Accès de tous aux services d‘eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam

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FOCALES

Accès de tous aux services d’eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville,Vietnam

AUTEURS Sarah BOTTON Sociologue, AFD -CEFEB, chercheur associé au LPED (IRD) bottons @ afd.fr Aymeric BLANC Chargé de recherche, AFD blanca @ afd.fr

FOCALES

2010 ]

Mars 2010

01

Accès de tous aux services d’eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville,Vietnam

Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam

La politique du Doi Moi (renouveau) à la fin des années 1980 marque l’entrée rapide du Vietnam dans les réformes de libéralisation de l’économie. Elle s’accompagne d’une dynamique de privatisation et de marchandisation progressive des services publics, appelée « socialisation », qui prend, à Hô Chi Minh Ville, la forme d’un dispositif de régulation extrêmement novateur associant Sawaco, l’opérateur public en charge du service d’eau potable, à de petits opérateurs privés informels. Ce volontarisme politique, porté par l’énoncé des Objectifs du millénaire pour le développement et l’appui de bailleurs, augure-t-il d’une généralisation du modèle ? Dans le cadre du programme de recherche de l’AFD sur les Partenariats public-privé, cette étude se propose de revenir sur le terrain, huit ans après l’adoption du décret de socialisation, pour faire l’état des lieux de ce qui reste aujourd’hui une exception en matière de contractualisation entre un opérateur officiel et de petits opérateurs informels.

[ Mars

AUTEURS

Sarah BOTTON Sociologue, AFD -CEFEB, chercheur associé au LPED (IRD)

Aymeric BLANC Chargé de recherche, AFD

FOCALES

01


Accès de tous aux services d’eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville,Vietnam Socialisation ou actionnarisation ? Une traduction vietnamienne des grands enjeux à l’œuvre dans le secteur de l’eau Sarah BOTTON Sociologue, AFD-CEFEB chercheur associé au LPED (IRD) bottons @ afd.fr Aymeric BLANC Chargé de recherche , AFD blanca @ afd.fr


Focales Créée en 2010 par le département de la Recherche de l’AFD, la collection Focales a pour objectif de rendre compte des expériences de terrain menées, dans les pays en développement, par l’AFD ou ses partenaires (experts, chercheurs, consultants, praticiens...). Les ouvrages de cette collection proposent des descriptions et des mises en perspective d’études de cas pratiques (projets, expérimentations, partenariats...). Ils peuvent également présenter une réflexion autour d’une problématique sectorielle ou géographique, toujours alimentée par des résultats concrets. Ils ont vocation à couvrir l’ensemble des secteurs et terrains d’action de l’AFD. Retrouvez toutes nos publications sur http://recherche.afd.fr

Remerciements : Les auteurs remercient l’agence AFD de Hanoi pour l’organisation du travail de terrain au Vietnam, ainsi que toutes les personnes interviewées dans le cadre de cette étude.

[ Avertissement ] Les analyses et conclusions de ce document sont formulées sous la responsabilité de ses auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue de l’AFD ou de ses institutions partenaires.

Directeur de la publication:

Jean-Michel SEVERINO Directeur de la rédaction:

Robert PECCOUD Crédit photo : Aymeric BLANC Conception et réalisation : Ferrari /Corporate – Tél . : 01 42 96 05 50 – J. Rouy / Coquelicot Imprimée en France par : STIN


Introduction

7

Sommaire

1. La place des petits opérateurs privés dans les services d’eau 15 à Hô Chi Minh Ville Hô Chi Minh Ville dans le Vietnam du Doi Moi : croissance économique et métropolisation 1.2. L’eau à HCMV « délicieux mélange d’officialité technique et de débrouillardise » 1.2.1. Le secteur formel : institutions et acteurs de l’eau urbaine au Vietnam 1.2.2. Sawaco à HCMV 1.2.3. Les acteurs du secteur informel de l’eau 1.1.

15 20 20 23 27

2. L’abandon progressif de l’accompagnement des petits opérateurs privés en milieu urbain (2002-2008) 43 2.1. La rémanence de quelques POP « vestiges » du programme de socialisation 2.2. La lente agonie du programme de socialisation 2.3. Le déplacement et le développement de la problématique des POP dans le delta du Mékong

43 46

Conclusion : quelques enseignements et quelques pistes

59

Annexes

67

1– 2– 3– 4–

Liste des personnes interviewées Texte préparatoire au décret de socialisation des services d’eau à HCMV Les POP de l’agglomération de HCMV rencontrés en novembre 2008 Composantes du projet AFD « alimentation en eau potable dans le delta du Mékong » 5 – Exemples de POP opérant dans la province deTien Giang (delta du Mékong)

50

67 68 81 89 91

Liste des sigles, abréviations et acronymes

95

Bibliographie

99

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I nt ro d u c t i o n



Introduction Cette étude cherche à appréhender le rôle des petits opérateurs privés (POP) [1 ] dans la gouvernance des services d’eau de la ville d’Hô Chi Minh Ville (Vietnam). Elle s’inscrit, d’une part, dans une réflexion plus générale impulsée par les chercheurs et les acteurs de l’eau sur l’émergence des POP comme acteurs légitimes du secteur, et, d’autre part, dans le cadre de l’exploration du contexte d’Hô Chi Minh Ville (HCMV) comme site pertinent à privilégier pour un projet de recherche sur le financement et la gouvernance des services d’eau dans les villes des pays en développement (PED) [2] . Dans la continuité de travaux engagés sur cette thématique par les principaux bailleurs, notamment par la Banque mondiale et le Water and Sanitation Program (Snell, 1998), par la Banque asiatique de développement (Conan, 2003) et par l’Agence Française de Développement (Blanc et al. , 2009), nous avons choisi de concentrer notre étude sur l’une des trois « figures-types » de petits opérateurs privés de la distribution d’eau : les entrepreneurs /opérateurs de petits réseaux d’eau [3 ] .

L’émergence de la figure du petit opérateur privé dans l’agenda international Afin de poser le cadre contextuel de notre objet d’étude, revenons brièvement sur les enjeux plus globaux de la problématique de l’accès à l’eau pour tous et sur l’historique du secteur. Pendant très longtemps, l’aide publique au développement (APD) a été orientée, en matière de politique d’eau notamment, vers un financement direct des États pour les investissements en infrastructures. Puis, un changement très profond est intervenu avec la mise en place de plans d’ajustement structurel et de fortes conditionnalités de l’aide (programmes massifs de privatisations, notamment), d’une part, et, d’autre part, le revirement des orientations des institutions financières internationales (IFI), qui ne souhaitaient plus travailler à l’échelle des États, jugés bureaucratiques, corrompus et inefficients, mais préféraient trouver des « niveaux plus adaptés » de politiques en encourageant les réformes de décentralisation. [1 ] En anglais : Small Scale (Independent Private) Water Providers (SSIPWP). [2] Cette étude, commandée par le département de la Recherche de l’Agence Française de Développement (AFD), constitue une contribution à la phase exploratoire du projet de recherche IRD-Fonddri Projet « Financement et gouvernance des services urbains d'eau potable et d'assainissement dans les pays en développement. Modalités de partage du coût global de long terme entre acteurs » financé par la Fondation de l’Iddri et piloté par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), coordination : Claude de Miras (LPED, UMR 151), période : 2008-2010. [3] Rappelons les trois figures-types décrites par Suzanne Snell : partners of water utilities, vendors and resellers, et pioneers of small piped networks (Snell, 1998).

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Introduction

Dans le domaine de l’eau, la conférence de Dublin en 1992 avait contribué à ouvrir la voie à la participation du secteur privé en déclarant l’eau comme un bien « social et économique ». De nombreux contrats de concession avaient alors été signés au Sud par des grandes firmes internationales, avec l’illusion que la capacité d’investissement dont disposait le secteur privé allait permettre, via la marchandisation des services, d’accélérer l’accès de tous à l’eau. Cette idée a été reprise lors du Sommet de la Terre à Rio (1992), avec la promotion des modèles de partenariat public-privé (PPP), puis au Sommet de Johannesburg (2002), pour pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis en 2000 à l’ONU (en particulier, l’objectif n o 7 visant à réduire d’ici 2015 de 50 % le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau). Certes, cette période a permis l’expérimentation de dispositifs pro-poor intéressants, mais dans l’ensemble, les entreprises privatisées n’ont pas produit – grande désillusion – le miracle économique et social qui avait été initialement promis par les IFI et par les autorités publiques nationales (Stiglitz, 2002). À la suite de quelques échecs fracassants de grandes concessions d’eau (Buenos Aires, Jakarta, la Paz, etc.), on a assisté à un nouveau changement de cap des IFI avec la réintroduction du principe de « politique locale » de l’eau et le retour des pouvoirs publics locaux sur le devant de la scène (ce fut le cas au Forum mondial de l’eau à Mexico en 2006), les bailleurs proposant une participation « revisitée » du secteur privé et s’intéressant de façon croissante aux POP. Dans le même temps, on a assisté à un glissement de paradigme, passant d’un « accès aux services d’eau potable pour tous » à un « accès amélioré pour le plus grand nombre » [4 .] Alors qu’ils existaient depuis toujours dans le secteur informel, les POP sont progressivement apparus comme l’une des « solutions » possibles au problème politique que constitue l’amélioration de l’accès à l’eau potable. Nous entendons ici problème politique dans l’acception courante en analyse des politiques publiques, telle que Pierre Muller la décrit : « la mise en place des politiques publiques est liée à une transformation de la perception des problèmes. Cela signifie qu’un problème politique est nécessairement un construit social dont la configuration dépendra de multiples facteurs propres à la société et au système politique concerné » (Muller, 2006, p. 29). Dans cette perspective, l’énoncé des OMD a clairement joué un rôle moteur dans la construction sociale d’un « nouveau » défi à relever, pourtant simple reformulation des objectifs de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement (DIEPA) ou encore du slogan résultant de la conférence de Dublin (« L’eau est un bien social et économique »).

[4] D’après le rapport Asia Water Watch 2015 : “ ‘Improved’ water supply does not automatically mean that the water is safe. Rather, it denotes that water is more accessible, and some measures have been taken to protect the water source from contamination” (ADB, 2005, p. 10). Pour plus de détails sur cette notion d’accès amélioré, voir Hutton et al., 2004.

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Introduction

La légitimation des POP comme acteurs du secteur de l’eau a, depuis lors, été mise à l’ordre du jour, si ce n’est encore dans la pratique ou dans les régulations sectorielles, tout du moins dans les projets envisagés par certains bailleurs ou autorités publiques. Ils sont apparus dans le champ des discussions dès les premières publications de la Banque mondiale sur ce thème à la fin des années 1990 (Cavé, 2008, p. 4), et sont depuis envisagés comme une opportunité intéressante en tant que figures « relais » des opérateurs principaux ne parvenant pas à remplir leurs objectifs de service. En outre, l’émergence et l’existence spontanées de ces acteurs/entrepreneurs en marge du secteur régulé a constitué un argument déterminant, sorte de « garantie » de la rentabilité de leurs activités et, de ce fait, de l’intérêt de compter sur leur contribution au sein du secteur. Dès lors, ils ont commencé à incarner les « solutions innovantes » tant recherchées depuis l’énoncé des OMD : les petits opérateurs privés allaient permettre d’améliorer la desserte en eau et la qualité de service dans les zones où les opérateurs officiels n’étendaient pas leurs réseaux, tout en constituant un levier important de financement pour le secteur (par financements propres). “Given that 100% service coverage by water utilities will not happen within the next decade, we must recognize the role that SSIPWP have and will keep having as a major provider of water to poor urban areas. By recognizing the role of these pioneers as partner of the sector, it is possible to increase and channel their investment capacity to contribute to the global investment required to reach the Millennium Development Goals (MDG) set for the water sector. Ultimately, integrating SSIPWP in the water sector investment strategy would accelerate their expansion capacity and allow them to lower their tariffs, which would ultimately help to improve the services and choices available to the urban poor” (consultant BAsD, 2003, p. 6).

Ce double intérêt (pratique et théorique) pour les POP s’est traduit, sur le terrain, par l’apparition de programmes de développement cherchant à accompagner ces opérateurs dans le défi collectif que constitue l’amélioration de l’accès de tous aux services d’eau. Dans la production scientifique, les problématiques de recherche ont aussi évolué, passant de la question de leur existence et de l’exploration de leurs pratiques à celle de leur légitimité voire légitimation, et soulevant ainsi de nouvelles interrogations dans le champ de la régulation sectorielle de l’eau et, plus généralement, dans celui de la nouvelle gouvernance urbaine. La question du rôle des petits opérateurs informels est donc devenue économique et politique.

Problématique contextualisée, hypothèses et éléments de méthode Ces éléments contextuels n’ont pas été sans incidence dans le contexte vietnamien. En effet, comme nous l’évoquerons en première partie de cette étude, après les

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Introduction

réformes de 1986 ( Doi Moi ) ouvrant la voie au « socialisme de marché », le Vietnam a connu une très forte croissance économique qui s’est accompagnée d’un phénomène important de croissance urbaine. La métropolisation des deux principales agglomérations (Hanoi et Hô Chi Minh Ville) a engendré une série de difficultés « classiques » dans de tels contextes, notamment le décalage entre des besoins croissants en services urbains (pour soutenir la croissance démographique et la croissance économique) et une offre inadaptée en services d’infrastructures de la part des autorités publiques, faute de moyens et de compétences. Progressivement, les autorités locales ont donc cherché des solutions pour résoudre cette difficulté. À HCMV, dans le secteur de l’eau, une piste intéressante a été proposée au début des années 2000 : sous l’impulsion conjointe des OMD et des injonctions de participation du secteur privé (qui ont pris au Vietnam des formes très particulières, nous y reviendrons), un accord très novateur, appelé « socialization program » a été conclu en 2002 entre le Comité populaire d’Hô Chi Minh Ville (municipalité) et l’opérateur officiel d’eau potable (la HCMWSC, Hô Chi Minh Water Supply Company, devenue Sawaco, Saigon Water Corporation en 2005 [5]) , autorisant la contractualisation de l’entreprise avec des POP exerçant une activité de production et/ou de distribution d’eau sur son territoire de service [6]. Cet accord devait permettre d’offrir un cadre juridique pour organiser une sorte de délégation de service [7] et pallier ainsi les difficultés de l’opérateur en permettant notamment d’accélérer les rythmes de desserte à l’échelle de l’agglomération. À notre connaissance, il s’agit d’un exemple unique (tout du moins très rare) de tentative d’officialisation et d’insertion des petits opérateurs privés informels dans un cadre de régulation intégré. L’hypothèse structurante de ce travail de recherche repose sur l’idée que cette initiative, encore à l’état d’opération pilote au début des années 2000 et qui avait déjà suscité un intérêt certain à ce moment-là, méritait une exploration approfondie, d’une part dans ses implications actuelles (extension ? généralisation ? blocages ?) et, d’autre part, dans ce qu’elle pouvait traduire des évolutions de la gouvernance de l’eau à HCMV depuis l’énoncé des OMD. Les autorités publiques et l’opérateur ont-ils souhaité poursuivre l’expérience ? Comment les POP ont-ils réagi à cette proposition ? Quelle a été l’ampleur du phénomène ? Comment l’accord s’est-il intégré aux réformes du secteur de l’eau au Vietnam ? Cet accord a-t-il permis une véritable

[5] L’entreprise est alors passée d’un statut de société municipale d’État (société publique « corporatisée » mais sous contrôle des comités populaires de la ville) à un statut de société commerciale (société anonyme dont les actions sont, jusqu’à ce jour, détenues par le secteur public, l’objectif étant d’ouvrir progressivement 49 % de son capital à d’autres investisseurs). [6] Sous régulation tarifaire des comités populaires de la ville. [7] Contrat autorisant, pour une période donnée, un petit opérateur à produire, distribuer et vendre de l’eau sur un territoire encore non desservi par la HCMWSC/Sawaco (en attendant que les réseaux « officiels » ne soient étendus à cette zone ou que l’opérateur principal rachète les actifs du petit opérateur).

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Introduction

intégration des petits opérateurs au cadre de régulation sectorielle ? Y a t-il des écarts manifestes entre les conditions théoriques de l’accord et ses implications pratiques ? Afin de répondre à ces différentes questions, nous avons mené une enquête de terrain d’une durée de quatre semaines au Vietnam en novembre 2008 et mobilisé les principaux outils de l’enquête qualitative en sociologie : entretiens semi-directifs (en français, anglais ou vietnamien avec traducteur) auprès de différents acteurs du secteur (bailleurs, opérateurs, chercheurs, intervenants d’ONG, etc.) et visites de terrain (POP de HCMV et du delta du Mékong). Ce recueil de données primaires s’est accompagné d’un recueil de données secondaires : analyse de la littérature sur le sujet, des principaux documents institutionnels et juridico-réglementaires.

Objectifs et plan Cette étude poursuit deux objectifs : d’une part, elle participe à la réflexion générale sur les évolutions de la gouvernance urbaine, appréhendée à travers la problématique de l’accès à l’eau et notamment à travers la question des nouvelles modalités de financement des services. Dans cette perspective, elle constitue une entrée privilégiée dans l’étude de cas de Hô Chi Minh Ville réalisée dans le cadre du projet IRD-Fonddri en proposant de porter une attention particulière au rôle des petits opérateurs privés dans le concert de la gouvernance urbaine ; d’autre part, elle tente de répondre à un questionnement plus opérationnel qui se développe actuellement au sein de l’A FD (en écho aux interventions de l’agence à Maputo, Mozambique), mais aussi plus généralement chez les acteurs du secteur, autour des modalités d’intégration du petit secteur privé informel dans la régulation sectorielle de l’eau. En ce sens, elle entend fournir des pistes pour alimenter la réflexion stratégique et opérationnelle des acteurs sur le terrain. Le développement de cette analyse s’effectuera en trois temps dans une perspective diachronique : nous étudierons, dans une première partie, la place qu’occupent les POP du secteur de l’eau dans le contexte urbain de HCMV, d’une part, et, d’autre part, le contexte très particulier dans lequel a émergé le « programme de socialisation », promettant des perspectives intéressantes d’amélioration de la desserte en eau, avant d’analyser, dans une deuxième partie, les implications pratiques de cet accord et les évolutions des services d’eau et des projections sectorielles pendant ces dernières années. Enfin, nous reviendrons en conclusion sur les perspectives que propose cette situation et sur la lecture politique des réformes vietnamiennes qu’elle nous invite à décrypter.

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Première partie



1. La place des petits opérateurs privés dans les services d’eau à HCMV 1.1. Hô Chi Minh Ville dans le Vietnam du Doi Moi : croissance économique et métropolisation Sans remonter à la période impériale ou aux méandres de l’histoire de la dynastie de Nguyen, il est néanmoins important de rappeler à quel point l’histoire du Vietnam est structurante pour la problématique qui nous intéresse ici. Rappelons très brièvement l’impact qu’a eu la colonisation (arrivée des Français en 1858 et intégration du Vietnam à l’Union indochinoise en 1883) à la fois d’un point de vue physique (construction des premières infrastructures d’eau à Saigon) et d’un point de vue idéologique (révoltes contre l’emprise coloniale, émergence du parti communiste indochinois). De même, les guerres qui ont traversé et divisé le pays jusqu’en 1975 l’ont façonné : division Nord / Sud par les Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, puis le Vietnam devenant la scène tragique d’un affrontement idéologique dans un contexte de guerre froide ; enfin, en 1975, à la suite de la victoire du Nord communiste, Saigon tombe et devient « Hô Chi Minh Ville ». Une période de « rééducation » contre la « culture sudiste » débute alors à l’occasion de la réunification du pays sous le sceau communiste et un exode massif s’organise vers l’Europe (les « boat people » fuient le régime). Il faudra attendre 1986 pour percevoir les premiers signes d’ouverture (économique) du régime avec les réformes du Doi Moi (politique du changement et du renouveau), et le début des années 1990 pour qu’un renouveau apparaisse dans les relations diplomatiques du Vietnam avec les États-Unis et la Chine (levée de l’embargo américain en 1994). En quelques années, de nombreuses réformes sont venues bouleverser l’ordre ancien : la libération des prix agricoles et la décollectivisation des terres a permis au Vietnam de devenir un exportateur de riz et de café de premier plan, tandis qu’une plus grande autonomie accordée aux entreprises, l’autorisation d’activités commerciales privées et le développement des investissements étrangers ont amené une forte croissance du PIB industriel.

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Première partie

Encadré

1

Les trois phases du Doi Moi

l

La première phase (1986-1989) est marquée par la privatisation du secteur économique. Cette libéralisation concerne autant le secteur agricole que les entreprises étatiques. La création de petites et moyennes entreprises est soutenue, ainsi qu'un système bancaire et de crédit destiné à dynamiser le marché intérieur et financer le secteur d'exportation. Cela se traduit également par une ouverture aux investissements étrangers. Le Vietnam normalise alors ses relations avec le Fonds monétaire international (FMI).

l

La deuxième phase (1989-1991) concerne la politique monétaire et se concrétise par une dévaluation du Dong (VND), basée sur les taux de change du marché parallèle, mais aussi par une hausse des taux d'intérêt et une modernisation de la fiscalité. En 1991, les banques étrangères sont autorisées à opérer sur le sol vietnamien, offrant ainsi un accès aux marchés financiers étrangers. l La troisième phase (dès 1991) entérine, sur le plan économique, l'abandon du socialisme. À la suite du rétablissement en 1992 de la propriété privée, les sociétés par actions sont autorisées et un marché obligataire est ouvert, prélude à la mise en place d'une bourse des valeurs. Ces changements structurels participent à l'émergence d'un secteur privé dynamique qui profite aussi aux entreprises étatiques les plus autonomes.

Source : Wust, 2004, p. 19.

Ces réformes ont transformé de façon radicale les conditions de vie de la plupart des Vietnamiens et l’impact qu’elles ont eu sur la baisse du niveau de pauvreté a été déterminant. Cependant, certains auteurs rappellent que le Vietnam demeure un pays pauvre : “Despite Doi Moi’s reforms’ significant positive impact on growth over the past decade, Viet Nam remains a very poor country. According to World Bank indicators, Vietnam’s average per capita income was $480 (US) in 2003, on par with Mongolia, Uzbekistan, Sudan and Pakistan, and $10 below the average for sub-Saharan Africa (World Bank, 2003), a characteristic often forgotten in the excitement of such an economically dynamic context. Under these conditions of continuing poverty, Viet Nam has experienced important positive trends that have led to increases in the quality of life for its citizens. From 1993 to 1998 general poverty was reduced from 58 % to 37 %, and for extreme – i.e. food scarcity – poverty from 25 % to 15 %” (Spencer, 2005). Par ailleurs, si la croissance économique a été très positive, elle n’a pas été partagée par tous : elle a également contribué à accentuer la polarisation sociale, du fait notamment de la marchandisation des services publics : « Si cette ‘perestroïka’ vietnamienne a induit, après plusieurs années de pénurie, un retour d'une forte croissance

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Première partie

économique et une réduction générale de la pauvreté, elle a engendré un désengagement contrôlé de l'État qui touche tout particulièrement les domaines de l'éducation, de la santé et des infrastructures. Parallèlement, on assiste à une marginalisation progressive des groupes les plus défavorisés. [...] Bien que les réformes économiques aient eu un impact sur la réduction globale de la pauvreté (70 % de pauvres en 1985 contre 51 % en 1993) ses effets ne se répartissent pas uniformément. L'écart entre les riches et les pauvres s'accentue, les zones urbaines profitent plus de la croissance que les régions rurales, le Sud est favorisé par rapport au Nord. [...] Si le nombre des pauvres urbains diminue, leurs conditions de vie auraient tendance à se dégrader. Ce phénomène se traduit par la faiblesse et l'instabilité des revenus issus d'activités informelles, le manque ou l'absence de formation, l'insécurité et la précarité de l'habitat, le faible niveau d'équipements, l'endettement ou encore une propension à la maladie et aux déviances sociales. » (Wust et al. , 2004, p. 23). Nous l’évoquerons plus en détail en deuxième partie de l’étude, mais il convient dès à présent de souligner l’importance structurante des réformes concernant les services publics vietnamiens, invitant chacun des secteurs à entrer progressivement dans une logique de « socialisation » (mouvement de « privatisation » impliquant une « marchandisation » des services, une « corporatisation » des entreprises publiques et une ouverture partielle de leur capital au secteur privé ), notamment à partir de la loi de 1995 sur les entreprises publiques et de la politique de 1997 de « socialisation de l’éducation, de la santé, de la culture et du sport », invitant les usagers à contribuer financièrement aux services et les capitaux privés [8] à investir dans les entreprises publiques (de Miras et al. , 2004, p. 219). Le Vietnam actuel – république socialiste – se caractérise donc par ce qui est couramment appelé un « socialisme de marché », qui implique une dichotomie très forte entre le politique, très centralisé autour du parti unique (Parti communiste vietnamien) qui contrôle toutes les institutions du pays, et une économie très libérale qui suit des rythmes effrénés de l’ouverture à la logique de marché dans tous les secteurs d’activité.

[8] « Socialisation » est la traduction de l’expression vietnamienne « xa hoi hoa », qui signifie la mise à contribution de la population pour accéder aux services publics tels que la santé ou l’éducation. La socialisation peut être interprétée comme la « privatisation » des secteurs publics. Elle traduit l’incapacité de l’État à subvenir aux besoins de la population. Concrètement, cette politique se traduit par l’ouverture des secteurs aux acteurs privés et s’accompagne d’une augmentation des prix des services (de Miras et al., 2004, p. 217).

17 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Première partie

Tableau

1

Indicateurs économiques dans les pays d'Asie du Sud-Est Indonésie

Malaisie

Thaïlande

Philippines

Cambodge

PIB réel/hab. (PPA) en 2000

3 043

9 068

6 402

3 971

1 446

1 996

Indice de Gini

31,7

49,2

41,4

46,2

40,4

36,1

Croissance/an du PIB (%) 1975-2000 1990-2000

4,4 4,4

4,1 4,4

5,5 3,3

0,1 1,1

1,9 2,0

4,8 6,0

-3,0

1,9

2,8

2,7

3,9

4,1

Invest. directs étrangers (% du PIB) en 2000

Vietnam

Source : WB, 2002 ; PNUD, 2002.

Attachons-nous désormais au lien entre croissance économique et croissance urbaine dans le contexte particulier d’Hô Chi Minh Ville. Tout d’abord, il est à noter, d’une part, que l’Asie du Sud-Est connaît des densités de population bien supérieures aux autres régions du Sud (100 hab/km 2 contre 26 en Afrique et 23 en Amérique latine) et que, d’autre part, la croissance démographique s’y concentre depuis près de trente ans sur les zones urbaines. Comme d’autres grandes villes d’A sie du Sud-Est, Hô Chi Minh Ville connaît un processus de « métropolisation », du fait de son statut historique qui fait de la « capitale » du Sud vietnamien un « pôle de développement cumulatif », le phénomène de métropolisation ayant ceci de spécifique qu’il se concentre sur deux ou trois agglomérations dominantes au détriment du reste du réseau urbain (Bassand et al. , 2000). En effet, dès le XVII e siècle, Saigon [9] était un centre urbain de première importance du fait de sa localisation stratégique à la croisée des routes commerciales de la région, la population de « la perle de l’Orient », à l’image de son dynamisme commercial et économique, passant de 40 000 habitants en 1863 à 460 000 au début des années 1940. Puis, à l’issue de la première guerre d’Indochine et de la division du pays en deux, des milliers de familles ont fui le Nord Vietnam pour venir s’installer à Saigon : sa population a alors quadruplé en à peine une décennie [10 ] . Le phénomène de forte croissance urbaine est donc intrinsèquement lié à l’histoire de la ville et [9] Alors appelée « Gia Dinh », elle sera baptisée « Saigon » par les Français en 1859, puis « Hô Chi Minh Ville » en 1975. [10] Elle passe de 500 000 habitants en 1946 à 2 000 000 d’habitants en 1954 (Wust et al., 2004, p. 18).

18 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Première partie

Saigon, devenue Hô Chi Minh Ville, malgré la politique de désurbanisation [ 11 ] (relativement inefficace) menée de 1975 à 1979, renoue avec le phénomène de forte croissance urbaine dès l’adoption des réformes du Doi Moi à la fin des années 1980. Elle entre alors dans l’ère de la métropolisation. Hô Chi Minh Ville est aujourd’hui la plus grande ville du Vietnam et constitue son centre commercial et industriel le plus important. Elle compte une population de 7,9 millions d’habitants [12 ] qui croît à un rythme de 2,1 % par an et devrait donc atteindre les 13,5 millions d’habitants en 2020 (ADB, 2008 a ). Alors que l’économie nationale croît à un rythme de 8 % par an en moyenne, la croissance économique à HCMV approche les 12 %. Elle contribue à plus de 37 % du PNB (General Statistics Office of Vietnam – GSO, 2006). Sans entrer dans une description détaillée des formes historiques, économiques, sociales, politiques, spatiales et environnementales de ce phénomène de métropolisation ayant fait l’objet d’autres études (Wust et al ., 2004), notons simplement l’incidence majeure de ce phénomène sur l’objet qui nous intéresse ici : la gouvernance urbaine des services d’eau de l’agglomération. Les phénomènes couplés de fortes croissances économique et démographique ont connu des rythmes bien supérieurs à l’augmentation de l’offre en infrastructure urbaine (transports, eau, assainissement, etc.) proposée par les pouvoirs publics : « Hô Chi Minh Ville a hérité l’essentiel de ses infrastructures de l’époque coloniale. Installées en prévision d’une ville de 500 000 habitants, celles-ci n’ont été que marginalement étendues pour suivre les mouvements d’urbanisation accélérée des dernières décennies. En conséquence, les réseaux se caractérisent par leur vétusté, leur insuffisance et le déséquilibre de l’équipement entre le centre et la périphérie » (Niebudeck, 1999). En résulte donc un décalage, pour les citadins, entre des besoins domestiques et industriels croissants (du fait de la croissance de la population, d’une part, et de l’émergence de besoins nouveaux, pour soutenir la croissance économique, d’autre part) et une offre conçue en sous-capacité : «The management of water resources is an unfinished effort of the international community. Rapid urbanization has transcended the management capacity of governments in developing countries. Since the renovation policy launched in 1986, Hochiminh City, Vietnam, has experienced the fastest urbanization and industrialization process. This has placed severe constraints on the use of water resources and management capacity of the local government » (Vo, 2007, p. 1). [11 ] Sans compter les objectifs idéologiques (neutraliser les élites et classes moyennes urbaines), les principaux objectifs en sont : le rééquilibrage des populations entre Nord et Sud, l’essor des activités rurales visant à l’autonomie alimentaire, le rééquilibrage des secteurs d’activités (baisse des activités urbaines du fait des nouvelles orientations économiques et politiques). [12] Contre 3,4 millions d’habitants à Hanoi, la capitale.

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Première partie

Cette situation invite les différents acteurs du développement urbain à penser des solutions novatrices pour tenter de rééquilibrer offre et demande en services, notamment en services d’eau et d’assainissement. Outre des projets d’amélioration ou d’extension de l’existant (qui se chiffrent en millions de dollars qu’il reste encore à mobiliser), se dessinent progressivement des solutions invitant de nouveaux acteurs à participer au défi que constitue l’accès de tous à l’eau potable. Parmi ces acteurs, figurent les petits entrepreneurs privés, opérant jusqu’alors dans le secteur informel.

1.2. L’eau à HCMV « délicieux mélange d’officialité technique et de débrouillardise » (Bolay, 1998) Comme dans toute grande agglomération du Sud, les services de l’eau sont le fait de nombreux acteurs (officiels, informels ou particuliers) qui travaillent en complémentarité ou parfois en concurrence, selon des pratiques et des usages différenciés (par exemple : porteurs d’eau, achat en bidon, réseau public, eau d’un puits privé, etc.) et pour des usages variés (boisson, cuisine, toilette, ménage, etc.). Le recours aux différents services d’eau dépendra, le cas échéant, du lieu d’habitation dans l’agglomération (centre/périphérie, éloignement du réseau, potabilité/accessibilité ou non des nappes phréatiques, etc.), des revenus du ménage (recours à des porteurs privés, investissement dans un forage, etc.) et des pratiques sociales de l’eau. Dans la grande majorité des cas, la connexion domiciliaire au réseau officiel d’eau potable constitue la solution la moins onéreuse et la plus pratique pour l’ensemble des ménages. La difficulté à laquelle les citadins doivent alors faire face et les stratégies d’adaptation qu’ils adoptent viennent généralement du défaut d’investissement dans les réseaux officiels qui en limite l’extension physique, d’une part (les réseaux restent cantonnés au centre-ville et à la périphérie proche), et qui tend à détériorer la qualité de service, d’autre part (l’eau n’est pas nécessairement disponible 24h/24h, la pression peut être mauvaise dans certaines parties du réseau, le manque d’investissement dans l’entretien et la maintenance provoquent des pertes techniques importantes et peuvent mettre en cause la potabilité de l’eau, etc.). Afin de comprendre les dynamiques de la gouvernance de l’eau à HCMV, il convient tout d’abord de dresser un rapide panorama du cadre institutionnel dans lequel évoluent les acteurs de l’eau.

1.2.1. Le secteur formel : institutions et acteurs de l’eau urbaine au Vietnam Les services d’eau sont certainement les services urbains les plus ancrés dans le territoire local puisqu’ils dépendent de la disponibilité et de l’accessibilité de la

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Première partie

ressource et de l’organisation territorialisée de son acheminement vers la ville. En ce sens, le caractère de « monopole naturel » de l’eau est très souvent mis en avant. La notion de « territoire » n’est pas ici utilisée de manière anodine, elle renvoie à une acception politique de l’espace, au sens où le territoire constitue un « espace géographique délimité sur lequel s’exerce un pouvoir » (Sack, 1986). Ainsi, l’organisation politique nationale et infranationale de chaque Etat structure nécessairement la problématique de l’eau urbaine.

Encadré

2

La structure administrative des territoires vietnamiens

Depuis la réforme des collectivités territoriales de 1996 et le décret gouvernemental de 1998, le territoire vietnamien est divisé en trois niveaux d’administration : 1) le niveau provincial (sous autorité du gouvernement central) : il comprend 61 provinces dont quatre villes (Hanoi, Hô Chi Minh Ville, Hai Phong et Da Nang) ; 2) le niveau des districts (sous autorité provinciale) est composé des districts ruraux des provinces (huyen), des arrondissements urbains (quan), des villes-provinces ainsi que des villes chefs-lieux de provinces (tinh ly). Ils sont au nombre de 615 ; 3) le niveau des communes correspond aux communes rurales (xa), aux quartiers des villes-provinces (phuong) et aux bourgs de province (thi tran). On en compte 10 477. Source : de Miras et al., 2004, p. 223 .

Au Vietnam, le secteur de l’eau est décentralisé à l’échelle des provinces [13 ] (du comité populaire de la ville pour HCMV), contrairement à d’autres secteurs des services urbains (électricité et télécommunications) qui sont administrés au niveau central et seulement déconcentrés aux niveaux inférieurs (de Miras et al. , 2004, p. 225).

Encadré

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Les acteurs de l’eau en milieu urbain au Vietnam

Le ministère de la Construction (MOC) est responsable du développement des réseaux d’approvisionnement et d’assainissement en milieu urbain. Le ministère du Plan et de l’Investissement (MPI) organise la planification des investissements, évalue et sélectionne les projets prioritaires, alloue les aides bilatérales et multilatérales.

[13] Depuis la résolution 217 de 1990, la tarification de l’eau est décentralisée du comité gouvernemental des prix vers les comités populaires des provinces (de la ville, dans le cas de HCMV).

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Première partie

Le ministère des Finances (MOF) coordonne – avec le MPI – l’utilisation des fonds ODA (Official Development Assistance) pour élaborer les projets ; alloue les fonds selon l’accord signé avec le partenaire étranger approuvé par le Premier ministre ; aide aux procédures et formalités administratives pour débloquer le fonds ODA visant à assurer la réalisation des projets. Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MARD) a pour tâche d’estimer les réserves d’eau superficielle et souterraine et la capacité d’exploitation des sources d’eau servant à la distribution en eau vers les centres urbains, et édicte les mesures de protection des sources d’eau qui alimentent prioritairement les centres urbains. La VWSA (the Vietnam Water Supply and Sewerage Association), créée le 25 juillet 2001 sous le patronage du MOC et du MARD, participe à la gestion, aux services de consultants, à la recherche scientifique, à la formation, à la construction, à la fabrication et au commerce des matériaux et équipements spécialisés dans le secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’environnement sanitaire. Les collectivités locales et les Compagnies des eaux

Les comités populaires des provinces légifèrent sur la gestion des entreprises, la tarification et la mobilisation des ressources humaines locales afin de développer le secteur. Les services techniques des transports et des travaux publics selon les villes ont également un rôle dominant. Au niveau provincial, on recense 64 compagnies des eaux (61 + 3 nouvelles créées à Hanoi, Hô Chi Minh Ville et Vinh Phuc) implantées dans les villes gérées par la province. Les villes de Hanoi, Hô Chi Minh et Hai Phong disposent d’entreprises spécialisées dans l’approvisionnement en eau, les autres villes n’ont qu’une seule entreprise gérant la distribution et le drainage. Autres acteurs : l’aide multilatérale et bilatérale, les entreprises de bâtiment et de Génie Civil, les bureaux d’études, les universités et les centres de recherche. Source : de Miras et al., 2004, p. 235 .

Il convient par ailleurs de noter une particularité vietnamienne d’ordre institutionnel : les limites administratives de la ville recouvrent un vaste territoire, urbanisé mais aussi périphérique et rural. Selon certains auteurs, cela devrait en principe permettre d’améliorer le contrôle de la planification et l’aménagement des infrastructures urbaines, que ce soit au profit des pôles urbains périphériques ou des quartiers à plus faible densité démographique (Bolay, 1998, p. 15).

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Première partie

1.2.2. Sawaco à HCMV De ce fait, à HCMV, les services officiels d’eau potable sont pris en charge par deux institutions : l

une société publique : la Sawaco [14 ] pour les zones urbaines denses,

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le centre d’adduction d’eau rurale pour les zones urbaines non denses en périphérie éloignée [15 ].

Comme la problématique qui nous intéresse ici concerne les acteurs de l’eau urbaine, nous avons centré notre analyse sur les services proposés par Sawaco et par les autres acteurs de l’eau intervenant en milieu urbain. La société Sawaco est responsable depuis plus d’un siècle des services d’eau de la ville d’Hô Chi Minh. Créée en 1874, elle a connu une restructuration en 2005 et est alors devenue une entreprise de droit commercial dont les capitaux sont détenus par le secteur public [16 ] . Nous reviendrons, dans la deuxième partie de cette étude, sur la réforme du secteur de l’eau qui a, depuis 2005, ouvert la voie à la « socialisation » (privatisation) et à « l’actionnarisation » (transformation en SA) des entreprises publiques d’eau, transformant profondément le secteur. Précisons simplement à ce stade que la société a récemment créé huit filiales (« sociétés filles ») qui fonctionnent de manière autonome et dont les territoires de service respectifs découpent l’agglomération en huit « monopoles » de la gestion de l’eau. Six d’entre elles sont devenues des sociétés mixtes : elles ont été « actionnarisées » et ont ouvert leur capital au personnel et à des investisseurs locaux (banque, industriels locaux, sociétés immobilières, etc.) à hauteur de 49 %, les 51 % restants demeurant la propriété de Sawaco. Sawaco opère sur l’agglomération « élargie » de Hô Chi Minh Ville. Son territoire de service couvre 17 districts urbains ( quan ) et 5 districts ruraux ( huyen ) comptant environ 5,7 millions d’habitants. Pour autant, la totalité de ce territoire est encore loin d’être desservie [17]. Selon Sawaco, 87 % de la population du territoire de service [18 ] possède un accès domiciliaire à l’eau (11 % via le centre d’adduction d’eau rurale et 76 % via Sawaco (dans le centre) [19].

[14] Anciennement appelée la Hô Chi Minh Water Supply Company (HCMWSC) avant 2005. [15] Le centre d’adduction d’eau rurale de HCMV est un établissement public géré par le département de l’Agriculture et de l’Eau rurale. Il dessert 11 % de la population de l’agglomération, dans les zones périphériques les plus éloignées de HCMV. [16] L’idée étant à terme que cette société commerciale devienne une société mixte (51 % publique et 49 % privée). [17] D’où la distinction structurante à opérer entre « territoire de service » et « zone desservie ». [18] Nombre de branchements /nombre de familles. [19] La société ne connaît pas les taux de desserte par quartier mais un récent rapport des filiales du centre-ville (non publié) affirme que 99 % de la population des districts 1 et 3 seraient connectés.

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Première partie

En 2008, son réseau s’étend sur près de 3 000 km et compte environ 570 000 connexions domiciliaires. La directrice adjointe de Sawaco nous présente ici le dispositif technique : « Notre système a été créé très tôt au XIXe siècle par les Français mais en ce temps-là c’était des puits de captage avec l’eau souterraine. Ce n’est que dans les années 1960 que les Américains ont construit le premier système d’adduction d’eau de surface (usine de traitement Thu Duc), inauguré en 1966 (capacité : 450 000 m 3/j). Sa capacité a été augmentée jusqu’à 750 000 m 3/j . C’est toujours notre plus grande usine. Elle exploite l’eau des rivières de Dong Lai. Mais récemment, nous avons eu une autre usine, d’une capacité de 300 000 m 3/j exploitant l’eau de la rivière de Saigon (usine Tan Hiep). Ce sont les deux plus grandes usines. En dehors des usines de traitement d’eau de surface, nous avons aussi une usine de 70 000 m 3/j d’eau souterraine à Tan Binh (fondée dans les années 1980). Nous avons également 40 forages aux alentours de HCMV avec une capacité globale de 40 000 m 3/j. Notre capacité actuelle est d’environ 1,24 million de m 3 /j . Nous espérons augmenter cette capacité à 2 millions de m 3/j en l’an 2010 et 3,5 millions en 2025. Le système de transmission et de distribution d’eau à HCMV est un vieux système, nous essayons de réhabiliter les conduites et tuyaux ; nous cherchons des financements pour ces travaux-là. » (Sawaco, novembre 2008).

Certes, il est très compliqué d’obtenir des informations actualisées sur la valeur des actifs de l’entreprise : les bilans comptables ne sont pas rendus publics et la société n’a pas encore élaboré d’inventaire de ses actifs [20 ]. « La société Sawaco est-elle équilibrée ? » « En théorie, oui. Moi, j’ai deux versions : 1. ils ne sont pas équilibrés, 2. c’est la vache à lait du comité populaire ; je n’arrive pas à savoir ! Ce sont des opérations comptables. En fait tout dépend de comment ils estiment et comptabilisent la dépréciation. Ils ont été d’accord pour que l’on fasse un inventaire des actifs et que l’on mette en place un ‘asset management system’, ce qui me dit qu’ils ne savent pas ce qu’ils ont et s’ils ne savent pas ce qu’ils ont, ils ne peuvent pas le déprécier… à partir de là, le bilan comptable est faux. » (ADB, novembre 2008).

Malgré cette difficulté à évaluer les actifs de l’entreprise, une chose reste sûre : la nécessité absolue d’investir, d’une part dans l’entretien et la maintenance des réseaux existants (ADB, 2008 a ; Renard, 2000), et d’autre part dans l’extension des réseaux en périphérie (ADB, 2008a). En effet, la vétusté des infrastructures est alarmante : en 2000, 240 km de canalisations avaient plus de 70 ans, et 2 000 km entre 30 et 70 ans.

[20] Il s’agit d’un projet en cours avec ADB (asset management system).

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Première partie

Seulement 20 % du linéaire était âgé de moins de 30 ans (Renard, 2000). En outre, le service d’eau de HCMV ne dispose d’un budget de réparation des canalisations que depuis l’année 1990. En résulte une série de difficultés de gestion : des pertes techniques de l’ordre de 43 %, des problèmes de contamination bactériologique (et donc de qualité de l’eau distribuée), des problèmes de sous-pression, enfin, des difficultés liées à la politique tarifaire, ne permettant pas de couvrir la politique de rénovation et d’extension souhaitée. Comme dans les autres sociétés d’eau au Vietnam, le tarif est défini par la société d’eau mais doit être approuvé par le Conseil du peuple (organe législatif à l’échelle des comités populaires des provinces). Or, les autorités publiques vietnamiennes maintiennent les tarifs du secteur de l’eau à des niveaux très bas, malgré des propositions récurrentes de réforme de la politique de tarification de l’eau, qui permettrait aux compagnies d’eau d’approcher une logique d’autofinancement [21 ]. À HCMV, le tarif moyen est de 0,28 US$/m 3 (inférieur à la moyenne nationale) et est tout juste suffisant pour couvrir les charges d’opération et de maintenance.

Encadré

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Principales données de Sawaco

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Production/Distribution Production moyenne/jour : 1 016 403 m 3 Capacité de production/jour : 1 236 000 m 3 l

Indicateurs de service Couverture du service : 72,9 % Disponibilité de l’eau : 24 h/jour Consommation par personne : 113 l/j Tarif moyen : 0,28 $/m 3

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Facturation annuelle d’eau 63 072 700 $

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Coût annuel d’exploitation et de maintenance (E&M) 59 344 800 $

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Indicateurs d’efficacité Eau non facturée : 42,8 % Coût de production unitaire : 0,17 $/m 3 Cœfficient d’exploitation : 0,97 Comptes clients : 0,5 mois Personnel : 5/1 000 branchements Source : Seawun-ADB, 2007 (data 2005).

[21] Notamment, les séminaires organisés depuis 2002 sur la question du prix de l’eau (Hai Phong, juin 2002 ; séminaire VWSA en décembre 2002, etc.), de même que les recommandations récurrentes des associations professionnelles telles que VWSA ou Seawun (South East Asia Water Utility Networks) préconisant un déblocage des tarifs dans le secteur de l’eau pour permettre le financement du secteur.

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Première partie

Afin de faire face aux défis posés par la métropolisation d’Hô Chi Minh Ville, le Comité populaire de la ville est actuellement en train d’élaborer un plan qui vise à passer de 76 % à 100 % de desserte en prévoyant une augmentation de la capacité de production (de 1,2 million de m 2/j. aujourd’hui à 3,2 millions de m 2/j). Par ailleurs, Sawaco envisage de vastes travaux de rénovation des conduites primaires (de l’usine Thu Duc à la ville). Les différents projets, en attente de financement pour la plupart, nous ont été présentés par la directrice adjointe : « Nous avons un projet de construction d’un deuxième système de transmission d’eau traitée et d’installation de grandes conduites de distribution primaire. Ce projet est de 240 millions de US$, c’est un grand projet. On ne dispose jusqu’à aujourd’hui que d’une grande conduite de transmission de Thu Duc jusqu’à HCMV. En cas de rupture, il n’y a pas de remplacement ! Nous souhaitons une deuxième ligne afin de pouvoir réhabiliter les anciennes conduites. [...] Concernant les nouvelles usines de traitement, nous avons quelques projets. Peut être avez-vous entendu parler du projet de BOT [ 22] de la Lyonnaise des Eaux. Il a échoué mais un consortium local a repris en charge le projet (sous forme de BOO [23]) : on l’appelle BOO Thu Duc ou Thu Duc 2 (capacité : 300 000 m 3/j). C’est sur la rivière de Dong Lai : l’usine est finie mais on attend l’installation des conduites de transmission. [...] Le deuxième projet, Thu Duc 3 (300 000 m 3/j) sera fini en 2010. Nous sommes en train d’essayer de monter un financement, de combiner des fonds propres de Sawaco avec des prêts et peut être aussi des fonds de coopération avec d’autres compagnies. Notre troisième projet, Thu Duc 4 (300 000 m 3/j ) sera terminé en 2014 d’après nos plans. Thu Duc 5 (500 000 m 3/j) est prévu pour 2024. Pour la rivière de Saigon, il y aura l’usine Tan Hiep 2, ce sera une reprise du projet de BOT de Thames Water (300 000 m 3/j) [qui avait échoué lui aussi, nda]. On cherche à obtenir un financement de Danida (Danemark) via Degrémont pour Tan Hiep 2 . » (Sawaco, novembre 2008).

Il est donc aisé de conclure qu’une amélioration notoire de la qualité du service et de la desserte en eau potable à HCMV ne se fera pas du jour au lendemain ni sans l’aide de la coopération internationale. En attendant que des fonds soient mobilisés et que les premiers effets de la réforme de l’eau se fassent sentir, les populations continuent à s’organiser pour s’approvisionner en eau potable. Si Sawaco ne parvient pas à remplir leurs exigences, d’autres acteurs sont présents pour répondre à la demande sociale en eau, à des conditions tarifaires et de qualité certainement moins intéressantes, mais avec une disponibilité et une réactivité bien plus attractive pour les citadins : « Les défaillances du service public sont compensées par la multiplication des petits producteurs, transporteurs et enfin revendeurs d’eau privés.

[22] Build Operate Transfer. [23] Build Operate Own.

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Première partie

Ils se révèlent des opérateurs dynamiques, capables de diversifier leurs stratégies et d’occuper tous les segments laissés vacants par les acteurs officiels. C’est pourquoi leur poids en termes de couverture est souvent inversement proportionnel aux performances des concessionnaires officiels. » (Renard, 2000, p. 10).

1.2.3. Les acteurs du secteur informel de l’eau Sans entrer dans une typologie détaillée et documentée des acteurs informels de l’eau à HCMV, il est néanmoins possible d’identifier des pratiques et des acteurs assez communément présents dans les grandes métropoles du Sud : des pratiques individualistes (à l’échelle du ménage) aux pratiques communautaires (à l’échelle du quartier), des pratiques d’échange (ou de don) aux pratiques marchandes (de voisinage ou de petits négoces privés). La réalité des pratiques citadines liées à l’eau à HCMV prend bien évidemment la forme d’un panachage des différentes modalités existantes. Différentes figures caractéristiques des pratiques sociales se développent ainsi dans les interstices du service public officiel : achat à un petit revendeur ou porteur d’eau, don ou échange de voisinage, usage ou revente d’eau issue de puits privés, de puits collectifs, fraude individuelle ou collective sur le réseau principal, multiplication de canalisations souples (« spaghetti ») à l’échelle d’un quartier, connexion domiciliaire à un entrepreneur de mini-réseau d’eau, etc. Cependant, comme en témoignent certains acteurs ayant participé à des projets urbains dans l’agglomération d’HCMV, il existe peu de données sur les POP du secteur de l’eau dans la région de l’A sie du Sud-Est : “Evidence suggests that a large percentage of poor urban populations have still no access to water and sanitation services from water utilities despite actual improvement in this sector. Many surveys done in Africa and Latin America have demonstrated that a significant number of urban population are served by SSIPWP (Small Scale [Independent Private] Water Providers), who provide a competitive and appropriate service to households without access to utility connection. In Asia, only few data for some cities are available, and there is little knowledge of the role played by SSIPWP for water supply, in particular to urban poor.” (Conan, 2003, p. 1). De plus, il semble relativement compliqué d’obtenir des informations détaillées sur l’organisation du secteur informel de l’eau à HCMV. Même si l’informel est partout présent et « visible », son évaluation et sa description demeurent complexes. « Il existe peut-être des opérateurs informels [de mini-réseaux] mais c’est assez compliqué. Au Vietnam, c’est très quadrillé, il y a des gens des comités populaires partout ...surtout pour une activité de service public ...tu ne [ pouvais ] pas distribuer d’eau et ne pas être vu à HCM à l’époque, tu avais beaucoup de reventes d’eau entre particuliers qui étendaient le réseau (de Sawaco). » (consultant ADB, novembre 2008).

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Première partie

« [ À l’occasion d’un projet dans le quartier ] il est difficile de savoir avec exactitude comment les habitants du quartier de Cat Lai dans le district 2 s’approvisionnent en eau car certains emploient des méthodes illégales. Il semble par exemple que certains pompent de l’eau dans la nappe souterraine (peu profonde) et la revendent aux voisins à un prix élevé comprenant l’amortissement de la pompe et l’essence pour la faire fonctionner. D’autres sont reliés au réseau public mais n’ont pas de compteur individuel : une arrivée d’eau située dans la cour commune sert pour tous les habitants logés autour. D’autres encore ont une réserve d’eau de pluie dans leur jardin, sorte de marre de laquelle ils tirent l’eau pour leur quotidien. » (consultant VeT, novembre 2008).

Malgré la difficulté à identifier ou à évaluer les services d’eau informels à l’échelle de l’agglomération, quelques études – qui datent des années 1990 – ont toutefois proposé des résultats intéressants à l’échelle infra-urbaine (les quan ou quartiers), notamment à l’occasion de relevés de données dans le cadre de projets d’amélioration et d’aménagement des quartiers [24] . Ces études nous renseignent sur les « parts de marché » des revendeurs d’eau (revendeurs mobiles) – 14 % de la population du centre d’HCMV a recours aux services de revendeurs d’eau contre 26 % dans les districts périphériques de Binh Chanh ou Nha Be –, sur les niveaux de prix pratiqués par les revendeurs d’eau – de 3 à 20 fois le prix du m3 distribué par Sawaco – sur les montants que les ménages accordent aux dépenses d’eau – dans le district 1 : de 0 US$ pour les ménages ayant des puits privés jusqu’à 29 US$ par mois, avec une moyenne de dépense de 3,6 US$ par mois [25 ] –, ou encore sur les niveaux de prix relatifs entre les revendeurs d’eau, la revente de voisinage et le réseau officiel selon la localisation géographique – plus on s’éloigne en périphérie, plus les revendeurs alignent leurs prix sur les tarifs de la revente de voisinage [26 ] (Renard, 2000, p. 12). « Concernant les POP, parfois, ce ne sont même pas des sociétés, ce sont des familles qui ont assez d’argent pour exploiter de l’eau pour leur consommation et qui ont commencé à faire quelques partages avec des voisins. Sawaco n’autorise pas cette pratique, mais comme, à l’heure actuelle, on ne peut pas satisfaire la demande des clients, on ne peut pas prendre de mesures strictes. Je pense notamment à une

[24] Notamment à l’occasion de programmes d’amélioration des services urbains à HCMV : enquêtes effectuées par les travailleurs sociaux de Enda Vietnam dans différents quartiers, informations récoltées par des chercheurs vietnamiens (Université de géographie de HCMV, Département des Femmes de l’Université de HCMV), belges (Projet 415 de la coopération belge) ou suisses (École Polytechnique Fédérale de Lausanne – EPFL, Lasur), informations croisées issues des études des bailleurs, notamment de ADB. [25] « Si en moyenne pour les foyers raccordés au réseau, les dépenses d’eau ne représentent que 1,8 % du revenu familial, elles montent à 3,9 % pour les familles du vieux centre-ville s’approvisionnant auprès des revendeurs et à 6,4 % dans la périphérie de HCMV (où les prix sont élevés et les revenus des familles faibles). On dépasse alors le seuil de 5 % des revenus qui sert communément de référence pour apprécier l’accessibilité des services d’eau » (Renard, 2000, p.12). [26] Dans le centre, le prix de revente de voisinage est environ le double du prix payé par les usagers raccordés, et le prix pratiqué par les petits revendeurs le triple (soit environ 0,22 US$ par mètre cube pour le prix de voisinage contre 0,11 US$ pour les usagers de HCMWSC et 0,33 US$ pour l’achat auprès de petits revendeurs).

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Première partie

famille dans le 2 e arrondissement et dans la banlieue de Hoc Mon. Ils ont fait un forage avec un petit réseau domiciliaire. Ce sont des tuyaux en plastique de qualité très basse ; il n’y a pas de traitement pour l’eau de forage. Les forages sont de 20 à 30 m de profondeur. [... ] Dans le cas de familles exploitant l’eau, il n’y a pas d’accord avec le district non plus. Les autorités ferment les yeux parce que les réseaux n’arrivent pas encore dans ce quartier. » (Sawaco, novembre 2008). « Le grand chef d’orchestre c’est la Compagnie d’adduction d’eau municipale de HCMV auparavant publique qui, dans les dernières années, s’est privatisée en se subdivisant en plusieurs sous-compagnies. Ce grand opérateur opère en même temps sur l’eau de surface et l’eau souterraine. L’eau de surface exigeant un traitement avancé très coûteux, elle ne peut pas faire l’affaire des petits ni même des moyens qui se concentrent alors essentiellement sur l’eau souterraine. Pour diverses raisons, beaucoup de familles ne peuvent bénéficier directement de l’eau municipale et doivent recourir à ces petits ou moyens opérateurs soit en tant que petite communauté (mini réseaux d’adduction d’eau de quelques centaines de familles construits et parfois gérés par une moyenne entreprise d’État ou privée), soit en tant que famille individuelle ou, plus rarement, regroupement de quelques familles (petit forage familial construit par petits entrepreneurs, gérés par la famille). Il y a aussi des petits opérateurs non formels (non patentés). Je connais au moins un cas où l’individu se fait faire un forage pour sa propre consommation et revend l’eau à ses voisins pour se faire un petit bénéfice. Il y a également dans les quartiers pauvres et les endroits reculés des “seigneurs de l’eau” qui ont pu faire venir avec leur argent un adducteur municipal dans leur secteur et revendent l’eau après, sous diverses formes, aux familles pauvres des alentours à des prix qui dépendent de leur « âme sociale » (VeT a rencontré ce cas dans un projet passé au district 7). Le grand problème avec les POP est qu’ils font des forages bon marché et donc irresponsables vis-à-vis de la nappe exploitée, ce qui mène à la pollution de la nappe. Leur business demande un investissement si modeste qu’ils prolifèrent et l’État a du mal à les contrôler. » (consultant VeT, novembre 2008).

Outre cette configuration « classique » de l’organisation multiforme des services urbains d’eau, apparaît dès le début des années 2000, une figure nouvelle d’opérateur : à mi-chemin entre le petit revendeur privé et l’opérateur officiel du réseau urbain : le petit entrepreneur privé (POP) proposant une desserte domiciliaire via un réseau de taille petite à moyenne alimenté par une source indépendante (forage). Son offre constitue une véritable alternative aux services de Sawaco dans des zones urbaines nouvelles et non encore desservies, comparable en termes de qualité et quasiment comparable en termes de prix. C’est cette figure du POP qui nous intéresse tout particulièrement dans cette étude, dans la mesure où il constitue une innovation sectorielle forte (des services informels de qualité) à l’heure où, dans la droite lignée des OMD, les gouvernants cherchent à mobiliser des « leviers » pour l’accès de tous à des services de qualité.

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Première partie

L’émergence de ces nouveaux acteurs s’est faite de manière quasi simultanée sur le plan physique (constitution de ces entités) et sur le plan politique (émergence concomitante comme problème politique et comme solution partielle et temporaire aux difficultés de l’opérateur principal). Cette phase d’émergence a été particulièrement bien documentée puisque, dès leurs balbutiements, les POP ont suscité l’intérêt des bailleurs (notamment la BAsD) qui ont cherché à analyser et accompagner le processus, mais également l’intérêt des pouvoirs publics (et de l’opérateur) qui, à l’époque, ont vu dans ces nouveaux acteurs des relais intéressants pour étendre la desserte en réseau, tout du moins dans le court et moyen terme. Cet intérêt a très rapidement, et assez étonnamment, pris la forme d’un accord institutionnalisé entre Sawaco (encore appelée HCMWSC) et les petits opérateurs, avalisé par le Comité populaire de Hô Chi Minh [27 ]. Cet accord appelé « programme de socialisation », en référence aux lois incitant aux processus de socialisation (« privatisation ») dans les services urbains au milieu des années 1990 [28 ], a donc marqué l’« entrée » des POP sur la scène officielle des acteurs de l’eau d’Hô Chi Minh Ville. « J’ai eu la chance de participer au « programme de socialisation » des services d’eau à HCMV. On l’appelle comme ça parce que le terme de « privatisation » n’est pas très favorable au Vietnam. Par « socialisation », on entend la chose suivante : au lieu de laisser travailler seulement les compagnies gouvernementales, on autorise aussi d’autres organisations sociales à participer. » (Sawaco, novembre 2008).

Précisons à ce stade que le « programme de socialisation » mis en place à HCMV et visant à « inviter » les POP à contribuer aux objectifs d’universalisation des services d’eau constitue l’une des déclinaisons possibles de la politique générale de socialisation (autrement dit de désengagement de l’État) ayant vocation à être saisie et déclinée par chaque province vietnamienne. Il s’agit là d’une déclinaison « technique » de la politique de socialisation, visant à repérer d’autres opérateurs capables de relever le défi opérationnel d’amélioration des services. Comme nous l’analyserons ultérieurement, HCMV a ensuite fait le choix d’une déclinaison « financière » de cette politique générale de socialisation en cherchant, cette fois, non plus de nouveaux opérateurs mais de nouveaux investisseurs intéressés à participer au financemen t du secteur. Cette première déclinaison « technique », propre à HCMV, de la politique nationale de socialisation visant à instaurer une coopération entre opérateur officiel et opérateurs informels ayant été nommée « programme de socialisation », cela peut parfois

[27] Voir le texte de cet accord in extenso (version définitive avant signature) en annexe 2. [28] Nous reviendrons plus en détail sur les réformes du secteur de l’eau en deuxième partie de cette étude.

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Première partie

mener à certaines confusions puisqu’elle ne constitue que l’un des aspects d’une politique générale éponyme. Afin de bien distinguer les deux niveaux de politique publique, nous évoquerons distinctement la « politique » de socialisation (cadre général de politique publique défini à l’échelle nationale) et le « programme » de socialisation (première déclinaison « technique » de cette politique à HCMV en 2001).

Graphique

1

Politique nationale de socialisation Politique nationale de socialisation

Déclinaisons locales de la politique de socialisation à Tien Giang... 1

Déclinaison “technique” = coopération avec les petits opérateurs “programme de socialisation”

2

Déclinaison “financière” = actionnarisation des sociétés d’eau ouverture du capital à de nouveaux acteurs

à HCMC ... Autres provinces... Source : élaboration par les auteurs.

Le programme de socialisation constitue le marqueur d’une double innovation sectorielle structurante : d’une part, parce qu’il prend acte de l’existence d’acteurs « hors champ », « spontanés », et leur permet d’intégrer le cadre de régulation officiel (à certaines conditions que nous détaillons ci-après), et d’autre part parce qu’il fait preuve d’une grande modernité : en effet, cette légitimation ou officialisation a lieu dès le début des années 2000 [29], très rapidement après l’énoncé des OMD, c’est-à-dire bien avant que la question de la place des POP dans le champ de la gouvernance urbaine ne devienne ne serait-ce qu’un problème politique dans d’autres contextes [30]. Un consultant pour la BAsD nous présente l’innovation que constitue cet accord : « L’idée était de dire : j’ai un réseau qui est présent sur une zone donnée de la ville et je vais définir des zones d’extension progressive d’après mon plan et, en fonction de la proximité ou non du réseau, je pourrai subventionner le petit opérateur si je ne suis présent que dans 5 ans dans un endroit - 5 ans ce n’est pas long pour une [29] Sur demande de Sawaco, les premières discussions au Comité populaire d’HCMV ont lieu fin 2001, l’accord est définitivement signé en 2003. Dès 2002, le projet pilote est lancé avec la société Hiep An. [30] Voir notamment les réflexions développées autour de l’exemple de Maputo (Mozambique) où l’émergence des POP n’est devenue problème politique qu’avec l’explosion du phénomène à l’échelle de l’agglomération.

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Première partie

société mais c’est long pour celui qui attend le réseau ! Le problème c’est que le petit investisseur, s’il sait qu’il ne doit faire un investissement que pour 5 ans, va faire un investissement au rabais, un service au raz des pâquerettes. Peut-être pourrais-je le subventionner pour qu’il fasse un réseau que je pourrai reprendre ? Plutôt que de le laisser développer un réseau et un service de mauvaise qualité que, de toute façon, on devra balancer, et puisque je signe quelque chose de formel, peut-être ai-je intérêt à cofinancer l’investissement et à imposer les standards qui seront les tuyaux sur lesquels je pourrai venir me raccorder demain et ne pas avoir à faire un double investissement. Et plus je m’éloigne du cœur du réseau, moins je peux avoir d’exigences. Selon les délais que je vais lui accorder pour rentabiliser son investissement, je ne peux pas avoir le même niveau d’exigence avec le POP. Plus je lui laisse de temps, plus je peux être exigeant et lui dire « vous avez 15 ans, le service doit être de qualité » sans lui demander le tuyau référence ISO, etc., et sans subvention. Celui qui est près du réseau, si je ne le subventionne pas, il va nécessairement proposer un service pitoyable, ce qui n’est pas dans mon intérêt d’opérateur. » (consultant ADB, novembre 2005).

Encadré

5

Principes du programme de socialisation à HCMV

Le « programme de socialisation » de HCMV vise à faciliter l’investissement de compagnies locales du secteur de l’eau pour : 1. augmenter la production d’eau ; 2. améliorer le niveau de service dans les zones non encore desservies par l’opérateur principal ; 3. réhabiliter le réseau d’eau dans les zones où les taux de fuite sont importants. Les zones concernées seront sélectionnées par les autorités locales (département des Travaux publics, département du Plan et de l’Investissement, comités populaires à l’échelle des districts) et les spécifications et normes techniques seront définies par l’opérateur principal. La régulation visera à définir : 1. les différents types d’investissement ; 2. la procédure de sélection des investisseurs dans le cadre d’appels d’offre ; 3. les droits (développement de leur propre business plan) et responsabilités (eau potabilisée, standards techniques, suivi assuré par les autorités locales) des investisseurs ; 4. le processus de reprise par l’opérateur principal à l’issue du contrat de délégation (5 ans renouvelables une fois) ou lorsque la zone est desservie par l’opérateur principal. > La régulation ne prévoit pas spécifiquement de technologies à faible coût adaptées à une approche orientée pro-pauvres. > Les POP doivent assurer les mêmes normes techniques que l’opérateur principal. Source : Conan et al., 2003.

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Première partie

« Il est possible pour des sociétés d’eau de ne pas s’enregistrer dans le programme de socialisation mais dans ce cas-là, Sawaco ne rachète pas les quantités d’eau en extra. Elles doivent s’enregistrer auprès du DPI (département de l’Investissement et du Plan) de HCMV. Le DPI accorde l’autorisation pour ouvrir un établissement et puis elles doivent s’enregistrer auprès du DOT (département du Transport) si elles souhaitent avoir des supports pour l’activité, pour la recherche du terrain, des allègements de taxes, etc. Les normes sont fixées par le département de la Santé. Il existe aussi une licence d’exploitation d’eau souterraine avec le département de l’Environnement. [...] À terme, soit ils [les POP] disparaissent, soit ils s’inscrivent dans le programme de socialisation pour que Sawaco rachète leurs actifs. Peu de compagnies veulent s’enregistrer auprès de nous parce que nous demandons des normes pour la qualité de l’eau, des normes pour les systèmes d’adduction d’eau. » (Sawaco, novembre 2008).

Parallèlement, en 2001, la BAsD définit à Manille sa nouvelle politique pour l’eau [31] et crée dans la foulée le Cooperation Fund of the Water Sector , fonds destiné à financer des études et projets pilotes pour la mise en place de sa nouvelle politique de l’eau. Dans ce cadre, le projet d’assistance technique n o 6031 (« Promoting Effective Water Management Policies ») prévoit un volet « Small Scale (Independant Private) Water Providers » (SSIPWP) afin d’explorer les modalités de contribution des POP aux nouveaux défis posés par les OMD. Ainsi, les études menées par des consultants locaux dans huit villes asiatiques ont contribué à améliorer les connaissances – jusquelà assez maigres – sur le rôle des petits opérateurs de l’eau dans la région. L’étude sur HCMV permet, pour la première fois, de mettre en évidence la figure émergente des « petits entrepreneurs privés de réseaux d’eau » (les « pioneers ») et fournit quelques données sur les modes d’approvisionnement en eau à HCMV et sur le profil des POP à HCMV.

Tableau

2

Différents modes d’approvisionnement en eau des ménages de HCMV Réseau principal

45 %

Puits privés

35 %

POP

20 % 100 %

Source : Conan, 2004.

[31] ADB (2001), Water for all: The Water Policy of the Asian Development Bank, ADB, Manila.

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Première partie

Tableau

3

Profil des POP à HCMV Petits réseaux privés (desserte domiciliaire)

12 %

Revendeurs /Porteurs d’eau

65 %

Revente par camion citerne

33 %

Source : Conan, 2003.

100 %

Elle conclut également au grand intérêt qu’ils suscitent, en comparaison avec les autres profils de POP, pour une contribution effective à l’amélioration de la qualité de service et de la desserte en eau à l’échelle d’une grande agglomération : “ Pioneers have a mid to long term strategy, based on a significant initial capital investment ranging from $5,000 to 100,000. This investment can include water production, setting and a pipe network or buying a truck and it is generally done with little guarantees, which makes it a risky investment. The analysis of the business plans provided by the pioneers of the study show that their amortization period varies from 3 years to more than 10 years. Their monthly net profit ranges from $200 to 500/month which is similar to the income of their customers. The range of tariff charged by SSIPWP ranges from $0.2 to 3.5 per m 3. The tariffs charged by SSIPWP in Hô Chi Minh City are significantly lower than in other cities, which reflects the general trend observed in the study. Pioneers who provide the higher level of service and that better meet the consumers' expectations, charge a tariff lower than that charged by other SSIPWP that provide a lower level of service. In the different cities where they emerged, their tariff is from $0.22 to 0.86/m 3. In Hô Chi Minh City there are SSIPWP that have invested $80,000 to produce and treat water to be distributed to 400 households through a house connection.” (Conan, 2003). La Banque asiatique de développement, après avoir commandé une synthèse des études menées sur les POP dans huit villes asiatiques (Conan, 2003, 2004), entreprend alors l’exploration de trois contextes pour trouver des expériences émergentes à accompagner et lancer des projets pilotes : l’Inde, les Philippines et le Vietnam. « Ce qui est vrai c’est que dans les différentes villes qu’on a rencontrées au Vietnam, le seul opérateur qui avait une idée très claire du rôle des petits opérateurs c’était celui d’HCMV [Sawaco]. Il partait du principe que, si lui ne pouvait pas desservir, ou pas avant longtemps, et que quelqu’un d’autre pouvait desservir de l’eau à sa place à un coût correct qu’il pouvait contrôler, alors il ne voyait pas pourquoi il s’embêterait à faire un investissement que quelqu’un d’autre était prêt à faire à ses propres frais ! À l’époque, quand on discutait avec les gens d’HCMV, c’était ceux qui étaient les plus proches de ce schéma là ... Les avancées dans la discussion étaient permises car

34 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Première partie

ils avaient déjà fait le pas de contractualiser, les projets pilotes n’étaient pas montés dans la discrétion, il y avait des accords. Sawaco était dans cette idée d’aller plus loin avec d’autres acteurs sur des zones non desservies. » (consultant ADB, novembre 2008). « Le programme de socialisation à HCMV date de 2003. Nous sommes les premiers à avoir adopté ce programme, régulé par le Comité populaire d’HCMV. Nous avons obtenu la décision en 2003 promulguée par le Comité nous autorisant à réaliser ce programme. [... ] La décision de la ville vient d’une proposition de Sawaco. [ ...] Comme on est responsable sur toute la ville et comme à cette période on avait des contraintes financières, on ne pouvait pas investir dans les zones lointaines, on pensait que c’était profitable si des personnes souhaitaient investir et que nous étions en accord avec elles pour les accompagner. Premièrement, on a reçu des signaux de clients qui pouvaient investir et qui voulaient avoir de l’eau et deuxièmement, la ville de HCMV était assez ouverte en ce temps là pour accepter ce concept. Dans d’autres provinces du Vietnam c’est toujours interdit que le secteur privé participe dans le secteur de l’eau. » (Sawaco, novembre 2008).

Précisons à ce stade une particularité vietnamienne qui s’est révélée particulièrement structurante à plusieurs étapes du déroulement de cette étude. Comme cela a été étudié par certains auteurs, pour une part importante des fonctionnaires vietnamiens seul le cumul de plusieurs activités permet d’atteindre des revenus suffisants pour vivre en milieu métropolitain. Les individus ont donc parallèlement à leur poste officiel des occupations secondaires qui sont parfois plus rémunératrices (Henaff, 2001 ; Wust et al. , 2004). Ce phénomène a, d’une part, une incidence sur la qualité technique des infrastructures proposées par les POP : « La grande différence [du Vietnam] par rapport au Cambodge est que quand quelqu’un veut investir dans une station de traitement au Vietnam, il a facilement à sa disposition des universitaires, des ingénieurs, etc., des vraies compétences techniques ! Dans certaines universités, les profs ont leur laboratoire et interviennent aussi à titre privé – parfois avec leur carte d’universitaire – très clairement pour faire du business. In fine , ils font un design très bien, une station d’une certaine capacité. » (AFD Cambodge, novembre 2008).

Mais il a également une incidence sur les entrelacements institutionnels, sur la constitution de réseaux des politiques publiques et la multiplication du nombre de « médiateurs », puisque les doubles ou triples appartenances institutionnelles sont pratique courante dans le Vietnam du Doi Moi . Ainsi, la consultante locale employée dans le cadre du programme de la BAsD se trouvait également être, entre autres fonctions, responsable chez Sawaco du « programme de socialisation ». Cela a très certainement facilité les discussions entre le bailleur et l’opérateur au moment du choix des sites pour le programme de la BAsD.

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Première partie

« On avait mené en 2003 deux études de cas. Ces études ADB n’avaient pas été demandées par Sawaco mais M me D., qui travaillait chez l’opérateur (HCMWSC à l’époque), avait présenté les résultats au sommet de Kyoto en 2003. Elle représentait Sawaco. On avait aussi mobilisé une consultante vietnamienne pour Kyoto. » (consultant ADB, novembre 2008).

Deux entreprises avaient alors été identifiées pour porter des projets pilotes potentiels dans le cadre du programme de la BAsD : d’une part, Hiep An, une société de production et de distribution d’eau dans le district 8 (quartier 5), ayant signé dès 2002 l’accord pour intégrer le programme de socialisation avec Sawaco.

Encadré

6

Hiep An

La société Hiep An se situe dans le district 8, quartier 5, une zone urbaine ancienne dont la croissance n’est pas très élevée. Les habitants sont de classes moyennes à pauvres. À l’origine, il s’agit d’une société d’investissement en infrastructure (construction) qui a construit des lots de maisons et a investi dans un système de production (forage) et de distribution d’eau pour ses maisons et pour les alentours. L’eau est distribuée 24h/24h et la capacité du système est de 1000 m3/j. (mais seulement 130 m3/j. sont produits en 2003). Le nombre d’usagers à connecter serait d’environ 1 000 mais, en 2003, seulement 100 foyers sont connectés. Le système technique consiste en un forage de 210 m de profondeur. Le traitement de l’eau se fait par aération, sédimentation et filtration. Le prix de l’eau est de 3 500 VND/m3 (0,23 US$). Le coût d’une connexion domiciliaire (avec compteur et installation) est de 2 millions (M) de VND (133 US$). La société a contractualisé pour trois ans avec Sawaco (programme de socialisation) et lui revend une partie de sa production en eau à 2 200 VND/m 3 (0,15 US$/m3). Source : notes des consultants locaux pour la BAsD en 2003.

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Première partie

D’autre part, Phuc Doan, une société de production et de distribution d’eau (en réseau et en bouteille) opérant dans le district 12 (quartier 3) se développe en dehors de tout cadre réglementaire avec l’opérateur officiel.

Encadré

7

Phuc Doan

La société Phuc Doan est implantée dans le district 12, zone encore rurale en 2003 mais dont la croissance urbaine promet d’être importante dans les années suivantes. L’investisseur ne connaît pas le secteur de l’eau au moment de la création de l’entreprise (il a investi dans le textile) mais pense qu’il y a des bonnes opportunités de développement économique dans ce secteur et dans cette zone. Il crée donc Phuc Doan qui produit et distribue de l’eau potable dans le quartier et commercialise également l’eau en bouteille. La capacité du système est de 720 m3/j mais seulement 100 m 3/j sont distribués en 2003. Le système devrait permettre environ 2 000 connexions mais seulement 400 ont été demandées jusque-là. L’entrepreneur compte sur une hausse significative de la demande dans les années à venir. Son activité de production d’eau en bouteille est soumise à une forte concurrence et n’est pas très rentable (il produit 10 m 3/j pour une marge bénéficiaire de 200 VND (0,01 US$) par bouteille de 0,5 litre. Le système technique consiste en un forage. Il n’y a pas de château d’eau. Le traitement de l’eau se fait par aération, sédimentation et filtration. Le prix de l’eau est de 3 300 VND/m3 (0,22 US$). Le coût d’une connexion domiciliaire est de 500 000 VND (33 US$). La société n’a pas de licence et n’a pas signé avec Sawaco. Il est probable qu’elle soit rachetée dans quelques années. Source : notes des consultants locaux pour la BAsD en 2003.

37 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Première partie

Les projets pilotes promettaient des résultats intéressants au vu des premiers résultats d’analyse proposés à la BAsD par les consultants.

Tableau Éléments du tarif

4

Comparaison de l’offre tarifaire Sawaco /POP (en VND) Sawaco (HCMWSC)

Pratiqué Tarif par bloc

Oui

Tarif social <4 m 3/h/d

Oui

Tarif forfaitaire x m 3/m

Non

Hiep An

Volume

Pratiqué

Volume

Oui 1 700/m 3

Oui

Pratiqué

3 000/m 3

Non Non

3 500 >4 m3/h/m

3 300

Abonnement mensuel

Non

Non

Non

Location du compteur

Non

Non

Non

Taxes

Oui

Coût de raccordement du foyer

5% 500 000 Compteur seulement

Volume

Non

Non 2 500 4à 6 m 3/h/m

Tarif 1

Phuc Doan

Oui

5% 2M Compteur+ canalisation

Oui

5% 500 000 Compteur+ canalisation

Source : notes des consultants locaux pour la BAsD en 2003.

En effet, alors qu’il est fréquent de constater un grand décalage entre l’offre tarifaire et en service de l’opérateur principal (plus avantageuse) et des POP, dans le cas d’HCMV, on constate, au vu des pratiques des deux petits opérateurs pilotes choisis par la BAsD, que l’écart n’est pas si substantiel, qu’il s’agisse des tarifs (niveaux, tarifs par blocs, tarifs sociaux, etc.) ou des coûts de connexion. Ce résultat se révèle extrêmement encourageant dans la perspective d’une mise en place de « relais » de l’opérateur principal par des POP visant à améliorer la desserte en service dans l’agglomération. Ce constat très prometteur est diamétralement opposé aux nombreuses études qui concluent à la cherté des services du petit secteur privé,

38 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Première partie

plaçant ainsi les habitants des périphéries et les populations pauvres en situation de « devoir payer plus » que les citadins du centre-ville, alors même qu’ils disposent de revenus plus modestes. Entre l’institutionnalisation du statut des POP informels, la contractualisation de leurs activités avec l’opérateur et les pouvoirs publics, et des niveaux de service et de tarif comparables à ceux de l’opérateur principal, en 2003, la situation des services d’eau à HCMV pouvait susciter des expectatives de taille en matière d’accès de tous à des services urbains de qualité. Qu’en est-il cinq ans plus tard ?

39 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam



Deuxième partie



2. L’abandon progressif de l’accompagnement des POP en milieu urbain (2002-2008) Afin de suivre les évolutions du programme de socialisation de 2002 et des projets pilotes engagés par la BAsD en 2003, une mission de terrain a été organisée en novembre 2008, dans le cadre de la présente étude [32 ] . Les résultats en ont été assez décevants et pour le moins étonnants au vu des débuts prometteurs du processus quelques cinq années auparavant . … Certes, les POP identifiés en 2003 ont poursuivi leurs activités et nous avons pu effectuer une actualisation de leur situation à l’occasion de leur rencontre. En revanche, pour diverses raisons que nous décrirons en détail dans cette deuxième partie, le programme de socialisation a été coupé dans son élan et ne s’est pas étendu à d’autres acteurs. Les appels d’offres prévus pour la délégation des services à des petits opérateurs de l’agglomération n’ont finalement jamais été lancés et, hormis les sociétés qui avaient été identifiées pour les projets pilotes par la BAsD, aucun (ou très peu) des petits opérateurs de réseaux ne s’est lancé dans le secteur de l’eau depuis 2002.

2.1. La rémanence de quelques POP « vestiges » du programme de socialisation Le relevé et l’identification des POP opérant dans l’agglomération de HCMV ne se sont pas avérés des tâches simples. D’une part, leur nombre réduit a rendu quasi impossible l’organisation de visites de terrain « au hasard des quartiers », et, d’autre part, aucune institution n’assure de suivi ou de contrôle des petits opérateurs, même pour ceux ayant signé l’accord pour intégrer le programme de socialisation.

[32] Mission réalisée par Sarah Botton (post-doctorante au LPED-IRD) du 3 au 28 novembre 2008, accompagnée par Aymeric Blanc (département de la Recherche, AFD) du 14 au 20 novembre 2008. Le travail de terrain a consisté en une série d’entretiens semi-directifs avec les principaux acteurs concernés par la problématique (voir liste en annexe 1).

43 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Deuxième partie

« Vous aurez une tâche très dure puisque nous n’avons pas de données sur ces sociétés. Je ne pense pas qu’il existe des autorités à HCMV disposant de données. Pour faire une investigation, il faudra aller sur place. Et essayer de collecter les informations. Il sera difficile d’établir les contacts, moi-même je ne connais pas toutes ces sociétés. » (Sawaco, novembre 2008).

Cependant, le récit du développement du programme de socialisation par la directrice adjointe de Sawaco a permis, malgré tout, d’obtenir les références de certaines sociétés et de retrouver, parmi elles, les sociétés pilotes qui avaient été choisies par la BAsD. « On a commencé avec une société Hiep An qui a été établie en 2002 pour des travaux de construction mais qui a plus tard intégré les services en eau dans notre programme de socialisation. [...] Il y aussi une autre société Hang Hai depuis 2004. Cette compagnie exploite l’eau souterraine mais ne la distribue pas. Elle ne fait que revendre (1 200 m 3/j ) C’est aussi dans le 8 e arrondissement. Seules ces deux sociétés du programme de socialisation ont pu survivre jusqu’ici. Une autre société, Hoang Lien a dû arrêter la production au bout de deux mois (en novembre 2006). Ils ont eu des problèmes avec le traitement de l’eau de surface (turbidité très haute). Ils sont dans la banlieue de Bin Tanh. On est en train d’arrêter le contrat avec eux. » (Sawaco, novembre 2008).

Par ailleurs, le fait que la responsable du programme de socialisation chez Sawaco ait également travaillé comme consultante indépendante pour le compte de la BAsD lui assure une connaissance plus précise du terrain, au-delà de son mandat de fonctionnaire et, de ce fait, lui confère un statut de « médiateur » particulièrement intéressant dans le cadre de la recherche d’informations de ce type. Nous avons donc pu obtenir quelques références supplémentaires : « Il est possible pour des sociétés d’eau de ne pas s’enregistrer dans le programme de socialisation. [... ] Par exemple dans le cas de Phuc Doan, c’est une compagnie qui produit de l’eau en bouteille et qui a aussi un petit système de distribution d’eau pour le quartier alentour mais elle n’est pas enregistrée auprès de Sawaco ni du DOT. [... ] Je connais aussi une autre société qui a essayé de dessaler l’eau (Phuong Nam Long). Elle a investi beaucoup d’argent pour construire l’usine de dessalination mais après, elle n’a pas pu vendre l’eau parce que c’était trop cher. [... ] Cette usine s’est arrêtée [33]. [... ] Parfois, ce ne sont même pas des sociétés, ce sont des familles qui ont assez d’argent pour exploiter de l’eau pour leur consommation et qui ont commencé à faire quelques partages avec des voisins. [... ] Je pense notamment à une famille dans le 2 e arrondissement et dans la banlieue de Hoc Mon. Ils ont fait un forage avec un petit réseau domiciliaire. Ce sont des tuyaux en plastique de qualité très basse ; il n’y a pas de traitement pour l’eau de forage. » (Sawaco, novembre 2008). [33] Voir entretien no 3 dans l’annexe 3.

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Deuxième partie

Le bilan du programme de socialisation est donc très décevant : seulement trois entreprises ont signé l’accord, l’une d’entre elles a fait faillite (Hoang Lien), une autre ne fait que produire de l’eau qu’elle revend à Sawaco (Hang Hai), enfin, la dernière, qui produit et distribue de l’eau, est l’entreprise qui avait déjà été identifiée pour le projet pilote dès 2002 (Hiep An). Au vu de tels résultats, on pourrait légitimement se demander si la dynamique de développement des POP du secteur de l’eau ne se produit pas en dehors du cadre proposé par le programme de socialisation. Mais cette piste-là non plus ne semble pas se confirmer : il semblerait, au contraire, que le nombre d’opérateurs privés de petits réseaux (hors programme de socialisation) soit aussi très réduit. D’après la responsable de Sawaco, on compterait en tout moins de dix opérateurs (ayant signé ou non le programme de socialisation) dans l’agglomération [34] . Malgré ce contexte peu enthousiasmant, les activités des quelques POP de HCMV ont eu plutôt tendance à bien se développer ces dernières années et leur équilibre économique semble assuré, qu’ils soient ou non partie intégrante du programme de socialisation[35]. Leurs tarifs, comme pour les Compagnies d’eau provinciales (CEs), demeurent sous l’autorité des comités populaires, même dans un cadre informel [36 ,] et restent relativement peu élevés. Les POP ayant intégré le programme de socialisation développent leurs activités de manière relativement autonome vis-à-vis de Sawaco, dont le rôle se limite, le cas échant, à encadrer les normes techniques, s’assurer de la qualité de l’eau et négocier le tarif de la revente en bloc. L’opérateur principal n’exerce aucun type de suivi comptable, commercial ou financier de la gestion des POP. À HCMV, la situation est donc finalement bien éloignée d’une régulation intégrée du secteur de l’eau qui permettrait aux autorités publiques et à l’opérateur principal d’adopter une stratégie planificatrice et inclusive. Seule la poigne de fer que les comités populaires exercent sur la fixation des niveaux de tarifs (très bas) semble constituer le point commun des gestions publiques et privées à l’échelle de l’agglomération, de même qu’elle constitue le principal point d’achoppement pour les opérateurs, les investisseurs et les bailleurs désireux de contribuer à l’amélioration des services d’eau de la ville. Comment en est-on arrivé à une telle situation alors que – chose rare – l’économique et le politique étaient tous les deux au rendezvous au service du social, quelques années auparavant ? Comment explique-t-on le [34] Si l’on s’en tient aux opérateurs ayant des standards « professionnels » (forage industriel, etc.). Viennent s’y ajouter une série de petits opérateurs informels (évoqués précédemment : familles ayant un forage dans leur jardin et distribuant l’eau alentour, etc.) à propos desquels il est difficile d’obtenir des informations numériques précises. [35] Voir, en annexe 3, le détail des résultats gestionnaires et des dispositifs techniques pour chacun d’eux. [36] Autorisation d’exercice de l’activité contre encadrement des tarifs (maintenus bas) et « enveloppes » distribuées à certaines personnalités proches des comités populaires. À propos des situations de régulation/corruption, voir le cas de Phuc Doan, hors programme de socialisation (voir annexe 3).

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fait que le programme de socialisation ait périclité de cette manière et n’ait pas suscité l’intérêt de nouveaux candidats ?

2.2. La lente agonie du programme de socialisation Le programme de socialisation a fait long feu. Son échec, ou plutôt sa déréalisation, pour reprendre l’expression consacrée au projet Aramis (Latour, 1992) nous rappelle, d’une part, le caractère éminemment fragile de la construction multi-acteurs d’une politique publique (Botton, 2008), et, d’autre part, l’incontournable composante aléatoire des projets – instruments de l’action publique – nécessairement pris entre volontarisme et indéterminisme (Pinson, 2004). Il nous invite donc, afin d’en comprendre les origines, à explorer les divers faisceaux d’explication qui s’offrent à nous. Malgré les résultats des analyses menées par la BAsD en 2003, il semblerait que le principal argument expliquant la faible adhésion des POP au programme de socialisation soit d’ordre économique. Si les candidats ne se sont pas bousculés pour signer le programme de socialisation, c’est avant tout, selon Sawaco, parce que le business de l’eau pour des POP n’est pas très attractif. Plus encore, leur survie dépendrait de leur seule garantie de revenu : le rachat de l’eau en bloc par Sawaco. « Le secteur privé est très faible à HCMV dans le secteur de l’eau. Sans les assistances techniques, ils ne peuvent pas survivre. Le tarif en eau est très très bas comparé aux coûts de production, c’est pour cela qu’ils ne font pas de profit. C’est surtout pour leur consommation qu’ils continuent cette activité et dans beaucoup de cas ils sont dans d’autres activités pour recouvrir les coûts. Ceux qui ont signé sans le rachat d’eau ne peuvent pas survivre. [...] Dès qu’ils signent le programme, on les aide en rachetant la capacité restante qu’ils ne peuvent pas distribuer. Nous rachetons en gros à un tarif inférieur au tarif abonné. » (Sawaco, novembre 2008).

Seulement, si cet argument nous a d’abord semblé proposer une voie de réponse satisfaisante, il a très vite été mis à mal par la mise en évidence, d’une part, de contradictions issues des pratiques des POP – si la difficulté majeure est de rentabiliser l’activité des POP, comment expliquer alors que Phuc Doan soit bénéficiaire alors qu’elle ne revend pas ses excédents de production à Sawaco et qu’elle a même renoncé à la vente d’eau en bouteille pour se consacrer au segment rentable de son activité : la distribution d’eau domiciliaire ? – et d’autre part, par la mise en évidence d’autres registres de justification (issus d’entretiens complémentaires), nettement plus compliqués à mettre en avant pour Sawaco : « HCMV a dit ‘oui’ mais on n’a jamais pu démarrer l’étude ! Il y avait un refus de Sawaco et de la ville d’accepter que quelqu’un d’autre puisse assurer le service à leur place. [...] Ils avaient un vrai problème pour accepter qu’il puisse y avoir des opérateurs

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privés sur leur territoire. C’était un peu refuser de voir la vérité. Cette étude, c’était la suite de l’étude menée en 2002. [...] En 2006, le directeur général de Sawaco, qui était un des moteurs du développement de la société est décédé. Ils ont mis un an à le remplacer. [...] C’est une société qui était partie en flèche… et c’est là que l’on voit que le leadership compte. On peut mettre tout l’argent que l’on veut, si on n’a pas une tête, c’est très dur. » (consultant ADB, novembre 2008).

Il est en effet plus facile pour Sawaco d’expliquer l’échec du programme de socialisation par la faible attractivité économique du secteur de l’eau pour les POP à HCMV que par un revirement de stratégie politique de l’opérateur, qui choisit de négliger des options avancées et négociées antérieurement. Le rôle structurant du leadership dans le redressement d’une société publique de l’eau n’est plus à démontrer (Blanc et Riès, 2007) ; cependant, les bouleversements à la direction de l’entreprise suffisent-ils à expliquer le changement d’attitude de Sawaco à l’égard des petits opérateurs ? Certes, l’« ouverture d’esprit » de l’opérateur et de la ville, qui avait été ressentie par les partenaires en 2002, semble avoir disparu quelques années après, mais, au changement de direction de l’entreprise, est venu s’ajouter un élément très structurant du contexte politique : la réforme des services publics vietnamiens, qui a entraîné le changement de statut de l’opérateur en 2005, et, dans la foulée, l’émission du décret 117 en juillet 2007, qui impose ce même changement de statut à tous les opérateurs publics à l’horizon 2010. Revenons brièvement sur les enjeux de cette réforme. Nous avons évoqué en première partie de cette étude la loi de 1995 de réforme des entreprises publiques et la politique de 1997 de « socialisation de l’éducation, de la santé, de la culture et du sport ». Pour les sociétés publiques d’eau, les réformes ont été plus tardives que dans les autres secteurs mais, étonnamment pour un tel secteur, alors qu’elles avaient été classées dans un premier temps « entreprises de service public », elles ont finalement rejoint le rang des « entreprises commerciales ». En effet, le décret 117 de juillet 2007 oblige toutes les entreprises publiques de l’eau à se constituer en sociétés commerciales à capitaux, d’une part, et à ouvrir leur capital aux agents économiques du secteur privé (pas nécessairement opérateurs d’eau) dans une logique de « socialisation », d’autre part. « Il y a eu un programme de réformes, des décrets ont été adoptés. Le principal sur l’eau potable est le décret 117 qui est passé en juillet 2007. Il concerne l’adduction d’eau potable, la planification, les investissements, il précise qui approuve quoi, etc. Il dit que les sociétés d’eau doivent être « actionnarisées » d’ici 2010, qu’elles doivent pouvoir lever des fonds du secteur privé, avec, à terme, l’idée de recouvrement des coûts, de capacité à financer les investissements, etc. On en est loin ! » (AFD Vietnam, novembre 2008).

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Outre les dérives et dangers potentiels de telles mesures politiques (écrémage des usagers, faillite de l’entreprise, etc.) que nous évoquerons ultérieurement, notons que certaines entreprises, à l’instar de Sawaco, n’ont pas attendu le décret d’application pour répondre à l’« esprit de la loi » de socialisation. L’entreprise a d’ores et déjà divisé son territoire de service en huit zones sur lesquelles huit « sociétés filles » exercent leur activité avec une certaine autonomie (49 % de leur capital est privé), six d’entre elles étant déjà passées au statut de sociétés d’affaires par action [37]. Ces filiales, « sociétés enfants », entrent donc en concurrence directe avec les quelques POP présents dans l’agglomération. « À vrai dire, nous n’appuyons plus vraiment la démarche du programme de socialisation parce que maintenant dans notre système on est en train d’« équitiser » (filialiser) nos branches. Dans le passé, on avait huit branches en tout, maintenant on a déjà « équitisé » six branches. Elles sont devenues des joint stock companies (compagnies par actions). Elles veulent garder leur terrain, elles ne veulent pas diviser [partager, nda] avec d’autres partenaires. Ce sont des « sociétés enfants ». Tout cela date de 2006. Maintenant, Sawaco est seulement la société mère de gestion et tous les services avec les clients, ce sont les sociétés par action. Cette filialisation va à l’encontre du programme de socialisation. Officiellement on n’arrête pas [le programme de socialisation] parce que c’est une stratégie de la ville, mais on ne le développe pas. Comme la décision est promulguée, on ne peut pas la retirer. » (Sawaco, novembre 2008).

Si le défaut d’attractivité du contexte d’HCMV pour les POP et le changement de direction chez Sawaco constituaient des explications claires mais non suffisantes pour comprendre l’abandon progressif du programme de socialisation, en revanche, la réforme de « filialisation » ou d’« actionnarisation » (equitization ) et la création de joint stock companies , sous-sociétés autonomes sur le plan financier, stratégique et gestionnaire, permettent certainement mieux d’analyser le coup de frein porté au processus d’accompagnement des POP à HCMV. Le programme de socialisation a été dépassé par la réforme d’actionnarisation. Progressivement, les quelques POP existants se voient entourés par les réseaux des filiales, promettant une négociation prochaine sur le rachat de leur infrastructures (et ainsi l’aboutissement du processus de contractualisation avec les POP). « Puisque Hiep An et Hang Hai sont déjà là, le seul fait est qu’ils ne peuvent plus étendre leurs réseaux, ils sont là c’est tout. [Dans cette zone], il s’agit d’une joint stock company commune pour le 5 e arrondissement, le 6 e, le 8 e et le 11 e, c’est la « Cholon joint stock company ». Dans le passé c’était uniquement les fonds de Sawaco [37] 49 % de leur capital appartient donc aux agents économiques du secteur privé (secteurs financier, bancaire, immobilier et industriel) et au personnel. Les 51 % restants demeurent dans le giron de Sawaco.

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et maintenant on vend les actions à d’autres compagnies industrielles. À Cholon, ce sont des banques locales, les grandes industries, des individus aussi. Sawaco reste majoritaire (51 %). La filialisation se fait progressivement, on a commencé à ouvrir le capital des trois premières filiales, puis des trois autres (six sur huit). C’est à ce momentlà [en 2006] que la HCMWSC est devenue Sawaco. L’expérience de socialisation est actuellement en cours de terminaison. [...] Si c’est nécessaire, nous rachèterons les actifs de ces POP. Pour l’instant ils ont un contrat qui leur garantit l’exclusivité sur leur zone. Leur tarif est différent du nôtre (un peu plus cher). Les deux réseaux sont adjacents. » ( Sawaco, novembre 2008).

À HCMV, les derniers vestiges du programme de socialisation (invitation de la « société » à participer aux services publics) sont donc, d’une part, les quelques POP isolés que nous avons identifiés dans le cadre de cette étude, et, d’autre part, les projets de BOO (anciennement des projets BOT ayant eux aussi connu un destin malheureux) concernant la construction des usines de traitement. « À long terme il n’y a que des projets de BOO et BOT qui survivent. [...] Peut-être avez-vous entendu parler du projet de BOT de la Lyonnaise des Eaux. Il n’a pas eu de succès. Il y a un consortium local qui a repris le projet en charge (sous forme de BOO) ; on l’appelle BOO Thu Duc. Il y a un autre projet de BOT avec Thames Water sur la rivière de Saigon, mais il a échoué aussi. [...] Les échecs sont circonstanciels, ils s’expliquent : pour Suez, c’est à cause des pertes dans les autres pays asiatiques, ils ont changé leur stratégie d’investissement et se sont retirés du projet. Pour Thames Water, c’est nous qui avons quitté le projet. Ce projet a été monté par notre compagnie et d’après les calculs, ce n’était pas très rentable du côté vietnamien donc on a payé une compensation aux investisseurs et on s’est retirés » (Sawaco, novembre 2008).

Progressivement, à HCMV, la politique de socialisation laisse la place à une politique d’actionnarisation, invitant, non pas d’autres opérateurs de l’eau à participer au financement et aux opérations du secteur – ce qui aurait permis de combiner les compétences pour accélérer l’amélioration des services –, mais, plus largement, d’autres secteurs économiques et financiers à « faire des affaires » en participant au capital de nouvelles sociétés « commerciales » de l’eau, accolant ainsi au secteur de l’eau (connu pour être peu rentable en phase d’extension des réseaux) tous les risques inhérents au monde des affaires. Le repositionnement de Sawaco à l’égard des POP relève donc davantage d’une logique financière (ne pas faire d’ombre aux nouvelles sociétés par actions) couplée à une logique politique (mettre en application, au plus tôt, les mesures politiques d’ouverture du secteur aux investisseurs privés), que d’une logique de service (penser les modalités d’amélioration de la desserte à HCMV). Ainsi, les bailleurs et chercheurs

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intéressés par la problématique des POP dans le secteur de l’eau ont-il dû renoncer au contexte urbain d’HCMV, qui leur fermait progressivement ses portes, pour suivre les évolutions d’une dynamique naissante, un peu plus au Sud en milieu rural. « Si vous vous intéressez à cette question, ce sera plus intéressant de regarder dans la province de Tien Giang (90 km au sud de HCMV), pour l’alimentation en eau rurale. Il y a au moins 90 opérateurs privés ! L’eau urbaine est gérée par des compagnies provinciales. Sur le territoire de HCMV, il y a moins de dix entreprises d’eau privées. Les formalités sont telles par rapport aux avantages que les entreprises ne demandent pas de licence. » (Sawaco, novembre 2008).

2.3. Le déplacement et le développement de la problématique des POP dans le delta du Mékong Premier signe du changement d’attitude de Sawaco à l’égard des POP, l’entreprise refuse, dès 2003, de poursuivre le programme de la BAsD sur les POP dans le secteur de l’eau (programme Inde, Philippines, Vietnam), alors même que des signaux très positifs avaient été envoyés les années précédentes. Suivant les conseils de la consultante locale [38] , la BAsD s’intéresse donc de plus près aux POP de la zone (rurale) du delta du Mékong : “The pilot project site in Vietnam was first selected in District 8 of Hô Chi Minh City but due to some constraints in the service area of the SSWP, the pilot has been moved to Tien Giang Province. On June 28, 2006, ADB accepted to change the pilot project site to Tan Huong&Tan Ly Tay Communes, Chau Thanh Suburb, Tien Giang Province, which got the non-objection clearance from the State Bank of Vietnam on July 20, 2006” (ADB, 2008 b , p.3). « On avait pris HCMV comme exemple. HCMV a dit ‘oui’ mais on n’a jamais pu démarrer l’étude. [...] Devant leur refus, on est allés à Tien Giang. Ce projet s’est très bien passé. On est en train de monter un JFPR (Japan Found for Poverty Reduction) pour monter un projet sur toute la province en 2009. » (consultant ADB, novembre 2008).

Alors que le contexte d’HCMV compte très peu de petits opérateurs ayant réussi à développer et maintenir durablement une activité de production et de distribution d’eau, la région du delta du Mékong, notamment la province de Tien Giang, foisonne d’exemples de petits systèmes de distribution par réseaux [39]. Important dans la région, ce développement de petits négoces privés de l’eau date du début des années 1990.

[38] Cadre chez Sawaco. [39] En 2003, il y avait 415 systèmes recensés dans la province de Tien Giang dont 80 gérés par des petits opérateurs privés, 49 par des entreprises publiques, 28 par des coopératives et 258 par des systèmes communautaires (Salter, 2003, p. 6).

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Dès 1998, dans la perspective de la politique nationale de « socialisation » des services d’eau, la province de Tien Giang avait notamment émis un décret visant à réguler l’approvisionnement en eau rurale et précisant les modalités d’investissement, les mécanismes opérationnels et les modalités de régulation provinciale des prix, de contrôle des forages et de la qualité de l’eau [40]. Malgré le fait que ce décret interdise aux entrepreneurs privés de faire supporter le coût des investissements aux usagers, dans la pratique, de nombreux négoces privés se sont développés en demandant une avance aux usagers. Ceci leur a permis de faire face aux coûts d’investissement, tandis que l’avance a été progressivement remboursée par l’opérateur sous forme d’une réduction de tarifs de l’ordre de 60 % (Salter, 2003, p.5). En 2003, sur les 1,6 million d’habitants que compte la province, 65 % étaient desservis en eau par des petits systèmes de distribution en réseau (privés, coopératifs, communautaires ou publics) et sur le total du capital investi en réseaux d’adduction d’eau en milieu rural, 61 % (soit 3,6 M US$) avaient été payés par des entrepreneurs privés (et par les usagers), 29 % par des entreprises publiques et 10 % par des subventions des budgets de l’État (Salter, 2003).

Graphique

2

Investissement dans des petits réseaux d’eau à Tien Giang 11 % 38 %

18 %

Gestion communautaire Entreprises publiques Investisseurs privés Coopératives

33 % Source : Salter, 2003, p.6.

Dans une étude plus récente (ADB, 2008b), il est mentionné que, sur une population totale de 1,7 million d’habitants, 1,4 million (soit environ 320 000 foyers) vivent en milieu rural – la province compte une ville, My Tho, un bourg rural, Go Cong , et sept « banlieues » périphériques –, et que ce sont justement les populations vivant dans ces « banlieues » rurales qui ont les besoins les plus importants en termes de raccordement aux réseaux d’eau (de 90,5 % de la population raccordée à Cho Gao à seulement 40,4 % à Chau Thanh). [40] Directive no 16 /CT du 20 août 1998 des comités populaires de la Province de Tien Giang portant sur la gestion de l’eau rurale et décision 2420 /QD-UB du 8 septembre 1998 visant à encourager l’investissement du secteur privé dans la construction de stations de traitement d’eau en zones rurales.

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Deuxième partie

Trois éléments combinés : les besoins de la population rurale, d’une part, l’ouverture du gouvernement provincial à la participation du secteur privé, d’autre part et, enfin, l’ampleur du phénomène de multiplication des POP à Tien Giang ont donc progressivement suscité l’intérêt des bailleurs. En effet, dès 1999, la Banque mondiale était présente dans le secteur de l’eau dans la région du delta du Mékong à travers son projet « Mekong Delta Water Resources Project [41] », davantage orienté vers la gestion des ressources en eau destinées à l’agriculture (prévention de la salinité, amélioration des systèmes d’irrigation et prévention des inondations) que vers l’accès à l’eau pour tous. Cependant, ce projet de neuf ans (1999-2007) comprenait une composante « amélioration des services d’eau et d’assainissement en milieu rural à travers l’approvisionnement en eau traitée et l’amélioration des processus d’assainissement ». Par ailleurs, en 2003, la Banque mondiale ( via le Water and Sanitation Program – WSP) finance une étude sur le thème de la contribution du secteur privé au financement des services d’eau rurale au Vietnam et au Cambodge (Salter, 2003). Dès 2002-2003, la BAsD avait financé des études sur les SSIPWP dans huit pays asiatiques et conclu à la possibilité de mettre en place des modèles permettant d’approvisionner rapidement les populations en eau. Ainsi, elle proposait d’accompagner les initiatives privées issues de petits opérateurs de réseaux d’eau en attendant que l’opérateur officiel desserve la zone. Courant 2004, la BAsD repositionne son projet SSIPWP, initialement situé à HCMV, sur le delta du Mékong. En 2005, elle lance un programme d’assistance technique régionale aux petits opérateurs de réseaux [42] et en 2006 les deux premiers projets pilotes dans la province de Tien Giang [43]. Courant 2008, elle organise le montage d’un financement de type JFPR pour pouvoir envisager, en 2009, de travailler à l’échelle de toute la province. Le responsable nous présente ici les objectifs de l’intervention de la BAsD auprès des petits opérateurs d’eau du delta du Mékong : « Pour Tien Giang, il s’agit d’un projet (pas d’une étude) qui vise à structurer les opérateurs informels. C’est de l’assistance technique, on finance même les connexions. On améliore la qualité du service et la sécurité de la provision du service.

[41 ] Projet BM-IDA no P004845 (1999-2007), d’un coût total de 147,6 millions de dollars US. [42] Project n o 39124, October 2005, Technical Assistance “Implementing Pilot Projects for Small Piped Water Networks” (Cofinanced by the Government of France). [43] RETA 6265: Implementation of small piped water networks pilot project in Tien Giang Province (Tan Huong & Tan ly Tay, Chau Than Suburb). La zone périurbaine de Chau Than compte 59 288 foyers dont seulement 40,4 % sont raccordés au réseau d’eau potable de l’entreprise provinciale, d’où l’intérêt d’y développer un projet d’accompagnement des petits opérateurs comme « relais » de l’opérateur principal. À Tan Huong, 520 foyers n’ont pas accès à l’eau et à Tan Ly Tay, 700 foyers.

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Deuxième partie

Ces opérateurs existent déjà. Ou ils font des forages ou ils ont des camions-citernes. On essaie de les connecter au réseau principal ; ils ont accès à l’eau avec un prix au brut alors qu’ils ont de l’eau traitée ! Eux-mêmes la distribuent avec des compteurs individuels ou communautaires. On ne veut pas qu’ils soient indépendants, on veut les structurer, les rattacher d’une manière ou d’une autre à la société de service, à la compagnie d’eau actuelle. C’est ce que Sawaco n’avait pas compris et a refusé ! Dans les endroits non desservis, les gens ont besoin d’eau. Cette distribution informelle existe ; si on n’a pas 100 % de couverture en service, on a des réseaux informels qui existent, que l’on veuille l’admettre ou non, même au Vietnam ! [...] L’idée de départ était de se demander ce que l’on pouvait faire pour améliorer les MDG [OMD] au niveau local. À terme, la société d’eau est censée avoir 100 % de couverture. Est-ce que ça va prendre 5 ans ? 10 ans ? Que faire pour formaliser la situation le temps que la société d’eau puisse venir ? » (consultant ADB, novembre 2008).

L’objectif soutenant ce projet est l’accompagnement, transitoire, des sociétés provinciales et des POP informels dans la mise en place d’une relation de coopération au moyen d’une régulation a minima : les petits opérateurs signent un « simple » contrat commercial avec la société provinciale (ils deviennent clients), assorti d’un droit de distribution de l’eau achetée (à un tarif comprenant une marge qui n’est pas encadrée, ce qui constitue un premier élément de libéralisation par les comités populaires du prix final au consommateur). Aucun territoire [44] ni aucun prix n’est défini dans ce contrat. L’avantage pour la société provinciale est de pouvoir augmenter ses taux de desserte sans avoir à se soucier du recouvrement des factures ni de l’entretien des infrastructures. Pour le petit opérateur, l’avantage réside dans le fait de bénéficier d’une eau de qualité (traitée) à un prix lui permettant de faire une marge convenable. Les usagers bénéficient quant à eux d’une eau de meilleure qualité sans surcoût majeur, car une certaine concurrence entre les opérateurs limite les marges. Dans la configuration où plusieurs petits opérateurs sont présents sur une même zone, un choix est opéré par la BAsD en fonction des préférences des usagers (par vote). « Concernant le modèle proposé… on les convainc d’abandonner leur production et d’acheter de l’eau en gros. Ils ont un prix de l’eau qui leur est garanti et ils la distribuent au prix qu’ils choisissent. Ce prix n’est pas régulé. Ils ont chacun une zone d’exclusivité, une sorte de concession spatiale. En Inde, ça s’est très mal passé et au Vietnam et à Manille, ça s’est très bien passé. Les gens étaient contents de la qualité du service passé et étaient prêts à payer. Ce n’est même pas un surcoût parce que tous les prix

[44] Sauf si le petit opérateur bénéficie d’un don de la part de l’ADB pour le financement des infrastructures.

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baissent. [...] On augmente un peu l‘assiette de revenu du petit opérateur et, pour les gens, c’est aussi moins cher et pour une meilleure qualité. Pour la société d’eau (provinciale /publique) c’est un petit volume additionnel mais ça leur permet de dire : ‘cette partie de la ville est desservie’. [...] Avant ils distribuaient 5 à 10 litres, maintenant ils distribuent de 20 à 50 litres. L’avantage pour la société d’eau est qu’ils augmentent la couverture sur leur ville à moindre coût et ils n’ont pas à gérer la facturation et les fuites. » ( consultant ADB, novembre 2008).

En définitive, le choix technique de la BAsD qui consiste en la fermeture de forages privés pour permettre l’extension des réseaux de la société provinciale mérite ici d’être souligné. S’il permet un meilleur contrôle de la qualité de l’eau distribuée et un équilibre acceptable des coûts pour chacune des parties prenantes (ce qui constitue les deux arguments majeurs présentés par le bailleur), il convient cependant de garder à l’esprit que ce choix ne va pas nécessairement de soi. Il s’inscrit dans un contexte très particulier de salinité croissante des nappes de la province et implique, pour être viable, une capacité de traitement des sociétés provinciales à la hauteur des enjeux de desserte des nouveaux périmètres desservis. À ce titre, il ne constitue pas nécessairement un modèle « exportable ». De même, l’A FD s’intéresse depuis 2007 au secteur de l’eau (urbaine) dans le delta du Mékong. Ayant initialement eu pour objectif d’accompagner les acteurs du secteur dans la mise en place de la réforme introduite par le décret 117/2007, elle a progressivement centré son programme de développement autour de la figure des entreprises provinciales, les petits opérateurs d’eau étant avant tout présents en milieu rural. « L’objectif de notre programme est d’accompagner la mise en place de cette réforme par des actions pilotes auprès de six compagnies des eaux. Le décret 117 prévoit la création d’un fond national de développement des réseaux d’eau potable géré par la Banque de Développement du Vietnam (BDV). [. . .] On essaie de débroussailler les choses. Quand on discute avec les gens du ministère de la Construction et des Infrastructures à propos de la réforme, ils ne savent pas bien où ils vont. » (AFD Vietnam, novembre 2008).

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Encadré

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Description générale et objectifs du projet

Selon les données de 2004, la population totale de la région du delta du Mékong atteint 16,3 millions d'habitants, dont 3,2 millions résident en zone urbaine. Seulement 13 % de cette population urbaine serait desservie par un service d'eau potable. Compte tenu des nombreuses sources alternatives d’alimentation en eau, la consommation unitaire en eau est faible. Elle se situe autour de 60 à 80 l/hab/j, alors que les normes de dimensionnement sont de 120 à 150 l/hab/j. En finançant ce programme, l'A FD vise à favoriser le développement durable de l'alimentation en eau potable dans les villes secondaires du delta du Mékong. Trois objectifs spécifiques sont poursuivis : (1) accroître le taux de desserte en eau potable dans les villes de la région du delta du Mékong ; (2) accompagner la politique sectorielle de décentralisation et d'équilibre économique en renforçant les capacités institutionnelles et les performances opérationnelles des Compagnies d'eau provinciales ou municipales (CEs) ; (3) mettre en place une facilité de financement selon une approche-programme innovante au Vietnam, contribuant à répondre de manière durable aux besoins de financement du secteur (voire composantes du projet en annexe 4). Source : AFD.

À l’instar des quelques exemples étudiés (voir en annexe 5) parmi près d’une centaine d’acteurs, la figure du POP semble aujourd’hui s’ériger en acteur incontournable de la gestion de l’eau dans le delta du Mékong, comme en atteste l’intérêt porté par les différents bailleurs de fonds au modèle que les POP proposent, notamment dans le contexte actuel de réforme sectoriel, de même que le nombre croissant de recherches autour de ces enjeux [45].

[45] Notamment les recherches menées par M. Bui Duk Kinh pour le projet « Valuing Water Supply Services in Rural Areas of Mekong River Delta of Vietnam » (université de Hiroshima, Japon). À signaler également, les recherches en Development Studies de l’équipe Wisdom (Water related Information System for the Sustainable Development of the Mekong, Vietnam) dont la recherche doctorale de Nadine Reis sur les services d’eau et d’assainissement dans le delta du Mékong, et celle de Tatjana Bauer, intitulée « Managing and Governing Knowledge in the Water Sector in the Mekong Delta, Vietnam », toutes deux actuellement en cours à l’université de Bonn, en Allemagne.

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Conclusion



Conclusion : quelques enseignements et quelques pistes Le programme de socialisation à Hô Chi Minh Ville n’a finalement pas produit la diffusion de modèle initialement escomptée, ni la multiplication des contrats entre Sawaco – opérateur central – et les POP de l’agglomération, alors qu’il était pourtant porteur d’une innovation sectorielle forte. Ce tournant opéré par les comités populaires de la ville, passant d’une politique de socialisation des services d’eau à une politique d’actionnarisation des sociétés d’eau, s’explique comme nous l’avons évoqué par de nombreux facteurs, tant politiques que conjoncturels, voire interpersonnels. En résulte aujourd’hui un espace vacant dans l’organisation des savoirs sectoriels : qu’aurait produit dans la pratique une institutionnalisation formalisée de la coopération entre opérateur officiel et opérateurs spontanés dans le domaine de l’eau ? Cependant, malgré des résultats assez éloignés des hypothèses formulées initialement, il est tout de même possible de tirer une série de conclusions intéressantes de cette étude. 1. Tout d’abord, même si une lecture empirique du phénomène reste impossible aujourd’hui – puisqu’aucune suite n’a été donnée au programme de socialisation – il n’en demeure pas moins que cette initiative recouvre un intérêt important pour la réflexion sur les POP. En effet, à défaut d’avoir permis la création d’un système d’acteurs régulés, elle constitue néanmoins un modèle théorique possible de régulation (par le contrat) [46] . La spécificité de la décision politique des comités populaires d’Hô Chi Minh Ville en 2002 est d’avoir souhaité anticiper (et encadrer) la participation des POP aux services d’eau de la ville, alors que dans la grande majorité des cas dans les contextes urbains des pays en développement, à l’instar de Maputo au Mozambique, cette réflexion politique suit l’émergence spontanée d’acteurs que

[46] Ce contrat est décrit en deuxième partie de cette étude : délégation de service public à des petits opérateurs privés, rachat des surplus de production d’eau par l’opérateur principal, différents mécanismes incitatifs pour améliorer la qualité de services, etc., et présenté in extenso dans l’annexe 2.

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Conclusion

l’autorité publique souhaite accompagner (ou voir disparaître selon les cas). À cet égard, le programme de socialisation constitue un modèle de régulation qui mérite d’être connu et discuté dans d’autres arènes politiques locales du secteur. Par ailleurs, le courant de l’analyse des politiques publiques, et notamment les lectures institutionnelles qu’il a proposées, nous rappelle que la déréalisation ou plutôt la quasi-réalisation du programme de socialisation aura au moins permis d’établir un précédent et ainsi d’ouvrir un début de chemin de dépendance dans le secteur. Certains acteurs, à l’instar de la BAsD – qui avait été partie prenante du processus – comptent encore sur la mémoire institutionnelle et se sont saisis de cette ébauche de modèle régulatoire pour formater certaines propositions d’intervention, comme en atteste l’annexe 2 du document de préparation du plan d’approvisionnement en eau d’HCMV, proposé par le bailleur (ADB, 2008 a ) et intitulée « Initial Poverty and Social Analysis /Social Development Issues » : “Miscellaneous programs, such as outputbased aid and ‘small pipe networks’ will be examined and considered for inclusion in the project” (ADB, 2008 a , p. 9). « [ À propos de l’accompagnement des SSIPWP ] On va essayer de repartir à l’attaque avec le projet d’alimentation en eau potable à HCMV. On va regarder de près le schéma directeur d’alimentation. On essaiera de refaire un deuxième essai. Si par exemple en 2009 on se rend compte qu’ils n’ont rien fait, on leur dira ‘vous avez perdu deux ans’. On va vous mobiliser des dons pour faire ce type de projet. » (consultant ADB, novembre 2008).

Ainsi les configurations en devenir des services d’eau à Hô Chi Minh Ville pourraient revenir sur cette tentative de faire coopérer opérateur(s) officiel(s) et POP, en fonction de l’étendue (ou des limites) des améliorations de service impulsées par les nouvelles sociétés actionnarisées, d’une part, et du poids et de la stratégie des bailleurs internationaux, notamment de la BAsD, en appui technique à la société Sawaco, d’autre part. De ce fait, l’analyse des différentes activités de services d’eau à HCMV permet de mettre en lumière la complexité de l’interaction entre action publique multi-acteurs « de fait » (contribution de divers acteurs aux services d’eau) et politique publique (régulation actée par les pouvoirs publics). Si le chemin habituellement emprunté par les analystes et chercheurs est plutôt de celui de l’action publique à la politique publique [47] (Botton, 2008), le cas d’HCMV revêt l’originalité de présenter le cheminement inverse de la politique publique à l’action publique multi-acteurs. À ce titre, cette étude invite également à engager une recherche comparative approfondie sur les politiques différenciées des bailleurs internationaux vis-à-vis de [47] Voir à ce titre l’analyse de la construction d’une politique publique de l’eau en milieu semi-rural au Cambodge (Botton, 2008).

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Conclusion

la question des POP. Quel est le poids de chacun des bailleurs à l’échelle de la décision politique nationale et/ou locale ? Comment analyser leur rôle dans l’élaboration des politiques publiques sectorielles et des dispositifs opérationnels ? « L’un des gros problèmes ici est que beaucoup de bailleurs sont présents, il y a énormément de projets pilotes, donc comme ils souhaitent que les opérations pilotes soient généralisées à l’échelle nationale, ils financent la réalisation des décrets, tout ça passe à l’assemblée nationale, mais ça ne veut pas dire que ce sera approprié. Les idées sortent souvent de l’esprit des experts sans qu’il y ait d’appropriation de la part des acteurs. Quand on discute avec les gens, ils ne savent pas vraiment ce qui se passe, ils savent qu’il y a eu un décret, il y a toujours une méfiance sur le fait de savoir si ça sera appliqué ou pas… si ça bascule dans le sens d’une application, tout le monde s’y met. Aujourd’hui, il y encore des doutes sur la volonté du gouvernement d’appliquer la réforme en cours. » (AFD Vietnam, novembre 2008).

Si la Banque mondiale semble suivre des options plus centralisées (“ The ideal is not to have SSIPWP but to have a tight water system”, BM, novembre 2008) ou, tout du moins plus mezzo que d’autres bailleurs [48] tels la BAsD ou l’A FD, qui explorent des options élaborées plus localement, comment décrire et comprendre les évolutions de la configuration du secteur de l’eau au Vietnam, prise entre différents niveaux politiques, et façonnée par les représentations et les intérêts d’acteurs et par des trajectoires et des positionnements institutionnels ? En effet, la question de la complexité de l’action publique multi-acteurs dans les pays du Sud constitue un champ de recherche novateur et encore largement à explorer et à documenter (Botton, 2008). 2. En second lieu, cette incursion sectorielle dans le domaine de l’eau urbaine au Vietnam nous parle de la politique vietnamienne de l’eau et nous propose une clé de lecture pour en comprendre les principaux enjeux. La participation du secteur privé dans le domaine de l’eau, traduite au Vietnam par le concept de « socialisation », offre aujourd’hui un panorama d’une grande diversité d’applications possibles en pratique : de la délégation de service public aux POP à l’actionnarisation de toutes les sociétés d’eau vietnamienne, en passant par les PPP classiques de type DBL [49] , BOO, etc., de l’invitation des « communautés » à gérer leurs propres services en

[48] Avec notamment une volonté d’encourager la mise en place de projets de type DBL, invitant des acteurs de taille assez conséquente (plus gros que les « petits opérateurs privés » sujets de cette étude), issus par exemple du secteur du BTP à investir dans les systèmes de distribution d’eau. Ce choix implique une ambition d’universalisation assortie d’un niveau de coûts élevé. Concernant les différences de représentations entre acteurs du secteur (et les ambitions de diffusion de modèles techniques différents) autour des enjeux d’amélioration de la desserte, voir Botton (2008). [49] Design Build Lease.

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Conclusion

passant par l’ouverture du capital des sociétés d’eau aux capitaux financiers non opérateurs (secteurs industriel, immobilier, bancaire, etc.) ou la mise en place de sociétés mixtes, le devenir des services d’eau au Vietnam est aujourd’hui bien incertain au regard de nombreux acteurs du secteur. « L’idée était de faire plaisir à la Banque mondiale et de lancer la privatisation. En même temps, on ne va pas appeler ça la privatisation parce que ce n’est pas gérable politiquement et socialement (avec une vraie privatisation, cela voudrait dire que beaucoup de gens se retrouvent au chômage). Du coup, on a ce système un peu hybride qu’on appelle « actionnarisation » ou « equitization » qui revient à (1) créer un statut juridique de société par actions, (2) vendre des parts. Bien souvent, on a du mal à mettre en place cette deuxième étape parce qu’on a le problème de la valorisation des actifs, c’est évident, et puis trouver des acquéreurs pour une société qui est presque sous respiration artificielle avec les subventions, ça fait que les investisseurs ne vont pas se précipiter sur les sociétés des eaux ! Il faut savoir aussi que les tarifs sont décidés par les comités populaires. Pour une compagnie des eaux, ce n’est pas évident, elle peut dimensionner ses investissements, mais si elle fait des projections sur la base d’une augmentation tarifaire et qu’à la fin, elle obtient un tiers de ce qu’elle a demandé, ça met en l’air tous ses projets. Il n’y a pas de système organisé de péréquations entre provinces, entre zones urbaines et zones rurales, entre clients aisés et pauvres. [...] On est un peu au milieu du gué, on les a laissés là, rien n’est fini. On n’est plus dans l’ancien système, qui avait un certain nombre de mérites et qui fonctionnait à peu près, on n’est pas non plus dans une situation où mettre en place un PPP a du sens. » (AFD Vietnam, novembre 2008).

En effet, le déphasage politique et économique des mesures sectorielles dans le domaine de l’eau (des comités populaires de districts régulateurs qui fixent des tarifs bas et en refusent toute hausse versus une invitation du secteur industriel et financier à investir dans le secteur) met progressivement au jour des contradictions qui vont se révéler de plus en plus difficiles à surmonter. 3. C’est pourquoi, et cela constitue la troisième piste de recherche proposée par cette étude, il est extrêmement intéressant de suivre les évolutions que cette réforme va apporter, d’en identifier les composantes proprement vietnamiennes (une traduction locale opératoire ?), les opportunités de levées de fonds pour le financement des services d’eau (une nouvelle option pour atteindre les OMD ?), de même que les dangers, limites et dérives potentielles (quelles segmentations sociales et/ou territoriales ?). Hormis les cas anglais et chilien, où une véritable privatisation des services d’eau a été opérée (y compris le rachat des actifs), les formes de PPP dans le domaine de l’eau sont plus traditionnellement des modèles de délégation de service public.

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Conclusion

Le modèle d’« actionnarisation » impulsé par les autorités vietnamiennes (mise en place de sociétés mixtes) selon les conseils d’un consultant local issu du milieu bancaire, constitue à la fois une reformulation de l’injonction de participation du secteur privé (PSP) et un schéma bien connu des acteurs vietnamiens. « Au Vietnam, tout est faussement centralisé. Ça l’est sur le papier parce que tout remonte au Premier ministre mais en fait dès le début des années 1980, avant même le Doi Moi , au niveau local, il y a eu des expérimentations avec des privatisations de fait. Même si l’entreprise est publique, les dirigeants se comportent comme si elle était privée. On trouve des entreprises publiques avec des fonctionnements d’entreprises privées. Les dirigeants souhaitent maximiser leur retour sur investissement au lieu de ‘saigner la bête’. Le projet d’actionnarisation revient en fait à entériner des comportements qui existaient de facto . [...] C’est donc assez difficile de caler des schémas. Les notions de public et privé n’existent pas vraiment ici. Tout est public et tout est privé. C’est comme la terre qui ‘appartient au peuple tout entier’ malgré la signature d’un bail. On est en dehors de cadres de référence classiques. » (AFD Vietnam, novembre 2008).

Cependant, il convient de rappeler la nature éminemment politique et sociale des services d’eau qui ne fonctionnent pas comme des secteurs industriels ou commerciaux classiques, de même que leur composante de santé publique qui rend ces services incompatibles avec une logique purement financière. Qu’adviendra-t-il des entreprises d’eau jugées non rentables ? Ou des segments de « clientèles » ou des territoires de service qui n’intéressent pas les nouveaux actionnaires ? « [ Les entreprises d’eau] ont jusqu’à 2010 pour se transformer en joint stock companies . Une fois qu’elles ont le statut de joint stock companies , elles peuvent faire n’importe quoi mais vraiment n’importe quoi ! On se retrouve maintenant avec des sociétés d’eau qui disent : ‘dans cette partie de la ville, c’est trop cher d’amener le service et puis en plus ce sont des pauvres’. [...] [Chez ADB], on veut réguler le secteur le plus vite possible. Mais comme l’entreprise d’eau est une joint stock company qui dépend du droit commercial, elle a le droit de faire n’importe quel business. Le danger c’est qu’on se retrouve avec une société d’eau en liquidation, s’ils font de la spéculation et que ça ne marche pas… sans compter les aspects de service public. [... ] On est tous très inquiets avec cette loi. Intrinsèquement, elle est bonne mais il faut des garde-fous qu’ils n’ont pas mis. Ce qui est cohérent, c’est que l’État se désengage financièrement de ce type de service. Leur cohérence est là : ‘on n’a pas la capacité de financer tout ça, donc accédez à des prêts commerciaux’.» (consultant ADB, novembre 2008). “Sawaco owns the assets of the 6 or 7 child companies, which is not a very good model. The World Bank didn’t push this model! We have no problem with setting child companies but in Sawaco they were set up as very independent organizations

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Conclusion

so I think they are like mini Sawacos and depending on the director, all sorts of things could happen. On one hand, he can be very risk averse and do not very much at all, on the other hand he could have a very entrepreneurial profile and starts developing his own water resources, making investments, etc. What Sawaco looses is the ‘big picture’ [of the system]” (représentant Banque mondiale, novembre 2008).

À l’heure actuelle, ces dérives potentielles ne se font pas encore sentir, si ce n’est dans la territorialisation de la réforme (du fait des volontés différenciées de provinces de la mettre en application), mais tout prête à penser que dans le contexte de morosité ambiante, les perspectives d’investissements privés seront nettement moins enchantées que celles attendues par les réformateurs. Plusieurs scénarios sont envisageables : soit les investisseurs s’avèreront plutôt frileux (et l’amélioration des services d’eau, sans levée de fonds supplémentaire, sera reportée jusqu’à la prochaine réforme), soit ils entreront dans des logiques spéculatives dangereuses pour la durabilité des services (rappelons ici que la réforme implique que les sociétés d’eau actionnarisées deviennent propriétaires des actifs), soit, enfin, ils s’avèreront exigeants et conditionneront leur participation à certaines contreparties en faisant passer au deuxième plan les notions d’universalité, d’équité ou de solidarité pour favoriser, au contraire, celles de retour sur investissement ou de rentabilité. Enfin, il sera potentiellement possible d’effectuer une lecture territorialisée de ces différents enjeux du fait de la fragmentation institutionnelle des territoires de services (huit opérateurs autonomes dans l’agglomération de HCMV), qui, rappelons-le, couplée au rôle essentiel du leadership en matière de stratégie gestionnaire, risque de contribuer, si les dirigeants des huit filiales suivent des options différentes (spéculation, frilosité, solidarité sociale), à la constitution d’une fragmentation sociale liée aux services d’eau à l’échelle de l’agglomération [50]. Le vaste chantier qui s’offre au chercheur aujourd’hui invite donc à réfléchir aux modalités de conciliation entre les logiques sociales, politiques et financières dans un contexte aussi complexe que celui du Vietnam contemporain.

[50] À propos des recherches sur la fragmentation sociale liée à la libéralisation des services en réseaux, voir l’ouvrage de référence Splintering urbanism (Graham et al., 2001) de même que la contribution d’un groupe de chercheurs en réponse à cet ouvrage dans un numéro spécial de la revue Geoforum (Coutard, 2008).

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Annexes



Annexe 1 Liste des personnes interviewées M. Anh Tuan BANG, Enda Vietnam, coordinateur/ université SHS, professeur et chef du Bureau de coopération internationale M. Hervé CONAN, AFD Phnom Penh, chargé de mission M. The Long DANG, Phuong Nam Long, directeur général M me Le Anh DAO, Sawaco, directrice générale adjointe M. Pascal GUASP, L’Eau Pure, président M me Hang NGUYEN DIEM, WSP, expert Eau et assainissement M. Hubert JENNY, ADB, expert Développement urbain M. William KINGDOM , Banque mondiale, expert Eau et assainissement M. Lê Thanh NAM, Centre d’adduction d’eau potable, cadre /fonctionnaire M me Thi Huynh NGUYEN, Hiep An, directrice générale M. Chau NGUYEN VAN, WACO, directeur adjoint M. Hong Hai PHAM, Hang Hai, directeur genéral M. Alain PHE, VeT, représentant Vietnam M me Fanny QUERTAMP, CEFURDS (Center for Urban and Development Studies), chercheur associé M. RANG, Hung Hoa Water Supply Company, gérant M me Mireille RAZAFINDRAKOTO, IRD-DIAL, chargée de recherche M. François ROUBAUD, IRD-DIAL, directeur de recherche M me Sophie SALOMON, AFD, Hanoi, responsable du pôle infrastructures M. SAU, Phuc Doan, technicien M. Pho Danh VUONG VAN, VeT, Chef de projet

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Annexe 2 Texte préparatoire au décret de socialisation des services d’eau à HCMV (Source : consultant ADB)

HCMC PEOPLE COMMITTEE OF VIETNAM

SOCIALIST REPUBLIC Freedom – Liberty – Happiness

Hochiminh City, 25 December 2002

REGULATIONS ON SOCIALIZATION OF INVESTMENT IN SERVICES OF SUPPLYING CLEAN WATER IN HOCHIMINH CITY Promulgated along with the Decision N o. . . /QD/UB of dd/mm/yy

CHAPTER I GENERAL ENACTMENTS Clause 1: The socialization of investment in services of supplying clean water, aiming at promoting power sources of organizations, of individuals of different sectors of the economy to participate in the activities of investment in services of supplying clean water, is in conformity with the strategy and the planning of the socio–economic development of Hochiminh City. Clause 2: Purposes 1. Concretization of the Decree No 93/2001/ND – CP of 12 December 2001 of the Government on decentralization of management in some fields of Hochiminh City, on realization of the Clean Water Program for consumption for people in inner and outer City in the period of 2001–2005, and on up–raising the capacity of responding to the clean water needs of the City dwellers. 2. Creation of a favorable atmosphere for investment to enterprises of different sectors of the economy to invest in water services, in view to increasing the water sources, minimizing the water leaks and up –raising the level of quality of supplying clean water.

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Annexes

Clause 3: Different Forms of Investment in Services of Supplying Clean Water 1. The investor uses his capital for construction of the system of supplying water and organizes the management of the activities of trading of clean water in the areas where there do not exist yet systems of supplying water of the Municipality. 2. The investor uses his capital for construction and exploitation of the system of supplying water, contracting the wholesale of clean water to the Company of Water Supply through the general counter–meters in the areas where there already exist systems of supplying water of the Municipality, but the water pressure is low and there is lack of water. 3. The investor uses his capital for renovation, development of the pipeline systems of distribution of the area of the whole system, combining the application of technical progresses, and new technologies in view to decreasing the water leak coefficient. 4. The investor contracts with the Company of Water Supply for organization of services of management, for operation of the pipeline systems of distribution of clean water, from the general counter–meters afterwards. 5. The investor uses his capital to invest in facilities, contracting with the Company of Water Supply, for transport of clean water to the areas where there do not exist yet the system of water supply. 6. Transfer of some projects on source, renovation and development of pipeline systems of distribution under the authority of Districts, Arrondissements, and realization of the role of the investor–owner, management of operation of the project (from the sources of the national budget and the sources of the capital of the Company of Water Supply for business development). Clause 4: Explanation of some terms 1. “ Investment in services of supplying clean water ” means using the capital of one’s own for construction, development, maintenance, improvement, up –raising the quality of services of supplying clean water, in a defined duration of time. 2. “The Investor ” means the owner of the capital, the debtor for a capital, or the one accredited to directly managing and using capital for realization of the investment in accordance with the laws of the Government. 3. “ Clean Water ” means water exploited from the sources of superficial water or underground, water, treated and disinfected through a close plant of technology, satisfying the norms regulated by the Government on quality and sanitation for water, for drink and for consumption.

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Annexes

4. “ The System of Water Supply ” consists of works of collect of water, station of pumps, the station of treatment, the pipeline systems of distribution and canalization. 5. “ The circuit of pipeline system of water supply ” means the whole of pipeline systems having diameter from D 600 mm to D 100 mm, canalization having diameter from D 200 mm to D 100 mm, valves, locks, counter–meters etc., and other subordinate facilities for water supply.

CHAPTER II SELECTION OF INVESTORS Clause 5: The investor must have projects on organization of realization of services, financing, equipment, technology to apply, human power, capacity in management, and guarantee on quality of the services. Clause 6: The form of selection of the investor is realized through publicly bidding, the investor selected is the bidder submissioner who has got the best project regarding technology, equipment, methods of organization of management and the most reasonable submission price. The form of bidding will be in 2 separate envelopes, one envelope for technical proposal and one envelope for financial proposal (service price). Clause 7: The procedures of organization of the bidding 1. The Department of Public Works combines with Districts, Arrondissements to select and announce the area to carry on the socialization in order to organize the bidding for clean water supply. 2. The Company of Water Supply establishes the Terms of Reference consisting of technical requirements to assure the quality of the services, and of financial conditions, performs the public notice of invitation of tenders. 3. Preliminary selection among the bidders submissioners to make out a short list of capable, experienced investors, in terms of technical and financial capacity, eligible to go for the official bidding. 4. The bidders short listed are accepted for preparations and submission of their bidding dossiers. 5. Opening of envelopes for evaluation of technical proposal. The dossiers accepted are those satisfying the technical requirements written in the Terms of Reference. For those dossiers with the technical proposal accepted, there will open their financial proposal. The bidder submissioner with the logically lowest submission price, compared to the floor price, will be selected.

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Annexes

6. Carrying on the discussions and signing the contract of services of supplying clean water between the Company of Water Supply and the winning investor.

CHAPTER III RIGHTS AND RESPONSIBILITIES OF INVESTORS Clause 8: Rights of Investors In accordance with the regulations of the laws, the investor operating in the frame of these regulations has the rights: 1. choice of forms, locality, size of the investment in services of supplying clean water; 2. choice of forms and methods of capital raising for the investment in services; 3. active in trading activities of the investment in services of supplying clean water, in developing the trading size, in accordance with the capacity of the investor and the needs of clean water of the consumers; 4. benefiting the policy of price supports when the realization of the trading of services of supplying clean water in conformity with the decision of the People Committee of the City on price of clean water does not earn enough to cover the service expenses of the investor; 5. other rights regulated by the laws. Clause 9: The investor benefits the policy of privilege investment of the forms 1,2,3,4, stipulated in the Clause 3, on exemption of tax, consideration for privilege according to the Decision No 51/1999/ND–CP of 8 July 1999 of the Government, stipulating in details the practice of the Law encouraging local investments. Clause 10: The investor is provided by the organisms of state management and the Company of Water Supply with information, documents related to activities of investment in services on urban planning, master plan on systems of water supply, needs in clean water of each area and with legal documents of the specific domain of water supply in a view to serving preparatory tasks for the investment. Clause 11: In case there is change of the investor, the ingoing investor and the outgoing investor must agree on performing , at the office of the competent authority, procedures of transferring the property in accordance with the regulations of the law. The ingoing investor benefits the rights stipulated in the contract and is responsible for the carrying out, in the remaining period of time, of the responsibilities guaranteed.

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Annexes

Clause 12: The investor takes charge of the trading efficiency, giving that the trading of services of supplying clean water must comply with the regulations of the Government. Clause 13: Responsibilities of the investor The investor while performing activities in accordance with these regulations must: 1. be under inspection, supervision, during the process of realization of services, of the competent authority of state management; 2. carry out the regime of periodic report related to the services of supplying water to the organism of management of the specific branch; 3. assure the quality of the clean water in conformity with the norms already registered and be under the inspection of the quality of sanitation of the competent authority; 4. organize regularly inspection, supervision, detect and repair in due time the failures of pipelines, works of supplying water, detect the breaches of works of supplying water and of areas of safety of works of supplying water, propose the competent authorities to combine for resolution in conformity with the regulations: 1. comply with the regulations on standards, technical norms of the specific branch of supplying water, implemented by the State; 2. perform other duties regulated by the laws. Clause 14: The investor stops supplying water in the following cases 1. planned reparation, renovation of the system of supplying water, in this case the investor must inform clients 24 hours in advance and of time of water supply recovered; 2. breach, from the side of clients, of the regulations of usage and payment of fees after a written notice sent by the investor announcing the contents of the breach of the service contract between the two parties.

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Annexes

CHAPTER IV INVESTMENT IN CONSTRUCTION OF THE SYSTEM OF SUPPLYING WATER AND ORGANIZATION OF THE MANAGEMENT OF THE ACTIVITIES OF TRADING OF CLEAN WATER Clause 15: The investor using his capital for construction of the system of supplying water and organizing by himself the management of the activities of trading of clean water in the areas where there do not exist yet systems of supplying water of the Municipality is given, by the Municipality in accordance with this latter’s authority, the right of using land in the area of investment in construction of the system of supplying water. Clause 16: The investor has the right to organize by himself the collect of fees of supplying water and other expenses from clients in view to covering his costs in accordance with the regulations of the People Committee of the City and other competent organisms. Clause 17: The investor has the responsibility to comply with the standards, the technical norms of the specific branch of supplying water on works of systems of supplying water. Clause 18: The duration of time of activities of the investor trading in systems of supplying water is valid for ten (10) years, starting from the permission of trading and can be renewed twice, 5 years/each time. After the valid duration of time of trading activities, the Company of Water Supply combines with the competent organisms concerned to agree with the investor on evaluation at time of the property expertised for the adequate resolution of the interests of the investor. 1. When the system of supplying water of the Municipality has reached the area of the investment and when the needs in water have been adequately resolved, while the duration of time of activities of the investor is still lesser than ten (10) years or lesser than the duration of time of extension, if the investor wants to end his activities, he will benefit the value of interest equal to the average of the values of interest of the duration of time of the investment realized, rounded for 10 years or for the duration of time of extension. 2. In case the investor keeps on investing, he will decide by himself the appropriate form of investment based on the needs in clean water at that point of time in accordance with the principle of needs and supplies.

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Annexes

CHAPTER V INVESTMENT IN DEVELOPMENT OF THE CLEAN WATER SOURCES AND TRADING THROUGH THE GENERAL COUNTER METERS Clause 19: The investor uses his capital for development of the clean water sources, consisting of exploitation of the water sources, production of clean water and contract of the wholesale of clean water to the Company of Water Supply through the general counter–meters in the areas where there already exist systems of supplying water of the Municipality, but the water pressure is low and there is lack of water. Clause 20: The investor is given, by the People Committee of the City in accordance with this latter’s authority, the right of using land in the area of investment in construction of the system of supplying water. Clause 21: The price of the clean water of the wholesale contract at the general counter meters is computed as follows:

Gt = Gbq x k In which: Gt = price of water at the general counter meters; Gbq = monthly average price of the area; k = coefficient depending the characteristics of the area, the coefficient of water leaks, size and technology applied of the system of exploitation of clean water. Clause 22: The duration of time of activities of the wholesale trading of clean water is valid for ten (10) years, starting from the signing of the wholesale contract and can be renewed twice, 5 years/each time. After the valid duration of time of trading activities, the Company of Water Supply of the Municipality combines with the commissions and branches concerned to agree with the investor on evaluation at time of the property for the adequate resolution of the interests of the investor. If the duration of time of activities of the investor is still lesser than ten (10) years when the sources of the Municipality are sufficient enough for distribution, the investor will benefit the value of interest equal to the average of the values of interest of the duration of time of the investment realized, rounded for 10 years or for the duration of time of extension. The Company of Water Supply of the Municipality combines with the commissions and branches concerned to agree with the investor on evaluation at time of the property for the adequate resolution of the interests of the investor.

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Annexes

CHAPTER VI INVESTMENT IN RENOVATION, DEVELOPMENT OF THE PIPELINES OF DISTRIBUTION, APPLYING SCIENCES AND TECHNOLOGY TO DECREASE THE COEFFICIENT OF WATER LEAKS Clause 23: The investor uses his capital, signs the contract with the Company of Water Supply to isolate the pipelines, to determine the initial coefficient of water leaks, carries out the renovation, the development and the management of the pipelines of distribution of one area or of the whole system of pipelines of distribution, through study and test, applies the progresses of sciences and new technologies in view to decreasing the coefficient of water leaks. Clause 24: The investor benefits 50% of the coefficient of water leaks decreased. The duration of time benefited assures the recovery of his invested capital, and extends to maximum 3 years and minimum 6 months depending on size of investment.

Gtt = 50/100 x (Qcc x Gsh x A) In which: Gtt = value of the decrease of the leaks, Qcc = quantity of water supplied to the area, Gsh = price of water for consumption at the now applicable ration (no price progressions computed), A = coefficient of water leaks decreased. Clause 25: During the course of testing on spot, if the investor can detect the subjects who use water illegally, the investor will benefit 100% of the fine from the subject using water illegally (in accordance with the now applicable regulations). Clause 26: The investor has the responsibility: 1. to organize the management, the follow up the regime of working of the system of supplying water in accordance with the technical procedures implemented in details in the contract; 2. to assure maintaining the regime of operation of the pipeline of distribution of the area for a smooth activity the same as other systems.

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Annexes

CHAPTER VII MANAGEMENT OF THE SYSTEM OF THE PIPELINES OF DISTRIBUTION FROM THE GENERAL COUNTER METERS AFTERWARDS Clause 27: The investor contracts with the Company of Water Supply to organize the services of operation of the pipelines from the general counter meters afterwards, the area serviced is independent, apartment blocks, and systems of supplying water from industrial dwells, not based on the administrative territories. Clause 28: The Company of Water Supply transfers the management of operation of the pipelines of distribution from the general counter meters afterwards under the form of transferring the property as follows: 1. the investor that is a state owned enterprise, the Company of Water Supply will transfer the property, 2. the investor that is not a state owned enterprise, the Company of Water Supply will lease the property, 3. In case of lease of the property, the Department of Finance and Price will guide the ways of realization. Clause 29: The investor has the rights of: 1. requesting to be provided with information, documents related to the actual situation of the pipelines, needs in clean water, plans of development and renovation of the pipelines of distribution in the area under the management; 2. being active in organizing the management, the operation, and the renovation and the development of the pipelines of distribution in the area under the management; 3. being independent in deciding the staffs, methods of paying salary and rewards to labor. Clause 30: The investor has the responsibilities of: 1. management of all the detail counter meters of the consumption of the clean water in the territory (from the general counter meter afterwards), billing, collect of money; 2. organization of an accurate realization of the contract already signed with the Company of Water Supply, guaranteeing about technical requirements on the quality of the services of supplying clean water; 3. realization of the regime of periodic report concerning the services of supplying water to the Company of Water;

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Annexes

4. inspection, follow up of the water pressure in the area, assuring the operation of the system of pipelines to be continual and safe, realization of the regime of periodic maintenance; 5. regular organization of inspection, detection and reparation in times the failures of the pipelines, detection of breaches (illegally digging to the pipelines, causing damage to the pipelines, causing risks affecting the pipelines, etc.), and recommendation to the competent authorities to fine or to combine for resolution in accordance with the regulations; 6. development of the pipelines, to install the counter meters at demands of consumers; 7. under the supervision of the competent organisms of state management during the course of carrying out the services. Clause 31: The price of water from the general counter meters of the Company of Water Supply afterwards is defined as follows: In which:

G = Gbq – (Gtt + Qql)

Gbq = price of water for consumption at time of computation of the area, Gtt = price due to the coefficient of water leaks at time of computation of the area, Qql = Management fees (billing, inspection, reparation). Clause 32: The investor is supported by the Company of Water Supply in: 1. guiding, supporting – fully and continually – the investor to carry out accurately the regulations of the organisms of the specific branch; 2. the system of pipelines is inspected; its quality is assured in accordance with the technical norms, before it is transferred for management; 3. the failures in the system of pipelines of distribution from the general counter meters afterwards are repaired and resolved in due times; 4. being trained for specialty, skill necessary in management of the system of supplying water, supported in the service of installing the counter meters and developing the pipelines of distribution in the territory at demands; 5. combining to follow up, to inform the actual situation of pressure in the bordering areas of the territory in view to treating the situation of the working pressure and the responding flow of the territory, as well as to inspect, to resolve the situation when the water source is polluted.

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Annexes

CHAPTER VIII TRANSPORT OF CLEAN WATER Clause 33: The investor contracting with the Company of Water Supply invests for transport of clean water (by trucks or by barges) to the area where there is not yet systems of supplying water of the Municipality. The sale price is computed based on the wholesale buying price, added with fees of transport, quantity of water lost. l

The sale price to the consumer will be computed on basis of the price of water agreed by the locality and compensated according to the distance of transport as implemented by the regulations of the People Committee of the City.

l

If the coefficient of water loss is decreased compared to the coefficient as implemented in the contract, the investor will benefit the difference between the contracted coefficient and the coefficient of loss in reality.

Clause 34: The investor must carry out in compliance with the technical norms the means of transport, tanks for clean water of the specific branch of supplying water as promulgated by the state that the transport of clean water by means to consumers must be in accordance with norms, sanitation of the water supplied for drink and consumption. The process of standardization must be accomplished and the inspection of quality of sanitation must be done by the competent organism.

CHAPTER IX CONTROL & INSPECTION AND RESOLUTION OF BREACHES Clause 35: The competent organisms of the Municipality, based on their functions and duties, regularly organize the control, the periodic and sudden inspection of the execution of this regulation and other regulations of the laws concerned. Clause 36: All the activities of investment in services of supplying clean water of all organizations, individuals concerned must be under the control of the competent state organisms of each domain of management. 1. Depending on the concrete situation of each service of investment, the control can be made in each link or in all the chain of links through the process of investment. 2. The task of control must be based on the regulations of the laws on inspection and control.

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Annexes

Clause 37: Resolution of breaches Organizations, individuals, if committing the breaches against the enactments of the regulation – depending on the level of breaches – will be penalized in terms of administration, or will be sued for criminal responsibility, if causing damages, must indemnify according to the regulations of the laws.

CHAPTER X ORGANIZATION FOR REALIZATION Clause 38: Division of responsibilities 1. The Department of Public Works combines with the Department of Planning and Investments, the People Committees of Districts, Arrondissements to make plan for development and for timely needs in clean water of the area, and organizes the publication on mass media means and published at the office of the People Committees of Districts, Arrondissements: l

guiding and publicizing the process of procedures of technical management of the specific branch, different information on works of technical infrastructure of the specific branch related to the project of the investor;

l

periodically and suddenly inspecting the execution of the regulations of management of the quality of the specific branch, reorganizing to evaluate and to test for reception of the works, and giving comments at the end of the contract.

2. The Department of Planning and Investments is responsible for preparing for submission to the People Committee of the City to promulgate the regulation for selection of the priority projects and the investors, for managing the bidding the services and for guiding competent authorities of different levels in view to well realizing this regulation. 3. The Department of Finance and Price combines with Departments, Branches, People Committees of Districts, Arrondissements to establish the financial regulations and policies for different forms of services of clean water to submit to the People Committee of the City for promulgation: l

guiding the procedures of financial management and the procedures of property leasing to investors and organizations concerned for realization;

l

periodic and sudden inspection of the execution of the financial matters related to the above cited services.

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Annexes

4. The People Committees of Districts, Arrondissements, Wards, and Communes combine with various Departments of the City for selection of the areas for investment in services of supplying water in the areas in need of renovation and development: l

considering and giving comments on levels of price agreed of different forms of direct investment and exploitation for trading;

l

management in the territory of the matters concerned when developing the project of investment;

l

guiding and publicizing the process of the management procedures, realizing and organizing to inspect the services in the above areas in accordance with the decentralization of power.

5. The Company of Water Supply of the City: l

guides and organizes to realize the different forms of investment in supplying water, organizes in details through mass media means on supplying water of the above Districts, Arrondissements;

l

signs the economic contract with the investors within the frame of the diffe rent forms of investment in services of supplying water, combines with the competent organisms and with the People Committees District, Arrondissements to receive to put into operation and management of the works the duration of activities of which has ended;

l

publicizes the monthly average price of water of the area to the investors whose activities are related to this price.

CHAPTER XI CLAUSES OF EXECUTION Clause 39: This regulation is to promulgate along with the Decision No . . . of dd/ mm/yy of the People Committee of the City. Clause 40: If there are any problems during the course of execution, it is necessary to report by written document to the People Committee of the City for consideration in view to amending and completing.

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Annexe 3 Les POP de l’agglomération de HCMV rencontrés en novembre 2008 1. Entretien avec Mme Thi Huynh NGUYEN, directrice générale de Hiep An, 19/11/2008 1C Khu Nha o Hiep an, 8e arrondissement, district 5, HCMV Hiep An est la première entreprise privée à avoir signé un contrat avec Sawaco. La société est à l’origine une SARL de promotion immobilière ayant depuis juillet 2000 un permis de construire pour des maisons dans la nouvelle zone de développement du 8 e arrondissement (construit sur d’anciennes rizières). Ces maisons sont toutes à trois étages (comme l’impose le code de l’urbanisme) et donc destinées à abriter des familles plutôt aisées (certaines pouvant louer le rez-de-chaussée à des bureaux). Hiep An devait fournir l’eau pour son programme de logements car la zone n’était pas desservie par Sawaco (le réseau arrive à environ 1 km du quartier). Les travaux ont eu du retard (en partie du fait des délais imposés par la municipalité pour construire un pont à proximité du quartier) et se sont achevés fin 2001. L’investissement principal dans le réseau a été réalisé en 2002, sur fonds propres, grâce à une licence pour le forage du département de l’Agriculture et de l’Eau rurale d’HCMV. Il comprend, outre les bâtiments, plusieurs forages d’une profondeur de 200 m, un château d’eau de 45 m 3 (d’une hauteur de 24 m), un réservoir souterrain de 40 m 3, des pompes, la station de traitement, et le réseau de distribution (de diamètres de 168, 114 et 90 mm). L’investissement initial s’est monté à 1,9 milliard (Md) de VND (110 000 US$). Une remise à niveau de la station de traitement a été effectuée en 2004 puis en 2007 avec l’adoption d’une technologie par filtration plutôt que par sédimentation pour obtenir une eau de meilleure qualité (500 M VND supplémentaires). Le retard dans l’aménagement et le peuplement de la zone s’est traduit par une surcapacité en eau pour Hiep An qui ne vendait en 2002 que 200 m 3/j pour une capacité de 1 000 m 3. Or, le quartier voisin du district 8, servi par Sawaco, rencontrait des problèmes d’approvisionnement, d’où l’idée du vice-président du comité populaire du district 8 de racheter de l’eau à Hiep An, ce qui était une première, avant même les initiatives de socialisation de 2003 de Sawaco.

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Annexes

Un premier contrat a néanmoins été signé en octobre 2002 pour une durée de trois ans, et prévoyait l’achat de 700 m 3/j au prix de 2 200 VND/m 3 (+ 5 % de taxes), Sawaco distribuant ensuite l’eau à travers son propre réseau. Le reste de la production était distribué par Hiep An aux habitants au prix régulé de 3 000 VND/m 3 jusqu’à 4 m 3, 3 500 VND/m 3 ensuite. Le contrat a été renouvelé en 2005 jusqu’en mars 2011, et stipule l’achat de 800 m 3/j à 2 376 VND/m 3 (le prix de distribution au-delà de 4 m 3 est aujourd’hui de 5 300 VND/m 3, soit 0,30 US$). La capacité de production est aujourd’hui de 1 400 m 3/j. Le prix d’une nouvelle connexion pour la distribution à domicile est de 2 à 2,5 M VND (120 à 160 US$) selon la distance. Hiep An fournit de l’eau à environ 300 familles, soit une consommation moyenne de 60 m3/mois par foyer ce qui est élevé. M me Huynh, diplômée en management, et anciennement salariée de l’entreprise, a racheté les parts des autres actionnaires pour se consacrer à plein temps à l’activité de distribution d’eau qu’elle qualifie de source de revenus modérés mais stables. Hiep An compte aujourd’hui huit employés mais ses comptes sont confidentiels. Le temps de retour sur investissement de l’activité est estimé par Mme Huynh à environ quatre ans, ce qui semble assez conservateur avec un CA de 700 M VND pour l’eau en gros et de 1,2 Md VND pour l’eau au détail. Hiep An a l’exclusivité de la distribution sur sa zone. L’entreprise paraît moderne et bien gérée (seulement 2 - 3 % de fuites). M me Huynh semble confiante dans le renouvellement de son contrat et dans l’absence de concurrence sur sa zone de la part de Sawaco et de ses filiales de distribution. Selon elle, le programme de socialisation a peu d’avenir du fait des difficultés techniques à avoir une eau de bonne qualité et des lourdeurs administratives pour traiter avec Sawaco. Par ailleurs, elle connait l’existence de POP informels non contrôlés qui devraient à terme disparaître.

2. Entretien avec M. Hong Hai PHAM, directeur général de Hang Hai, 19/11/2008 85/124 Bui Minh Truc, 8 e arrondissement, district 5, HCMV M. Pham et son épouse vivent à la fin du 8 e arrondissement, non loin du quartier où est installé Hiep An. Ce quartier est en principe desservi par le réseau de Sawaco mais l’entreprise publique au début des années 2000 n’avait pas une production suffisante pour approvisionner correctement cette zone en bout de chaîne, alors que la population est par ailleurs en croissance. M. Pham, licencié en droit et ancien comptable dans une cimenterie, a fait un forage pour son usage personnel en 2001,

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Annexes

et aurait bénéficié d’un programme Unicef pour développer sa production et revendre à ses voisins, sans compteur, pour « rendre service ». Il est le titulaire de la première licence de vente d’eau privée délivrée par HCMV début 2002. Il a ensuite eu connaissance par la presse de l’initiative de socialisation de Sawaco et signé un contrat en mai 2004 pour un an. Fermant son forage initial, il en a réalisé quatre plus profonds (200 m) et construit un château d’eau de 8 m 3 pour obtenir une production de 1 500 m 3/j (système de filtration à sable et charbon), qu’il revend intégralement à Sawaco au prix de 2 200 VND/m 3 (2 376 depuis 2005). Il emploie cinq personnes, en plus de sa femme qui s’occupe des finances. Son investissement total est de l’ordre de 2 Md VND ce qui nécessite d’après lui sept à huit ans pour être rentabilisé (son chiffre d’affaires est d’environ 1,3 Md VND/an, ses charges d’électricité sont de l’ordre de 800 M VND, ses charges salariales de 200 M VND, ce qui laisse au mieux un bénéfice de 200 à 300 M VND/an, et semble donc cohérent dans une comptabilité de caisse sans amortissement ni provision). Le problème est qu’il n’obtient que des contrats successifs d’un an ce qui n’est pas très sécurisant, même s’il pense que Sawaco n’arrivera jamais à fournir dans ce quartier si loin de la source de production. Ses trois ans de distribution directe à ses voisins lui ont paru plus rentables mais plus risqués du fait de l’importante revente entre voisins la nuit et de la non généralisation des compteurs. Il a connaissance de nombreux POP informels vendant une eau de mauvaise qualité qui cachent des forages dans leur jardin ou leur maison. Il envisage d’investir dans un système de purification de l’eau par UV afin de produire de l’eau en bouteille au cas où son contrat avec Sawaco prendrait fin.

3. Entretien avec M. The Long DANG, directeur général de Phuong Nam Long, 19/11/2008 71 Phan Xich Long, arrondissement Phu Nhuan, district 2, HCMV Phuong Nam Long est une société créée en 2006 qui construit des usines de dessalement d’eau de mer grâce à la technologie de la société américaine SEVERN TRADE. La première usine a été construite à Can Gio, la partie d’HCMV la plus distante du centre-ville, constituée d’une zone très étendue de mangroves à proximité de la mer. Cette zone est actuellement desservie par un système très coûteux de bateaux qui transportent l’eau en fûts sur une distance de 40 km sur les canaux, au prix total (production + transport) pour la mairie de 40 000 VND/m 3 (et vendue au tarif de

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3 000 VND/m 3) ! L’usine, en produisant localement l’eau, réduira considérablement les coûts de transport et fera économiser à la mairie 5 000 VND/m3, soit un coût total de 35 000 VND (13 000 de transport, 10 000 de distribution, et achat de l’eau à l’usine au tarif de 12 000 VND/m3 qui reste donc très au-dessus du prix de vente à la population). Un contrat d’achat de 5 000 m 3/j (qui augmente ensuite à 10 000 m 3/j sur 6 ans) à 12 000 VND/m 3 sur vingt ans a été signé directement entre le district d’HCMV et l’entreprise, sans passer par Sawaco. Ceci permet de rembourser l’investissement de l’usine qui est de 100 Md VND (6 M US$), dont 40 % est représenté par l’équipement américain, sur une durée d’environ sept ans, sachant que le coût de revient de la production est d’environ 3 200 VND/m3, et que 80 % des fonds ont été empruntés sur cinq ans à 14,4 %. L’usine est entrée en production en novembre 2008 et a été inaugurée en avril 2009. Une deuxième usine est en projet dans la province de Tien Giang, incluant un réseau de distribution primaire de 40 km, pour un montant de 200 Md VND (12 M US$) à échéance janvier 2010, et une 3 e à Ben Thiai. L’entreprise cherche des financements à long terme et est donc un contact potentiel pour Proparco (ils ont actuellement des contacts avec un fonds hollandais). Les relations de M. Long avec les autorités de HCMV sont excellentes et il s’estime entièrement en confiance en ce qui concerne son contrat de PPP compte tenu des derniers textes visant à encourager ce type de montage (décret national n o 117 faisant suite au décret 108 sur l’investissement + décision no 17 de HCMV sur l’eau potable).

4. Entretien avec M. SAU, technicien de Phuc Doan, 21/11/2008 A51/6 Khu Pho 3, quartier Truong Thanh, district 12, HCMV La société Phuc Doan opère depuis août 2000 dans un quartier du district 12 (non desservi par Sawaco) au nord de HCMV. Il n’existe aucune relation contractuelle avec Sawaco (pas de signature du programme de socialisation). La société compte trois personnes : le directeur (M. Doanh NGUYEN, très malade, c’est pour cette raison que nous n’avons pas pu le rencontrer) et deux employés (un technicien et un administratif). Initialement (en 2001), son activité était double : la production et distribution d’eau dans le quartier, de même que la production d’eau en bouteille (commercialisée sous la marque Fudowa), mais cette activité a été arrêtée en 2006 du fait de la

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concurrence « atroce » (chez les concurrents : vente d’eau en bouteille de qualité médiocre à des prix imbattables, 4 000 VND pour une grosse bonbonne – alors que, eux, la vendait à 12 000 VND). Du temps de cette activité, la société comptait dix employés. En 2000, pour débuter ses activités, la société a fait appel à la société WACO (consultant pour la réalisation de forages industriels) pour la réalisation d’un forage de 120 m de profondeur. Il existe désormais un second forage (de 40 m), servant de forage de secours ou utilisé pendant les périodes d’entretien. Le directeur de Phuc Doan, qui était déjà présent dans de nombreux secteurs d’activité, aurait été conseillé par un proche (professionnel du secteur de l’eau) à la fin des années 1990 pour investir dans le secteur de l’eau (pour s’y « intégrer »). à l’origine, les perspectives d’urbanisation et de peuplement de la zone promettaient la possibilité pour l’entreprise à moyen terme de desservir 3 000 foyers. Seulement, la dynamique a été différente et l’entreprise n’a aujourd’hui qu’environ 1 000 compteurs (clients), soit une faible augmentation par rapport aux 900 connexions établies initialement. Ils avaient compté sur les perspectives de peuplement décrites par le consultant (pour installer un dispositif avec une capacité de 3 000 compteurs). Par ailleurs, Phuc Doan ne dessert pas tous les foyers de la zone, certaines familles ne consommant que 1 m 3/mois et préférant disposer de leur propre forage (à 30 m, coût d’investissement : 1 M VND, soit 60 US$). Le coût d’investissement pour le forage industriel et pour le réseau a été de 2 000 M VND (environ 122 000 US$) sans compter le prix du terrain (dont le directeur était propriétaire). Le système de filtration se fait à travers un bassin de charbon et de sable. Pour l’investissement, le directeur a eu recours à des fonds propres mais également à un prêt bancaire (montant inconnu du technicien). Avant, à l’achat, un compteur coûtait 200 000 VND (par le biais de Waco) mais le frère adoptif du directeur (qui travaille chez Sawaco) lui a conseillé un fournisseur moins cher (compteurs chinois). Depuis quatre ans, ils ont changé 40 compteurs. Chaque changement est pris en charge par l’entreprise. En 2009, ils vont faire un changement intégral parce qu’ils ont reçu des plaintes (« les compteurs marchent trop vite ») et qu’il faut satisfaire les clients. Ils provisionnent chaque mois pour l’entretien et les réparations. Ils ne changent les compteurs que si le décalage est avéré après contrôle. Avec un marché d’environ 1 000 clients (au lieu des 3 000 prévus), l’activité est équilibrée, mais les bénéfices ne sont pas très importants. Chaque mois, l’entreprise collecte environ 30 M VND (chiffre d’affaires = 1 918 US$). Les frais d’électricité

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Annexes

s’élèvent à 8 M VND, les salaires à 4 M VND (pour les deux employés ; M. Sau prélève directement son salaire sur la collecte des factures, il est dans une relation de confiance avec le directeur) auxquels s’ajoutent les frais d’administration et les taxes et impôts. L’entreprise fait environ 10 M VND (606 US$) de bénéfices qui sont reversés au directeur. Il existe deux systèmes de facturation : pour la crèche et les administrations, ils utilisent la facture officielle du département des Taxes, mais pour la population, ils émettent des factures de la société. Pour le département des Taxes, chaque mois, ils soumettent la facture de la crèche, des administrations et une facture globale pour les utilisateurs individuels (la facture de la société n’est pas officielle. Les crèches et les administrations paient elles-mêmes leur facture d’eau mais le montant doit être connu du département des Taxes. Il existe une licence de service délivrée par l’arrondissement (district). Le tarif pratiqué est le même pour les administrations et les clients privés et s’élève à 4 990 VND/m 3 et inclut 5 % de taxes. Il n’existe pas de contrainte pour les quantités d’eau consommées. Les coûts relatifs d’une connexion via Phuc Doan ou de l’usage d’un forage individuel sont à peu près équivalents (du fait du coût de l’électricité pour les petits forages). Les ménages ne font pas attention à la qualité de l’eau. C’est une question d’habitude, ils gardent leur forage. Concernant les contrôles de qualité, Phuc Doan remet un échantillon à l’Institut Pasteur tous les six mois. Le coût d’un contrôle est de 1 M VND. C’est une démarche volontariste de la part de l’entreprise. Il existe un deuxième type de contrôle : celui effectué par la médecine préventive du district (deux contrôles par an, trois échantillons par contrôle, nécessité de payer 600 000 VND par échantillon). Coût total du contrôle qualité de l’eau : 5,6 M VND/an. Il n’existe que des contrôles sanitaires, pas de contrôle économique ni financier. Avant l’arrivée de l’entreprise, les gens utilisaient des puits. À l’arrivée de l’entreprise, il y avait peu de clients, mais avec la construction de nouvelles maisons, l’entreprise a pu connecter de nouveaux clients. Mais actuellement, la tendance est à la désertion du quartier, c’est pour cela qu’ils ne font plus de nouvelles connexions. Une connexion (branchement + compteur) coûte 500 000 VND, parce qu’ils ont déjà les conduites installées. Quand ils reçoivent une demande ils n’ont plus qu’à installer le compteur. En 2000, la connexion coûtait 300 000 VND. En 2003, 400 000 VND et depuis 2005, la connexion coûte 500 000 VND (coût identique pour tout le monde, même pour les clients éloignés du réseau).

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Annexes

Si des gens sont pauvres et ne peuvent pas payer la connexion, ils demandent aux voisins de l’eau dans des seaux. Normalement, les gens ne revendent pas mais donnent l’eau, parce que ce sont des pauvres. Même à la société, les gens pauvres peuvent venir prendre de l’eau dans des petits fûts et la ramener chez eux et ce n’est pas facturé. Pour avoir 1 m 3, il faut aller et venir pendant une dizaine de jours, alors on ne fait pas payer, ça ne représente pas grand chose de toutes façons. C’est de la charité. C’est juste de temps à autre, surtout pour les familles qui ont des bébés. Parfois, les voisins font payer l’eau (le prix de l’eau de la société) mais d’autres donnent sans compter. Les impayés avoisinent les 1 M VND par mois mais parfois ils peuvent monter jusqu’à 3 M VND, alors M. Sau prend de son argent personnel pour combler le trou puisqu’il s’occupe de la collecte des factures. Il connaît presque tout le monde : les impayés, ce sont en général des cas de gens qui partent pour du business ou des pauvres qui rembourseront le mois suivant. M. Sau avance l’argent, le directeur est au courant. Il lui demande un effort maximum pour le recouvrement. Il existe un contrat civil entre la société et le client où sont détaillées les responsabilités de chaque partie. Si les impayés durent plus de trois mois, la société coupe l’alimentation en eau. Mais la société est flexible, si les gens sont pauvres, elle peut étendre le délai à cinq mois. Parfois le tuyau est cassé jusqu’au compteur, alors la facture augmente jusqu’à 10 M VND et les gens ne veulent pas payer. La société coupe pour éviter les pertes puis répare. Il n’existe pas de fraude sur le réseau, il y a un contrôle interne dans le quartier. Les voisins préviennent la société tout de suite. Pour le suivi gestionnaire des activités, ils louent les services d’un comptable de la société Zaca qui fait la comptabilité du mois pour le service des taxes. Ce comptable est payé par le directeur. Concernant la relation de Phuc Doan à Sawaco, elle est uniquement interpersonnelle (le frère adoptif du directeur travaille chez Sawaco). M. Sau avait postulé chez Sawaco mais n’a pas été retenu, il avait travaillé auparavant pendant un an dans une entreprise de réparation de réseaux en centre-ville (sous traitant de Sawaco). M. Sau ne connaît pas l’opinion de Sawaco sur l’activité de Phuc Doan ni les projets stratégiques du directeur par rapport à Sawaco. Il sait juste qu’il essaiera de revendre les actifs à Sawaco s’il ne souhaite pas poursuivre. Si Sawaco arrive dans cette zone, Phuc Doan pourrait rétrocéder son compteur général et vendre l’eau à Sawaco mais c’est encore en discussion. À ce moment là, Sawaco gérerait la clientèle (relève et collecte), eux ne s’occuperaient plus que de l’entretien du réseau pour la vente à Sawaco.

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Annexes

Pour l’instant, les réseaux alentour sont étendus jusqu’à Hoc Mon, mais ces réseaux n’appartiennent pas à Sawaco. Le réseau principal passe là, juste dans la rue. Il ne sait pas si ce réseau de Hoc Mon dessert la population, c’est pour les pompiers. M. Sau n’a pas connaissance d’autres opérateurs d’eau dans HCMV. Mais le directeur a des relations avec d’autres POP. M. Sau avait suivi des cours de formation à HCMV dans une société dans le district 3. Il a depuis été recruté comme formateur. Phuc Doan a des relations avec une petite société d’eau à côté qui dépend du centre d’adduction d’eau rurale . Quant aux perspectives pour Phuc Doan, le directeur n’a pas tendance à développer ses activités, il ne pense plus à faire du business . Il laisse la société sans orientation.

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Annexe 4 Composantes du projet AFD « alimentation en eau potable dans le delta du Mékong » (Source : AFD) En cohérence avec ces objectifs, le programme que l'A FD se propose de financer se situe au croisement de deux logiques : renforcer les capacités des principaux acteurs, et accroître l'accès à l'eau des populations urbaines dans les villes secondaires.

Renforcer les capacités des principaux acteurs Assistance technique aux Compagnies d'eau (CEs) : Le programme concentre son action sur les CEs les plus performantes ou proactives de la région du delta du Mékong. Quatre à six provinces accèdent aux actions de renforcement de capacité et aux financements de projets. Localisée à proximité des bénéficiaires dans un point central de la région du Mékong, l'assistance technique est mise en place pour une durée de trois ans. Les tâches suivantes sont assignées à une cellule d'appui : l

faciliter l'identification et assister à la formulation de projets « bancables » ;

l

accompagner et soutenir les actions de progrès (amélioration des performances, négociation des tarifs) engagées par les CEs éligibles au programme ;

l

sensibiliser les autres CEs de la région à se préparer pour des tranches ultérieures du programme.

Assistance technique à la Banque de développement du Vietnam (BDV) La BDV, en tant qu'agence d'exécution du programme financé par l'A FD, s'expose à des risques, dont l'analyse et la gestion doivent être renforcées. La BDV a besoin de compléter ses capacités dans deux secteurs clés : (i) l'évaluation de projet et (ii) la gestion des crédits. Les activités suivantes sont envisagées : l

formation à l'économie et l'analyse financière des services publics à caractère industriels et commerciaux, en particulier dans le domaine de l’eau ;

l

appui à l'amélioration de la capacité d'évaluation de projets des agents de crédit des agences installées dans le delta du Mékong ;

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Annexes

l

appui à l'amélioration de la capacité de gestion de crédits, et notamment des crédits APD, au sein des agences installées dans le delta du Mékong ;

l

appui à l'amélioration de la capacité de suivi des risques ;

l

mise au point d’un manuel de procédures portant à la fois sur l’instruction des projets et sur leur gestion administrative et financière en phase de décaissement ;

l

réhabiliter, renforcer et étendre les systèmes d'alimentation en eau potable dans les villes secondaires du delta du Mékong.

Ces travaux financés par l'AFD vont fortement impacter la population de cette région. À terme, 750 000 personnes auront gagné un accès à une source d'eau potable améliorée grâce au financement de ce projet. Un million de personnes verront la qualité de leur système d'alimentation en eau potable améliorée.

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Annexe 5 Exemples de POP opérant dans la province de Tien Giang (delta du Mékong) 1. Mr Vo Thanh NHA’S rural water supply company (source: Salter, 2003) Mr Nha’s water system was built in 2000 to supply water in Long Vinh Commune, Tien Giang Province. It draws water through a pipe from a canal that is one kilometer away into an 800 m 2 lined holding tank. From here it is pumped through a simple purification plant, and up to a water tower from where it gravity feeds through the village. To raise his investment confidence, Mr Nha designed a household survey that asked whether households would be willing to pay for purified piped water at the Government ceiling-rate of 25 cents/m 3 (for water extracted from open water sources). 120 households agreed to this idea, and with this initial market research he invested $14,000 of his own money towards the system. The demand rapidly grew once other households saw the system, but he needed capital to extend the pipeline. He proposed to these interested households that they pay him $20, and he would provide reduced rate water (60 % of cost) until their $20 was paid off. The number of connections grew from 120 to 480. He now needed to further upgrade the system, and bought a larger pipeline to feed the station. For this final expansion he borrowed $9,000 from the bank at a rate of 0.85 % per month. He anticipates that by the end of 2003 he will have all 600 households connected. The 600 households of the village are spread across an area of 6 km 2, which equates to an approximate population density of 500 people/km 2. Most of the consumers use his water for drinking, cooking, and animal husbandry – Chicken and Pig Raising. They all still collect rainwater, and they generally use pond water for washing and bathing. But Mr Nha is confident that in the future, more of his consumers will appreciate the value of “safe” water and the consumption will increase. He is projecting that it will take ten years to cover his own and borrowed investment. He has reduced his operational costs by designing a scheme whereby five user’s representatives check meters and collect the tariffs. He pays these representatives with free water.

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Annexes

2. Rencontre avec M. RANG, gérant de la Hung Hoa Water Supply Company, 20/11/2008 Hung Hoa, province de Tien Giang (delta du Mékong) Hung Hoa est un bourg de la province de Tien Giang, à environ 40 km à l’est de My Tho en suivant la rive nord de la Ham Luong. M. Rang, d’une trentaine d’années, est un ancien employé du BTP, et il gère la société de distribution d’eau de Hung Hoa pour le compte de son associé, M. Vo Quoc Huy, banquier à My Tho. Ce dernier a investi en 2000 dans un système de production d’eau à partir de l’eau de la rivière car la nappe phréatique dans la région est salée et donc inutilisable. La capacité de production d’eau est de 400 m3/j, et l’investissement a été de 700 M VND (dont 30 % ont été financés par un emprunt bancaire sur dix ans). La licence a été accordée en 2002 (durée indéterminée), et le tarif de vente est contrôlé : 4 200 VND/m 3. Une cinquantaine de nouvelles connexions sont réalisées gratuitement chaque année et payées par le tarif (il y a une liste d’attente de 200 familles). L’entreprise dispose de 800 clients et distribue 300 m 3/j (soit une consommation moyenne de 11,5 m 3 mensuels par foyer), soit un CA d’environ 460 M VND et des charges du même ordre de grandeur, d’où une rentabilité peu facile à calculer (après huit ans le capital n’est toujours pas amorti nous déclare t-il). Les pertes techniques expliquent en partie cela, avec un taux de 40 % ! Le réseau de 2,5 km est enterré (30 cm). M. Rang n’est assisté que de deux employés. Le service est assuré de 4h à 21 h, et des examens du laboratoire de la Province sont effectués sur la qualité de l’eau tous les mois. La facturation est réalisée grâce à un logiciel informatique.

92 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


Sigles/abrĂŠviations



Liste des sigles et abréviations ADB/BAsD Asian Development Bank / Banque asiatique de développement AFD

Agence Française de Développement

APD

Aide publique au développement

BOO

Built Operate Own

BOT

Built Operate Transfer

BDV

Banque de développement du Vietnam

CEs

Compagnies d'eau (provinciales ou municipales)

DBL

Design Build Lease

DIEPA

Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement

EPFL

École polytechnique fédérale de Lausanne

Fonddri

Fondation de recherche de l’Iddri

GEMDEV

Groupement pour l’étude de la mondialisation et du développement

GSO

General Statistics Office of Vietnam

HCMWSC

Hô Chi Minh Water Supply Company

HCMV/C

Hô Chi Minh Ville / City

IFI

Institutions financières internationales

Iddri

Institut du développement durable et des relations internationales

IRD

Institut de recherche pour le développement

ISTED

Institut des sciences et des techniques de l’équipement et de l’environnement pour le développement

JFPR

Japan Found for Poverty Reduction

LPED

Laboratoire population environnement développement

M

Million(s)

MAE

Ministère des Affaires étrangères (France)

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Liste des sigles et abréviations

Md

Milliard(s)

nda

Note de l’auteur

ODA

Official Development Assistance

OMD/MDG Objectifs du millénaire pour le développement / Millennium Development Goals ONG

Organisation non gouvernementale

ONU

Organisation des Nations unies

PED

Pays en développement

PNUD

Programme des Nations unies pour le développement

POP

Petits opérateurs privés

PPP

Partenariat public-privé

PRUD

Programme de recherche pour le développement

PSP

Participation du secteur privé

RETA

Regional Technical Assistance

RMIT

Royal Melbourne Institute of Technology

Sawaco

Saigon Water Corporation

Seawun

South East Asian Water Utilities Network

SSIPWP

Small Scale (Independent Private) Water Providers

VeT

Villes en transition

VND

Vietnam Dong

VWSA

Vietnam Water Supply and Sewerage Association

WB / BM

World Bank / Banque mondiale

WHO

World Health Organization

WSP

Water and Sanitation Program

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Bibliographie



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99 AFD / Mars 2010 / Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam


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Qu’est-ce que l’AFD ? L’Agence Française de Développement (AFD) est l’un des piliers du système français d’aide publique au développement (APD), conjointement avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Finances (Trésor). Depuis sa création en 1941, elle contribue au développement de plus de 80 pays ainsi qu’à la promotion des territoires français d’outre-mer. En tant qu’institution financière, l’A FD soutient des projets économiques, sociaux et environnementaux, grâce à un choix d’instruments allant de la subvention au prêt concessionnel ou aux conditions du marché. Son champ d’intervention couvre les projets productifs dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et des services, publics ou privés ; des infrastructures ; du développement urbain ; de l’éducation ; de la santé et de l’environnement.

www.afd.fr

• © Agence Française de Développement 5, rue Roland Barthes – 75598 Paris cedex 12 Tél. : 33 (1) 53 44 31 31 – www.afd.fr Dépôt légal : 1e trimestre 2010 ISSN : en cours


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FOCALES

Accès de tous aux services d’eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville,Vietnam

AUTEURS Sarah BOTTON Sociologue, AFD -CEFEB, chercheur associé au LPED (IRD) bottons @ afd.fr Aymeric BLANC Chargé de recherche, AFD blanca @ afd.fr

FOCALES

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Mars 2010

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Accès de tous aux services d’eau : le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville,Vietnam

Le rôle des petits opérateurs privés à Hô Chi Minh Ville, Vietnam

La politique du Doi Moi (renouveau) à la fin des années 1980 marque l’entrée rapide du Vietnam dans les réformes de libéralisation de l’économie. Elle s’accompagne d’une dynamique de privatisation et de marchandisation progressive des services publics, appelée « socialisation », qui prend, à Hô Chi Minh Ville, la forme d’un dispositif de régulation extrêmement novateur associant Sawaco, l’opérateur public en charge du service d’eau potable, à de petits opérateurs privés informels. Ce volontarisme politique, porté par l’énoncé des Objectifs du millénaire pour le développement et l’appui de bailleurs, augure-t-il d’une généralisation du modèle ? Dans le cadre du programme de recherche de l’AFD sur les Partenariats public-privé, cette étude se propose de revenir sur le terrain, huit ans après l’adoption du décret de socialisation, pour faire l’état des lieux de ce qui reste aujourd’hui une exception en matière de contractualisation entre un opérateur officiel et de petits opérateurs informels.

[ Mars

AUTEURS

Sarah BOTTON Sociologue, AFD -CEFEB, chercheur associé au LPED (IRD)

Aymeric BLANC Chargé de recherche, AFD

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