ETUDE MARKETING LUXE AVRIL 2008

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LUXE & BRAND STRETCHING Comment devenir ou demeurer une marque de luxe? Par Ipsos Marketing en partenariat avec l'Association des Professionnels du Luxe

Luxe & Brand stretching (avril 2008) 1


SOMMAIRE

I. Introduction.................................................................................. p3 à 8 par Catherine Jubin, Directrice Générale de l'Association des Professionnels du luxe

II. Devenir ou rester une marque de luxe : éléments de réflexion sur le brand stretching ............................................................... p9 à 19 par Rémy Oudghiri, Directeur de l'activité Luxe d'Ipsos

III. Le brand stretching dans le luxe sous l’angle de la crĂ©ation de marque......................................................................p20 Ă  32 par Catherine VeillĂ©, Directrice GĂ©nĂ©rale d'Ipsos Insight Marques

E LASTICITE

DES MARQUES DE LUXE

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POURQUOI

CE THEME

?

L’écoute attentive des demandes des professionnels et le suivi des dĂ©bats qui agitent le secteur du luxe mettent en lumiĂšre la forte rĂ©currence des questions relatives Ă  la dĂ©finition du luxe et de son pĂ©rimĂštre, Ă  la « dĂ©mocratisation » du luxe et Ă  la banalisation dangereuse qu’elle entraĂźnerait, laissant apparaĂźtre en pointillĂ© la question clĂ© pour chacun : comment positionner sa marque, sur quels territoires et Ă  quelles conditions demeure-elle lĂ©gitime et aspirationnelle ? Il Ă©tait donc intĂ©ressant de proposer une rĂ©flexion sur ce sujet, en rappelant tout d’abord quelques grandes Ă©tapes de l’histoire rĂ©cente du luxe. UN

PEU D’HISTOIRE


DĂšs que l’on examine l’évolution du luxe au cours des quatre derniers siĂšcles, il apparaĂźt Ă©vident que le phĂ©nomĂšne que d’aucuns pensent nouveau et qui est rĂ©sumĂ© par le terme « dĂ©mocratisation du luxe » est en fait un phĂ©nomĂšne intrinsĂšque au luxe. En effet, la plupart des objets considĂ©rĂ©s comme usuels aujourd’hui ont Ă©tĂ© Ă  l’origine un « luxe » (vĂȘtements, souliers, automobile, voyage en avion, tĂ©lĂ©phone, etc.), les exemples ne manquent pas. Gabriel Tarde (1842-1904) – juriste, sociologue et philosophe dans l’un de ses ouvrages – la psychologie Ă©conomique – Ă©crit : « la destinĂ©e sociale des inventions, en tant qu’elles relĂšvent des besoins rĂ©guliers de l’humanitĂ©, est donc de commencer par ĂȘtre luxueuses, c'est-Ă -dire imitĂ©es par un groupe restreint, avant que l’imitation continuĂ©e ne les diffuse, sous forme d’habitudes, voire de nĂ©cessitĂ© dans des groupes de plus en plus larges ». Cette remarque, extrĂȘmement pertinente, induit-elle que le luxe serait inĂ©luctablement condamnĂ© par l’accession du plus grand nombre Ă  l’objet dĂ©sirĂ© ? C’est bien l’objet de notre rĂ©flexion. Si l’on accepte l’hypothĂšse que l’histoire rĂ©cente du luxe s’écrit en grande partie en France, ce qui n’est pas totalement exact mais relativement pertinent dans le cadre de cette rĂ©flexion, on peut voir Ă  travers son Ă©volution la plus rĂ©cente que la « dĂ©mocratisation » est un mouvement continu.

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On date souvent l’essor du luxe en France au 17Ăšme siĂšcle. C’est en effet Henri IV, puis Louis XIII, et enfin Louis XIV et Colbert qui ont en quelque sorte crĂ©Ă© l’ « offre » de luxe en Ă©tablissant bon nombre de manufactures dans des secteurs trĂšs diffĂ©rents ayant trait Ă  la parure ou bien Ă  l’ornement de l’habitat. C’est le siĂšcle d’un luxe royal, rĂ©servĂ© quasi exclusivement Ă  la Cour. Le 18Ăšme siĂšcle voit la naissance d’une « aristocratie » financiĂšre (la banque Law, etc.). Le luxe devient Ă  la fois le signe et l’instrument de la promotion sociale ; dans le mĂȘme temps Ă©mergent des dĂ©bats sur les vertus du luxe avec des dĂ©fenseurs passionnĂ©s comme Voltaire et Mandeville et des dĂ©tracteurs acharnĂ©s (FĂ©nelon, Rousseau). Le 19Ăšme siĂšcle est un siĂšcle charniĂšre qui dessine les contours du luxe d’aujourd’hui, il signe le passage d’un luxe aristocratique Ă  un luxe bourgeois. La rĂ©volution industrielle permet le dĂ©veloppement d’une bourgeoisie affluente en Europe et aux Etats-Unis, avec les premiĂšres grandes « dynasties amĂ©ricaines ». Ces bourgeois ont les moyens et le dĂ©sir d’acheter les meilleurs produits et d’adopter un style de vie jusqu’alors rĂ©servĂ© aux aristocrates. L’essor des Ă©changes et des voyages permet le dĂ©veloppement de nouveaux « luxes » (malletiers, maroquiniers, selliers,etc.) et l’on assiste Ă  la naissance des « maisons » : Guerlain , HermĂšs , Goyard , Cartier, Vuitton. Le concept de maison de mode apparaĂźt avec l’installation de Charles Frederick Worth Ă  Paris en 1858. Jeanne Lanvin offre un premier exemple de dĂ©ploiement d’une maison sur une certaine diversitĂ© de territoires : de modiste en 1885 Ă  ses dĂ©buts, elle dĂ©veloppe d’abord des collections d’habillement pour les jeunes filles avant d’étendre son offre aux femmes, puis aux hommes et aux enfants. Elle dĂ©veloppera Ă©galement la fourrure, la lingerie, et le parfum en lançant ArpĂšge en 1927. Gabrielle Chanel ouvre sa boutique Ă  Paris en 1921, et lance son parfum n°5, la mĂȘme annĂ©e avec le succĂšs que l’on sait. Elle diversifiera aussi rapidement sa crĂ©ation en lançant la maroquinerie Ă  la fin des annĂ©es 20 et la joaillerie en 1932. En matiĂšre de mode, on est passĂ© de la piĂšce unique au modĂšle reproduit en nombre. ParallĂšlement, de nouveaux « luxes » liĂ©s aux progrĂšs techniques continuent d’apparaĂźtre avec notamment l’automobile, rĂ©servĂ©e, dans un premier temps, Ă  une petite Ă©lite qui perdra son statut d’objet de luxe dans la seconde partie du 20Ăšme siĂšcle. On voit bien lĂ  le mouvement si justement dĂ©crit par Tarde au 19Ăšme siĂšcle. Pour schĂ©matiser on pourrait dire que le 19Ăšme siĂšcle s’arrĂȘte en 1939, la guerre signe la fin d’une Ă©poque et provoque la fermeture de nombre de maisons de luxe dont certaines ne se remettront pas.

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L’aprĂšs-guerre marque un tournant dĂ©cisif : Certaines maisons renaissent : Chanel aprĂšs avoir fermĂ© en 1939, revient sur la scĂšne de la mode en 1954. D’autres voient le jour, notamment Christian Dior, qui lance sa maison en 1947 et s’impose rapidement avec le « New Look ». Si le « New Look » est une rĂ©volution en matiĂšre de style, c’est surtout l’approche de Christian Dior qui est rĂ©volutionnaire, en ce sens qu’il est le promoteur du systĂšme de la licence dans l’univers de la couture. D’une part, afin de satisfaire les clientes amĂ©ricaines qui ne peuvent toutes venir Ă  Paris, il distribue ses modĂšles en AmĂ©rique en donnant la possibilitĂ© des les faire fabriquer par les Grands Magasins, moyennant royalties. En 1951, aprĂšs avoir commencĂ© par les bas, avec un partenaire amĂ©ricain, Christian Dior a Ă©tendu ses licences aux sacs Ă  mains, chemises d’hommes, foulards, lingerie, aux lunettes de soleil, Ă  la maille. Cette approche dĂ©clenche dĂ©jĂ  des controverses nombreuses, avec par exemple Balenciaga qui l’accuse de nuire gravement au prestige de la haute couture parisienne. C’est Ă  la fois cette dĂ©marche trĂšs audacieuse et la fracture des annĂ©es 60/70 qui vont façonner le luxe contemporain. 60/70 : l’utopie de la modernitĂ© et la crĂ©ation dĂ©bridĂ©e. Dans les annĂ©es 60/70 le luxe et les « maisons » ne font plus rĂȘver : -

En pleine guerre froide, la sociĂ©tĂ© se rĂȘve plus Ă©galitaire, plus fraternelle, le luxe n’est pas porteur de modernitĂ© mais plutĂŽt le tĂ©moignage, la survivance d’un ordre Ă©tabli, d’une sociĂ©tĂ© que l’on conteste.

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Il existe une utopie de la modernitĂ© dont tĂ©moignent la crĂ©ation de l’époque : cinĂ©ma, design, etc. proposent d’autres rĂȘves que celui de suivre les traces de ses aĂźnĂ©s. On veut rĂ©inventer le monde aprĂšs le traumatisme de la guerre.

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La prospĂ©ritĂ© Ă©conomique retrouvĂ©e ouvre des perspectives de consommation au plus grand nombre. Le grand mot de l’époque est le « standing » et non le luxe.

Dans cette pĂ©riode de grande mutation on voit apparaĂźtre sur la scĂšne de la haute couture de crĂ©ateurs assez rĂ©volutionnaires (Cardin, CourrĂšges, Paco Rabanne), qui proposent une vraie recherche sur le style et la matiĂšre. La mode n’est pas le seul segment touchĂ© par ces bouleversements. Pour exemple, l’équipement de la maison oĂč le dĂ©veloppement technologique, les nouvelles matiĂšres nourrissent une crĂ©ation foisonnante et accessible en matiĂšre de design (Pierre Paulin, Roger Tallon, Raymond Loewy,
). Les « maisons » traditionnelles continuent d’exister, mais elles ne sont plus leaders en matiĂšre de crĂ©ation. Cartier est un pionnier de la « dĂ©mocratisation » en lançant la ligne « must » en 1973, aprĂšs avoir lancĂ© les briquets en 1968 ; c’est certainement la « maison » ayant le mieux senti l’évolution de l’époque.

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A cĂŽtĂ© de la haute couture et des maisons, la fin des annĂ©es 60 annĂ©es et le dĂ©but des annĂ©es 70 voient l’émergence de nombreux « crĂ©ateurs » de mode : Mary Quant Ă  Londres, Cacharel, Hechter, Sonia Rykiel, Castelbajac, Emmanuelle Kahn mais aussi des crĂ©ateurs amĂ©ricains (Ralph Lauren, Calvin Klein, Donna Karan,
) et Italiens (Valentino, Cerrutti, Armani, Versace). Tous ces noms incarnent, Ă  des titres divers, la modernitĂ© et les aspirations de l’époque. Les nouveaux entrants, qu’ils soient issus de la haute couture ou non, ont suivi l’exemple Dior et adoptĂ© le business model des licences. Yves Saint Laurent lance mĂȘme le concept de seconde ligne, en prĂȘt-Ă -porter avec Rive Gauche en 1966, Chanel lance son prĂȘt-Ă -porter en 1978 : c’est l’avĂšnement des marques. La charniĂšre des annĂ©es 80 – Les annĂ©es Fric AnnĂ©es Reagan/AnnĂ©es Thatcher. On entre dans l’ùre libĂ©rale, celle de l’apologie de la rĂ©ussite individuelle, et l’on revient Ă  la vision de Tarde et de la thĂ©orie de l’imitation d’oĂč un retour en grĂące du luxe. La politique des licences bat son plein : en 1983, 90% des ventes de Dior Ă©taient faites sous licence. Avec plus de produits accessibles Ă  un plus grand nombre, les logos s’affichent comme les Ă©tendards de la rĂ©ussite. En 1977, Henry Racamier prend la tĂȘte de Vuitton et entreprend une restructuration de la sociĂ©tĂ© en intĂ©grant la distribution, en lançant de nouveaux modĂšles, en ouvrant des boutiques en Asie et Ă  New York, et en accompagnant ce mouvement par une politique de communication (campagne de Jean LariviĂšre dĂšs 1978). En 1984, il a doublĂ© le chiffre d’affaires de la marque. PortĂ©es par les perspectives qu’offre le marchĂ© japonais, les « maisons » accĂ©lĂšrent leur internationalisation dĂšs la fin des annĂ©es 70. Chanel recrute Karl Lagerfeld en 1983. Il dĂ©poussiĂšre la marque, la rĂ©invente en remettant en avant ses symboles les plus forts : le logo, le camĂ©lia, le cĂ©lĂšbre sautoir, le matelassĂ© et mĂȘme Mademoiselle Chanel incarnĂ©e par InĂšs de la Fressange. C’est aussi le dĂ©but du luxe spectacle avec l’apparition des mannequins vedettes. La fin du 20Ăšme siĂšcle et l’industrie du luxe La victoire dĂ©finitive du libĂ©ralisme sur les doctrines Ă©galitaires est entĂ©rinĂ©e par la chute du mur de Berlin en1989. Au tournant des annĂ©es 90, les marques qui avaient adoptĂ© une politique de licence extensive et surfĂ© sur la vague « logomania », l’on payĂ© cher pour certaines d’entre elles. Gucci a failli ne pas s’en remettre (Ă  la fin des annĂ©es 80 il existait plus de 22 000 produits griffĂ©s Gucci).

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Le modĂšle « Racamier » fait Ă©cole, on comprend qu’il faut contrĂŽler sa marque en amont comme en aval, ce qui demande des investissements considĂ©rables. « L’industrie » du luxe naĂźt avec l’émergence de groupes cotĂ©s tels que LVMH, Richemont, et plus tard PPR. Les « maisons » comme HermĂšs et Chanel se sont aussi dotĂ©es de structures et de modes de management comparables aux grands groupes, ont diversifiĂ© leur offre sur bon nombre de segments et proposent des produits accessibles Ă  une large clientĂšle. Les sociĂ©tĂ©s Italiennes du luxe qui n’ont pas Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es aux groupes prĂ©citĂ©s, sont Ă©galement dans une phase de restructuration. De 1960 Ă  2000, on est graduellement passĂ© Ă  l’ùre des marques. Elles sont globales, mono ou multi segments et beaucoup d’entre elles ciblent Ă  la fois les clientĂšles les plus Ă©litistes et des clientĂšles plus larges.

L A Q U E S T I O N D E L ’ EL A S T I C I T E D E S M A R Q U E S D E L U X E

On a dĂ©crit ce mouvement continu du luxe vers une clientĂšle plus large et une offre plus diversifiĂ©e. Alors pourquoi la question de l’élasticitĂ© des marques est-elle seulement aujourd’hui au cƓur des prĂ©occupations des acteurs du secteur ? La situation est aujourd’hui bien diffĂ©rente de celle qui prĂ©valait il y a encore 10 Ă  15 ans : L’invention n’a plus la mĂȘme vocation parce que le rythme des innovations s’est considĂ©rablement accĂ©lĂ©rĂ© et que les inventions deviennent trĂšs rapidement accessibles au plus grand nombre (les Ă©crans plats pour la TV, le tĂ©lĂ©phone portable,
). Ce n’est donc plus un point d’appui pour le luxe. En adoptant les structures et les mĂ©thodes des autres secteurs les entreprises du secteur du luxe ont aussi embarquĂ© dans une dimension temps diffĂ©rente : ce qui importe aujourd’hui c’est le rĂ©sultat du trimestre, du semestre etc. Elles sont donc dans des logiques de croissance forte. La thĂ©orie de l’imitation vaut aussi au plan Ă©conomique : les autres acteurs de l’industrie, structurĂ©s de façon identique, recrutant des clones de l’industrie du luxe formĂ©s dans les mĂȘmes institutions, n’ont pas tardĂ© Ă  adopter des stratĂ©gies et des codes similaires au luxe. On a ainsi vu l’émergence de ce qu’il est convenu de dĂ©nommer le « masstige », dont l’offre « Canada Dry », entre sur certains segments en concurrence frontale avec celle des marques de luxe.

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La diversité des marchés et des cibles : -

Sur les marchĂ©s Ă©mergents, la thĂ©orie de Tarde s’applique encore, mais pour combien de temps ? En effet, si aujourd’hui en Inde une marque importĂ©e (fĂ»telle de moyen de gamme) a le statut d’une marque de luxe, on peut parier que ce marchĂ© ne mettra pas longtemps Ă  arriver Ă  maturitĂ© comme cela semble dĂ©jĂ  ĂȘtre observĂ© dans certaines rĂ©gions en Chine.

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Les marchĂ©s matures oĂč le WLT nous enseigne que les valeurs attachĂ©es au luxe sont avant tout : la qualitĂ© le plaisir, l’émotion, l’expĂ©rience L’esthĂ©tique

Il existe beaucoup de façon de rĂ©pondre Ă  ces trois derniĂšres attentes : une expĂ©rience gastronomique exceptionnelle, une journĂ©e dans un SPA, une soirĂ©e Ă  l’OpĂ©ra, l’acquisition d’une Ɠuvre d’art, ou pour les plus fortunĂ©s un voyage dans l’espace
 Des milliers d’occasions qui ne portent pas de marques
 Jusqu’à l’étape de l’industrialisation prĂ©cĂ©demment dĂ©crite, le luxe Ă©tait fondamentalement dans une logique d’offre, qui rencontrait ou non son public. Or aujourd’hui, la logique tend Ă  devenir celle de la demande et les acteurs dominants de l’industrie gĂšrent des marques de luxe. Cette notion de marque dans le luxe est finalement trĂšs rĂ©cente et la question de l’élasticitĂ© rĂ©sume Ă  elle seule beaucoup de celles qui dĂ©coulent des constats prĂ©cĂ©dents : -

Quelle stratégie pour assurer une croissance durable à la marque ? Quelles sont les diversifications « légitimes » ?

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Comment préserver sa différence face à une concurrence accrue et trÚs agressive ?

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Comment intégrer les attentes de clientÚles trÚs différentes dans sa stratégie ?

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La croissance d’une entreprise peut-elle ĂȘtre portĂ©e par de nouvelles marques ?

Principales sources : -

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Internet : sites des marques, blogs, wikipĂ©dia. Serge Carreira - articles : Le style Chanel Ă  travers le temps ; la griffe dans le temps, BrĂšve histoire de la mode parisienne. Jean CastarĂšde : Histoire du Luxe en France – Editions Eyrolles. Le Luxe – Essais sur la fabrique d’ostentations – Sous la direction d’Olivier Assouly – IFM – Regard DeLuxe – How Luxury lost its luster – Dana Thomas Luxe & Brand stretching (avril 2008) 8


II. Devenir ou demeurer une marque de luxe ElĂ©ments de rĂ©flexion sur le Brand Stretching Par RĂ©my Oudghiri, directeur du pĂŽle luxe d’Ipsos France

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Les stratĂ©gies d’extension de marque ou brand stretching semblent avoir atteint un palier ces derniĂšres annĂ©es, en particulier dans le monde du luxe. D’un cĂŽtĂ©, elles continuent Ă  reprĂ©senter pour de nombreuses marques un moyen de soutenir le processus d’innovation. De l’autre, elles sont de plus en plus critiquĂ©es car elles seraient inadaptĂ©es aux nouvelles attentes des consommateurs qui, selon certains, privilĂ©gieraient dĂ©sormais les valeurs fondamentales et le retour aux sources. Dans l’univers du luxe, cette question est assortie d’une vraie interrogation sur l’identitĂ© mĂȘme du secteur. Peut-on rester durablement une marque de luxe en multipliant les produits hors de son domaine de compĂ©tence originelle ? Tout est-il rĂ©ductible Ă  la marque ? Cela nous conduit Ă  nous reposer la question de l’identitĂ© du luxe aujourd’hui, de ses valeurs et des ses possibilitĂ©s. Comment devenir une marque de luxe ? Est-il possible, pour une marque de crĂ©ation rĂ©cente d’ĂȘtre perçue comme une marque de luxe ? Ne faut-il pas au contraire, pour accĂ©der Ă  ce privilĂšge, ĂȘtre l’hĂ©ritiĂšre d’une histoire sĂ©culaire ? Comment demeurer une marque de luxe ? Quelles sont les valeurs qui dĂ©finissent l’appartenance au monde du luxe ? Quelles sont les rĂšgles Ă  respecter ? Quelles sont les limites Ă  ne pas dĂ©passer pour se maintenir tout en haut de l’affiche ? C’est Ă  ces questions que les pages qui suivent sont consacrĂ©es. Fort de l’expĂ©rience acquise auprĂšs de ses clients dans ce secteur, Ipsos Marketing a dĂ©veloppĂ© une expertise reconnue dans l’univers du luxe ainsi que des outils spĂ©cifiques tels que le World Luxury Tracking1 afin de mieux comprendre les logiques de ce marchĂ©. En guise d’introduction, quelques exemples vont nous permettre de mieux comprendre les enjeux de ces questions. Trois exemples pour commencer Lexus Lexus est une marque « jeune ». CrĂ©Ă©e en 1989 par Toyota, elle fit l’objet, avant son lancement, de nombreuses Ă©tudes et observations prĂ©liminaires sur la population des riches AmĂ©ricains. PensĂ©e Ă  l’origine pour le marchĂ© nord amĂ©ricain, il Ă©tait en effet indispensable pour ses concepteurs de s’imprĂ©gner au plus prĂšs des valeurs et des aspirations de leur cible. StratĂ©gie payante : dĂšs sa sortie aux Etats-Unis, les vĂ©hicules de la marque ont recueilli d’excellentes critiques dans la presse professionnelle. La haute qualitĂ© de ses vĂ©hicules Ă©tait trĂšs largement reconnue. En moins de deux dĂ©cennies, elle s’est imposĂ©e sur le marchĂ© des automobiles de luxe, devançant ses rivales allemandes et amĂ©ricaines. En 2006, Lexus a ainsi vendu 322,434 vĂ©hicules aux Etats-Unis. La marque est, dans ce pays, le numĂ©ro 1 dans la voiture de luxe, nationale ou Ă©trangĂšre, devant Mercedes et BMW. Et c’est une histoire qui dure : elle est numĂ©ro 1 depuis plus de sept ans
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Le World Luxury Tracking est une Ă©tude internationale sur les clientĂšles du luxe lancĂ©e conjointement en 2006 par Ipsos et l’Association des Professionnels du Luxe. 8000 personnes ont Ă©tĂ© interrogĂ©es en 2007 dans les pays dĂ©veloppĂ©s : France, Espagne, Italie, Allemagne, Grande Bretagne, Etats-Unis et Japon. Une nouvelle vague a Ă©tĂ© lancĂ©e en 2008 qui couvre l’Inde, la Russie, la Chine, la CorĂ©e du Sud, le Mexique et Hong Kong. Luxe & Brand stretching (avril 2008) 10


Last but not least, elle est dĂ©sormais reconnue par le grand public comme une des toutes premiĂšres marques de luxe. A la question “ Quand on vous parle de luxe, quelles sont les 3 premiĂšres marques qui vous viennent Ă  l’esprit ? ”, les AmĂ©ricains des classes moyennes et supĂ©rieures la plĂ©biscitent. Elle arrive en seconde position juste aprĂšs Mercedes en obtenant 24% de citations (26% pour Mercedes). Elle se situe devant Hilton (20%), BMW (14%) ou Cadillac (12%)2. Elle occupe mĂȘme, chez les moins de 35 ans, la premiĂšre place avec 26% de citations contre 24% pour Mercedes. Que l’on regarde le top 10% des AmĂ©ricains les plus aisĂ©s ou que l’on se focalise sur la population des femmes, le constat est le mĂȘme : la marque conserve sa deuxiĂšme position dans la hiĂ©rarchie des marques de luxe, comme pour la moyenne de la population. C’est dire l’ampleur de la « Lexus mania » aux Etats-Unis. Cela signifie surtout qu’une marque peut, en moins de deux dĂ©cennies, « devenir » une marque de luxe de rĂ©fĂ©rence. Deux remarques, Ă  ce stade, doivent ĂȘtre formulĂ©es : nous sommes aux Etats-Unis et il s’agit d’une marque automobile. Il faudra donc d’interroger sur l’origine culturelle ainsi que sur la catĂ©gorie : quelle est l‘influence du pays, de sa culture et de ses reprĂ©sentations dans ce succĂšs ? Quelle est l’influence de la catĂ©gorie ? Coach Avec le deuxiĂšme exemple, nous allons rester aux Etats-Unis encore quelques instants puisqu’il s’agit de la marque Coach. Cette marque de maroquinerie a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1941. ConsidĂ©rĂ©e comme une marque de qualitĂ© par les femmes amĂ©ricaines, elle souffrait nĂ©anmoins d’une image « vieillotte », manquant de sex appeal - en dĂ©calage avec les tendances de son Ă©poque. RelancĂ©e et modernisĂ©e en 1996 puis, de nouveau en 2000, elle constitue un exemple d’une marque qui a fait l’objet, au cours des 15 derniĂšres annĂ©es, d’une politique de « stretching » important. On la retrouve de la maroquinerie aux accessoires de bureau, des lunettes aux parapluies. La perception de la qualitĂ© de ses produits n’a cessĂ© d’augmenter. Paradoxe : la marque a dĂ©cidĂ© d’ĂȘtre transparente sur la fabrication de certains de ses articles en Chine, mais cela n’a pas nui Ă  son image. De fait, le World Luxury Tracking rĂ©vĂšle que sa forte diffusion aux Etats-Unis sur le marchĂ© de la maroquinerie et sa stratĂ©gie accessible n’obĂšre en aucune façon sa « luxuositĂ© » dans l’esprit des clients du secteur. Coach fait partie du « carrĂ© magique », c’est-Ă -dire des marques dont l’audience est au-dessus de la moyenne du marchĂ© et dont la luxuositĂ© perçue est supĂ©rieure Ă  la moyenne des principales marques du secteur. Outre des caractĂ©ristiques objectives reconnues par les spĂ©cialistes (une offre trĂšs diversifiĂ©e, un service aprĂšs-vente trĂšs rĂ©putĂ©), Coach possĂšde une caractĂ©ristique forte sur le marchĂ© amĂ©ricain : elle parle Ă  tous les segments de clientĂšles. L’analyse des donnĂ©es amĂ©ricaines du World Luxury Tracking montre que ceux qui disent l’apprĂ©cier et qui l’évaluent positivement se recrutent dans des segments trĂšs divers selon les catĂ©gories oĂč son offre est prĂ©sente.

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Les sacs sĂ©duisent les femmes, notamment les plus impliquĂ©es en matiĂšre de mode. La maroquinerie sĂ©duit les hommes qui s’y connaissent et qui recherchent des produits « durables ». La petite maroquinerie sĂ©duit les clients traditionnels en quĂȘte de rĂ©assurance et de qualitĂ©. Enfin, last but not least, la marque fait rĂȘver les plus jeunes – ses futurs clients - qui l’évaluent trĂšs favorablement dans l’enquĂȘte. Le cas de Coach nous conduit Ă  formuler deux remarques : on peut ĂȘtre une marque accessible et continuer Ă  jouer dans la cour des grands. On peut changer de cap, rompre avec une image hĂ©ritĂ©e et, en l’espace de quelques annĂ©es, imposer une nouvelle image, plus en accord avec l’air du temps. Illy Avec le troisiĂšme et dernier exemple, nous quittons les rivages de l’Atlantique pour rejoindre l’Italie avec la marque Illy. Commençons par nous rendre sur son site Internet
 La profession de foi y est sans ambigĂŒitĂ© : « Nous entendons ĂȘtre, dans le monde entier, la rĂ©fĂ©rence de la culture et de l’excellence du cafĂ©. Une entreprise innovante qui propose les meilleurs produits et lieux de consommation et qui, grĂące Ă  cela, grandit et devient leader du haut de gamme. » Elle n’emploie pas le mot, mais l’ambition est claire. Illy, comme d’autres marques du secteur telles que Nespresso, souhaite devenir une marque de luxe. L’entreprise existe depuis 1933. En 1972 elle a lancĂ© les portions individuelles permettant de « prĂ©parer Ă  domicile et au bureau un cafĂ© de mĂȘme qualitĂ© que celui servi au bar ». En 1992, elle a signĂ© sa premiĂšre collaboration avec des artistes. En 2000, elle a fondĂ© l’UniversitĂ© du cafĂ© oĂč l’on peut apprendre l’art et la culture du cafĂ© – prĂ©paration, gestion de l’établissement, communication avec le client. En 2005, Illy a lancĂ© la chaĂźne de cafĂ©s « Espressamente Illy » (cafĂ©s boutiques aux lignes Ă©purĂ©es). Depuis quelques annĂ©es, il a adoptĂ© une stratĂ©gie offensive : ouverture de nouvelles boutiques espresso (400 en deux ans), accords avec de nombreux restaurants, lignes aĂ©riennes, hĂŽtels (Hyatt, MĂ©ridien) pour imposer la marque Illy, usage de tasses dessinĂ©s par de grands designers, lancement du magazine Illywords sur papier glacĂ© (art de vivre, univers des stars de cinĂ©ma et des artistes, les lieux hype de la planĂšte et les « must have » du moment), expĂ©rience plutĂŽt que consommation (« true italian espresso experience »). Bref, Illy est une marque qui a tout d’une marque de luxe dans sa stratĂ©gie, sa gestion de la marque, etc. Pourtant, elle ne parvient pas Ă  ĂȘtre perçue comme une marque de luxe. Du moins pour l’instant, comme le montrent les rĂ©sultats de l’étude World Luxury Tracking. Quand on leur demande de noter de 1 Ă  10 les marques de l’univers « gourmet » en fonction de leur plus ou moins grande « luxuositĂ© », les consommateurs français donnent une note moyenne de 5,89 Ă  Illy. C’est mieux que Lindt qui recueille 5,06. C’est loin derriĂšre Caviar House (8,75) ou Fauchon (8,71), Mariage FrĂšres (7,72) ou la Maison du Chocolat (6,78)3.

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La luxuositĂ© perçue d’Illy en France 10 means the brand entirely fits the idea of a luxury brand

9 Caviar House 8,75 Fauchon 8,71

8 Mariage FrĂšres 7,72

7 Maison du chocolat 6,78

Illy 5,89 Lindt 5,06

6

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Basis: Luxury category buyers / owners who are aware of the brand

Source : World Luxury Tracking 2007

Si l’on sort du secteur des produits gourmet, c’est encore plus loin que les rĂ©fĂ©rences absolues du luxe telles que Cartier (9,53) ou Rolex (9,52). Il y a donc du chemin Ă  faire pour atteindre les scores de grandes marques du secteur. De fait, on voit bien Ă  travers ces exemples que la catĂ©gorie est dĂ©terminante dans la perception des consommateurs. Le cafĂ© ancre Illy dans le quotidien. Boire du cafĂ©, fĂ»t-il un espresso, demeure un geste banalisĂ©. A noter, car nous y reviendrons, l’importance de la question du temps. Boire du cafĂ© est une habitude quotidienne pour une grande majoritĂ© de consommateurs et ce caractĂšre quotidien empĂȘche probablement de percevoir le moment du cafĂ© comme une expĂ©rience exceptionnelle. En consĂ©quence, le travail sur la catĂ©gorie est au moins aussi important que le travail sur marque. Ils vont de pair. Ces trois exemples conduisent Ă  poser les questions suivantes : 1. Toutes les catĂ©gories sont-elles Ă©galement lĂ©gitimes ? 2. Quels sont les facteurs qui permettent de monter en gamme ? 3. Quels sont ceux qui permettent de rester au sommet ? 4. Quelles cibles privilĂ©gier ? Et que recherchent les consommateurs aujourd’hui Ă  travers l’expĂ©rience du luxe ?

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1. Toutes les catĂ©gories ont-elles la mĂȘme lĂ©gitimitĂ© ? L’étude World Luxury Tracking le confirme : il existe des imaginaires du luxe distincts selon les cultures. Dans certains pays, le luxe est fortement associĂ© Ă  l’automobile. Ainsi, aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Espagne, les marques de luxe que les individus ont spontanĂ©ment Ă  l’esprit sont-elles souvent des marques automobiles : Ferrari, Mercedes ou Porsche en Allemagne ; Mercedes, Ferrari ou Rolls Royce en Espagne. Aux Etats-Unis, nous avons dĂ©jĂ  pu noter le rĂŽle de marques comme Lexus, Mercedes, Cadillac ou BMW. Dans ces pays, l’automobile participe du mythe national. Elle est investie de valeurs fortes qui dĂ©passent largement la catĂ©gorie (valeurs d’innovation et de performance liĂ©e notamment Ă  l’industrie allemande, cĂ©lĂ©bration des valeurs de la libertĂ© individuelle aux Etats-Unis, etc.). Dans d’autres pays, les hĂŽtels sont fortement associĂ©s Ă  l’univers du luxe. C’est le cas notamment aux Etats-Unis ou en Angleterre. Dans ces pays, le luxe est une expĂ©rience autant qu’un investissement Ă  long terme. La recherche d’émotions fortes, exceptionnelles, qui permettent de sortir de la banalitĂ© du quotidien, est autant valorisĂ©e que la possession de biens matĂ©riels de qualitĂ© qui traversent l’épreuve du temps. C’est la raison pour laquelle des marques comme Ritz Carlton ou Hilton sont extrĂȘmement bien perçues dans ces pays et spontanĂ©ment associĂ©es Ă  l’univers du luxe. Il y a des pays oĂč le luxe reste associĂ© Ă  la mode (la haute couture, les dĂ©filĂ©s, etc.) comme le Japon, l’Italie ou la France. Les clients de ces pays, mĂȘme s’ils n’ont pas toujours le temps de suivre en dĂ©tail l’actualitĂ© de la mode, continuent Ă  y accorder de l’importance. On pourrait multiplier les exemples. A noter qu’en France, luxe et cosmĂ©tique sont intrinsĂšquement liĂ©s. Ce bref panorama montre que, selon les pays, la perception de la catĂ©gorie joue un rĂŽle dans la façon que les individus ont de se projeter dans l’univers du luxe. Selon les pays, l’imaginaire du luxe n’est pas structurĂ© de la mĂȘme maniĂšre. C’est un paramĂštre important Ă  considĂ©rer dans une logique de brand stretching (bien tenir compte des diffĂ©rences de perception) et dans la stratĂ©gie marketing (communication, distribution, co-branding, marketing Ă©vĂ©nementiel, etc.).

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Les préférences des Françaises

Un petit exercice va nous permettre de le vĂ©rifier. Si l’on Ă©tudie la maniĂšre dont les femmes, dans des pays diffĂ©rents, Ă©valuent la luxuositĂ© des marques dans diffĂ©rentes catĂ©gories, on s’aperçoit que, mĂȘme si il y a d’évidentes convergences, les hiĂ©rarchies de perception ne sont pas les mĂȘmes. Pour la femme française, la joaillerie reste le parangon du luxe. C’est la catĂ©gorie qui obtient, en moyenne, les meilleurs scores.

Joaillerie

9

Produits de beauté

7,8

Stylos

7,4

8,5

Alcools

7,2

Mode, PAP

8,4

Produits gourmets

6,2

Horlogerie

8,4

Maroquinerie 8,7

Chaussures

Source : World Luxury Tracking 2007

DerriĂšre les chiffres, il est aisĂ© de deviner le prestige de la place VendĂŽme et de ses environs. Pour les Japonaises, c’est la chaussure qui obtient la premiĂšre place dans cet exercice et pour les Anglaises, c’est le sac Ă  main. L’influence culturelle joue pour certaines catĂ©gories de maniĂšre Ă©vidente. Alors que les instruments d’écriture sont, dans tous les pays, davantage valorisĂ©s par les hommes, au Japon, ils apparaissent en troisiĂšme position chez les femmes. Dans l’archipel, l’art d’écrire repose sur une tradition encore trĂšs vivace et parĂ©e de tous les prestiges (enseignes, affiches, emballages, objets de l'artisanat
). Le rĂŽle de l’ñge L’ñge des individus a Ă©galement une influence dans la perception des catĂ©gories. Ainsi certaines catĂ©gories sont-elles davantage aspirationelles chez les plus jeunes : lunettes ou parfums. D’autres sĂ©duisent davantage les seniors : instruments d’écriture ou alcools. Les montres traversent les gĂ©nĂ©rations. Dans l’optique d’une extension de la marque, outre la culture nationale, l’ñge de la cible est donc une variable importante. On voit, Ă  travers ces analyses, que les perceptions sont diffĂ©rentes selon les catĂ©gories. Ce sont des diffĂ©rences Ă  prendre en compte pour optimiser le retour sur investissement : bien choisir sa catĂ©gorie et bien dĂ©finir les stratĂ©gies d’association entre les catĂ©gories en fonction du but recherchĂ©.

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2. Quels sont les facteurs

 qui permettent de monter en gamme ? Les cinq piliers de la luxuositĂ© d’une marque. Existe-t-il une sorte de sĂ©same pour rejoindre les sommets du luxe, une formule magique permettant de se hisser au plus haut niveau ? Pour le savoir, nous avons conduit des analyses statistiques systĂ©matiques sur les dimensions le plus souvent associĂ©es aux grandes marques de luxe. Ces analyses ont Ă©tĂ© validĂ©es sur l’ensemble des pays de la premiĂšre vague du World Luxury Tracking (Europe, EtatsUnis, Japon). Sur des Ă©chantillons robustes de population (plusieurs centaines d’individus Ă  chaque fois), nous avons Ă©tudiĂ© plusieurs grandes marques comme Rolex, Cartier, Gucci, HermĂšs ou Louis Vuitton. Voici les cinq dimensions systĂ©matiquement associĂ©es Ă  ces grandes marques de luxe : a) Primus inter pares : la qualitĂ© supĂ©rieure. Cela ne surprendra Ă©videmment personne, mais cela demeure une raison essentielle d’achat de produits de marque de luxe. Ceux-ci doivent nĂ©cessairement possĂ©der une qualitĂ© supĂ©rieure aux produits de la grande consommation. C’est ce qui justifie leur prix et l’effort individuel que l’on est prĂȘt Ă  faire pour les obtenir. b) DeuxiĂšme valeur fondamentale : la personnalisation. Celle-ci traduit Ă  la fois l’importance accordĂ©e au service sur mesure et au conseil expert. Le conseil est d’autant plus expert qu’il s’adapte aux caractĂ©ristiques de la personne. En consĂ©quence, le stade suprĂȘme du luxe, c’est un savoir-faire exceptionnel mis au service exclusif d’une personne. Les marques perçues comme les plus luxueuses sont prĂ©cisĂ©ment celles jugĂ©es capables de remplir cette promesse. c) TroisiĂšme valeur : la notion d’exclusivitĂ© ou de distinction. Dans l’identitĂ© d’une marque de luxe, doit se lire son caractĂšre exceptionnel. Les produits qu’elle propose lui sont exclusifs. Elle y appose sa signature, ce qui la rend de facto unique. Et ce qui rend Ă  son tour unique celui qui la porte ou qui en est dĂ©tenteur. C’est exactement ce que l’on attend d’une marque de luxe. d) QuatriĂšme dimension : le rĂȘve. Une grande marque de luxe est une marque qui nous fait oublier la banalitĂ© du quotidien. Elle est en quelque sorte un passeport pour la beautĂ©. C’est une dimension qui la rapproche de l’Ɠuvre d’art. e) CinquiĂšme dimension : une grande marque de luxe est associĂ©e Ă  l’innovation. On attend d’elle qu’elle commercialise non seulement des produits qui ont fait leurs preuves, mais Ă©galement qu’elles offrent des nouveautĂ©s. L’analyse statistique rĂ©vĂšle que lorsqu’une de ces cinq dimensions n’est pas ou peu associĂ©e Ă  une marque, sa « luxuositĂ© » perçue a tendance Ă  baisser. En d’autres termes, plus ces dimensions sont perçues comme fortes chez les clients du luxe, et plus les marques qui en bĂ©nĂ©ficient sont perçues comme des marques de luxe.

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Bien sĂ»r, ce sont lĂ  des dimensions indispensables pour faire partie de l’univers du luxe. Il s’agit lĂ , en quelque sorte, du « cahier des charges » minimal que toute marque qui aspire Ă  monter en gamme et Ă  se maintenir au sommet, se doit de respecter. Ce cahier des charges doit Ă©videmment ĂȘtre adaptĂ© selon les catĂ©gories. Mais attention : l’analyse montre que si celui-ci correspond Ă  un ensemble de conditions nĂ©cessaires pour faire partie de l’univers du luxe, il n’est pas suffisant
 3. Quels sont les facteurs
 qui permettent de rester au sommet ? Au-delĂ  de ce socle fondamental (qualitĂ© supĂ©rieure, personnalisation, distinction, rĂȘve, innovation), il y a des valeurs propres Ă  chaque marque, un « je ne sais quoi » qui les distinguent et leur permet de s’inscrire durablement dans une histoire, une identitĂ© uniques. Prenons trois exemples pour le montrer / ‱

L’analyse de la marque Rolex confirme le diagnostic : les cinq dimensions sont trĂšs fortement reprĂ©sentĂ©es. Mais s’y ajoutent plusieurs Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques Ă  la grande marque d’horlogerie : l’idĂ©e de savoir-faire ancrĂ© dans une histoire, l’importance de la composition et de la fabrication du produit ainsi que la notion de traitement spĂ©cial en tant que client, VIP.

‱

L’analyse d’HermĂšs montre les mĂȘmes fondamentaux. Quelques items lui sont particuliers : elle est perçue comme le sommet du bon goĂ»t, de la mode et de ce qui se fait de mieux Ă  son Ă©poque. Elle est Ă©galement fortement associĂ©e Ă  des valeurs de sĂ©duction.

‱

Enfin, en ce qui concerne Chanel, mĂȘme constat : les cinq valeurs sont trĂšs fortes. Mais l’importance de la crĂ©ation et de la rĂ©putation du crĂ©ateur sont Ă©galement trĂšs prĂ©sentes et distinguent la marque.

Pour rĂ©sumer, une marque de luxe possĂšde un ensemble de traits fondamentaux, signes d’appartenances au monde du luxe. Elle possĂšde Ă©galement des traits singuliers, reflets d’une personnalitĂ© unique. A noter qu’il s’agit en gĂ©nĂ©ral de marques mythiques, fortement ancrĂ©es dans l’histoire, aux classiques clairement identifiĂ©s (tailleur Chanel, Chanel N°5, sacs Kelly, carrĂ©s ou cravates HermĂšs, modĂšles Rolex Oyster
) qui se distinguent par leur ancrage dans l’époque actuelle.

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4. Quelles cibles privilĂ©gier ? Que recherchent les consommateurs dans « l’expĂ©rience luxe » ? Comment justement s’ancrer dans l’époque actuelle ? En se connectant aux aspirations des consommateurs, c’est-Ă -dire : en rĂ©pondant Ă  leur vision personnelle de l’expĂ©rience du luxe.

clientĂšles duĂȘtre luxe dans les Quatre grandes Les aspirations peuvent identifiĂ©es : pays dĂ©veloppĂ©s

QuĂȘte de RĂȘve 18% Sacre du prĂ©sent 20% Respect de la tradition 11% La recherche de produits intemporels 17% Source : World Luxury Tracking 2007

Le sacre du prĂ©sent Certains clients sont en recherche de plaisir immĂ©diat. Les produits ou les services de luxe leur permettent d’assouvir leurs dĂ©sirs. Ils veulent vivre ici et maintenant. Leur Ă©tat d’esprit ? « Le passĂ©, c’est dĂ©jĂ  trop tard et l’avenir est incertain
 » Il faut donc jouir au prĂ©sent. Dans les pays dĂ©veloppĂ©s, le World Luxury Tracking Ă©value leur nombre Ă  20% du marchĂ© dans les grands pays dĂ©veloppĂ©s. La quĂȘte de rĂȘve D’autres publics, souvent plus jeunes (plus fĂ©minins Ă©galement mais pas seulement) projettent dans le luxe leurs rĂȘves de rĂ©ussite et leur vision d’un avenir dorĂ©. Ils cherchent Ă  oublier le prĂ©sent et trouvent dans les produits et services de luxe des exutoires magnifiĂ©s par l’éclat du prestige et de la qualitĂ©. On estime leur nombre Ă  20%. Le manque de moyens financiers qui les caractĂ©rise souvent en fait des proies faciles pour ces marques « masstige », rendues attractives non seulement par leurs prix accessibles mais Ă©galement par leur strass et leurs codes directement imitĂ©s des grands tĂ©nors du luxe.

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La recherche de produits intemporels La partie la plus experte des clientĂšles du luxe communie dans une quĂȘte d’intemporalitĂ©. Pour ce public, le prĂ©sent est aussi important que le passĂ© car une marque de luxe authentique repose Ă  la fois sur un savoir-faire sanctifiĂ© par l’histoire et par la prise en compte des progrĂšs d’aujourd’hui. Ce sont des modernes qui savent faire la part des choses et qui recherchent le meilleur de ce que notre monde sait produire. Le luxe est une façon d’accroĂźtre la qualitĂ© de vie et c’est la raison pour laquelle ils privilĂ©gient une dĂ©marche de connaisseurs. 17% sont concernĂ©s dans les marchĂ©s dĂ©veloppĂ©s. Le respect de la tradition Enfin, certains clients ont tendance Ă  valoriser le passĂ© car cela les rassure. Ils ont tendance Ă  choisir des marques Ă©tablies. Ils ont un rapport conventionnel Ă  l’univers du luxe. Ils ne prennent pas de risque, se fient Ă  la notoriĂ©tĂ© et valorisent les grands classiques de chaque marque ou secteur. On Ă©value leur nombre Ă  11%.

Pour conclure On voit que le rapport au temps est une dimension essentielle pour les clientĂšles du luxe. Dans un contexte oĂč les sentiments d’urgence et d’accĂ©lĂ©ration ont tendance Ă  s’accentuer, il devient de plus en plus nĂ©cessaire pour une marque de choisir son « temps » et de s’y ancrer. Aucun n’est nĂ©anmoins exclusif. Des marques comme Dior, par exemple, rĂ©ussissent Ă  allier avec succĂšs les quatre temporalitĂ©s. Le secret de la rĂ©ussite dans la durĂ©e ne serait-il pas, justement, dans cette multiplicitĂ© des temps proposĂ©s par une marque ? Dans ce cas, on pourrait dire que le luxe rĂ©concilie le dĂ©sir d’éternitĂ© et l’aspiration Ă  ĂȘtre moderne : S’inscrire dans la durĂ©e tout en restant connecté  MĂ»rir tout en restant jeune
 Avoir accĂšs au patrimoine historique tout en participant Ă  la culture d’aujourd’hui
 Etc.

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III. Le brand stretching dans le luxe sous l’angle de la crĂ©ation de marque

par Catherine VeillĂ©, Directeur GĂ©nĂ©ral d’Ipsos Insight Marques

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Deux axes principaux : -

comment aider le client Ă  faire stretcher ses marques ?

-

comment le mettre en garde contre le risque d’un brand stretching et d’une gymnastique de marque trop tendus ?

A travers ces questions, il s’agit de mettre en Ă©vidence les dĂ©terminants de la luxuositĂ© d’une marque : les codes permettant de devenir ou de demeurer une marque de luxe.

I. L ES

SECRETS D ’ UN NOM DE LUXE

Le luxe, pour les consommateurs, c’est la part de rĂȘve, d’excellence et de superlatif dont l’homme a besoin. Ces trois termes (excellence, superlatif, rĂȘve) seront donc autant d’axes fondamentaux, Ă  exploiter au maximum, dans un cahier des charges pour crĂ©er une marque de luxe. 1. La sĂ©mantique du statutaire Incarner le luxe, c’est avant tout chercher Ă  puiser dans la sĂ©mantique du statutaire. Ce statutaire peut s’exprimer Ă  travers des registres divers : a) le prestige et l’exception De nombreuses marques illustrent cet axe, -

depuis les « Must » de Cartier

-

jusqu’à la « Superb » de Ć koda (voiture qui recourt Ă  cet adjectif du statutaire pour se donner l’air d’une grande).

b) l’emphase et le superlatif Pour illustrer le statutaire, il est aisĂ© d’user et d’abuser de ce registre de l’intensitĂ© : -

« So Pretty » de Cartier

-

« issima » de Guerlain

-

« Very IrrĂ©sistible » de Givenchy (qui travaille encore sur cette notion d’intensitĂ©, d’emphase et d’élĂ©vation Ă  travers son slogan : « Very elegant, very fun, very you »).

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c) les lettres de noblesse Explorer la logique du statutaire, c’est aussi puiser dans l’univers des lettres de noblesse – qu’elles soient vraies ou fausses. Cette recette simple fonctionne toujours aussi bien, Ă©voquant l’imaginaire de la noblesse, du haut de gamme et de l’élĂ©vation. -

« Monsieur de Fursac », avec son faux nom patronymique qui emprunte Ă  l’univers des particules

-

« Champagne de Castellane », qui mise sur l’aura d’une grande famille aristocratique

-

et plus rĂ©cemment « Tsarine » (toujours dans l’univers du champagne)

-

ou « Tsar », une crĂ©ation d’Ipsos Insight Marques pour Van Cleef & Arpels.

d) les codes de l’élitisme Cette thĂ©matique des codes est extrĂȘmement importante, pour exprimer cette logique du statutaire. Cela vaut dans des univers trĂšs diffĂ©rents, comme l’automobile (club « Mini ») ou le cafĂ©. Car cette notion de « Club », Nespresso l’a trĂšs largement utilisĂ©e, valorisant chez le consommateur un sentiment de fiertĂ© par l’appartenance Ă  un cercle de happy few, une logique d’exclusivitĂ©. Tout cela contribue Ă  Ă©voquer le caractĂšre « select » d’une marque, que l’on soit dans l’univers de luxe ou que l’on prĂ©tende l’imiter. 2. La sĂ©mantique du rĂȘve et de l’imaginaire Puiser dans le monde du rĂȘve et de l’imaginaire donne accĂšs Ă  cette part de rĂȘve et d’excellence dont le consommateur a besoin, et qui dĂ©finit en partie le luxe. Ce rĂȘve et cet imaginaire peuvent, eux aussi, s’exprimer Ă  travers diffĂ©rentes thĂ©matiques : a) le lointain et l’étrange Le lointain et l’étrange reviennent de façon rĂ©currente. Par exemple, « Shalimar » (de Guerlain) et « SisleĂża » (de Sisley) sont deux invitations vers un univers qui valorise le royaume des sens, un voyage aux limites de l’interdit, quelque chose d’extrĂȘmement frissonnant et de mystĂ©rieux. Le lointain et l’étrange, c’est aussi parfois le charme de l’au-delĂ  et de la sensation inĂ©dite.

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b) le mythe et le rĂ©cit Le rĂȘve et l’imaginaire peuvent Ă©galement passer par le mythe et le rĂ©cit ; car la structure de nom, dans l’univers des marques de luxe, est souvent extrĂȘmement narrative. Le mythe ou le rĂ©cit pourront : -

soit ĂȘtre empruntĂ©s Ă  des mythologies dĂ©jĂ  existantes : « HermĂšs », messager des dieux

-

soit ĂȘtre crĂ©Ă©s de toutes piĂšces, donnant naissance Ă  des pseudo-dieux hybrides : « Eres », croisement possible de CĂ©rĂšs (dĂ©esse des moissons) avec ArĂšs (dieu de la guerre) – Ă  chacun, ici, d’inventer son propre rĂ©cit et sa propre narration sur la marque.

De mĂȘme, « Legend » de Honda est en soi tout un programme, et pourra raconter toute une histoire Ă  partir de ce thĂšme extrĂȘmement annonciateur. c) la soif d’absolu Puiser dans le rĂȘve et l’imaginaire, en termes de crĂ©ation de marque, c’est Ă©galement gĂ©nĂ©rer la volontĂ© et la recherche d’absolu, Ă  travers une thĂ©matique trĂšs aspirationnelle (oĂč l’on retrouve l’élĂ©vation), qui fait recette dans cet univers du luxe. C’est notamment ce qu’a fait Nissan, en choisissant pour sa marque sur le segment du luxe le nom « Infiniti » (choix que l’on trouve Ă©galement dans la banque, avec la carte « Infinite »). d) le code Le code est, lui aussi, extrĂȘmement prĂ©sent dans la facture des noms associĂ©s Ă  la crĂ©ation, notamment en utilisant de maniĂšre forte des signatures, au travers d’initiales : « D&G » de Dolce&Gabbana, « B&O » de Bang & Olufsen
 A travers cette notion d’un code qui fonctionne comme une signature monogramme, on trouve la volontĂ© d’exprimer le crĂ©ateur, qui donne ainsi son empreinte Ă  tout l’univers de luxe qu’il dĂ©veloppe. 3. Des secrets mal gardĂ©s ? La popularitĂ© de ces registres du statutaire, du rĂȘve et de l’imaginaire est telle que l’on assiste Ă  une dĂ©multiplication et Ă  une banalisation des codes du luxe, entraĂźnant une confusion des genres entre hyperluxe et mass market (ou masstige).

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En effet, les mĂȘmes grammaires, les mĂȘmes ficelles et les bonnes recettes de la crĂ©ation de marque sont aujourd’hui partagĂ©es et adoptĂ©es par toutes les marques qui aspirent Ă  devenir des marques de luxe. Ainsi : 1. les thĂšmes du lointain et de l’étrange sont travaillĂ©s par des marques accessibles : « Darjeeling » (crĂ©ation Ipsos Insight Marques dans l’univers des sous-vĂȘtements), ou « UshuaĂŻa » (nom qui Ă©voque le voyage vers l’étrange et le lointain, tout autant que « SisleĂża » par exemple) 2. la thĂ©matique du prestige et de l’exception est utilisĂ©e par nombre de marques qui n’appartiennent pas au luxe. Lindt, pour monter en gamme, a adoptĂ© toute une grammaire de l’excellence : ultime, finesse, absolu
, autant d’adjectifs qui font recette dans l’univers du luxe ou du moins du luxueux (ultimate, supreme, sublime, premium
). Toute cette sĂ©mantique permet d’inventer de crĂ©er le « must » de Lindt, le Cartier du chocolat 3. la pseudo-mythologie est elle aussi une ficelle trĂšs largement utilisĂ©e par des marques beaucoup moins exclusives : « ÉdĂ©is », marque de prĂȘt-Ă -porter, qui invente un dieu issu de lĂ©gendes grĂ©co-latines imaginaires 4. l’usage de l’emphase se retrouve Ă©galement dans des registres beaucoup plus dĂ©mocratiques, tant cet imaginaire du superlatif fait recette (exemple : « taillissime ») 5. et mĂȘme les lettres de noblesse peuvent former, parfois de façon dĂ©calĂ©e ou dĂ©tournĂ©e, un imaginaire qui fonctionne dans d’autres univers, comme pour « Princesse tam.tam », la marque Ă©tant allĂ©e jusqu’à crĂ©er sa propre princesse 6. enfin le code et particuliĂšrement le monogramme explosent parmi les marques qui dĂ©sirent afficher un statut de crĂ©ateur, de « H&M » Ă  « Rbk » (rĂ©duction de marque Ă  ses trois lettres phares, permettant de travailler sur un signe monographique beaucoup plus fort, vĂ©ritable tag de la marque qui lui confĂšre une aspĂ©ritĂ© plus luxueuse)

II. La gymnastique du luxe Tous ces exemples (de marques de luxe et de marques qui cherchent Ă  devenir premium) expriment donc une logique oĂč le luxe se cherche, oĂč le luxe se stretche aussi – adoptant une sĂ©mantique totalement Ă©lastique. Le rĂŽle des crĂ©ateurs de noms est alors de coacher cette gymnastique sĂ©mantique. Or, certaines recettes font que le luxe se plie parfois Ă  des exercices quelque peu acrobatiques. Lesquels ?

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1. Le luxe ajoute C’est une recette classique : -

Elle fait notamment fureur chez Dior : « Poison » est ainsi devenu « Midnight Poison », « Pure Poison » puis « Tendre Poison » et « Hypnotic Poison » 

-

Cette logique d’extension (au sens Ă©tymologique du terme), Catherine VeillĂ© l’a utilisĂ©e pour un nouveau produit Van Cleef & Arpels, en travaillant sur la marque-phare « First » pour lancer « First Love ».

2. Le luxe retranche Le luxe peut parfois ĂŽter, enlever, retrancher. Et Nina Ricci illustre cette logique de rĂ©traction en lançant son parfum « Nina ». 3. Le luxe Ă©tire C’est lĂ  le cƓur mĂȘme du sujet d’aujourd’hui : le stretching, que certaines marques ont incarnĂ© de façon Ă©vidente au niveau sĂ©mantique : - Kenzo, en crĂ©ant sa marque « KenzoKi » - ou encore Sisley, lançant un imaginaire Ă©tendu avec « SisleĂża » 4. Le luxe extrait La capacitĂ© d’extraction d’une marque de luxe est parfaitement illustrĂ©e par LancĂŽme, qui rĂ©ussit cette extraction suprĂȘme du « ĂŽ » pour en faire son emblĂšme. Les dĂ©clinaisons auxquelles se prĂȘte ce signe distinctif sont nombreuses, et se retrouvent dans la plupart des marques de LancĂŽme : - « VirtuĂŽse », « HypnĂŽse »  5. Le luxe mixe La savante – et plaisante – gymnastique de mixage Ă  laquelle le luxe se plie parfois traduit une logique trĂšs poĂ©tique de rĂ©sonances, d’échos, de rimes, reprenant l’adage de Baudelaire (dans « Correspondances ») : « Les parfums, les couleurs et les sons se rĂ©pondent ». On est alors dans la recherche rythmique, dans l’analogie sĂ©mantique, par laquelle les mots se rĂ©pondent et crĂ©ent l’emphase sur la marque du crĂ©ateur : -

« Mnia » d’Armani

-

« J’adore » de Dior

-

« Trouble » de Boucheron

-

ou encore « Déclaration » de Cartier (créées par Ipsos Insight Marques)

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6. Le luxe puise Pour se renouveler et s’étendre, le luxe puise trĂšs largement – notamment dans le code gĂ©nĂ©tique visuel de sa propre marque. C’est notamment ce qu’a accompli HermĂšs : -

Ă  travers le travail sur les couleurs du code graphique (ou logo) de la marque, rendant possible une nouvelle narration (orange HermĂšs et rose indien)

7. Le luxe s’épuise Le luxe Ă©tire, s’étire, stretche, traficote et puise, mais finit aussi par s'Ă©puiser. Face Ă  la loi Ă©puisante de renouvellements, de lancements et de crĂ©ations que dicte le marchĂ©, les marques s’essoufflent et risquent bientĂŽt d’épuiser totalement leur ADN.

III. Tensions et tiraillements La gymnastique de marque dĂ©crite jusqu’ici comporte bien des paradoxes, qui se traduisent par de rĂ©els dangers, face auxquels Ă©mergent diverses rĂ©actions. 1. Une gymnastique paradoxale A force de tordre et de dĂ©tourner les marques, il faut faire face Ă  une certaine confusion (Ă©voquĂ©e plus haut), mais aussi Ă  une Ă©rosion, une dispersion voire une dilution complĂšte du capital de marque. En termes de crĂ©ation de marques, il s’agit donc de continuer Ă  faire, de dĂ©faire et de refaire (par la gymnastique mise en Ă©vidence), mais aussi finalement de contrefaire – d’engendrer sa propre contrefaçon, par une vĂ©ritable logique d’imposture. LĂ  est le risque de la crĂ©ation de marques – lorsque certaines vont jusqu’à crĂ©er leurs propres marques similaires (vĂ©ritable paradoxe juridique !). Loin de la recherche d’unicitĂ© et de distinctivitĂ©, on s’oriente alors insensiblement vers le registre de l’imitation voire de la contrefaçon, pour aboutir Ă  une dĂ©multiplication trĂšs forte des univers de marques.

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2. Dilution des valeurs et changement de paradigme A mesure que les valeurs du luxe se dĂ©mocratisent, la sĂ©mantique du luxe perd totalement de sa valeur et de son sens. ParallĂšlement Ă  cette dĂ©mocratisation, une autre tendance se dĂ©gage au niveau des marques : l’ego de luxe remplace le goĂ»t de luxe. A travers ce « tout Ă  l’ego » (tendance trĂšs largement dĂ©veloppĂ©e par ailleurs), tout est finalement renvoyĂ© (en termes de nommage) au « moi », au moi en tant que marque et au moi en tant que personne. La marque cherche alors Ă  se faire plaisir Ă  elle-mĂȘme Ă  travers les mots : faisant passer le statutaire au second plan, la marque privilĂ©gie l’expression d’un luxe individualiste, qui se doit d’exprimer des bĂ©nĂ©fices et des sensations immĂ©diats, susceptibles d’ĂȘtre Ă©prouvĂ©s au prĂ©sent. 3. De nouveaux ressorts sĂ©mantiques Ce changement d’orientation et la volontĂ© d’exprimer de nouveaux bĂ©nĂ©fices se traduisent par de nouvelles tendances ou de nouveaux registres dans la crĂ©ation de noms de marques. a) de la sensation Ă  la provocation L’idĂ©e que les mots doivent chercher Ă  exprimer la sensation conduit notamment Ă  approfondir l’axe de la provocation : car dans un univers oĂč fonctionne le tout Ă  l’ego, les mots eux-mĂȘmes doivent ĂȘtre sensationnels : -

« Opium » ou « nu » d’Yves Saint Laurent

-

« Insolence » de Guerlain

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et mĂȘme « Provoq », le nouveau concept car de Cadillac.

La provocation peut jouer sur l’inattendu, l’impertinence, une certaine audace, ou aller jusqu’à emprunter au trash ou aussi bien au militaire et au guerrier : -

« Tank » de Cartier

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« Hummer », vĂ©hicule perçu comme plutĂŽt luxueux ou du moins premium, bien qu’il dĂ©signe avant tout un engin militaire


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b) de l’émotion Ă  la pulsion Plus encore que l’émotion elle-mĂȘme, il s’agit de chercher Ă  rĂ©veiller par la crĂ©ation cette notion de nom pulsionnel, exprimant un plaisir hĂ©doniste. Le statutaire cĂšde la place au pulsionnel, au ressenti dans l’instant, au sacre du prĂ©sent. PlutĂŽt que le goĂ»t du luxe de maniĂšre distinctive, la marque vise ici le plaisir du consommateur exprimant avec ses propres mots ce qu’il Ă©prouve : -

« mania » d’Armani

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« Love » de Cartier

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« J’adore » de Dior

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« Envy » de Gucci

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« Amor Amor » de Cacharel

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« DĂ©lices » de Cartier (cette crĂ©ation rĂ©cente d’Ipsos Insight Marques Ă©nonce la sensation en Ă©voquant la gourmandise, le plaisir immĂ©diat)

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ou tout aussi bien « Fétish » (la voiture électrique de Venturi).

Lorsque l’émotion devient pulsion, les mots restent proches du registre de la provocation.

c) faire parler le consommateur avec ses propres mots Cette tendance risquĂ©e est directement liĂ©e Ă  la dĂ©mocratisation du luxe. On n’est plus dans un registre grĂ©co-latin (oĂč les belles lettres l’emportent), mais dans un usage beaucoup plus dĂ©mocratique, banalisĂ©, qui risquent alors de perdre de leur statut. Face Ă  cette tentation, Catherine VeillĂ© met en garde contre l’effet bling bling, contre tout ce qui pourrait ĂȘtre de la parodie du luxe (faux semblants et paillettes). Il existe bien un risque de faire remonter de la rue, sous couvert d’ĂȘtre provocateur ou dĂ©calĂ©, quelque chose de trivial, qui accentuerait un effet bling bling. Il faut alors rappeler que Coco Chanel dĂ©finissait le luxe comme le contraire, non pas de la pauvretĂ©, mais de la vulgaritĂ©.

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IV. Etendre sa marque Ă  l’univers du luxe en la protĂ©geant On peut raisonnablement vouloir devenir une marque de luxe sans pour autant s’exposer aux pĂ©rils Ă©voquĂ©s jusqu’ici. Pour cela, il convient de se protĂ©ger en crĂ©ant la marque de luxe de demain autour de registres choisis avec soin. 1. Le retour au crĂ©ateur, Ă  l’artisan, au nom propre Loin d’une logique du contrefaire, le savoir-faire est revalorisĂ© comme ce que la marque a de plus important, et avec lui le « fait main », l’esprit « manufacture » ou « maison ». A la clĂ©, toujours : la signature d’un homme ou d’une femme, la crĂ©ation et le geste qui l’accompagne. Cette rĂ©fĂ©rence constante Ă  l’hĂ©ritage, Ă  la tradition, Ă  l’expertise fait qu’une grande marque de luxe est aussi une marque de fabrique, une marque qui est signĂ©e. De nombreuses marques l’ont compris, de « Tom Ford » Ă  « Swarovski ». 2. Oser l’art d’ĂȘtre unique 1. Oser l’art d’ĂȘtre unique, c’est ce qu’a totalement acceptĂ© Toyota en 1989 : lancer, crĂ©er et fabriquer de toutes piĂšces une marque qui ne se stretche pas mais devient unique dans sa catĂ©gorie, totalement dissociĂ©e de son gĂ©niteur (Toyota) – et, pour cette marque, forger un nom nouveau, dĂ©connectĂ© de son imaginaire de marque : « Lexus » Cette crĂ©ation est trĂšs intĂ©ressante en termes de facture du nom, car elle explique en partie la mĂ©morisation du nom parmi les consommateurs : par sa structure linguistique, « Lexus » forme quasiment l’anagramme du mot « Luxe », et cette marque extrĂȘmement distinctive se donne Ă  lire comme « la loi » (Lex) du luxe, tout en surfant sur l’interdit du mot « Sex » que l’on entend indirectement. Et cette source d’émotion, crĂ©Ă©e de toutes piĂšces avec des lettres qui ont composĂ© son imaginaire en formant ces anagrammes, fonctionne d’autant mieux dans l’univers amĂ©ricain parce qu’elle invente le luxe amĂ©ricain, version U.S. (Lexus). 2. Le principe est le mĂȘme lorsque « Triodis » (sociĂ©tĂ© de distribution de vins de Champagne et spiritueux) dĂ©cide, avec Ipsos Insight Marques, de se rebaptiser « Lixir ». L’idĂ©e est de travailler sur le mot qui reprĂ©sente l’essence mĂȘme du mĂ©tier, l’élĂ©ment suprĂȘme de la fabrication de ces produits : l’élixir. En mĂȘme temps, « Lixir » joue sur une aspĂ©ritĂ© qui rappelle graphiquement et vocalement le mot « luxe » lui-mĂȘme.

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3. Poinçon et pictogramme Pour devenir une marque de luxe demain, le credo de Catherine VeillĂ© est de travailler non plus sur une torsion de marque, mais sur un nom capable d’extraire les signes les plus nobles, Ă  la maniĂšre d’un poinçon ou d’un pictogramme. -

c’est notamment ce que fait « Exalto », designer de lunettes high tech, qui extrait le « e » et le « x » pour les retravailler de maniĂšre trĂšs visuelle (tout en encapsulant dans son nom la sĂ©mantique aspirationnelle de la marque : altitude, exaltation, exultation
)

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cet art de jouer sur une signature graphique est également repris et maßtrisé par « Givenchy » (par tout le travail effectué sur le « G », trÚs pictural) comme par « Montblanc » (qui utilise à cet effet son étoile immédiatement reconnaissable).

Avec ce poinçon, il ne s’agit plus cette fois de la logomania Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment, mais bien de la signature permettant d’identifier un savoir-faire, d’une expertise qui revient toujours Ă  la source du crĂ©ateur. 4. Signes extĂ©rieurs de richesse intĂ©rieure Cette logique, Nespresso l’a bien intĂ©grĂ©e : avec un nom qui n’est pas particuliĂšrement luxueux par ses consonances, un jeu se met en place autour de l’allitĂ©ration extrĂȘmement forte (le « What Else ? » fonctionne en Ă©cho du nom « Nespresso »). Au-delĂ , c’est toute une grammaire de la narration : celle qui valorise le produit (on parle ici d’un produit-star), et non pas l’acteur qui lui sert de faire-valoir. Avec cette starification de son univers, on est dans la sublimation totale du produit. 5. Le retour au simple Dans la crĂ©ation de marque, ce retour Ă  quelque chose de trĂšs simple, d’évident, d’essentiel passe notamment par la mĂ©tonymie : le nom commun retrouve lui aussi ses lettres de noblesse, renvoyant directement Ă  la sacralitĂ© du produit : « L’Avion », « La Table » (mais aussi « La Cave » et « L’Atelier ») de JoĂ«l Robuchon. Cette figure de style est intĂ©ressante, car c’est vĂ©ritablement l’usage d’un Ă©lĂ©ment grammatical essentiel, le plus basique et le plus simple : l’article dĂ©fini vient mettre en majestĂ© le produit lui-mĂȘme. Il n’y a pas d’autre nom pour le nommer que de dire « La CrĂšme » (La prairie, L’Or de Vie Dior
) Les Ă©quipes d’Ipsos Insight Marques ont procĂ©dĂ© de la mĂȘme maniĂšre pour crĂ©er « L’atelier » Renault (sur les Champs-ElysĂ©es) : mettre en valeur le lieu mĂȘme de la fabrication, ainsi qu’un savoir-faire authentique, toute une histoire et un imaginaire qui y sont associĂ©s : ceux de la construction automobile. L’article dĂ©fini permet de renouer avec une recherche d’unicitĂ© premiĂšre, originelle.

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V. Demeurer une marque de luxe tout en se protĂ©geant De mĂȘme qu’il existe certains moyens de crĂ©er une marque de luxe en limitant les risques liĂ©s Ă  une gymnastique sauvage, de la mĂȘme façon il existe un credo pour conserver sa marque culte dans l’univers du luxe sans pour autant la mettre en danger inutilement. 1. Des habillages sĂ©mantiques aussi simples que possible Il importe de conserver l’idĂ©e d’une haute marque de luxe, qui ne cherche plus Ă  se diluer, mais choisit de s’exprimer dans ses extensions par des habillages sĂ©mantiques simples et essentiels. -

c’est notamment ce qu’a fait Yves Saint Laurent rĂ©cemment : il n’y a pas plus simple dans « L’Homme Yves Saint Laurent » que l’expression de sa cible (l’homme), soulignĂ©e par le bouchon particulier (en forme d’écrou), qui renvoie ainsi Ă  un univers trĂšs masculin. La signature Yves Saint Laurent, elle, est conservĂ©e au mieux et apparaĂźt dans son intĂ©gralitĂ© ; elle est reprise en Ă©cho par le col en pointe, bien marquĂ©, qui peut rappeler le ‘Y’ emblĂ©matique d’Yves Saint Laurent.

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la stratĂ©gie est la mĂȘme pour le dernier parfum fĂ©minin, « elle », avec lĂ  encore la signature la plus simple qui soit – et le dĂ©colletĂ© en pointe qui vient (plus nettement encore) rappeler la signature historique de la marque.

Dans ces deux cas, rien ne vient entacher ni cannibaliser le cƓur de la marque Yves Saint Laurent. 2. Le brand slimming C’est lĂ  une autre tendance trĂšs forte pour demeurer une marque de luxe demain : prĂ©server le capital et le patrimoine gĂ©nĂ©tique de la marque culte, et pour cela revenir Ă  ce qui a fait son identitĂ©. -

En lançant « Coco Mademoiselle », Chanel dĂ©veloppe prĂ©cisĂ©ment le retour aux sources, Ă  l’unicitĂ©, Ă  la figure du crĂ©ateur. A l’opposĂ© du stretching, le brand slimming est cette capacitĂ© Ă  revenir, de la façon la plus essentielle, Ă  sa marque premiĂšre, au plus prĂšs de ses codes Ă©lĂ©mentaires, Ă  la quintessence de son univers de marque.

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Jaguar le fait Ă©galement, lors de nouveaux lancements, en gardant intact son capital de marque ‘Jaguar’ par le choix de ne dĂ©velopper que des codes : XK, XJ, XF
, qui ne viennent nullement dĂ©sinstaller – ni mĂȘme dĂ©roger Ă  – ce code initial de la marque.

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Conclusions La question, ou le dĂ©fi, est dĂšs lors de comprendre comment parvenir Ă  sublimer sa crĂ©ation, son crĂ©ateur, en utilisant et en conservant le patrimoine gĂ©nĂ©tique – et pas simplement en faisant des clones. Le langage du luxe demain passera donc par un registre extrĂȘmement simple, Ă©purĂ©, Ă©vident, essentiel. Ne rien dire serait alors le comble d’une marque de luxe – celle qui met en avant l’ĂȘtre et non le paraĂźtre, celle qui sait l’art de manier le non-dit, de l’ellipse ou du silence. Celle qui trouverait le moyen de pouvoir, ex nihilo, mettre en majestĂ© le produit et le servir, en respectant la qualitĂ© intrinsĂšque de la fabrication, l’innovation de la crĂ©ation. Que l’on choisisse de citer Gloria Gaynor (« I am what I am ») ou Nietzche (« Deviens ce que tu es »), il s’agira de prĂ©server toujours ce que sont les produits dans leur qualitĂ© intrinsĂšque, et de comprendre que ces produits ont en eux toutes les capacitĂ©s pour exprimer une vĂ©ritable originalitĂ©. En sachant que « l’ĂȘtre que l’on peut nommer n’est pas l’ĂȘtre suprĂȘme » (Lao Tseu), le crĂ©ateur de mots et de marques devra faire preuve d’adresse (celle qui Ă©tait Ă©voquĂ©e par Cocteau), mais aussi – et surtout ? – avoir recours Ă  l’art de la suggestion esthĂ©tique. Car, comme le disait MallarmĂ©, « nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de sa jouissance
 ; le suggĂ©rer, voilĂ  le rĂȘve. »

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