/ressources/ressource-80-definitions-des-tic-et-desmedias-de-diverses-sources/differencierticsdemediasDEFINITION.pdf Images, propagande et TIC


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Blog sur les TIC, L’émergence des TIC, disponible http://tictpe.canalblog.com/archives/l_emergence_des_ntic/index.html

sur :

Alexandre JOUX, Big Data : de l’automatisation de la recommandation aux environnements immersifs, disponible sur : http://la-rem.eu/2015/01/22/big-data-delautomatisation-de-la-recommandation-aux-environnements-immersifs/ Blog sur les TIC, L’influence des NTIC au niveau social, disponible sur : http://tictpe.canalblog.com/archives/2010/02/16/17030464.html Josselin ASSOVIE, L’impact des TIC sur la société, disponible sur : http://josselinassovie.blogspot.fr/2009/03/limpact-des-tic-sur-la-societe.html Charles MILLS, La transformation du public en masse, extrait disponible sur : http://www.acrimed.org/La-transformation-du-public-en-masse-selon-Charles-WrightMills-extrait Michel BRULEY, Big data INFORMATION, PROPAGANDE, DÉSINFORMATION ET MYSTIFICATION, disponible sur : http://www.decideo.fr/Big-Data-informationpropagande-desinformation-et-mystification_a5874.html Najoua MOHIB, Les TIC : une solution miracle pour le développement des compétences ?, disponible sur : http://questionsvives.revues.org/498

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Thème 2 : Politique Problématique :

Non définie Alban GUILLOT Département information communication Université de Rennes 2 35 000 Rennes FRANCE

RÉSUMÉ : Partie non rendue au semestre 1 MOTS-CLÉS : Politique, discours, propagande, message, partis politique, stratégie, opinion, opinion publique.

2015-16, pages 52 à 52


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Thème 3 : Entreprises Problématique :

Quelles sont les évolutions publicitaires que les entreprises ont réalisées pour contribuer à cette propagande idéologique du citoyen Français ? Maxime LE LOUËR Département information communication Université de Rennes 2 35 000 Rennes FRANCE

RÉSUMÉ : Cette partie du dossier tente de montrer comment les entreprises, au travers de la publicité, participent à la diffusion d’une idéologie du citoyen français sous l'impulsion du discours politique. Sont observées et analysées, les différentes stratégies utilisées, qu’elles soient issues de la propagande ou du marketing, ainsi que les arguments principaux au travers d’exemples. L’étude de terrain s’attache à montrer l’évolution des publicités dans le temps et leurs liens avec la diffusion de l’idéologie du citoyen français. MOTS-CLÉS : Publicité, entreprises, propagande, marketing, stratégies, consommateurs.

2015-16, pages 53 à 77


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Plan Introduction 1. L’influence politique sur l’économie 1.1. Le discours des politiques 1.2. L’impulsion de la « Marque France » par la politique 1.3. L’influence sur les entreprises 2. Arguments et stratégies utilisés 2.1. Savoir-faire et image de qualité 2.1.1. La perception du « made in » par les consommateurs 2.1.2. Technique du storytelling : l’exemple de Louis Vuitton 2.1.3. Technique de La peur : répondre à l’inquiétude 2.2. Susciter le sentiment d’appartenance 2.2.1. Technique de la peur : l’exemple de Toyota 2.2.2. Le stéréotype : l’exemple de Renault 2.2.3. Égéries, succès français : l’exemple de Renault 3. Étude de terrain analyse : l’évolution publicitaire 3.1. Le citoyen français et sa relation à la publicité 3.2. La publicité et sa relation avec le patriotisme 3.2.1. Personnages emblématiques de l’histoire de France 3.2.1.1. Le personnage mythique 3.2.1.2. La personnalité politique 3.2.1.3. Le personnage symbole 3.2.2. Les faits historiques 3.2.2.1. La révolution française 3.2.2.2. La période coloniale 3.3. De l’effacement progressif du roman national à un retour en force du patriotisme 4. Conclusion 5. Bibliographie 6. Annexes

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Introduction À travers cette analyse, nous allons aborder quelques-unes des stratégies utilisées par les entreprises qui, sur le long terme, contribuent à la création d’une idéologie du citoyen français instituée par les politiques. Nous allons tout d’abord mettre en évidence l’implication des politiques à travers le discours et leur influence sur l’économie avec la mise en avant d’une consommation locale et le développement du made in France. Nous allons ensuite dégager les principaux arguments utilisés par les entreprises et étudier les stratégies qu’elles utilisent. Afin de comprendre si nous sommes véritablement dans un retour du patriotisme en France, nous allons étudier l’évolution du discours patriotique dans la publicité depuis 1870 à nos jours. Nous pourrons ainsi observer à quelles périodes de l’histoire ces propos sont plus ou moins présents.

1. L’influence politique sur l’économie 1.1. Le discours des politiques Pendant les campagnes présidentielles de 2012, on constate un discours qui s’oriente vers une promotion de la consommation locale comme solution pour répondre aux problèmes de l'emploi et de la désindustrialisation du pays. L’un des exemples qui a le plus fait parler est celui d’Arnaud Montebourg qui en fit son sujet de prédilection et s’affichait en couverture du Parisien en octobre 2012 vêtu d’une marinière Armor Lux, une montre Michel Herbelin et un robot Moulinex. Les autres personnalités politiques n’étaient pas en reste. À l'occasion d’une visite chez le groupe Rossignol qui venait récemment de relocaliser la production de 75 000 paires de skis par an, Nicolas Sarkozy, chef d'état de l’époque, mettait en valeur un nouveau label, « Origine France garantie ». Son principe était le suivant : pour y prétendre il faut que 50 % de la valeur ajoutée d'un produit soient fabriqués en France. François Bayrou, candidat centriste, se prononçait, lui aussi, pour la création d'un « label France » afin d'inciter les consommateurs à préférer les produits français, pour tenter de relancer l'économie. Le candidat socialiste, François Hollande, avait quant à lui, fait la promotion du « made in France » en parlant de « patriotisme industriel ». Jean-Luc Mélenchon, pour le Front de gauche, et Arnaud Montebourg, le troisième homme de la primaire socialiste, vont plus loin. Tous deux portaient l'idée d'un « protectionnisme européen ». Enfin, Marine Le Pen, pour le Front national, prônait la sortie de l'euro, et un « protectionnisme » national. Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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Ces discours montrent que « la propagande [...] implique plus ou moins une idéologie que l’on cherche à diffuser par les M.M.C (radio, presse, etc.) pour amener le public à accepter [...] telle structure économique [...] ». Ce grand retour de la tendance du « fabriqué en France » n’est pas nouveau. Il était déjà présent dès l'après-guerre, popularisé en 1981 par le communiste Georges Marchais, qui avait lancé des affiches tricolores barrées d'un martial « produisons Français ». Le slogan étant ensuite tombé en désuétude, il fait, désormais, un retour en force.

1.2. L’impulsion de la « Marque France » par la politique En 2013 une mission a été confiée au PDG du groupe de communication McCann France, Philippe Lentschener. Son objectif était de définir une stratégie de marketing pays forte. Le gouvernement donnait alors le coup d'envoi à la « marque France ». Il s’agissait d’une mission « de réflexion et de concertation destinée à mettre en lumière les enjeux, ainsi que les voies et moyens de mise en œuvre d'une marque nationale partagée, fondée sur une stratégie de marketing pays ». Le but était de promouvoir le « made in France » avec une « certaine excellence française », ainsi que d’encourager la destination France pour les investissements directs étrangers. Elle devait aussi trouver les moyens de mettre en avant les talents (chercheurs, designers, créateurs, entrepreneurs, innovateurs). La propagande mise en place fait appel à une propagande dite stratégique : « Elle est [...] constituée par un climat général, une ambiance qui agit de façon inconsciente. Elle n’a pas l’apparence d’une propagande, elle saisit l’homme dans ses mœurs, dans ce qu’il y a de plus inconscient dans ses habitudes. Elle lui crée de nouvelles habitudes. Cela devient donc une sorte de persuasion intérieure. L’homme adopte de façon spontanée comme si, vraiment, il les choisissait lui-même. ». On observe également une propagande d’intégration : « C’est une propagande de conformisation. [...] On tend à arriver à une société parfaitement uniforme, pour avoir plus de puissance et d’efficacité. Chaque membre du groupe doit être seulement un fragment organique et fonctionnel de ce groupe, il doit être parfaitement adapté, parfaitement intégré. Il doit avoir les stéréotypes, les croyances, les réactions du groupe, il doit se manifester comme un participant actif de la création économique, éthique, esthétique, politique du groupe. Toutes ses activités, comme tous ses sentiments seront fonction de la collectivité. Et comme on le fait toujours remarquer : il ne se réalise lui-même que grâce à cette collectivité, en tant que membre du groupe ». Cette stratégie de marketing pays se développe par cinq grands axes : Axe 1 : Identifier et partager le récit économique de la France au terme d’un processus de concertation. Images, propagande et TIC


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Axe 2 : Partager et diffuser le récit économique en France et dans le monde. Axe 3 : Gérer et mesurer la marque France. Axe 4 : Créer les médias de la marque France, en se dotant d’un portail Internet fédérateur nommé « france.fr », Axe 5 : Renforcer la confiance en « l’offre France » par la lisibilité et la transparence. La mise en place de ce projet par le gouvernement montre qu’il ne s’agit pas uniquement d’un argument politique pour les élections. Mais qu’il y voit une véritable solution aux problématiques du pays. Cependant pour que ce projet fonctionne il est essentiel, entre autre, de déconstruire et reconstruire l’image des produits/services français, et d’impliquer le citoyen français en lui faisant prendre conscience de l’importance de la consommation locale.

1.3. L’influence sur les entreprises Avec cette impulsion du gouvernement sur la promotion du made in France, les entreprises n’ont pas tardé à voir un véritable argument de vente. On aperçoit alors de plus en plus de publicités qui vantent l’origine de leur produits/services, qu’ils soient partiellement ou 100% fabriqués en France (ce qui prend en compte, la conception, la fabrication, l’assemblage, le conditionnement et la distribution du produit). Ces publicités intègrent bien souvent les trois piliers du développement durable : environnement (moins de CO2 en transports), économique (coût moindre du transport), social (conservation des emplois). Les entreprises jouent sur les émotions et les sentiments comme nous le verrons par la suite. Effectivement le made in France construit des enjeux qui impact directement la vie des Français et les entreprises l’ont bien compris. Edward Bernays nous dit : « L’entreprise doit s’exprimer et affirmer son image de marque [...] Elle doit révéler sa personnalité et interpréter ses objectifs en chacun des points où elle entre en contact avec la collectivité (ou la nation) dont elle fait partie ».

2. Arguments et stratégies utilisés Pour promouvoir leurs produits/services les entreprises croisent des techniques issues de la propagande politique, des techniques de communication ainsi que des stratégies marketing qui reposent principalement sur deux arguments majeurs. Tout d'abord, l’association de l’image du produit/service français à la qualité, au savoir-faire et à l'excellence à la française. L’autre argument est celui de faire appel au sentiment patriotique, au sentiment de fierté, avec une consommation qui devient un acte citoyen. Nous allons donc observer quelques stratégies utilisées autour de ses deux arguments.

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2.1. Savoir-faire et image de qualité Nombreuses sont les entreprises qui jouent sur l’aspect qualitatif de leurs produits/services en valorisant un savoir-faire à la française. Nous allons essayer de comprendre sur quoi s’appuient les entreprises pour utiliser cet argument et quelles stratégies sont mises en place. 2.1.1. La perception du « made in » par les consommateurs D’après le rapport « Made In » de FutureBrand, le « made in » est un facteur essentiel qui a une influence sur l'idée que se font les consommateurs des produits de marque. Il est également un élément qui permet de révéler des informations sur les conditions de travail et les normes de protection environnementale associées au pays d'origine des produits. À l’échelle mondiale, la réputation des produits du made in France est très positive puisque la France se place deuxième derrière les États-Unis. L’analyse qui porte sur six catégories de performances : mode, produits de soins et beauté, produits d'alimentation et boisson, automobile, appareils électroniques et produits de luxe, démontre que la France fait partie des nations les plus plébiscitées par les consommateurs. La notion de « Made in France » est prioritairement associée à une notion de qualité disent spontanément 24% des actifs de 25 pays, et bénéficie d’une image globalement positive et cohérente, selon une étude menée par CLM BBDO. Une image qui a fortement évolué puisque, selon un sondage, en 1999, seulement 32% des Français affirmaient, que le made in France était un gage de qualité du produit, contre 60% aujourd’hui. Cette image est portée principalement par les marques du luxe et de l'automobile (Chanel, Renault et Peugeot), mais également par les innovations françaises majeures telles que le Minitel ou le train à grande vitesse. La qualité est ainsi fortement liée aux valeurs artisanales. Le design constitue par ailleurs le deuxième pilier, il apporte « du style, du beau, de l'élégance, et est idéalement inventif, créatif, et jamais éphémère ». Toutefois, l'attente de qualité est parfois déçue par l'aspect fonctionnel des produits et, pour certains, la technologie « made in France » se conjugue au passé. Le public interrogé est en demande d'une différenciation, d’un « je ne sais quoi » français qui aurait disparu. « il existe un imaginaire de qualité à la française, faite d’intransigeance de passion et d’audace dans les nouvelles idées, qui résonne encore même s’il n’est pas toujours suivi de réalité ».

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2.1.2. Technique du storytelling : l’exemple de Louis Vuitton Cet argument de savoir-faire, de qualité, n’est pas simplement cité parmi d’autres, il s’inscrit dans un discours, dans un récit à des fins de communication. Cette technique appelée storytelling, doit permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Pour cultiver cette image de qualité, de savoir-faire, nombreuses sont les entreprises qui utilisent cette stratégie. Elle est notamment fréquemment utilisée dans le domaine du luxe, c’est pourquoi j’ai choisi la marque française Louis Vuitton qui utilise le mythe du fondateur. Le site internet de la marque propose au moins six rubriques qui nous racontent l’histoire de la marque. Nous allons étudier plus en détail l’onglet « une histoire légendaire ». Cette page du site nous embarque dans l’univers de Louis Vuitton. « Quand tout a commencé. Alors qu'il n'avait que seize ans, Louis Vuitton a pris une décision qui n'allait pas uniquement changer sa vie mais aussi celle de ses descendants : il deviendrait malletier. [...] » . Les images de fond sur lesquelles s’inscrivent les différents textes correspondent à ce qui est mis en récit, exemple des mallettes anciennes de la marque, etc. Chaque catégorie est accompagnée de visuels et de textes qui racontent une histoire. Le langage utilisé est souvent mélioratif et inscrit toujours l’idée d’un héritage préservé et d’une modernité assumée « la Maison n’a cessé de se réinventer, s’inscrivant de plain-pied dans les révolutions techniques et artistiques de son temps ». On le comprend à travers cet exemple, le storytelling permet de créer un univers autour de la marque. Cette technique contribue à élever les produits/services français à un rang de qualité et d’excellence dans la pensée collective que ce soit au niveau national ou international. 2.1.3. Technique de La peur : répondre à l’inquiétude Les entreprises n’utilisent pas la technique de la peur comme on pourrait y être confronté en propagande politique. Mais le principe est le même, « un public qui a peur est en situation de réceptivité passive, et admet plus facilement l'idée qu'on veut lui inculquer. ». Ici les entreprises ne créent pas la peur, mais elles répondent aux craintes en proposant un produit qui, de par sa qualité, inspire un sentiment de sécurité. Cela peut insinuer que les produits étrangers sont dangereux ou simplement d’une qualité moindre. Certaines données vont dans ce sens, « La Commission européenne a mis en garde, les consommateurs de l'Union européenne contre les produits importés de Chine car ceux-ci représentaient en 2014 64% des produits dangereux répertorié par le système d'alerte [...]. Ainsi, 2.435 produits, dont un quart sont des jouets ont en effet, été l'objet d'une alerte par l'Union européenne en 2014, liste qui a donc révélé cette importante proportion de produits « made in China ». Les dangers recensés par la

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Commission sont multiples: blessures physiques (26% des cas), intoxications chimiques (25%), étouffements (12%), électrocutions (11%) ou encore étranglements (9%) ».

2.2. Susciter le sentiment d’appartenance L’influence du groupe du groupe est une stratégie très efficace, effectivement « [...] un individu isolé n’a qu’une confiance relative dans son propre jugement et se montre très influencé par le jugement des autres. Dans une certaine mesure, il préférera se tromper avec « ses amis » plutôt que d’avoir raison en se désolidarisant des autres. ». C’est pourquoi le sentiment d’appartenance à une communauté, ici à une nation, est fortement utilisé dans les publicités « made in France ». Le sentiment patriotique, la fierté d’appartenir à un groupe portant des valeurs dans lesquelles on se reconnaît est très efficace. Avec cet argument on demande, ou l’on propose, au citoyen de participer à la communauté par son acte de consommation. 2.2.1. Technique de la peur : l’exemple de Toyota Ici on peut faire, une fois encore, le rapprochement avec la technique de la peur. L’entreprise répond à une crainte en jouant sur l’argument économique d’une production en France qui répond à la peur du chômage et de ses conséquences. Même si le Japon est perçu comme le deuxième meilleur du secteur automobile, d’après le rapport « Made In » de FutureBrand, Toyota a fait le choix de ne pas vanter l’industrie automobile made in Japan. La société décide d’adopter une stratégie marketing avec un positionnement qui « consiste à lui donner une position spécifique par rapport aux produits ou marques concurrentes, correspondant aux attentes d’une cible suffisante de consommateurs. ». Ici il s’agit de se placer comme étant la marque qui propose le modèle de voiture le plus fabriqué en France : « La Toyota Yaris ». À travers un spot publicitaire, une vidéo de 45 secondes, Toyota fait la promotion de son produit. On remarque qu’à travers cette publicité intitulée « Toyota Yaris : Made in France » la marque reprend des codes associés à la France, tel que l’hymne national ou encore les couleurs tricolore du drapeau (bleu blanc rouge). Il s’agit d’une différenciation produit qui consiste à « [...] apporter des bénéfices additionnels par rapports aux produits concurrents pour obtenir la préférence du consommateur. » Ici est proposé un produit, qui en plus d’être utilitaire, permet aux individus de contribuer à l’économie, de lutter contre le chômage qui concerne un grand nombre de Français, soit directement, soit indirectement, subi par l’entourage familial ou relationnel. Le consommateur voit dans cet achat un geste citoyen qui permet de contribuer à la pérennisation de l’emploi en France. Images, propagande et TIC


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Avec ce positionnement, la marque arrive à atteindre la cible française mais également internationale. En produisant sa nouvelle Yaris dans une usine française, le constructeur nippon génère des emplois et apparaît comme un acteur du combat contre le chômage aux yeux des Français. Dans les esprits, en associant sa marque aux valeurs du pays français, tant recherchés par la dizaine de millions de touristes qui visitent le pays chaque année (record mondial), il associe sa marque au savoir-faire et la technologique française. L’exemple de Toyota pose tout de même la problématique suivante : pour être un bon citoyen (au sens de l’idéologie développée), faut-il mieux consommer un produit de marque étrangère fabriqué en France ou préférer un produit de marque française fabriqué à l’étranger ? 2.2.2. Le stéréotype : l’exemple de Renault En propagande politique, cette technique utilise les préjugés et les stéréotypes de l'auditoire pour le pousser à rejeter l'objet de la campagne de propagande. En publicité, et dans le cas suivant c’est l’inverse, Renault incite à revendiquer et exprimer avec fierté notre appartenance, notre culture de Français à travers une campagne publicitaire intitulée « Renault French Touch » même si cela est apporté par une autodérision assumée. « La propagande contribue à déterminer les stéréotypes qu'elle exploite en retour ». Le rapprochement de la propagande et du stéréotype peut établir un rapport de production, la propagande fabrique et nourrit alors les stéréotypes d'une population. L’utilisation du stéréotype est récurrents en publicité car ils schématisent une catégorie de la population (âge, origine, orientation sexuelle, sexe ? etc.), ils renforcent les préjugés qui peuvent contribuer à une normalisation. C’est cette habitude, cet effet cumulatif et répétitif, qui nous font intérioriser des croyances limitantes dont on peut faire le constat avec les clichés sur le Français avec son béret, sa baguette de pain, son fromage, etc. Ici à travers sa campagne sur la French touch composée de plusieurs spots publicitaire, Renault exploite différents stéréotypes issus de la culture française. J’ai sélectionné trois spots qui s’attaquent aux stéréotypes suivants : La complexité de la langue française. On y voit un petit garçon sur un vieux pupitre en bois avec un tableau noir qui rappelle les belles années industrielles de Renault. On aborde ici le sentiment de la nostalgie faisant référence aux 30 glorieuses. Cet enfant échange avec un homme qui nous présente la voiture et qui ne cesse de faire le lien entre la complexité de la langue française et la voiture présentée. « Oui notre langue est riche un peu comme les équipements de Renault Capture ».

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Le cinéma français est intellectuel. Une fois encore, les codes d’un autre temps sont repris, avec la diffusion d’un vieux film français précédé d’un décompte avant le début du film, une voix correspondant à veille enregistrement qui émet une longue tirade assez complexe. Là encore, on fait référence à une autre époque. « C’est vrai on aime bien réfléchir, tenez Renault clio limited bien pensé ce design ». L’élégance à la française : l’individu qui présente la voiture se retrouve dans un décor qui peut faire penser à celui d’un film, il plonge ensuite dans une piscine et en ressort sec et élégant habillé en costume. On peut y voir une référence au film « la piscine » de 1969 avec Alain Delon comme acteur principal, icône d’élégance de l’époque. L’homme déclare « le monde admire ce je ne sais quoi d’élégance à la française, comme Renault clio et son design ». Pour chacune de ces publicités, l’individu principal annonce le stéréotype qui peut parfois être vu comme négatif, mais il en fait ressortir l'aspect positif. Ici, complexité devient richesse, intellectuel devient bien pensé etc. On remarque que les champs lexicaux sont plurivoques et peuvent être associés aux différents stéréotypes comme à la voiture. Le parallèle entre les deux est à chaque fois présent pour énoncer les atouts des différents modèles de voitures. 2.2.3. Égéries, succès français : l’exemple de Renault L’utilisation d’une égérie ou d’une célébrité dans la publicité est très souvent utilisée. C’est un outil d’accroche et de notoriété qui va attirer l’attention. Certaines enquêtes confirment l’efficacité des égéries sur les performances commerciales des marques. Cette méthode combine deux logiques, la logique d’altérité : le fait que l’égérie soit un idéal lointain auquel les individus aspirent et la logique de similitude : le fait que le consommateur se sente proche de la star (de par sa notoriété, sa personnalité, la consommation des mêmes produits, etc.). Les individus développent avec les égéries une relation fascinée au modèle, accessible et lointain, inimitable et humain. Si l’égérie doit faire rêver, il est indispensable qu’elle ne soit pas pour autant déconnectée des consommateurs. Renault à choisit pour deux spots publicitaires, toujours dans sa campagne « la French Touch », deux athlètes, Teddy Riner, judoka et Tony Parker, basketteur. Dans le secteur du sport, il s’agit pour le consommateur de s’identifier à un athlète, parce qu’il aime sa personnalité, qu’il aime son sport et ses valeurs, tout en attribuant à cette célébrité des capacités hors normes qui font rêver. Grâce à cette double caractéristique mais également par le transfert d’un capital sympathie, l’athlète devient le porteur d’un message convainquant quel que soit le secteur de consommation. Images, propagande et TIC


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Dans ce spot les stars sont présentées comme étant sympathique mais également « farceur », « taquin » avec l’homme qui présente la voiture. Ils ont été choisis car ils représentent l’excellence dans leurs domaines respectifs. Ils sont un modèle de réussite « qui font la fierté des Français ». C’est ici le sentiment que veut faire naître cette publicité un sentiment de fierté d’être Français. L’égérie devient une marque dotée d’une personnalité, de l’autre la marque se dote d’une image. Les deux personnalités doivent être en adéquation, mais il est essentiel de ne pas baser sa stratégie uniquement sur une relation de cause à effet : « J’aime l’égérie donc je vais aimer la marque ». Si cette corrélation peut exister, elle n’a, néanmoins, que peu de valeur sur une longue durée.

3. Étude de terrain analyse : l’évolution publicitaire Après cette étude théorique sur les diverses méthodes de propagande et stratégies marketing utilisées pour promouvoir le patriotisme économique, il me paraissait intéressant d’observer et d’analyser comment se phénomène a évolué par le biais de la publicité à travers le temps. Après quelques recherches sur l’apparition de la « publicité commerciale », j’ai défini ma période d’analyse, de 1870, âge d’or de l’affiche publicitaire, à nos jours.

3.1. Le citoyen français et sa relation à la publicité Avant d’observer et d’analyser les méthodes de propagande qui pouvaient être utilisées par le passé, il paraît important de faire une mise en contexte pour comprendre comment la publicité est accueillie par la société française. Au XIXe siècle la publicité a très mauvaise réputation en France. Elle est désignée couramment par le mot « réclame », un terme péjoratif qui sous-entend un tissu d’affirmations trompeuses. En effet, elle est souvent considérée comme une arme des charlatans, dont l’usage abusif pour la vente de médicaments miracles, provoque un effet répulsif. On observe également un dénigrement de la publicité par de nombreux groupes sociaux tels que le clergé, les médecins, les industriels ainsi que les voyageurs de commerce. Les pharmaciens et médecins dénoncent une pratique immorale qui met en danger la santé de leurs clients et les confortables marges bénéficiaires réalisées sur leurs préparations. La gauche, socialiste ou radicale, dénonce les méfaits de la publicité au nom de la morale, qui n’est qu’un instrument du capitalisme. Ce rejet peut aussi s’expliquer par une imprégnation culturelle de notre société de tradition catholique qui a nourri la méfiance, une discrétion honteuse, à l’égard de l’argent. Au regard des valeurs catholiques la publicité permet à un grand nombre de ses utilisateurs, comme les marchands, de gagner de l’argent de façon malhonnête, et elle Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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provoque une tentation pour des besoins qui répondent uniquement à des valeurs matérielles. En 1892, le scandale de Panamà participe, lui aussi, à la méfiance qui imprègne l’ensemble de la société. Il faudra attendre les années 1930 pour observer un véritable changement, dû en grande partie au rapprochement entre l’art et l’affiche. L’association de ces deux milieux a permis de purifier les messages publicitaires, leur contenu mercantile est devenu acceptable et la publicité devient honorable ou du moins recevable. Cette valorisation de la publicité par l’affichage a permis de conquérir les milieux populaires, mais c’est avec les Trente Glorieuses que la France est entrée dans l’âge publicitaire.

3.2. La publicité et sa relation avec le patriotisme Il a fallu construire le sentiment national, « dans les premières décennies de la IIIe République (née au traumatisme de la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine), la publicité contribue à populariser les symboles républicains dans l’imaginaire collectif et met largement à contribution les héros positifs de l’histoire de France. L’école gratuite, laïque et obligatoire, propose aux élèves des modèles et prône l’unité du pays, le patriotisme et une certaine morale républicaine [...] ». Pour participer à cela, la publicité ne va pas se contenter de simplement recycler l’histoire pour assurer la promotion des produits de consommation, son propre discours va largement être conditionné par les aléas des événements historiques. « De 1870 à 1913, l’affiche commerciale illustrée va connaître son âge d’or et investir les murs alors que les villes se développent et que les grands magasins apparaissent. » Pour faire écho avec les souvenirs d’écoles, se sont donc des figures qui rassemblent, des personnalités célèbres, que l’on va utiliser. On réinvente l’histoire avec des scènes stéréotypées. En effet, cela permet au passant de retrouver des souvenirs familiers, des éléments rassurants, et le fait de détourner de façon humoristique certaines personnalités (politique, le plus souvent), attire l’attention, fait rire et facilite la mémorisation.

3.2.1. Personnages emblématiques de l’histoire de France Qu’ils soient réels ou fictifs, certaines personnalités inspirent les publicitaires. Ils utilisent l’image de ses figures patriotiques qui permettent d’intéresser et de fédérer le public.

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3.2.1.1. Le personnage mythique Sous la IIIe et IVe Républiques, le mythe fondateur est très utilisé dans les affiches publicitaires. C’est pourquoi on retrouve des personnages qui ont participé à l’histoire de la nation comme Charlemagne, Henri IV, Louis XIV, Napoléon, ou encore Jeanne d’Arc. Pour illustrer ce propos nous allons prendre l’exemple de Vercingétorix, symbole du héros défiant César. « Dans l’imaginaire collectif, le mythe de « nos ancêtres les Gaulois », qui postule le sentiment d’une France éternelle surmontant toutes les fractures politiques - les révolutions - et militaires - les désastres - d’une histoire tourmentée. » Ils ont une image de guerrier fort et courageux et offrent l’avantage de célébrer une France sans Dieu, ni roi. Dans une affiche pour la marque de cigarettes « Gauloise » de 1947, Vercingétorix, symbole du guerrier victorieux, fait écho avec l’actualité de la France qui sort tout juste de la Seconde Guerre mondiale. L’effet contre-plongée et son aspect de statue de bronze renforcent l’idée de puissance et accentue sa supériorité. Le slogan « le goût français est le goût de la victoire » permet au produit de s’imposer face au goût des tabacs anglais ou américains, plus doux. Enfin, par son choix de couleurs, fond rouge, paquet de tabac bleu et fumée blanche, Max Ponty fait clairement passer un message patriotique. 3.2.1.2. La personnalité politique Sous l’impulsion de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, on va voir apparaître de nombreuses caricatures des présidents de la IIIe République dans les affiches commerciales (Un phénomène qui disparaîtra peu à peu durant l’entre-deux-guerres dû au traumatisme de la Première Guerre mondiale, qui n'entraîne pas un climat adapté pour rire d’une actualité politique dominée par la crise économique. On aspire à l’oubli des gloires passées pour s’immerger dans le présent, ce qui laissera place à de nouveaux héros issus de la société civile : sportifs, vedettes de music-hall ou de cinéma.). La caricature à l’égard des puissants doit donc séduire et L’humour est un bon moyen d’attirer l’attention comme précédemment. Les présidents sont gentiment ridiculisés et représentation. Les personnages ne sont jamais nommés ce qui passant d’appartenir à une élite.

provoquer l’adhésion. nous l’avons évoqué réduits à un rôle de donne le sentiment au

Celui qui fut le plus caricaturé, pour sa rondeur, ses cheveux argentés et sa barbe blanche, est sans doute le Président Armand Fallières. On le voit ici sur cette affiche Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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pour le cirage crème de la marque papillon noir, présenté en pantoufles, chaussettes remontées et arborant le cordon rouge de la Légion d’honneur. Il semble vouloir s'asseoir sur le tabouret de l’histoire, mais la seule marque qu’il laisse est celle du papillon, emblème du produit, imprimé sur son postérieur. Ces caricatures ont participé à le rendre populaire auprès de la petite bourgeoisie, qui apprécie sa simplicité et sa bonhomie. 3.2.1.3. Le personnage symbole “La monarchie ou l’empire s’incarne dans un homme en chair et en os, il est donc facile d’en représenter concrètement l’idée, mais la République est une abstraction qu’il est indispensable de personnifier par une allégorie.” . Ici Marianne joue ce rôle et incarne les valeurs de la République et de la nation. Au départ « déesse » de la liberté, sa représentation évolue à travers l’histoire, tantôt déesse grave et intemporelle lorsque la République doit encore affirmer sa puissance, lorsqu’elle brandit le drapeau de la révolution elle devient alors une mère protectrice et généreuse symbole de la révolution. À la fin du XIXe siècle on la retrouve par exemple dans une affiche publicitaire qui la présente comme une jeune femme sage portant une robe avec des fleurs de lys et des aigles impériales pour montrer son intérêt à l’ensemble de l’histoire de France et pas seulement à la rupture révolutionnaire. En effet, il est encore trop tôt pour présenter une Marianne harpie, symbole de la Révolution française qui rappelle des souvenirs encore douloureux.

3.2.2. Les faits historiques Quelques exemples de faits historiques qui ont marqué la publicité. 3.2.2.1. La Révolution française Comme pour la représentation de Marianne, la Révolution française n’a pas pu inspirer les publicitaires avant la fin du XIXe siècle. On souhaitait plutôt oublier cette période sanglante de l’histoire. Il faudra attendre les célébrations du centenaire de la Révolution pour que les images de la Bastille, des sans-culottes, etc. deviennent folkloriques et que les publicitaires les utilisent pour persuader les potentiels acheteurs d’avoir l’audace de leurs ancêtres de 1789. C’est clairement le message que transmet l’affiche de J. Madelin qui nous invite à l’audace en prenant un billet de loterie. Les sans-culottes portent le traditionnel costume Images, propagande et TIC


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avec le bonnet phrygien, signe qui a traversé les régimes et perdu toute sa dimension partisane et polémique, pour devenir un symbole de la République et de liberté. 3.2.2.2. La période coloniale Entre 1900 et 1940, c’est une autre partie de l’histoire de France qui inspira grandement les affichistes, il s’agit de la période coloniale. L’Empire colonial français qui s’étend surtout sous la IIIe République et sous l’impulsion de Jules Ferry va permettre la conquête de nouveaux territoires notamment en Afrique noire ou en Indochine. Avec celle-ci le pays s’offre une nouvelle grandeur mais aussi de nouveaux débouchés économiques. Elle permet également de compenser la blessure d’orgueil de la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace et de la Lorraine. C’est aussi l’occasion de s’investir d’une mission civilisatrice de son modèle occidental que la République pense comme étant supérieur. Mais c’est surtout la banalisation d’un racisme ordinaire que l’on peut retrouver dans la célèbre affiche Banania. Cette réclame nous montre un soldat (tirailleurs) Africains de la Première Guerre mondiale qui prend une pause pour son goûter, son fusil posé sur l’herbe. L’homme esquisse un sourire démesuré et semble apprécier ce moment agréable à manger le produit qui se nomme Banania. Le nom du produit et le paysage évoquent l’exotisme, comme une solution pour nous rendre heureux et s’évader du contexte actuel : la guerre. Cette publicité encourage le commerce des produits de colonies françaises qui sont bons pour le moral et servent à nourrir les soldats et à participer à l'effort de guerre. Le sourire du soldat se veut être le reflet d’une colonisation heureuse et fructueuse. Toutefois cette tête hilare du personnage révèle une caricature qui véhicule tous les clichés d’un colonialisme empreint de paternalisme sur le mythe du bon sauvage, éternel grand enfant mais aussi soldat courageux, dévoué à ses officiers blancs. Autre exemple de l’utilisation de cette conquête coloniale avec l’affiche Kola qui, cette fois-ci, met en scène les nouveaux héros du grand public : les explorateurs. Cette publicité pour le vin de noix de Kola, nous propose une boisson qui redonne force à des explorateurs épuisés. La mention « unique importateur » fait apparaître ici la suprématie de la France face aux autres colonisateurs.

3.3. De l’effacement progressif du roman national à un retour en force du patriotisme À partir de 1945 on observe un effacement progressif du roman national. Différentes causes possibles peuvent expliquer ce phénomène.

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Tout d'abord la surutilisation des héros nationaux par le régime de Vichy (19401944) lors de la révolution nationale. Le fait d’abuser de la fête nationale de Jeanne d’Arc avec ce parallèle entre la pucelle d’Orléans et le vainqueur de Verdun à put provoquer un effet de saturation de la part du grand public de ce genre de promotion. À partir des années 1950, l’arrivée de la France dans une paix retrouvée, et la période des Trente Glorieuse qui induit une société de consommation « heureuse » n’incite pas à se retourner vers le passé. La fin des colonies et la construction d’une union européenne souhaitant « oublier » ou du moins guérir d’un passé tragique y contribuent également. Autre cause qui peut expliquer cette disparition du roman national, c’est la sacralisation du pouvoir exécutif de la Ve République qui ne favorise pas le détournement en dérision des dirigeants que l’on a pu connaître au début du XXe siècle (exemple de l’affiche qui reprend l’image de l’ancien Chef d’état François Mitterrand). La crise de mai 68 qui renverse par le mépris et l’ironie les idoles de la société de consommation bouleverse également les codes de la publicité. Enfin, les artistes qui créent les affiches rejettent les figures patriotiques. On proposera alors d’autres voies pour la promotion commerciale et on relèvera donc peu d’images en lien avec l’histoire de France. C’est seulement à partir de 1990 que l’on perçoit un retour des figures nationales dans la publicité. Celui-ci est dû au retour en force du fait national à l’échelle européenne sous l’effet de la crise économique et de la place grandissante de la mémoire caractérisée par l’augmentation des commémorations. Mais peu à peu ces personnages historiques, qui faisaient vendre à la «Belle Époque», vont être supplantés par les vedettes du sport ou du spectacle, comme évoqué précédemment. On observe également le retour du détournement avec humour des personnalités politiques. Nous pouvons prendre l’exemple de la campagne réalisée pour les 20 ans de l’émission des « Guignols de l’info » sur Canal +. Elle présente des personnalités connues du public sur le thème « j’irais pas », accompagné d’un tic de langage caractéristique de chacun. Le « Ah bon » de Roselyne Bachelot, le « Maman » de Jacques Chirac ou encore le « je me retire de la vie politique » de Lionel Jospin.

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4. Conclusion Malgré des débuts difficiles, la publicité a finalement réussi à s’imposer auprès de la société, notamment avec l’apparition des affiches créées par des artistes. On voit alors apparaître des figures patriotiques auxquelles on attribue les valeurs de la nation. Ces héros de l’histoire rappellent des souvenirs d’école et sont un moyen efficace pour attirer l’attention. L’histoire du pays nous montre que l’utilisation du discours patriotique dépend grandement du contexte économique. Il semble que lorsque le pays est en situation de crise, ce discours accroît, à l’inverse, en période de forte croissance économique, ces arguments sont moins présents, voire délaissés. Le discours politique est également à prendre en compte, car il joue un rôle essentiel dans la stratégie des entreprises. Cellesci doivent alors s’adapter à leur environnement pour séduire le consommateur, c’est pourquoi on observe, depuis quelques années, un retour en force du discours patriotique. Cependant, ce discours a évolué, les figures historiques ont laissé leur place à des célébrités, sportifs, acteurs, etc., qui représentent une certaine réussite à la française et qui inspirent le public. Les entreprises ont également dû développer et utiliser des techniques de propagande et de marketing qui s'appuient principalement sur l’image de qualité des produits/services français, mais aussi sur le sentiment d’appartenance à la nation qui pousse au soutien de l’économie du pays.

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5. Bibliographie BERNAYS Edward, Propaganda, Broché, 2007 ELLUL Jacques, Propagandes, Broché, 1990 MARTIN Marc, Histoire de la publicité en France, Broché, 3 novembre 2012 CHEVREL Claudine et CORNET Béatrice, L'histoire de France racontée par la publicité, Relié, 1er Février 2013 DEBANNE J-P, L'Histoire de France illustré par la publicité, France Empire, 1987 CHEVALIER Michel et DUBOIS Pierre Louis, Les 100 mots du marketing, Que sais-je ?, 2009 Cours de Monsieur Christian CURTENELLE, “Propoagande”, année universitaire 2015-2016, Université Rennes 2, Département Communication Communiqué de presse de l'exposition Histoire de France raconté par la publicité du 30 janvier au 27 avril 2013 : http://sabf.fr/expo/ancien/2013/2013011.pdf http://www.comescommunication.com/files/newsletter/Communication&Influence_Septembre_2012_PU F_Bruno_Racouchot.pdf Le Monde.fr : http://www.lemonde.fr/election-presidentielle2012/article/2011/12/13/les-candidats-se-disputent-le-made-infrance_1617779_1471069.html#V1qeZ7G3b8B0Fosx.99 http://rue89.nouvelobs.com/blog/vivelapub/2014/10/15/made-france-la-nouvelletendance-publicitaire-233618 http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/politique-etenjeux/competitivite/marque-france/rapport-marque-france-2013-06-28.pdf Philippe Larroque , Alexandre Debouté - Mis à jour le 09/01/2013 à 18:22 - Publié le 09/01/2013 à 13:55 - Le publicitaire Lentschener chargé de la « Marque France » http://www.lefigaro.fr/medias/2013/01/09/20004-20130109ARTFIG00444-lepublicitaire-lentschener-charge-de-la-marque-france.php http://rue89.nouvelobs.com/blog/vivelapub/2014/10/15/made-france-la-nouvelletendance-publicitaire-233618

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http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/09/09/20002-20150909ARTFIG00348-70-desfrancais-prets-a-payer-plus-cher-pour-du-made-in-france.php Le Figaro Publié le 09/09/2015 à 19:33 http://www.influencia.net/fr/actualites/in,etudes,made-france-top-forme,4159.html http://www.offremedia.com/voir-article/le-made-in-france-vu-dailleurs-analyse-parclm-bbdo-/newsletter_id=165792/ http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/09/09/20002-20150909ARTFIG00348-70-desfrancais-prets-a-payer-plus-cher-pour-du-made-in-france.php http://www.definitions-marketing.com/definition/storytelling/ http://fr.louisvuitton.com/fra-fr/homepage http://www.20minutes.fr/monde/1570251-20150324-made-in-china-bruxelles-metgarde-contre-produits-dangereux http://www.influencia.net/fr/actualites/in,etudes,made-france-top-forme,4159.html http://culturecuisine-lemag.com/data/pdf/745.pdf Les 100 mots du marketing - Michel Chevalier Pierre Louis Dubois - Que sais-je ? le romantisme : https://www.youtube.com/watch?v=6jnx9dEYTHE la langue française : https://www.youtube.com/watch?v=DkGCMVwuPKc le cinéma : https://www.youtube.com/watch?v=ArsTjbTZ5ek l’élégance : https://www.youtube.com/watch?v=M2GA26tX35M http://www.prejuges-stereotypes.net/espaceDocumentaire/Rouquette.pdf http://www.genrimages.org/media/pdf/Exercice-Stereotypes-IntroductionGenrimages.pdf http://celebrites-marques-publicites.kazeo.com/ http://www.womenology.fr/reflexions/pourquoi-les-marques-ont-elles-besoin-degeriespublicitaires/ http://marianne-republicaine.over-blog.com/pages/L_Histoire_de_Marianne842249.html http://celebrites-marques-publicites.kazeo.com/ Liens publicités Renault French Touch : Le romantisme : https://www.youtube.com/watch?v=6jnx9dEYTHE La langue française : https://www.youtube.com/watch?v=DkGCMVwuPKc Le cinéma : https://www.youtube.com/watch?v=ArsTjbTZ5ek L’élégance : https://www.youtube.com/watch?v=M2GA26tX35M Teddy Riner : https://www.youtube.com/watch?v=wYld_gATxdI Tony Parker : https://www.youtube.com/watch?v=5Cbc4B6HIUI

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6. Annexes Annexe 1 : Analyse et commentaire de la vidéo publicitaire Toyota Yaris http://www.culturepub.fr/videos/toyota-yaris-made-in-france/ Publicité « Toyota Yaris : Made in France » Agence : Saatchi & Saatchi + Duke (France) Production : Wanda Réalisateur : Wilfrid BRIMO Ce spot publicitaire est une vidéo de 45 secondes pour promouvoir la «Toyota Yaris : Made in France ». Cette publicité nous montre dès la première image des écrans de contrôle, suivit d’une succession rapide d’images de machine de production, on comprend alors que l’on est dans une usine et que l’on suit le processus d’une chaîne de fabrication. Cette cadence montre la rapidité de production. Il y a une alternance entre l’homme et la machine qui montre que l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre. Ce système induit l’idée que la marque contribue à l’emploi en France. Le choix du cadrage très rapproché, que ce soit sur les mains des hommes ou sur les machines, met en évidence la précision et la minutie du travail qui induit une notion de sécurité. Il s’agit également d’un zoom sur la technique que l’on nous montre comme maîtrisée. L’omniprésence de la couleur argenté évoque une fois encore l’univers de l’usine. La prédominance de la matière métallique évoque la solidité du produit, mais également de la marque. Les notions de respects et de sécurité du travail pour l’homme ne sont pas oubliées. On aperçoit un homme qui relève son casque pour vérifier que la soudure sur laquelle il travaillait est bien réalisée ; notion de contrôle permanent. Le Masque est un signe du respect des conditions de travail avec une sécurité assurée du salarié. La courte scène avec la machine à café, qui suppose des pauses, met également en avant la prise en compte du bien-être du salarié. Pendant cette scène on voit un gobelet avec le symbole du recyclage qui suggère la notion du respect de l’environnement. Une fois le bouton de la machine à café pressé, on peut lire le message suivant : « attendre en préparation »,

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on peut y voir une double lecture avec l’attente du café qui se prépare mais également l’attente du produit (la voiture) qui est bientôt terminé. Effectivement, la publicité enchaîne ensuite sur des gros plans de voitures entièrement montées. Des ouvriers claquent les portes et le coffre des voitures, qui raisonnent tel un bruit lourd, afin de vérifier leurs conformités, ce qui met en avant leurs robustesses et leurs fiabilités afin de rassurer le futur consommateur. Les voitures présentées sont soit bleu, blanche ou rouge, elles évoquent le drapeau tricolore français. L’ensemble des bruits que l’on perçoit dans l’usine commencent à former une mélodie que l’on reconnaît d’après nos connaissances encyclopédique, il s’agit de la marseillaise, hymne national de la France ; La chaîne de fabrication de la Toyota Yaris nous chante La Marseillaise. Puis un bouton est déclenché, il active les hauts parleurs situés dans l’usine qui lancent, cette fois-ci, une véritable musique qui joue les notes de l’hymne. Les voitures brillantes sortent alors de la chaîne de production avec une voix off qui déclare : « La Toyota Yaris, c’est la voiture la plus produite en France ».

Annexe 2 : Affiche pour le tabac marque Gauloise - réalisé par Max Ponty - 1947

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Annexe 3 : Affiche pour le cirage crème de la marque Papillon noir - réalisé par F.Lochard - 1907

Annexe 4 : Affiche pour une éditon de « l’Histoire de France » - réalisé par Eugène Grasse - 1893

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Annexe 5 : Affiche pour la loterie nationale - réalisé par J Madelin - 1955

Annexe 6 : Affiche pour Banania - réalisé par Andreis - 1915

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Annexe 7 : Affiche pour Kola - Anonyme- vers 1900

Annexe 8 : Affiche qui met en scène François Mitterand - TGV - réalisé par Mingam/SIPA et DR. Menscom - septembre 2011

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Annexe 9 : Affiches pour les 20 ans des Guignols - Canal+ - réalisé par SIP, BETC, AFP

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Thème 4 : Associations Problématique :

De quelle manière le patriotisme (re)surgi-t’-il au sein des projets associatifs des ONG françaises et du Secours populaire en particulier ? Quentin BITARD-FEILDEL Département Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE

RÉSUMÉ. Ce dossier sur les associations citoyennes françaises se questionne sur la manière dont le patriotisme (re)surgi au sein des projets associatifs et autres campagnes de communication des ONG françaises et du Secours populaire en particulier. La première partie théorique, est consacrée au fonctionnement général et les spécificités qui englobent le monde associatif en France, dans un second temps nous observons par quels moyens les associations humanitaires sont promues, le dernier axe est attribué à l'analyse du Secours populaire. La partie dédiée à l'enquête de terrain, par l'analyse d'éléments autour du projet associatif des 70 ans du Secours populaire, explique le processus de sensibilisation des citoyens, bénévoles et adhérents autour du discours associatif et son action globale. MOTS-CLÉS : ONG, humanitaire, empathie, TIC, discours associatif, devoir de mémoire, propagande, patriotisme, association, projet associatif, bénévolat, don, citoyenneté, sensibilisation, notoriété, visibilité, réseaux sociaux, médias de masse

2015-16, pages 78 à 113


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Plan Introduction 1. Fonctionnement et spécificités du monde associatif en France 1.1. Histoire et définition(s) des associations 1.2. Originalités françaises autour de l'associatif 1.3. Le bénévolat en France 2. La promotion de l'association humanitaire 2.1. Définition de l'humanitaire 2.2. Secteur humanitaire dans le monde associatif 2.3. Promouvoir l'association humanitaire 2.4. La notion de don 3. Le cas du Secours populaire français 3.1. Naissance et évolution du SPF 3.2. Identité et principes fondamentaux du SPF 3.3. Communication du SPF 3.4. Le projet associatif 4. Conclusion théorique 5. Enquête de terrain 5.1. Retour introductif 5.2. Méthodologie de l'enquête 5.3. Présentation de l'enquête 5.4. Analyse de l'enquête 6. Conclusion 7. Bibliographie 8. Annexes

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Introduction L'association apparaît comme la forme d'action collective la plus pratique et la plus facile à mettre en œuvre. Les associations constituent un espace de liberté. Par la volonté de ses fondateurs, la force de ses adhérents. Les associations se situent dans un espace de sociabilité en marge du système marchand. Elles sont une illustration de la volonté des citoyens de ne pas laisser au pouvoir politique le monopole de la représentation des intérêts. Dans cette première ébauche et avant l'enquête de terrain nous allons observer Nous ferons un constat sur l'associatif en France, ce qu'il représente, comment est- il né et comment fait- il pour perdurer dans notre société, plus de cent ans après la loi qui lui a permis d'exister. Dans un second temps nous prendrons la peine d'observer les raisons qui font du secteur de l'humanitaire le secteur le plus sollicité par les bénévoles, et comment celui-ci fait-il pour se démarquer des associations concurrentes et enfin nous ferons une brève analyse de l'association du Secours populaire français, de son parcours et son utilisation des technologies de l'information et de la communication pour promouvoir son action aux yeux des différents publics quelle doit atteindre, avant d'entrer dans une analyse plus techniques de ces outils et de leurs effets sur les citoyens et personnes qui composent l'association.

1. Fonctionnement et spécificités du monde associatif en France Le monde associatif, de par sa complexité et les secteurs divers qu'il touche est très complexe à analyser. Peu d'études montrent avec des certitudes les chiffres exacts qui le caractérisent mais elles tentent au mieux d'y répondre. 1.1. Historique et définitions des associations Une association est un regroupement d'au moins deux personnes qui décident de mettre en commun des moyens afin d'exercer une activité dont le but n'est pas leur enrichissement personnel ; c'est pourquoi on parle aussi d'association à but non lucratif (ou association loi 1901 en France). Son caractère désintéressé interdit la distribution d'un bénéfice aux associés mais il n'implique pas que l'activité soit déficitaire ; un bénéfice peut servir à développer l'activité. L'association de fait existait bien avant la reconnaissance juridique des associations. La liberté d'association est reconnue comme un droit fondamental depuis 1948. Une association regroupe plusieurs personnes qui ont décidé de s'unir pour coopérer en vue d'apporter une solution à un problème ou de répondre à un besoin. C'est sur une base volontaire que des individus décident de fonder une association. Comme le soulignent Jean-Louis Laville et Renaud Sainsaulieu, «deux buts s'interpénètrent dans l'idée associative : celui de coopérer volontairement et librement, celui de créer une solution à un problème précis». La loi dite « loi Le Chapelier » qui date de 1791 Images, propagande et TIC


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interdisait toutes formes d'associations et de coopératives. Elle ne sera abrogée qu'en 1866. Pour le sociologue Erhard Friedberg, l'action collective ou organisée « n'est pas un exercice gratuit. C'est toujours une coalition d'hommes contre la nature, face à des problèmes matériels pour la solution desquels ils sont obligés ou ont décidé de coopérer ». L'association est donc un construit social, au même titre que toute organisation. Elle est « un contexte d'action dans lequel se jouent et se gèrent des rapports de coopération, d'échanges et de conflits entre des acteurs aux intérêts divergents ». Pour Alexis de Tocqueville (1805-1859), la liberté d'association est un des fondements des sociétés démocratiques. Qui dit coopérer dit agir ensemble. L'idée de coopération renvoie donc à celle d'action organisée ou collective. Le XXème siècle, inauguré par l'adoption de la loi 1901, constitue une période de construction progressive d'un État-providence d'un côté et d'expansion remarquable des associations de solidarité de l'autre ; il se trouve encadré par deux périodes charnières : la fin du XIXème et le début du XXIème où l'on peut observer à la fois une certaine similitude dans les questions débattues et une opposition dans les orientations envisagées. Face à la méfiance de l’État, la liberté d'association n'a été reconnue qu'en 1901. Elle n'a la force d'un principe constitutionnel susceptible d'être imposé au législateur que depuis 1971. La loi du 1er juillet 1901 qui est, encore aujourd’hui, la charte fondamentale des associations réglemente strictement leur capacité juridique. 1.2. Originalités françaises autour de l'associatif (Annexe 1) Le développement des associations s'est accéléré depuis une trentaine d'années. Face à la croissance de la puissance de l’État, elles manifestent une vitalité accrue, assumant les préoccupations des citoyens. Aujourd'hui, l'État prend en considération cette montée en puissance des associations et les fait participer à son action. Les associations, gouvernées sur un mode démocratique, ont pour objectif premier de satisfaire l’objet social défini par leurs adhérents. Contrairement aux entreprises capitalistes, leur objectif n’est pas la recherche du profit, elles défendent l’intérêt général. Si l’on revient sur les fondements de cette notion d’intérêt général, on se rend compte que l’attachement des Français à leurs associations – et donc la légitimité de ces dernières – trouve ses racines de manière encore plus profonde dans notre culture. Le modèle associatif français est un mixte de modèles européens d'associations de membres, d'associations gestionnaires et/ou caritatives. Le financement public s'institutionnalise de plus en plus dans le cadre de conventions entre associations et Pouvoirs publics. Qu'en est-il des autres États européens ? Quelles sont les principales configurations des autres États membres en matière de financement? Quels sont les modèles existants? Les financements publics représentent la moitié des budgets associatifs aujourd’hui. L’analyse des évolutions intervenues depuis 2000, et qui se confirment pour la période Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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plus récente, montre que les financements publics en direction du secteur associatif ont continué d’augmenter en volume, les collectivités locales – et en particulier les conseils départementaux compensant la baisse des financements de l’État. Dans les six dernières années, ce sont les seuls conseils départementaux qui ont porté le financement public, les autres collectivités voient baisser leur poids dans le financement global du secteur associatif. Le développement du secteur associatif, qui s’est poursuivi malgré la crise jusqu’en 2010 a été porté par le financement privé, en particulier par la participation des usagers au service rendu. Pour les anglo-saxons l’intérêt général est avant tout la somme des intérêts particuliers – à l’image de la main invisible d’Adam Smith – au contraire des Français. Il les dépasse à l’image du contrat social de Rousseau. Ainsi, la poursuite de l’intérêt général n’a de sens et donc de légitimité chez nous qu’organisée collectivement alors que l’action individuelle est fortement valorisée dans le monde anglo-saxon. Pour certains États comme la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, les données et les études existent, pour d’autres, comme la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie, la Lettonie, le Portugal, etc., il existe très peu d’informations disponibles. Des données existent, mais elles sont rarement homogènes. Par exemple, ce que nous appelons en France « association » est dénommée «non governmental organisation» en Europe de l’Est ou encore «voluntary and community organisation» dans le modèle anglo-saxon. Cela vaut aussi pour le concept d’«économie sociale et solidaire» que l’on retrouve imparfaitement dans le « voluntary sector» ou «third sector». En Suède, on parle plutôt de «popular movements». Chaque État, chaque territoire peut inclure dans des catégories aux intitulés similaires des réalités différentes. Néanmoins, on observe un début de comparaison internationale autour des structures associatives et de l’économie sociale qui témoigne de l’existence d’une économie non lucrative dans tous les pays du monde.

1.3. Le bénévolat en France (Annexe 2) Le bénévolat est une des caractéristiques majeures pour différencier l'association des entreprises. Par l'implication des bénévoles, l'association peut remplir des missions essentielles. Au sein des associations, les bénévoles font vivre les valeurs du don de soi et d'ouverture vers d'autres cultures. Malgré les évolutions des formes de bénévolat celui-ci reste lié à la notion de don de soi et de gratuité : « est bénévole toute personne qui s'engage librement pour mener une action non salariée en direction d'autrui, en dehors de son temps professionnel et familial » (avis du Conseil Économique et Social du 24 février 1993). Dans une perspective qui tend à s'éloigner des obligations d'inspiration religieuse, les bénévoles d'aujourd'hui recherchent avant tout la satisfaction personnelle et le plaisir dans le don : ils sont au cœur du lien social. Les associations doivent gérer les ressources bénévoles avec la rigueur et l'efficacité que l'on retrouve Images, propagande et TIC


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dans certaines entreprises pour assurer leur développement. Cette gestion est primordiale car elle s'inscrit dans un climat de concurrence entre les occasions de faire don de soi. Il existe, parallèlement au bénévolat inspiré de culture religieuse, deux types de bénévolat : un bénévolat d'inspiration laïque (tel qu'on le rencontre aujourd'hui au sein du Secours populaire français) et un militantisme revendicatif (présent chez les Enfants de Don Quichotte). Le développement de motivations individuelles est un fait essentiel. Ces « nouveaux bénévoles » utilisent les valeurs de l'association pour se réaliser au sein de la société. Être bénévole devient alors un moyen de s'épanouir et de donner du sens à sa vie. Les individus utilisent l'action bénévole comme un support d'investissement personnel qui leur permet de recréer du lien social au sein d'activités non marchandes. Les motivations se structurent globalement sur trois axes :    

1) apporter ses connaissances à une cause d'intérêt général ; 2) donner du sens à sa vie ; 3) avoir une activité en équipe ; mais aussi : renforcer leurs connaissances, pallier des insatisfactions rencontrées dans leur vie professionnelle, rencontrer des personnes intéressantes et d'horizons divers, se sentir utile, conserver une vie sociale, transmettre des savoir-faire.

Il semble aujourd'hui moins tabou et plus légitime de trouver une gratification pour soi-même dans l'engagement associatif. Selon Jacques Malet (président de Recherche et Solidarité) ; « nous sommes ainsi passés d'un bénévolat-sacrifice à un bénévolatépanouissement ». Pour l'association, il est nécessaire de mettre en œuvre un processus qui intègre la définition et la communication des besoins, le recrutement, l'intégration, la gestion et la fidélisation des bénévoles, autant de problématiques et d'enjeux pour les associations que de ressources. Les besoins en bénévoles doit être avant tout communiqué en interne. L'association doit mettre en œuvre une stratégie de communication pour permettre un bon recrutement et recevoir une mobilisation des bénévoles via ;   

l'utilisation optimisée du site Internet, des réseaux sociaux, le bon développement des relations avec la presse locale ; travailler en concertation avec les mairies ou les collectivités publiques ; savoir utiliser les médias de masse.

2. La promotion de l'association humanitaire Pour arriver à ses fins, l'association doit se transformer en un organisme structuré pour lui permettre de ne rien laisser échapper et d'avoir un contrôle le plus total possible. Certaines associations délaissent la figure de participation pour s'engager directement dans l'action en parallèle à l'administration. C'est le cas en particulier d'associations spécialisées dans l'action humanitaire ou dans l'économie sociale qui ont Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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connu récemment des développements importants. Un des dangers est celui de la récupération. On a pu montrer en effet que les associations de l'économie sociale étaient attirées sur une longue durée historique soit par le pôle privé soit par l’État. 2.1. Définition de l'humanitaire L'aide humanitaire peut prendre diverses formes : don d'argent, envoi de marchandises et équipements de première nécessité, envoi de personnel faisant des interventions sur place, renforcements des acteurs locaux. Cette aide peut provenir de diverses sources ; les États et collectivités publiques, les organisations internationales publiques (ONU, Bureau de la coordination des affaires humanitaires, l'Union Européenne), les entreprises, les associations (laïques ou confessionnelles) et les ONG (souvent des associations) humanitaires (ou caritatives). Ce sont ces dernières qui nous intéresseront pour l'élaboration de cette partie. Elles sont financées soit sur fonds propres (cotisations des membres, dons, opérations diverses...), soit par des subventions des municipalités, des gouvernements, des organisations internationales ou tout autre organisme qui souhaite soutenir l'action de ces ONG ou lui confier certaines tâches. Les ONG fonctionnent le plus souvent avec du personnel bénévole, mais elles peuvent employer du personnel rétribué. Pour le sociologue Alain Accardo, «l'essor sans précédent des associations humanitaires doit sa vigueur au fait que le malaise moral des classes moyennes s'est considérablement accentué avec le reflux des espérances révolutionnaires et l'abandon du projet politique de transformation des rapports sociaux». 2.2. Secteur de l'humanitaire dans le monde associatif (Annexe 1) La réforme du dispositif humanitaire français en cours (création récente du Centre de Crise, renforcement prochain du rôle de l'Agence française de développement) permettra une structuration des moyens, des hommes et des idées pour une meilleure efficacité face aux situations de crise et post-crise. Le rôle de l’État dans l'humanitaire doit être mieux défini. De nombreuses ONG questionnent la légitimité d'un « humanitaire d’État ». Pour certains l'action humanitaire est et doit rester une question de société civile, l’État ayant des intérêts géostratégiques ou économiques. Mais ce sont à ces États que l'on doit les textes du Droit international humanitaire sur lesquels se base l'aide internationale et qui rappellent le fait que l'individu, en toutes circonstances – y compris au milieu des guerres et face à la folie des hommes - , a droit au respect de sa dignité et de son intégrité physique et corporelle. Signataire des Conventions de Genève, l’État a ainsi une responsabilité primordiale de respecter et faire respecter ces droits. L'humanitaire ne peut constituer une politique, n'étant pas son rôle et au risque de masquer les véritables enjeux politico-diplomatiques de gestion des crises. Le côté Images, propagande et TIC


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médiatique et visible de l'aide en général ne devrait pas occulter les véritables enjeux situés en amont. Il faut se méfier de l’instrumentalisation de l’humanitaire par le politique. Les négociations politiques, les opérations de maintien de la paix, les problématiques de sortie de crise – sort des réfugiés, accès à la terre pour les déplacés, intégration urbaine de certains quartiers, etc. – ont aussi tous leurs « résonances humanitaires ». Dans un monde où les catastrophes naturelles et l’instabilité politique se multiplient, faisant toujours plus de victimes, il y a urgence à élaborer, au-delà des restructurations institutionnelles et des multiples réformes des dispositifs de gestion des crises et en concertation avec les ONG, une vision nouvelle, une stratégie de l’aide humanitaire française. 2.3. Promouvoir l'association humanitaire (Annexe 3) Le «Charity-business» est une expression anglaise essentiellement usitée en France. Elle désigne les pratiques de financement des œuvres caritatives, ainsi que leur mercantilisation. Le «Charity-business» recouvre l'ensemble des pratiques nouvelles de financement, de gestion, de communication des organisations non gouvernementales (ONG). Les organisations sont en concurrence entre elles pour trouver ces contributions, car le « marché » de l'humanitaire est prometteur. Bernard Kouchner affirmait en 1986, que «la charité est devenue un produit de consommation de masse». Gérard Mordillat écrit en 2012: «La charité se vend d’abord elle-même et c’est en cela qu’elle lève un nuage de fumée devant le réel. Cyniquement, à bon compte, elle permet à peu de frais de se grandir aux yeux des autres et à ses propres yeux sans jamais toucher aux causes de sa nécessité.» Cela est souvent considéré comme une "mercantilisation" des ONG (les ONG "techniques", plus orientées sur le développement, visent plutôt par leurs techniques de communication les bailleurs de fonds internationaux lorsque les ONG "humanitaires" jouent plutôt sur la sensibilité des donneurs privés). Dès lors quels sont les outils déployés par les associations humanitaires qui jouissent d'une forte notoriété sur un plan local, national ou international ? Les associations doivent se faire connaître et apprécier auprès d'un public varié. Pour se faire connaître auprès de ces cibles et gagner leur confiance, elles utilisent différentes techniques de communication. Brochures, plaquettes de présentation, journaux, rapports d'activité sont des documents nécessaires pour les ONG qui souhaitent se faire connaître auprès des entreprises potentiellement partenaires, des pouvoirs publics, des donateurs, des adhérents, des bénévoles ou des journalistes. Ils reflètent l'image de l'association, il est nécessaire de les soigner. Il faut développer un argumentaire dans l'idée de convaincre

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le lecteur de la légitimité et de la crédibilité de l'association. Les images restent toutefois plus efficaces que les mots pour montrer, prouver et susciter des émotions. Internet est devenu un outil de communication incontournable. C'est aujourd'hui un support qu'il est nécessaire d'intégrer dans la palette d'outils que l'association doit utiliser pour communiquer auprès de ses publics. Les objectifs du site internet sont variés ; informer les donateurs, les adhérents, les journalistes, les entreprises partenaires, les pouvoirs publics ou les simples curieux sur l'association et ses activités, ses événements, ses missions, l'utilisation de ses ressources financières, ses membres et ses résultats. Le site web est porteur de l'image de l'association, il est donc important de soigner sa présentation et son contenu, il est la vitrine de l'association. Les réseaux sociaux, outils d'échanges et de partage disponibles sur le web 2.0, représentent également une opportunité pour les structures associatives. L'utilisation des médias sociaux offre à l'association des opportunités pour toucher et attirer le public de manière interactive. La différence avec d'autres outils de communication est que le récepteur est actif face aux messages diffusés. Pour se faire connaître et véhiculer une image, certaines associations diffusent des publicités via les médias de masse. Leur sollicitation par les associations qui communiquent sur le plan national et/ou international est justifié par le désir d'améliorer leur notoriété, leur image et de se démarquer des associations concurrentes. Il s'agira alors de se différentier pour mieux toucher. Le budget global alloué par les associations à la communication dépend de leur taille, de la cible à atteindre et du territoire géographique à couvrir. Les associations qui font appel à la générosité du public sont parmi celles qui communiquent le plus dans les médias de masse car il est nécessaire pour elle de se faire connaître auprès des particuliers pour récolter des fonds. 2.4. La notion de don (Annexe 4) La collecte de dons est régie par une législation, selon l'article 200 du code général des impôts, les associations, pouvant émettre des reçus fiscaux sont : « les œuvres ou organisme d'intérêt général qui représentent un caractère : philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, environnemental, qui ne fonctionnent pas au profit d'un cercle restreint de personnes, n'exercent pas d'activité lucrative et ont une gestion désintéressé ». Les grandes causes sociales travaillent beaucoup sur les émotions négatives pour susciter du don. Par le biais des images télévisées ou au travers de moyens de collecte hors-média, le donateur potentiel est exposé à des messages générant des émotions négatives (peur, tristesse, pitié, compassion, culpabilité). Nombreux sont les chercheurs qui ont travaillé sur l'influence des réactions affectives négatives en persuasion publicitaire et sur le don. Ces recherches montrent que l'utilisation des émotions Images, propagande et TIC


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négatives est efficace pour déclencher le comportement de don lorsque les éléments suivants sont présents ; présence d'une cause ayant une portée importante, présentation de solutions efficaces, sensation que le donateur potentiel peut agir sur la cause au travers de son don. La culpabilité fonctionne lorsque :    

le message culpabilisant est jugé crédible (Cotte, Coulter et Moore, 2005) ; le message insiste sur la responsabilité sociale du futur donateur (Basil, Ridgway et Basil, 2006) ; le montant du don demandé est faible : plus on demande au donateur potentiel de faire un faible effort monétaire, plus il se sent coupable de ne pas le faire et plus il accepte de donner (Basil, Ridgway et Basil, 2008) ; les individus n'ont pas le sentiment qu'on tente de les manipuler au travers de l'utilisation de la culpabilité (Richardson et Chapman, 2005). La culpabilité est utile sur les populations peu critiques vis à vis des outils de collecte de fonds.

Il existe deux grandes motivations au don. Une volonté de réciprocité vis-à-vis de l'association qui a aidé le donateur à un moment donné de sa vie. Une réaction à une émotion forte. Le don permet également d'augmenter son image de soi, à la fois à cause du geste sans contrepartie et du fait qu'il montre qu'on n'a pas besoin de cet argent. L'acte de don est donc source de plaisir (Sargeant, Ford et West, 2006). Certains donnent également pour avoir la sensation d'appartenir à un groupe ou par motif communautaire. Les freins aux dons reposent essentiellement sur le manque d'argent et de confiance dans l'organisation qui sollicite le don. Il faudra par le biais de l'association rassurer le donateur sur son sérieux et sur l'utilisation des fonds par le lien social et par la publication des comptes de l'association dans son journal et sur son site internet. Le courrier est le moyen de collecte le plus important : 80% des dons proviennent de cette sollicitation mais il peut aussi se manifester par le bulletin de don, l'enveloppe de retour, la collecte via internet, via les campagnes, le crowdfunding, la collecte via les réseaux sociaux, le téléphone, le street marketing, les manifestations télévisées, ce sont les outils généralement utilisés pour la collecte de don. 3. Le cas du Secours populaire français Depuis sa création en 1945, le Secours populaire vient en aide aux populations victimes de la précarité, de la pauvreté, des catastrophes naturelles et des conflits en France et sur tous les continents. Nous verrons dans cette dernière partie comment et par quels moyens cette ONG française a évolué pour aujourd'hui être parmi les plus grandes associations françaises. Quelles ont été les stratégies mises en œuvre pour lui permettre son développement et assurer sa pérennisation ?

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3.1. Naissance et évolution du Secours populaire français Héritier de courants d'entraide français et européens, le Secours populaire a évolué avec le temps. Il est devenu un acteur social majeur indépendant de tout gouvernement, de tout parti politique, de tout syndicat. Il est régulièrement soutenu par des artistes et des personnalités de tous horizons. Son orientation, ses règles de conduite, son langage se sont renouvelés avec l'affirmation de rassembler des gens de cœur quels que soient leurs engagements, leurs inspirations politiques, philosophiques ou religieuses, sans aucune distinction de race, de sexe, d'âge ou de niveau social. L'objectif est de pratiquer une solidarité populaire agissant sur les conséquences des drames vécus par des personnes, individuellement ou collectivement, sans se prononcer sur les causes de ceux-ci. Il devient au fil des ans l’une des principales associations françaises luttant contre la précarité et l’exclusion. Le Secours populaire français héritier du Secours Rouge de 1923 s’est lui développé pour devenir l’une des plus grandes associations humanitaires françaises... Pourquoi cette quasi exception dans le paysage politique et social ? Quelles ont été les mutations nécessaires ? Puisant ses origines à la branche française du Secours Rouge international, le Secours populaire français est recréé en 1945 et reste alors l'organisation de masse communiste, ce n'est qu'au milieu des années 1950 que l'association entame un changement identitaire pour devenir, au fil des Trente Glorieuses, l'organisation humanitaire actuelle. Julien Laupêtre (actuel président du SPF) fut envoyé au Secours par le Parti Communiste, il fut un des artisans essentiels de son renouveau. A son arrivée en février 1954, il s’interroge sur la disparition des actions sociales. Son assise dans l’association, liée au nouveau contexte d’ouverture politique, permet une reprise puis une systématisation de l’aide aux sinistrés, aux personnes démunies, aux enfants et aux handicapés. L’association ne répond plus aux directives du PCF, c’est « le parti qui reprend les thèmes lancés par son organisation de masse ». Aujourd’hui le Secours populaire regroupe plus de 75 000 bénévoles actifs et des centaines de milliers de donateurs réguliers ou occasionnels. L’association reconnue d’utilité publique en 1985 a su développer le champ de son action de solidarité nationale et internationale. Le Secours populaire a su évoluer en restant fidèle aux valeurs fondatrices qui sont les siennes. 3.2. Identité et principes fondamentaux du Secours populaire français Grâce à des personnes de tous les milieux, de tous âges et de toutes convictions, à la richesse de leur diversité, le Secours populaire français a pris une place originale parmi les associations de solidarité.

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Le Secours populaire français innove en favorisant la sortie de l'assistanat par le bénévolat et en centrant son action sur des permanences, qui, approvisionnées par des magasins régionaux, tiennent lieux de libre - services alimentaires et vestimentaires, de bibliothèques et d'organismes de vacances. Protéger sa liberté d’intervention implique de s’en donner les moyens. De nombreuses initiatives permettent de collecter ses fonds propres auprès de particuliers. Des partenaires publics et privés, fondations, collectivités locales et territoriales soutiennent divers projets. Toute personne, en tant que membre de la société est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité. Les valeurs qui déterminent les missions et le fonctionnement de l’organisation du Secours populaire, pour servir au mieux la solidarité sont ;     

le respect de la dignité de chacun(e), sans préjugés ; le refus d’accepter la pauvreté, la précarité et l’exclusion comme une fatalité ; la conception d’une solidarité partenaire, opposée à l’assistanat ; l’éducation populaire, qui permet de se reconstruire ; l’ouverture au monde au côté d’associations ancrées localement.

3.3. Communication du Secours populaire français (Annexe 5) Depuis 2014 le Secours populaire a reçu le soutien de cent "ambassadeurs de la solidarité". Ce sont des artistes, des sportifs et des personnalités du monde du spectacle ou des médias ; tous mettent leur image au service des actions du Secours populaire. Les années 1980 voient naître un bimestriel qui dépassera les deux cent cinquante mille exemplaires ; «Convergence» et un logo, signé par les graphistes du groupe Grapus. Le logo en tant qu'image est un élément primordial dans le contexte concurrentiel de l'associatif en France, l'association s'en servira ainsi pour se différencier et s'affirmer dans un paysage d'images et de représentations également en augmentation. Un logo représente l'identité visuelle de l'association. Il permet une reconnaissance de la structure (lors de l'apparition de l'association dans les médias et sur les affiches publicitaires), l'affirmation de ses valeurs et de sa personnalité par l'intermédiaire de ses formes, de ses couleurs et de ses symboles. Il évoque l'activité de la structure et ainsi doit se démarquer de l'identité visuelle des associations « concurrentes » (il peut évoluer dans le temps si on constate un vieillissement de l'image de l'association, un manque de modernité du visuel ou du slogan). Différents éléments composent un logo : nom de l'association, couleurs, symbole (élément graphique) et typographie. Ils doivent être choisis avec soin pour aller dans le sens de ce que l'association souhaite faire passer comme message. Le logo est utile pour la cohérence et l'homogénéité de l'ensemble des supports de communications utilisés par l'association. Les éléments du logo doivent être repris sur tous les supports (site Internet, prospectus, newsletter, cartes de visite, carte de vœux, rapport d'activité, etc.) pour assurer l'homogénéité des outils de communication. Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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Le logo incarne l'éthique du Secours populaire : «La main ailée identifie le Secours populaire français. Elle prête main-forte à celui, celle, qui perd l’équilibre sous les assauts répétés de la pauvreté. Elle invite à se rejoindre dans une pratique solidaire en mouvement. Une main ouverte qui symbolise la confiance et la réciprocité». Tout en représentant les valeurs de la France par le biais des couleurs bleue, blanc et rouge du drapeau français. Le Secours populaire français utilise également un site internet comme levier de mobilisation des individus, et des dons, c'est aussi un moyen de créer du lien, des échanges, de susciter des débats et des questions entre les internautes, les adhérents, bénévoles et salariés. L'important est de nourrir le site et de ne pas donner une image figée de l'association et de risquer que les internautes ne reviennent pas. L'utilisation des médias sociaux par le SPF (Facebook, Twitter, YouTube principalement) permet un dialogue et un échange entre l'association et ses membres, de faire circuler leur message via leurs internautes (par les recommandations), de valoriser leurs bénévoles, d'informer rapidement, de recueillir les opinions des internautes sur une action de l'association ou un point de l'actualité, de mobiliser, garder le contact avec des anciens adhérents et bénévoles et d'avoir une relation plus personnalisée avec ses membres. Au Secours populaire, l'usage des médias durant les Trente Glorieuses est fortement volontariste, avec à partir de 1969 l'idée d’« utiliser toutes les formes de publicité possibles », certaines anciennes et éprouvées, relevant de techniques et d'usages non innovants (affiches, tracts, ...), d'autres plus originales, reprises du monde marchand (achat d'encarts dans la presse locale, régionale et nationale, et de passages sur les grandes antennes de radio). Changeant progressivement son image, ces campagnes permettent au Secours populaire d’accéder, à partir du début des années 1970, à une plus large médiatisation. La crise économique et sociale, à partir du début des années 1980, accélère la médiatisation des associations de solidarité. Le Secours populaire accompagne le mouvement, créant en 1979 la « Journée des oubliés des vacances », gigantesque rassemblement en fin d'été sur une même plage d'enfants n'ayant pu connaître le plaisir des vacances, le plus souvent sous l'égide d'un parrain médiatique ; parfaitement adaptée à cette période médiatiquement creuse, l'opération assure tous les ans à l'association des passages au journal télévisé et reportages dans la presse. L'un des principaux changements des années 1990 est, pour les associations de solidarité, la formidable diversification des usages de l'ordinateur. Celui-ci apparaît tardivement au regard du monde de l'entreprise : ce n'est qu'entre 1987 et 1990 que l'ensemble des sièges d'Emmaüs et du Secours populaire s'informatisent au niveau comptable. Ses usages évoluent, avec des impacts particulièrement notables au niveau des pratiques de collecte et, en conséquence, de communication.

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Au fil de leur croissance d'une part, et de la densification du champ d'autre part, les associations de solidarité apparaissent de plus en plus en mesure, et de plus en plus contraintes, de recourir aux techniques au service de la cause. Pour autant, la plupart de ces usages et de ces techniques apparaissent non innovants, les associations ne faisant souvent que reprendre des outils déjà connus (radio, journal, puis télévision et Internet, ordinateur) et éprouvés par le monde de l'entreprise. Principalement mises au service de la collecte et de la communication, ces techniques changent profondément les pratiques militantes. Elles permettent de tenter de repersonnaliser, des modes de contact de proximité avec les militants et les donateurs. Elles participent aussi à la professionnalisation des sièges associatifs et à la montée des logiques de rentabilité des messages, contraignant à des compromis avec l'identité militante. 3.4. Le projet associatif Le projet est toujours à la base de la création d'une association. Construire son projet associatif, c'est ; définir le but que se fixe l'association (quel objectif ? Pourquoi ? Pour qui ?) et les moyens (comment ? Avec qui ? Avec quoi ? À quel prix ? Au nom de qui?). Il est défini comme l'ensemble des actions visant à structurer l'activité et à développer l'influence d'une association. C'est le projet de développement d'une association. Le projet associatif réunit l'ensemble des actions que l'association va mettre en œuvre. Il est le témoignage que l'association réfléchit sur son action et son futur. C'est un de ces nombreux outils internes de management et de communication. Il se déroule en quatre temps : un état des lieux de la situation de l'association, la détermination de ses objectifs, les moyens à mettre en œuvre, les critères d'évaluation de ses actions. Le diagnostic, ou audit permet de faire un état des lieux de ce qui existe. Il sert à connaître les points forts et les points faibles de l'association ; ses capacités d'autofinancement, le nombre de membres et catégories (classes d'âges, sexe), personnel et bénévoles, caractéristiques démographiques et économiques du territoire de l'action, les secteurs de développement potentiels. Il est possible de procéder par étapes. Il faut faire des choix et se poser la question des moyens (augmenter le nombre de membres en réalisant des opérations de communication, améliorer l'accueil et la qualité de l'encadrement). La détermination des moyens est à faire en parallèle aux objectifs choisis (former les bénévoles, axer les actions de l'association en direction d'une catégorie de membres). Ces actions devront faire l'objet d'un budget prévisionnel. Il conviendra d'évaluer les actions menées en augmentant les réunions, en faisant un bilan des actions sur un temps donné.

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4. Conclusion théorique La propagande, aujourd'hui comme hier, est étroitement liée à l'Image. Elle trouve aujourd'hui, dans notre "civilisation de l'image", une résonance particulière et une facilité déconcertante. Une image est immédiatement lisible avec ses sens multiples. Son interprétation est variable selon ses contextes d'observation. La promotion de l'association est délicate parce qu'elle cherche à informer (objet de la réclame) mais aussi à susciter des émotions chez les bénévoles pour le recrutement par exemple et chez les donateurs pour faire prendre conscience. Pour Roland Barthes, "L'image est re-présentation, c'est-à-dire en définitive résurrection." Si l'homme a besoin d'images pour se représenter le réel, l'image n'en est pas moins qu'un effet du réel. La propagande cherche à altérer l'opinion publique en faveur des intérêts propres de ceux qui l'élabore. Elle vise à modifier les actions, les comportements, les croyances et les espérances de la cible visée. Faire admettre, insidieusement, à une population donnée, autre chose que ce que leur propre raison, leur propre entendement pourrait percevoir naturellement. En s'immiscent dans notre quotidien au travers de différent message, en utilisant divers moyens pour parvenir à ces fins (les médias notamment), elle a pour objectif de : nous ramener à sa vision, nous fédérer, nous rallier à ses représentations. Il est délicat de parler de propagande au sein des associations, notamment humanitaires, puisque celles-ci n'ont pas d’intentions commerciales, mais pour accroître leur chance d'exister et de se développer elles doivent utiliser les images et ce qu'elles représentent au yeux des citoyens en espérant un comportement en direction de l'association, caractérisé par des dons, l'intérêt général et l'attention des citoyens qui la compose. Elles reprennent ainsi certains usages connus dans les entreprises. L'enquête de terrain, prévue au second semestre nous permettra de porter une analyse plus technique et moins théorique sur les outils utilisés à travers le(s) projet(s) associatif(s) du Secours populaire français, de leur(s) conceptualisation à leur(s) finalisation. 5. Enquête de terrain 5.1. Retour introductif L'humanitaire est devenu un fait social majeur, largement médiatisé et fortement mobilisateur dans les nouvelles formes d’engagement. Il propose, au-delà de l’empathie, des modes d’action concrets, rapides et accessibles allant du simple don à l’engagement associatif sur le long terme. Les figures et organisations humanitaires ont Images, propagande et TIC


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contribué à dépasser le concept de nation et à envisager des principes et des actions qui leur étaient supérieurs. La mobilisation de la population est primordiale et passe par un processus de médiatisation : soulever l’émotion et mobiliser les médias. L’humanitaire a besoin des opinions publiques pour opérer, son histoire rejoint en cela celle des médias et des cultures de masse. L’usage de l’image, de la photographie à la télévision, relève de la vigilance historienne, comme avec les nombreux clichés pris par les autorités militaires en temps de guerre. Le discours humanitaire est un reflet de sa pratique, il est devenu un enjeu majeur et stratégique au cœur du dispositif humanitaire. Il est le lien entre l’interaction des acteurs du dispositif entre eux, mais aussi avec la société civile. Le dispositif humanitaire a considérablement évolué ces quarante dernières années, la gestion du discours s’est proportionnellement renforcée en s’institutionnalisant. Les organisations non gouvernementales sont les figures ambassadrices de la morale c'est pourquoi :      

le respect de la dignité, le refus d’accepter la pauvreté, combattre la précarité et l’exclusion, la conception d’une solidarité partenaire, opposée à l’assistanat, l’éducation populaire qui permet de se reconstruire, et l’ouverture au monde sont les valeurs qui déterminent les missions et le fonctionnement des associations citoyennes, dédiées à la pratique de la solidarité.

Le rôle essentiel du Secours populaire français et des associations humanitaires en général est de sensibiliser l'opinion par le biais de campagnes d'information. Les actions, si elles sont appréciées par l'opinion, rapproche l'organisation des différents médias pour lesquels elle devient une source d'information et un partenaire institutionnel. Les ONG sont connues par plus de 80% des Français qui leur témoignent confiance. Considérées comme des acteurs essentiels de l'espace public, les associations caritatives comme Greenpeace, la Croix Rouge, Médecins sans Frontières, le Secours Catholique, les Restos du Cœur, le Secours populaire, Amnesty International, SOS racisme, la Ligue des Droits de l'Homme sont connus par plus de 80% des Français et de très nombreuses autres ONG et associations ont des taux de notoriété supérieurs à 50%. 5.2. Méthodologie de l'enquête Comme nous l'avons mentionné dans la partie théorique du dossier, le projet associatif ou la campagne de communication consiste en un résultat d'une réflexion collective sur ce que souhaitent réaliser les membres de l'association et sur la manière dont ils veulent le faire, prenant en compte la situation actuelle de leur structure. Il permet de donner du sens à ses actions en formalisant la raison d'agir au sein de l'association, de faire le point sur celle-ci, d'avoir une ligne directrice commune à l'ensemble des acteurs (bénévoles, salariés et adhérents), de présenter et communiquer

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sur l'association. L'essentiel est qu'il traduise ce pourquoi les personnes agissent ensemble, il est donc important de partager cette démarche avec l'ensemble des acteurs impliqués dans les activités de l'association. Il réunit l'ensemble des actions que l'association va mettre en œuvre. Le projet associatif est le témoignage que l'association réfléchit sur son action et son futur. C'est un outil interne de management et de communication. Suite aux questions posées dans la partie théorique de ce dossier, nous allons dans un second temps, tenter d'apporter des réponses. Un rappel de la problématique s'impose, il s’agissait de noter de quelle manière, le patriotisme (re)surgi-t-il au sein des projets associatifs des ONG françaises et du Secours populaire en particulier ? Les valeurs du Secours populaire restent le premier critère de mobilisation des bénévoles (Cf. annexe 6). Les valeurs "patriotiques" notamment sa devise, son logo et les discours ainsi que l'histoire de son président emblématique Julien Lauprêtre en sont certains éléments qui composent le discours. Le discours humanitaire est aujourd’hui confronté à de nouveaux défis, dont celui des réseaux sociaux. Dès lors, il apparaît important de se demander dans quelle(s) mesure(s) le discours humanitaire est impacté par l’utilisation de nouveaux outils de communication digitale ? Le SPF dispose, au niveau national et local, de nombreux moyens de communication (journaux, sites Internet, etc.). Le but de cette enquête a été d'observer les moyens que se donnaient les associations humanitaires françaises pour promouvoir leurs actions et leurs valeurs (démocratiques et patriotiques) au sein des citoyens et bénévoles qui la compose. De par la multitude d'actions menées sur le territoire français par le Secours populaire à l'occasion de ses 70 ans, j'ai choisis de me focaliser sur l'analyse de plusieurs éléments constituant cette campagne ou faisant partie des actions de l'association en général et semblant relever un trait patriotique. Quatre éléments ont retenus mon attention, les affiches diffusées sur les plates formes digitales et dans l'espace public pour le 70ème anniversaire de l'association, une vidéo dans le cadre du Air Food Project pour le maintien du PEAD défendu par plusieurs ONG françaises dont le Secours populaire français, le site collaboratif crée à l'occasion de l'anniversaire de l'association ; Le Carré Solidaire et enfin une interview accordée au président de l'association Julien Lauprêtre. 5.3. Présentation de l'enquête Différents enjeux sont représentés autour de l'association ; éducation (scolarisation), santé (prévention, soins), bien-être (isolation, pauvreté-précarité), développement (programmes). L'enjeu principal du Secours populaire est de collecter, pratiquer et animer la solidarité. Les priorités du Secours populaire, à l’occasion de ses 70 ans sont ;

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d'être mieux perçu comme association généraliste de la solidarité, collecter de l’argent pour financer plus de solidarité, et accueillir des milliers de nouveaux bénévoles pour développer la solidarité.

Cet anniversaire a été l’occasion de mentionner le travail des 80 000 bénévoles qui composent l'association. 2015 fut aussi le 70ème anniversaire de la victoire sur le nazisme où les aînés titraient le programme du Conseil national de la résistance : « Des jours heureux », en cela l'association exerce son devoir de mémoire attribué à l'origine à l'Etat. « Depuis 70 ans, pour le Secours populaire français, il n’y a pas petite ni de grande solidarité », telle a été l’orientation de la campagne de communication 2015 (campagne inspirée de celle de la SNCF actuellement présente dans les grandes gares et ce depuis 2012 ; «Il n'y a pas de petites incivilités»). L’association par le biais de son anniversaire réaffirme sa raison d’être, valorise ses actions de terrain et se positionne comme « généraliste » de la solidarité. Pendant le mois de janvier 2015, ont été déployés : une campagne d’affichage et de presse avec 9 visuels, 3 spots TV, un spot radio et un dispositif digital, le « carré solidaire ». Les trois films caractérisent la dimension humaniste du Secours populaire à travers la diversité de ses actions nationales et internationales. Ces films de 20 secondes ont été tournés dans l’esprit documentaire, la caméra à l’épaule permet d’affirmer le côté vécu des situations et de conserver leur aspect authentique. Le concept du « carré solidaire » (dispositif digital) quant à lui a été de cumuler, avec les internautes, 70 années de solidarité. Le site s'est construit autour d’une mosaïque constituée de petits et de grands carrés de couleurs. Les grands définissent l’histoire du Secours populaire par des thématiques particulières et les petits correspondent à l’interaction avec les internautes. Le dispositif invitait l’internaute à donner de son temps, à faire un don ou à partager le « carré solidaire » sur les réseaux sociaux. Cette opération digitale www.carresolidaire.fr a été lancée le 9 mars, en ouverture de la semaine nationale de mobilisation des bénévoles du Secours populaire (du 9 au 15 mars). Une série de 9 affiches présente les différents thèmes d’intervention du Secours populaire. D'autres supports pour ces 70 ans ont été mis en place, tels que :    

un hors-série de Convergence, le magazine de la "solidarité", un timbre spécial, une médaille, et le DVD du film retraçant l’histoire du Secours populaire et de Julien Lauprêtre, « Pour des jours heureux ».

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Pour porter le message du Secours populaire, près de 200 ambassadeurs et des parrains médiatiquement influant ont été mobilisés. Il s’agissait de personnalités du monde culturel, scientifique, artistique, sportif, de la gastronomie, des médias, qui, pour cette occasion, ont soutenus l’association. 5.4. Analyse de l'enquête Au sein du dispositif humanitaire, le discours est une composante essentielle. «La gestion du discours est une des tâches les plus importantes dans le fonctionnement du dispositif». Philippe Juhem (Maître de conférences en science politique IEP de Strasbourg) a donné une définition du discours humanitaire, c'est : 

«l’ensemble des énoncés que les acteurs du secteur humanitaire mettent en œuvre pour décrire et justifier leur action ou appeler aux dons. En ce sens, la signification des images télévisées, la grammaire des photographies, des affiches ou des bulletins de l’association seront considérées comme appartenant au ‘discours’ des organisations humanitaires, au même titre que les entretiens accordés par leur porte-parole ou les livres qu’ils publient».

Voir documents en annexe

Affiche "Il n'y a pas de petits ni de grands bénévoles"

Vidéo Air Food Project

Site Carré Solidaire

(Annexe 8)

(Site aujourd'hui hors ligne car campagne) terminée)

(Annexe 7)

Interview Julien Lauprêtre (Annexe 9)

Contexte

70ème anniversaire du Secours populaire

Maintien du Programme européen d’aide aux plus démunis

70ème anniversaire du Secours populaire

70ème anniversaire du Secours populaire

Objectif(s) de communication

Affectif

Affectif

Conatif

Cognitif

Conatif

Affectif Conatif

Cible(s)

Bénévoles et aspirants bénévoles

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Internautes

Donateurs potentiels

Donateurs et bénévoles potentiels


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Perception recherchée

Positionnement

Justification

Accueillir Sensibiliser l’opinion Collecter plus être mieux de nouveaux publique à la nécessité d’argent pour perçu comme bénévoles du maintien du PEAD financer le association pour fonctionnement généraliste de développer de l'association la solidarité et la solidarité mobiliser les personnes pour la campagne des 70 ans de l'association L'égalité dans la pratique du bénévolat

Non à la suppression du PEAD

Promouvoir le Prôner une Carré Solidaire nouvelle sur les réseaux « résistance » sociaux par par l'action de l'action chacun pour individuelle de changer les chaque choses personne

Première L'accès à la nourriture Un geste simple Faire reculer association et combattre la faim pour faire la misère, humanitaire dans le monde avancer la transmettre le en terme de cause, un don message nombre de de temps ou hérité de bénévoles, d'argent en Missak l'enjeu est l'occurrence Manouchian de le rester pendant la 2 guerre mondiale en combattant ce qui est injuste nd

Bénéfice

Rejoindre une équipe solidaire, peu importe son statut, ses croyances,

Apporter sa contribution par la création vidéo pour défendre une grande cause

Assister de Se rendre util façon durant son immédiate aux passage sur résultats de son terre, par action n'importe quel action allant dans le sens

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et ses codes, « venez comme vous êtes » Axe de communication

Concept

Ton

Le bénévolat

du discours de l'association

Mettre en scène la Cumuler, de Présenter les faim par la reprise d'un façon collective valeurs de phénomène populaire et anonyme, 70 l'association, ans de solidarité sa ligne de conduite, par le biais de la campagne et via le prisme de l'enfant, au centre de l'action

Persuasion Réunir et sensibiliser Permettre à Parler d'une par l'imagele plus possible de chacun façon globale texte citoyens européens qui d'apporter sa des objectifs peuvent participer en contribution en et valeurs de se filmant en faisant visualisant l'association, semblant de manger et ensuite sa accueillir plus en postant leurs vidéos contribution de bénévoles, sur le Web grâce à une donateurs, jauge et à une partenaires. mosaïque Mondialiser la solidarité. Familial

Ludique

Ludique

Familial

Le discours humanitaire s’appuie essentiellement sur des mécanismes émotionnels. En effet, l’émotion occupe une place importante car l’émotion n’est pas forcément liée à des énoncés émotifs, il existe des thèmes porteurs d’émotion, comme la mort et la faim qui sont des thèmes chers à la grammaire humanitaire. Le pathos est l’un des ressorts du langage humanitaire, dans le sens aristotélicien : il est avec le logos et l’ethos l’un des trois types d’arguments dans la rhétorique d’Aristote «destinés à modifier l’attitude de l’auditoire ou encore à le persuader en faisant naître des émotions ou l’état d’esprit souhaité». Au cœur des rhétoriques émotionnelles, la place de la victime est centrale. Depuis la naissance de la stratégie victimaire dans les années 1980, le rôle de la victime dans le langage humanitaire ne cesse de croître. Le langage humanitaire a évolué, il est Images, propagande et TIC


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passé «de la représentation de la victime humanitaire à la représentation humanitaire de la victime». Il y a donc eu, en quelques décennies, une évolution de la perception de la victime dans le langage humanitaire de l’émotionnel au sensationnel. Comme nous venons de l’observer, la pratique médiatique audiovisuelle a bouleversé le discours humanitaire moderne. La première révolution du discours humanitaire se réalise par le biais de l’ère de «l’audiovisuel humanitaire». La production iconographique a construit et façonné la pensée humanitaire. À travers les nouveaux outils de communication, le pouvoir de l’image a transformé le discours humanitaire permettant aux dirigeants de renforcer le lien entre «savoir-faire» et «faire-savoir». Patrick Charaudeau (professeur en Sciences du langage à l’Université de Paris 13) note une triple spécificité de l’outil télévisuel. Tout d’abord, la visibilité puisque l’information présente alors un événement par l'association du discours et de l’image. L’image confère une crédibilité à l’information télévisuelle dans la politique de visibilité. Ensuite, il s’agit du discours explicatif. Les discours et les images sont accompagnés par une explication argumentée ; le reportage télévisuel donne une cohérence entre l’explication verbale et visuelle. Enfin, la dernière spécificité est celle des débats organisés à la télévision. Lors d’un débat sur une crise humanitaire, le rôle de témoin est laissé aux ONG. C’est ce rôle de témoin qui est une nouveauté dans la représentation humanitaire. Le témoignage apporté à l’opinion publique par les humanitaires rompt avec les règles de silence et de neutralité qui «pesaient lourdement sur le mouvement humanitaire». On peut dès lors parler d’ère de l’audiovisuel humanitaire. L’outil audiovisuel, dans sa logique d’émotion, privilégie l’image dans son instantanéité. C’est ce qui rejoint les traits caractéristiques de l’humanitaire des années 1970 à savoir l’immédiateté de l’urgence. L’évolution du discours humanitaire impulsée par l’outil audiovisuel permet une nouvelle représentation humanitaire qui révolutionne la pratique vers un humanitaire moderne. On assiste à une double révolution du discours humanitaire : l’amplification de son témoignage par l’outil audiovisuel et la stratégie de la mise en scène de la victime. Les images et les affiches du Secours populaire français restent esthétique et nuancée dans la violence de leur propos, choquer mais pas trop pour soulever l’enthousiasme des foules. Les affiches illustrées et les photographies se combinent pour porter l'information et donner un écho pour les campagnes de sensibilisation. Ce sont des moyens efficaces pour frapper l'opinion. Les affiches touchent à tous les thèmes de la mobilisation de masse prônée par le Secours populaire, et sont largement diffusées. Pour combler les carences des informations données par le texte.

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6. Conclusion «Libre ou soumis, fort de ces principes ou drapé dans sa vertu, l’humanitaire est à la croisée des chemins entre vérité de l’action et artifice médiatique, entre exigence de justice et outil de pouvoir.» Rony Brauman (ancien président de Médecins sans frontières). La question essentielle est de savoir si l’utilisation de nouveaux outils comme les réseaux sociaux peuvent modifier le discours des Organisations Non Gouvernementales. Comme dans l’information audiovisuelle, on retrouve des logiques d’émotions et d’images instantanées rapidement partagées sur les réseaux sociaux, qui rappelle l’immédiateté de l’intervention d’urgence humanitaire. Les ONG et les réseaux sociaux se dirigent-ils vers une nouvelle révolution discursive ? Les ONG se sont rendu compte de l’importance de leur présence sur ces nouveaux canaux de communication. Aujourd’hui, il n’existe plus d’ONG françaises ne possédant pas de compte sur les réseaux sociaux, sur lesquels elles déploient leur communication, en investissant de ce fait le champ de communication informel avec de potentiels bénévoles ou donateurs. Les ONG ont saisi l’importance de leur présence sur ces réseaux pour générer du trafic, de la crédibilité et améliorer leur capital sympathie. Le dispositif désormais, n’est plus basé sur l’émetteur et le récepteur mais sur le co-productif. L'objectif principal est de rester en contact et fidéliser les potentiels bénévoles ou donateurs qui utilisent ces outils digitaux. Les réseaux sociaux au départ utilisés comme simple relais du discours, nous pouvons observer des stratégies de communication conçues pour les réseaux sociaux et intégrées dans la stratégie globale de communication avec la possibilité de mesurer les taux d’engagement à travers les publications. Ces dernières années, l’utilisation des réseaux sociaux par les ONG s’est profondément institutionnalisée et professionnalisée. La majorité des grandes ONG humanitaires ont intégré dans leur service un Community Manager dont la mission est l’animation des plateformes. Cela nous amène à une réflexion sur l’utilisation de l’outil digital par les ONG. En se digitalisant, le discours humanitaire ne prend-il pas le risque de s’éloigner des donateurs, bénévoles ou adhérents en limitant sa capacité d’engagement ? Une mise en garde évoquée par Thierry Mauricet (directeur général de Première Urgence), «en se rendant plus visibles et en interagissant plus facilement avec notre audience, nous nous exposons en effet à d’éventuelles critiques et courons le risque d’écorner l’image de la structure». De nouveaux enjeux apparaissent pour les associations humanitaires dues au fait que la circulation de l'information est accélérée par l'enjeu des événements. L'exigence patriotique conditionne les comportements. Le discours patriotique est englobé dans le discours humanitaire. L'objectif est de forger un consensus et contribuer à l'adaptation de la culture nationale ; faire vivre la culture de la solidarité française. La misère et la Images, propagande et TIC


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pauvreté sont considérées comme les agresseurs. Il faut dès lors placer ses moyens au service de la nation. C'est une mission de service public, au service de l'intérêt de la patrie, un impératif patriotique en quelque sorte. Essayer de convaincre pour obtenir un soutien. Les documents analysés présentent les faits et cherchent à mobiliser les citoyens, pour interpeller l'opinion publique. L'information devient ainsi un outil de rassemblement, ce processus touche tous les médias existants. Les chiffres analysés précédemment (Cf. annexe 6-10-11) montrent un engagement profond et volontaire d'une partie des citoyens à la cause humanitaire. Par les phrases, discours et devises patriotiques émises par ces ONG, les faits et la réalité présentés ne doivent alors pas devenir un horizon indépassable face auquel on se résigne. Le récit doit être répandu dans tous les supports de l'information. « La motivation du public doit être entretenue par la description de massacres et de crimes particulièrement odieux ». Les nouveaux supports d'information contribuent à diffuser le « patriotisme » autour duquel s'établit une forme de consensus. Ils soulignent le sens du devoir. La culture de la solidarité est à la fois, comme fut la culture de guerre à une époque, "propagande" et idéologie ambiante et devient alors une cause nationale.

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7. Bibliographie D'ALMEIDA Fabrice, DELPORTE Christian, 2003, Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours, Editions Flammarion, Paris, 505 p. DEBBASCH Charles, BOURDON Jacques, 1985, Que sais-je ? Les Associations, Presse Universitaires de France, Paris, 127 p. GALLOPEL-MORVAN Karine, BIRAMBEAU Pierre, 2013, Marketing & Communication des Associations, Dunod, Paris, 258 p. HOARAU Christian, LAVILLE Jean-Louis, 2010, La gouvernance des associations : économie, sociologie, gestion, Erès, Toulouse, 297 p. LAVILLE Jean-Louis, SAINSAULIEU Renaud, 1997, Sociologie de l'association : des organisations à l'épreuve du changement social, Desclée de Brouwer, Paris, 403 p. LAVILLE Jean-Louis, 2010, Politique de l'association, Le Seuil, Paris, 354 p. SUE Roger, 2001, Renouer le lien social ; liberté, égalité, association, Odile Jacob, Paris, 254 p. TCHERNONOG Viviane, 2013, Le paysage associatif français ; mesures et évolutions, Juris, Baume-les-Dames, 272 p. Sitographie http://www.CerPhi.org http://www.cnil.fr http://www.fondationdefrance.org/Outils/Mediatheque/Etudes-de-l-Observatoire Charte du bénévolat définissant, dans leur généralité, les droits et les devoirs qui lient les bénévoles et leurs associations sur le site : http://www.francebenevolat.org/ http://www.francegenerosites.org http://www.recherches-solidarites.org Site des Restos du Cœur : http://www.restosducoeur.org/ Site du Secours populaire français : https://www.secourspopulaire.fr/

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8. Annexes Annexe 1: Le Monde associatif 1. a. Monde associatif en France Répartition des associations selon le secteur d’activité principal Action caritative et humanitaire

45,00%

Action sociale et santé

13,00%

Éducation, formation, insertion

11,00%

Sport

10,00%

Culture

7,00%

Loisirs, vie sociale

6,00%

Défenses, droits et causes

6,00%

Économie, développement local

3,00%

Sur un total d'1,3 millions d'associations actives en France. Sources : V. Tchernonog et E. Archambault, Repères sur les associations, CPCA, 2012 V.Tchernonog, Le paysage associatif français. Mesures et évolutions, Dalloz Juris Associations, à paraître en septembre 2013 1 français sur 2 adhère au moins à une association

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1. b. Monde associatif en Europe Structure des ressources du secteur associatif dans 15 États de l'Union Européenne en 1995 Financement public

Dons

Revenus d'activité

Belgique

78,00%

4,00%

18,00%

Allemagne

62,00%

2,00%

36,00%

Pays-Bas

59,00%

1,00%

40,00%

France

58,00%

8,00%

34,00%

Autriche

50,00%

3,00%

47,00%

Royaume-Uni

45,00%

10,00%

45,00%

République-Tchèque

39,00%

15,00%

46,00%

Italie

38,00%

2,00%

60,00%

Finlande

37,00%

5,00%

58,00%

Espagne

30,00%

20,00%

50,00%

Suède

24,00%

10,00%

66,00%

Hongrie

23,00%

20,00%

57,00%

Pologne

23,00%

17,00%

60,00%

Slovaquie

21,00%

23,00%

56,00%

Roumanie

20,00%

63,00%

17,00%

Source : Lionel Prouteau, Laboratoire d’économie et de management de NantesAtlantique - Université de Nantes : Bénévolat. Enquête sur la vie associative en France en 2010 : résultats préliminaires. Enquête BVA – Drees (Direction de la recherche, des

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études, de l’évaluation et des statistiques), ministères chargés des Affaires sociales et de la Santé. Annexe 2 : Bénévolat 93 millions d'Européens sont bénévoles en 2010, soit 23% des plus de 15 ans 16 millions de Français déclarent faire du bénévolat en 2010, soit 32% des Français de plus de 18 ans, contre 28% en 2002 Le volume de temps consacré au bénévolat augmente de 4% par an environ

Taux de bénévoles par tranche d'âge Parmi les 75 ans et plus

22,00%

Parmi les 65 – 74 ans

37,00%

Parmi les 55 – 64 ans

38,00%

Parmi les 45 – 54 ans

39,00%

Parmi les 35 – 44 ans

34,00%

Parmi les 25 – 34 ans

25,00%

Parmi les 18 – 24 ans

21,00%

Principaux secteurs des participations bénévoles des adhérents Sport

23,00%

Culture

15,00%

Loisirs

15,00%

Social, caritatif, santé

10,00%

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Sources : Étude Commission européenne-GHK Consulting, Volunteering in the EU, 2010 Enquête DREES-BVA-L Prouteau, Bénévolat-chiffres clés, MSJEPVA, 2011 V.Tchernonog et E. Archambault, Repères sur les associations, CPCA, 2012 M.Tabariés et B. Laouisset, Les présidents d’associations, Stat-info MSJEPVA, 2011 Secteurs qui séduisent le plus les bénévoles Actions sociales et caritatives 31% Sport 22% Les loisirs 21% La culture 19% Les actions jeunesse éducation populaire 13% Sources : France Bénévolat IFOP, 2010 « Pourquoi êtes-vous bénévoles ? » 64% ; pour la cause soutenue par l'association 64% ; pour le sentiment d'appartenir à une équipe 21% ; pour l'épanouissement personnel 14% ; pour le sentiment d'appartenir à une équipe 10% ; pour le désir d'exercer des responsabilités Source : Etudes France Bénévolat & le CerPhi publiée en 2007 83% des associations ne fonctionnent qu'avec des bénévoles

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11,3 millions de bénévoles travaillant en association Taux moyen d'engagement bénévole des Français de plus de 15 ans dans les associations ; 22,6% Source : Ifop pour France Bénévolat, 2010 Annexe 3 : Budget de communication Associations ayant leur activité à l'international et sur le territoire français ; budget communication souvent compris entre 500 000 et 1 ou 2 millions d'euros

Annexe 4 : Marché du don Marché du don en France en 2011 : 3,8 milliards d'euros (certaines associations travaillent à plus de 50% sur la base de dons de particuliers.

Annexe 5 : Comparaison des outils de communication et ses usages par le Secours Populaire et les Restos du Cœur Secours populaire français

Restos du Cœur

« Tout ce qui est humain est nôtre »

« On compte sur vous »

Logo

Devise

Campagnes majeures

« Don'actions » (janvier – mars) : « Campagne d'hiver » l'argent collecté permet d'assurer, pour (novembre-mars) partie, les frais de fonctionnement de « Concert des Enfoirés » l'association

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« Le Printemps de la internationale » (mars-avril)

solidarité (janvier)

« Vacances » (mai-août)

« Collecte (mars)

nationale »

« Pauvreté-Précarité » (octobre)

« Diffusion TV et sortie CD/DVD des Enfoirés » « Les pères Noël verts » (novembre(mars) décembre) 

Facebook ;

6231 personnes aiment leur page 

Twitter ; 3260 tweets 861 abonnements 15534 abonnés

Utilisation des médias sociaux

3571 « j'aime » Inscription en novembre 2010 571 photos et vidéos 

Youtube ;

Facebook ; 525927 personnes aiment leur page Twitter ; 4924 tweets 1708 abonnements 420020 abonnés 3417 « j'aime » Inscription octobre

en

Youtube ;

258 abonnés

623 abonnés

104324 vues

153132 vues

Inscription en février 2009

Inscription février 2011

en

Annexe 6 : Enquête Bénévoles du Secours populaire français Enquête sur les 80 000 bénévoles du Secours populaire français, de mars 2015. Les bénévoles sont le reflet de la solidarité citoyenne, c'est pourquoi il est important d'analyser les techniques et le savoir-faire du Secours populaire français dans le processus de recrutement et de sensibilisation des bénévoles. L'association attire de plus en plus de monde, il est intéressant de savoir comment ? Le Secours Populaire est la première association humanitaire en France en nombre de bénévoles (plus de 80 000). Dans le cadre de son 70ème anniversaire le SPF via un système d'enquête et de nombreux événements s'est penché pour dresser un portrait de ces hommes et femmes travaillant au sein de l'organisation. Images, propagande et TIC


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Un tiers des bénévoles du Secours populaire (37% soit près de 30.000) le sont depuis moins de 3 ans, ce qui montre la capacité d’attraction de l’association. Ainsi, depuis 10 ans, 50.000 candidats bénévoles se sont inscrits sur le site web du secours populaire, qui n’est pas le seul lieu d’accueil de ces futurs bénévoles. Et parmi ces 37%, 60 % ont moins de 34 ans : Le Secours populaire attire donc des jeunes ; Pourquoi sont-ils devenus bénévoles au Secours populaire ? Loin devant, deux réponses émergent : « ses valeurs » (64%) et « ce qui s’y fait concrètement » (52%). Dans le contexte actuel, après les événements dramatiques de ce début d’année, les interrogations sur le « vivre ensemble », cette réponse est un encouragement à ce que fut la réaction de l’association : l’urgence d’une solidarité populaire en actes ; Que font les bénévoles au Secours populaire et que souhaitent-ils y faire ? Le plus grand nombre (72%) y sont actifs tout au long de l’année et participent aux principales activités de l’association (56% à l’aide alimentaire et vestimentaire, 20 % à l’accueil des personnes aidées, 17% à la recherche de fonds et à des collectes, 16% à des activités en direction de l’enfance) ; Ils y viennent nombreux, etc., et ils y restent ! Pourquoi ? 71% sont satisfaits des missions qui leur sont confiées, 2% seulement déçus, 22% prêts à faire plus et 15% prêts à faire autre chose. Et parmi les nouveaux bénévoles depuis moins de 3 ans, 1 sur 4 est prêt à faire plus et 1 sur 5 prêt à faire autre chose ; Quand on demande aux bénévoles du Secours populaire comment ils le sont devenus, 60% répondent qu’ils le sont devenus sans avoir été sollicités loin devant la sollicitation par des amis ou parents (21%) ou par des membres du Secours populaire (22%). C’est là aussi une indication précieuse sur le potentiel qu’a le Secours populaire d’accueillir de très nombreux nouveaux bénévoles…pour peu qu’on les sollicite.

« Le questionnaire a été adressé fin janvier 2015 à 76105 adresses postales. Sur la base des 7500 premières réponses a été constitué un échantillon représentatif de 2174 questionnaires dont l’étude a été réalisée conjointement par un groupe de travail d’experts bénévoles et la société Informatique et statistiques qui interviennent dans le cadre d’un mécénat de compétences avec le Secours populaire. ». 64% des bénévoles au sein du SPF sont des femmes contre 36% d'hommes. Malgré l'évolution du profil des bénévoles la moitié de l'échantillon analysé ont entre 50 et 74 ans (50% précisément), l'enjeu est de taille pour la mobilisation des plus jeunes, l'avenir de l'association. Sur la question, comment êtes-vous devenu bénévole au SPF, il est intéressant d'observer que 22,4% ont déjà entendu beaucoup parlé du SPF. Ils sont seulement 0,8% à venir par le biais d'internet, 5,6% par les médias, 19,2% furent approchés et ce sont déplacés lors d'événements organisés par l'association. De par la diversité de ces bénévoles il est important pour le SPF d'être présent sur le maximum de médias possible

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pour toucher le plus grand nombre de personnes. Réinvestir les nouvelles technologies et leurs techniques pour de plus grandes actions, d'envergure et d'échelle supérieure. Pas seulement pour le recrutement et la mobilisation mais aussi pour des missions (par exemple cartographier des villes pour une meilleure distribution des ressources par exemple). Annexe 7 : Affiche publicitaire pour les 70 ans du Secours populaire français

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Annexe 8 : Vidéo Air Food Project : https://www.youtube.com/watch?v=Z4i-34r9urs Cette campagne en ligne, relayée sur les réseaux sociaux, vise à sensibiliser l’opinion publique à la nécessité du maintien du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), après l’échéance de 2013. Face à l’incertitude de l’avenir du PEAD, la Croix rouge française, le Secours populaire français, la Fédération française des banques alimentaires et les Restos du Cœur ont mis en place une pétition en ligne sur le site The Air Food project, « pour dire oui à la reconduction de l’aide alimentaire européenne ». The Airfood Project est un mouvement apparu à l'échelle européenne en 2012, après les menaces de l’arrêt du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) qui permet alors à 18 millions d'Européens de se nourrir. Le mouvement s'inspire du Air Guitar (faire semblant de jouer de la guitare), mais cette fois-ci il s'agit de faire semblant de manger. Le but est de réunir et sensibiliser le plus possible de citoyens européens qui peuvent participer en se filmant en faisant semblant de manger et en postant leurs vidéos sur le Web. Dénonçant ainsi la disparition de la PEAD. Annexe 9 : Discours Julien Lauprêtre : 70 https://www.youtube.com/watch?v=74EiOURvnVc

ans

de

Secours

populaire

Annexe 10 : Eléments ressortis du livre Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours de Fabrice d'Almeida et Christian Delporte L'humanitaire, un métier de communication

"Les mouvements associatifs français sont gagnés par le vertige de la communication. Les puissantes campagnes d'appel à la générosité publique prouvent leur efficacité et forgent une pratique sociale du don inédite. L'une des premières mobilisations de masse est provoquée par la guerre du Biafra (1967), marquée par une terrible famine. L'élan français et international est alors hâté par la vision d'images de reportage et l'appel à la générosité individuelle. Dès cette époque, les associations caritatives comptent sur le soutien matériel des gens de médias pour assurer la promotion de leur cause. Là réside une des caractéristiques essentielles de la communication humanitaire. Elle suppose que les moyens soient réservés au traitement des catastrophes collectives. Dès lors, l'appel au bénévolat se situe à toutes les étapes de la chaîne médiatique ou publicitaire." (p.326) "Pour les ONG, communiquer reste impératif pour recruter de nouveaux sympathisants et recueillir des dons. Mais les modalités ont évolué. Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, à l'instar des grandes entreprises par Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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correspondance (comme La Redoute ou les Trois Suisses), elles ont privilégié le "direct mail". Le taux de réponse se tassant (de 3% à 1%), s'est imposé le "dialogue direct", fondé par l'interpellation dans la rue. Cependant, devant la lourdeur de l'opération, les associations ont eu de plus en plus souvent recours à la sous-traitance auprès d'entreprises de marketing spécialisées, attirées par ce nouveau marché. La commercialisation de la communication et le mode de rémunération de ces entreprises soulignent toutes les limites éthiques du militantisme humanitaire, contraint de s'adapter aux réalités sociologiques du monde contemporain." (p.328) "Le panorama de la communication a ainsi connu, en moins de quarante ans, une véritable explosion. Nulle institution ne semble aujourd'hui l'ignorer, qu'elle soit nationale, territoriale (ex : régions) ou locale (ex : municipalités). S'est instauré un nouveau type de lien amplement fondé sur le visuel et l'interractivité. La nouveauté ne réside pas dans cette manière forcenée de vouloir donner une forme lisible à des relations. Elle tient au fait que la finalité même de la démarche consiste à se montrer, ou, si l'on préfère, à être vu. Cet aspect formel engendre à son tour un changement de position par rapport aux instruments de communication. Un paradoxe apparaît, aussi : les médias issus de la communication sont parfois mieux informés que les médias généralistes, mais ont pour fin d'agir sur les consciences. Les supports de communication ne risquent-ils pas d'influencer l'information et de faciliter toutes les formes de manipulation ? Ne remettent-ils pas en cause la situation des journalistes et leur rapport avec le public ? Inversement, doit-on nier les effets positifs des stratégies de communication ? L'information peut-elle encore être une valeur souveraine ? Autant de questions qui gagnent une acuité nouvelle au moment où, avec les systèmes de connexion universelle, est engagée une mutation médiatique majeure". (p.329) Annexe 11 : Brodiez Axelle, Dumons Bruno, «Éditorial : Faire l'histoire de l'humanitaire.», Le Mouvement Social 2/2009 (n°227), p.3-8 « Les «50 ans et plus» sont près de 28% à occuper les réseaux sociaux contre 22% pour les 15-24 ans. La simple évocation de ces trois chiffres marque l’enjeu du discours humanitaire sur les réseaux sociaux, car parmi 79% d’internautes qui possèdent un compte sur un réseau social, il y figure certainement des donateurs, des bénévoles, des adhérents, des cibles classiques de la communication humanitaire. Contrairement à d’autres organisations, les ONG se défendent plus que bien, car 65% des internautes ont confiance dans les associations de solidarité internationale contre 24% ont confiance dans les médias. On peut donc penser que le lien direct entre l’ONG et son public, sans interface médiatique, est un avantage pour l’acteur humanitaire. L’étude montre également très clairement que les ONG bénéficient d’une forte visibilité sur les réseaux sociaux, car «21% des internautes français déclarent suivre les

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publications ou actualités d’au moins une ONG ou association humanitaire sur les réseaux sociaux». S’agissant du comportement et de l’utilisation que le socionaute fait de l’ONG sur un réseau social, la majorité (64%) visualise une vidéo, et 51% transfèrent la publication à d’autres contacts. Cela donne une idée nette du contenu le plus apprécié par les socionautes. Sur la teneur de ce contenu, «37% des socionautes déclarent avoir déjà̀ renoncé à partager un contenu publié par une ONG parce qu’ils avaient peur de choquer leurs contacts» (18). La vidéo ou la photo partagée ne peut donc être la même que celles utilisées sur d’autres supports de communication externe. Sur la stratégie globale de présence des ONG sur les réseaux sociaux, pédagogie, information et transparence sont les principales attentes des socionautes qui précisent d’ailleurs vouloir pouvoir suivre en temps réel les actions menées sur le terrain (39%) et voir le détail d’utilisation des dons par l’ONG (68%). L’utilisation marketing à des fins de collecte de dons sur les réseaux sociaux semble, d’après cette étude, très limitée, car seulement «11% attendent de l’ONG de proposer de nouveaux formats de dons pour financer des actions (ventes aux enchères, mises en place de parrainages)» (19). La part des socionautes qui vise et suit le compte d’une ONG et qui effectue un don se limite à seulement 17%. La présence des ONG sur les réseaux sociaux ne peut être seulement un enjeu de collecte et d’appel aux dons, du moins à court terme, mais plus un outil de visibilité et de notoriété. L’étude conclut que «pour impliquer davantage les socionautes, une préférence se dégage en faveur d’un vote des internautes entre différents projets, 21% souhaitent choisir le prochain projet entre différentes possibilités ». Nous sommes surement à l’aube d’une transformation du discours des Organisations Non Gouvernementales sur cette base précise des réseaux sociaux. Dans un mode de création et de gestion particulière caractéristique de ces nouveaux canaux de communication, l’image de la victime sera alors secondaire, et l’utilisation des dons par l’ONG primera sur la communication de la structure sur les réseaux sociaux. Face à l’avènement des réseaux sociaux et la mise en place d’un schéma de relation basé sur le co-productif plus que sur l’émetteur-récepteur classique, le discours humanitaire est une nouvelle fois appelé à changer et s’adapter ».

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Dossier de spécialisation

Thème 5 : Arts, culture et patrimoine Problématique :

En quoi et par quels moyens le patrimoine culturel peut être perçu comme support de l’image du « Français » et comme outil de propagande ? David GOISNARD Département Communication Université de Rennes 2 35000 Rennes FRANCE dgoisnard@laposte.net

RÉSUMÉ: Cette partie de dossier montre dans un premier temps l’ensemble des moyens mis en œuvre et notamment grâce au TIC, pour conserver ou diffuser le patrimoine culturel français. Cependant, il existe des limites dans sa diffusion qui en effet peut générer une forme de propagande dite culturelle. C’est par cette propagande culturelle que la deuxième partie sera axée sur la propagande par l’art qui fera l’objet de l’enquête terrain (rencontre avec un professeur d’histoire de l’art). Une seconde partie centrée par conséquent sur la manipulation ou du moins l’instrumentalisation de foule par l’art. MOTS-CLÉS : Patrimoine, culture, propagande, TIC, diffusion, transmission, identité, instrumentalisation, art, émotion, image, cinéma, monuments, socialisation, sacralisation, culte de la personnalité, web, sauvegarde, patriotisme.

2015-16, pages 114 à 136


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Plan Introduction 1. Le patrimoine culturel français : transmission et socialisation 1.1. Une idée de patrimoine 1.2. Les premiers moyens de conservation 1.3. La diffusion et la conservation du patrimoine par les TIC 1.4. S’identifier au patrimoine français 1.5. Une propagande culturelle 2. La propagande par l’art : enquête de terrain 2.1. Entretien directif avec Monsieur Baptiste BRUN 2.2. Sujets abordés 2.3. Conclusion 3. Conclusion 4. Bibliographie 5. Annexes

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Introduction Le paysage français est façonné de lieux historiques, incontournables presque intouchables et indétrônables aux yeux des millions de visiteurs qui voyagent sur le territoire chaque année. 40 000 monuments et sites protégés, 41 sites culturels classés au Patrimoine mondial de l’Humanité par L’UNESCO, 8000 musées, près de 500 festivals, des saisons de théâtres, 12 pôles nationaux pour les arts du cirque, des espaces muséologiques nouvelle génération, des parcs et jardin d’exception, 41 stades de plus 30 000 places, 45000 monuments historiques, etc. Les sites culturels français sont des lieux où l’art et la culture prennent vie. Très peu de pays possèdent un patrimoine culturel aussi riche que la France qui jouit d’une vision à l’international d’un pays où s’entremêle l’art, le sport, la gastronomie, la culture, la liberté, l’art de vivre et la passion du terroir. Pour les Français, le patrimoine intervient dans la socialisation, il va lui permettre d’intérioriser les différents éléments de la culture, de sa culture. Cette force culturelle inégalable dans le monde entier fait du pays des Droits de l’Homme le pays le plus visités du monde. Le patrimoine culturel se définit comme l'ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique et qui appartiennent soit à une entité privée (personne, entreprise, association, etc.), soit à une entité publique (commune, département, région, pays, etc.)3. Cet ensemble de biens culturels est généralement préservé, restauré, sauvegardé et montré aux publiques grâces, entre autre, aux institutions, soit de façon exceptionnelle (comme les Journées Européennes du Patrimoine qui ont lieu un weekend au mois de septembre), soit de façon régulière (château, musée, église, etc.), gratuitement ou au contraire moyennant un droit d'entrée et de visite payant. Bien que fragile, le patrimoine culturel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante. Selon François Benhamou, « avoir une idée pour tout Français, de son patrimoine culturel est utile au dialogue interculturel et encourage le respect d’autres modes de vie. L’importance du patrimoine ne réside pas tant dans la manifestation culturelle elle-même que dans la richesse des connaissances et du savoir-faire qu’il transmet d’une génération à une autre »4. Une transmission le plus souvent aidé par ce que l’on appelle aujourd’hui les Technologies de L’information et de la communication. Il est donc important de souligner que cette transmission du savoir a une valeur sociale et économique pertinente pour les groupes minoritaires comme pour les groupes sociaux majoritaires à l’intérieur du pays, et est tout aussi importante pour les pays en développement que pour les pays développés. Ce que nous dit Gaston Bachelard dans son ouvrage sur la formation de 3

Définition selon l’UNESCO à retrouver sur : http://www.unesco.org/culture/ich/fr/qu-est-ceque-le-patrimoine-culturel-immateriel-00003. 4 BENHAMOU François, Economie du patrimoine culturel en France, REPERE, 2012 Images, propagande et TIC


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l’esprit nous renvoie directement à la transmission et l’intériorisation de la culture : « l’idée de culture que l’on reçoit sans la transmettre forme des esprits sans dynamisme, sans autocritique » 5. C’est pourquoi l’art, la culture et tout l’ensemble du patrimoine renvoient une image d’appartenance au pays et confirme la socialisation de l’individu si l’idée de patrimoine est transmise, c’est donc un véritable support social. Mais il est alors important et fondamental de se demander En quoi et par quels moyens le patrimoine culturel peut être perçu comme support de l’image du “Français” et comme outil de propagande ? Pour étudier ce phénomène nous verrons dans une première partie les moyens mis en œuvre pour la transmission du patrimoine par les technologies de l’information et de la communication. Nous verrons aussi que le patrimoine peut être utilisé comme un outil de propagande, une propagande dite culturelle afin de susciter un intérêt économique ou une revendication culturelle aboutissant à un objectif d’indépendance ou nationaliste. Ainsi cette première partie de développement sera principalement centrée sur le lien entre patrimoine, TIC et propagande culturelle. Enfin, dans une seconde qui fera l’objet d’une enquête terrain, nous étudierons plus précisément et par des exemples concrets, la place de l’art dans la propagande. Nous verrons que l’art et notamment le cinéma est un vecteur important pour captiver l’émotion. Une seconde partie cette fois centrée sur la propagande par l’art comme un moyen d’identification et de manipulation.

1. Le patrimoine culturel français : transmission et socialisation Aujourd’hui, les nouvelles technologies de l’information et de la communication façonnent pour les uns un monde moderne et pour d’autre un monde virtuel. Ces technologies sont présentes dans tous les domaines, que ce soit dans l’éducation, la politique, le commerce, la culture, le sport… Elles marquent notre quotidien dans la transmission du savoir, des langages, de l’information, elles font partie du « progrès » 6. La définition classique des technologies de l’information et de la communication nous renvoie à l’ensemble des équipements informatiques permettant de communiquer à distance et par voie électronique 7 comme les ordinateurs ou encore les smartphones. Selon Herbert Simon, ces technologies aident à rendre "toute information accessible aux 5

BACHELARD Gaston, La formation de l’esprit, VRIN, 1948 Définition selon Descartes : Vaste processus historique par lequel l’humanité passe de l’état primitif à la civilisation, le moteur de ce processus étant l’accroissement du savoir rationnel. A retrouver dans son ouvrage du Discours de la Méthode. 7 Définition selon le dictionnaire Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/TIC/10910450 6

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hommes, sous forme verbale ou symbolique, également sous forme lisible par ordinateur, les livres et mémoires seront stockés dans les mémoires électroniques... Ainsi les technologies d'information et de communication peuvent être définies comme « L'ensemble des technologies d'informatiques et de télécommunication, elles sont les résultats d'une convergence entre technologies. Elles permettent l'échange des informations ainsi que leurs traitements. Elles offrent aussi de nouveaux moyens et méthodes de communication »8. Cette définition sociologique et théorique montre le poids des TIC dans notre environnement. Ils prennent part à la diffusion et la transmission sociale du patrimoine. Une transmission pouvant être perçu, selon l’objectif et dans certaines idéologies comme une forme de propagande. En effet, l’art faisant partie du patrimoine a été longtemps, et est toujours dans certaines nations, un outil de propagande. Cependant en France, la « propagande culturelle » est davantage mesurée même si par exemple le cinéma pendant les deux grandes guerres fût utilisé comme de la propagande. La diffusion du patrimoine est faite dans un intérêt émotionnel et une idée de conservation historique. Cette idée de vouloir conserver le patrimoine français par la transmission de génération en génération remonte aux XVIIème siècles. C’est pourquoi avant tout chose, il nous faut voir à quand est venue l’idée de transmission et de diffusion du patrimoine en France.

1.1. Une idée de patrimoine En France, les philosophes des Lumières ont été les premiers à mettre au jour une idée de conservation du patrimoine. Ce grand mouvement intellectuel et philosophe domina le monde des idées en Europe dans la première partie du XVIIIème. Le mouvement des Lumières tire son nom de la volonté des philosophes européens de combattre les ténèbres de l'ignorance par la diffusion du savoir. Ce mouvement, qui connut une intensité plus marquée en France, en Angleterre (sous le nom d'Enlightenment) et en Allemagne (Aufklärung), est né dans un contexte technique, économique et social particulier : ascension de la bourgeoisie, progrès des techniques, progrès de l'organisation de la production et notamment des communications, progrès des sciences souvent appliquées au travail des hommes. Sans pour autant développer les idées des Lumières, leur pensée s’oriente autour de deux thèmes majeurs : le retour à la nature et la recherche du bonheur. Les philosophes dénoncent dans les religions et les pouvoirs tyranniques des forces obscurantistes responsables de l'apparition du mal, dans un monde où l'homme aurait dû être heureux. Ils réhabilitent donc la nature humaine, qui n'est plus entachée par un péché originel ou une tare ontologique ; ils substituent à la recherche chrétienne du salut dans l'au-delà, la 8

HERBERT Simon, Economie multidimensionnelle, ECONOMICA, 1992

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quête ici-bas du bonheur individuel. À la condamnation des passions succède leur apologie : l'homme doit les satisfaire, à condition qu'elles ne s'opposent pas au bonheur d'autrui. En outre, leur objectif est de diffuser « la révolution dans les esprits » 9. C’est dès cette époque et par cette diffusion des idées que l’on va commencer à considérer le patrimoine et c’est Jean-Jacques Rousseau qui va en être l’instigateur. Il va considérer le patrimoine comme « une aide aux sciences de l’homme, le patrimoine assure le progrès de l’esprit humain »10. Cependant aux XVIIIème siècles, peu de personnes sont attachées aux grands bâtiments nationaux mis à part ceux qui les habitent c’est-à-dire l’aristocratie française, peu de personne sont attachées aux grands ouvrages comme l’Encyclopédie 11 mis à part ceux qui ont la possibilité de savoir lire12. Il faudra un évènement considérable pour que la population dans son ensemble, prenne conscience de l’importance du patrimoine qui l’entoure et des qualités culturelles et artistiques que dispose la France. Un événement qui va rassembler le peuple en délaissant l’opposition qui a pu naitre entre les idées des Lumières et le peuple français. Une opposition perçue chez certain comme de la propagande intellectuel et bourgeoise « l'Encyclopédie, diffusée à vingt-cinq mille exemplaires avant 1789, aura été le plus puissant véhicule de la propagande philosophique des Lumières »13. La Révolution française va jouer un rôle majeur dans la protection des biens culturels puisque c’est elle qui lance la protection de ces biens. Lors d'un de ses rapports à la Convention14, l'abbé Grégoire15 va affirmer que « le respect public entoure particulièrement les objets nationaux qui, n'étant à personne, sont la propriété de tous […] Tous les monuments de sciences et d'arts sont recommandés à la surveillance de tous les bons citoyens ». Cependant cette protection du patrimoine ne se fait que progressivement. Les premiers éléments intégrés dans cette appréciation sont les œuvres d'art (tableaux et sculptures) conservées et parfois exposées dans les premiers musées et les livres. Les livres et plus généralement les bibliothèques sont protégés au titre de 9

Citation de Diderot en 1751 justifiant la construction de l’Encyclopédie. ROUSSEAU Jean-Jacques, Contrat Social, 1762, Réédition BNF, 2004 11 L’Encyclopédie éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Diderot et D’Alembert est un ouvrage majeur du XVIIIe siècle et est la première encyclopédie française. Par la synthèse des connaissances du temps qu’elle contient, elle représente un travail rédactionnel et éditorial de mots. 12 Seulement 29% des Français aux XVIIIème siècles savaient signer et seulement 37% savaient lire. 13 Site de la BNF : http://expositions.bnf.fr/lumieres/figures/03.htm 14 La Convention est le nom donné à l'Assemblée constituante qui gouverna la France du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795 lors de la Révolution française. 15 L’Abbé Grégoire est un prêtre catholique, évêque constitutionnel et homme politique français. Il est l'une des principales figures emblématiques de la Révolution française, il est le fondateur du Conservatoire national des arts et métiers et du Bureau des longitudes et participe à la création de l'Institut de France. 10

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l'instruction du peuple. Les œuvres architecturales, et notamment ecclésiastiques ou seigneuriales, ne bénéficient quant à elles lors de la Révolution française d'aucune protection et sont bien souvent vendues à des particuliers, libres de les démolir ou pour en revendre les matériaux de construction. Certains sont transformés en logements, usines, étables, etc. En revanche, cette même Révolution s'attache à la protection des biens culturels confisqués aux émigrés, aux ordres religieux ainsi qu'aux institutions dissoutes : seuls parmi les biens nationaux, les objets d'art et les livres sont protégés de la vente et leur conservation est organisée: des dépôts révolutionnaires sont créés dans chaque département, des comités successifs sont chargés de s'assurer du traitement des livres qui font l'objet de circulaires et de conseils concernant leur conservation et leur catalogage. L'abbé Grégoire suit particulièrement la gestion et le traitement des collections de livres, regroupés dans des dépôts littéraires départementaux, l’on assiste alors aux premières conservations du patrimoine culturel français et l’apparition des premières structures de conservation.

1.2. Les premiers moyens de conservation En 1804, l'État confie les bibliothèques issues des dépôts révolutionnaires aux municipalités. Celles-ci, sous tutelle du ministère de l'Instruction publique, font l'objet d'une grande attention des ministres successifs, en particulier François Guizot 16 et Narcisse-Achille de Salvandy17. De nombreuses circulaires s'attachent à éviter les ventes, conseiller les échanges, réclamer le catalogage, donner des instructions en matière de conservation, et par la voie des souscriptions le ministère enrichit de dons ces bibliothèques. Un poste d'Inspecteur des bibliothèques est créé à la même période et sa mission principale concerne les collections 18.

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François Guizot est un historien et homme politique français, membre de l'Académie française à partir de 1836. Il a joué un rôle important dans l'histoire de l'école en France, en tant que ministre de l'Instruction publique, par la loi de 1833, demandant la création d'une école primaire par commune et d'une école normale primaire par département. 17 Narcisse-Achille de Salvandy est un officier, député, conseiller d’État, deux fois ministre de l’Instruction publique de 1837 à 1839 et de 1845 à 1848, ambassadeur en Espagne en 1841, en Piémont en 1843. Orateur et écrivain politique, historien, romancier, il fut membre de l'Académie des Sciences morales et politiques. 18 GRAVARIS-BARBAS Maria, Habiter le patrimoine en France, Presse universitaire de Rennes, 2005 Images, propagande et TIC


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1.3. La diffusion et la conservation du patrimoine par les TIC Nous avons pu voir que l’émergence de la conservation, de la transmission et de la diffusion du patrimoine culturel en France est relativement ancienne. Ce sont les philosophes des Lumières qui les premiers ont parlés d’une idée de patrimoine et du poids qu’elle peut jouer dans l’esprit humain. La propagande n’y a pas encore sa place dans l’art de façon concrète mais s’établira au fil des années notamment grâce au développement des technologies. Les idées des Lumières n’auront pas pesé de tous leurs poids à cette époque puisqu’il aura fallu attendre la Révolution française pour que les hommes prennent véritablement conscience de son importance. Après avoir fait le point historique de l’apparition, de la considération et la conservation du patrimoine, nous allons maintenant étudier, à une échelle plus récente, le poids des TIC 19 dans la diffusion du patrimoine culturel, une diffusion souvent identitaire, etc. L’impact des technologies de l’information et de la communication est aujourd’hui considérable sur la sensibilité que peut avoir une population sur le patrimoine. En effet aujourd’hui, les bibliothèques, universités et collectivités, les projets collaboratifs et bien d'autres acteurs contribuent à la numérisation du patrimoine. Ces acteurs vont faciliter sa protection et sa diffusion, quand cela est possible, notamment pour des documents rares ou fragiles que la numérisation permet théoriquement de conserver indéfiniment (photos, films, enregistrements sonores, cartes anciennes, etc.). Ces moyens enrichissent chaque document et en facilitent la contextualisation. Des ontologies20 informatiques et des schémas XML sont élaborés afin de traiter les données du patrimoine et favoriser leur « opérabilité et leur insertion dans le Web sémantique ou le Web des données »21. L'information relative au patrimoine culturel, permet de préserver le lien entre le document culturel, du patrimoine matériel ou immatériel, et les événements qui lui sont liés (par exemple sa création, son utilisation, sa conservation, etc.) et, par conséquent, sa contextualisation. Cette approche répondrait aux besoins de disciplines comme l'archéologie, l'histoire, la documentation musicale, etc. Des visites virtuelles de lieux sont possibles par exemple dans le cadre du projet « Grand Versailles Numérique » grâce à une numérisation du Petit Trianon rénové en 2008, avec les meubles d’origine des appartements ou une visite interactif de la ville de Paris aux XIIIème siècles, mis en place par la Mairie de Paris 22.

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Abréviation pour Technologies de l’Information et de la Communication. Définition selon le dictionnaire Larousse : ensemble des objets reconnus comme existant dans un domaine. 21 YVES Thomas, L’apport des TIC à la sauvegarde du patrimoine, Revue de l’Histoire des techniques, 2009 22 http://paris.3ds.com/#Patrimoine 20

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D’autres exemples parlant de l’utilité des TIC se trouve dans la valorisation du territoire qui fait partie du patrimoine. En effet, Les technologies numériques peuvent accompagner les territoires dans leurs démarches de mise en valeur de leurs richesses culturelles. Le service régional de l'inventaire de la Région Poitou-Charentes a par exemple réalisé le premier inventaire en ligne du patrimoine industriel : les photographies et cartes d'un millier d'usines témoignent de l’industrialisation du territoire, du XVIIe siècle à la fin du XXe23. Chaque site étudié a donné lieu à une enquête sur le terrain avec prises de vues photographiques et à une recherche documentaire dans les ouvrages généraux, revues, annuaires de commerce et d'industrie, plans, cartes postales, clichés anciens et documents d'archives. Elles peuvent également contribuer à la reconnaissance culturelle de territoires en reconversion ou de secteurs urbains dont la dimension historique n’est immédiatement perçue, ni par les habitants, ni, parfois, par les élus. L’atlas de l’architecture et du patrimoine de la Seine-SaintDenis 24 rend accessible ainsi des documents méconnus, tels que des cartes et plans anciens, des cartes de synthèse, un catalogue d’images, des notices de sites archéologiques et d’édifices. L'inventaire, lorsqu’il est conçu pour être communiqué à tous, peut servir de point d'appui à une politique diversifiée de restitution. Il constitue un outil de sensibilisation et de pédagogie permettant aux habitants de se situer dans leur espace géographique et de connaître l’histoire et l’intérêt de la ville, du village, du quartier, de la rue, ou de l’immeuble qu’ils habitent. L'utilisation pédagogique peut se faire par le biais d'ateliers ou de journées du patrimoine. Cependant, certains points de vue divergent. En effet, l’utilisation des TIC est contestée. Certaines associations pointent du doigt une propagande touristique ou en aucun cas il y a un objectif d’information du territoire. Les TIC joueraient un rôle de publicité à but économique afin de faire venir le plus de monde sur sa localité 25, ce que l’on va aussi appeler « tourisme social » mais ici abusif.

1.4. S’identifier au patrimoine français En tant qu’outil collaboratif, internet facilite la participation des habitants à la collecte du patrimoine. Dans le cadre de sa politique de valorisation des espaces naturels, le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques a été le premier à réaliser l'inventaire des arbres et ensembles arborés remarquables du département. L'inventaire 26 cible les espèces aux dimensions exceptionnelles, d'essences rares, à l'esthétique peu commune ou encore ceux qui sont associés à un personnage ou un événement historique, aux croyances populaires ou aux coutumes. L'identification des arbres 23

http://www.cc-parthenay.fr/basegatine/v1/Presentation.asp http://www.atlas-patrimoine93.fr/ 25 http://www.lechotouristique.com/article/tourisme-social-l-unat-denonce-un-abus-delangage,69651 26 http://www.cg64.fr 24

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remarquées mobilise les connaissances de terrain non seulement des professionnels de l'arbre et du patrimoine mais également celles des citoyens qui peuvent télécharger sur le site du Conseil Général une fiche de signalisation à renseigner et à retourner. Un comité d'experts liés à la thématique forestière et patrimoniale a été désigné afin de juger le caractère remarquable des arbres recensés. On peut aussi citer, le projet d'Encyclopédie vivante du Pays de Langres 27 qui rassemble le patrimoine bâti, les savoir-faire artisanaux, le patrimoine floral et animal, alimentés par des contributeurs du territoire, aussi bien professionnels que citoyens désireux d’apporter leurs connaissances. Nous pouvons aussi citer le site Petit-patrimoine qui recense le plus de monuments qui ne sont pas classés comme Monuments Historiques (par exemple les tours, cadrans solaire, fours à pain, moulins, fontaines et autres lavoirs). Il permet de les visualiser selon plusieurs critères de tri (région, commune, type de patrimoine, etc.) mais également d'en proposer de nouveaux28. Le site permet également de créer et de résoudre des énigmes relatives au patrimoine déposé. Les TIC vont aussi permettre une identification culturelle par la mémoire. Collecter la mémoire, au-delà la valeur historique qu’elle représente, permet la constitution de repères communs sur les territoires qui la partage. Elle suscite l'intérêt du public en raison des souvenirs et des émotions qu'elle procure. Le projet « Mémoire Vivante de Picardie »29 répond à une volonté de sauvegarder le patrimoine ethnographique régional par l’intermédiaire d'une vaste opération d'enquête et de collecte auprès des habitants. La rencontre de cette mémoire avec le public est prévue dans le cadre d’expositions organisées au plus près des habitants. « Mémoire de la Drôme » a pour vocation, en partenariat avec la radio, la presse, les photographes professionnels, les collectionneurs, les familles, de collecter et archiver les documents photos, sonores et audiovisuels concernant le vécu, passé et présent des drômois. Les Technologies de l’Information et de la Communication permettent d’adapter les contenus pour une valorisation spécifique auprès du secteur pédagogique. La création de supports de type jeux en ligne ou espace virtuel rencontre l’engouement des élèves et des enseignants en raison de la dimension ludique qu'ils procurent. On peut citer le projet de cédérom de l’Agence Régionale du Patrimoine de Provence Alpes-Côte- d’Azur ou également le site Education.louvre.fr créé par le Musée du Louvre en partenariat avec l’Education Nationale à destination des enseignants ou encore l’espace pédagogique de la Cinémathèque de Bretagne, dédié aux écoles, collèges, lycées et universités30.

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http://oten.fr/spip.php?article3561 http://www.petit-patrimoine.com/ à retrouver et cité dans le livre de François Benhamou : Economie du patrimoine culturel en France. 29 http://www.memoirevivante-picardie.org/ 30 http://www.cinematheque-bretagne.fr/ 28

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Tous ces éléments démontrent la place et l’importance des TIC dans le patrimoine français. Elles vont jouer un rôle de façon direct sur le sentiment d’appartenance à un territoire, à une région ou une localité. Par conséquent, les technologies de l’information et de la communication jouent un rôle primordial dans le support culturel de l’image du « Français ». Cependant, au-delà d’un objectif pédagogique ou d’une ambition touristique, Les TIC peuvent jouer un rôle dans l’augmentation du patriotisme régional : une véritable propagande culturelle.

1.5. Une propagande culturelle « L’identité culturelle est une construction permanente et collective, largement inconsciente bien que de nature politique et idéologique (sujette à des manipulations multiples), bien qu’empreinte aussi de réflexivité. Elle s’exprime par des individus qui la formulent et la diffusent. Cette disposition à repérer le même et le différent, dans l’espace et dans le temps, est indispensable à la reconnaissance de soi et des autres. Elle est également essentielle à l’établissement de la conviction de chaque individu d’appartenir à un, voire à plusieurs ensembles sociaux et territoriaux cohérents. Elle se caractérise par une communauté de valeurs et de traits culturels, d’objectifs et d’enjeux sociaux, par celle d’une même langue et d’une même histoire, souvent, mais pas de manière obligatoire, par l’appropriation d’un territoire commun : quartier, ville, agglomération en milieu urbain… L’idée est répandue qu’une identité sociale engendre des comportements assez voisins, bien que nullement automatiques, chez les personnes la partageant ». Ce passage que l’on retrouve dans l’ouvrage de Marc Signorile « Art et Propagande », démontre l’ambition de certaines personnes, collectivités ou mouvements extrêmes à détourner une attention dans un objectif identitaire pouvant pousser au nationalisme en utilisant les TIC. Prenons un exemple : le maire de la ville de Mantes-la-Jolie a voulu en mai 2015 construire une nouvelle mosquée, considéré comme un lieu de culte et de culture, dans sa localité. Une décision très mal comprise par des mouvements identitaires qui ont distribué des tracts et posté des annonces sur des réseaux sociaux justifiant ce geste du maire comme le début d’une « islamisation de la France » et que « la mosquée n’est en rien un monument du patrimoine français ». Face à cette mobilisation, le maire Paul Martinez a cru nécessaire de se justifier en diffusant une lettre à ses administrés sur le web datée du 29 mai, expliquant notamment qu’il n’avait nulle intention de construire une mosquée sur le territoire de sa commune mais qu’il s’agissait d’un « transfert de lieu de culte »31. Cette polémique n’a pas finie de parler d’elle puisque dernièrement le maire de la commune a finalement confirmer l’installation de ce lieu de culte. L’utilisation des TIC dans la propagande culturelle est devenue de nos jours monnaie courante, on recence près de 1500 sites à mouvements identitaires sur le 31

http://fr.novopress.info/189889/projet-mosquee-mantes-ville-guerre-propagande-se-poursuit/

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web.fr32 où certains ont plus de 65 000 visites en un mois… Des chiffres qui font froid dans le dos et démontre la participation des Technologies de l’Information et de la Communication et plus particulièrement le web dans la propagande. Dans cette partie nous avons étudié les fondements des idées du patrimoine par une approche historique. Nous avons vu qu’il était important de comprendre avant tout le terme et les moyens de conservation de ce patrimoine. Nous avons établi ensuite un lien entre patrimoine culturel et TIC en démontrant le rôle que peuvent jouer les technologies sur les moyens de conservation du patrimoine tout en soulignant ses limites comme le « tourisme social » ou la propagande identitaire. Autre point important que nous allons maintenant étudier et faisant parti du patrimoine : l’art. Utiliser pour dénoncer ou pour propager des idées, l’art est un outil de propagande émotionnel le plus puissant qui soit.

2. La propagande par l’art : enquête terrain C’est dans la continuité de l’étude théorique et pour appuyer l’argumentation sur le fait que l’art est un vecteur incontournable dans la diffusion du patrimoine qu’il nous faut présenter le phénomène de propagande. Cependant nous allons maintenant ici nuancer le terme « diffusion », qui comme expliqué précédemment peut être vu justement comme de la propagande. C’est dans cet objectif d’approfondissement de ma partie théorique, que j’ai eu la chance de pouvoir effectuer un entretien avec Monsieur Baptiste Brun, enseignant chercheur en Histoire de l’art à l’université de Rennes 2. Un entretien principalement tourné sur le sujet de cette seconde partie : la propagande par l’art. On se représente très souvent la figure de l'artiste comme celle d'un créateur, d'un libre penseur, se situant en marge de la société. Mais les artistes se mêlent volontiers aux politiques. Plus couramment associés à la subversion et aux mouvements révolutionnaires, certains artistes, par conviction ou par obligation, participent très souvent par leur art à maintenir le pouvoir politique en place. Lorsque l'art répond directement à cette fonction, on le désigne comme art de propagande. Bien souvent, on désigne la propagande par l’art comme étant une affaire liée au totalitarisme du 20e siècle, par opposition à l’expression artistique libre, vaste et diversifiée, généralement associée à des créations artistiques manifestées au sein de la société démocratique et libérale. Or, de l’art de propagande, c’est vieux comme le monde. L’art de propagande n’est pas juste un simple culte de la personnalité, aspect visible et accrocheur, très prisé comme moyen de communication éducationnelle pour 32

http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/23/charlie-hebdo-sont-sites-parlent-complot-257284 Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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endoctriner une population dans sa perception de leur leader politique, etc. Et c’est bien ce que nous dira par la suite, dans l’entretien, Monsieur Brun. L’art de propagande est un outil à la disposition d’un pouvoir qu’il soit politique ou non, pour influencer sa population dans l’exercice de sa gouvernance, afin de rendre l’opinion de cette masse populaire maniable. Mais aujourd’hui, la propagande en politique n’est ni plus ni moins que de la communication. Reste savoir si dans notre période contemporaine, bercé entre le réel et le virtuel, la communication est un élément de propagande. Est-ce qu’un chargé de communication est un chargé de propagande ? Cependant s’il on regarde plus précisément les faits, une grande partie de l’art de propagande est au service d’une religion étatique dissimulée derrière la foi. Une autre partie substantielle de l’art peut être qualifié de l’art de propagande ayant pour but d’enrégimenter au service du pouvoir monarchique. En outre la propagande par l’art est davantage un moyen d’instrumentalisation plutôt qu’un moyen de manipulation et de mensonge. En effet, contrairement à l'art sacré ou l'art politique (comme le fameux tableau de David pour le Sacre de Napoléon Ier), l'art de la propagande proprement dit agit davantage comme de la publicité, afin d’en explorer les codes. C’est bien dans cette nuance qu’il ne faut pas réduire la propagande par un culte de la personnalité. Faire trôner les photos des Présidents de la République dans chaque mairie de France et surtout un respect par rapport à la fonction présidentielle au service de la nation, que la mise en place d’un culte de la personnalité. Le culte de la personnalité d’un leader politique a beaucoup évolué au cours de la seconde moitié du 20e siècle avec l’arrivée de la télévision et la démocratisation de la caméra. Cette forme d’art s’est alors diversifiée, devenue encore plus détournée: de la simplification du message au glissement de sens du vocabulaire choisi et véhiculé à travers les médias modernes, en passant par l’utilisation de la peur ou encore le bon vieux discours qui fonctionne toujours et encore, des témoignages factices, des apparitions de pseudo spécialistes, mais partisans et faiseurs d’images à la télé, etc. Prenons l’exemple de la fameuse affiche de Shepard Fairey qui a considérablement aidé à vendre l'image d'Obama lors de sa première campagne présidentielle 33, en 2008. Shepard Fairey n'était alors qu'un artiste underground issu de la scène du street art. L'affiche originelle disait PROGRESS mais que l'équipe de campagne l'avait contacté pour le remplacer par un message plus en ligne avec celui de la campagne. Fairey a distribué à ses frais 300 000 autocollants et 500 000 affiches pendant la campagne, se finançant par la vente d'affiches et de dérivés. Cette image fut reproduite et imitée, le HOPE (espoir) étant parfois remplacé par CHANGE ou VOTE sur des affiches. Barack Obama lui a même envoyé une lettre de remerciements pour son soutien : « Je veux vous remercier d'avoir utilisé votre talent au service de ma campagne. Vos messages politiques ont encouragé les Américains à croire qu'ils pouvaient changer le statu quo. 33

Voir annexe 1

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Vos images ont un effet profond effet sur les gens, qu'elles soient vues dans une galerie ou sur un panneau indicateur. C'est un privilège pour moi d'avoir été l'objet de votre travail d'artiste et une fierté d'avoir eu votre soutien. » TIME magazine a commandé à Fairey le portrait d'Obama utilisé en couverture du numéro consacré à la "personnalité de l'année 2008", tandis que l'image originale a été utilisée en couverture du numéro de février 2009 d’Esquire Magazine. Fairey a été désigné par GQ Magazine parmi ses hommes de l'année, pour l'influence qu'il a eue sur l'élection. Cela montre considérablement l’influence de l’art dans l’opinion et des idées. Si l'art est souvent subversif, il est bon de se rappeler qu'il a très souvent été mis au service du plus grand conformisme, que ce soit pour des usages publicitaires ou de propagande, et ce comme on vient de le voir, avec une redoutable efficacité mais ce n’est pas pour autant que l’on peut parler de courant artistique. Cette enquête terrain m’a aussi permis de déterminer la période où l’utilisation de la propagande par l’art fût la plus répandue : 1939-1945. En effet, il n’est pas sans mystère, qu’Hitler avait nommé un Ministre de l’Education du peuple et de la propagande, Joseph Goebbels. C'est en partie grâce à l'utilisation de cette propagande massive que les nazis ont pu faire adhérer une grande partie de la population allemande à leur programme. La propagande est une arme puissante lors d'une guerre. Elle permet de déshumaniser l'ennemi et de susciter la haine contre un certain groupe, en contrôlant la représentation que s'en fait le peuple manipulé. Pour gagner la confiance de son auditoire, le propagandiste emploie le niveau de langage et les manières (vêtements, gestes) d'une personne ordinaire. Le régime nazi cherche à imposer un art officiel inspiré des formes de l’Antiquité, de l’art Grec et Romain en opposition aux influences juives. C’est le réalisme héroïque ; pureté « raciale », militarisme, obéissance. Cet art glorifie le peuple travaillant dans les champs, les femmes au foyer (Kinder-KucheKirche), l’amour de la patrie. L'auditoire est aussitôt plus enclin à accepter les positions du propagandiste, puisque celui-ci lui ressemble. Il cherche à susciter de l’émotion pour captiver la foule. Mais la plus grande arme de propagande par l’art pour susciter de l’émotion est bien évidemment le cinéma. Un sujet toujours d’actualité notamment dans le cinéma américain. Le cinéma, déjà connu comme vecteur de la propagande pendant la Grande Guerre, ne fut vraiment utilisé massivement par les institutions politiques dans ce but qu’à partir des années 1930 et surtout pendant le Second conflit mondial par les deux camps. Si les journaux et les affiches étaient les principaux convoyeurs de la propagande entre 1914 et 1918, les progrès technologiques allaient vite amener au premier plan la radio et le cinéma tout au long de la guerre suivante. L’industrie cinématographique a toujours su galvaniser son public avec des valeurs patriotiques et viriles, mettant en scène l’honneur et la gloire du soldat, garant de l’intégrité politique et territoriale d’une nation. Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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Aujourd’hui, on peut très bien dire que Hollywood est cette machine patriotique pour les Etats-Unis. Quand on regarde de plus près, la plus part des films américains montre les USA comme le pays sauveur du monde, la lumière face à l’obscurantisme, Clint Eastwood en est un parfait exemple avec ses films comme « Mémoires de nos pères », American Sniper » et bien d’autres encore. Ce type de communication était bien souvent, il faut le rappeler, à la seule initiative des producteurs, ne répondant pas forcément à une commande gouvernementale, mais simplement à la demande des spectateurs. En outre, la propagande par l’art existe depuis la nuit des temps, mais elle a su être tristement galvanisée sous le régime nazi. Car c’est bien l’émotion que cherche à donner le propagandiste, une émotion que l’on trouve aujourd’hui dans le cinéma afin de faire ressortir des valeurs patriotiques. C’est tout cet entretien qui m’a permis d’éclaircir ce qu’est la propagande par l’art, un entretien que je vais maintenant détailler.

2.1. Entretien directif avec Monsieur Baptiste Brun Afin d’appuyer ma partie théorique et définit précisément ce qu’est la propagande par l’art ou art de propagande, je me devais de faire un entretien qui sera l’objet d’une enquête terrain. C’est dans cette optique que j’ai décidé de m’adresser au département Histoire de l’université de Rennes 2 qui m’a renvoyé vers Monsieur Baptiste Brun, enseignant chercheur en Histoire de l’art pour la faculté. Nous nous sommes rencontré dans son bureau à Rennes 2 afin que je lui pose différentes questions avec en ligne de mire : la propagande par l’art. L’entretien à durée une trentaine de minute et m’a permis d’en savoir plus sur la diffusion du patrimoine. J’ai cherché principalement à avoir son opinion de chercheur sur ce sujet mais aussi une opinion davantage personnelle.

2.2. Sujets abordés J’ai pu poser différentes question auprès de Monsieur Brun sur le thème de la propagande par l’art mais aussi aborder très rapidement l’intervention des TIC dans la diffusion et la transmission du patrimoine. Ce questionnaire est à retrouver ci-joint, dans son intégralité, en annexe. Dans un premier temps il était important de connaitre la définition générale de la propagande selon Monsieur Brun qui qualifie la propagande comme « C’est une action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d’informations pour propager une doctrine. La publicité c’est de la propagande. La propagande c’est le moyen du dominant pour agir sur le dominé ». Suite à cette définition plus générale, nous avons abordé le sujet de l’art dans la propagande comme outil émotionnel très puissant. C’est ce que nous confirme Baptiste Brun qui prend l’exemple du cinéma, « oui, il suffit de penser au cinéma. Le cinéma américain en grande partie c’est de la propagande, où Images, propagande et TIC


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l’on voit l’Amérique au service de la planète qui sauve à chaque fois le monde. Hollywood c’est la défense de l’idéologie néo-libérale des USA. Si on prend des exemples, les films de Clint Eastwood sont vraiment dans la promotion d’une idéologie tout comme le film sur l’arrestation de Ben Laden. Mais le cinéma est un vecteur émotionnel essentiel aujourd’hui dans le domaine de la propagande ». Outil émotionnel important et incontournable de la propagande, mais il était aussi intéressant de savoir, avant de rentrer dans des exemples concrets, si l’utilisation de l’art dans la propagande était le moyen le plus facile pour manipuler : « Non en tout cas ce n’est pas le plus important comme ce n’est pas forcément compliquer de faire de la propagande par l’art. Ce qui est certain c’est que l’art est un très bon outil de propagande il permet de sacraliser les idées ou autres concepts et peut être dangereux de ce point de vue-là mais en même temps c’est aussi une critique très radicale de la propagande en tout cas quand on parle de la propagande au service du dominant sur les dominés. Au-delà du point de vue de l’œuvre c’est surtout une idée de politique culturelle et donc d’une notion d’instrumentalisation de l’art. » Il ajoute à cela que «La propagande n’est pas systématiquement du mensonge, c’est une idéologie. L’idée de la propagande c’est acquérir à son idéologie au risque de déformer le réel. La question du mensonge reste vague aujourd’hui c’est ni plus ni moins la communication qui s’est substituée. On voit la propagande comme un élément négatif à cause du nazisme puisqu’il y avait un ministre de la propagande sous ce régime. Avant la Seconde Guerre Mondiale, si c’était une valeur négative il n’y aurait certainement pas eu un cabinet de la propagande sous Léon Blum en 1938… Par la suite ce cabinet et conserver sous Vichy qui s’appellera Ministère de L’information». La transition pour rentrer dans les exemples était toute trouvée. En effet, le sujet de la propagande est directement lié au nazisme puisque ça été un élément incontournable durant la Seconde Guerre Mondiale. Nous savons qu’Hitler avec Goebbels avaient créé un Ministère de la propagande pour endoctriner la population Allemande mais aussi Européenne. Cependant la propagande est loin d’avoir disparu aujourd’hui et est tout simplement remplacé par de la pure communication. « Aujourd’hui vous avez d’autres moyens, d’autres canaux. Le porte-parole du Gouvernement il fait de la propagande pour le gouvernement ça veut évidemment pas dire que ce sont des nazis, etc.». Mais il y a d’autres éléments de propagande qui nous entoure et dont nous ne nous rendons certainement pas compte. « Il suffit de voir par exemple une exposition d’art contemporain qui peut être le vecteur de propagande. Car c’est toujours le reflet d’une idéologie qui va être promulgué. Il y a eu une exposition au Louvres dernièrement qui s’appelait « l’histoire de l’avenir » et tourné autour d’un livre de Jacques Attali. Donc là on a quand même une grande vision capitaliste au cœur du plus grand musée national de la part d’un homme extrêmement influent. » « L’hymne national est un outil de propagande au service de la nation. C’est un enjeu de propagande. Aujourd’hui c’est certain que les partis traditionnels avec le FN en tête de gondole utilisent pour

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leurs discours des éléments de la Marseillaise et là encore on voit une instrumentalisation de l’art où l’on transforme la Marseillaise en outil de propagande». Finalement ce questionnaire nous a permis de mettre en lumière les différents éléments de propagande qui peuvent nous entourer. L’hymne nationale en fait partie et où des partis d’extrême droite, n’hésitent pas en utiliser certaines paroles pour faire remontrer le sentiment patriote à l’égard de la population. Par ailleurs, cet entretien, nous aussi permis de comprendre que la propagande existe depuis la nuit des temps mais est symbolisé négativement par la période du nazisme durant la Seconde Guerre Mondiale, avant, et même en France, il été presque normal, d’avoir un Ministère de la propagande nuancé sous le nom de Ministère de l’information. En outre, ma rencontre avec Monsieur Brun m’a permis de poser une autre problématique qui est la suivant : faire de la communication n’est-il tout simplement pas le fait de faire de la propagande ?

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3. Conclusion Cette partie du dossier nous a permis de démontrer toute l’importance des TIC dans la sauvegarde et la diffusion du patrimoine. On note que les TIC servent de leviers à la diffusion des diversités culturelles et à l’affirmation de l’ensemble du patrimoine mondial. A ce titre, elles peuvent servir à parer aux risques d’homogénéisation d’une part sous la baguette d’une culture impériale dominante et d’autre part aux replis identitaires que l’on observe sous les assauts de la mondialisation. Mais au-delà de ces services, l’accès aux TIC est désormais une condition sine qua non de la participation de tous dans une société globalisée dont le développement est justement fondé sur les échanges d’informations et de communication. En d’autres termes, la fracture numérique menace des populations entières dans leur essence même, dans la mesure où marginalisées dans l’échange d’informations, elles seront, de fait, exclues du débat politique et culturel et des échanges économiques, ce qui mettrait en péril leur existence. C’est en effet pourquoi l’égal accès des peuples aux nouvelles technologies de l’information est le principal défi de la société de l’information pour permettre à la diffusion des cultures et du patrimoine. Cependant, il peut exister une diffusion plus négative du patrimoine sous forme de propagande dite identitaire. Nous avons pu observer que la propagande constitue un système. Ce système reste abstrait jusqu’à ce qu’il rencontre une possibilité de projection c’est-à-dire un élargissement de sa perspective, une sortie du réel. L’art offre cette possibilité, en ce sens qu’il touche émotionnellement chacun jusqu’à la persuasion, et qu’en dernière instance, sa dimension l’autorise à transcender la politique, ce que nous avons pu voir pour le système nazi. La propagande par l’art utilise ainsi une pensée artistique en instrumentalisant l’œuvre et par le biais de la sacralisation permet un soulèvement du patriotisme.

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4. Bibliographie -

BACHELARD Gaston, La formation de l’esprit, VRIN, 1948 BENHAMOU François, Economie du patrimoine culturel en France, REPERE, 2012 GRAVARIS-BARBAS Maria, Habiter le patrimoine en France, Presse universitaire de Rennes, 2005 HERBERT Simon, Economie multidimensionnelle, ECONOMICA, 1992 YVES Thomas, L’apport des TIC à la sauvegarde du patrimoine, Revue de l’Histoire des techniques, 2009

Sites Internet -

http://fr.novopress.info/189889/projet-mosquee-mantes-ville-guerrepropagande-se-poursuit/ http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/23/charlie-hebdo-sont-sites-parlentcomplot-257284 http://www.cinematheque-bretagne.fr/ http://www.cg64.fr http://oten.fr/spip.php?article3561 http://www.petit-patrimoine.com/ http://www.memoirevivante-picardie.org/ http://paris.3ds.com/#Patrimoine http://www.cc-parthenay.fr/basegatine/v1/Presentation.asp http://www.atlas-patrimoine93.fr/ http://www.lechotouristique.com/article/tourisme-social-l-unat-denonce-unabus-de-langage,69651 http://expositions.bnf.fr/lumieres/figures/03.htm http://www.unesco.org/culture/ich/fr/qu-est-ce-que-le-patrimoine-culturelimmateriel-00003

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5. Annexes 1 et 2 : Shepard Fairey et questionnaire de l’entretien avec Monsieur Brun Affiche HOPE : annexe 1

Shepard Fairey posant devant son affiche HOPE

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Annexe 2 : Questionnaire - En quoi le patrimoine peut-il jouer un rôle de socialisation pour l’individu ? C’est certainement un vecteur d’identité donc dans ce sens-là il peut en effet rentrer dans le phénomène de socialisation mais selon-moi il faudrait davantage le voir à l’échelle d’un groupe que de l’individu. - Comment percevez-vous, de votre point de vue, l’intervention des TIC dans la transmission et la conservation du patrimoine ? Le voyez-vous comme un élément positif ou négatif ? Pourquoi ? Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Mais cela me semble relativement positif notamment quand on peut avoir accès à des bases de données par exemple dans le cadre de la recherche. Mais en même temps ça peut être problématique puisque ce n’est pas réel, c’est une image du réel faut savoir être critique vis-à-vis des TIC. - Définiriez-vous de la même façon le « patrimoine » aujourd’hui et le « patrimoine » d’il y a 200 ans ? La définition de patrimoine est extensive c’est-à-dire que le patrimoine est une notion de droit et aujourd’hui très commun dans notre langage. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il y a une époque il y avait d’autres termes qui n’étaient pas forcément annexés à la notion de patrimoine d’aujourd’hui. L’un des gros enjeux du patrimoine c’est le patrimoine immatériel avec une définition bien précise donnée par l’UNESCO. Depuis 200 ans il y a cette dimension extensive, et où donc le patrimoine intègre des éléments au fil du temps. - Comment définiriez-vous la propagande ? C’est une action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d’informations pour propager une doctrine. La publicité c’est de la propagande. La propagande c’est le moyen du dominant pour agir sur le dominé. - Peut-on parler aujourd’hui de « numérisation du patrimoine ». Oui c’est une vraie révolution et de toute manière on baigne tous dedans dans tous les domaines et c’est aussi une grande aide pour la diffusion. - Est-il plus facile et pourquoi, de manipuler l’individu par l’art ? Non en tout cas ce n’est pas le plus important comme ce n’est pas forcément compliquer de faire de la propagande par l’art. Ce qui est certain c’est que l’art est un très bon outil de propagande il permet de sacraliser les idées ou autres concepts et peut être dangereux de ce point de vue-là mais en même temps c’est aussi une critique très radicale de la propagande en tout cas quand on parle de la propagande au service du dominant sur les dominés. Au-delà du point de vue de l’œuvre c’est surtout une idée de politique culturelle et donc d’une notion d’instrumentalisation de l’art. Images, propagande et TIC


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- Considérez-vous la Marseillaise comme un outil de propagande ? L’hymne national est un outil de propagande au service de la nation. C’est un enjeu de propagande. Aujourd’hui c’est certain que les partis traditionnels avec le FN en tête de gondole utilisent pour leurs discours des éléments de la Marseillaise et là encore on voit une instrumentalisation de l’art où l’on transforme la Marseillaise en outil de propagande. L’hymne français est avant tout, pour certain un chant de guerre et de solidarité, pour d’autres c’est un chant barbare remplit de haine. Vers quels camps pencheriez-vous ? Pourquoi ? La valeur des choses change en fonction de l’époque. Personnellement moi je suis plutôt hostile à ce chant après trancher en choisissant le fait que c’est un chant barbare de guerre, oui si on veut mais la guerre c’est barbare. A l’époque c’était surtout une vision utopiste lors de son écriture. Suscitez l’émotion, captiver l’attention, l’objectif finalement de la propagande est-elle de mentir pour mieux manipuler ? La propagande n’est pas systématiquement du mensonge, c’est une idéologie. L’idée de la propagande c’est acquérir à son idéologie au risque de déformer le réel. La question du mensonge reste vague aujourd’hui c’est ni plus ni moins la communication qui s’est substituée. On voit la propagande comme un élément négatif à cause du nazisme puisqu’il y avait un ministre de la propagande sous ce régime. Avant la Seconde Guerre Mondiale, si c’était une valeur négative il n’y aurait certainement pas eu un cabinet de la propagande sous Léon Blum en 1938… Par la suite ce cabinet et conserver sous Vichy qui s’appellera Ministère de L’information. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Hitler avait créé un ministère de la propagande. Pourquoi en avait-il tant besoin ? Complétement, mais la propagande c’est au cœur du système nazi. Aujourd’hui vous avez d’autres moyens, d’autres canaux. Le porte-parole du Gouvernement il fait de la propagande pour le gouvernement ça veut évidemment pas dire que ce sont des nazis… Voyez-vous aujourd’hui en France, de la propagande par l’art ? Il suffit de voir par exemple une exposition d’art contemporain qui peut être le vecteur de propagande. Car c’est toujours le reflet d’une idéologie qui va être promulgué. Il y a eu une exposition au Louvres dernièrement qui s’appelait « l’histoire de l’avenir » et tourné autour d’un livre de Jacques Attali. Donc là on a quand même une grande vision capitaliste au cœur du plus grand musée national de la part d’un homme extrêmement influent. L’art est-il selon vous l’outil émotionnel le plus puissant qu’il soit ?

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Oui, il suffit de penser au cinéma. Le cinéma américain en grande partie c’est de la propagande, où l’on voit l’Amérique au service de la planète qui sauve à chaque fois le monde. Hollywood c’est la défense de l’idéologie néo-libérale des USA. Si on prend des exemples, les films de Clint Eastwood sont vraiment dans la promotion d’une idéologie tout comme le film sur l’arrestation de Ben Laden. Mais le cinéma est un vecteur émotionnel essentiel aujourd’hui dans le domaine de la propagande. La plus part des rois ou empereur français ont laissé une trace indélébile de leur passage par l’art. François I et les châteaux de la Loire, Louis XIV avec Versailles, Napoléon avec l’Arc de Triomphe ou la passerelle des Arts à Paris, Napoléon III et le palais Garnier, Mitterrand et le musée du Louvres… Pourquoi dans le pouvoir, l’utilisation de l’art est-il primordial ? Ça peut passer par le culte de la personnalité. Le musée du Quai Branly peut être perçu comme de la propagande post coloniale pour reconnaitre la culture française qui a collectionné le monde. Peut-on considérer les photos de Président qui ornent les mairies, comme des photos de propagande ? Non c’est simplement de la communication. Mais la question qu’il faut surtout se poser c’est savoir si la communication c’est de la propagande. Toute forme de communication ayant comme objectif de promouvoir c’est de la propagande. Là c’est surtout du domaine de l’effigie. La propagande est-elle uniquement une affaire de totalitarisme ? C’est une affaire de promotion de l’idéologie et pas forcément de totalitarisme. Le problème ça serait de réduire la question de la propagande au totalitarisme c’est un danger de ne plus voir la propagande dans la société démocratique. Pourrait-on finalement dire que la propagande est un courant artistique ? Non, il y a des mouvements artistiques c’est vrai qui ont utilisés la propagande en mouvement artistique comme en Union Soviétique. Mais ce n’est pas un courant, personne ne s’est jamais réclamé comme artiste de propagande. Il faut bien comprendre que c’est une instrumentalisation de l’art en vue de faire de faire de la propagande mais qui n’est pas un courant. La propagande instrumentalise tout ce qui relève de la communication et l’art en fait partie. C’est un usage de l’art, c’est une fonction.

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Thème 6 : Education Problématique :

L’Education Nationale enseigne-t-elle à devenir un « bon citoyen français » ?

Fanny LE SAOUT Département Communication Université de Rennes 2 35000 Rennes FRANCE

Au sein de cette partie, nous mettrons en relief l’intrusion de l’Etat et de ses discours dans les programmes de l’enseignement républicain. RÉSUMÉ:

éducation, propagande, système éducatif, enseignement, laïcité, école républicaine, programme éducatif, valeurs républicaines, idéologie, formatage. MOTS-CLÉS :

2015-16, pages 137 à 152


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Plan Introduction 1. Evolution de l’Education en France 1.1. Les principes fondateurs de l’éducation républicaine française 1.2. L’éducation et la propagande pendant les deux guerres mondiales 1.3. L’Education d’aujourd’hui 2. Les programmes scolaires, outils de propagande ? 2.1. Utilité des programmes scolaires 2.2. Evolution des programmes et de leurs manuels 3. Pourquoi utiliser l’éducation comme outil de propagande ? Quels sont les enjeux sociaux et politiques ? 3.1. L’éducation, une composante de la croissance économique 3.2. Transmettre des savoirs et des compétences 3.3. Transmettre les valeurs de la République 4. Bibliographie 5. Annexes

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Introduction Le but de la propagande est d’influencer les idées des citoyens. Elle cherche à déclencher des réflexes et elle ne passe plus uniquement par l’image mais aussi par les nouvelles technologies. La propagande doit maintenant tenir compte de trois conditions pour se développer :  l’individu est libre et autonome, il y a une opinion publique et il existe des moyens de communication qui diffusent rapidement des informations ;  le discours de propagande doit s’adresser à tout le monde ;  elle intervient ainsi dans beaucoup de domaines tels que la politique, la finance et l’enseignement. Ce dernier domaine permet en effet d’inculquer des informations et des valeurs aux plus jeunes. Dès la Révolution française, on a cherché à ancrer les nouvelles valeurs de la France dans l’esprit des enfants. Mais aujourd’hui, à quoi sert cette propagande et comment est-elle diffuser aux nouvelles générations ? Depuis la Révolution, la France cherche en effet à faire du Français, un « bon citoyen ». L’image de ce « bon Français » est imprégnée dans l’esprit de la population et pour parvenir à cela, il faut la transmettre dès le plus jeune âge, donc dès l’école. C’est via l’école que l’enfant se développe, mûrit et se crée ses valeurs tout en acquérant des compétences utiles à la société. Ainsi, l’éducation est une stratégie pour pousser les citoyens à « être, penser, acheter Français » et les programmes scolaires, l’outil qui permet d’y parvenir. L’éducation intéresse la société car il n’y a pas d’activité professionnelle, sociale, politique ou morale qui ne résulte pas de l’action éducatrice. L’Education Nationale enseigne-t-elle donc à devenir un « bon citoyen français » ? Dans une première partie, nous verrons l’évolution de l’éducation en France, des premiers principes fondateurs de l’école républicaine, en passant par les deux guerres mondiales et en finissant par l’éducation actuelle. Puis nous verrons comment l’Etat diffuse son message, en passant par les programmes et les manuels scolaire. Enfin, nous étudierons le « pourquoi » de cette propagande et les différents enjeux sociaux et politiques.

1. Evolution de l’Education en France 1.1. Les principes fondateurs de l’éducation républicaine française Le système éducatif français a connu d’importantes évolutions à travers l’Histoire. L’éducation a été pendant longtemps réservée à une certaine élite puis elle s’est démocratisée après la Révolution. La Constitution du 3 septembre 1791 précise que

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l’école sera laïque et gratuite34. Pour les révolutionnaires, il y a deux principaux enjeux à cette nouvelle éducation : - donner une culture à l’ensemble des citoyens qui, une fois éclairés, ne tomberont pas dans le piège d’une vie entièrement orienté vers la satisfaction des besoins énormes de main-d’œuvre du système de production ; - légitimer et assurer la survie du nouveau système politique français qui émerge, c’est-à-dire la démocratie.35 Cependant, l’arrivée de Napoléon Bonaparte bouleverse le système car il rétablit les écoles religieuses, jugeant que l’organisation primaire est désorganisée. Mais les principes des révolutionnaires ne sont pas loin et ils vont aider à former « l’école républicaine ». La création de la Ligue de l’Enseignement 36 en 1866 par Jean Macé va permettre des changements fondamentaux dans le système éducatif français. Dans les années 1880, plusieurs lois seront ainsi votées : - 1881 : la laïcité est proclamée avec la suppression de l’éducation religieuse dans l’enseignement public - 1881 : la gratuité absolue de l’enseignement primaire - 1882 : la loi instaure un enseignement obligatoire de 6 à 13 ans - 1886 : il est interdit aux religieux d’enseigner dans le public. Puis, en 1905, une loi qui fera débat pendant tout le siècle est votée : la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ce nouveau système scolaire n’est pas né sans raison. A l’aube de la Première guerre mondiale, l’école est un instrument de taille pour la France. Suite à la perte de l’Alsace-Lorraine suite à la défaite de la guerre franco-prussienne de 1870, et sachant qu’un conflit armé approche, la France utilise l’éducation afin de montrer à la nouvelle génération que la France vit dans l’unité et l’amour de la patrie.

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Titre I de la Constitution : "Il sera créé et organisé une Instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement, dans un rapport combiné avec la division du royaume. " 35 Source : Wikipédia 36 Confédération d’associations françaises d’éducation populaire et laïque Images, propagande et TIC


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1.2. L’éducation et la propagande pendant les deux guerres mondiales 1914 : la Première guerre mondiale éclate. Dès le début de cette guerre qui durera quatre années, le ministre de l’Instruction de l’époque, Albert Sarraut, avertit les instituteurs : leur devoir est de « faire comprendre aux enfants les évènements actuels et d’exalter dans leur cœur la foi patriotique ». Le gouvernement mais aussi une partie de la population pense qu’il est sain d’intégrer les enfants au conflit pour ainsi les transformer en adultes exceptionnels. On fait alors chanter aux élèves des chants patriotiques et héroïques37, on étudie des cartes d’opérations militaires en géographie. La guerre sert de support pédagogique aux manuels de toutes les matières. Ces enfants constituent « la petite armée de l’arrière ». L’éducation est un outil de propagande de la Grande Guerre. Guerre dépeinte comme une guerre de protection des enfants, une guerre de construction de l’avenir. Les enfants servent aussi à la propagande lorsque l’Etat lance ses quatre grands emprunts entre 1915 et 1918. Les différentes images de cette propagande ont pour but de récolter de l’argent pour financer cette guerre38. L’Etat s’en sert aussi pour rassembler le peuple français et motiver l’arrière à participer à l’effort de guerre. On veut aussi faire comprendre aux enfants qu’une génération se sacrifie au front pour eux et ainsi, créer une enfance nouvelle. Une enfance plus patriotique. L’Etat veut leur apprendre la guerre, il veut encadrer cette enfance. On « bourre le crâne » de ces enfants avec des histoires héroïques, en leur rappelant qu’eux, n’iront pas sur le front et qu’ils doivent participer à cette guerre en soutenant les poilus. C’était sans savoir que ces mêmes enfants seront appelés à une autre guerre une vingtaine d’années plus tard : la Seconde guerre mondiale. Suite à la Première guerre mondiale, le régime politique reste celui qu’il est depuis 1870 et donc le système éducatif ne change pas. L’entre-deux guerres servira à nourrir la haine envers les Allemands, veillera à la mémoire des morts, au souvenir de cette Grande guerre et aux défenseurs de la France. Mais quelques universitaires souhaitent reconstruire l’école. Ils veulent la même formation de base pour tous les Français et allonger les études élémentaires jusqu’à 14 ans. Cependant, ces idées divisent encore et 37

Quelques titres : « Le Chant du départ », « Dis-moi quel est ton pays » d’ErckmannChatrian, « Le Drapeau » d’Isoré 38 Voir annexe 1 Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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c’est seulement en 1936 que l’obligation scolaire est prolongée à 14 ans. En 1939, la Seconde guerre mondiale éclate et la victoire allemande de juin 1940 met fin à la IIIe République. Le gouvernement de Vichy est hostile à l’œuvre scolaire laïque et signe une série de mesures contre les défenseurs de l’école publique. Ainsi, en 1940 et 1941, le gouvernement supprime les écoles normales d’instituteurs jugées trop républicaines, supprime des syndicats enseignants, rétablit les devoirs envers Dieu dans les programmes primaires et subventionne des écoles privées. Le gouvernement utilise des affiches de propagande mettant en scène des enfants et des Allemands afin que les Français aient confiance en ces derniers 39. On y voit aussi des photos de ministres rendant visite à des écoliers40. Puis à la fin de la guerre, ce sont des photos d’Américains et d’enfants qui sont diffusées. Mais les enfants sont des victimes de cette guerre et l’arrière s’essouffle à reconstituer l’esprit de 1914 et l’image de l’enfant-héro. Il y a peu de propagande pour le patriotisme, la France attend l’assaut allemand et signe l’armistice peu de temps après. Pétain veut alors créer une France nouvelle et provoque une « Révolution nationale »41. Cette révolution réaffirme la primauté des structures d’encadrement traditionnelles que sont le métier, la famille et le territoire national. « Liberté, Egalité, Fraternité » devient « Travail, Famille, Patrie ». Le gouvernement cherche à restaurer la famille nombreuse afin de protéger la « race ». On voit ainsi dans les journaux, des photos de familles qui célèbrent la journée des Mères (actuelle fête des Mères), créée pour promouvoir la mère au foyer.

1.3. L’Education d’aujourd’hui Le système éducatif français d’aujourd’hui est toujours fondé sur de grands principes inspirés de la Révolution de 1789. La Constitution française précise que « l’organisation de l’enseignement public obligatoire gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ». De plus, les programmes et les contenus d’enseignement sont tenus de répondre au principe de neutralité. Une neutralité philosophique et politique qui s’impose aux enseignants et aux élèves. Cependant, certains manuels ne s’y tiennent pas. On peut voir sur l’image ci-dessous que la gauche se sert des manuels comme un outil de propagande afin de transmettre les valeurs de la gauche et rabaisser celles de la droite. Il n’y a donc pas de neutralité dans ce manuel d’éducation civique.

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Voir annexe 2 Voir annexe 3 41 Idéologie d’extrême-droite qui reprend certaines idées de l’organisation royaliste : « Action française » 40

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L’un des principes essentiels à l’Education Nationale est la laïcité. Chaque années, une charte de la laïcité est rédigée et affichée dans toutes les écoles 42. Cette charte insiste sur le fait que la France est un pays libre, laïc. Cette laïcité a attiré les foudres du groupe islamique Daesch. En effet, ces derniers temps, le magazine francophone de ce dernier attaque la laïcité de la France et conseille à ses lecteurs de « délaisser l’éducation des mécréants » car ce serait un « moyen de propagande servant à imposer le mode de pensée corrompu établi par la judéo-maçonnerie »43. La charte de la laïcité qui stipule que l’Etat confie à l’éducation la mission de faire partager les valeurs de la République n’est, pour eux, qu’un tissu de mensonges et ne concerne pas les musulmans. L’Education nationale républicaine a donc connu beaucoup d’évolutions depuis la Révolution. Cependant, on y trouve souvent les mêmes valeurs : la laïcité, l’égalité et l’importance d’être un « bon citoyen Français ». Mais comment, l’Education nationale transmet-elle ces valeurs ?

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Voir annexe 4 Source : le Figaro Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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2. Les programmes scolaires, outils de propagande ? 2.1. Utilité des programmes scolaires Au départ, le programme était un inventaire des savoirs et des savoir-faire. Dans la tradition française, les programmes scolaires sont : - des documents autonomes, rédigés par discipline et par année d’études ; - parfois sans référence à des finalités éducatives générales dont ils dépendraient hiérarchiquement ; - souvent tournés vers un idéal d’enseignement que vers une effectivité d’apprentissages ; - se prononçant peu sur l’outillage matériel nécessaire, les questions d’évaluation ou le niveau d’atteinte attendu des élèves 44. Les programmes scolaires sont le fondement de l’unité du système éducatif et forment la société de demain. C’est pourquoi leurs contenus, leur définition et leurs méthodes sont essentiels et sujets à de nombreux questionnements. Quels contenus sont à privilégier ? Comment mêler programmes et valeurs ? Forme-t-on le citoyen de demain au cours des leçons de grammaire ou de maths ? Qui décide de cet inventaire ? Cette dernière question n’a pas encore été précisément élucidée en 2015. Les programmes, strictement mis en œuvre, sont souvent interprété par les éditeurs et les professeurs. La scolarité de l’école maternelle au collège, doit permettre aux élèves d’acquérir un « socle » commun de connaissances et de compétences, c’est-à-dire des « compétences clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie »45. Ce « socle » constitue une référence pour la rédaction des programmes. Il représente l’ensemble des valeurs, des savoirs, des langages et des pratiques qui permettent à chacun d’accomplir sa scolarité et de construire son avenir personnel et professionnel et qui contribuerait aussi à réussir sa vie en société. Ce « socle » commun réunit sept compétences : 1) La maîtrise de la langue française ; 2) La pratique d’une langue vivante étrangère ; 3) Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique ; 4) La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ; 44 45

www.education.gouv.fr Définition du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen

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5) La culture humaniste ; 6) Les compétences sociales et civiques ; 7) L’autonomie et l’initiative. Cependant, les programmes scolaires doivent aussi transmettre certaines valeurs comme nous l’avons vu précédemment. Comment ces derniers transmettent-ils ces valeurs et comment évoluent-t-ils selon les époques ? Peut-on parler de propagande ?

2.2. Evolution des programmes et de leurs manuels Le système éducatif français est conçu pour que les élèves maitrisent les legs historiques, moraux et intellectuels de leurs ancêtres. Un programme d’histoire véhicule forcément les valeurs de la France. D’où une polémique récente sur l’époque coloniale française. Mais les programmes de physique, de géographie, de mathématiques ou de biologie, font moins fréquemment l’enjeu de débat. Cependant, la plupart de ces programmes sont porteurs « d’idéologies et de connotations morales »46. Selon de récentes enquêtes menées par Pierre Clément qui coordonne un programme européen de recherches du nom de Biohead-Citizen, certaines disciplines telles que la géographie ou la physique, sont forcément porteuses d’idéologie. Cette étude, qui cherche à savoir comment sont enseignés certains thèmes sensibles, démontre que l’enseignement est en régression et que la biologie, par exemple, ne suit pas toujours le renouvellement rapide des connaissances. Les manuels scolaires évoluent donc aussi avec le temps. On peut voir qu’un manuel de « Sciences appliquées » des années soixante évoque la prédisposition des femmes à faire le ménage et des hommes à réparer les voitures. Les manuels peuvent donc véhiculer des stéréotypes tout en faisant des manuels un outil de propagande (les femmes à la maison, les hommes au travail ou à réparer des machines). Que dire de la géographie ? Cette matière enseigne des frontières qui n’existent pas géographiquement mais politiquement. Par exemple, la frontière physique entre l’Europe et l’Asie n’existe pas, les géographes parlent de continent « eurasiatique ». Ne pas transmettre cela, c’est vouloir séparer certaines communautés. Ne serait-il pas plus important d’expliquer la différence entre des frontières politiques et des frontières physiques ?

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Propos de Pierre Clément, chercheur en didactique Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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La plupart des contenus des manuels scolaires sont porteurs des valeurs liées au climat social du moment. C’est ainsi que pendant la Première guerre mondiale, on voyait des manuels ou des livres pour enfants diffuser des affiches de propagande. On détournait les héros de ces enfants47, on utilisait ces derniers pour récolter de l’argent, on indiquait dans les manuels que l’Allemagne était l’ennemi numéro un de la France et à quel point les Allemands étaient « méchants ». Puis pendant la seconde guerre mondiale et plus précisément sous le régime de Vichy, on expliquait aux enfants qu’on pouvait avoir confiance envers le maréchal Pétain et donc qu’on pouvait faire confiance aux Allemands. De plus, les termes utilisés dans les manuels sont souvent modifiés. Par exemple, les « conquêtes françaises » sont devenues du « colonialisme ». L’éducation permet à l’Etat de transmettre les idées et les valeurs « du moment » et ils font cela via les programmes et les manuels scolaires ». Peut-on appeler cela de la propagande ? Alors que la France a encore une fois été mal notée au classement Pisa48 (dans les ème 20 en 2015), on peut se demander ce que fait l’éducation nationale. Un budget assez conséquent est pourtant attribué à l’éducation. Mais est-ce que l’Etat veut réellement l’excellence ou préfère-t-il former de « bons citoyens Français » ?

3. Pourquoi utiliser l’éducation comme outil de propagande ? Quels sont les enjeux sociaux et politiques ? 3.1. L’éducation, une composante de la croissance économique Le rôle de l’éducation dans la croissance est aujourd’hui conforté par la théorie économique. Le système éducatif français a connu d’importants changements ces dernières décennies : allongement de la durée des études obligatoires, modification des programmes, modification des méthodes d’enseignement, utilisation croissante des nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc. Mais pourquoi tous ces changements ? En 2000, les dépenses d’éducation se sont élevées à 99,7 milliards d’euros, soit 7,2% du PIB et 37% du budget de l’Etat. L’Education nationale cherche à développer l’enseignement de masse dans le deuxième cycle du secondaire et dans l’enseignement supérieur et réduire l’échec scolaire et les sorties du système éducatif sans qualification. Les résultats obtenus dans les classements internationaux sont très en dessous de ce qu’on pourrait attendre de la France. Elle arrive 23 ème du 47 48

Voir annexe 5 Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves

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classement international de réussite scolaire 49. Cependant, l’éducation seule, ne suffit pas à faire varier la croissance économique. Une étude de l’Insee attribue tout de même 18% de la croissance des années 1980 à l’effort d’éducation. L’enseignement est un processus institutionnalisé de formation et de transmission des connaissances qui développe des aptitudes et des attitudes. En aval, il conduit à insérer les élèves dans le monde du travail. L’éducation participe donc à la croissance économique. De plus, cette institution conduit à des coûts et à des financements et qu’elle insère les élèves à un travail conduit à une « économie de l’éducation » qui analyse donc son rôle dans cette croissance. Certains économistes transposent les concepts de demande, d’offre et de capital pour traiter des systèmes scolaires. D’autres assimilent les élèves et les diplômes à des marchandises et à de la monnaie. Dans tous les cas, on peut dire que l’éducation peut influencer la croissance économique. On comprend donc mieux pourquoi celle-ci est un enjeu majeur pour les politiques. La propagande via l’éducation peut donc être justifiée ainsi : transmettre les « bonnes » valeurs, les « bons » savoirs, permet aux citoyens français de devenir de meilleurs citoyens et de remplir comme il se doit leurs devoirs de citoyenneté et donc d’améliorer la croissance économique de la France.

3.2. Transmettre des savoirs et des compétences Les savoirs dispensés, toujours plus nombreux, ressemblent tous les jours un peu plus à de la pure propagande. Les programmes d’économie dans les classes spécialisées de première et terminale en sont caricaturaux. Ainsi, on ne cherche plus l’excellence mais des citoyens prévus par et pour la République. C’est pourquoi on trouve maintenant dans les programmes, des sujets de société : l’économie d’énergie, la sauvegarde des espèces menacées, etc. Mais la France doit transmettre des savoirs. Transmettre son histoire, sa politique. Des savoirs qui permettent à chacun de vivre en communauté dans une société de la connaissance. Grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, transmettre ces connaissances est plus aisé. Mais dans un monde en mutation rapide, il convient aussi de transmettre la capacité d’adaptation. Il s’agit aussi de donner un ensemble de connaissances, de valeurs, de savoir-faire, de savoir être et savoir communiquer. Certaines compétences doivent être mises en avant telles que la capacité à formuler clairement sa pensée à l’oral comme à l’écrit, avoir une imagination créatrice, etc. Mais aussi quelques principes fondamentaux : 49

http://www.i24news.tv/fr/actu/international/71133-150514-les-pays-asiatiques-ausommet-du-classement-mondial-des-meilleurs-ecoles Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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La contribution explicite de chaque discipline à la maîtrise du français ; L’adéquation entre les contenus et les horaires ; La distinction au sein de chaque discipline ; La définition des compétences et les notions essentielles à acquérir et à évaluer ; - L’harmonisation du vocabulaire dans les diverses disciplines ; - La mise en évidence des convergences entre disciplines et des approches croisées nécessaires. Certaines disciplines sont donc obligatoires : les sciences, le français, l’histoire géographie, une langue étrangère par exemple. En France, nous avons aussi depuis 1999, le cours d’éducation civique, juridique et sociale. Ce dernier permettrait de transmettre certaines valeurs aux élèves, etc.

3.3. Transmettre les valeurs de la République Un des principaux enjeux politiques et sociaux de l’éducation, est la transmission des valeurs, et principalement des valeurs de la République. C’est pourquoi un cours d’éducation civique, juridique et civique a été mis en place. Son objectif est d’aider les élèves à mieux percevoir les grands enjeux politiques et sociétaux et de les former au débat argumenté. La structure de ce programme vise à mettre en évidence la notion de citoyenneté (principes, modalités et pratiques) et à analyser ses conditions d’exercice au sein du monde contemporain. En seconde, la citoyenneté est approchée à partir de l’étude de la vie sociale. Sept notions fondamentales sont ainsi traitées : la civilité, l’intégration, la nationalité, le droit, les droits de l’homme et du citoyen, les droits civils et politiques, les droits sociaux et économiques. En première, on analyse le fonctionnement des principales institutions politiques et les conditions d’exercice de la citoyenneté. Les sept notions sont : le pouvoir, la représentation, la légitimité, l’Etat de droit, la République, la démocratie, la défense. Puis en terminale, on étudie la confrontation de la citoyenneté aux mutations en cours qui permet de montrer comment les exigences de droit, de liberté et de justice sont confrontées à de nouveaux défis. Il y a cette fois, huit notions : les libertés, l’égalité, la souveraineté, la justice, l’intérêt général, la sécurité, la responsabilité, l’éthique. On incite alors les élèves à se documenter et à faire des recherches notamment avec les TIC. Les valeurs de la France sont ainsi transmises grâce à cette matière. L’accent est mis sur la formation de citoyens lucides et actifs, capables de construire un monde fondé sur les valeurs de démocratie et de tolérance. L’éducation doit donc prendre en compte les besoins de compétences nouvelles requises par l’évolution économique et donc doit contribuer à développer l’esprit de coopération, le sens de la solidarité et établir une égalité des chances et des sexes. Elle doit aussi respecter la pluralité des cultures qui est un patrimoine de notre humanité. C’est pourquoi, le Images, propagande et TIC


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système éducatif français reste fidèle à ses valeurs républicaines tout en s’ouvrant de plus en plus sur le monde.

4. Bibliographie La Guerre des enfants – Stéphane Audoin-Rouzeau http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/enseignement-primaire/chronologie/ http://www.universalis.fr/encyclopedie/education-l-histoire-de-l-education/ http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/france-50-ans-transformations/ecolerepublicaine.shtml http://www.lepoint.fr/histoire/l-ecole-francaise-avant-1914-entre-patriotisme-etpropagande-27-11-2013-1762277_1615.php https://scribium.com/maurice-bourdon/a/les-enfants-de-la-grande-guerre-de-lecole-a-lapropagande/ http://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/254_Ecole3degR.pdf http://www.archives18.fr/article.php?laref=483 http://www.topito.com/top-des-pires-affiches-de-propagande-de-la-senconde-guerremondiale http://www.1jour1actu.com/histoire/etre-un-enfant-pendant-la-seconde-guerremondiale-29118/ http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes.htm http://www.savoirs.essonne.fr/dossiers/les-hommes/pedagogie/des-manuels-scolairespas-si-neutres/complement/resources/ http://www.lemonde.fr/education/article/2013/09/05/l-enfer-des-programmesscolaires_3472011_1473685.html http://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article177 http://www.ladynamiquecqfd.org/wordpress/?cat=56 http://www.ibe.unesco.org/National_Reports/ICE_2004/france.pdf http://www.contrepoints.org/2015/10/04/224181-lechec-utile-de-leducation-nationale http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/08/29/andreas-schleicher-ocde-en-france-lenseignement-n-est-pas-pertinent_4478859_3224.html http://www.reporterre.net/EDF-distille-la-propagande-nucleaire-dans-les-lycees-avecle-feu-vert-de-l http://www.allianceroyale.fr/leducation-nationale-ou-lusine-de-propagande/ http://www.ndf.fr/poing-de-vue/21-11-2013/propagande-detendue-leducationnationale#.VhraePntmko Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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5. Annexes Annexe 1

Affiches de propagande de la Première Guerre Mondiale. La première affiche montre une mère enlaçant son enfant tout en le mettant au lit. Une photo est au-dessus du lit, une photo du père soldat parti en guerre. Puis la deuxième affiche montre qu’en souscrivant à l’emprunt national, ce petit garçon pourra revoir son père. La phrase : « pour la France qui combat ! Pour Celle qui chaque jour grandit » indique que si la France est en guerre, c’est pour préserver la France de demain et donc les enfants.

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Annexe 2

Affiche de propagande. Image montrant que la population française peut avoir confiance en l’Allemand. Utilisation des enfants afin d’amadouer le peuple.

Annexe 3

Photographie diffusée dans les journaux. Les ministres du gouvernement de Pétain rendant visite à de jeunes écolières. Au centre de la photographie, Pierre Laval, chef du gouvernement.

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Annexe 4

Charte de la laïcité – Années 2015-2016

Annexe 5

Couverture d’un livre « Bécassine ». On voit le personnage principal du livre « mobilisé » et donc prête à aider la France pendant la Grande guerre.

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Thème 7 : Institutions Problématique :

Comment les institutions participent-elle à un discours patriotique ?

Mélinda LE FRAPPER Département Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE

RESUME : Cette partie du dossier, dans un premier temps, expose l’ensemble des institutions françaises. Notamment avec l’utilisation de la propagande dans ses structures grâce à une langue appelée « Lingua Quintae Respublicae » analysée par Eric Hazan, aux valeurs ainsi qu’aux symboles patriotiques. Dans une seconde partie, on se concentrera sur les symboles patriotiques que l’on peut retrouver dans une ville. Ici l’enquête de terrain est centrée sur Rennes. On découvrira alors que Rennes est une ville gorgées de monuments historiques et plus particulièrement des monuments aux morts faisant mention de « mort pour la France ». MOTS-CLÉS : Institutions, République, président, parlement, pourvoir exécutif, constitution, gouvernement, LQR, armée, propagande, valeurs, monuments historiques, patriotisme, monuments aux mort, patrimoine.

2015-16, pages 153 à 173


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Plan Introduction 1. Contextualisation générale du sujet : les institutions 1.1. Contextualisation de la question général et de la problématique de recherche 1.2. Synthèse de la revue de littérature scientifique 1.3. Méthodologie 2. Recherches empiriques 2.1 Historique des républiques 2.2 Constitution et fondements de la Vème République 2.3 Le pouvoir exécutif : le président et le gouvernement 2.4 Le Parlement 2.5 Une langue spécifique : LQR 2.6 Les valeurs patriotiques 2.7 L’armée et la propagande 3. Les symboles patriotiques à Rennes 3.1 Institutions et patriotisme à Rennes 3.2 Symboles patriotiques rennais 3.3 Analyse du terrain 4. Conclusion 5. Bibliographie 6. Annexes

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Introduction Depuis de nombreuses années, la France à de multiples institutions qui sont devenues indispensables pour le bon fonctionnement de la république. Ces institutions participent à l'organisation de la société et de l'État. Image, propagande et TIC, le sujet principal de ce dossier, correspond alors ici à la propagande et le patriotisme que l’on retrouve dans les institutions françaises. Ces deux notions n’ont pas toujours associés même si ses éléments ont toujours fonctionné ensemble. Le patriotisme est qualifié comme le dévouement d’un individu envers son pays qu’il reconnait comme étant sa patrie. Quant à la propagande, elle est définie comme : « Ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisé en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d’individus psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés dans une organisation » par Jacques Ellul. Un auteur relativement influent dans cette partie du dossier. Rappelons que la notion de propagande à plus ou moins toujours existé mais évolue avec les années. Aujourd’hui, cela passe par la communication, la publicité, les discours ou encore les médias. Une question essentielle se pose, comment les institutions participent-elles à un discours que l’on peut qualifier de patriotique ? Pour essayer de répondre à cette question, nous allons tout d’abord présenter les diverses institutions françaises pour ensuite expliquer l’utilisation de la propagande dans les institutions. Notamment avec une langue adoptée par les personnes influentes, avec les valeurs patriotiques de la France, ainsi qu’un exemple d’institution française : l’armée. Après cette étude, une recherche de terrain, pour illustrer ses propos semblait adéquate. Afin d’être le pertinent possible, la recherche de terrain a été centré sur les symboles patriotiques que l’on peut trouver dans la ville de Rennes. Nous nous sommes posé alors comme question : Qu’est ce qui a été mis en place pour flatter le patriotisme à Rennes ? Pour cette dernière partie nous allons évoquer les institutions et symboles patriotiques dans la ville pour ensuite expliciter les exemples de symboles patriotiques les plus pertinents et pour finir la dernière partie concernera donc l’analyse de ce terrain.

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1. Contextualisation générale du sujet : Les institutions 1.1. Contextualisation de la question générale et de la problématique de recherche Le sujet principal de notre dossier de spécialisation est le suivant : Images, propagande et TIC. La propagande politique moderne donc celle que nous connaissons, est présente dans notre quotidien depuis de nombreuses années mais s’est affirmée lors de la première guerre mondiale. Rappelons que beaucoup d’institutions sont présentes dans notre vie même si ne nous en rendant pas forcément compte. Elles sont devenues indispensables pour le bon fonctionnement de la République. De plus, celles-ci sont en relation directe avec la propagande ainsi que des techniques d’information et de communication. J’ai par conséquent choisie d’étudier les institutions françaises avec comme problématique “Comment les institutions participent elles à un discours que l’on peut qualifier de patriotique?” La communication étant au cœur de notre master, j’ai donc choisis de me pencher sur la question de la propagande des institutions. Lors de la première partie du dossier de spécialisation j’ai décidé tout d’abord de me concentrer sur l’historique et la contextualisation. C'est-à-dire que j’ai commencé par un historique relativement global pour ensuite axé sur la constitution de la cinquième république et son fonctionnement (le président, le gouvernement, le parlement). Cette partie m’a servie de base pour ensuite parler de l’utilisation de la propagande dans les institutions françaises. J’ai pu alors évoquer une langue spécifique qui se nomme LQR qui signifie « langue de la Cinquième République » ou alors « Lingua Quintae respublicae ». J’ai par la suite évoqué les valeurs patriotiques pour finir par un exemple d’institution : l’armée. Pour la deuxième partie du dossier, j’ai décidé de centrer le terrain sur les symboles patriotiques qu’une ville peut avoir. J’ai donc naturellement décidé d’orienté mon terrain vers la ville de Rennes. Sachant que la première partie du dossier est théorique, une problématique adaptée aux recherches du terrain était nécessaire : Qu’est ce qui a été mis en place pour flatter le patriotisme à Rennes ? Grâce à l’association « Le Souvenir français » de Rennes ainsi qu’un entretien avec Joël David, spécialiste du patrimoine rennais, j’ai réussis à rassembler des informations essentielles à la construction de mon dossier.

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1.2. Synthèse de la revue de littérature scientifique Il existe un certain nombre d’ouvrages évoquant la propagande dans les institutions. Ayant un handicap assez important puisque je ne connaissais pas le fonctionnement exact et n’avais jamais réellement travaillé sur les institutions, j’ai dû faire beaucoup de recherches pour avoir un maximum d’informations. J’ai pu m’appuyer sur mes recherches pour élaborer mon dossier de spécialisation. De plus, j’ai pu m’aider de certains sites Internet officiels tels que le site du conseil constitutionnel où j’ai pu retrouver la constitution intégrale. J’ai également consulté le site de l’assemblée nationale, le site du gouvernement ainsi que le site de l’armée. Grâce à ceux-ci j’ai pu comprendre le fonctionnement et certaines stratégies mises en place. Afin d’approfondir au mieux mon sujet, j’ai consulté d’autres documents sur internet. J’ai pu également trouver une émission de radio d’une durée d’une heure parlant de la propagande de la cinquième République. Celle-ci m’a été d’ailleurs été très précieuse puisque c’est grâce à elle que j’ai pu comprendre exactement cette langue utilisé par les politiciens. Pour ce dossier, j’ai essayé de mon concentrer sur deux auteurs que je peux dire de référence : Eric Hazan et Jacques Ellul. Tous les deux parlent évidemment de la propagande. Selon Jacques Ellul « C’est un ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisé en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d'individus psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés dans une organisation. » alors que Eric Hazan lui considère que la propagande passe tout d’abord par la langue utilisée que l’on appelle LQR adoptée pour s’adresser à la population. Pour Jacques Ellul, l’usage de la propagande s’est récemment développé et généralisé. Pour lui, aujourd’hui on préfère employer un mot plus « clean » et plus « soft » qui est la communication. Le pessimisme de Jacques Ellul en matière de propagande se résume en deux propositions : il n’existe pas de démocratie sans information pas plus qu’il n’existe d’information sans propagande. La démocratie doit faire de la propagande pour survivre mais la propagande est, par essence, la négation de la démocratie. Cependant l’individu ne peut être atteint par la propagande qu’au sein de la masse. Elle intègre une certaine vie collective et lui fait partager un langage commun. Ce qui revient à ce que le deuxième auteur dit, avec une invention de langue pour toucher un maximum de personnes c'est-à-dire tout le peuple. Pour atteindre son but, la propagande s’adresse en même temps à l’individu et à la masse. C'est-à-dire qu’elle existe en fonction d’une opinion publique. « S’il y a opinion publique, c’est qu’il y a une propagande qui entraine la cristallisation de cette opinion » dit Jacques Ellul. Il rajoute qu’il étudie la propagande sous quatre aspects : la mesure de ses effets, l’inefficacité de la propagande, son efficacité et pour finir ses limites. Le fait d’avoir du pour et du

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contre, était relativement intéressant pour établir un diagnostic. La plupart des auteurs sont soit totalement pour ou l’inverse mais très peu sont divisé et démontre comme Jacques Ellul le fait. Eric Hazan, quand à lui se concentre plus particulièrement sur la langue employée qu’il appelle une langue de pouvoir qui fait maintenir l’ordre. Il rejoint Jacques Ellul en disant que cette langue se propage dans tous les domaines pour endormir le peuple c'està-dire le rendre indifférent aux injustices et aux inégalités. Les glissements sémantiques sont relativement présents dans la LQR. La modification du sens des mots, le changement de la valeur des concepts et leur fréquence. On fait donc disparaitre les pauvres, qui sont devenus des « familles modestes » par exemple. Cette langue n’est pas une langue ordinaire, on la retrouve principalement chez les économistes, les publicitaires, les politiciens et les journalistes. Eric Hazan nous fait comprendre que la fonction essentielle de cette langue, c’est d’effacer la division sociale et donc d’avoir un aspect de masse. La LQR masque la réalité, elle a recourt à l’éthique pour valoriser ce qui est normalement inacceptable. L’auteur qualifie cette langue comme étant tout simplement une arme postmoderne. La LQR est présente dans notre quotidien, elle travaille chaque jour dans les journaux, les supermarchés, les transports en commun, les « 20 heures » des grandes chaines ainsi qu’à la domestication. Grâce à ses deux auteurs que je trouve complémentaires mais qui n’abordent pas le sujet de la même manière, j’ai pu apporter des réponses à ma problématique. Jacques Ellul évoque la propagande de manière générale alors qu’Eric Hazan expose un point spécifique. Même si ses deux perceptions de la propagande sont différentes, nous arrivons à un constat commun qui est le suivant : l’individu ne peut être touché par la propagande qu’au sein d’une masse c’est pour cela que certains moyens sont mis en place comme la LQR.

1.3. Méthodologie Pour construire ce dossier, je me suis dans un premier temps rendue sur les sites officiels tel que le site du gouvernement où de l’assemblée nationale afin d’acquérir les connaissances nécessaires pour construire une base théorique. L’étude des auteurs est également une étape importante puisque cela permet de savoir vers quelles pensées nous nous dirigeons. Je m’appuis par conséquent, pour élaborer ce dossier, sur de nombreux sites mais aussi des ouvrage tels que « que sais-je ? La Vème république » ou encore d’une émission de radio qui permet à Eric Hazan de défendre son livre « La propagande au quotidien ». Pour ce qui est du terrain, je me suis tout d’abord dirigée vers la Mairie de Rennes afin de recueillir des informations sur le patrimoine de la ville. Ils m’ont alors transmit un contact à Rennes métropole. Je me suis ensuite permise d’aller également à l’office de tourisme afin d’avoir des informations supplémentaires. Images, propagande et TIC


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Je m’appuierais sur les informations transmises par une association appelée « Le Souvenir français » et de mon entretien avec David Joël, spécialiste et passionné du patrimoine rennais. Je me suis évidemment déplacée dans la ville afin de voir de mes propres yeux les monuments.

2. Recherches empiriques : les institutions françaises 2.1. Historique des républiques Des années 1870 à nos jours, la France a connu quatre régimes politiques différents (dont trois républiques). Le régime républicain est inséparable de l’histoire contemporaine de la France. Il trouve ses origines dans la Révolution française au cours de laquelle, pour la première fois, la République a été proclamée en France, en septembre 1792. Néanmoins, il a fallu plus d’un siècle pour que la République s’installe de façon pérenne. C’est en 1870 que la IIIème République voit le jour. Née dans le contexte peu favorable d’une défaite militaire et d’abord dominée par une majorité monarchiste, la IIIème République est pourtant le régime qui va parvenir à installer le fait républicain en France. Inséparable de l’œuvre scolaire et de l’affirmation de valeurs qui demeurent aussi fondamentales que la laïcité, la IIIème République va parvenir à faire des Français d’authentiques républicains. La fin du régime est particulièrement dramatique puisqu’il sombre dans la défaite de 1940 et dans le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Alors, pour quatre ans se met en place un régime autoritaire et collaborationniste: l’Etat français, installé à Vichy. Mais, dès la Libération, le régime républicain renaît de ses cendres. En 1946, les Français adoptent la constitution d’une nouvelle République qui ressemble beaucoup à la précédente. La IVème République s’écroule finalement dans le contexte de la guerre d’Algérie. De Gaulle revient alors au pouvoir; nous sommes en 1958. Il fait adopter une constitution dont l’esprit s’éloigne largement des deux précédentes républiques. Désormais, ce ne sont plus le Parlement et le pouvoir législatif qui dominent dans l’équilibre des pouvoirs mais l'exécutif. Au sein de l'exécutif, c’est désormais le président de la République et non plus le chef du gouvernement qui domine. En 1962, une révision constitutionnelle majeure va permettre aux Français d’élire le chef de l’Etat au suffrage universel direct. Cette réforme s’applique pour la première fois en 1965, élection présidentielle au cours de laquelle le général De Gaulle se trouve confronté, au deuxième tour, à François Mitterrand. Même si elle demeure critiquée par certains,

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l’élection présidentielle constitue depuis cette date un des moments clés de la vie politique française et la constitution de la Vème République, conçue en 1958.

2.2. Constitution et fondements de la Vème République “Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.” Ce préambule de la constitution française nous permet de comprendre que celle-ci est tout d’abord la loi fondamentale d’un État qui définit les différentes institutions le composant et qui organise leurs relations. Une Constitution écrite est généralement organisée en plusieurs parties appelées titres, eux-mêmes divisés en articles et alinéas. La constitution se situe au sommet du système juridique de l'Etat dont elle est le principe suprême. Toutes les lois, les décrets, arrêtés et traités internationaux doivent être conformes aux règles qu'elle définit. Elle peut prendre la forme d'un texte unique ou d'un ensemble de lois. Une constitution est élaborée par une assemblée nationale (pouvoir constituant originaire) réunie spécialement pour cet objectif. Elle est révisée par le pouvoir constituant dérivé ou institué (prévu par la Constitution). Une Constitution est dite rigide lorsque la procédure prévue pour sa révision est peu aisée à mettre en œuvre alors qu’une Constitution peut être souple lorsque sa révision est techniquement plus simple. 1958-1962: une nouvelle République et de nouvelles institutions De Gaulle devient le dernier Président du conseil de la IVème République le 1 er juin 1958. Il confie la rédaction de la nouvelle constitution à un comité composé de parlementaires gaullistes, de radicaux et de socialistes comme Guy Mollet qui joua un rôle important lors de la rédaction finale du texte. Après une présentation aux Français, la nouvelle constitution est adoptée par référendum par une majorité de près de 80 % de réponses positives le 28 septembre 1958. Promulguée le 4 octobre par le président de la République René Coty, elle donne officiellement naissance à la Vème République. La constitution de 1958 met alors en place un régime de type semi-présidentiel où le chef du gouvernement, nommé par le Président de la République et désormais appelé Premier ministre, il demeure responsable devant les chambres (Assemblée nationale et Sénat). Mais le personnage central est désormais le président de la République qui dispose du pouvoir de dissoudre l'assemblée nationale. Il joue par ailleurs un rôle Images, propagande et TIC


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fondamental en matière de politique étrangère, domaine réservé du Président, et oriente la politique du gouvernement. Le Premier ministre doit en quelque sorte se contenter d’interpréter et d’appliquer les volontés présidentielles. Conformément aux idées qu’il énonçait déjà dans le discours de Bayeux, De Gaulle a donné la primauté à l'exécutif sur le législatif, seul type d’organisation politique susceptible de répondre à la gravité de la situation en Algérie, selon lui. Depuis 1958, la Constitution à subit plusieurs révisions c’est à dire qu’un projet de loi est présenté par le Président de la République sur proposition du Premier ministre. La proposition de loi révisant la Constitution, doit d’abord être adoptée par les deux assemblées séparément et dans les mêmes termes. À ce jour, la Constitution a été modifiée à vingt-deux reprises selon cette procédure, toujours sur la base d’un projet de loi présenté par le Gouvernement. Certaines des révisions ainsi opérées ont significativement modifié l’économie d’ensemble du régime et des institutions. Pour illustrer ses propos nous pouvons prendre comme exemple, favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes est une révisons datant de 1999 ou encore la réduction de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans appliqué en 2000. Des révisions qui restent toujours importantes mais sans incidence fondamentales. Nous pouvons tout de même remarquer que de nombreuses révisions son liées à l’intégration de la France dans l’Union européenne.

2.3. Le pouvoir exécutif : le Président et le gouvernement Le Président « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Le président de la république est élu au suffrage universel direct depuis la réforme constitutionnelle de 1962. Depuis le référendum sur le quinquennat présidentiel demandé par Jacques Chirac en 2000, le président est élu pour cinq ans contre sept antérieurement. Il ne peut exercer pas exercer de plus deux mandats consécutifs. Le président de la République à des pouvoirs propres, en effet la constitution prévoit que le président dispose d’une part de pouvoirs qui son dispensé du contreseing ministériel, et d'autre part de pouvoirs soumis à contreseing : Les pouvoirs du président de la République sont de tout d’abord nommer et mettre fin aux fonctions du Premier Ministre sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement, il peut aussi organiser un référendum sur proposition du gouvernement ou des deux assemblées. Un des pouvoirs importants est d’avoir la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale mais aussi nommer et mettre fin aux fonctions des membres du gouvernement. Promulguer la loi ou encore signer des décrets et ordonnances sont des pouvoirs qui lui sont conféré. Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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Le gouvernement Dirigé par le Premier ministre nommé par le Président de la République, le Gouvernement constitue la seconde moitié de l’exécutif bicéphale mis en place par la Constitution de 1958.Il se compose de ministres nommés par le Président de la République sur proposition du Premier ministre. Le Gouvernement est chargé par la Constitution de déterminer et de conduire la politique de la Nation. À sa tête, le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire. Il joue également un rôle central dans la procédure législative puisqu’il dispose du droit d’initiative et de la maîtrise d’une partie de l’ordre du jour du Parlement. Il peut être habilité par le Parlement à légiférer par voie d’ordonnances. Les membres du Gouvernement sont placés dans un ordre protocolaire précis, qui est donné par le décret de nomination du Gouvernement. Nous pouvons donc tout d’abord retrouver le Premier Ministre qui lorsqu’il est nommé propose une liste de ministres que le président peut accepter ou non. Nous avons par la suite les ministres d’Etat, les ministres, les ministres délégués et pour finir les secrétaires d’Etat. Il revient au Gouvernement de « déterminer et conduire la politique de la Nation », selon les termes de l’article 20 de la Constitution de 1958. La définition des politiques et des objectifs gouvernementaux se traduit par la rédaction de projets de lois et de décrets. Chaque décision politique doit en effet s'inscrire à un moment où un autre dans un texte juridique. Tous les projets de lois ainsi que certains types de décrets doivent être adoptés en Conseil des ministres. C'est en effet lors du Conseil des ministres que le Gouvernement définit de manière collective l'orientation de sa politique et prend les mesures essentielles destinées à la mettre en œuvre. L'action gouvernementale apparaît ici dans une de ses dimensions essentielles : la collégialité. L'action du Gouvernement s'appuie également sur deux forces d'exécution, la force armée et l'administration publique, dont il oriente l'action dans le sens de sa politique au sens de l'art 20 de la Constitution. Le Gouvernement dispose des prérogatives essentielles mais aussi des compétences extraordinaires ; il veille au bon fonctionnement et à la continuité des services publics, il dispose des prérogatives du déroulement de la procédure parlementaire, il peut recevoir les avis du Conseil économique, social et environnemental pour les projets de lois de réforme économique.

2.4. Le Parlement Le Parlement français exerce le pouvoir législatif et peut en partie contrôler l’activité gouvernementale, selon la Constitution de 1958. Il est bicaméral, c'est-à-dire composé de deux chambres : premièrement le Sénat, dit « chambre haute », qui

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comprend 348 sénateurs et l’Assemblée nationale, dite « chambre basse », qui compte 577 députés. Les deux chambres siègent dans des lieux différents : le palais du Luxembourg pour le Sénat et le palais Bourbon pour l’Assemblée nationale. Le Parlement délibère puis vote la loi. Le gouvernement, qui a pu participer à son élaboration, l’exécute. Parallèlement, le Parlement contrôle l’action du gouvernement, en ayant la possibilité de le renverser, en le questionnant ou en procédant à des enquêtes, en votant le budget, et en contrôlant son exécution. Le Parlement vote les lois, les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, autorise la déclaration de guerre, autorise l’approbation des accords et la ratification des traités ayant trait au domaine de la loi ou ayant une incidence sur les finances publiques. Il partage le vote de la loi avec le peuple (en utilisant le référendum) et peut déléguer ce pouvoir au gouvernement, qui agit alors par ordonnances (art. 38 de la Constitution). La Constitution définit strictement le domaine de la loi (art. 34). Celle-ci intervient ainsi pour fixer les règles concernant les libertés publiques, l’état des personnes, les crimes et délits, les impositions, le régime électoral des assemblées parlementaires et locales, la création de catégories d’établissement public, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l’État, les nationalisations et privatisations. La loi établit également les principes fondamentaux relatifs à la défense, aux collectivités territoriales, à l’enseignement, au droit du travail, à la Sécurité sociale, à la préservation de l’environnement, au régime de la propriété. Les autres matières relèvent du pouvoir réglementaire du gouvernement. Au titre du contrôle du gouvernement, députés et sénateurs disposent de différents outils : comme des moyens d’informations (questions écrites ou orales, groupe de travail, questions d’actualité). Ensuite, il y a les moyens d’investigation (pouvoir de contrôle sur la place de l’emploi de l’argent public, commissions d’enquêtes) et pour finir un outil qui est seulement pour les députés qui est la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement avec des moyens d’investigation : commissions d’enquête, pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place de l’emploi de l’argent public. Enfin, chaque assemblée peut émettre un avis sur des projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne.

2.5. Une langue spécifique : LQR Toutes ses institutions, aussi nombreuses qu’elles soient, utilise la propagande que ce soit dans les communiqués, la façon d’être, la publicité ou encore les discours. Ce phénomène est omniprésent dans la Vème république. Même si la population ne le remarque pas forcément, il existe une certaine façon de s’exprimer pour s’adresser à un public. Eric Hazan nous montre qu’il y a une langue du pouvoir, qui est issue de la politique, de la publicité, de l’expertise économique et du journalisme. Cette langue est Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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appelée LQR qui signifie “Langue de la Cinquième République” (Lingua Quintae respublicae en latin). Hazan nous démontre que cette langue se propage dans tous les domaines pour endormir le peuple. Nous sommes submergé par cette LQR sans vraiment nous en rendre compte puisque c’est une langue spécifique car celle-ci n’est pas populaire, ce n’est pas la langue parlée par tous les Français, ce n’est pas une langue de rue. Cette langue est comprise entre politiciens ou du moins des personnes sortant des mêmes grandes écoles et qui ont le même apprentissage. Il n’y a pas spécialement de complot mais plutôt une communauté d’informations même si cela reste un langage que l’on peut dire de réservé à certains “décideurs”. Eric Hazan dit que c’est une langue qui est peu inventive, qui va même jusque tordre des mots jusqu'en changer le sens avec l’exemple de “croissance” qui est un mot clé de la Vème République. “Ensemble” est relativement présent lors des discours, l’explication peut être que cela évite les lignes de fractures et montre une cohésion certaine. C’est dans les années 90 que le néo-libéralisme fait son apparition avec des changements d’expression comme “grèves” qui se transforme en “mouvements sociaux” ou encore “pauvres” remplacé par “personnes modestes”. Ce phénomène est caractérisé de glissements sémantiques. L’auteur de “la propagande au quotidien” décrit la LQR comme une nouvelle langue afin de faire accepter ce qui est d'inacceptable. Le monde social qui avant désignait la société, aujourd’hui permet d’accepter certaines choses comme les plans sociaux ou encore les logements sociaux. En France, on peut dire qu’il y a une sorte de mégaphone avec les médias c’est à dire que les médias transmettent tout ce qui est dit en LQR. De plus, les économistes et les publicitaires ont un pouvoir conséquent, nous sommes habitué à entendre ou voir de la publicité mensongère, ils savent par conséquent comment faire pour nous tromper. Avec ce pouvoir, les publicités dites “choc” apparaissent avec cette Vème république. La LQR permet de rentre le peuple indifférent aux injustices et aux inégalités. Une langue, qui gomme tout ce qui concerne la rébellion et s'emploie à maintenir l'ordre. Une langue, qui sert le consensus au profit de la domination capitaliste actuelle. Le mythe du peuple unis doit être maintenu envers et contre tout. Eric Hazan affirme pour finir, que les politiciens n’ont qu’une peur c’est que la LQR ne fonctionne plus, à ce moment-là le chaos serait sûrement de vigueur.

2.6. Les valeurs patriotiques La notion de Patrie ne peut se réduire à des statistiques ou à des organigrammes. Elle a une dimension affective et culturelle marquée. Les valeurs citoyennes sont diverses mais reste tout de même relativement importantes pour le peuple français. Tout d’abord nous pouvons parler de la devise française “Liberté, Égalité, Fraternité” qui est un symbole révolutionnaire, elle s’impose sous la IIIème République, elle est toujours actuelle et est présente sur toutes les devantures des institutions notamment sur la devanture des mairies. Nous pouvons ensuite aborder la notion de laïcité qui est la Images, propagande et TIC


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liberté religieuse et l’égalité devant la loi quelle que soit sa religion (1905) et la troisième valeur est la langue française qui est utilisée par tous les Français et assure la cohésion de la nation. Les principes démocratiques comme l’égalité entre les hommes et les femmes, modifiés notamment en 2008 est fondamental. De plus, plusieurs symboles liés à l’histoire sont élémentaires pour la France. Le drapeau tricolore, bleu blanc rouge est l’emblème national et montre une unité. Celui-ci est né lors de la Révolution française. Un deuxième symbole important : La Marseillaise, hymne national qui devient officiel sous la IIIème République. Pour finir, le dernier symbole est le 14 juillet et Marianne. Fête nationale instauré encore une fois sous la IIIème République. Marianne est quant à elle une allégorie de la République. Actuellement, la France n'a officiellement que deux emblèmes officiels : le drapeau bleu, blanc et rouge et La Marseillaise. Néanmoins, de nombreuses oriflammes et autres symboles se sont succédé au cours de son histoire, avant l'avènement du drapeau tricolore. La République française n'a pas de blason officiel, néanmoins le 24 septembre 1999 le gouvernement Jospin a adopté officiellement un logo type de la République française dont l'usage est aujourd'hui généralisé à l'ensemble des institutions du gouvernement.

2.7. L’armée et la propagande « Une armée est un ensemble de force militaire d’un Etat comme l’armée française». Cette organisation structurée d’homme et de femme vise à défendre ou à conquérir un territoire et en outre à détruire ou protéger d’autres unités militaires ou unités civiles. En France, l’armée se compose de quatre organisations : l’Armée de terre, l’Armée de l’air, La Marine et la Gendarmerie Nationale. Quatre organisations qui font partie des grandes institutions françaises. Pour expliquer brièvement l’histoire militaire de la France qui recouvre près de deux millénaires à travers l’Europe et les anciennes colonies, il nous faut remonter à l’Antiquité jusqu’à nos jours. Selon le magazine BBC History «il y a eu 53 conflits majeurs en Europe. La France aura été un belligérant dans 49 d'entre eux, et le Royaume-Uni dans 43. Parmi les 185 batailles que la France a livré au cours des 800 dernières années, ses armées auront gagné 132 d'entre elles, et en auront perdu 43, ne laissant que 10 batailles indécises. Donnant ainsi aux militaires français le record de victoires en Europe. » Cela montre toute la puissance de l’Armée française ainsi que sa présence dans les grandes batailles de l’histoire. Durant l’Antiquité, la présence humaine sur le territoire actuel de la France remonterait à 1 900 000 ans mais la date précise des premières armées présentes est inconnue. Au sortir de la préhistoire, toute la partie occidentale de l'Europe est occupée par des peuples d’origine indo-européenne, qui développent plusieurs civilisations différentes au gré de la diffusion des nouvelles technologies et de l'arrivée de nouvelles vagues migratoires. Les traditions militaires sont donc multiples et l’on commence à façonner les premières armes pour se défendre face à ses vagues migratoires comme l’épée. Mais il n’existe pas encore une réelle organisation militaire à cette époque. Il Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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faudra attendre le moyen-âge pour voir une structure et une hiérarchie militaire avec par exemple les chevaliers mais aussi avec l’apparition d’armes sophistiquées. Au fil des siècles les armées se structurent encore davantage, les garnisons apparaissent et l’on donne, à partir du XVIIème siècle des noms aux corps des armées comme pour l’infanterie qui à ce siècle est composé de 46000 hommes et 29 régiments. Etre militaire durant la Renaissance est un privilège ou l’homme est au service du Roi. Cependant le recrutement y est faible, l’on devient surtout militaire de génération en génération. Jusqu'à la Révolution française, le recrutement des troupes dans l'Armée française repose essentiellement sur le volontariat, à quelques exceptions près, notamment en cas d'urgence. L'armée n'est alors composée que de soldats de métier. La naissance d'une armée régulière en France a pris des siècles. Les corps de troupe sont levés par les seigneurs eux-mêmes et l'armée royale n'est donc que le «conglomérat de bandes» appartenant aux différents barons, comtes et ducs. Un élément important est décisif va faciliter le recrutement de soldat : le service militaire. C'est la loi Jourdan-Delbrel qui l'institue en 1798. D'abord baptisé « service militaire », cette conscription est une évolution républicaine de la Garde bourgeoise et des milices provinciales instituées par Louvois. Il a connu plusieurs formes depuis la Révolution. Dans sa dernière forme, il est devenu théoriquement « universel et égalitaire », mais n'était en réalité obligatoire que pour les hommes. Le 28 mai 1996, le président de la République Jacques Chirac annonce sa décision de professionnaliser les armées et de suspendre le service national. Depuis déjà plusieurs années, l’armée de terre finance une grande campagne de recrutement, qu'elle paye neuf millions d'euros chaque année à la société TBWA. Et elle est de plus en plus rompue à la communication moderne c’est-à-dire elle ne répand plus seulement ses affiches dans le métro ou sur les routes et ses spots à la télévision, mais va s’introduire jusque dans les jeux vidéo et sur les téléphones. Il faut dire que l’armée française a des moyens : c’est le cinquième plus gros budget militaire au monde, et elle reste l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois, avec environ 300 000 personnes et plus de 20 000 recrutements par an. Pas étonnant dans ces conditions de chômage de masse que de nombreux jeunes rejoignent les rangs des forces armées françaises. L’armée a toujours puisé beaucoup parmi les jeunes les plus pauvres, leur promettant une intégration dans une institution « solide », une « grande famille ». Comme l'écrit un rapport officiel de 2010, « les militaires sont essentiellement issus de la classe des cadres moyens et de la classe ouvrière », plus précisément, la moitié des militaires du rang viennent de « milieux ouvriers ». L’armée tente de se montrer présentable et de contrer les réflexes antimilitaristes qui peuvent rester. Les engagements mis en avant se veulent plus humains, avec des slogans comme « inspirer la confiance », « je protégerai les populations », etc. Il s'agit de donner une vague humanitaire aux machines de guerre, comme cela transparaît dans un slogan comme « je serai au service des autres et j'agirai avec la volonté de vaincre ». Il faut noter aussi l’apparition de femme sur les affiches de campagne de recrutement. Cela reflète une féminisation des effectifs qui est bien réelle. Même si les premières femmes-soldat ont été recrutées en 1938, elles ont été marginalisées, et même payées différemment jusqu'en 1972. Lorsque le service militaire Images, propagande et TIC


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« universel et obligatoire » était en vigueur, il s'agissait avant tout de « faire des hommes ». Le patriotisme n'est plus aussi mis en avant qu'il y a quelques décennies, mais il est toujours présent. La campagne est centrée sur « devenez vous-même », mais l'idée est toujours de créer un sentiment national qui soude la société, de nous aux capitalistes sans oublier la cellule familiale : « Avec cette accroche, l’armée de Terre met en avant l’épanouissement personnel. Est surtout valorisé le « pourquoi je m’engage » : pour moi, pour mes camarades, pour ma famille, pour mes amis, pour mes concitoyens, pour la collectivité, pour la France ! ».

3. Les symboles patriotiques à Rennes Les institutions françaises sont présentent dans chaque ville de France. Chacune d’entre elle à sa propre histoire et son propre patrimoine. Cette enquête a pour but de présenter les principaux symboles patriotiques, plus particulièrement les monuments aux morts, de la ville de Rennes ainsi qu’une analyse afin de comprendre comment le patriotisme est mis en avant et par quels moyens. Toutes ses informations proviennent d’un entretien avec Joël David, chargé d’Odonymie, qui s’est présenté comme un spécialiste et un passionné du patrimoine rennais. L’association « le Souvenir français » m’a également transféré des documents sur les lieux de mémoire rennais.

3.1. Institutions et patriotisme à Rennes Le patriotisme se ressent notamment lors des guerres et de l’après-guerre. Ce phénomène existe depuis de nombreuses années. Nous pouvons donc dire qu’il existe des périodes où ce phénomène est plus présent que d’autre. Cela se ressent dans le patrimoine d’une ville car dans la plupart des cas, son histoire est en rapport avec les guerres. Nous pouvons remonter jusqu’en 1870 en ce qui concerne la ville de Rennes. Cette commune recense plusieurs dizaines de symboles patriotiques de 1870 à aujourd’hui tels que des monuments, sculptures, plaques, drapeaux, lieux de recueillement dans des lieux tous différents les uns des autres. Nous pouvons trouver des plaques dans les lieux d’éducation ou des lieux culturels comme au lycée Emile Zola, l’Opéra, l’école des Beaux-Arts, à la faculté de médecine mais aussi à la Gare. Les lieux religieux ne sont pas en reste grâce à l’église Saint-Aubin ou l’église Saint-Germain, qui ont elles aussi leurs symboles patriotiques. Rennes est relativement riche en patrimoine. Grâce aux informations récoltées, une catégorie s’est détachée, celle des monuments aux morts avec la notion de « Mort pour la France ». On peut compter au total 16 éléments de ce genre.

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Evidemment, certains endroits sont plus riches que d’autres, notamment le Cimetière de l’Est qui, à lui seul regroupe 7 monuments très importants dans l’histoire de la ville. Le Panthéon est également un des édifices les plus fondamental, son histoire et sa conception seront expliquer dans le point ci-dessous.

3.2. Symboles patriotiques Rennais Afin d’être le plus en adéquation possible, certains Monuments aux Morts ont été sélectionné pour permettre de cibler les plus perspicaces et ainsi avoir une meilleure vue d’ensemble. Ceux-ci ont tous la notion de « Mort pour la France » et sont classés par ordre chronologique. Monument aux morts A rennes, le 12 août 1896 est inauguré, au nord du Champs de Mars, un monument aux morts érigé à la mémoire des soldats d’Ile et Vilaine morts pour la Patrie en 1870. Ce monument, installé initialement boulevard de la Liberté, est déplacé en 2007, devant la préfecture de Région, au Contour de la Motte. Sur ce monument sont indiqués uniquement les dates des trois conflits majeurs : 1870-1871, 1914-1918 et 1939-1945. Monument du Souvenir français Le carré militaire du comité du Souvenir français (cimetière de l’est) : Dès le 29 août 1892, le conseil municipal de Rennes cède à l’Union des femmes de France, une concession à titre gratuit, pour l’inhumation des officiers et soldats en garnison à Rennes. C’est à partir de 1901, que le Souvenir français prend en charge l’entretien de ce lieu. Sur les 1451 tombes qui s’y trouvent, 1359 d’entre elles sont celles de soldats de la Première Guerre Mondiale. Une circulaire de 1946, stipule que peuvent y être inhumés, aux frais de l’Etat, les militaires de la guerre 1939-1945 ainsi que les victimes de faits de guerre titulaire de la mention « Mort pour la France ». On y trouve également des victimes de la guerre d’Indochine ou de la Guerre dite d’Algérie, mais aussi des soldats étrangers. Des noms sont indiqués sur une partie des croix. Panthéon Choix d’un panthéon à Rennes Durant toute la Première Guerre Mondiale Jean Janvier, le maire de Rennes, a accueilli, à la gare de Rennes, des soldats blessés qui venaient du front. Il est donc sensible à ce qu’on vécut ces combattants. Après la guerre, Jean Janvier veut rendre hommage aux combattants rennais morts pour la France. Il décide donc de laisser à disposition une salle de la mairie pour y faire un lieu de recueillement. La décision est approuvée délibération du conseil municipal du 19 septembre 1919. Le maire veut que l’on dénomme ce lieu « Panthéon », pour faire écho au souhait de Francis Simon, délégué du Souvenir français, qui en 1916, lors d’une cérémonie au cimetière de l’Est à Rennes, a lancé l’idée d’inhumer le corps d’un soldat inconnu de cette Guerre au Panthéon à Paris. Dans le Panthéon de Paris reposent d’illustres Images, propagande et TIC


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personnalités, pour Janvier chaque soldat rennais mort durant la guerre est une personne illustre. Le choix de l’emplacement de cette pièce n’est pas anodin, car si elle se situe aujourd’hui en face de l’accueil de l’hôtel de ville, à cette époque s’y trouvait la salle des mariages. Dans cette pièce, trois fresques du peintre Louis Roger, représentent : les fiançailles, la famille et la Patrie. Avant de se marier, les futurs époux devaient patienter dans la salle du Panthéon. Déjà, Emmanuel Le Ray, architecte municipal concepteur de la salle avait prévu un éclairage sombre car il incite au recueillement. Sa conception L’architecte Emmanuel Le Ray confie la réalisation de la frise à Camille Godet, professeur de dessin industriel à l’école des Beaux-arts de Rennes. Camille Godet a été mobilisé de 1914 à 1917, il connait donc bien ce qu’il peint. Il a déjà réalisé de nombreux dessins qui vont lui servir de base pour la création de ces personnages. Il utilise des techniques mixtes (aquarelles, gouaches avec rehaut de crayon) avec des couleurs pastels, terre de sienne, ocre, bleu mat qui elles aussi invitent au recueillement. Quatre années sont nécessaires pour créer entièrement le Panthéon rennais qui est inauguré le 2 juillet 1922. Les ornements architecturaux sont confiés au sculpteur parisien Roullière-Peulier. Vingt-six plaques reprennent le nom des grandes victoires et de leurs généraux ou maréchaux mais le nom de Pétain est masqué par un carton depuis 1944. L’éclairage, les matériaux utilisés - marbre et bronze – et la dernière strophe d’un poème de Victor Hugo soulignent la solennité du lieu. Les couleurs utilisés évoquent le sang, la terre et le feu. Après la seconde guerre mondiale, en plus des 936 noms des soldats rennais morts pour la France pendant le Grande Guerre, vont se rajouter 690 noms de personnes tuées durant la seconde guerre mondiale ainsi que des guerres d’Indochine et d’Algérie. Le 11 novembre 2015, est dévoilée une plaque en hommage aux soldats rennais, tués lors de théâtres d’Opérations extérieures. Monuments dans le cimetière de L’Est Monument aux Morts de la Société Economique : Monument dédié à la mémoire des 71 employés de la Société Economique décédés sur leur lieu de travail lors du bombardement le 8 mars 1943. Monument de la Résistance : Le 30 décembre 1956 est inauguré au Cimetière de l’Est, un monument représentant en réduction celui de la Maltière, dédié à la mémoire des 25 fusillés le 30 décembre 1942, ainsi que pour les fusillés au colombier et des résistants d’Ile et Vilaine exécutés. Il se situe face à 18 tombes de résistants fusillés. Carré militaire du Commonweatlh : Espace réservé aux 252 soldats du Commonwealth tués lors de la Seconde Guerre Mondiale. 200 d’entre eux sont décédés

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le 17 juin 1940, lors du bombardement allemand sur la plaine de Baud, la veille de leur entrée dans la ville. Carré des victimes civiles : Espace où se trouvent les tombes de 232 des nombreuses victimes civiles des bombardements à Rennes. Sur une stèle située au centre sont gravées les dates de 9 des 14 bombardements qui ont détruit une partie de la ville et fait plus de 1600 morts. Monuments aux morts d’Outre-mer : Monument inauguré en décembre 1967, dédié aux morts d’Ile et Vilaine en Outre-mer. Le 1 novembre 1973, de la terre des cimetières d’Outre-mer y est déposée. Monuments départemental de l'AFN (place de l’Ordre National du mérite) Monument inauguré le 8 septembre 2012, dédié aux soldats d’Ile et Vilaine morts en Afrique du Nord. Ces trois stèles en granit se trouvent sur un terrain appartenant à la ville de Rennes et mis à disposition de l’association formée spécialement pour l’édification de ce monument.

3.3. Analyse du terrain Une analyse semble nécessaire afin de ressortir les points principaux de cette étude terrain. Pour commencer, nous pouvons dire que Rennes est une ville gorgée de symboles patriotiques. Cibler une sorte de symbole était donc inévitable pour construire une étude cohérente. Ayant une palette assez large de Monuments aux Morts, mon choix c’est porté sur ceux-ci. Nous pouvons tout d’abord dire que de manière générale chaque monument édifié est lié à une guerre que se soit la première guerre mondiale, la seconde guerre mondiale, la guerre d’Indochine ou la guerre l’Algérie. Ils sont là pour rendre hommage aux victimes qui se sont dévoués et sacrifiés pour leur pays. L’honneur et la fierté sont donc les maîtres mots. Le patriotisme est alors présent puisqu’il y a une très grande estime des soldats et du peuple envers son pays. On peut remarquer que les monuments sont en réalité une frise chronologique de l’histoire de la ville, c'est-à-dire qu’à certaines périodes de l’histoire on peut observer un « creux » pour ce qui concerne les valeurs de la nation française. Cela est expliqué par le patriotisme relativement élevé lors des moments critiques mais lorsque tout cela n’est plus d’actualité, cette ferveur redescend. La conséquence est alors logique, le patriotisme disparait peu à peu avant l’arrivée d’une autre guerre ou d’un évènement tragique. Une question est alors possible, est ce que le patriotisme est un moyen de se rassurer ? Nous pouvons l’expliquer par le fait que lors des situations compliquées, le peuple, consciemment ou inconsciemment, se rattache à des valeurs pour essayer de se rassurer

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sur les situations de détresse, montrer que le peuple est soudé et ainsi avoir une impression d’appartenance à un groupe. La première guerre mondiale ainsi que la deuxième guerre mondiale sont les deux évènements qui ont fait naître le plus de monuments qui sont fait pour remercier les soldats mais aussi pour se recueillir. Dernièrement, nous pouvons déclarer que le patriotisme que l’on peut dire de « moderne » a réapparu avec les attentats de Charlie Hebdo et les attentats du 13 novembre 2015. En effet les drapeaux français en nombre dans la foule lors des rassemblements, la Marseillaise chantée en cœur dans les rues, l’hôtel de ville comme lieu de recueillement sont un retour considérable au patriotisme. Malheureusement, on constate encore une fois qu’il faut des évènements dramatiques pour que ce phénomène « réapparaisse ».

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4. Conclusion Au terme de ce travail, nous pouvons confirmer que les institutions françaises sont nécessaires au bon fonctionnement de la société. Elles sont toutes aussi importantes les unes que les autres. Les notions de propagande et de patriotisme sont essentielles à cette partie d’étude. Après multiples recherches, nous pouvons dire que la LQR est un élément déterminant pour les institutions afin de s’exprimer auprès de la population. Une langue de pouvoir utilisé par certaines catégories de personnes, c'est-à-dire que ce n’est pas une langue populaire. Au terme de l’étude théorique, nous découvrons que les valeurs et symboles patriotiques sont élémentaires dans un pays et notamment dans les villes. En prenant l’exemple de Rennes, nous pouvons observer la richesse du patrimoine et un nombre relativement importants de symboles. « Mort pour la France », est associé automatiquement aux monuments aux morts, synonyme de fierté et d’honneur pour les soldats ayant combattus pour la France. Dernièrement, les attentats ont fait fleurir drapeaux, Marseillaise ainsi que profils Facebook tricolores. Les attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et les attentats du 13 novembre 2015 montrent alors un certain patriotisme qui était plus ou moins effacé depuis quelques années. Mais une question se pose, est ce que les personnes décédés lors de ses évènements sont dites « Mortes pour la France » ?

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5. Bibliographie JEAN-FRANCOIS SIRINELLI, 2013, Que sais-je ? La Vème république, 128 pages JACQUES ELLUL, Propagandes, 1962, Armand Colin ; réédition : Economica, 2008 JACQUES ELLUL, Histoire de la propagande, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1976 ERIC HAZAN, La propagande au quotidien, 2006, 122 pages, Liber/Raisons d’agir

Sitographie La constitution intégrale http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integralde-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html Site de l’assemblée nationale - http://www.assemblee-nationale.fr/ Site du gouvernement - http://www.gouvernement.fr/ Le Souvenir français - https://sites.google.com/site/souvenirfrancaisdilleetvilaine/home Site de l’armée et recrutement - https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr Rennes Métropole - http://metropole.rennes.fr/ Rennes ma ville - http://www.rennes.maville.com/

6. Annexes (Cf. : clé USB) Annexe 1 : Descriptions de la frise du Panthéon Annexe 2 : listing des monuments aux morts, « Mort pour la France » Annexe 3 : Listing des symboles patriotiques rennais

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Thème 8 : Armée Problématique :

Aujourd’hui, peut-on discerner des éléments relatifs au patriotisme dans la représentation des armées en France ? Kevin LE CASTREC Département Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE

RÉSUMÉ. Cette partie du dossier reviendra sur la propagande utilisée dans le domaine militaire et démontrera sa place prépondérante dans la gestion de la guerre. Le patriotisme fut bien souvent le support de cette propagande, et on tâchera d'analyser historiquement comment ce patriotisme a imprégné les institutions militaires en France. Nous tenterons ensuite de savoir si nous pouvons observer des indicateurs tendant à penser que le patriotisme est une valeur revenant dans l'armée. MOTS-CLÉS : Propagande, patriotisme, patriote, armée, émotions, affects, opinion, stratégie, guerre, discours, patrie, honneur, moral, ferveur,

2015-16, pages 174 à 200


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Plan Introduction 1. La propagande et la guerre 1.1. La maîtrise de l'information au cœur de la guerre 1.2. La propagande : une guerre psychologique 1.3. L'extension de la stratégie militaire à l'opinion publique 2. La construction des représentations de la guerre, pour la guerre 2.1. Les moyens techniques utilisés par l'armée 2.1.1. L'imprimé 2.1.2. La parole 2.1.3. L'image 2.1.4. Le cinéma 2.1.5. La télévision 2.1.6. Le spectacle 3. Le patriotisme et l'armée 3.1. Le patriotisme, par définition lié au domaine militaire 3.2. Le patriotisme, historiquement construit dans les conflits 3.3. Le rôle de l'École dans le patriotisme 4. La communication institutionnelle appuyant l'armée 4.1. Le rôle des institutions dans la propagande 4.2. La communication des armées, toute une organisation 5. Problématique de recherche 5.1. Avant-propos 5.2. Méthodologie 6. Les jeunes et l'armée aujourd'hui 6.1. Contextualisation 6.2. Présentation de l'étude 6.2.1. Focus Groupe au GRS de Rennes 6.2.2. Questionnaire semi-directif au CIRFA de Rennes 7. Phénomène post-attentat 7.1. Caractéristiques du phénomène 7.2. Entretien avec un appelant 8. Conclusion 9. Bibliographie 10. Annexes

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Introduction Depuis fort longtemps, propagande et guerre se côtoient, et pour cause : la propagande est née dans une logique de guerre, de rapport de force. Jacques Ellul définissait la propagande comme « ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisé en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d'individus psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés dans une organisation. » Cette définition démontre déjà que la propagande est partie intégrante du champ de la stratégie car elle vise une action humaine finalisée, avec des objectifs susceptibles de modifier les rapports de force. Bien qu'elle n'a pas toujours été uniforme, ni même semblable à la propagande moderne, la propagande de guerre durant l'histoire usa de nombreux stratagèmes (en grec stratêgêma = manœuvre de guerre) qui élaborèrent la propagande telle qu'on la connaît aujourd'hui. La propagande, comme la guerre, n'a qu'un seul objectif : annihiler l'adversaire. Comme la guerre, elle est organisée et méthodique. Comme la guerre, elle est avant tout un discours. Comme la guerre, elle est de l'ordre du mental car l'action psychologique est inhérente. Comme l'a guerre également, elle se mène à l'intérieur comme à l'extérieur. Toutefois, dans un souci de cohérence avec la problématique, nous n'aborderons essentiellement que l'aspect intérieur de cette propagande. Après avoir défini comment la propagande militaire s'est construite et avec l'appui de quels moyens, nous allons montrer en quoi le concept du patriotisme est au cœur de cette propagande de guerre. A partir de là, nous présenterons notre étude de terrain visant à savoir s'il y a toujours une image du patriotisme dans la représentation que ce fait la population de l'armée, en étudiant l'image qu'en ont les jeunes recrues puis en analysant le phénomène post-attentats.

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1. La propagande et la guerre 1.1. La maîtrise de l'information au cœur de la guerre Si l'on reprend le titre d'un livre de François-Bernard Huyghe : « l'information, c'est la guerre ». Et avant d'être de la communication, la propagande est de l'information. C'est de l'information, car c'est avant tout un travail de mise en forme, et donc de mise en sens. C'est le sens strict du terme « information ». La construction du discours – qui est à la base de la guerre comme de la propagande, passe par une construction sémantique, c'est « la guerre du sens ». Ainsi, « la bataille sémantique n'est pas moins importante que la tactique, elle mobilise aussi bien des tonnes de pierre que des ramettes de papier. » (F-H Huyghe) L'information est donc une ressource stratégique précieuse car elle va permettre de structurer des axes discursifs cohérents et adaptés à la population cible visée, permettant, de fait, d'implémenter une action psychologique efficace. Pour le Pentagone, c'est la même chose, l'information est primordiale : Glenn Otis, Général US, a écrit : « Le combattant qui l'emporte est celui qui gagne la campagne de l'information. Nous en avons fait la démonstration au monde : l'information est la clef de la guerre moderne – stratégiquement, opérationnellement, tactiquement et techniquement. » Bruce Lawford, lieutenant general de la British Army a écrit : « L'information est capable de rendre les soldats inutiles. Si, grâce à l'information nous pouvons amener un État à faire ce que nous voulons ou ne pas faire ce que nous ne nous voulons pas, nous n'avons plus besoin de forces armées, c'est vraiment révolutionnaire. »

1.2. La propagande : une guerre psychologique La dimension psychologique de la propagande, bien qu'explicitée depuis longtemps par Sun Tzu, Machiavel ou encore Philippe de Macédoine, va vraiment prendre son essor au début du XXème siècle. En effet, avec l'émergence de la psychanalyse, la propagande va se transformer en véritable discipline scientifique. C'est à partir de ce moment que vont apparaître les termes de « psychologie des foules » (Gustave Le Bon, 1895), « fabrique du consentement » (W. Lippman, 1922), « d'ingénierie du consentement » (E. Bernays, 1947), de « viol des foules » (S. Tchakhotine, 1939), de béhaviorisme, de réflexes pavloviens, etc.

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Aujourd'hui encore, l'impact psychologique de la guerre reste un élément clé dans une politique militaire. Les Etats-Unis et leurs Psyops – pour Psychological Operations, conceptualisé en 1945 par un officier de marine américain, Ellis M. Zacharias et depuis rebaptisées MISO (Military Information Support Operations) – sont encore d'actualité et visent à mettre en place des processus d'actions visant à atteindre psychologiquement les populations étrangères. En France, le Cinquième Bureau était chargé, durant la guerre d'Algérie, de diffuser de l'information auprès des troupes sur places ainsi qu'auprès de la population, pour maintenir le moral. Les Psyops disparaîtront de l'armée française pour réémerger dans les années 90 dans le cadre d'opérations extérieures. En ce qui concerne les opérations psychologiques intérieures, de nombreuses organisations furent créées durant l'histoire pour agir auprès de l'opinion. Ces organisations ont aujourd'hui des noms beaucoup moins évocateurs, puisque les termes de « propagande », « action psychologique », etc., sont des notions péjoratives dont les méthodes auxquelles elles se rapportent sont vues comme anti-démocratiques.

1.3. L'extension de la stratégie militaire à l'opinion publique C'est Machiavel qui théorisa la nécessité, pour un gouvernant, d'étendre la stratégie militaire à l'opinion publique. Cette volonté marque la prise en compte des « masses », des « foules », comme ressource essentielle à la guerre. Cela peut se traduire par plusieurs types de procédés psychologiques visant à modifier profondément les représentations d'une population. Cela peut passer par une politique de terreur, laissant planer la menace d'un ennemi infiltré ou d'une organisation invisible, comme durant l'Inquisition ; ou comme durant la première guerre mondiale où l'Est de la France – tout comme l'Ouest de l'Allemagne – mettait en garde, via les journaux locaux de la présence d'espions venant des camps opposés parmi la population. Ce discours de peur peut sans doute être mis en parallèle avec le discours sur la « menace terroriste » en France. Un des nombreux autres types de procédés utilisés à destination de l'opinion publique est l'impact sur le moral. Le moral est, en quelque sorte, la preuve par excellence de l'extension d'une stratégie spécifiquement militaire à l'opinion publique, d'autant plus qu'elle s'applique autant à son camp qu'au camp adverse. Sun Tzu, Vème siècle avant notre ère, conseillait déjà à l'époque de discréditer tout ce qu'il y a de bien dans le pays adverse, de répandre la discorde et les querelles entre les citoyens, d'exciter les jeunes contre les vieux, ou bien même de ridiculiser les traditions, etc. Comme dit précédemment, le moral des masses dans son propre camp est également crucial. Churchill a dit : « le moral des civils est un objectif militaire. ». La propagande peut, tantôt provoquer l'ordre, tantôt provoquer le désordre, autant chez soi que chez l'ennemi, pourvu que l'objectif de mise en condition psychologique Images, propagande et TIC


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soit atteint. Napoléon était conscient de l'importance de l'opinion : « La force est fondée sur l'opinion. Qu'est-ce que le gouvernement ? Rien, s'il n'a pas l'opinion ».

2. La construction des représentations de la guerre, pour la guerre Plus que des convaincus, la propagande a pour fonction d'endoctriner une population, insidieusement, en modifiant profondément ses représentations du monde. Pour Machiavel, « gouverner c'est faire croire ». Comme nous l'avons déjà mentionné, cela passe par des méthodes, des stratagèmes, comme à la guerre. Et dans le champ militaire, la guerre, on connaît. A travers les âges, les chefs de guerre ont toujours su utiliser les connaissances et les moyens techniques de leur époque qu'ils mettaient à leur disposition pour atteindre leurs objectifs. Et nous allons voir que la propagande moderne est la cristallisation des techniques et des connaissances du passé adaptés aux moyens d'aujourd'hui.

2.1. Les moyens techniques utilisés par l'armée Tout d'abord, il est important de définir les moyens techniques utilisés dans le cadre de la propagande militaire intérieure. Jean-Marie Domenach distingue sept techniques de propagande : l'imprimé, la parole, l'image, le spectacle, le théâtre, le cinéma, la télévision. Au vue de la date d'écriture de cet ouvrage et pour rester cohérent avec notre sujet, nous n'aborderons qu'une partie d'entre-deux qui sont majoritairement utilisés dans la communication militaire aujourd'hui, et nous tenterons de faire un parallèle avec des exemples concrets.

2.1.1. L'imprimé Le XVème siècle voit l'imprimerie émergée en Europe grâce à Gutenberg. Ce procédé de mécanisation et de rationalisation des écrits va permettre de produire des écrits en très grande quantité. Très vite, Martin Luther – un des instigateurs de la Réforme protestante – le compris et fit faire produire de nombreux libres, pamphlets et tracts qu'il répandit même au-delà des frontières puisqu'il comprit aussi très vite l'intérêt de traduire ses écrits pour étendre son impact à d'autres territoires. Jacques Ellul nous explique que l'imprimé a plusieurs effets :

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    

Il permet de répandre des idées plus largement dans la masse. Il permet d'agir à distance. Il permet de créer une opinion publique. Il permet de tenir beaucoup moins compte des mœurs Au XVIème siècle l'imprimé était encore assez rare, ce lui donnait une certaine valeur aux yeux du lecteur, et de fait ne pouvait contenir que la vérité.

Les tracts et affiches en tout genre sont encore fortement utilisés par l'armée française aujourd'hui. Tous les ans, les voies de circulation (gares, routes, etc.) se retrouvent inondées d'affiches appelant la population à rejoindre les rangs de l'armée. La presse est également un moyen de propagande incomparable. Il permet de construire des idées fortes, et nous verrons après qu'elle diffuse également des images, participant à la mise en représentation des écrits. Les écrits eux, sont plus complets, plus détaillés que sur un simple tract, ils racontent une histoire. La force de la presse c'est sa relative périodicité, plus ou moins longue, qui permet d'entretenir un lien direct entre un sujet et des intéressés. Dans le domaine militaire, cela est marquée par « les nouvelles du front » apparues durant la Première Guerre Mondiale – qu'on appelait à l'époque « nouvelles humaines » - qui sont des informations régulières sur l'état supposé de la situation. Ces informations avaient pour vocation d'améliorer – une fois encore – le moral des troupes à l'arrière. Ces méthodes ont été reprises par la suite avec la radio (« Les Français parlent aux Français », Seconde Guerre Mondiale), la télévision, etc.

2.1.2. La parole Comme souligné au début de notre dossier, le discours est important, et pour lui donner une valeur plus forte, pour toucher les sentiments, l'émotion, la « société des affects » de Platon, la parole est un instrument redoutable. Depuis l'Antiquité, nous savons que la maîtrise de la langue et du discours est une arme puissante pouvant faire plier n'importe quel adversaire. Les sophistes l'ont très bien compris, ces maîtres de la rhétorique savaient manier les mots, les tropes, et l'émotion de leur public. Nous parlions précédemment d'un « discours de la guerre » en évoquant la propagande de guerre, mais la guerre comme la propagande c'est aussi et avant tout la guerre du discours. "La visée fondamentale de la guerre consiste à éliminer l'autre du champ du discours", dit Alexis Philonenko. Dans un article du 29 septembre 2015, la DICoD – que l'on verra plus en détails à la fin de ce dossier – en parlant du travail effectué contre le cyberterrorisme nous dit : « Pour y faire face, le gouvernement français a lancé, depuis 2012, des mesures contre les terroristes dans le cyberespace. Notamment avec un « contre-discours » qui vise à retourner l’action informationnelle contre le groupe terroriste lui-même en décrédibilisant le fantasme vendu par Daech dans sa stratégie de communication ». Quand on parle de guerre du discours, on parle de polémique, et Images, propagande et TIC


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polemos – en grec – c'est la guerre. Encore une fois, le champ du discours croise celui de la guerre. De même, la parole permet de rentrer dans l'action psychologique, JeanMarie Domenach soulignant que « l'on a constaté que la voix humaine donnait à l'argumentation une vie, une présence, qu'elle n'a pas dans un texte imprimé et la renforçait considérablement », faisant écho à l'utilisation de la radio pendant la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, la prise de parole ne doit pas être longue et redondante. Elle doit s'appuyer sur des concepts forts, et concrets, « il s'agit moins de contenu que faire des convaincus. » (F-B Huyghe). L'importance de la mémorisation du message est incontestable, car elle permet la diffusion dans l'opinion en limitant l'altération. Déjà au XIIIème siècle, Philippe Le Bel et ses légistes, alors en conflit avec l’Église, avaient compris l'importance du message court et mémorisable. « Le Roi de France est empereur en son royaume », telle est une des maximes les plus connues, écrites par Jean de Blanot en 1256. Le slogan est donc très important. La deuxième personne forte de l'histoire a avoir mis en avant l'intérêt de phrases fortes, courtes, et mémorisable, c'est Lénine avec ses fameux « mots d'ordre ». Le mot d'ordre est le « concept moteur » de la propagande, et doit être adapté aux particularités de la population qu'il vise. Chomsky disait : « c'est là que réside une bonne propagande. Il s'agit de créer un slogan que personne ne puisse contester et tous l'approuveront ».

2.1.3. L'image L'image – au sens graphique et non au sens d'une représentation mentale générale – est là encore un support essentiel à la propagande. Sa force réside dans sa capacité à transcender la langue de par sa spécificité iconique. Accompagnée d'une légende, ou d'un peu de texte, elle peut se substituer à n'importe quel récit. Elle est utilisée depuis très longtemps comme moyen de communication auprès des masses car, contrairement à l'écrit, elle ne fait pas appel à des connaissances alphabétiques pour être comprise. De même, son caractère divin a un pouvoir séducteur (si on se réfère au débat entre Platon et Aristote). L'image a été un vecteur de la propagande, faisant bien souvent l'éloge du sacré, du divin, elle arbore aussi les signes de la guerre. De la propagande monumentale, aux pièces de monnaies en passant par les gravures, ses déclinaisons sont multiples. Les révolutionnaires et Napoléon utilisèrent notamment l'Imagerie d’Épinal pour créer et diffuser des images représentant les symboles de la grandeur de l’État. Également utilisée dans la presse, l'image permettait – là encore – aux analphabètes (majoritaires à l'époque) de se représenter le monde, et de s'informer.

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Les technologies de l'information et de la communication ne sont pas en reste. Si on a évoqué précédemment la radio qui mettait en avant la puissance de la parole, l'image a été très tôt mise en avant par le cinéma, puis la télévision.

2.1.4. Le cinéma Le cinéma a été très efficace, et ce pour plusieurs raisons. C'était, au début du XXème siècle, un moyen révolutionnaire, et de par cet aspect cela avait une certaine crédibilité auprès de la population. En effet, c'est le premier moyen de diffuser de la vidéo, c'est à dire de l'image en mouvement. A l'époque, ça ne pouvait représenter que la réalité aux yeux des populations. Enfin, les cinémas diffusaient également des informations avant chaque séance (et notamment en période de guerre), permettant ainsi aux personnes de se représenter le monde – une fois encore – ces informations étant par ailleurs contrôlées par des instances de l’État. La propagande au cinéma a un maître : Eisenstein. Il est reconnu comme étant un des pionniers du cinéma propagandiste. Il comprit très vite le pouvoir du cinéma sur les publics et le théorisa, notamment à travers son concept de « montage-attraction » soulignant l'importance du montage dans la réception du spectateur, dans l'impact qu'il peut créer chez le spectateur. De nos jours, la communication des armées ne se tourne plus vraiment vers ce support, sauf peut-être comme support de leur publicité, le taux de mémorisation au cinéma étant bien supérieur aux autres supports.

2.1.5. La télévision La télévision est un pilier de la propagande moderne car elle se présente comme un média parfait : elle combine l'image, la parole, et s'est très vite démocratisée dans chaque foyer. Avec la télévision, c'est « la société du spectacle » de Guy Debord qui s'immisce dans la sphère privée. En ce qui concerne la guerre, la télévision est devenue un support d'excellence. Parlant de la communication sur la guerre du Vietnam menée par les Américains, McLuhan disait : « la guerre à la télévision signifie la fin de la dichotomie entre le civil et le militaire. Le public participe maintenant à chacune des phases de la guerre et ses combats les plus importants sont livrés par le foyer américain lui-même». Cette déclaration illustre à quel point la télévision représente l'accomplissement total de cette « extension de la stratégie militaire à l'opinion public » dont on parlait avant. De surcroît, la télévision peut décupler l'émotion chez le récepteur. Ce n'est pas temps la nature même de la télévision que la manière dont elle est utilisée qui permet d'atteindre les affects. On va utiliser le zoom pour filmer les expressions du visage et être au plus près des sentiments de l'individu filmé. Cette « souffrance à distance » (Luc Images, propagande et TIC


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Boltansky), le spectateur y est réceptif. Il est d'ailleurs tellement réceptif que la campagne de communication télévisuelle de l'armée américaine durant la guerre du Vietnam fut un échec total. On ne peut imputer au seul fait de la télévision la résistance de l'opinion publique face à cette guerre, mais elle y a joué un grand rôle. Les Américains en prendront conscience et, durant la première guerre d'Irak (opération « Tempête du désert ») l'absence d'images de victimes fut assourdissante, ce qui fait que cette guerre est aujourd'hui appelée « guerre sans victimes ». La gestion des victimes est importante, et F-B Huyghe nous dit que : « La guerre était l'art de faire beaucoup de morts, elle devient l'art de ne pas faire de victimes visibles et de filmer les bonnes victimes ». On remarque que dans les images rapportées par le ministère français de la Défense, on montre les avions décoller de leur base, on nous montre un visuel en noir et blanc, flou, où l'on distingue à peine les bâtiments et l'explosion, et un viseur démontrant le caractère précis de ces frappes. Cela rejoint le discours de Jean-Yves Le Drian qui, quand on lui pose la question de potentielles victimes collatérales suite aux bombardements français en Syrie contre l’État Islamique, il répond : « Nous sommes donc très exigeants sur les cibles que nous avons l'intention de viser, en étant en même temps très exigeants sur la nécessité de combattre Daech ». (Europe 1, 9 octobre 2015). A l'instar des vidéos diffusées, le discours évoque des frappes précises, mais ne délimite aucune frontière, n'affirmant ne pas avoir pas fait de victimes civiles mais ne niant pas non plus la possibilité d'en avoir fait. Cependant, on relativisera le pouvoir de la télévision pour trois raisons : Premièrement, le crime parfait est rare. Les nombreux canulars sont démasqués aujourd'hui, notamment par les reportages sur d'autres reportages, etc. Bref, la télévision parle de la télévision, elle n'est pas intouchable. Deuxièmement, le public est moins réceptif qu'on ne le prétend. Il est nourri par une culture de la parodie, de l'info-intox, du scepticisme, etc. Umberto Eco : « le soupçon que l'émetteur organise l'image télévisuelle à partir de ses propres codes, qui coïncident avec ceux de l'idéologie dominante, tandis que les récepteurs la remplissent de significations aberrantes selon leurs codes particulier. » Puis l'opération de désinformation n'est rien si elle ne s'impose pas devant la nombreuse concurrence. A la télévision, il faut saisir un capital de temps et d'émotion forcément limité. Cela rejoint l'intérêt d'utiliser des mots courts, mais mémorisables.

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2.1.6. Le spectacle La mise en spectacle est un autre élément fort dans le travail de représentation dans la propagande. Et l'armée durant l'histoire, et encore aujourd'hui, est souvent mise en spectacle. « Centre d'exaltation patriotique », pour reprendre la phraséologie de Jacques Ellul, c'est une institution qui représente la défense des valeurs de la nation face aux ennemis de l'histoire. La fête du 14 juillet représente parfaitement ce spectacle. A la base, c'était une fête révolutionnaire nommée la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 qui, à l'époque, a d'ailleurs été précédée d'une propagande par l'image assez importante pour commémorer la prise de la Bastille : diffusion de gravures représentant les combats, les prisonniers, des rumeurs (ex : celle du masque de fer) ou encore des maquettes de la Bastille taillées dans de « vraies » pierres de la forteresse, etc. Cette mise en spectacle est l'occasion de s'unir autour de ce qui nous est commun. L'événement use de nombreux symboles, de signes conventionnels à une population, et en frappant l'imagination, devient à son tour un symbole. On est dans la « communication » stricto sensu, dans la « communion » entre les individus.

3. Le patriotisme et l'armée 3.1. Le patriotisme, par définition lié au domaine militaire Comme nous l'avons eu dans l'introduction de notre étude, le patriotisme s'est bâti dans l'histoire entre l'amour de son pays et la défense de ce dernier. Toutefois, on a remarqué que le terme de « patriotisme » utilisé est source de méfiance car son sens connoté est très péjoratif, de même que le terme peut être perçu comme archaïque. L'institution militaire ne met plus le terme en avant ont mis en exergue une certaine distance avec ce terme, ce référent davantage a une période pré-seconde guerre mondiale. Il est donc bon, tout d'abord, de revenir sur les raisons qui nous autorisent à interroger le lien entre le « patriotisme » et l'armée. Pour le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), le patriotisme se définit comme « un attachement profond et dévouement à la patrie, souvent avec volonté de la défendre militairement en cas d'attaque extérieure. » Pour le Larousse c'est un « attachement sentimental à sa patrie se manifestant par la volonté de la défendre, de la promouvoir. »

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A partir de là, le patriote se définit, pour le CNRTL comme « celui ou celle qui aime sa patrie, se met à son service, prend les armes pour sa défense ». Alors que le Larousse le définit comme celui ou celle « qui aime ardemment sa patrie et le prouve par ses actes ». Ainsi, « patriote » comme « patriotisme », d'un point de vue purement sémantique, se rapportent clairement au champ de l'engagement citoyen comme au champ militaire, et ce encore aujourd'hui. L'emploi de ce terme est donc tout à fait approprié d'un point de vue purement scientifique.

3.2. Le patriotisme, historiquement construit dans les conflits Le lien qui existe entre le patriotisme et l'armée trouve son explication dans l'histoire de la France. A partir de la Révolution, était patriote tout citoyen prenant les armes pour défendre les idées révolutionnaires. Tout ce qui fait front à la Révolution et ses idées sont qualifiées de « crime contre la Patrie ». L'importance des actes langagiers, du discours donc, était fondamentale dans l'exaltation du patriotisme chez les citoyens, et de la prise des armes in fine. Comme nous le rappelle Raymonde Monnier : « Dans la crise de Varennes, une littérature de combat à la syntaxe persuasive emprunte à l’Antiquité classique et à la tradition radicale de la révolution anglaise et des Lumières pour convaincre et entraîner à l’action, au patriotisme le plus ardent, au sacrifice de soi ». Après avoir fait tomber le Roi et la monarchie, les révolutionnaires se retrouvèrent face aux autres monarchies d'Europe qui ne comptèrent pas laisser cette Révolution s'étendre sur leur territoire. Là encore, c'est le patriotisme qui va permettre l'unification du peuple face à l'ennemi, alors que l'armée française est désorganisée suite à l'émigration des officiers. La figure du héros va être également très présente durant la Révolution. Autant il saura être sincère autant il pourra se révéler être un « héroïsme de maîtrise des apparences » comme nous le rappelle le philosophe Miguel Abensour : « Un héroïsme dans lequel le travail sur soi passe après le travail exercé sir le public, ou plutôt dans lequel le travail d'auto-fabrication du héros est tout entier subordonné à la maîtrise exercée sur l'opinion d'autrui. » L'un des bénéficiaires de cette manœuvre de propagande est certainement Napoléon, qui durant la bataille de Marengo en 1800, devint un héros et passa dans la postérité. Il n'est, de fait, pas étonnant de voir que c'est Napoléon lui-même qui créa l’Ordre de la Légion d’Honneur en 1802, ayant pour fonction de récompenser par la plus haute distinction française les « mérites éminents » militaires ou civils rendus à la Nation. La devise de l'Ordre est, encore aujourd'hui, « Honneur et Patrie ». Le patriotisme durant le premier Empire s'incarnera dans la

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personne de l'Empereur qui associera les symboles de la République à ses victoires militaires, comme en témoignent les visuels créés via l'imagerie d'Epinal. Napoléon III reprendra les codes utilisés au cours du Premier Empire en associant ses victoires et les symboles de la patrie à sa personne. Les conflits du XIXème siècle seront tous emprunts de cet héritage de la Révolution, la question du patriotisme va s'ancrer dans les débats et s'immiscer au plus profond des conflits armées, des guerres napoléoniennes en passant par la guerre franco-prusse de 1870, et ce jusqu'à la seconde guerre mondiale.

3.3. Le rôle de l'École dans le patriotisme L'École et l'armée ont toujours été liées, et surtout depuis la Révolution, car l'École a été pendant très longtemps le premier endroit où on apprenait la discipline militaire, mais aussi l'amour de la patrie et de la République. Sur l'école révolutionnaire, Ellul nous dit : « On connaît l'effort des gouvernement révolutionnaires pour développer l'enseignement. Mais cet effort fut très orienté : l'école doit servir à unifier les sentiments, opinions et attitudes des futurs citoyens à l'égard de la patrie et de la République. L'instruction comporte la formation d'un amour pour la patrie et d'une conviction républicaine. D'autre part, cet enseignement doit être conçu de façon à ce que les citoyens deviennent utiles à la patrie, d'où ils doivent faire naître la vocation à cette utilité. Il ne s'agit nullement d'un enseignement désintéressé et objectif ». Au XIXème et XXème siècles, l'école reste un moyen d'embrigadement des jeunes Français. C'est surtout l'enseignement de l'histoire de la France à l'école qui va démontrer une véritable volonté de construire des esprits empreints d'un sentiment nationaliste. C'est le manuel d'histoire créé par Lavisse qui va être le support de cette histoire de France cette histoire qui va glorifier le pays, l'élever au rang de mythe. Il est écrit dans le dernier paragraphe du manuel de Lavisse : « La France est la plus juste, la plus libre, la plus humaine des patries. » Mais l'école rejoint aussi l'armée puisque dès 1881 ont créé des bataillons scolaires où l'on forme des jeunes au maniement des armes, à la marche, au tir, etc. Aujourd'hui, la dimension militaire est pour ainsi dire absente du programme de l'éducation nationale. On pourrait citer la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qui reste un moyen d'informer la jeunesse sur l'armée, mais elle se fait hors du cadre scolaire.

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4. La communication institutionnelle appuyant l'armée 4.1. Le rôle des institutions dans la propagande Les institutions sont des éléments importants dans la propagande car ils sont les garants de la stabilité d'une société. La propagande peut alors se servir de ses institutions et de ses préceptes pour renforcer le sentiment d'appartenance à une société ou, a contrario, s'appuyer sur les institutions et ses préceptes pour construire un discours démontrant l'incohérence de cette société. Comme nous l'avons déjà dit, la propagande peut, tantôt provoquer l'ordre, tantôt provoquer le désordre, autant chez soi que chez l'ennemi, pourvu que l'objectif de mise en condition psychologique soit atteint. Les institutions françaises, dont l'armée, ont un point commun : elles se basent sur une histoire commune de la construction de la nation française. Si l'on se réfère à la définition du site vie-publique.fr, site émanant de la Direction de l’information légale et administrative (DILA), la nation est « ...un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Elle est ainsi à la fois extérieure aux individus, en même temps qu’elle est intériorisée et transmise d’une génération à l’autre. Pour s’imposer, elle suppose également l’existence d’une volonté durable de vivre au sein d’un même ensemble. Certaines données objectives permettent de définir une nation : le territoire, l’ethnie, la langue, la religion, la culture, l’État ». L'idée même de « nation » a pour vocation de fédérer, et de faire émerger un sentiment d'appartenance chez des individus qui partageraient des données en commun. Ce sentiment d'appartenir à une « nation » – présent explicitement dans la volonté des armées (Cf. : voir la description du DICoD plus bas) – est conditionné beaucoup plus implicitement dès l’École.

4.2. La communication des armées, toute une organisation Très tôt, la propagande a eu besoin d'être gérée par des organisations spécifiquement créée pour atteindre ces objectifs. L'Église, avec le « Congretio de propaganda fide », a été une des premières forces politiques à mettre en place une organisation s'occupant de la propagande. Les révolutionnaires mettront en place «le Bureau des Esprit », un ministère de la propagande chargé de construire le sentiment révolutionnaire dans la population. De nombreuses organisations ont été créées, dissoutes, reformées, etc., et surtout dans le domaine de la propagande militaire. On ne fera pas ici la liste (trop longue) de ces organisations. Il est toutefois important d'évoquer la Délégation à

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l’information et la communication de défense (DICoD) chargée notamment de la communication du Ministère de la défense de nos jours. Si on s'en tient à la définition du site defense.gouv.fr/, voilà comment est définie cette organisation : « Elle assure la cohérence des actions d’information et de relations publiques sur la politique de défense, et contribue à l’intégration des armées dans la Nation. Elle gère l’image des armées et leur communication à travers les média ». Il est intéressant de retrouver, dans cette description de la DICoD des éléments clés analysés tout au long de notre dossier - propres à la propagande :   

« Relation publique » la stratégie militaire s'étend à l'opinion publique. « intégration des armées dans la Nation » : l'idée selon laquelle il faut fédérer les individus derrières des valeurs communes. «gérer l'image et leur communication à travers les médias» : dans le sens de « représentation », il y a un travail de construction de représentation des armées à destination des armées elle-même et du public. Les moyens techniques sont évidemment mis à disposition pour construire ces représentations.

La communication recrutement est davantage gérée par les Centre d'Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA) et les Groupement Recrutement Sélection (GRS), mais les campagnes « sont coordonnées par la DICoD qui est, de fait, garante de la cohérence des messages avec l’ensemble du discours de la communication de défense ». La communication de la DICoD, seule, ne peut être catégorisée comme de la propagande, mais l'adéquation de son discours avec un discours idéologique plus global et la synergie qui en résulterait est plus discutable. On pourrait aisément décrypter la communication de la DICoD, ainsi que de ceux qu'elle représente et démontrer que cette exaltation pour la nation est partie intégrante de son travail.

5. Problématique de recherche 5.1. Avant-propos L'étude réalisée ci-après tâchera de montrer si on observe aujourd'hui, dans les représentations que ce font la population de l'armée, une « symbolique patriotique ». Images, propagande et TIC


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Dans un premier temps nous nous intéresserons aux représentations qu'ont les jeunes Français de leur armée aujourd'hui, et ce en interrogeant des jeunes candidats à l'armée. Pour ce faire, nous avons choisi de nous concentrer sur les organismes de recrutement de l'armée présents à Rennes pour interroger les jeunes candidats aux armées. Nous avons donc contacté le Centre d'Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA) de Rennes en charge de l'information et du suivi des candidats aux armées, ainsi que le Groupement Recrutement Sélection (GRS) Nord-Ouest de Rennes, en charge de la communication recrutement et de l'évaluation des candidats. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons au phénomène qui suivit les attentats du 13 novembre où des milliers de personnes prirent contact avec l'armée pour offrir leur aide. Ce phénomène, qui a été médiatisé, aurait été semble-t-il spontané et imprévisible. Nous contacterons le Service d'Information et de Relations Publiques des Armées (SIRPA), en charge de la communication institutionnelle de l'armée, pour comprendre un peu mieux cet événement du point de vue de l'institution militaire. Ensuite, nous présenterons et analyserons un entretien réalisé avec une de ces personnes ayant contacté l'armée à la suite des attentats.

5.2. Méthodologie Le terrain d'étude comporte deux étapes : 1.

Une enquête sur les motivations des jeunes candidats à l'armée et l'idée qu'ils se font du « service au pays ».

Le Groupement Recrutement Sélection (GRS) Nord-Ouest (Armée de terre), situé à Rennes :

- Entretien avec le CDT PREVOST en charge de la communication recrutement sur le Nord-Ouest du territoire - Un focus group avec des jeunes candidats à l'armée de terre pour connaître leurs motivations qui les ont poussées à s'engager et tenter de cerner leur rapport avec « le service au pays ». 

Le Centre d'Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA) de Rennes :

- Enquête papier (semi-directif) de jeunes ayant validé les étapes de recrutement et signant leur contrat. Là encore, le but sera de connaître leurs motivations et leurs

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rapports avec le fait de « servir le pays », et ce en tentant de provoquer le sujet du patriotisme. 2.

Une enquête sur le phénomène qui suivit les attentats du 13 novembre où les CIRFA eurent de nombreux appels pour obtenir des informations sur le recrutement.

Le Service d'Information et de Relations Publiques des Armées (SIRPA) de Rennes :

- Entretien téléphonique avec le COL CHEVALLIER en charge de la communication institutionnelle au SIRPA de Rennes. 

Entretien avec des appelants post-attentats.

6. Les jeunes et l'armée aujourd'hui 6.1. Contextualisation Avant de s'intéresser aux résultats de notre étude, il est d'abord primordial de revenir sur les éléments – plus ou moins récents – accréditant les liens entre « patriotisme » et armée chez les jeunes. Tout d'abord, comme le rappelle une étude de l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire (IRSEM) menée en 2010 – « Enquête sur les jeunes et l'armée : images,intérêt et attentes » – il est souligné, comme cela a déjà été fait en 1998 au travers d'une enquête similaire menée par le C2SD – « les jeunes, l'armée et la nation » – que le rapport à « l'identité nationale », à la fierté « d'être citoyen Français » est très fortement lié à l'indice d'adhésion à l'institution militaire. Et parmi l'ensemble des jeunes sondés dans cette enquête, une grand partie d'entre-eux était « assez fiers » (54%) voire « très fiers » (26%) d'être Français. Cette frange majoritaire de jeune à un niveau d'adhésion à l'armée proportionnelle à son affinité sur la question identitaire. Deuxièmement, il y a une évolution notable entre l'étude de 1998 et celle de 2010. Les premières motivations qui feraient que les jeunes s'engageraient auraient changé : en 1998, les deux premières motivations concernaient « la volonté d'avoir un emploi stable » (42%), et le fait de « ne pas être au chômage » (39%). En 2010, les deux

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premières motivations sont « l'envie de faire quelque chose pour son pays » (37%), et « le goût pour le travail en équipe » (30%). Pour les auteurs de l'étude, ces valeurs moins liées à l'individualisme qu'au collectif, moins à l'utilitarisme qu'à l'altruisme moral, devrait inciter l'armée à renforcer ses messages en termes éthique, à mettre en avant son utilité sociale et humanitaire tout en promouvant ses atouts en matière d’orientation professionnelle et de réalisation de carrière. Cela dit, ces résultats ne sont que des indicateurs pour l'étude qui va suivre car les individus sondés étaient scolarisés, avaient un âge compris entre 16 et 21 ans, et n'avaient – pour la plupart – jamais entrepris de démarches auprès des organismes de recrutement de l'armée. La démarche de cette présente étude va chercher à interroger des jeunes ayant fait acte de candidature au sein de ces organismes. Une autre étude, plus récente cette fois-ci (2016) et menée par CSA (Consumer Science & Analytics) à la demande de la DICoD, offre des résultats allant dans le sens de l'étude de 2010, avec cependant quelques différences dues à l'actualité. Cette étude a été réalisée auprès d'un échantillon de 995 jeunes âgés de 15 à 29 ans établi grâce à la méthode des quotas selon les variables : sexe, âge, statut professionnel et région. L'étude a d'abord cherché à connaître le profil des jeunes en 2016 en leur posant notamment la question des problématiques qui les préoccupaient le plus aujourd'hui (trois choix classés de 1 à 3). Pour 69% des jeunes, « l'accès à l'emploi » est la priorité. Mais le terrorisme arrive en seconde position avec 60% des jeunes sondés qui se disent préoccupés. Quand on demande aux sondés quelles valeurs ils associent à la Défense française, 55% associent la Défense à l'engagement, 52% à la discipline, 50% au courage, et 41% à l'honneur. Le courage et l'honneur sont deux valeurs qui, historiquement, sont liées au patriotisme. Quand on interroge les sondés envisageant de travailler dans l'armée – représentant 39% du total des sondés – sur le fait de connaître les raisons qui les feraient travailler dans l'armée (trois réponses possibles), 39% le souhaitent car « l'armée offre de nombreuses possibilités de carrières », 38% le souhaitent car « les missions sont variées / il y a de nombreux métiers différents », 34% des sondés envisagent de s'engager dans « la volonté d'être au service de la France ». Ce chiffre monte à 39% chez les hommes. Cela étant, parmi les sondés se disant « certains » de vouloir s'engager dans l'armée – représentant 10% de l'échantillon total des sondés – 41% veulent s'engager dans « la volonté d'être au service de la France », et c'est leur raison principale.

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Comme le souligne donc l'étude, les jeunes tentés par l'engagement militaire le sont avant tout dans la perspective de décrocher un emploi. Néanmoins, le « patriotisme » a toujours une place importante dans l'esprit de ces jeunes, et d'autant plus dans ceux qui se disent « certains » de vouloir s'engager. Par ailleurs, on notera que la question de « la menace terroriste », bien qu'elle puisse préoccuper les jeunes de manière générale, n'est pas une des raisons principalement mentionnées par ceux qui envisagent de travailler dans l'armée (19%).

6.2. Présentation de l'étude 6.2.1. Focus Groupe au GRS de Rennes La première partie de notre étude a donc été réalisée au Groupement Recrutement Sélection (GRS) Nord-Ouest à Rennes où un échantillon de 9 individus – 7 hommes et 2 femmes âgés de 18 à 23 ans – ont participé à un focus groupe où, après avoir défini leur profil, on a cherché à connaître les motivations qui les ont poussé à candidater dans l'armée. L'intérêt du focus groupe est qu'il permet la discussion, le développement d'une réflexion sur un sujet ou une problématique de la part des individus interrogés. Il convient de de noter que les jeunes interrogés au GRS passaient leurs épreuves théoriques, physiques, et psycho-techniques dans le but de parvenir jusqu'à la signature du contrat d'engagement. Le constat qui s'impose est qu'une partie de ces jeunes avance comme motivation l'envie de « travailler en équipe » et sont attirés par « l'esprit d'équipe », « l'esprit de cohésion » affichées par l'armée. Le deuxième élément qui revient est la nécessité d'obtenir un emploi afin d'obtenir des conditions de vie acceptables. Ainsi certains appuient la nécessite de « trouver une formation », d'assurer ses lendemains, ou bien encore de gagner de l'argent. L'action et le sport sont aussi des composantes de la motivation des jeunes souhaitant entrer dans l'armée. L'autre élément, déjà constaté dans l'étude de l'IRSEM en 2010, c'est l'influence de la famille dans la volonté de s'engager dans l'armée. Ainsi, les jeunes dont les parents ou les proches ont eu une expérience voire une carrière dans l'armée auraient tendances à être influencés dans leur décision de s'engager. On remarque ici que parmi les neuf personnes sondées, deux d'entre-elles ont été influencées par un ou plusieurs proches ayant eu une expérience dans l'armée. A la question de savoir s'ils accordent de l'importance au fait de « servir leur pays », les candidats répondent tous que « oui », il est important de servir son pays, mais la majorité d'entre-deux estiment que ce n'est pas un élément ayant motivé leur Images, propagande et TIC


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candidature. Une personne interrogée indique que « servir le pays » est plus important depuis les récents attentats. Une autre personne interrogée indique que ce sont les différents conflits auxquels est confrontée la France qui fait que « servir le pays » a davantage son importance. Les réponses apportées quant aux motivations qui ont amené les personnes interrogées à candidater pour l'armée peuvent être mises en parallèle avec la communication de l'armée. En effet, comme nous avons pu l'observer, leurs motivations sont d'abord tournées sur la « cohésion », sur « l'équipe » qui sont des éléments de langage utilisés par l'armée. La communication met également en avant l'importance de « l'action » du « sport » du « dépassement de soi ». Tous ces éléments de langage utilisé par l'armée sont repris par les personnes interrogées qui se les approprient. Il faut savoir qu'avant d'arriver au GRS, les jeunes interrogés ont potentiellement été se renseigner sur l'armée, ont potentiellement été confrontés à la publicité de l'armée, mais ont surtout eu une présentation des métiers de la Défense dans leur CIRFA, accompagnés de personnels militaires qualifiés et souvent gradés. A travers ces présentations, on informe les jeunes sur les valeurs de l'armée, sur ce que l'armée attend d'eux mais aussi sur ce qu'elle peut leur apporter. Le personnel militaire peut possiblement être un leader d'opinion, de par son statut et son expertise, et représente un vecteur de transmissions de ces éléments de langage précédemment cités. Cela reprend les travaux de Lazarsfeld sur le « two step flow », où l'assimilation d'un message par la cible s'effectue plus facilement via un relais d'opinion. Concernant la présence d'un « esprit patriotique » chez les individus interrogés, on ne peut pas dire que cet esprit soit absent, mais il ne représentante certainement pas un facteur prépondérant à la volonté de s'engager qu'aurait ces jeunes. 6.2.2. Questionnaire semi-directif au CIRFA de Rennes La deuxième étape de notre étude a été d'interroger un groupe de 13 jeunes entre 18 et 29 ans au CIRFA de Rennes. La différence notable avec le travail accompli au GRS c'est que ces individus ont passé les tests de sélection et était présent au CIRFA pour signer leur contrat d'engagement avec l'armée. Ils avaient donc passé toutes les étapes de sélection. Le contexte étant également différent, la collecte de données a dû être adaptée en conséquence. Ainsi, le choix s'est porté sur un questionnaire écrit, distribué individuellement, établissant le profil de l'individu interrogé, puis posant des questions ouvertes sur les motivations de l'individu et le rapport qu'il a avec le fait de « servir son pays ». La subtilité, c'est que la question cherchant à savoir s'ils accordent de l'importance au fait de « servir leur pays » a été provoquée préalablement. Il leur a été expliqué que l'étude cherchait à savoir quelles étaient leurs motivations, mais aussi de connaître leur attachement au service rendu au pays. En comparaison, les personnes interrogées au Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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GRS ont pris connaissance des questions au fur et à mesure qu'elles leur étaient posées. Au CIRFA, les personnes interrogées avait été préalablement conditionnées sur l'intérêt du questionnaire. L'autre intérêt est que les réponses sont purement individuelles et n'ont pas laissé place à la discussion a contrario du focus groupe réalisé au GRS. Ainsi, quand on cherche à connaître leurs motivations, neuf personnes sondées parmi les treize ont donné, dans leur réponse, des éléments relatifs au patriotisme. Le fait de « servir leur pays », de « défendre la France », de « participer à la défense de la nation », ou d'intégrer l'armée « pour le drapeau », font partie des éléments de motivation avancés. « L'action », le « sport », « l'aventure », « repousser ses limites », « se surpasser » sont ensuite les éléments que l'on retrouve le plus. La solidarité fait également partie des éléments de motivations des sondés : « aider les populations en détresse », « rendre service aux autres », « participer à des missions de rétablissement de la paix », « pour les gens que j'aiderai sur place ». En ce qui concerne l'importance de « servir le pays », tous les individus interrogés estiment que c'est important : deux d'entre-eux estiment que c'est « plutôt important », les onze autres considèrent cela comme « très important ». Quatre des personnes ne communiquent aucune donnée sur les raisons qui font qu'elles pensent que « servir le pays » est important. Six personnes, quant à elles, évoquent la nécessité de « défendre » ou « protéger » son pays, les « valeurs » de sa population, les « traditions », « la liberté » mais aussi « la famille ». Deux des individus parlent des éléments contre lesquels il faut se défendre. L'un parle de « menaces », évoquant les guerres, mais aussi la « maladie », les « catastrophes naturelles ». Un autre écrit qu'il a été « blessé » par les « attentats », même n'étant pas directement concerné, justifiant ainsi l'importance de servir le pays. Un des sondés justifie son attachement au principe de « service au pays » dans le mesure où « d'autres sont morts pour nous donner un bel héritage », et qu'il veut dès lors « prendre le relais ». Enfin, un autre sondé écrit que « servir le pays » est important car « on aspire au bien de tous ». Ces résultats démontrent plusieurs choses. Quand on questionne les individus de manière séparée, et qu'on provoque le sujet du patriotisme dans leur esprit, le sujet se retrouve alors dans leurs réponses. Cela ne veut pas pour autant dire que les résultats sont faussés. Pour preuve, les autres données collectées quant aux motivations de ces jeunes sont en grande partie, comme durant le focus groupe, les éléments de langage que l'on retrouve dans la communication de l'armée. En ce qui concerne l'importance même accordé au « service au pays », on a pu noter la mise en avant de la « défense » et la « protection » du pays, ses « valeurs », ses « traditions », « la liberté » : ces mots sont clairement associés à la définition même de ce qu'est le patriotisme. Toutefois les attentats ou encore le devoir de mémoire ne sont cités qu'une fois.

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7. Phénomène post-attentat Comme cela a déjà été dit, la deuxième partie de notre étude consiste à s'intéresser au phénomène post-attentat à la suite du 13 novembre. Comme cela a déjà été dit, un phénomène massif de prises de contact avec l'armée – et notamment via les CIRFA – a eu lieu après les attentats, et ce à l'échelle nationale. 7.1. Caractéristiques du phénomène Notre entretien avec le CDT Prevost du GRS de Rennes a pu nous fournir des données importantes. De même, pour en savoir plus sur ce phénomène, nous avons contacté le COL Chevallier en charge de la communication institutionnelle au SIRPA (Service d'informations et de relations publiques des armées). A l'issue de ces entretiens, plusieurs éléments significatifs sont apparus :          

C'est un phénomène court : il a duré une à deux semaines 49% des appelants étaient des réservistes La majorité des appels étaient à titre d'informations pour savoir « comment servir le pays » Une grande partie de ces appels étaient effectués par des personnes de 30, 40 ou 50 ans, des personnes qui étaient donc au-delà de l'âge limite de recrutement fixé à 29 ans La majorité des appels n'ont pas abouti sur des recrutements Cela s'explique par le fait que c'est avant tout un « phénomène émotionnel » Les citoyens se sont « sentis touchés dans leurs valeurs, dans leurs libertés » Les déclarations du Président Hollande ont eu un impact significatif : l'état de « guerre » de la France a accentué le phénomène émotionnel car les victimes des attentats sont devenues des « victimes de guerre » De même, François Hollande a évoqué la création d'une « Garde Nationale » (une garde citoyenne, ndlr) ce qui a incité la population à contacter l'armée Le discours a été suivi en actes puisque le budget de la Défense a été, de fait, fortement augmenté

Les attentats auraient donc été un vecteur d'émotions dans la population, ce qui aurait atteint ce que Platon appelle « la société des affects », et ce qui – avec la vitesse

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de diffusion des ondes – aurait créé cette « communauté d'émotions » dont parle Paul Virilio. Le discours du Président de la République sur l'entrée en guerre de la France aurait également eu des conséquences sur le comportement de la population. Et on le sait par ailleurs car le baromètre Ifop-Journal du Dimanche, publié le 22 novembre, soit neuf jours après les attentats, affichait un indice de satisfaction augmentant de sept points. Machiavel a théorisé cela en rappelant que le Prince doit maîtriser « l'art de la guerre », « faire le devoir de bon capitaine ». Cette principale vertu que le Prince doit avoir est source « d'ordre social ». Mais outre le fait que la déclaration « d'état de guerre » aurait permis de ressouder un pan de la population autour de leur représentant, c'est la dimension performative de cette déclaration qu'il convient de prendre en compte. Cette déclaration aurait bouleversé les représentations, transformant des victimes du terrorisme en victimes de guerre, ramenant une ancienne puissance militaire sur le devant de la scène internationale, et appelez les citoyens à « l'union nationale » : « Dire, c'est faire », Austin.

7.2. Entretien avec un appelant Pour tenter de comprendre un peu mieux ce phénomène, nous sommes allés à la rencontre d'une des personnes ayant contacté l'armée à la suite des attentats du 13 novembre. Les éléments que l'on peut retenir sont les suivants : 

Le sondé explique qu'il regardait le match de foot lorsqu'il a entendu les détonations, puis il a su que quelques chose de « grave » était arrivé. Il a été « écœuré », dans une « phase de sidération ». Il décrit ça comme une « horreur de masse ».Il aura fallu un peu de temps pour que l'émotion redescende.

En tant qu'ingénieur dans les télécoms, et ayant fait son service militaire dans les télécoms et le renseignement (Direction du Renseignement Militaire DRM), il s'est dit qu'il y avait forcément eu une « déficience » du système de renseignement intérieure pour déstabiliser une ville telle que Paris. Cet état de fait lui a donné envie d'apporter son aide à l'armée, ça a « ravivé son envie de servir ». Ayant des membres de sa famille officier supérieur à la retraite, il décida de les contacter. L'un d'eux lui indiqua que le CELAR (Centre Électronique de l'Armement) de Bruz pourrait être intéressé, via la réserve citoyenne. Après s'être informé, il a su que les missions confiées au personnel de la réserve citoyenne ne sont pas des missions opérationnelles mais des missions « d'évangélisation » auprès des entreprises pour prévenir les risques potentiels d'attaques informatiques (économiques et industrielles). Il n'a toutefois pas contacté de CIRFA mais l'aurait fait s'il n'avait pas eu de militaires dans sa famille.

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Malgré les bénéfices qu'il a pu tirer de son service militaire, il n'avait jamais envisagé de servir l'armée auparavant. Le sondé affirme que « servir son pays » peut se faire de différentes manières (économiquement, socialement, etc.). Mais, de ce qu'il a pu lire dans la presse, il est peut-être important de donner plus de moyens (humains notamment) à la mission Sentinelle. Il dit que son service militaire a été une manière de « servir son pays », mais que son travail actuel, c'est à dire la gestion des systèmes de communication pour diverses organisations (entreprises et militaire notamment), est également une manière de servir son pays. Il n'est toutefois pas contre le retour du service militaire ou même le développement d'une « garde nationale ». Il pense qu'il faut cependant donner les moyens d'accueillir ce nouveau personnel, et qu'il faut que les intérêts soient à la fois tournés vers les citoyens comme vers l'armée.

Après les attentats, il dit ne pas se sentir menacé quand il est « en province ». Mais quand il retourne à Paris, il n'est pas très rassuré du fait que, selon-lui, les terroristes s'attaquent avant tout aux symboles. Même si la présence des forces de l'ordre et des militaires peut être importante, ça ne le rassure pas mais ça ne l'inquiète pas non plus. A Paris, les militaires « sont certainement rentrés dans le paysage ».

Son suivi de l'affaire dans les médias s'est fait davantage via la presse française et anglophone plus que par les chaînes d'information en continue, ayant été déçu du traitement des « attentats de Charlie Hebdo » par les médias d'information télévisés.

En ce qui le concerne, nous ne sommes pas en guerre. La France est, selon lui, impliquée dans des théâtres d'opération, mais n'est pas plus en guerre qu'avant. Il reproche l'utilisation de la déclaration d'état de guerre de la France comme récupération politique. De même que cela lui a rappelé les déclarations du Président Bush après les attentats du 11 septembre.

A travers cet entretien, nous pouvons remarquer qu'il y a eu bel et bien un effet émotionnel chez l'individu interrogé. Ce phénomène émotionnel n'a été toutefois que temporaire. Après la retombée de l'émotion, il a réfléchi et décidé d'apporter ces compétences à l'armée. Cela n'a pas abouti puisque ce que lui proposait l'armée n'était pas en adéquation avec ce qu'il voulait faire. Il n'avait jamais songé – avant les attentats – à rejoindre l'armée. Le facteur émotionnel a donc sans doute bel et bien joué un rôle dans sa prise de décision. Ses compétences professionnelles et son expérience militaire ont été deux autres facteurs. L'accomplissement du service militaire a peut-être eu une influence puisque les personnes ayant contacté l'armée avaient au-delà de 30 ans. A cela s'ajoute l'intérêt que peut porter l'interrogé sur le retour du service militaire et la mise en Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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place d'une « Garde Nationale ». L'interrogé garde une certaine distance critique vis-àvis du discours politique et du traitement médiatique autour des attentats.

8. Conclusion Ainsi, nous sommes revenus sur le lien qui unissait l'armée et la propagande du point de vue de l'histoire, et comment cette propagande a créé et forgé le patriotisme. Notre étude a pu démontrer que, malgré le peu de communication de l’armée sur sa dimension “patriotique”, les personnes interrogées gardent à l’esprit une représentation du patriotisme à travers l’armée, et cela peut être un des facteurs d’engagement. Cela confirme les études récentes ou antérieures menées par l'IRSEM et le C2SD sur le sujet. Notre étude a également montré que l’émotion est un facteur d'influence sur la population, et cela peut faire resurgir le besoin de “servir son pays”. Le discours de guerre reste par ailleurs un élément fondamental dans l’exaltation du patriotisme. L’armée a, jusqu’à ces dernières campagnes de communication, que peut communiquer sur le “patriotisme”. La dernière campagne de communication, sans se baser essentiellement sur le patriotisme, y emprunte des éléments de langage. On ne peut pas, pour autant, parler de propagande, puisque ce patriotisme n’est pas l’élément fondamental utilisé par l’institution militaire. Toutefois, cette dernière campagne de recrutement ainsi que les documents relatifs au futur de la communication des armées démontrent un intérêt certain de cette institution sur la question, et cela est lié directement avec les phénomènes post-attentats. Du point de vue de l'actualité et des réactions du public – qui ont été dans le sens de l'armée – il faudrait observer l'évolution de la communication militaire et politique dans les mois à venir. Au vu de l’impressionnante assimilation des éléments de langage de l’armée par les candidats, une communication axée sur le patriotisme pourrait avoir un impact considérable.

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9. Bibliographie - Nicolas Machiavel, Le Prince, Mille et une nuit, 2000 - Edward Bernays, Propaganda. Comment manipuler l'opinion en démocratie, La Découverte, 2007 - Jacques Ellul, Histoire de la propagande, Que sais-je ?, (1976) - Vladimir Volkoff, Désinformations par l'image, Editions du Rocher, 2001 - François-Bernard Huyghe, L'Ennemi à l'ère numérique : chaos, information, domination, P.U.F, 2001 - Jean-Marie Domenach, La propagande politique, Que sais-je ?, 1965 - François -Bernard Huyghe, Terrorismes violence et propagande, Gallimard, 2011 - Thierry de Montbrial, Jean Klein, Dictionnaire de stratégie, Paris, Presses universitaires de France, 200 (2000) - Raymonde Monnier, Républicanisme, Patriotisme et Révolution française, Paris, L’Harmattan, 2005 - Miguel Abensour. Philosophie et la Révolution française (La). Actes du Colloque de la Société française de philosophie, 31 mai, 1er et 2 juin 1989, publiés sous la dir. de B. Bourgeois et J. D'Hondt, 1996 - Jean Lestocquoy, Histoire du Patriotisme, Albin Michel, 1968

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Articles Le Parisien, François Hollande : « Il faut un enseignement des religions à l'école », 4 mars 2015. http://www.leparisien.fr/politique/francois-hollande-il-faut-un-enseignement-desreligions-a-l-ecole-04-03-2015-4574593.php#xtref=http%3A%2F%2Fwww.laiciterepublique.org%2Ff-hollande-la-republique-francaise.html

Defense.gouv.fr, CyberDefense, le combat des guerres de demain, 25 septembre 2015 http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/cyberdefense-le-combat-des-guerres-dedemain Europe 1, Le Drian : « La France a frappé Daech en Syrie » une deuxième fois, 9 octobre 2015. http://www.europe1.fr/politique/le-drian-la-france-a-frappe-daech-en-syrie-cette-nuit2526911

10. Annexes Cf. : clé USB

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Thème 9 : Identité Nationale et globalisation Problématique :

Comment l’esprit français résiste-t-il à la pression de la globalisation ?

Noëmie CAGNIART Département Communication Université Rennes 2 35000 RENNES FRANCE cagniartnoemie@gmail.com

RÉSUMÉ. Ce dernier chapitre traitera de l’identité française, notion généralement assimilée aux partis de droite et d’extrême droite, mais qui épistémologiquement signifie bien plus. C’est un concept, une pensée, psycho-sociologique qui date de plusieurs siècles et dont encore beaucoup d’auteurs parlent. Cependant, il faudra justement éviter l’amalgame de nationalisme pour penser une culture et une identité commune à chacun pour percevoir une France unifiée. MOTS-CLÉS : influence, identité, communautarisme, intégration républicaine, nation diluée, libre circulation, production nationale, culture de masse, conformisme, opinion publique, manipulation mentale, contrôle social, traditionalisme, conservatisme, nationalisme, patriotisme.

2015-16, pages 201 à 223


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Plan Introduction 1. Contextualisation 1.1 Qu’est-ce que l’identité ? 1.2. Qu’est-ce qu’une nation ? 2. Problématisation 3. Argumentation 3.1. Théorisation et analyse des recherches scientifiques 3.2. Mise en parallèle du système français 4. Amalgames 5. Mondialisation et globalisation des nations 6. Stratégies identitaires 7. Conclusion des recherches scientifiques 8. Contextualisation de la question générale et de la problématique de recherche 8.1. Mariage pour tous et famille 8.2. Les débats de la manif’ pour tous 8.3. Emergence d’une jeunesse ultra-conservatiste 8.4. Conclusion 9. Bibliographie 10. Annexes

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Introduction Tout au long du dossier, nous avons cherché à comprendre ce qu’est la propagande et quel pouvoir peut-elle exercer sur l’individu et plus spécifiquement, l’individu français. Cette partie visera donc, en terme de conclusion, à comprendre comment et pourquoi, par le biais de diverses stratégies de communication, la France parlera d’un esprit de la nation et en quoi cela a une limite : la globalisation des nations.

1. Contextualisation La notion d’identité nationale est récente dans le vocabulaire français. Elle commence à circuler en France dans les années-70, environ vingt ans après son apparition aux États-Unis par les sociologues urbains de l’école de Chicago. En anglais, c’était au départ une notion empruntée au vocabulaire des sciences sociales et à la psychologie sociale. Des théoriciens comme Goffman, Berger ou Luckman ont commencé à utiliser cette notion de national identity dans un contexte politique fort, l’intégration des immigrés suivie de revendications identitaires. Avant d’entamer le sujet dans sa profondeur, il est nécessaire de définir les deux termes centraux de cette partie sur l’identité (individuelle, régionale ou nationale). En effet, avant de parler d’identité de nation, il est préférable d’aborder, d’un point de vue pluri-disciplinaires, les notions d’identité de l’individu et de nation.

1.1. Qu’est-ce que l’identité ? - L’identité psycho-sociologique L'identité est une notion philosophique qui soulève la question des rapports entre le Soi-même et l'Autre. L'identité d'un être ou d'une personne ne semble en effet pouvoir se définir qu'à travers la relation : la relation à soi ou à d'autres êtres semblables à soi. Par ailleurs, l'identité de la personne pose le problème du devenir dans le temps : en effet, nous ne faisons qu’évoluer et changer de la naissance à la mort, de nos idées à nos traits physiques. Pour plusieurs philosophes, c'est l'unité de la conscience de soi supposant mémoire et anticipation, qui permet d'expliquer qu'on demeure la même et unique personne en dépit du changement. La théorie la plus connue sur la conscience et l'identité est celle de l’ontologue John Locke. Erik Erikson conçoit l'identité comme une sorte de sentiment d'harmonie : l'identité de l'individu est le « sentiment subjectif et tonique d'une unité personnelle et d'une continuité temporelle ». Selon Freud, l'identité est une construction caractérisée par des discontinuités et des conflits entre différentes instances (le Moi, le Ça, le Surmoi, etc.).

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Si la notion d’identité devait être réduite à une phrase, elle pourrait être communément définie comme étant l’essence même d’un individu, son « tout » singulier qui le distinguerait d’un « tout » collectif. Ainsi, par la récupération de la notion par la psychologie, le terme a pris pour sens d’établir un rapport de distinction entre les individus, alors qu’à son apparition, il désignait un rapport de singularité entre deux sujets. Il faudra également appuyer le fait que la langue a une valeur symbolique importante, et c’est pour cela qu’elle est vectrice d’identité. Le fait même, pour un individu, de faire savoir qu’il sait parler une langue en particulier, façonne son identité. L'individu construit son identité de par sa propre volonté, ses propres actions et donc ses pratiques des langues. Toutefois, ses pratiques des langues vont dépendre du contexte d'interaction et des interlocuteurs présents : ainsi, un locuteur ne porte pas une seule mais plusieurs identités. Cette représentation de l’identité d’un individu visàvis d’un autre est propre à chacun puisqu’il dépendra également de son appartenance sociale, notamment sa classe socioéconomique, son âge, son sexe, son niveau d’éducation, sa profession, etc.

1.2. Qu’est-ce qu’une nation ? Le discours des sciences humaines et sociales révèle qu'aujourd'hui cette question n'est pas définitivement réglée. En effet, même si le concept de nation évoque toujours l'existence d'une communauté homogène d'individus, il ne fait actuellement pas l'objet d'une définition unique. La nation peut être définie d'une manière assez simple à partir d'éléments purement juridiques. Elle se présente alors comme la communauté des habitants d'un territoire soumis à l'autorité d'un pouvoir souverain organisé sous la forme d'un appareil d'État qui leur reconnaît la citoyenneté, ou encore la nationalité politique. La pyscho-sociologie vient perturber cette définition de la nation de par ses faits sociaux. En effet la nation n’est pas définie par des éléments juridiques. À la prise en compte de données objectives comme le territoire, les institutions, la langue, la religion ou l'ethnie, vient alors s'ajouter celles de paramètres telles que l'histoire ou la culture. En 1913, Staline, définit la nation comme «une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit par une communauté de culture ». Pour l’historien Patrick Weil, spécialiste des questions de nationalité et d'immigration, il y a quatre piliers à l’identité française. Le premier est l’égalité. Puis vient la langue comme instrument d'unification du royaume puis de la république et de l'école pour tous. Puis la mémoire de la Révolution. Et, enfin, il y a la laïcité.

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L'identité nationale peut être définie alors, comme la somme des particularités communes fondant la cohésion et la solidarité des personnes regroupées en un ensemble considéré comme une nation. À cet égard, l'expression s'apparente à un « sentiment national » ou à une « conscience nationale ». Mais qu'est-ce qu'être Français ou Française ? Si l’on se réfère à la polémique qu’avait déclenchée la création d’un Ministère de l’identité nationale, il semble impossible de trouver une définition qui soit acceptée par tous. Etre Français, c’est avoir la nationalité française. Mais c’est aussi un sentiment d’appartenance, etc. - La nation comme communauté Les collectivités humaines (ici est sous-entendu les entreprises ou associations) offrent de nombreux exemples de rassemblements d'individus, structurés ou informels, liés par des caractères et des intérêts communs. En revanche, les contours d'autres ensembles tels que les tribus, les clans, les familles, ou les nations sont délimités à l'aide de critères plus flous. En effet, même s'ils impliquent toujours des similitudes apparentes, variables selon les groupes, celles-ci ne sont généralement pas suffisantes et sont complétées par des éléments essentiels d’ordres psychologiques. Il existe sans doute entre leurs membres un certain nombre de points communs directement observables, pouvant être la langue, la présence sur un même territoire, ou la soumission à une même autorité. Toutefois, qu'elles soient purement et simplement assimilées aux États ou qu'elles s'affranchissent de leurs frontières, on les caractérise par un état d'esprit commun aux individus les composant, révélant leur solidarité et leur adhésion à des valeurs collectives spécifiques. L'idée était déjà sous-jacente chez Voltaire qui, évoquant divers peuples de la terre, les distinguait notamment par leurs «mœurs», leurs «caractères» et leur «génie» respectifs. Elle sera reprise avec une connotation quasi-mystique par Renan, affirmant que si les points communs visibles portant sur « la race, la langue, les intérêts, l'affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires » contribuent à créer des liens parfois puissants entre les individus, ils ne suffisent pas à définir la nation. Celle-ci est pour lui avant tout « une âme, un principe spirituel », se résumant « dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune ». - L’identité linguistique En 1877, un auteur anonyme publie un ouvrage sous le titre « L’essence de l’individualité nationale », il y décrit la place de la langue dans l’identité. « La forme qui sert d'expression à l'individualité nationale, c'est la langue; car la langue est l'instrument unique de l'unité d'un peuple... Les populations d'une même langue ne cessent jamais de se considérer comme les membres d'un tout, d'une unité indivisible ». La langue est un fondement de l’identité selon Laponce. Chaque individu possède une identité parce que chaque individu a son propre capital. Si l’on se réfère au modèle de Bourdieu, la langue fait partie du capital culturel qui permet aux autres individus d’identifier leurs interlocuteurs, qui eux-mêmes construisent cette identification à partir Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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de leur propre capital culturel. L’identité de l’individu n’est pas quelque chose d’innée, d’immuable, mais se construit selon des situations prenant en compte les cadres d’énonciations ainsi que les interlocuteurs présents : c’est pour cela que l’on peut affirmer que l’individu n’a pas qu’une identité, mais plusieurs identités. Il est nécessaire de rappeler que le Français est la langue officielle du pays depuis 1539, même si depuis quelques années, elle est en déclin face à la globalisation de l’anglais.

2. Problématisation En sociologie du moins, l’identité a mauvaise presse. On la voit figée, facteur d’archaïsme, excluante et son adjectif, « identitaire », renvoie automatiquement aux franges ultra de la droite française. Ce dossier visera à mettre en place une problématique générale qui répondra aux questions suivantes : - L'identité nationale existe-t-elle réellement ? - La mise en place d'une identité nationale, correspond-t’-elle à une stratégie de communication pour rassembler le peuple ? - Comment l'esprit français résiste-t-il à la pression de la globalisation ? Pour tenter de répondre à toutes ces questions, il est nécessaire de pouvoir expliquer et analyser quel est le but du gouvernement français de mettre en place des discours identitaires pour rassembler le peuple, le faire penser et être mais également consommer. Il est également primordial de faire le lien avec la propagande comme moyen de mettre en place ces stratégies de communication, basées sur l’identité. La patrimonialisation est une notion essentielle qui fait des constructions nationales une symbolique propre à l’idée d’âme de la nation. L’identité nationale et la patrimonialisation visent à créer « une colle capable de tout attacher ». Pour François Masure, l’identification est un processus constamment renégocié. La recherche à tendance à considérer que le processus social est le monopole d’une seule institution : l’Etat. Mais il faut également comprendre, par quels discours identitaires et par quel poids nécessairement, une nation ou une région a pu affirmer le principe de définition d’un groupe.

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3. Argumentation 3.1. Théorisation et analyse des recherches scientifiques Chaque individu est en principe pourvu d’une identité nationale. Il a appris dès son plus jeune âge que cette identité est spécifique, incomparable aux autres. Pour Manuel Castells, l'identité des acteurs sociaux est un processus de construction du sens à partir d'un ou plusieurs attributs culturels et nationaux (Dieu, la nation, l'ethnie, la famille, ou le terroir). L’identité nationale est un « universel du particulier », en effet pour parler d’identité nationale, produite par l’Etat (et autres appareils idéologiques), il faut que la représentation de cette identité soit intériorisée et réappropriée par les populations à qui on l’impose, à défaut on parlera plus simplement d’image du groupe. L’identité nationale est enracinée dans la nuit des temps, elle est le fruit d’une très longue histoire. Mais la construction des nations est propre à la modernité, elle correspond à « un nouveau type de société ». A partir des années 60, pour Jean Claude Kaufmann, c’est « l’approfondissement de la démocratie dans la vie quotidienne » qui est à l’origine de la modernisation de la société où les individus ne sont plus dans un « moule collectif » mais où se sont eux-mêmes qui choisissent et construisent leur identité. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame que la nation est souveraine et que les hommes naissent libres et égaux en droits. Cependant, la déclaration est universelle, il est donc important de signaler que la nation française a débuté par l’affirmation politique du pays après la Révolution française et que c’est la dimension culturelle qui a particularisé la nation. W. Morris et A.O. Scott, deux journalistes du New York Times ont pu écrire que l’identité de la nation française n’était non pas définie seulement par son histoire, sa géographie et ses idéaux universels (liberté, égalité, fraternité) mais également par sa culture cinématographique. Toutes les nations ont été construites à la fois comme des corps politiques et comme des communautés culturelles. Pour Dominique De Legge, ce sont les systèmes de communication qui permettent aux gens de vivre ensemble. C’est sur une échelle de proximité que les discours sur l’identité portent et organisent les croyances et l’appartenance des individus dans la société, mais maintiennent également leur confiance dans leurs collectivités. C’est par ces systèmes de discours que la propagande afflue.

3.2. Mise en parallèle du système français L'observation de la France révèle qu’il n'existe pas entre les gouvernants et les gouvernés, et entre gouvernés eux-mêmes, une cohésion et une solidarité suffisante

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pour assurer le minimum d'harmonie nécessaire. C'est parfois l'idéologie officielle qui s'efforce de mobiliser opinions et énergies afin de rassembler dirigeants et dirigés sur des thèmes présentés comme essentiels pour l'identité nationale. Ainsi, en France, après la déchéance de l'empereur Napoléon III et la capitulation contre les Prussiens, les autorités mirent-elles en place une pédagogie à la fois républicaine, laïque et revancharde. De même, sous l'Occupation, le régime de Vichy, imputant la défaite au relâchement de la Nation, prônait-il une «Révolution nationale» avec pour ambition de refonder une identité française nouvelle, résumée dans la devise «Travail, Famille, Patrie». Aujourd’hui, la démocratie est mise à mal. La politique est fissurée et le peuple se voit soumis à l’oligarchie. La mondialisation a fait perdre pied à l’identité culturelle de la France et l’identité nationale à ses compatriotes. Ainsi, la parution en 2013 de l'ouvrage d’Alain Finkielkraut exprimait sa nostalgie du passé en dénonçant la désagrégation de l'identité nationale française. Les politiques publiques peuvent tenter d'assurer la stabilité de l’identité nationale en prévenant les changements susceptibles de la bouleverser. Ainsi, l'accueil durable d'étrangers à cultures différentes peut influer sur l'évolution de leur société, et nombre d'États soumettent cet accueil à des conditions censées attester de leur aptitude à l'assimilation. En admettant que ces politiques atteignent leur objectif, ces précautions limitées aux seuls étrangers ne peuvent pas empêcher la transformation de la société sous l'effet de causes purement internes. Il est bon de citer que le président Nicolas Sarkozy a organisé un débat sur le thème de l'identité nationale, après en avoir fait un thème de campagne durant l'élection présidentielle de 2007. Il a chargé Éric Besson, Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire de lancer le débat en France. L’existence de ce ministère a été vivement controversée dès sa création, pour Brice Hortefeux, ce ministère fut une façon à Nicolas Sarkozy de créer une politique d’immigration en France. En désaccord avec ce que les politiciens estiment être l'évolution vers une nouvelle identité nationale non conforme à l'authentique, certains déplorent alors la dégradation du modèle sociétal auquel ils étaient attachés et souhaitent un retour en arrière. Leur protestation peut prendre une forme purement théorique, avec un retentissement variable selon leur notoriété. - Études régionalistes L’historiographie nationale de la France est en panne. La place prise par les appartenances locales est à mettre en rapport avec les difficultés des mythes nationaux qui nous laissent indifférents. L’Ancien régime est loin, les marionnettes poudrées des cours royales sont exotiques, la révolution de 1789 a perdu de son sacré et malgré les efforts républicains, Saint-Just et Robespierre sont devenus violents pour nos mémoires. Napoléon est Images, propagande et TIC


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désormais identifié à ses positions esclavagistes et à ses expéditions sanglantes, les grands noms fondateurs de la Troisième République ont trempé dans l’histoire coloniale, la France inventée par Michelet ne peut plus être mise en scène et l’emphase des valeurs de la république ne fonctionne plus. Sans doute face au monde, le Français, n’est pas complètement rien, la langue reste un bien commun précieux, la télévision, le sport, le patrimoine, les plages et la mer, la gastronomie, les stars, créent des références, suscitent des échanges déçus ou enthousiastes, mais trop souvent, la scène nationale ordinaire répète les faits et gestes divers du publics éclatés. Pour François Masure, il est nécessaire d’étudier le régionalisme littéraire pour approcher la notion d’identité nationale selon une approche sociologique. Le régionalisme est un des grands facteurs manquant de l’idéologie de la Troisième République, comme élément du sentiment d’appartenance nationale. La crise et l'obsolescence des référents identitaires nationaux entrainent un retournement des habitants vers d’autres référents, plus proches, plus crédibles et plus actuels. Le terme identité est employé par les mouvements régionalistes porteurs d’une revendication d’identité. En France, la Troisième république a fortement dévalorisé les enracinements régionaux. La région et sa culture ne seront mises en valeur, comme composantes de l’unité nationale, qu’à la fin du 19 siècle. ème

Pour Pierre Bourdieu, les identités sont à comprendre dans une lutte de pouvoir dont l’enjeu est la définition et le contrôle des frontières et des groupes sociaux. L’institution étatique est chargée d’inculquer les discours désormais largement connus sur la région, à travers l’étude de la pédagogie, des manuels scolaires, de la sociologie des instituteurs, etc. Ils montrent que les discours sur l’identité régionale n’ont pas été assimilés et adoptés magiquement, etc. Ce sont les institutions d’encadrement régionales qui se sont chargées de les diffuser, de les prescrire. La plupart des recherches qui parlent aujourd’hui de la construction des identités se limitent à l’analyse des discours. Les travaux qui se démarquent de l’historiographie des années 1970 sont imprégnés d’une étude de la conscience régionale et des particularismes locaux. La notion d’identité régionale sert à dire et à fixer ses spécificités en affirmant une continuité historique, une culture plus vraie, plus authentique, plus ancienne, plus profonde que la culture nationale jugée artificielle.

4. Amalgames La question de l’identité nationale existe depuis de nombreuses années, et suggère de nombreuses interrogations sociologiques. Autrefois appelé nationalisme français, l’identité nationale est ses nombreux dérivés linguistiques sont souvent malheureusement attribués à l’idéologie de la droite et de l’extrême droite sous couvert de pouvoir discuter d’immigration.

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C’est après l’affaire Dreyfus notamment que les parties de droite s’en emparent. Le nationalisme, favorisé par le régime républicain, devient alors une revendication d'extrême-droite, liée à l'antisémitisme, à l'antiparlementarisme et à la critique de la République. Le terme de « cosmopolitisme », jusqu'ici valorisé et lié aux siècles des Lumières et à la notion de « citoyen du monde », change de sens dans les années 1880. Il devient synonyme de menace pour la cohésion de la nation, etc. La droite nationaliste prétend alors dépasser les clivages idéologiques nés de la Révolution, tandis qu'elle dénonce les « quatre États confédérés (Juif, Protestant, Maçon, Métèque) ». Pierre-André Taguieff écrit ainsi : « C’est donc seulement à la toute fin du 19e siècle qu’une nouvelle doctrine politique s’installe dans le paysage idéologique, certes sous le nom de "nationalisme", mais dissimulant derrière cette désignation vague une étrange tentative de synthèse entre une vision traditionaliste de l’ordre social, une version scientiste de la "théorie des races" et une conception conspirationniste de l’ennemi, dont dérive l’appel xénophobe à défendre par tous les moyens la nation française menacée, la « vieille France », la « France des Français ». ». Au cours des années 1980, la montée du Front National a imposé dans le vocabulaire l’expression courante d’identité nationale. Quand il est mis en circulation par la droite et l’extrême droite, le discours nationaliste est toujours lié au vocabulaire sécuritaire, c’est-à-dire au vocabulaire de la menace. Ainsi pour Maurice Barrès, il s’agit de présenter l’étranger comme un danger vital pour la nation. Il y a donc une connotation néfaste dans une expression telle que «Français d’origine étrangère», au sens où la construction linguistique affirme une identité française censée primer sur les origines, quelles qu’elles soient, etc. Il y a aujourd’hui une crise profonde du vivre ensemble. Pour certains auteurs et politiciens, la cause du déclin des identités est à mettre au compte de l’immigration. Et cette mentalité et ces nombreux amalgames rendent difficile le vivre ensemble dans son quotidien. Ainsi voit-on surgir et arriver une montée du racisme ordinaire et de « microagressions ». La médiatisation de certaines paroles rend difficile le vivre ensemble communément et harmonieusement puisque ces voix viennent accuser l’immigration, l’arrivée de nouvelles cultures et de nouvelles identités sur le territoire.

5. Mondialisation et globalisation des nations La post modernité est une redécouverte du lieu qu’a toujours occupé l’identité, « c’est une invention » qui se forme au point instable où se croisent les histoires indicibles de la subjectivité et les récits historiques d’une nation nommée. La mondialisation est une des causes du déclin des références nationales. Plus aucun aspect de notre vie quotidienne n’échappe à l’externalisation et notre appartenance au monde nous organise et nous échappe. Mais pour Dominique De Legge, il y a des bien Images, propagande et TIC


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faits dans la globalisation : « la ville monde est une ouverture aux autres et au monde comme une qualité constitutive de l’identité première du territoire ». Aujourd’hui, la question de l’identité nationale a resurgi en France mais aussi ailleurs. C’est le sujet international de ce début du XXIè siècle. Tous les débats actuels tournent en fait autour de la globalisation et de l’idée qu’il faudrait revenir à des repères sûrs, comme l’identité nationale. On voit surgir un patriotisme moderne. Dans les années 1970, la guerre froide structurait le débat : capitalisme ou révolution marxiste internationale. C’est parce qu’on a changé d’ère que le débat a changé. La question nationale a resurgi à cause de l’incapacité à repenser la question internationale. Aujourd’hui, la seule figure autre que le national est la globalisation. Elle angoisse parce que nous ne disposons pas d’instrument pour la comprendre et la représenter concrètement, pour la penser culturellement et politiquement. Pour certain, « l’américanisation », qui est le système majeur et multinational, traduit une forme de désaveu, voire de renoncement par rapport à notre identité nationale. Face à un monde ouvert, globalisé, des identités émergent à partir de valeurs traditionnelles tout en considérant les idées novatrices. Manuel Castells parle d’identité cosmopolitique.

6. Stratégies identitaires Dans l’ensemble de cette première partie, nous avons mis en valeur la notion d’identité. Cette identité est sous l’emprise de plusieurs propagandes : celle de l’Etat et des AIE, celle des politiques et des médias mais également celle du marketing. Outre la question de l’immigration que nous avons pu brièvement analyser plus haut, et qui diffère d’une politique territoriale d’un pays à l’autre comme le montre l’Allemagne qui préconise l’entrée sur son territoire d’un taux migratoire beaucoup plus important que la France, le marketing est sujet à des stratégies identitaires puissantes. Nous n’achetons rien par hasard. Pour Jean Claude Kaufmann, qui aborde dans son ouvrage le sujet du marketing, nos achats usuels s’apparentent à une micro-quête identitaire. En effet, la France base la consommation de sa population sur une production locale. De nombreuses publicités et images de grandes entreprises font la promotion de leurs produits dits locaux. Le flux d’images qui nous parvient par le biais de la télévision, de l’Internet mais également des panneaux publicitaires fait que nous consommons ce que nous voyons. Ainsi, la France a voulu construire sa production agro-alimentaire sur du local et/ou national. La France est un pays qui consomme les produits de son terroir. Le marketing produit un nombre d’image important dont l’usager ne peut passer outre. Aujourd’hui, le marketing tend à nous faire consommer bio alors qu’il y a encore

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dix ans commençait seulement les publicités de produits locaux. Les médias jouent un rôle d’autant plus crucial dans la propagande identitaire qu’ils sont à l’origine de ce déploiement d’image et d’information en instantané.

7. Conclusion des recherches scientifiques La mondialisation est la cause de cet état d’identité perdue, de sida mental comme a pu le dire Louis Pauwels en parlant de l’incapacité des individus à penser par euxmêmes. Nous sommes des moutons qui n’ont que peu conscience des stratégies de communication mises en place par l'état pour que les gens soient conduits à penser et être un prototype, mais également à consommer d’une manière particulière, par le biais de grandes industries et de leurs stratégies marketing. Nous sommes étouffés par une aliénation douce due à l’inondation d’informations, nous conduisant à faire des choix déjà fait inconsciemment. Laurent Obertone parle d’un « conditionnement des masses par le système » et sa communication. L’identité serait alors avant tout un récit fondé sur une cohérence fictive pour nous rassembler, nous faire penser, nous faire acheter et avoir une identité commune à chacun dans notre manière d’être et d’agir. Pierre Bourdieu parlera lui d’une socialisation par les appareils idéologiques de l’Etat. Pour Claude Lévy-Strauss, l’identité est une sorte de « foyer virtuel » auquel on doit se référer pour expliquer certaines choses, mais qui n’a pas de réelle existence. L’individu ne serait alors qu’une personne sans identité, pensant réaliser ses actions et ses rêves les plus doux par lui-même, de son propre état de conscience. Mais dans une réalité complètement floue, nos faits et gestes ainsi que nos pensées, sont orchestrés par les écrans, par le marketing et la politique à des fins définies. Pour Philippe Breton, la population est soumise à une manipulation silencieuse. Elle entre par « effraction dans l’esprit de quelqu’un pour y déposer une opinion ou provoquer un comportement sans que ce quelqu’un sache qu’il y a eu effraction ». L’identité nationale notamment par le partage d’une langue et d’une histoire mais aussi par une inondation d’images publicitaires, nous fait penser, être et acheter communément. Même si notre entourage et nos groupes sociaux font que nous disposons de sous-identités, l’identité commune à chacun, soit cette âme de la nation que fabriquent le gouvernement et les grandes entreprises fait que certains de nos choix sont communs à l’ensemble de la population. Cette manipulation mentale permet à l’Etat de rendre communes certaines idéologies étatiques. Ce système de conditionnement n’est pas une identité nationale mais une manipulation gouvernementale pour un partage pacifiste d’idées nationales. Cependant, toute cette théorie de l’esprit de la nation est très commentée. Il y a aujourd’hui, une crise de confiance en France. Les faits de tous les jours sont mis à la Images, propagande et TIC


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sauce des politiciens et grands publicitaires pour les faire consommer et penser en masse. Dans une citation empruntée à Georges-Louis Leclerc de Buffon, « la seule vraie science, c’est la science des faits », mais notre tendance nous mène à oublier que les faits sont des montages d’images. Depuis l’industrialisation de masse et le développement de la culture de masse, il est difficile de garder une identité nationale, que vous y croyez ou non. Nous pouvons dire que l’identité nationale était un concept certainement vrai jusqu’à la révolution française. Mais depuis, les cultures ont changé, même si la France est représentée d’abord par sa langue, puis par ses édifices et ses grands intellectuels, il est difficile aujourd’hui de parler d’un commun. Pourtant, afin de faire consommer les Français, de les faire voter, adhérer à des idées, etc., des discours sont mis en place par les publicitaires, par les appareils idéologiques de l’Etat et par l’Etat lui-même. Ainsi, chaque être est différent mais possède une part commune à l’ensemble de ses voisins.

8. Contextualisation de la question générale et de la problématique de recherche La première partie de ce document a donc visé à définir de manière théorique ce qu’a pu représenter l’identité nationale de la France et ce qu’elle représente aujourd’hui, dans un contexte de globalisation. Afin de mettre en exergue les interrogations documentaires et scientifiques que nous avons pu mettre en avant, il est maintenant nécessaire de poursuivre un travail de terrain. Dans le but de continuer ces recherches et d’analyser en profondeur ce retour au patriotisme d’une part et ce conditionnement de masse d’une autre part, nous nous intéresserons à la loi de l’ouverture du mariage pour les couples de même sexe et des phénomènes religieux et politiques qui en ont découlé. Pour commencer, nous reviendrons sur le projet de loi proposé par François Hollande et Christiane Taubira (I) visant à offrir de nouveaux droits aux couples de même sexe. Cette loi a permis d’offrir à une minorité, les droits de la majorité et de sociologiquement parlant, apporter un renouveau à la famille. Nous analyserons également la montée en puissance de la manif’ pour tous et ses origines (II). Puis, nous observerons les effets de la manif’ pour tous encore à l’heure actuelle et de ce phénomène surprenant qui en a découle : l’émergence d’une jeunesse ultraconservatrice (III) et très active sur les nouvelles techniques de communication.

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8.1. Mariage pour tous et famille Cette année, la France fêtera le troisième anniversaire de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Depuis, la France est devenue le 9ème pays européen et le 14ème pays au monde à autoriser le mariage pour tous. Malgré les polémiques et les oppositions engendrées, cette évolution a fait son chemin et les Français sont aujourd’hui favorables à 68% à ce que les couples homosexuels aient le droit de se marier. Le mariage pour tous est un des éléments majeurs du quinquennat de François Hollande. Promise durant sa campagne électorale, cette réforme du mariage, a suscité un certain nombre de remous durant plusieurs mois dont nul autre pays européen n’a pu être confronté. Pour Didier Lestrade, « la communauté gay est aujourd’hui mieux intégrée dans la société française, elle est même devenue une minorité privilégiée par rapport aux autres minorités, toujours rejetées ». Le projet de loi s'est étalé sur une période d'un peu plus de six mois, entre la présentation du projet en Conseil des ministres et sa promulgation au Journal officiel, faisant de ce texte de loi l'un des plus longuement débattu, après 110 heures de discussions sur 24 séances et l'examen de 4.999 amendements. Entre juin et décembre 2013, 7 367 mariages (sur un total de 238 592 en 2013) ont été célébrés entre des personnes de même sexe selon l'Insee. Au cours de l'année 2014, on dénombre environ 10 522 mariages entre personnes de même sexe (sur un total de 241 292). Toujours selon l’INSEE, le mariage pour les couples de même sexe représente 4,4% des mariages par an. Le mariage pour tous permet ainsi une légère hausse des mariages contractés en 2013 et 2014 par rapport à l’année 2012. Or, malgré le vote de cette loi, l’homophobie persiste à un niveau encore très élevé dans notre pays. Si plus de 18 000 mariages ont été célébrés depuis, les comportements homophobes, les agressions physiques ou les injures à caractères sexistes et homophobes, sans compter les appels à la haine sur les réseaux sociaux, sont toujours aussi nombreux. L’histoire de l’homosexualité en France est longue. Légalisée en 1791, les avancées juridiques et morales n’avanceront que deux siècles plus tard sous François Mitterrand. Le 4 août 1982, l’homosexualité est dépénalisée et les années 1980 marquent la fin d’une période où elle est considérée comme une maladie, et où la police et les renseignements constituent des fiches de renseignements. C’est l’ouverture du PACS en 1999 qui est le point de départ du débat du mariage pour tous. Ainsi, selon Benoit Duteurtre, « notre époque post-moderne accomplit-elle son idéal en enveloppant tout (ordre, rébellion, norme, transgression, minorité, majorité, religion, ect) dans un même paquet cadeau égalitaire marqué du sceau de la loi et du respect ». Le mariage pour tous, en 2013, marque la reconnaissance d’une minorité de la population à hauteur d’égalité à la majorité. Pourtant, le très grand nombre de sondages effectués durant cette période laisse entrevoir que l’opinion a longtemps été mitigée sur cette avancée sociale. Images, propagande et TIC


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Un sondage, commandé à l'Ifop par l'association « Les adoptés », réalisé à la fin septembre 2012, estime que 63% des répondants déclarent qu'« il faut que les enfants adoptés puissent avoir un père et une mère » contre 34% qui déclarent que « il faut que les couples homosexuels puissent adopter des enfants ». Dans un sondage réalisé par l'Ifop et commandé par le magazine Valeurs Actuelles, en décembre 2012, 69% des personnes interrogées estiment que les Français « doivent être appelés à décider par référendum » sur le projet de loi autorisant le mariage homosexuel avec droit d'adopter des enfants. Dans un sondage de début 2013 commandé à l'Ifop par Alliance VITA (une association opposée au mariage des couples de même sexe), 39% des personnes interrogées sont favorables « au droit au mariage pour des personnes de même sexe, assorti du droit d’adopter », 36% « à une union civile, qui accorderait davantage de droits que le PACS mais sans pour autant permettre le droit à l’adoption » et 21% répondent « à aucun de ces projets ». Dans un énième sondage commandé à l'Ifop, par le journal Metro réalisé fin avril 2013, juste après le vote de la loi, 53% des sondés se déclarent favorables « à la loi permettant aux couples de même sexe de se marier et d’adopter des enfants » contre 47% opposés. En décembre 2013, sept mois après la promulgation du texte de loi autorisant le mariage homosexuel, un sondage de BVA pour Le Parisien indique que 48% des sondés sont favorables « à l’instauration du droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels » et 50% défavorables. Dans le même sondage, le clivage politique est également très marqué, avec 81% des sympathisants de gauche interrogés qui approuvent la mesure et 78% des sympathisants de droite qui la désapprouvent. En septembre 2014, selon un sondage Odoxa pour i-Télé, 73% des sondés, dont 56% des sympathisants UMP, ne souhaitent pas que la droite supprime le mariage homosexuel si elle revenait au pouvoir. Deux ans après la première mobilisation de grande envergure de la « Manif pour Tous », en Novembre 2014, le jugement des Français sur l'élargissement des droits des couples homosexuels se révèle plus favorable. 68% des Français entérinent aujourd'hui le « mariage pour tous » en estimant que les couples homosexuels doivent avoir le droit de recourir l'institution maritale. La majorité considère qu'ils devraient pouvoir, en tant que couple, adopter des enfants (53%). En septembre 2015, un sondage Ifop commandé pour l’Avenir Pour Tous, le mouvement fondé par Frigide Barjot, montre que 54% des sondés sont opposés à la loi en vigueur et à la reconnaissance des enfants nés par GPA à l'étranger et par insémination artificielle pour des couples homosexuels. Le sondage est cependant considéré comme orienté par certains médias.

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- Sociologie des familles Au printemps 2014, dans un climat politique particulièrement tendu sur le thème de la famille en raison des nombreuses et virulentes manifestations principalement contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, la société et le gouvernement voient se refléter une nouvelle manière de perception de la famille et d’un profond blocage persistant quant à son évolution. Selon Irène Théry, hier encore, la subordination sociale des femmes était ancrée avant tout dans la famille conjugale. Les statuts des époux étaient asymétriques et hiérarchisés : le mari chef de famille, la femme lui devant obéissance ; le père pourvoyeur, la mère au foyer. Cette hiérarchie a aujourd’hui volé en éclats. Nos contemporains sont loin d'avoir perdu le sens des valeurs, mais celles qui leur tiennent à cœur ne sont plus les mêmes. Ce que ne comprennent pas les nostalgiques de la vraie famille traditionnelle et conservatrice. Pour Hannah Arendt, la famille traditionnelle cherchait à sécuriser le temps en créant du statu quo, du figé. Irène Théry parle de la mondialisation et de ses effets sur la famille. En France, la droite stigmatise les immigrés, oppose l'étranger à soi. Les frontières de la famille doivent être ouvertes aux amis, aux étrangers, aux autres cultures, ce qui se joue déjà avec les mariages mixtes, les adoptions internationales, la gestation pour autrui, etc. L’ouverture des droits au mariage et à l’adoption aux couples de personnes de même sexe en France a ébranlé l’hétéro-sexisme, pilier de l’institution familiale française. La loi est venue légitimer des pratiques, et reconnaître en droit la possibilité pour les homosexuels de participer à l’ordinaire familial. Aujourd’hui, il y a certes eu l’avancée du mariage pour tous, mais le gouvernement donne le sentiment d’un chantier inachevé, qui a cédé aux revendications de la manif’ pour tous. Pour Ian Brosset, actuel adjoint à la culture à la mairie de Paris, il est nécessaire d’aller jusqu’au bout de l’égalité des droits, notamment en ce qui concerne la PMA. Ceux qui sont actuellement au pouvoir semblent bloqués sur ces sujets, face à une droite mobilisée, offensive et agressive. Ce qui était devenu évident pour une large majorité de la population s’est transformé en une sorte de concession, offrant à la droite conservatrice le temps et les arguments. L’occasion d’un vaste débat démocratique autour de la famille et des sexualités a été occultée dans l’espace public par des mouvements conservateurs visibilisés.

8.2. Les débats de la manif’ pour tous Dans nos sociétés modernes, la question du mariage mobilise quelques politiciens de droite, et quelques associations d’activistes, en quête de nouvelles causes pour dénoncer l’homophobie rampante et justifier leur existence. Mais, véhiculée par les médias comme un réel rejet identitaire au sein de la France, cette réforme ira jusqu’à recueillir environ 700.000 signatures dans une pétition contre son éligibilité, lancée par Philippe Brillault, conseiller général des Yvelines et ouvertement de droite. Images, propagande et TIC


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La liberté a toujours fait peur et une partie de la droite, particulièrement la droite de la droite, fait ce qui lui est possible pour lutter contre toute évolution des codes sociaux et moraux. Dans une société clivée, l’ouverture du mariage pour les couples homosexuels à laisser entrevoir une nouvelle tendance en France : le conservatisme. Cependant, tous, cette droite et les acteurs de la manif’ pour tous, partagent une même vision nostalgique d'une France qui n'existe plus, soutenue par l'influence croissante d'une poignée d'intellectuels conservateurs qui font fureur dans les médias. C’est à partir de là, que ce dessine un patriotisme revanchard et un retour en force du traditionalisme chrétien. Différents débats ont donc agité l’opinion publique durant plusieurs semaines en lien avec la nouvelle loi de l’ouverture du mariage pour tous et conjointement d’adoption pour tous. En corrélation, ce sont la procréation médicalement assistée et la gestation par autrui qui ont élevé une partie de la population française voulant contrer cette réforme du mariage qui verrait ouvrir ces droits aux personnes homosexuels. La Manif pour tous peut se montre être un mouvement anti-égalitariste, prônant le retour des citoyennes françaises à la sphère domestique ; autrement dit, pour que les femmes soient avant tout des épouses et des mères de famille. Pour Roselyne Bachelot, la manif’ pour tous se cache derrière « la commisération des dames patronnesses ». Depuis plusieurs décennies en France, chaque modification législative de la société suscite l’opposition farouche des représentants de l’Église catholique qui semblent incapables d’appréhender les sensibilités émergentes. Qu’il s’agisse de la libéralisation de la contraception (loi Neuwirth de 1967), de l’interruption volontaire de grossesse (loi Veil de 1975), du pacte civil de solidarité (loi de 1998) ou plus récemment du mariage pour tous, l’Église catholique s’est toujours prononcée contre la liberté nouvelle et notamment sexuelle. Le fait qu’une forme de mariage civil suscite une opposition aussi forte pose la question fondamentale que le retour de la religion n’est pas nécessairement un retour au religieux, mais plutôt à des revendications politiques de certains partis, facilité par une forte médiatisation des évènements qui ont découlé du débat de l’ouverture du mariage pour tous. Les résultats d’un sondage BVA réalisé en février 2014 le confirment. 90% des catholiques interrogés se prononcent en faveur du droit à l’IVG et 54% d’entre eux en faveur du mariage des couples homosexuels (contre 61% de l’ensemble des Français). 42% des catholiques interrogés approuvent l’homoparentalité (contre 50% de l’ensemble des Français). L'historienne Danielle Tartakowsky voit dans la manif’ pour tous, le retour d'une «France catholique conservatrice». Pour Yann Raison du Cleuziou, ce qui mobilise ces manifestations contre l’ouverture du mariage pour tous, ce n’est pas seulement du conservatisme, mais au contraire du progressisme. Il voit dans la manif’ pour tous, des questions plus modernes que défendent les associations qui défilent : la protection des générations futures. Les individus qui se contrent face à ce projet de loi ne le font pas

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pour la religion mais voit dans ce projet de loi quelque chose qui n’est pas naturel dans les formes de parentés qui en découleront. Patrick Aulnas a réalisé un parallèle avec la France, en étudiant les réactions de l’opinion publique irlandaise qui a autorisé le mariage pour tous, en Juillet 2012. 62,1% d’entre eux ont répondu positivement. L’électorat catholique très traditionaliste n’est plus majoritaire ; une jeunesse beaucoup plus ouverte aux changements de modes de vie l’a remplacé. Le fair-play des perdants irlandais contraste avec le comportement des opposants français au « mariage pour tous ». L’Irlande, pays catholique, se comporte raisonnablement face à un choix démocratique alors que la France, terre des droits de l’homme et des libertés, en avait fait un psychodrame politique. La différence entre les deux pays résulte des manipulations politiciennes dont les Français sont constamment victimes. La fameuse Manif pour tous, qui était à l’origine l’émanation d’une sensibilité catholique traditionaliste bien présente dans l’opinion, mais minoritaire, s’est transformée en une protestation politicienne contre le pouvoir en place. Selon Gaël Brustier, la manif’ pour tous peut être comparé, en nuançant, aux évènements de Mai 68. Mai 68 est un marqueur omniprésent dans l’esprit des animateurs de la manif’ pour tous, notamment dans leurs méthodes et leurs moyens d’action. Leur stratégie emprunte les codes historiques de la gauche, qu’il s’agisse des références à la révolution (bonnets phrygiens) ou encore de l’occupation de lieux de mémoire de la gauche française comme la place de la Sorbonne. Détournement des slogans de 68, iconographie des affiches, rapport conflictuel aux forces de l’ordre : la comparaison est flagrante. Tout circule, aujourd'hui. Les grandes tendances sont les mêmes partout en Occident. Ainsi, pour Dominique Reynié, l’appel aux « origines chrétiennes » est détaché de tout contenu spirituel. Le refus du mariage pour les couples de même sexe peut procéder de valeurs chrétiennes, mais chez la plupart des opposants on ne trouve pas la même hostilité quant au « droit à l’avortement » ou au « droit à mourir dans la dignité ». La famille bourgeoise patriarcale blanche reste une norme puissante et multiforme du gouvernement, qui s’impose au tribunal, qui structure les thérapies psychiques, qui définit les politiques de logement, qui masque les violences domestiques. La chercheuse Eglantine Jamet-Moreau a montré à quel point les jeunes manifestants qu'elle a rencontré étaient pris dans une logique à la fois culturelle et de genre liée aux normes de leur classe sociale: une certaine bourgeoisie classique. Il faut rappeler que la famille est une valeur importante pour les Français et, sûrement encore plus forte chez les catholiques. Elle représente une certaine image, une certaine histoire, une certaine identité. Les individus qui ont défilé durant ces manifestations appartiennent à des groupes d’individus fortement intégrés. Ces individus sont donc engagés dans une histoire et une identité de la famille, et par des convictions personnelles et des formes de parentés.

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- Origine de la manif’ pour tous Les mouvements anti-mariage pour tous s’expriment par le biais de groupes de pression et la constitution de partis politiques. Les groupes de pression, à tendance religieux, ont su s’organiser et se politiser en France. Leurs compétences en matière de stratégies de communication et de manipulation des médias et de l’opinion publique leur permettent de se faire entendre. Ils s’expriment par la voix de corps politiques connus et médiatisés. Les associations telles que Sens Commun ou les « Poissons Roses » accueillent régulièrement des représentants politiques qui leur permettent d’être facilement médiatisés et faire diffuser leurs revendications. A l'Assemblée, la Manif pour tous compte de nombreux relais. Pas loin de deux cents parlementaires UMP et UDI sont membres de l'Entente parlementaire pour la Famille, déjà active sous Sarkozy. Quand ce dernier avait voulu créer le statut du beauparent dans les familles recomposées, il s'était heurté à l'opposition d'une partie de sa majorité. Même résistance sur l'union civile qu'il envisageait de mettre en place en 2007. C’est Nicolas Sarkozy qui a réactivé un certain nombre de thèmes durant son quinquennat, notamment avec la création d’un ministère de l’identité nationale, qui ont rendu possible l’essor de la Manif pour tous. En 2007, il avait déjà attiré un certain nombre d’amis de Christine Boutin, opposante du PACS et du mariage pour tous. Nicolas Sarkozy a contribué pour la première fois à la création d’un courant conservateur organisé, capable de rassembler des milliers de personnes dans des salles. Pour Gaël Brustier, la montée en puissance de la Manif pour tous est la victoire de la frange conservatrice de la droite parlementaire et de l’UMP, aujourd’hui appelé Les Républicains. A la fois «antimodernes et postmodernes», les animateurs de la Manif pour tous ont surpris par leur maîtrise des réseaux sociaux qui leur a permis de rencontrer un grand écho et d’acquérir leur autonomie vis à vis des médias traditionnels. Le parti démocrate-chrétien met un accent important sur le conservatisme social. Christine Boutin s'était opposée à l'établissement du PACS en 1999. En 2013, le parti a pris position contre le projet de loi visant à ouvrir le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe. Le PCD revendique environ 10 000 adhérents et 60 000 sympathisants au début de l'année 2013 et plus de 20 000 adhérents fin 2013. Dans un sondage du Cevipof publié le mercredi 3 février 2016, la montée du Front National est des partis de droite vient montrer que les couples homosexuels mariés ont dernièrement voté à 62,8 % en faveur d’un parti hostile au mariage pour tous, et à 32,45% en faveur du Front National. La gauche n’a recueilli qu’un tiers des suffrages parmi les couples mariés homosexuels, à peine un demi-point de plus que chez les couples mariés hétérosexuels. Ce dernier sondage fait apparaître un retournement de situation qui apporte d’abord un soulagement en faveur des couples homosexuels qu’on voit de mieux en mieux intégrés dans la société. Mais, ce sondage montre aussi que pour le socialiste Bruno Julliard, adjoint à la maire de Paris, ces résultats sont à la fois inquiétants et désespérants : « C’est insupportable de voir une minorité se jeter dans les Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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bras d’un parti politique qui a largement nourri les rangs des manifestations contre le mariage pour tous. On a en France un parti politique qui fait le lien entre islamisme, musulman et immigration, et apparemment cela fonctionne sur les cerveaux les plus faibles ».

8.3. Emergence d’une jeunesse ultra-conservatiste Pour Jacques Attali, la société française assiste au fondement d’une jeunesse d'extrême droite qui répond aux besoins de son temps avec des stratégies de communication hors du commun et qui ose casser et répondre aux grands intellectuels de notre temps. Les jeunes générations reviennent au vieux en misant sur le jeune. Mais, pour Jacques Attali, ce conservatisme ne peut pas fonctionner, « la fermeture ne fonctionne pas, il faut être ouvert aux uns et aux autres ». Cette nouvelle jeunesse dépasse largement le cadre des groupuscules extrémistes traditionnels. Elle descend dans la rue, essaime sur les réseaux sociaux, se mobilise dans les écoles et fait trembler le gouvernement. Cette nouvelle jeunesse conservatrice, menée par un peuple de droite, et majoritairement catholique, à cran sur les sujets de société, sait s’organiser et faire front. Les mouvements contestataires issus de la manif’ pour tous, ont été révélateurs de ce phénomène. Ces jeunes “progressistes” auront une empreinte sur le pays qui n’est pas négligeable. Même s’ils sont minoritaires sur les questions du mariage ou de l’adoption pour tous, ces futurs jeunes gens ultra cultivés et politisés restent majoritaires sur les nouvelles questions sociétales. Surtout, ils ont la capacité d’imposer leurs thématiques. Pour Gaël Brustier, ces nouvelles générations conservatrices sont un danger pour la société française. Leurs compétences des médias et des réseaux sociaux, leur permettent d’imposer leurs revendications identitaires et leurs idées. Ainsi, durant les manifestations contre le mariage pour les personnes de même sexe, la jeunesse a aussi marché dans la rue pour contrer les évolutions sociales modernes. Gaultier Bès, est une de ces figures emblématiques d’une nouvelle génération ultraconservatiste qui milite notamment contre les droits pour les homosexuels. Déjà sur la scène médiatique avec son propre magazine Limite, le jeune homme prône une « écologie intégrale » et intègre à son site web des rubriques telles que « vie chrétienne » et « création » au sens biblique du terme, etc. Pourtant, et plutôt étonnant, cette nouvelle génération n’appartient encore a aucun parti politique nommé. Entre Les Républicains et le Front National, cette jeunesse trouve à reprocher aux deux partis. Elle s’y sent mal représentée et souhaite se faire entendre. Pour reprendre l’expression de Manuel Valls, assiste-t-on à « l’émergence d’une Tea Party à la française » ? Aux Etats-Unis, ces mouvements conservateurs issus de la société civile sont nés à la droite de la droite américaine. Pour Jean-François Copé, « leur débouché naturel c'est l'UMP, même si une frange d'extrémistes ira toujours au

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FN ». Dépassés par cette jeunesse conservatiste 2.0, les politiques ne croient pas en sa formation et minimise son existence. Pour Marion Maréchal-Le Pen, qui a pu assister à tous les rassemblements antimariage pour tous, la formation de cette jeunesse n’en est qu’à son début.

8.4. Conclusion En démocratie, la constitution d’une minorité politique, pour qu’elle survive, se doit à la fois de répondre aux attentes du marché de l’identité et trouver un débouché dans les partis politiques institués. Certains électeurs ne demandent pas seulement des augmentations d’argent, mais d’être reconnus pour ce qu’ils sont jusqu’à vouloir être représentés d’une façon ou d’une autre dans le débat public. Ainsi, on retrouve une petite minorité qui souhaite être reconnue comme la majorité. Ces enjeux culturels, qu’on oppose en général aux enjeux purement économiques, ne sont pas propres à la France. Pour Fréderic Mas, les sciences sociales marquent en général la rupture entre ces deux types de revendications en parlant de valeurs matérialistes et postmatérialistes. C’est par des stratégies de communication bien ficelées que les opposants de la manif’ pour tous ont réussi à occuper le paysage médiatique français durant plusieurs mois. Par le biais des réseaux sociaux et des rendez-vous organisés, les anti-mariages pour tous ont su rassembler un grand nombre d’individus, dont les nouvelles générations. A l’effigie de la Russie, avec sa « loi anti-propagande homosexuelle », les nouvelles générations conservatrices militent grâce à de bons slogans et par le biais de politiciens à responsabilités. Leurs compétences en matière de stratégies et d’usages en communication leurs permettent de rassembler la masse dans la rue et sur Internet. Les individus se sentent appartenir à la majorité, et souhaitent la conservation de codes moraux traditionnels. On voit régulièrement des groupes de pressions s’insurger contre de nouvelles réformes sociales, pour militer pour une identité nationale traditionnelle qui ne souhaite pas avoir les mêmes codes sociaux que les minorités. La société n'a alors de cesse que d'expulser le mal, incarné par le machisme, l'intolérance et le scepticisme. L’identité nationale se relève appartenir à des idéaux traditionnels dont les partis de droite et d’extrême droite semblent se défendre pour obtenir des voix. Pourtant en prônant des valeurs peu évolutionnistes, presque racistes et xénophobes, nous pouvons nous questionner sur la logique de ces pourcentages en croissance. Il semble donc que par les discours qu’ils mettent en place, le conservatisme récolte et accueille les voix contre l’évolutionnisme. Mais on peut croire que la mondialisation et la globalisation des codes moraux pourraient mener à une généralisation, ou du moins à une acceptation des différences sociales, religieuses et sexuelles pour apaiser les mœurs, et rassembler le peuple.

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Dans un climat tendu par la guerre et les risques terroristes, on remarque une convergence des votes pour des partis qui prônent des valeurs et des discours protectifs, nationalistes.

9. Bibliographie Agulhon M., Becker A., Cohen E., Sohn A., La République en représentations. Attali J., Une brève histoire de l’avenir Avanza M., Laferté G., Dépasser la construction des identités ? Identification, image, sociale, appartenance in Genèses Bauer O., La question des nationalités et la social-démocratie. Bohler S., 150 petites expériences de psychologie des médias : Pour mieux comprendre comment on vous manipule. Bourdieu P., La domination masculine. ———. Sur la télévision. Liber. ———. Sur l’Etat : Cours au Collège de France. Breton P., La parole manipulée. Carré C., La manipulation au quotidien : La repérer, la déjouer et en jouer. Castells M., L’Ere de l’information, tome 2 : Le Pouvoir de l’identité. De Certeau M., Luce Giard, and Pierre Mayol. L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire. D’Almeida F., Images et Propagande. ___________., Propagande, histoire d’un mot disgracié in Vingtième Siècle. ___________., L'américanisation de la propagande en Europe de l'Ouest in Vingtième Siècle. De Legge J., Les Propagandes nécessaires. Delporte C., La France dans les yeux : Une histoire de la communication politique de 1930 à aujourd’hui. Ellul J., Le bluff technologique: Préface de Jean-Luc Porquet. Erikson E., Enfance et société. Fleury C., Les Pathologies de la démocratie. Hall S., Identités et Cultures. Tome 2, Politiques Des Différences Kant E., Critique de la raison pure. Kaufmann J.C., Identité, la bombe à retardement Lemieux, Mauvaise presse. Locke, Essai sur l’entendement humain. Mauger G., L’identité nationale en France in Savoir/Agir. Mazure F., Etat et identité nationale, un rapport ambigu in Journal des anthropologues. Meyran R., Rasplus V., Les pièges de l'identité culturelle : Culture et culturalisme en sciences sociales et en politique (XIXe-XXIe siècles) Minc A., Un Français de tant de souches. Noiriel G., A quoi sert l’identité nationale. Obertone L., La France Big Brother Orwell G., 1984. Paicheler G., Loyola M., Sexualité, normes et contrôle social. Platon, Le Banquet. Rémond R., Les Etats-Unis devant l’opinion française 1815-1852. Images, propagande et TIC


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Renan R., Qu’est-ce qu’une nation ? Ricalens P., La manipulation à la française. Rosanvallon P., Le Peuple introuvable : Histoire de la représentation démocratique en France. Slama S., Un chemin de l’identité in Savoir/Agir. Tchakhotine S., Le Viol des foules par la propagande politique. Thiesse A., La création des identités nationales. Thiesse A., Bertrand R., Defrance J., Weber L., La nation, une construction politique et culturelle in Savoir/Agir. Veraldi G., Pauwels, ou, Le malentendu. Weil P., La France et ses étrangers: L’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours.

10. Annexes Cf. : clé USB

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Conclusion générale En conclusion nous avons pu mettre en lumière les différents aspects théoriques et techniques qui répondent à notre problématique : “en quoi observe-t-on un retour du patriotisme en France ?” Tout d’abord nous avons vu que les enjeux de la propagande sont davantage une histoire d’image et de discours, dans un objectif d’influencer les rapports du grand public avec une entreprise, une idée ou un groupe. De plus l’intervention des TIC, pour créer de l’interaction et maintenir une relation entre l’émetteur et le public, est un réel atout car il permet de maintenir une relation permanente ainsi qu’un ciblage approprié et adapté au(x) récepteur(s). Nous avons étudié les évolutions publicitaires qui ont pu contribuer à une propagande idéologique du citoyen français. En effet, la publicité s’est imposée dans la société dans les années 1870 puis s’est effacée progressivement durant le milieu du XXème siècle. Ce n’est seulement qu’à partir de 1990 que l’on peut observer un retour soudain des figures patriotiques dans la publicité notamment par un sentiment d’appartenance qui prône un patriotisme économique. Ensuite, la partie sur les associations humanitaires françaises montre que le sens du devoir est souligné par les valeurs transmises au sein des associations citoyennes françaises. La culture de la solidarité est comme le fut la culture de guerre à une époque, “propagande” et idéologie ambiante, devenant ainsi cause nationale. Le climat social joue dès lors un rôle essentiel dans l’implication des citoyens et contribue à amplifier le discours et les moyens pour diffuser celui-ci par les associations citoyennes. La partie concernant l’art et culture nous a permis de démontrer que les TIC sont des outils essentiels dans la conservation et dans la diffusion du patrimoine. Cependant, cette numérisation de la culture possède des limites puisque ces technologies peuvent aussi jouer un rôle favorisant l’augmentation du patriotisme régional on parlera alors de propagande identitaire. C’est dans ce sens que nous avons étudié le phénomène de propagande par l’art, outil de sacralisation de l’œuvre et incontournable dans l’instrumentalisation des populations. Vecteur émotionnel important, la propagande par l’art permet de dégager des valeurs patriotiques importantes : le cinéma en est un exemple concret.

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Nous avons étudié l’intervention des institutions dans l’action patriotique. Nous en avons dégagé que dans l’utilisation des discours et des symboles, les institutions peuvent permettre d’augmenter un sentiment d’appartenance régional ou national par ce qu’on appelle le langage LQR (Lingua Quintae Reipublicae). De plus, la symbolique fait partie de notre environnement quotidien : Monuments aux Morts, Panthéons, etc. Elle œuvre automatiquement dans l’accentuation des valeurs de la nation. Pour ce faire, nous avons étudié par un exemple concret, une institution qui est susceptible de prôner les valeurs patriotiques françaises : l’armée. Nous avons pu constater que, bien que la communication recrutement de l’armée fut très peu axée sur le concept du patriotisme, il existe toujours des éléments - dans les représentations que ce font la population de l’institution militaire - qui lient armée et patriotisme. Le phénomène massif de prise de contact avec l’armée suite aux attentats du 13 novembre ont démontré l’importance du facteur émotion dans la prégnance du patriotisme chez la population française, de même que le discours de guerre du Président a eu un impact certain. On ne peut pas, pour autant, parler de propagande, puisque ce patriotisme n’est pas l’élément fondamental utilisé par l’institution militaire. Toutefois, la dernière campagne de recrutement ainsi que les documents relatifs au futur de la communication des armées démontrent un intérêt certain de cette institution sur la question. Au vu de l’impressionnante assimilation des éléments de langage de l’armée par les candidats, une communication axée sur le patriotisme pourrait avoir un impact considérable. Enfin, c’est dans une partie « identité nationale » que nous avons observé comment l’esprit français résiste à la pression de la globalisation. En effet, après avoir défini l’identité nationale nous avons remarqué que face à cette globalisation, l’identité se divise elle n’est plus globale elle est divisée en sous identités de groupes d’individus. C’est dans cet esprit nationaliste que les partis de droite et d’extrême droite revendiquent et s’approprient l’identité nationale et voient l’émergence de groupes conservateurs et traditionalistes. En outre, ce dossier a permis de démontrer l’arrivée ou le retour d’éléments qui laissent à penser à un retour du patriotisme en France, traduit par l’intervention des TIC, de l’art, des institutions, des entreprises, des associations, de l’éducation, etc. Cependant, ce retour du patriotisme dans le paysage français pourrait-il déboucher sur une forme de nationalisme, comme cela a déjà pu être le cas en France ?

Dossier de spécialisation – Images, propagande et TIC


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