Transitions décrétées, transitions vécues

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02 Juillet 2011

Transitions décrétées, transitions vécues Du global au local : approches méthodologiques, transversales et critiques

Université d’été régionale en sciences sociales « Les Journées de Tam Đảo » (Việt Nam) Juillet 2010

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Transitions décrétées, transitions vécues Du global au local : approches méthodologiques, transversales et critiques ÉDITEUR SCIENTIFIQUE

Stéphane LAGRÉE École française d’Extrême-Orient, ÉFEO CONTACTS

Virginie DIAZ Département de la recherche, AFD diazv@afd.fr


Conférences et séminaires Le département de la Recherche de l’AFD organise de nombreux séminaires et conférences, qui sont autant de lieux d’échanges de connaissances et d’expériences entre acteurs de l’aide au développement : chercheurs, experts, responsables politiques, ONG, entreprises… Ces rencontres peuvent aborder tous les champs d’action de l’AFD. La collection Conférences et séminaires a pour objectif de mettre à disposition du lectorat concerné par ces enjeux, les principaux résultats et acquis de ces travaux.

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Précédentes publications de la collection : Implementing Large-Scale Energy Efficiency Programs in Existing Buildings in China – Conference in Wuhan (China) – N° 1 – Octobre 2010

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Table des matières

Avant-propos Remerciements Ouvertures

5 13 15

t 0VWFSUVSF EF /HVZĚŽO 9VÉO 5IĚƒOH 7JDF QSĂ?TJEFOU EF M "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT TPDJBMFT EV 7JĚ?U /BN t 0VWFSUVSF EF :BOO .BSUSFT %JSFDUFVS BEKPJOU "'% 7JĚ?U /BN t 0VWFSUVSF EF +BDRVFT #PVMĂ’HVF 1SPGFTTFVS EFT 6OJWFSTJUĂ?T 3FQSĂ?TFOUBOU EF M *3% BV 7JĚ?U /BN t 0VWFSUVSF EF :WFT 1FSSBVEFBV 1SPGFTTFVS EFT 6OJWFSTJUĂ?T $IBSHĂ? EF NJTTJPO 7JĚ?U /BN FU "TJF EV 4VE &TU VOJWFSTJUĂ? EF /BOUFT

1BSUJF 4Ă?BODFT QMĂ?OJĂ’SFT 1.1. La transition : rĂŠflexions ĂŠpistĂŠmologiques Ă partir du cas chinois, Nicolas Zufferey 1.2. La transition agraire, Rodolphe De Koninck 1.3. Transitions sur le marchĂŠ du travail : lectures macro et micro, .JSFJMMF 3B[BĂśOESBLPUP +FBO 1JFSSF $MJOH $ISJTUPQIF (JSPOEF François Roubaud 1.4. Les transformations de la famille en Europe. Quels en sont les traits ? Comment les analyser et les comprendre ? Martine Segalen 1.5. Synthèse des sĂŠances plĂŠnières, Olivier Tessier

1BSUJF "UFMJFST

29 45

59 86 103

2.1. Transition agraire, Rodolphe De Koninck, Jim Delaney, Danielle LabbĂŠ, #SVOP 5IJCFSU 1IËźN 7ÇŠO $̤ +FBO 'SBOĂŽPJT 3PVTTFBV 2.2. Comment la transition ĂŠconomique est-elle vĂŠcue et perçue par la population ? Analyse de la complĂŠmentaritĂŠ entre approches RVBOUJUBUJWF FU RVBMJUBUJWF .JSFJMMF 3B[BĂśOESBLPUP +FBO 1JFSSF $MJOH Christian Culas, François Roubaud 2.3. Formation aux mĂŠthodes d’enquĂŞtes et aux pratiques de terrain FO TPDJPBOUISPQPMPHJF j &OKFVY UFOTJPOT FU DPOøJUT BVUPVS EF M BQQSPQSJBUJPO FU EF M VTBHF EV GPODJFS x 1BTDBM #PVSEFBVY &NNBOVFM 1BOOJFS 0MJWJFS 5FTTJFS 2.4. Transition dĂŠmographique et transformations familiales, 1IJMJQQF "OUPJOF #FSOBSE 'PSNPTP .BSUJOF 4FHBMFO

#JPHSBQIJFT EFT JOUFSWFOBOUT Sigles et abrĂŠviations

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Avant-propos Les ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť rĂŠgionales : une plate-forme de formation valorisĂŠe -B QSFNJĂ’SF VOJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT B Ă?UĂ? PSHBOJTĂ?F FO EBOT MF DBESF EV QSPKFU 'POET EF 4PMJEBSJUĂ? 1SJPSJUBJSF FO 4DJFODFT 4PDJBMFT '41 4 ÂŤ Appui Ă la recherche sur les enjeux de la transition ĂŠconomique et sociale au Viᝇt Nam Âť, mis en Ĺ“uvre par l’École française d’ExtrĂŞme0SJFOU FU FO QBSUFOBSJBU BWFD M "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN [1]. Elle faisait suite au DPOTUBU QBSUBHĂ? QBS MF DPOTFJM TDJFOUJĂśRVF QBSJUBJSF GSBODP WJFUOBNJFO EV '41 4 E VO CFTPJO EF renforcement des capacitĂŠs des chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants vietnamiens en matière mĂŠthodologique, de maĂŽtrise des outils d’enquĂŞtes et de traitement des donnĂŠes. 3Ă?Ă?EJUĂ?FT FO FU MFT j +PVSOĂ?FT EF 5BN ĂĽË˝P x o PV +5% o POU DPOTFSWĂ? M PCKFDUJG d’introduire les futurs cadres scientifiques vietnamiens aux savoir-faire et aux outils intellectuels nĂŠcessaires Ă une connaissance rigoureuse de la rĂŠalitĂŠ sociale, et de fournir les bases thĂŠoriques FU NĂ?UIPEPMPHJRVFT QPVS M Ă?MBCPSBUJPO E VO QSPKFU EF SFDIFSDIF TDJFOUJĂśRVFNFOU QFSUJOFOU Elles se sont dĂŠroulĂŠes Ă HĂ Náť™i et en rĂŠsidence Ă Tam Ä?ảo, station d’altitude proche de la capitale, et ont donnĂŠ lieu Ă la publication de trois ouvrages publiĂŠs chacun en langues française et vietnamienne [2]. 2010-2013 : un accord de partenariat, un changement d’Êchelle rĂŠgionale Étant donnĂŠ le succès des trois premières ĂŠditions, et afin d’accompagner le dĂŠveloppement EF M VOJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? M "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN "447 M "HFODF 'SBOĂŽBJTF de DĂŠveloppement (AFD), l’Institut de Recherche pour le DĂŠveloppement (IRD), l’universitĂŠ de Nantes, l’École française d’ExtrĂŞme-Orient (ÉFEO) et l’Agence universitaire de la Francophonie [3] "6' POU EĂ?DJEĂ? EF DPOĂśSNFS MFVS FOHBHFNFOU DPOKPJOU EBOT MF DBESF E VO BDDPSE EF QBSUFOBSJBU TJHOĂ? MF BWSJM BV TJĂ’HF EF M "'% Ă‹ 1BSJT QPVS MFT RVBUSF BOOĂ?FT

[1] 1SPKFU BDIFWĂ? MF NBJ [2] -BHSĂ?F 4 $MJOH + 1 3B[BĂśOESBLPUP . FU 3PVCBVE ' Ă?ET TDJFOUJĂśRVFT Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo. StratĂŠgies de rĂŠduction de la pauvretĂŠ : approches mĂŠthodologiques et transversales ²EJUJPOT 5SJ 5IVD )BOPJ KVJMMFU Q (version française), 620 p. (version vietnamienne) ; LagrĂŠe S. (ĂŠditeur), Les JournĂŠes de Tam Dao. Nouvelles approches mĂŠthodologiques appliquĂŠes au dĂŠveloppement (2), 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5IĂ? (JPJ )BOPJ TFQUFNCSF Q WFSTJPO GSBOĂŽBJTF Q (version vietnamienne) ; LagrĂŠe S. (ĂŠditeur), Les JournĂŠes de Tam Dao. Nouvelles approches mĂŠthodologiques appliquĂŠes au dĂŠveloppement, 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5IĂ? (JPJ )BOPJ OPWFNCSF SĂ?Ă?EJUĂ?F FO NBJ Q WFSTJPO française), 350 p. (version vietnamienne). [3] "6' ĂśOBODFNFOU j "DUJPO JOOPWBOUF x

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Ce partenariat vise Ă pĂŠrenniser les ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť dans la continuitĂŠ des formations BOUĂ?SJFVSFT BWFD QPVS PCKFDUJGT HĂ?OĂ?SBVY EF - soutenir une formation pluridisciplinaire d’excellence : amĂŠlioration des connaissances, des mĂŠthodes et des outils d’enquĂŞtes en sciences sociales ; renforcement des capacitĂŠs d’analyse des changements ĂŠconomiques et sociaux ; consolidation de la maĂŽtrise des mĂŠthodes E Ă?WBMVBUJPO E JNQBDU EFT QSPKFUT EF EĂ?WFMPQQFNFOU - constituer une plate-forme de discussion sur les politiques, ainsi qu’un vivier de chercheurs ouverts sur la rĂŠgion Sud-Est asiatique : les JTD sont conçues comme un espace d’Êtudes sur les stratĂŠgies, les mĂŠthodes et les pratiques du dĂŠveloppement, mais aussi de formation et d’Êchanges entre chercheurs et dĂŠcideurs ; - dĂŠvelopper la notoriĂŠtĂŠ et l’attractivitĂŠ des ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť : les JTD ont vocation Ă drainer un large public acadĂŠmique et non acadĂŠmique Ă travers l’Asie du Sud-Est. #Ă?OĂ?ĂśDJBOU EF MB DBQJUBMJTBUJPO FòFDUVĂ?F Ă‹ QBSUJS EFT Ă?WBMVBUJPOT EFT USPJT QSFNJĂ’SFT BOOĂ?FT MF QSPKFU SĂ?HJPOBM ĂśYF Ă?HBMFNFOU EF OPVWFMMFT BNCJUJPOT VOF UIĂ?NBUJRVF TQĂ?DJĂśRVF QSĂ?TFOUBOU VO DBSBDUĂ’SF E FOKFV SĂ?HJPOBM PV JOUFSOBUJPOBM est dĂŠgagĂŠe chaque annĂŠe, puis dĂŠclinĂŠe et dĂŠbattue selon diffĂŠrentes approches mĂŠthodologiques et transversales ; Ă‹ M "447 MFT EFVY QSFNJĂ’SFT KPVSOĂ?FT EF GPSNBUJPO FU E Ă?DIBOHFT TF DMĂ™UVSFOU QBS VOF TĂ?BODF de synthèse qui ouvre la rĂŠflexion sous un angle interdisciplinaire en dialoguant sur les outils NĂ?UIPEPMPHJRVFT QSPQPTĂ?T DFT KPVSOĂ?FT TPOU DPOĂŽVFT DPNNF VOF JOUSPEVDUJPO BVY BUFMJFST thĂŠmatiques ; - Ă Tam Ä?ảo, les quatre ateliers de travaux pratiques suivis chacun par une vingtaine de stagiaires EVSBOU DJOR KPVSOĂ?FT TF QSPMPOHFOU QBS VOF KPVSOĂ?F QMĂ?OJĂ’SF EF TZOUIĂ’TF Ă‹ M JTTVF EF MB semaine, stagiaires et formateurs se rĂŠunissent ainsi pour la mise en commun et la restitution du produit des travaux menĂŠs dans chaque atelier ; - afin d’accroĂŽtre l’ouverture gĂŠographique, les JTD accueillent des chercheurs et participants de la rĂŠgion Asie du Sud-Est. Cette ouverture rĂŠgionale renforce notoirement la visibilitĂŠ dans la rĂŠgion et permet d’Êlargir le rĂŠseau d’Êchanges et de collaborations scientifiques. Le public est composĂŠ d’une cinquantaine de stagiaires vietnamiens et d’une trentaine de stagiaires rĂŠgionaux (ThaĂŻlande, Laos, Cambodge, Malaisie et autres pays voisins). Une production scientifique annuelle trilingue La publication trilingue des actes, vietnamien, français et anglais, est proposĂŠe dans l’annĂŠe suivant la formation dans la collection AFD ConfĂŠrences et SĂŠminaires en co-ĂŠdition avec l’ÉFEO et la maison Tri ThĂşc. Chaque ouvrage est disponible sur Cd Rom et en version ĂŠlectronique tĂŠlĂŠchargeable gratuitement sur le site www.tamdaoconf.com et ceux des partenaires associĂŠs. En complĂŠment Ă la prĂŠsente version papier, ce site propose des textes de lectures permettant de complĂŠter et d’approfondir les thĂŠmatiques et champs disciplinaires abordĂŠs, une biographie ĂŠlargie de chaque formateur ainsi qu’une triple ĂŠvaluation fournie par les formateurs, les stagiaires et les rapporteurs.

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ÂŤ Transitions dĂŠcrĂŠtĂŠes, transitions vĂŠcues Âť Le fil directeur des JTD2010 ĂŠtait de questionner le concept de transition en s’intĂŠressant Ă la variabilitĂŠ des situations qu’il recouvre, selon le modèle pĂŠdagogique ĂŠvoquĂŠ ci-dessus : KPVSOĂ?FT EV FU KVJMMFU Ă‹ M "447 RVBUSF JOUFSWFOUJPOT POU JOUSPEVJU FU EĂ?WFMPQQĂ? les approches mĂŠthodologiques et transversales sur le thème de la transition ; un film EPDVNFOUBJSF FTU WFOV DPNQMĂ?UFS MB GPSNBUJPO -FT TĂ?BODFT TF TPOU DMĂ™UVSĂ?FT QBS VOF SFTUJUVUJPO TZOUIĂ?UJRVF EFT EFVY KPVSOĂ?FT RVBUSFT BUFMJFST UIĂ?NBUJRVFT EF DJOR KPVST Ă‹ MB TUBUJPO E BMUJUVEF EV 5BN ĂĽË˝P EV MVOEJ BV WFOESFEJ KVJMMFU 0OU Ă?UĂ? BQQSPGPOEJFT M Ă?UVEF EF MB USBOTJUJPO BHSBJSF BUFMJFS MB transition ĂŠconomique par le prisme de l’analyse quantitative et qualitative (atelier 2), les mĂŠthodes d’enquĂŞtes de terrain en anthropologie du dĂŠveloppement (atelier 3), la transition dĂŠmographique et les transformations familiales (atelier 4) ; KPVSOĂ?F QMĂ?OJĂ’SF EF SFTUJUVUJPO EFT BUFMJFST TBNFEJ KVJMMFU Ă‹ 5BN ĂĽË˝P Les JTD ont dĂŠmarrĂŠ par une confĂŠrence introductive conduite par Nicolas Zufferey, sinologue, QSPGFTTFVS Ă‹ M VOJUĂ? EFT Ă?UVEFT DIJOPJTFT EF M VOJWFSTJUĂ? EF (FOĂ’WF - FYQPTĂ? T FTU JOUĂ?SFTTĂ? UPVU d’abord Ă une pĂŠriode de transition ancienne en Chine – entre le 6e et le 2e siècle avant J.-C. –, QVJT Ă‹ VOF USBOTJUJPO SĂ?DFOUF o Ă‹ QBSUJS EF o WĂ?DVF DPNNF UFMMF QBS MFT DPOUFNQPSBJOT avec pour finalitĂŠ de les comparer. La seconde partie a ĂŠtĂŠ consacrĂŠe Ă une thĂŠmatisation de la transition selon trois dimensions dictinctes : historique, psychologique et idĂŠologique. La matinĂŠe s’est poursuivie avec l’intervention du gĂŠographe Rodolphe De Koninck. La transition agraire, comprise comme le passage d’une sociĂŠte agraire vers une sociĂŠtĂŠ de plus en plus basĂŠe sur la production industrielle et les services, ĂŠtait ici au cĹ“ur des propos. L’intervention s’est focalisĂŠe sur les pays de la rĂŠgion du Sud-Est asiatique oĂš le processus est engagĂŠ de manière gĂŠnĂŠralisĂŠe tout en revĂŞtant dans chaque pays de la rĂŠgion des caractĂŠristiques originales et spĂŠcifiques et, surtout, s’accompagne de consĂŠquences complexes et parfois inĂŠdites, comme en ThaĂŻlande, par exemple. &O EĂ?CVU E BQSĂ’T NJEJ MB QSPKFDUJPO EV ĂśMN EPDVNFOUBJSF ÂŤ A qui appartient la terre ? Âť (avec TPVT UJUSBHF FO GSBOĂŽBJT FO QSĂ?TFODF EF MB SĂ?BMJTUSJDF ĂĽPĂ‹O )Ě•OH -Ă? B KFUĂ? VO Ă?DMBJSBHF TBJTJTTBOU TVS MFT QSPCMĂ’NFT GPODJFST RVJ TF QPTFOU BVKPVSE IVJ BV 7JĚ?U /BN -B UIĂ?NBUJRVF BCPSEĂ?F UJTTBJU un lien direct avec l’atelier de formation Ă l’enquĂŞte de terrain en socio-anthropologie, menĂŠ sur le piĂŠmont du Tam Ä?ảo. -B EFVYJĂ’NF KPVSOĂ?F EFT QMĂ?OJĂ’SFT B EĂ?CVUĂ? QBS VO FYBNFO BQQSPGPOEJ EFT USBOTJUJPOT TVS MF NBSDIĂ? EV USBWBJM BV 7JĚ?U /BN QSPDĂ?EBOU Ă‹ VOF EPVCMF MFDUVSF NBDSP FU NJDSP Ă?DPOPNJRVF 1SPQPTĂ?F QBS +FBO 1JFSSF $MJOH $ISJTUPQIF (JSPOEF .JSFJMMF 3B[BĂśOESBLPUP FU 'SBOĂŽPJT 3PVCBVE l’intervention s’est intĂŠressĂŠe aux questions d’urbanisation et de dynamique du marchĂŠ du travail depuis la fin des annĂŠes 1990, aux caractĂŠristiques comparĂŠes de l’emploi en zone urbaine et pĂŠriurbaine avec un regard particulier sur le secteur informel. Les rĂŠsultats prĂŠsentĂŠs ĂŠtaient basĂŠs d’une part sur des enquĂŞtes statistiques reprĂŠsentatives conduites au niveau national et

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des deux capitales politique (Hà Nội) et économique (Hồ Chí Minh Ville) du Việt Nam, et d’autre part sur des travaux menés au niveau local dans deux districts du delta du fleuve Rouge. Le cycle de conférences s’est achevé sur le thème des transformations de l’institution familiale en Europe. Martine Segalen, sociologue, y a souligné la diversité des systèmes familiaux de l’Europe paysanne liés aux modes de dévolution des biens, ainsi que les effets de l’industrialisation sur les rapports familiaux et les transformations profondes de la société à partir des années 1960. Enfin, en début d’après-midi, Olivier Tessier, anthropologue et membre de l’École française d’Extrême-Orient à Hà Nội, a clôturé ces deux premières journées sous la forme d’une conclusion critique. La formation s’est poursuivie dans le cadre de quatre ateliers tenus à Tam Đảo, située à 80 km de Hà Nội. L’atelier 1 a constitué un prolongement et un approfondissement des propos tenus en séance plénière par Rodolphe De Koninck. La formation a porté essentiellement sur les différents processus de la transition agraire : intensification agricole et expansion territoriale ; urbanisation, industrialisation et migration ; environnement, intégration aux marchés et intensification de la réglementation. Ces transformations ont été développées à partir de quatre « fenêtres conceptuelles » – globalisation, acteurs, subsistance, spatialité – en lien avec un important projet de recherche international intitulé « Les défis de la transition agraire en Asie du Sud-Est ». L’atelier 2 a traité, de manière particulièrement novatrice et sous une forme interdisciplinaire, des différentes facettes de la transition économique amorcée au Việt Nam depuis la fin des années 1980, abordées sous des angles à la fois qualitatifs et quantitatifs. L’un des objectifs majeurs était ici d’étudier, par l’utilisation des outils d’analyses économiques et anthropologiques, comment la population vit et perçoit les changements en cours au niveau individuel à travers les trajectoires migratoires et professionnelles. Pour appliquer sur le terrain cette approche pluridisciplinaire, des enquêtes qualitatives auprès de petits commerçants et artisans ont été menées durant une demi-journée à la station. L’atelier 3 a été consacré à la formation aux méthodes d’enquêtes et aux pratiques de terrain en socio-anthropologie, avec une application aux enjeux, tensions et conflits autour de l’appropriation et de l’usage du foncier. L’atelier s’est attaché au double objectif d’introduire des outils et méthodes d’enquêtes et de les appliquer en temps réel sur le terrain. La dimension foncière de l’implantation d’un projet touristique de type « top-down » a été prise comme objet de recherche en poursuivant une série d’entretiens qualitatifs menés depuis 2008 auprès des acteurs locaux : villageois, autorités communales, du district et de la province. L’atelier 4 a enfin proposé une formation sur la transition démographique et les transformations familiales. Trois axes majeurs ont été privilégiés : présentation de la théorie de la transition démographique complétée par une sensibilisation à de nouvelles approches à travers les méthodes d’analyse des biographies (études de cas africains) ; modes de conciliation possibles entre approches démographiques travaillant le plus souvent à macro-échelle et ethnologiques œuvrant à des niveaux micro-sociologiques (études de cas Sud-Est asiatique) ; analyse des transformations familiales à travers un ensemble de données démographiques, sociologiques et culturelles (études de cas européens).

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Principales caractĂŠristiques des ateliers thĂŠmatiques menĂŠs lors des JTD 2010 Ateliers

-1Transition agraire

Échelles / niveau d’analyse

Multiscalaire

-2Échelle nationale, Comment la transition approches macro et ĂŠconomique est-elle micro. UnitĂŠ d’analyse : vĂŠcue et perçue par la les individus population ? -3Échelle locale : Formation aux communes et villages. mĂŠthodes d’enquĂŞtes UnitĂŠ d’analyse : et aux pratiques de enquĂŞtes auprès terrain en sociodes mĂŠnages et des anthropologie individus -4Transition Échelle macro, dĂŠmographique mĂŠso et micro et transformations familiales

Disciplines

Outils / mĂŠthodes

GĂŠographie

Fenêtres d’observation : mondialisation, conditions et moyens de subsistance, territorialitÊ, institutions et acteurs

Économie, socioanthropologie

Analyses d’enquêtes statistiques, approches quantitatives et qualitatives

Histoire, socioanthropologie

Entretiens qualitatifs

DĂŠmographie, sociologie et anthropologie, ethnologie

Biographies, ĂŠtudes de cas

Les quatre ateliers ont ĂŠtĂŠ ĂŠlaborĂŠs pour ĂŞtre suivis par des participants de diffĂŠrentes disciplines, la prioritĂŠ ĂŠtant de permettre Ă tous de mobiliser des approches et des outils les plus ouverts possibles. Cette volontĂŠ de croiser les regards sous un angle pluridisciplinaire s’est cristallisĂŠe lors EF MB EFSOJĂ’SF KPVSOĂ?F EF SFTUJUVUJPO MF TBNFEJ KVJMMFU - FOTFNCMF EFT QBSUJDJQBOUT POU BMPST pu ĂŠchanger et discuter de leurs conclusions, suscitant un dĂŠbat extrĂŞmement riche et animĂŠ. Comme cela est l’usage dans ce genre de formations, un certificat de participation et de suivi TJHOĂ? QBS M "447 M "'% M *3% M ²'&0 FU M VOJWFSTJUĂ? EF /BOUFT B Ă?UĂ? SFNJT Ă‹ DIBRVF TUBHJBJSF FO ĂśO de sĂŠance. &OĂśO DPOĂŽVF DPNNF VO WĂ?SJUBCMF TVQQPSU E BDDPNQBHOFNFOU MB TPJSĂ?F EV KFVEJ KVJMMFU T FTU FOSJDIJF EF MB QSPKFDUJPO E VO ĂśMN EPDVNFOUBJSF EF NO SĂ?BMJTĂ? FO ÂŤ RĂŞve d’ouvrière Âť, QSĂ?TFOUĂ? FU DPNNFOUĂ? QBS MB SĂ?BMJTBUSJDF 5SËżO 1IË?ËŒOH 5IË˝P BWFD TPVT UJUSBHF FO GSBOĂŽBJT -F EPDVNFOUBJSF NJT Ă‹ EJTQPTJUJPO QBS MFT BUFMJFST 7BSBO B QFSNJT Ă‹ M FOTFNCMF EFT TUBHJBJSFT EF EJBMPHVFS TVS MFT EJĂłDVMUĂ?T E JOTFSUJPO QSPGFTTJPOOFMMF EFT KFVOFT SVSBVY WFOBOU T FNQMPZFS EBOT les usines proches de HĂ Náť™i.

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Profils des stagiaires 2010 La sĂŠlection des stagiaires aux JTD devient plus sĂŠlective chaque annĂŠe, et d’une certaine GBĂŽPO OPVT OF QPVWPOT RVF OPVT FO GĂ?MJDJUFS 1SĂ’T EF EFVY DFOUT EFNBOEFT EF QBSUJDJQBUJPO ont ĂŠtĂŠ dĂŠposĂŠes en 2010, mais seuls 84 candidats ont ĂŠtĂŠ retenus pour l’ensemble de la GPSNBUJPO TPJU NPJOT E VOF EFNBOEF TVS EFVY $FUUF TĂ?MFDUJPO B Ă?UĂ? KVHĂ?F OĂ?DFTTBJSF BĂśO EF prĂŠserver une forte dynamique de groupe et une approche pĂŠdagogique pertinente lors des ateliers. Les fiches d’inscription recueillies permettent de dĂŠgager un profil fortement diffĂŠrenciĂŠ : - une proportion plus forte de femmes : 64 % des stagiaires ; VO QVCMJD KFVOF QMVT E VO TUBHJBJSF TVS EFVY B NPJOT EF BOT FO EFTTPVT EF BOT - une diversitĂŠ des statuts et du niveau d’Êducation : master (35) dont sept enseignants, doctorants (12) dont deux enseignants, chercheurs et/ou enseignants-chercheurs (31), praticiens du dĂŠveloppement avec le plus souvent une activitĂŠ de recherche et/ou d’enseignement (6) ; - une pluridisciplinaritĂŠ : sociologie, anthropologie et socio-anthropologie, ĂŠconomie, TUBUJTUJRVFT EĂ?NPHSBQIJF HĂ?PHSBQIJF IJTUPJSF TDJFODFT KVSJEJRVFT - une diversification de l’origine gĂŠographique des stagiaires vietnamiens : mĂŞme si HĂ Náť™i et )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF POU GPVSOJ MB NBKPSJUĂ? EFT QBSUJDJQBOUT SFTQFDUJWFNFOU FU JOTDSJUT QMVTJFVST TUBHJBJSFT WJFUOBNJFOT TPOU WFOVT Ă?HBMFNFOU EFT QSPWJODFT EF -Ă‹P $BJ -BJ $IÉV 5IĂˆJ /HVZĂ?O FU "O (JBOH #JOI %VPOH FU #Ă–OI 5IVĚ‚O EF DIBRVF - une ouverture rĂŠgionale et hors Asie du Sud-Est : Cambodge (12), ThaĂŻlande (4), Laos (3), Malaysia (2) et des auditeurs libres venant du Canada, de France, de Suisse, du Cambodge et EV 7JĚ?U /BN - un pluralisme institutionnel : t 7JĚ?U /BN "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT TPDJBMFT EV 7JĚ?U /BN VOJWFSTJUĂ? EF )Ă‹ /Ě˜J *OTUJUVU EV dĂŠveloppement du Sud, Institut d’Êconomie et de politique mondiale, musĂŠe d’Êthnologie de )Ă‹ /Ě˜J *OTUJUVU EFT TDJFODFT TUBUJTUJRVFT 0/( &/%" 7JĚ?U /BN *OTUJUVU EF QPQVMBUJPO FU EFT sociĂŠtĂŠs, Institut d’anthropologie, Institut de recherche sur les religions, universitĂŠ d’Êconomie EF )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF VOJWFSTJUĂ?T EFT TDJFODFT TPDJBMFT FU IVNBJOFT EF )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF ²'&0 $FOUSF EF SFDIFSDIF TVS MF EĂ?WFMPQQFNFOU FU M VSCBOJTBUJPO $&'63%4 ²DPMF TVQĂ?SJFVSF E Ă?DPOPNJF OBUJPOBMF VOJWFSTJUĂ? EF "O (JBOH VOJWFSTJUĂ? EF #JOI %Ë?ËŒOH VOJWFSTJUĂ? EF 5IĂˆJ NguyĂŞn, Service de la culture, des sports et du tourisme de LĂ o Cai, universitĂŠ Hoa Sen, École TVQĂ?SJFVSF EF TBOUĂ? EF #Ă–OI 5IVĚ‚O t $BNCPEHF "DBEĂ?NJF SPZBMF EV $BNCPEHF VOJWFSTJUĂ? SPZBMF EF %SPJU FU E ²DPOPNJF EF 1IOPN 1FOI

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t -BPT VOJWFSTJUÏ OBUJPOBMF EV -BPT GBDVMUÏ EFT 4DJFODFT EF M &OWJSPOOFNFOU GBDVMUÏ E ²DPOPNJF FU EF (FTUJPO t 5IBÕMBOEF VOJWFSTJUÏ EF .BIJEPM VOJWFSTJUÏ 3BKBCIBU VOJWFSTJUÏ EF 5IBNNBTBU ²'&0 Chiang Mai ; t .BMBZTJB VOJWFSTJUÏ EF %ÏGFOTF OBUJPOBMF *OTUJUVU EV .POEF FU $JWJMJTBUJPO NBMBJT t )PST "TJF VOJWFSTJUÏ EF 1SPWFODF "JY .BSTFJMMF VOJWFSTJUÏ EF .POUSÏBM FU *OTUJUVU EF )BVUFT &UVEFT JOUFSOBUJPOBMFT FU EV %ÏWFMPQQFNFOU *)&*% EF (FOÒWF Stéphane Lagrée

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Remerciements La synergie institutionnelle scellĂŠe par un accord de partenariat de quatre annĂŠes insuffle aux ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť un rayonnement rĂŠgional Ă l’Êchelle du Sud-Est asiatique et au-delĂ , OPVT FO SFNFSDJPOT M "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN M "HFODF 'SBOĂŽBJTF EF DĂŠveloppement – DĂŠpartement de la Recherche, l’École française d’ExtrĂŞme-Orient, l’Institut de 3FDIFSDIF QPVS MF %Ă?WFMPQQFNFOU o %JSFDUJPO EFT 1SPHSBNNFT EF SFDIFSDIF FU EF MB 'PSNBUJPO au Sud, l’universitĂŠ de Nantes ainsi que l’Agence universitaire de la Francophonie. -B QSĂ?TFOUF QVCMJDBUJPO EPJU BVY SFDPNNBOEBUJPOT MJWSĂ?FT QBS 1IJMJQQF $BCJO JM OPVT JNQPSUBJU ici de remercier la division ÂŤ Appui Ă la gestion des connaissances Âť de l’Agence Française de DĂŠveloppement pour la qualitĂŠ des ĂŠchanges entretenus. Nous adressons toute notre reconnaissance Ă l’ensemble des formateurs pour les qualitĂŠs scientifiques et pĂŠdagogiques dont ils ont tĂŠmoignĂŠ lors de l’organisation, de la rĂŠalisation NBJT BVTTJ EF MB WBMPSJTBUJPO EFT QSĂ?TFOUFT +5% 1IJMJQQF "OUPJOF 1BTDBM #PVSEFBVY +FBO 1JFSSF $MJOH $ISJTUJBO $VMBT +JN %FMBOFZ #FSOBSE 'PSNPTP $ISJTUPQIF (JSPOEF 3PEPMQIF %F ,POJODL %BOJFMMF -BCCĂ? &NNBOVFM 1BOOJFS 1IËźN 7ÇŠO $̤ .JSFJMMF 3B[BĂśOESBLPUP 'SBOĂŽPJT 3PVCBVE .BSUJOF 4FHBMFO #SVOP 5IJCFSU 0MJWJFS 5FTTJFS FU /JDPMBT ;VòFSFZ Le travail de retranscription est un exercice particulièrement long et exigeant, que soient SFNFSDJĂ?T QPVS MFT FòPSUT EĂ?QMPZĂ?T FU MB RVBMJUĂ? EFT UFYUFT GPVSOJT +FBO 7FSMZ TĂ?BODFT QMĂ?OJĂ’SFT &4$ 3PVFO FU EJQMĂ™NĂ? EF MFUUSFT NPEFSOFT Ă‹ 1BSJT 4PSCPOOF -FOB ,Ă?SBWFD BUFMJFS EJQMĂ™NĂ? EF M VOJWFSTJUĂ? EF 3FOOFT ** FU EF M *OTUJUVU SĂ?HJPOBM EV 1BUSJNPJOF *31" (MFOO 1JBO BUFMJFS EJQMĂ™NĂ? EF M VOJWFSTJUĂ? EF 3FOOFT * &NNBOVFM 1BOOJFS BUFMJFS EPDUPSBOU FO BOUISPQPMPHJF VOJWFSTJUĂ? EF 1SPWFODF 7JWJBOF ²SJLTFO BUFMJFS EPDUPSBOUF FO BOUISPQPMPHJF VOJWFSTJUĂ? EF 1SPWFODF Enfin, nous tenons Ă fĂŠliciter les interprètes et traducteurs qui ont accompagnĂŠ cette ĂŠdition 2010 : Anne McElroy-Arnaud, S&S Translation ; LĂŞ Thanh Mai, ministère vietnamien des Affaires Ă?USBOHĂ’SFT -Ă? 5IV )Ë?ËŒOH *OTUJUVU EF IBVUFT Ă?UVEFT JOUFSOBUJPOBMFT FU EV EĂ?WFMPQQFNFOU (FOĂ’WF -â 7ÉO "OI "DBEĂ?NJF EJQMPNBUJRVF EV 7JĚ?U /BN /HĂ™ 5IĚ‘ )Ě•OH -BO VOJWFSTJUĂ? OBUJPOBMF E ²DPOPNJF /HVZĚŽO 5IĚ‘ $ĂžD 1IË?ËŒOH 6OJWFSTJUĂ? EF )Ă‹ /Ě˜J /HVZĚŽO 7JĚ?U 5JĚ‹O VOJWFSTJUĂ? OBUJPOBMF EF )Ă‹ /Ě˜J 1IËźN 5IĚ‘ ,JN :Ě‹O NJOJTUĂ’SF WJFUOBNJFO EFT "òBJSFT Ă?USBOHĂ’SFT FU 5SËżO 5IĚ‘ 1IË?ËŒOH 5IË˝P VOJWFSTJUĂ? EF )Ă‹ /Ě˜J

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Ouvertures /HVZ̎O 9VÉO 5ĨOH Vice-président de l’Académie des Sciences Sociales du Việt Nam :BOO .BSUSFT Directeur adjoint, AFD Việt Nam +BDRVFT #PVMÒHVF Professeur des universités, Représentant de l’IRD au Việt Nam :WFT 1FSSBVEFBV Professeur des universités, Chargé de mission Việt Nam et Asie du Sud-Est, université de Nantes

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Ouverture de

/HVZĚŽO 9VÉO 5IĚƒOH Vice-prĂŠsident de l’AcadĂŠmie des Sciences Sociales du Viᝇt Nam Mesdames et Messieurs, Chers participants venant du Viᝇt Nam, du Laos, du Cambodge, de la ThaĂŻlande et de Malaysia, Tout d’abord, au nom de l’AcadĂŠmie des 4DJFODFT TPDJBMFT EV 7JĚ?U /BN "447 KF tiens Ă prĂŠsenter mes salutations les plus chaleureuses Ă tous les invitĂŠs, formateurs et participants Ă l’Êdition 2010 des JournĂŠes de Tam Ä?ảo. 7PVT MF TBWF[ OPUSF "DBEĂ?NJF B Ă?UĂ? partenaire du ministère français des Affaires Ă?USBOHĂ’SFT EBOT MF DBESF EV QSPKFU EF 'POET EF 4PMJEBSJUĂ? 1SJPSJUBJSF FO 4DJFODFT 4PDJBMFT '41 4 ÂŤ Appui Ă la recherche des enjeux de la transition ĂŠconomique et sociale au Viᝇt Nam Âť. - "447 FU TFT QBSUFOBJSFT GSBOĂŽBJT NVMUJQMJFOU leurs efforts afin d’organiser de nombreuses formations en lien avec les problĂŠmatiques de QSPKFUT EF SFDIFSDIF $FUUF BOOĂ?F OPVT OPVT intĂŠresserons au thème ÂŤTransitions dĂŠcrĂŠtĂŠes et vĂŠcues Âť, dĂŠclinĂŠ selon diffĂŠrentes ĂŠchelles d’observation. Depuis la mise en Ĺ“uvre de la politique du Ä?áť•i máť›i MF 7JĚ?U /BN QPVSTVJU TFT SĂ?GPSNFT vers une ĂŠconomie de marchĂŠ Ă composante socialiste et le renforcement de son intĂŠgration

internationale. Sa prĂŠsence est active dans les diffĂŠrentes instances internationales et en KBOWJFS JM FTU EFWFOV MF e membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette intĂŠgration impose diverses rĂŠformes internes visant Ă amĂŠliorer le TZTUĂ’NF KVSJEJRVF Ă‹ Ă?UBCMJS FU NFUUSF FO place un nouveau cadre ĂŠconomique adaptĂŠ au contexte international. Cette pĂŠriode de transition doit permettre d’intensifier l’exportation et l’exploitation du marchĂŠ intĂŠrieur afin de dĂŠvelopper les secteurs Ă GPSUF WBMFVS BKPVUĂ?F NPUFVST EF MB DSPJTTBODF sans surexploitation des ressources. -F 7JĚ?U /BN EPJU BVKPVSE IVJ GBJSF GBDF Ă‹ EF nombreux dĂŠfis. Il poursuit sa modernisation ĂŠconomique axĂŠe sur l’industrialisation et la modernisation de l’agriculture. La transition demeure une ĂŠpreuve difficile malgrĂŠ des progrès indĂŠniables en matière de rĂŠduction de la pauvretĂŠ, de sĂŠcuritĂŠ sociale ou bien de dĂŠveloppement des services essentiels en milieu rural. Nous apprĂŠcions hautement les expĂŠriences livrĂŠes par nos collègues internationaux. Ces connaissances acquises aux quatre coins du globe nous permettent d’amĂŠliorer nos approches mĂŠthodologiques et pluridisciQMJOBJSFT DPOUSJCVBOU BJOTJ BVKPVSE IVJ Ă‹ VOF

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vision plus concrète du concept de transition. Nous pensons que le développement durable doit aussi intégrer les notions d’identité culturelle et de stabilité politique ; nous somNFT DPOWBJODVT RVF MFT PCKFDUJGT EF DFT Journées seront aussi atteints en ce sens. /PVT OPVT SÏKPVJTTPOT EF M PVWFSUVSF régionale à nos amis Laotiens, Cambodgiens, Thaïlandais et Malaisiens. Cette ouverture est essentielle car elle souligne avec force notre volonté de contribuer au développement de la région du Mékong, dans cette Asie d’entre Inde et Chine. Il est primordial que

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les stagiaires profitent pleinement de ces échanges pour questionner la transition de l’économie nationale et régionale. Audelà des particularités, notre problématique est identique : le partage des savoirs est un gage du renforcement des politiques et de la coopération régionale du Sud-Est asiatique. J’adresse mes meilleurs et sincères vœux de santé à l’ensemble des participants. Que l’édition 2010 des Journées de Tam Đảo soit couronnée de succès. Je vous remercie.


Ouverture de

:BOO .BSUSFT Directeur adjoint, AFD Viᝇt Nam Monsieur le vice-prĂŠsident de l’AcadĂŠmie des Sciences sociales du Viᝇt Nam, chers collègues, chers amis, mesdames et messieurs, C’est un grand plaisir pour l’Agence Française de DĂŠveloppement de participer Ă ces ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť 2010 dont nous sommes partenaires. Le soutien de la recherche, en particulier dans les sciences sociales, est une orientation forte de l’Agence. L’AFD est un bailleur de fonds publics qui ”VWSF BWFD MFT BVUPSJUĂ?T EV 7JĚ?U /BN pour rĂŠpondre aux problĂŠmatiques de EĂ?WFMPQQFNFOU #JFO FOUFOEV OPUSF NBĂ”USF mot est le ÂŤ dĂŠveloppement durable Âť, et le thème de la transition nous est familier. Cependant, plongĂŠs dans notre quotidien d’opĂŠrateur, ce type de manifestation nous est très utile. Elle nous permet de prendre du recul, d’apprendre, de poser ou de reposer des questions, de refonder sans cesse nos idĂŠes, de sortir de nos a priori, de formuler des stratĂŠgies qui soient plus opportunes, d’accepter la contradiction et le dĂŠbat. Merci aux organisateurs de cet ĂŠvĂŠnement, merci aussi aux intervenants et aux participants d’avoir fait pour certains un long chemin pour Ă?USF JDJ BWFD OPVT #JFOWFOVF BV 7JĚ?U /BN pour ceux qui dĂŠcouvrent le pays.

C’est une chance extraordinaire que E PSHBOJTFS BVKPVSE IVJ BV 7JĚ?U /BN VO sĂŠminaire sur la transition. Le thème me QBSBĂ”U FYUSĂ?NFNFOU WBTUF FU DPNQMFYF 7PVT ne l’Êpuiserez sans doute pas au cours de vos travaux. En revanche, vous poserez sur la table un certain nombre de questions, de QSPCMĂ?NBUJRVFT E FOKFVY FU KF OF EPVUF QBT que vos efforts seront porteurs d’analyses riches et complĂŠmentaires et porteront leurs GSVJUT FO GBJTBOU M PCKFU EF QVCMJDBUJPOT Depuis notre petite fenĂŞtre de bailleur de fonds, nous vivons quotidiennement la USBOTJUJPO EV 7JĚ?U /BN /PVT MB WPZPOT nous l’accompagnons, nous la suscitons, nous la suivons. Malheureusement pas assez souvent, nous la prĂŠcĂŠdons. C’est lĂ que vos travaux peuvent nous aider. Nous essayons d’en esquisser les lignes, de soutenir le changement, mais il est clair que nous TPNNFT UPVKPVST VO QFV FO SFUBSE EBOT notre connaissance et notre comprĂŠhension des changements qui sont Ă l’œuvre, en particulier sur le plan social. Je pense aussi que vous aurez quelques dĂŠbats sur la dĂŠfinition de la transition. Je serais bien en peine d’en donner une dĂŠfinition complète. Il me semble qu’il y a une dimension temporelle : comprĂŠhension du temps, des phases, des pĂŠriodes, dĂŠtermination d’un dĂŠbut et d’une fin,

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UFNQT MPOH UFNQT DPVSU "V 7JĚ?U /BN BMPST qu’on a le sentiment de vivre une transition, il reste difficile de la dĂŠfinir. Il y a des rythmes diffĂŠrents, celui de l’Êconomie, de la sociĂŠtĂŠ, du temps collectif, de l’individu, de la ville, de la campagne. La politique de renouveau JOJUJĂ?F BV 7JĚ?U /BN FO ĂśYF VOF EBUF dĂŠcrĂŠtĂŠe ou rĂŠelle de dĂŠbut de transition. Il est clair que le pays ĂŠvolue, avec une dimension sacrĂŠe dans le concept mĂŞme de transition. On passe d’un statut de pays pauvre Ă un pays Ă‹ SFWFOV JOUFSNĂ?EJBJSF FU D FTU BVTTJ M PCKFU de dĂŠbats au sein de la communautĂŠ des bailleurs de fonds (parce que cela se traduit par des changements s’agissant de la nature de l’aide internationale). La diversitĂŠ de ce concept vous occupera sans doute bien audelĂ de ces JTD 2010 !

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Je voudrais revenir au format de votre rĂŠunion : la pluralitĂŠ, la richesse de chacun dans cette assemblĂŠe permettra de croiser vos perspectives et d’enrichir votre diagnostic. Nous comprenons et soutenons parfaitement cette approche puisque nous-mĂŞmes la mettons en Ĺ“uvre avec, dans nos rangs, des spĂŠcialistes de tous horizons, afin d’avoir une approche collective, une approche NVMUJEJTDJQMJOBJSF DPSSFTQPOEBOU BVY QSPKFUT En outre, la mise en rĂŠseau des chercheurs au plan rĂŠgional, et au-delĂ , vous offre des perspectives passionnantes. C’est un atout extraordinaire qui sera valorisĂŠ et capitalisĂŠ dans le temps. Merci Ă tous, bon travail Ă tous et plein succès au JTD 2010.


Ouverture de

+BDRVFT #PVMĂ’HVF Professeur des UniversitĂŠs ReprĂŠsentant de l’IRD au Viᝇt Nam Monsieur le vice-prĂŠsident de l’AcadĂŠmie des Sciences Sociales du Viᝇt Nam, Chères collègues, chers collègues, $ FTU UPVKPVST VO QMBJTJS QPVS VO QIZTJDJFO EF s’adresser Ă une assemblĂŠe de chercheurs en sciences sociales. En effet, vous devez penser que la physique est composĂŠe de certitudes, BMPST RVF MF QFV EF DPOOBJTTBODFT RVF K BJ des sciences sociales me soufflent que les DFSUJUVEFT O Z TPOU QBT UPVKPVST CJFO Ă?UBCMJFT La transition ĂŠtant un terme frĂŠquent en QIZTJRVF KF NF QFSNFUUSBJT EF WPVT TVHHĂ?SFS quelques ĂŠlĂŠments Ă partir de la perspective de ma discipline. Je suis spĂŠcialisĂŠ en thermodynamique, qui analyse l’Êtat final et l’Êtat initial d’un système. Entre ces deux ĂŠtats, il y a des chemins qui vont de l’Êtat initial Ă l’Êtat final : ils dĂŠcrivent la transition. La physique classique n’aime pas la transition car elle signifie divergence de comportement par rapport aux ĂŠquations dĂŠcrivant les ĂŠtats de la matière. 1SFOPOT M FYFNQMF EF MB WBQPSJTBUJPO 4J vous observez une casserole d’eau en train de bouillir, vous verrez des bulles qui montent du bas vers le haut de la casserole. La thĂŠorie voudrait que l’Êbullition se fasse

instantanĂŠment, ce qui n’est clairement pas le cas. Il y a des turbulences, des mĂŠlanges entre le liquide et les bulles de vapeur. Cela peut ĂŠventuellement ĂŞtre mis en ĂŠquation, mais au prix de l’emploi d’outils mathĂŠmatiques QFV EJòVTĂ?T 1PVS SĂ?TVNFS MFT TZTUĂ’NFT ĂŠtendus hĂŠtĂŠrogènes – peut-ĂŞtre les sociĂŠtĂŠs en sont-elles proches – ont des transitions très difficiles Ă ĂŠtudier, car elles peuvent ĂŞtre WJPMFOUFT FU QFV DPOUSĂ™MBCMFT Comme vous, le physicien rencontre des problèmes. On vous parle de changement climatique ; de ce point de vue nous sommes dans une pĂŠriode de transition. Mon avis personnel est que nous ne savons pas grandchose. On n’en sait d’autant moins que le principal gaz Ă effet de serre n’est ni le dioxyde de carbone, ni le mĂŠthane, ni l’oxyde d’azote mais l’eau. Il y est fait peu allusion car dans les futurs modèles climatiques, qui devraient donner des contraintes Ă l’Êconomie et aux sociĂŠtĂŠs, nous sommes incapables de dĂŠcrire MF SĂ™MF EFT OVBHFT QBTTBHF EF M FBV EF MB phase gazeuse Ă la phase liquide – le contraire de l’Êbullition. Cela peut vous sembler surprenant, mais voilĂ la principale contrainte Ă l’incertitude de l’Êvolution du climat ; le physicien, comme tous les chercheurs, doit rester humble.

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Je sais qu’il y a de nombreuses incertitudes dans l’Êvolution des sociĂŠtĂŠs et dans la façon de les observer. Rappelez-vous que mĂŞme dans une science qui se prĂŠtend dure, comme la physique, et son application Ă des grands systèmes, nous rencontrons les mĂŞmes incertitudes. %FQVJT MF 7JĚ?U /BN B TV NFOFS VOF transition dans des conditions qui font qu’il reste un exemple pour beaucoup de pays en dĂŠveloppement. J’espère que les rĂŠsultats Ă venir seront tels que le gouvernement vietnamien, qui connaissait bien son ĂŠtat initial en 2009-2010, atteindra son ĂŠtat final prĂŠvu en 2015. L’Institut de Recherche pour le DĂŠveloppement (IRD) est aussi en voie de dĂŠveloppement parce qu’il est en transition. En effet, EFQVJT MF KVJO MF HPVWFSOFNFOU GSBOçais a changĂŠ quelque peu le statut de l’IRD, et

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nous espĂŠrons, d’ici la fin de l’annĂŠe, pouvoir prĂŠsenter ce que sera ÂŤ l’Êtat final Âť de l’IRD dans un plan stratĂŠgique 2010 Ă 2025. 3Ă?DFNNFOU MF 1SĂ?TJEFOU EF M *3% .JDIFM -BVSFOU B SFODPOUSĂ? MF 1SĂ?TJEFOU EF M "447 FU une de ses conclusions a ĂŠtĂŠ de lui affirmer qu’à l’issue du prochain plan 2011-2020 du gouvernement vietnamien, l’IRD n’aurait plus BVDVOF SBJTPO E Ă?USF BV 7JĚ?U /BN &O FòFU MF pays sera, ĂŠtat final voulu, une sociĂŠtĂŠ stabilisĂŠe et fera sans doute partie du tour de table EV ( &TQĂ?SPOT RVF DFU Ă?UBU ĂśOBM TPJU BUUFJOU Je pense que vos dĂŠbats vous permettront d’apporter des ĂŠlĂŠments Ă cette ĂŠvolution, et FTQĂ’SF RVF M *3% RVJ BVSB TBOT EPVUF VO SĂ™MF de coordinateur de la recherche en parteOBSJBU EBOT MFT QBZT IPST EV ( TBVSB BVTTJ rĂŠussir sa transition. Je vous remercie de votre attention.


Ouverture de

:WFT 1FSSBVEFBV Professeur des UniversitĂŠs ChargĂŠ de mission Viᝇt Nam et Asie du Sud-Est, universitĂŠ de Nantes Messieurs les PrĂŠsidents, Messieurs les Directeurs, Mesdames et Messieurs les Doctorants, chers collègues, Je suis très honorĂŠ de participer Ă cette sĂŠance d’ouverture de cette nouvelle ĂŠdition EFT +PVSOĂ?FT EF 5BN ĂĽË˝P FU KF UJFOT Ă‹ WPVT en remercier très sincèrement. Cela me touche particulièrement, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Cette satisfaction d’être Ă vos cotĂŠ l’est Ă cinq titres. Tout d’abord, au nom de l’universitĂŠ de Nantes FU EF TPO QSĂ?TJEFOU :WFT -FDPJOUF OPVT sommes très heureux d’être ici pour cette nouvelle ĂŠdition. Notre prĂŠsence traduit notre coopĂŠration qui a ĂŠtĂŠ signĂŠe rĂŠcemment et Ă laquelle nous donnons de l’importance. Nous espĂŠrons qu’elle fonctionnera et qu’elle procurera aux parties prenantes – doctorants, enseignants, professeurs, chercheurs – les fruits attendus. Cette coopĂŠration est en QBSUJDVMJFS TPVIBJUĂ?F QBS :WFT -FDPJOUF RVJ FTU très engagĂŠ dans l’ouverture de l’universitĂŠ de /BOUFT Ă‹ EFT QSPKFUT JOUFSOBUJPOBVY .B QSĂ? sence en dĂŠcembre dernier aux doctoriales QSĂ?DĂ?EBJU EF RVFMRVFT KPVST MB QBSUJDJQBUJPO de chercheurs de l’universitĂŠ de Nantes Ă

un colloque en coopĂŠration avec l’universitĂŠ des Sciences et des Technologies de HĂ Náť™i 645) 1FOEBOU EFVY KPVST OPT TĂ?NJOBJSFT et ateliers portaient sur les mĂŠthodologies en sciences, sciences humaines et sociales et en langues, afin de prĂŠparer nos coencadrements Ă venir dans le cadre doctoral. Notre universitĂŠ participe rĂŠgulièrement Ă EFT QSPKFUT FU QBSUFOBSJBUT EBOT MF DBESF EF sa politique de coopĂŠration internationale. Aussi, nous favoriserons la dĂŠlocalisation de certains de nos masters. De nombreuses composantes de l’universitĂŠ EF /BOUFT TPOU QSĂ?TFOUFT BV 7JĚ?U /BN OPUBNNFOU HSÉDF Ă‹ M BDUJPO EF OPUSF BODJFO 1SĂ?TJEFOU 'SBOĂŽPJT 3FTDIF TPVT MB GPSNF d’accords avec des universitĂŠs vietnamiennes, comme dans le domaine de la santĂŠ (HĂ Náť™i FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF EF M PEPOUPMPHJF (HĂ Náť™i), des sciences et techniques (Ä?ĂŁ Náşľng FU $ÉO 5IËŒ EFT TDJFODFT Ă?DPOPNJRVFT FU EF HFTUJPO )Ă‹ /Ě˜J FU )Ë˝J 1IĂ›OH &O EĂ?DFNCSF dernier, une importante dĂŠlĂŠgation, avec Ă sa UĂ?UF OPT WJDF QSĂ?TJEFOUT 'SBOĂŽPJTF -FKFVOF FU +BDRVFT (JSBSEFBV Ă?UBJU QSĂ?TFOUF JDJ QPVS tĂŠmoigner de son engagement.

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Le thème de ces JTD 2010 est passionnant. En UBOU RVF EJSFDUFVS EV QĂ™MF ĂśOBODF CBORVF BTTVSBODF FU MPHJTUJRVF NBSJUJNF KF UFOBJT Ă souligner notre prĂŠsence Ă travers quatre masters dans le domaine de l’Êconomie et de la gestion. C’est donc en tant qu’enseignantDIFSDIFVS RVF KF QBSUJDJQF WPMPOUJFST Ă‹ DFUUF DPPQĂ?SBUJPO -F QĂ™MF ĂśOBODF B VO TUBUVU d’Institut universitaire professionnalisĂŠ *61 RVJ Ă‹ QBSUT Ă?HBMFT EJTQFOTFOU DPVST thĂŠoriques et enseignement professionnel afin de donner une formation adaptĂŠe aux futurs cadres qui devront ĂŞtre capables d’Êlaborer des diagnostics et des solutions stratĂŠgiques, voire de faire appliquer des recommandations opĂŠrationnelles. MĂŞme si l’aspect recherche est moins prononcĂŠ que dans d’autres masters, nos ĂŠtudiants DPOUJOVFOU QBSGPJT KVTRV BV EPDUPSBU DPNNF l’attestent certains ĂŠtudiants vietnamiens RVJ WJFOOFOU KVTUF E Ă?USF EJQMĂ™NĂ?T BWFD VOF spĂŠcialisation en banque.

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La prĂŠsence de l’universitĂŠ de Nantes a ĂŠtĂŠ rendue possible par l’accueil favorable des parties prenantes fondatrices de ces JTD. Qu’elles en soient toutes remerciĂŠes, et particulièrement StĂŠphane LagrĂŠe, qui, en tant qu’ancien ĂŠtudiant de l’universitĂŠ de Nantes, a su par sa dĂŠmarche personnelle faciliter la mise en route de cette coopĂŠration. &OĂśO KF TVJT QFSTPOOFMMFNFOU IFVSFVY EF cette coopĂŠration ; Ă double titre, en tant RV FOTFJHOBOU o DFMB GBJU BOT RVF K FO seigne dans l’enseignement supĂŠrieur ; cette expĂŠrience m’apportera un vent de fraĂŽcheur et de renouveau me poussant Ă apprendre de nouvelles choses –, et en tant qu’individu, m’Êtant promis il y a douze ans de revisiter votre beau pays. Je vous remercie. Je suis heureux et honorĂŠ E Ă?USF QBSNJ WPVT FU BWFD WPVT EBOT DF QSPKFU commun. Je souhaite santĂŠ et rĂŠussite Ă tous les chercheurs prĂŠsents Ă ces JTD 2010.


Carte de localisation

Source : Tomorrow Media

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1BSUJF Séances plénières

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1.1. La transition : rÊflexions ÊpistÊmologiques à partir du cas chinois Nicolas Zufferey, universitÊ de Genève

(Retranscription) Je remercie très chaleureusement l’AcadĂŠmie EFT 4DJFODFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN BJOTJ RVF tous les partenaires de ces ateliers, et particulièrement StĂŠphane LagrĂŠe. Je suis très heuSFVY E Ă?USF BV 7JĚ?U /BN PĂĄ D FTU NB QSFNJĂ’SF visite. Je suis ici doublement ĂŠtranger : d’une part, NPO DIBNQ E Ă?UVEF OF DPVWSF OJ MF 7JĚ?U /BN OJ M "TJF EV 4VE &TU E BVUSF QBSU KF OF TVJT QBT un spĂŠcialiste de sociologie ou d’Êconomie, disciplines qui me semblent beaucoup plus en phase avec le concept de transition. Je suis IJTUPSJFO EF MB $IJOF KF WPVT QBSMFSBJ EPOD FO QSFNJFS MJFV EF MB $IJOF FU K Ă?WJUFSBJ UPVUF comparaison implicite ou explicite avec le 7JĚ?U /BN "VKPVSE IVJ CFBVDPVQ EF $IJOPJT QFOTFOU RVF MF 7JĚ?U /BN TF USPVWF BV OJWFBV de dĂŠveloppement de la Chine d’il y a dix ans, lieu commun qui est aussi frĂŠquemment repris dans les mĂŠdias chinois, mĂŞme si le 7JĚ?U /BN FO UBOU RVF UFM SFTUF HMPCBMFNFOU peu abordĂŠ. Il est ĂŠvident que cette opinion est pour le moins simpliste. Il existe incontestablement des convergences, notamment un système politique qui se dit socialiste et qui entreprend des rĂŠformes ĂŠconomiques parfois comparables, mais aussi d’irrĂŠductibles

divergences, ne serait-ce que la taille des ²UBUT 1MVT GPOEBNFOUBMFNFOU K FTQĂ’SF RVF MF 7JĚ?U /BN OF T JOTQJSFSB QBT EF DFSUBJOFT rĂŠformes ou pratiques chinoises rĂŠcentes, comme la destruction des villes chinoises. -B WJMMF EF 1Ă?LJO B DPOOV EFT EFTUSVDUJPOT USĂ’T importantes ces dernières annĂŠes, notamNFOU BWBOU MFT +FVY 0MZNQJRVFT K FTQĂ’SF RVF cette belle ville de HĂ Náť™i ne connaĂŽtra pas le mĂŞme sort. Mon plan est le suivant. Je donnerai dans un premier temps deux exemples de transition en Chine : une transition très ancienne, et la USBOTJUJPO BDUVFMMF 1VJT KF WPVT QSPQPTFSBJ quelques interrogations plus conceptuelles et mĂŠthodologiques : qu’est-ce que la transition ? Comment peut-on la comprendre dans un contexte plus large par rapport Ă M )JTUPJSF &OĂśO KF N BUUBDIFSBJ Ă‹ VO QPJOU RVJ NF QBSBĂ”U DBQJUBM FO $IJOF BVKPVSE IVJ les dimensions idĂŠologiques de la transition, souvent invoquĂŠe par des acteurs politiques DPNNF VOF FYDVTF QPVS FYQMJRVFS PV KVTUJfier des inĂŠgalitĂŠs ou des retards.

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1.1.1. Deux exemples de transition historique en Chine -B QSFNJĂ’SF USBOTJUJPO RVF K Ă?WPRVFSBJ FTU USĂ’T BODJFOOF QVJTRV FMMF DPNNFODF BV 7*e siècle FU RV FMMF EVSF KVTRV BV **e siècle av. J.-C., soit quatre Ă cinq siècles. La deuxième transition BCPSEĂ?F DPNNFODF FO BWFD le dĂŠbut des rĂŠformes initiĂŠes par Deng 9JBPQJOH o o TPJU IVJU BOT BWBOU MF dĂŠbut du Ä‘áť•i máť›i vietnamien, dĂŠcalage qui a marquĂŠ les esprits en Chine et qui explique en partie certain discours simplistes TVS MF 7JĚ?U /BN EBOT DF QBZT .BMHSĂ? MB modernisation qui rĂŠsulte de ces transitions, il est ĂŠvident que les dissimilitudes sont plus nombreuses que les points de comparaison, ne serait-ce que la durĂŠe : la transition qu’a connue la Chine Ă la fin du premier millĂŠnaire avant notre ère est beaucoup plus longue et lente que la transition brutale actuelle. Il peut d’ailleurs sembler paradoxal d’invoquer le mot ÂŤ modernisation Âť pour qualifier des changements aussi anciens, mais de fait, FOUSF MF 7*e et le IIe siècle av. J.-C., nous passons d’un ĂŠtat ÂŤ fĂŠodal Âť – au sens de l’historien occidental et non pas au sens marxiste – Ă un système impĂŠrial, d’un système très cloisonnĂŠ entre États qui sont liĂŠs par des MJFOT MÉDIFT EF UZQF TV[FSBJO WBTTBM Ă‹ VOF administration au sens moderne du terme. La Chine du IIe siècle av. J.-C. dispose d’une administration qui Ă certains ĂŠgards est comparable Ă celle des dĂŠpartements français actuels : les fonctionnaires (prĂŠfets, etc.) sont nommĂŠs par le centre, la cour impĂŠriale, et ne rĂŠpondent que devant elle. J’insiste sur le fait que cette transition très ancienne comporte des aspects ĂŠminemment modernes. Le contraste important rĂŠside dans le fait que cette transition de cinq siècles n’est pas ressentie comme telle par la plupart des

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acteurs de l’Êpoque, encore moins par les populations qui l’assimilent davantage Ă une crise ĂŠconomique et morale, voire un dĂŠclin. Invoquer la transition pour des ĂŠpoques aussi anciennes prĂŠsuppose le recul de l’historien, qui est capable de distinguer un ĂŠtat antĂŠrieur et un ĂŠtat postĂŠrieur, la phase de transition ĂŠtant prĂŠcisĂŠment cette phase intermĂŠdiaire instable. Cette transition constitue la première des trois grandes transitions de l’histoire chinoise (cf. QBS FYFNQMF +BDRVFT (FSOFU MB EFVYJĂ’NF ĂŠtant ce qu’on appelle la Renaissance de la QĂ?SJPEF 4POH FOUSF MF 9e FU MF 9**e siècle, et la troisième ĂŠtant la pĂŠriode moderne. Cette première ĂŠpoque dĂŠbute Ă l’Êpoque de $POGVDJVT BW + $ Ă‹ MB ĂśO EF DFUUF Ă?QPRVF USPVCMĂ?F RV PO BQQFMMF j 1SJOUFNQT et Automnes Âť, et se poursuit pendant la pĂŠriode des Royaumes combattants, durant laquelle les guerres sont une constante. Ces conflits s’expliquent non seulement par des ĂŠvolutions ĂŠconomiques et dĂŠmographiques (fort accroissement de la population), mais aussi par des changements dans les outils de production (passage du bronze au fer). Cette transition s’achève pour l’essentiel avec la dynastie des Qin, fondĂŠe en 221 avant notre Ă’SF QBS MF 1SFNJFS FNQFSFVS 2JO 4IJIVBOH Ce souverain mena de nombreuses rĂŠformes, allant en quelque sorte dans le sens de la transition, ce qui explique en partie la rĂŠussite de son royaume qui finit par l’emporter sur tous les autres. Il est possible de retrouver dans les discours actuels sur les rĂŠformes en Chine des idĂŠes comparables sur les forces qui vont dans le sens de l’Histoire, et celles qui s’y opposent – et qui sont donc destinĂŠes Ă ĂŠchouer, selon la dialectique marxiste.


L’Êtat antĂŠrieur Ă la transition de l’Êpoque des Royaumes combattants s’incarne dans un modèle de type fĂŠodal, avec des liens de nature quasi-familiale entre les diffĂŠrentes principautĂŠs qui reconnaissent leur allĂŠgeance Ă la dynastie royale des Zhou, mais qui pour l’essentiel restent autonomes. Le dĂŠbut de cette dynastie est considĂŠrĂŠe DPNNF VO ÉHF E PS WJTJPO EJTDVUBCMF BVY yeux des historiens, mais qui a laissĂŠ un TPVWFOJS QMVUĂ™U QPTJUJG EBOT MB QPTUĂ?SJUĂ? chinoise. Survient ensuite une pĂŠriode de guerres entre ces principautĂŠs qui deviennent progressivement des royaumes indĂŠpendants. - ²UBU GĂ?PEBM UFM RVF KF M BJ EĂ?ĂśOJ QMVT IBVU DPOOBĂ”U VOF DSJTF HSBWF 1FV Ă‹ QFV MFT OPCMFT qui occupaient les principaux postes Ă la cour sont remplacĂŠs par d’autres personnages qui ne sont pas tous issus de familles nobles, mais qui sont de plus en plus sĂŠlectionnĂŠs pour leurs compĂŠtences. Nous assistons donc Ă un changement des processus de sĂŠlection qui s’Êtend sur plusieurs siècles, mais qui est cependant perceptible de gĂŠnĂŠration en gĂŠnĂŠration : progressivement, un mode de sĂŠlection des fonctionnaires par des systèmes de recrutement – dont certains sont assez proches du système moderne comme l’amorce d’un système d’examens – prend le pas sur le mode de sĂŠlection hĂŠrĂŠditaire. Notons le parallèle avec la Chine rĂŠcente, avec ici aussi une rĂŠflexion sur la sĂŠlection des fonctionnaires, et des mĂŠcanismes plus ouverts de promotion, au dĂŠtriment de l’ancien système quasi-hĂŠrĂŠditaire au sein du 1BSUJ DPNNVOJTUF Les pĂŠriodes de transition sont souvent synonymes non seulement de crise des institutions mais aussi de crise morale profonde avec des effets nĂŠgatifs, mais aussi positifs. La crise des valeurs est

extrĂŞmement brutale durant cette ĂŠpoque des Royaumes combattants, mais en mĂŞme temps elle est extraordinairement fĂŠconde au plan intellectuel. Les pĂŠriodes de crise peuvent ĂŞtre inquiĂŠtantes, troublantes, et nĂŠanmoins excitantes. Ă€ nouveau, on peut faire un parallèle avec la situation actuelle : BVKPVSE IVJ FO $IJOF PO BTTJTUF Ă‹ VOF WĂ?SJ table effervescence intellectuelle dans les dĂŠbats, la presse, l’Êdition, les librairies, les universitĂŠs. On parle parfois d’une nouvelle grande pĂŠriode dans l’histoire de la pensĂŠe chinoise, et on peut remarquer que les grands moments historiques de la pensĂŠe chinoise correspondent tous Ă des moments de crise. Reprenons quelques-uns des changements principaux qui interviennent durant cette première pĂŠriode de transition : passage de M ÉHF EV CSPO[F Ă‹ M ÉHF EV GFS E VO TZTUĂ’NF fĂŠodal ĂŠclatĂŠ Ă un système impĂŠrial centralisĂŠ et administratif. On passe d’États ÂŤ chinois Âť, au pluriel, Ă une certaine unitĂŠ de la culture chinoise. Ă€ un ĂŠtat de paix relatif et de stabilitĂŠ sous la royautĂŠ des Zhou succède une pĂŠriode intense d’actions militaires, puis on assiste Ă un retour vers un stade relativement pacifique, sorte de pax sinica dans l’Empire chinois, qui EVSFSB TJĂ’DMFT o KVTRV Ă‹ MB DIVUF EFT )BO FO BQS + $ o WPJSF KVTRV FO TFMPO les interprĂŠtations. Les penseurs de l’Êpoque des Royaumes combattants adoptent diffĂŠrentes postures par rapport Ă cette crise. Sur les divers mouvements intellectuels que l’on peut JEFOUJĂśFS KF OF NFOUJPOOFSBJ RVF MFT EFVY principaux : l’attitude confucianiste et l’attitude lĂŠgiste. - Les confucianistes sont des conservateurs et considèrent cette transition comme une crise morale, et comme un dĂŠclin. Leur but

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est d’enrayer ce dĂŠclin, et de revenir Ă l’ordre du dĂŠbut de la dynastie fĂŠodale des Zhou. Le confucianisme est, de ce point de vue, une forme de conservatisme et s’oppose radicalement au lĂŠgisme. - Les lĂŠgistes proposent une thĂŠorie de l’État qui sera mise en Ĺ“uvre dans le pays de Qin, qui unifie la ÂŤ Chine Âť par la conquĂŞte et fonde l’Empire en 221 av. J.-C. Les lĂŠgistes sont donc les architectes de cette unification impĂŠriale capitale pour la suite de l’histoire chinoise. Les lĂŠgistes sont connus pour avoir mis en place des lois implacables – ils utilisent très largement la peine de mort pour toutes sortes de fautes, mĂŞme mineures –, mais ils tranchent avec leurs prĂŠdĂŠcesseurs en rendant la loi universelle et publique. Sous cet angle, leur conception de la loi est beaucoup plus moderne que celle des confucianistes. En effet, les DPOGVDJBOJTUFT NFUUFOU QMVUĂ™U FO BWBOU MB morale et les rites, et se mĂŠfient de la loi. 4 JM Z BWBJU EĂ?KĂ‹ EFT SVEJNFOUT EF DPEFT de lois aux ĂŠpoques anciennes, ils ĂŠtaient considĂŠrĂŠs comme secondaires par rapport Ă des valeurs comme la loyautĂŠ, liĂŠes Ă l’Êthique de la noblesse. Les lĂŠgistes au DPOUSBJSF WPOU KVTRV Ă‹ SFKFUFS MB NPSBMF QPVS NFUUSF FO QMBDF MFVS TZTUĂ’NF KVSJEJRVF FU ce faisant se heurtent Ă des forces conservatrices. $PNNF KF M BJ Ă?WPRVĂ? BVQBSBWBOU DFUUF transition n’est pas vĂŠcue positivement par une bonne partie des acteurs de l’Êpoque, notamment par les confucianistes qui considèrent la crise politique de l’Êpoque comme une crise avant tout morale. Leur but est de revenir Ă l’idĂŠal ancien par l’Êducation, les rites, les institutions de l’Êpoque des Zhou. Confucius affirme Ă plusieurs reprises qu’il n’invente rien, que son but est tout

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TJNQMFNFOU EF SFUSPVWFS M FTQSJU EF DFU ÉHF d’or qui est l’Êtat fĂŠodal duquel la Chine s’Êloigne. Les lĂŠgistes, au contraire, acceptent la rĂŠalitĂŠ du changement. Ils ont une vision malthusienne de la sociĂŠtĂŠ : selon eux, l’augmentation de la population crĂŠe des tensions sur les ressources, ce qui crĂŠe des conflits et des guerres. L’État moderne doit rĂŠagir et s’adapter, le système ancien et la morale traditionnelle n’Êtant pour leur part pas adaptĂŠs aux nouvelles conditions historiques. L’une des nĂŠcessitĂŠs est de renforcer l’État et l’armĂŠe, de façon Ă ĂŞtre Ă mĂŞme de rĂŠsister aux États voisins, et d’être bien placĂŠs dans la lutte pour les ressources, afin de satisfaire aux besoins des populations. Des rĂŠformes sont donc OĂ?DFTTBJSFT -FT MĂ?HJTUFT JOTJTUFOU TVS MF DĂ™UĂ? selon eux dĂŠpassĂŠ des idĂŠes et mĂŠthodes de leurs opposants. L’Histoire leur a donnĂŠ en partie raison, car tous les États qui refusent ou ĂŠchouent Ă s’adapter sont progressivement vaincus et dominĂŠs par le royaume de Qin. 6O USBJU RVJ NF QBSBĂ”U GPOEBNFOUBM DIF[ MFT lĂŠgistes est la conscience du changement. S’ils n’emploient pas le terme de ÂŤ transition Âť, ils ont un programme, avec des rĂŠformes qu’ils tentent de mettre en Ĺ“uvre ĂŠnergiquement, et un discours qui accompagne ces rĂŠformes. 0O WPJU EĂ?KĂ‹ DIF[ FVY MB NJTF FO QMBDF E VOF JEĂ?PMPHJF RVJ KVTUJĂśF EFT NFTVSFT politiques favorisant le passage d’un ĂŠtat Ă un autre : penseurs et thĂŠoriciens de l’État proposent très concrètement d’adapter le système politique Ă ces nouvelles donnĂŠes irrĂŠductibles que sont les ĂŠvolutions sociales et l’augmentation de la population chinoise. Les historiens considèrent que les lĂŠgistes ont accĂŠlĂŠrĂŠ la transition en intervenant, de manière dĂŠcidĂŠe, dĂŠcisive, et parfois brutale.


On a donc deux positions opposĂŠes, l’une qui va dans le sens de l’Histoire – telle qu’elle a ĂŠtĂŠ reconstruite par la suite par les historiens –, et l’autre qui va Ă son encontre, en rĂŠsistant au changement. Il est rĂŠvĂŠlateur que les maoĂŻstes chinois aient très souvent considĂŠrĂŠ les lĂŠgistes comme un exemple, tout en prenant leur distance avec le confucianisme. Du point de vue des acteurs, cette ĂŠpoque est extrĂŞmement brutale. On dispose de nombreux tĂŠmoignages, notamment dans les histoires dynastiques, oĂš les populations se plaignent non seulement des changements ĂŠconomiques – comme le manque d’emplois dans les campagnes, obligeant des populations rurales Ă venir en ville – mais encore des changements moraux – dĂŠlitement moral de fils qui abandonnent leurs parents, etc. Les tĂŠmoignages n’Êvoquent pas une transition ou un progrès, mais au contraire une crise. Le point de vue des acteurs est très diffĂŠrent de celui des historiens qui ont parfois tendance Ă oblitĂŠrer les aspects nĂŠgatifs de ces pĂŠriodes de troubles. La transition actuelle en Chine est omniprĂŠsente dans les discours, les confĂŠrences acadĂŠmiques, les publications, les mĂŠdias. Si WPVT UBQF[ TVS (PPHMF MF NPU DIJOPJT QPVS ÂŤ transition Âť, zhuanxingqi, vous trouverez des millions d’occurrences. C’est vĂŠritablement un terme qui fait partie des discours, et qui est gĂŠnĂŠralement connotĂŠ positivement, notamment quand il ĂŠmane des dĂŠcideurs politiques. $FUUF USBOTJUJPO FO DPVST EFQVJT FTU Ă‹ apprĂŠhender dans un temps beaucoup plus long puisqu’on peut considĂŠrer que la Chine est entrĂŠe en phase de changement dès 18391842 avec la première guerre de l’Opium, qui

marque le dĂŠbut de la crise de l’ordre impĂŠrial ancien. Le siècle qui s’Êtend de 1839 Ă 1949 est parfois caractĂŠrisĂŠ comme un siècle d’entrĂŠe dans la modernitĂŠ, mais il est aussi l’un des siècles les plus noirs de l’histoire chinoise : crises internes et intĂŠrieures, guerres contres MFT #SJUBOOJRVFT MFT 'SBOĂŽBJT HVFSSF EF SĂ?TJTtance contre le Japon, guerre civile‌ dans un contexte d’impĂŠrialisme et de colonialisme occidental. Dans un temps plus court, le 1BSUJ DPNNVOJTUF DIJOPJT QSĂ?TFOUF QBSGPJT MFT rĂŠformes actuelles comme l’aboutissement d’un processus engagĂŠ en 1949 Ă la fondation de l’État socialiste. Enfin, notons que la transiUJPO EFQVJT FTU VOF USBOTJUJPO UPVU Ă‹ GBJU BTTVNĂ?F EĂ?DSĂ?UĂ?F BDUJWF FMMF GBJU M PCKFU EF nombreux discours et rĂŠflexions, notamment quant aux diffĂŠrences entre transition au sens large du terme et ÂŤ petites Âť transitions – dĂŠmographique, sociale, culturelle, ĂŠconomique, etc. Au sens acadĂŠmique et conceptuel du terme, que ce soit en Occident ou en Chine, il existe de nombreuses hypothèses thĂŠoriques qui contextualisent cette transition de façon très large, avec parfois des hypothèses contradictoires. Selon la doxa marxiste, la $IJOF TF USPVWF UPVKPVST EBOT VOF HSBOEF phase de transition du capitalisme au TPDJBMJTNF 1PVSUBOU DFSUBJOT EJTDPVST EF Jiang Zemin, le prĂŠcĂŠdent prĂŠsident de la Chine, laissaient Ă croire que la Chine ĂŠtait EĂ?KĂ‹ EBOT VOF QIBTF EF TPDJBMJTNF FU RVF la transition ĂŠtait rĂŠalisĂŠe. Les intellectuels chinois, dont certains utilisent volontiers le terme ÂŤ post Âť, parlent parfois de transition du lĂŠninisme au post-lĂŠninisme, ou du passage EF MB QSĂ? NPEFSOJUĂ? Ă‹ MB QPTU NPEFSOJUĂ? 6O certains nombres d’auteurs, notamment dans les universitĂŠs pĂŠkinoises, prennent plaisir Ă dire que la Chine n’est tout simplement pas

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passĂŠe par la modernitĂŠ, comme le montre, pour une bonne partie de la population, le passage direct au tĂŠlĂŠphone portable, sans l’Êtape ÂŤ intermĂŠdiaire Âť du tĂŠlĂŠphone fixe par exemple. Selon une autre hypothèse, que l’on trouve plus frĂŠquemment en Occident, la Chine serait en train de passer du socialisme au capitalisme. On ne peut nier une certaine pertinence Ă cette idĂŠe, mĂŞme si les Chinois ont tendance Ă la rĂŠfuter en invoquant QSĂ?DJTĂ?NFOU MB USBOTJUJPO QPVS KVTUJĂśFS MFT ĂŠventuels dĂŠbordements d’un capitalisme parfois sauvage.

FTU TZOPOZNF EF DIĂ™NBHF TJUVBUJPO RVJ dure depuis plusieurs dĂŠcennies mainteOBOU 0ĂłDJFMMFNFOU MF DIĂ™NBHF FTU EF 15 % Ă 20 %. Dans les faits et selon des critères occidentaux, il oscillerait entre 30 FU "VKPVSE IVJ Ă‹ 1Ă?LJO JM O FTU QBT SBSF de voir quatre personnes qui travaillent dans un mĂŞme bus – un chauffeur et USPJT DPOUSĂ™MFVST $FT QFSTPOOFT TPOU TVTDFQUJCMFT EF TF SFUSPVWFS BV DIĂ™NBHF demain sans rĂŠelle opportunitĂŠ future. Ce problème central est pris en compte par les autoritĂŠs ;

7PJDJ RVFMRVFT FYFNQMFT EF USBOTJUJPOT RVJ n’ont pas forcÊment de rapports directs les unes avec les autres, mais qui sont toutes largement ÊtudiÊes par les sociologues, Êconomistes, et politologues, qu’ils soient occidentaux ou chinois :

- au plan social, il existe des ĂŠvolutions intĂŠressantes, notamment dans les villages. Auparavant, les mariages se faisaient entre village. Mais Ă cause de l’Êclatement des solidaritĂŠs traditionnelles et du dĂŠsengagement de l’État dans les ĂŠconomies locales et provinciales, les familles sont de plus en plus forcĂŠes de recrĂŠer très localement des solidaritĂŠs. La politique de l’enfant unique – et donc de l’importance du garçon au EĂ?USJNFOU EF MB ĂśMMF o KPVF BVTTJ VO SĂ™MF Ces facteurs combinĂŠs incitent certaines familles Ă trouver dans une famille voisine, dans le mĂŞme village, un gendre qui aura en quelque sorte une fonction de fils. Il rĂŠsulte de ces situations des changements TPDJBVY NBKFVST

- l’institutionnalisation des successions politiques : le passage d’un système politique oĂš les successions se faisaient Ă l’intĂŠrieur EV 1BSUJ TPVWFOU FO SĂ?DPNQFOTF EF MB ĂśEĂ?MJUĂ? BV 1BSUJ WFST VO TZTUĂ’NF QMVT PVWFSU GPOEĂ? TVS MFT DPNQĂ?UFODFT "VKPVSE IVJ dans l’État chinois, notamment aux ĂŠchelons moyens et supĂŠrieurs, on trouve des fonctionnaires en gĂŠnĂŠral très bien formĂŠs, souvent dans des ĂŠcoles occidentales, ce qui reprĂŠsente un changement par rapport au passĂŠ. Il y a donc une transition notable dans le système des successions ; - libĂŠralisation des marchĂŠs qui est encore en cours, contrairement Ă ce que l’on QPVSSBJU QBSGPJT QFOTFS 1MVT EF EF l’Êconomie est encore aux mains de l’État, parfois de manière indirecte. Les marchĂŠs se libĂŠralisent peu Ă peu, ce qui a des consĂŠquences sur l’emploi notamment. 1PVS CFBVDPVQ EF $IJOPJT MB USBOTJUJPO

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KF OPUF Ă?HBMFNFOU EFT RVFTUJPOT QMVT QĂ?SJphĂŠriques, mais qui sont ĂŠgalement symptomatiques, comme la ÂŤ resinisation Âť de la littĂŠrature. La littĂŠrature chinoise a ĂŠtĂŠ très PDDJEFOUBMJTĂ?F KVTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT %F OPT KPVST DFSUBJOT Ă?DSJWBJOT FTTBJFOU EF retrouver des phrases, un ton et des thèmes plus chinois. Certaines de ces transitions sont assumĂŠes et volontaires, alors que d’autres sont beau-


coup plus subies. Le passage de l’emploi pour UPVT BV DIĂ™NBHF FTU Ă?WJEFNNFOU TVCJ -F gouvernement prend des mesures palliatives mais ces transitions restent extrĂŞmement problĂŠmatiques. Les changements concernant les mariages dans les villages ont parfois des consĂŠquences, mĂŞme mĂŠdicales, et le pouvoir d’action du gouvernement reste limitĂŠ sur ces questions. En d’autres termes, si certaines transitions paraissent très maĂŽtrisĂŠes, d’autres paraissent ĂŠchapper Ă tout conUSĂ™MF 0O QFVU OPUFS Ă?HBMFNFOU RVF UPVUFT MFT transitions ne sont pas synchrones : certaines transitions a priori interdĂŠpendantes sont, en rĂŠalitĂŠ, dĂŠcalĂŠes. La libĂŠralisation des marchĂŠs a ĂŠvidemment des consĂŠquences sur l’emploi, mais ces consĂŠquences ne se ressentent pas immĂŠdiatement. On a affaire Ă deux transitions qui sont dĂŠcalĂŠes dans le temps, ce qui augmente les difficultĂŠs pour l’État de mener une politique cohĂŠrente sur le long terme.

1.1.2. La transition thĂŠmatisĂŠe : entre rĂŠalitĂŠ et idĂŠologie Je soulignerai tout d’abord la confusion dans les discours sur la transition en Chine, que ce soit par les acteurs chinois eux-mĂŞmes, et parfois mĂŞme chez les chercheurs. La première confusion est thĂŠorique : le concept de transition est utilisĂŠ de manière extrĂŞmement MÉDIF DPNNF UIĂ’NF QBTTF QBSUPVU TBOT SĂ?flexion sur la dĂŠfinition mĂŞme et les limites de la notion. En politique, la transition n’est pas rĂŠellement dĂŠfinie non plus, il peut s’agir parfois d’un vĂŠritable programme, mais parfois aussi la transition n’est qu’un prĂŠtexte, pour excuser problèmes et retards. J’insisterai aussi sur les dimensions idĂŠologiques de la transiUJPO VUJMJTĂ?F Ă‹ EFT ĂśOT EF KVTUJĂśDBUJPO Quel est le stade stable vers lequel tend la transition chinoise ? La transition est

omniprĂŠsente dans les discours officiels, la presse, les bibliographies, etc. On a parfois le sentiment qu’elle est utilisĂŠe comme un synonyme consensuel de ÂŤ rĂŠvolution Âť, ÂŤ changement Âť, ÂŤ progrès Âť, ÂŤ rĂŠforme Âť, ÂŤ modernisation Âť, mots qui ont des connotations fortes, alors que la transition est plus neutre. En Chine, beaucoup de personnes ont l’impression d’être emportĂŠes dans un changement permanent, avec une perte complète de repères, et ignorent vers quel type de modèle, notamment social, l’État se dirige. Dans quelle mesure l’État HĂ’SF U JM MB USBOTJUJPO 1PVS DFSUBJOT BVUFVST l’État central est aux commandes de tout et a vĂŠritablement une maĂŽtrise de la transition. 1PVS E BVUSFT M ²UBU BVSBJU MBSHFNFOU QFSEV MB main, notamment dans les provinces. En un sens, toute pĂŠriode est transition, DBS M IJTUPJSF OF T BSSĂ?UF KBNBJT *M FTU EJĂłDJMF d’imaginer une sociĂŠtĂŠ sans changement, tout simplement parce que cela prĂŠsupposerait des ĂŠquilibres stables, tant internes que visĂ -vis du monde extĂŠrieur, ce qui est tout simplement impossible Ă imaginer dans un monde oĂš tout est interpĂŠnĂŠtrĂŠ. Seules quelques sociĂŠtĂŠs primitives ont paru ne pas ĂŠvoluer dans le temps long, mais mĂŞme cet immobilisme est relatif. Le changement est inscrit dans l’Histoire. Notons aussi que la vision selon laquelle tout change en permanence, et de plus en plus rapidement, est une des marques de la modernitĂŠ, par opposition Ă des ĂŠpoques ÂŤ traditionnelles Âť oĂš l’Histoire paraĂŽt ĂŠvoluer lentement. Car la transition est liĂŠe Ă une certaine vision de l’Histoire et du progrès. Cette vision nous semble naturelle alors qu’elle ne va pas de soi. Selon les pĂŠriodes et les civilisations, l’Histoire a pu ĂŞtre envisagĂŠe de façons très diffĂŠrentes :

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comme immobile, comme cyclique, ou comme un dĂŠclin Ă enrayer. En Chine, l’Histoire a parfois ĂŠtĂŠ vĂŠcue comme cyclique, par exemple dans le bouddhisme. La succession des dynasties a ĂŠgalement encouragĂŠ la vision de l’Histoire comme cycle, avec ĂŠventuellement des crises qui marquent la fin des cycles. Les gĂŠnĂŠrations descendantes ont pour leur part tendance Ă se reprĂŠsenter l’Histoire comme un dĂŠclin, et les pĂŠriodes de transition sont souvent vĂŠcues, notamment par les personnes, comme une accĂŠlĂŠration de ce dĂŠclin. "VKPVSE IVJ FO $IJOF JM Z B DPOUSBEJDUJPO entre un discours officiel laissant espĂŠrer des lendemains qui chantent, et le vĂŠcu RVPUJEJFO OPUBNNFOU EFT QFSTPOOFT ÉHĂ?FT qui regrettent le passĂŠ, et qui ressentent confusĂŠment l’Histoire comme un dĂŠclin. L’Histoire comme progrès est une vision relativement rĂŠcente, et qui dĂŠcoule en grande partie des idĂŠes de la Renaissance FVSPQĂ?FOOF &O $IJOF BODJFOOF PO B EĂ?KĂ‹ eu des penseurs qui ont posĂŠ l’Histoire comme progrès : les lĂŠgistes parfois, mais ĂŠgalement des penseurs de la dynastie des Han qui ont comparĂŠ avantageusement leur temps Ă celui des anciens. En Occident, M )JTUPJSF DPNNF QSPHSĂ’T T JNQPTF BV 97***e et 9*9e siècles, notamment avec Hegel et Marx, qui interprètent en termes ÂŤ scientifiques Âť MF EĂ?WFMPQQFNFOU IJTUPSJRVF -F 9*9e siècle assimile le progrès scientifique au progrès en gĂŠnĂŠral ; le progrès devient positif dans les discours, l’Homme devient acteur du progrès et de l’Histoire, il ne se contente pas de subir celle-ci. Ces idĂŠes entraĂŽnent une lĂŠgitimation de la transition et du progrès dans le vocabulaire et les idĂŠologies officielles.

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- )JTUPJSF B EFT EJNFOTJPOT TVCKFDUJWFT *M Z a très souvent conflit entre la transition et le progrès tels qu’ils sont thĂŠmatisĂŠs par les États et les acteurs politiques, et l’expĂŠrience humaine, quotidienne, de ces changements. L’Histoire est incontournable dans les discours NBSYJTUFT &ODPSF BVKPVSE IVJ FO $IJOF UPVT les discours politiques valorisent le changement et les mesures politiques comme allant dans le sens du progrès et de l’Histoire, et ont tendance Ă stigmatiser les forces qui iraient Ă l’encontre de ce changement, comme par exemple certains dissidents qui dĂŠnoncent certains effets pernicieux du changement, parfois ostracisĂŠs comme rĂŠactionnaires. 7FST RVFM NPEĂ’MF Ă?DPOPNJRVF TF EJSJHF M ²UBU Les discours au sein mĂŞme du gouvernement chinois ne sont pas unanimes, des groupes de pressions proposent des modèles et EFT PCKFDUJGT RVJ TPOU DPOUSBEJDUPJSFT -F 1BSUJ DPNNVOJTUF DIJOPJT TF WFVU VOJ NBJT il est agitĂŠ par des courants variĂŠs, voire des querelles de factions. La principale faction tend vers une ĂŠconomie socialiste EF NBSDIĂ? 6OF GBDUJPO USĂ’T NJOPSJUBJSF orientĂŠe plus Ă gauche, souhaiterait revenir Ă‹ EFT j GPOEBNFOUBVY x NBSYJTUFT 6OF troisième faction, nommĂŠe parfois Nouvelle (BVDIF BJNFSBJU TF SBQQSPDIFS EFT NPEĂ’MFT europĂŠens, notamment avec des syndicats libres. D’autres enfin, plus proches des milieux occidentaux encouragent un système beaucoup plus libĂŠralisĂŠ, Ă l’amĂŠricaine. Entre ces forces, les dĂŠbats sont extrĂŞmement intĂŠressants, alors que dans les discours officiels, le modèle ĂŠconomique ou social Ă BUUFJOESF SFTUF FYUSĂ?NFNFOU øPV - PCKFDUJG officiel est d’arriver Ă un système relativement ĂŠgalitaire, mais dans la rĂŠalitĂŠ les fossĂŠs entre les riches et les pauvres, les villes et les campagnes, se creusent de plus en plus.


$PODFSOBOU MFT USBOTJUJPOT DVMUVSFMMFT K BJ ĂŠvoquĂŠ tout Ă l’heure la littĂŠrature chinoise ; la transition actuelle va-t-elle faire revenir la Chine vers une culture plus chinoise, ou au contraire va-t-elle l’Êloigner de ses fondements traditionnels ? LĂ encore, des acteurs voudraient que la Chine s’occidentalise et adopte des valeurs occidentales comme les droits de l’homme. D’autres, au contraire, insistent sur la nĂŠcessitĂŠ de garder des valeurs traditionnelles, comme la piĂŠtĂŠ filiale ou le respect des hiĂŠrarchies. Cela nous amène Ă une question connexe, celle du modèle occidental : l’Occident reprĂŠsente-t-il encore un modèle pour la Chine ? Les Occidentaux ont tendance Ă ĂŞtre souvent assez directifs, attitude arrogante ou paternaliste, RVJ FTU QBSGPJT DPOUSF QSPEVDUJWF 1MVT fondamentalement, certains se demandent si le modèle occidental est le meilleur pour les sociĂŠtĂŠs asiatiques. La propagande officielle chinoise reprĂŠsente souvent, au moins implicitement, la transition comme un changement dans le bon sens. La modernitĂŠ est aussi marquĂŠe par l’efficacitĂŠ de l’idĂŠologie et de la propagande. L’État peut thĂŠmatiser la transition pour imposer des sacrifices, des politiques impopulaires, pour KVTUJĂśFS EFT NFTVSFT E FYDFQUJPO - ²UBU DIJOPJT ne s’en prive pas d’ailleurs : de nombreux sacrifices sont demandĂŠs aux populations qui sont les acteurs de la transition, mais qui peuvent aussi en ĂŞtre ses victimes. La transition est mĂŞme parfois prĂŠsentĂŠe par le gouvernement chinois comme une KVTUJĂśDBUJPO QPVS TF EJTDVMQFS EF M FYJTUFODF d’inĂŠgalitĂŠs, de retards, voire d’immobilisme. Dans certains cas, les observateurs ont l’impression d’une stagnation, ou d’un retour en arrière, notamment dans certaines pratiques sociales, comme le retour du

concubinage dans le sud de la Chine. Il est difficile de voir comment le retour de ces pratiques ÂŤ fĂŠodales Âť, au sens marxiste du terme, peut contribuer Ă la mise en place d’un système post-transition stable. On constate ĂŠgalement une opposition entre la transition idĂŠologique, le changement, le progrès au singulier, et toutes ces petites transitions et ĂŠvolutions, multiples et diverses, qui sont parfois très difficiles Ă vivre au quotidien. Jusqu’au milieu des annĂŠes 1980, la protection sociale en Chine ĂŠtait très limitĂŠe NBJT SFMBUJWFNFOU VOJWFSTFMMF "VKPVSE IVJ ce n’est plus le cas, et faute d’argent, de nombreuses personnes ne peuvent pas se faire soigner. Se trouve-t-on dans une pĂŠriode de transition vers un modèle de couverture sociale Ă l’occidentale ? Mais pour les victimes du changement, ces phĂŠnomènes de transitions sont extrĂŞmement difficiles Ă vivre au quotidien ; ce sont des thèmes que l’on retrouve très frĂŠquemment dans la littĂŠrature. Dans les grandes villes actuellement, de nombreuses campagnes sont lancĂŠes pour inviter la population Ă souscrire des assurances privĂŠes. On peut imaginer que d’ici 20 Ă 30 ans tous les Chinois seront bien couverts socialement, mais BVKPVSE IVJ PO DPOTUBUF VO DMJWBHF FOUSF MB ville et la campagne, entre la modernitĂŠ et la tradition. Et par ailleurs la transition peut se faire selon diffĂŠrents modèles : un modèle europĂŠen (Ă la française ou Ă la nordique avec une couverture universelle), ou un modèle Ă l’amĂŠricaine avant l’ère Obama, avec une grande minoritĂŠ de la population qui demeurerait exclue. Mais pour l’heure, constatons que la transition fait des victimes en Chine. Certains en Chine, y compris dans les sphères du pouvoir, reconnaissent Ă terme la nĂŠcessitĂŠ

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E VOF j EĂ?NPDSBUJTBUJPO x NBJT KVTUJĂśFOU MB situation actuelle par l’immensitĂŠ du pays et son manque de culture dĂŠmocratique. 6OF RVFTUJPO DPOOFYF FTU DFMMF EF MB OBUVSF EF DF QSPDFTTVT EF EĂ?NPDSBUJTBUJPO 1BS PĂĄ DPNNFODFS 1BS MF IBVU QPVS SFEFTDFOESF tous les ĂŠchelons, ou au contraire par la dĂŠmocratie locale ? Actuellement, on vote dans les villages chinois, mais Ă mesure que l’on monte les ĂŠchelons, on retrouve des mĂŠcanismes de nomination et de promotion qui sont beaucoup moins transparents. 4JNVMUBOĂ?NFOU UPVU BV TPNNFU EV 1BSUJ PO note depuis quelques annĂŠes qu’il y a plus de candidats que de postes Ă pourvoir, mĂŞme si le choix reste modeste : pour la dernière ĂŠlection Ă l’AssemblĂŠe nationale, il y avait 8 % de candidats en plus que de postes Ă pourvoir. Est-on rĂŠellement dans une phase de transition ? S’agit-il d’une transition non assumĂŠe, par un gouvernement qui en dĂŠfinitive tient au statu quo ? Le système n’est-il pas bloquĂŠ ? Les discours officiels TPOU USĂ’T BNCJHVT E VO DĂ™UĂ? JMT QSĂ?UFOEFOU encourager la dĂŠmocratisation et d’un autre ils mettent l’accent sur des problèmes liĂŠs Ă la dĂŠmocratie dans d’autres États asiatiques, ou Ă Taiwan, oĂš le dĂŠbat dĂŠmocratique confine parfois au pugilat. Les autoritĂŠs chinoises ironisent volontiers sur ce style de dĂŠmocratie. Je finis avec la non linĂŠaritĂŠ des transitions, problème bien connu qui a ĂŠtĂŠ ĂŠtudiĂŠ par des thĂŠoriciens du changement. On constate dans un système, un État en dĂŠveloppement, des transitions qui sont dĂŠcalĂŠes les unes par rapport aux autres : transition ĂŠconomique, puis transition sociale, par exemple. Selon un modèle courant, la modernisation ĂŠconomique profiterait d’abord Ă une minoritĂŠ, puis favoriserait des

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valeurs ĂŠmancipatrices, qui finiraient par induire la dĂŠmocratisation, le tout selon des rythmes diffĂŠrents. 1SFOPOT FODPSF M FYFNQMF EF MB DPSSVQUJPO Sociologues et ĂŠconomistes distinguent parfois la corruption blanche (considĂŠrĂŠe comme normale dans une sociĂŠtĂŠ donnĂŠe), de la corruption grise (considĂŠrĂŠe comme acceptable, et qui pourrait servir la transition), de la corruption noire (considĂŠrĂŠe comme inacceptable). Ce vĂŠcu et ces conceptions de MB DPSSVQUJPO Ă?WPMVFOU BVKPVSE IVJ CFBVDPVQ en Chine. Des procĂŠdĂŠs considĂŠrĂŠs comme normaux il y a cinq ou dix ans ne le sont plus BVKPVSE IVJ *DJ FODPSF PO QFVU WPJS RV JM Z B EFT ĂŠvolutions qui sont probablement positives et qui vont dans le sens d’une modernisation du système. -B USBOTJUJPO FTU FMMF VOF SĂ?BMJUĂ? PV QMVUĂ™U un discours qui cache des changements CFBVDPVQ NPJOT BTTVNĂ?T FU DPOUSĂ™MĂ?T Existe-t-il une transition, ou plusieurs transitions ? Combien de temps dure une transition ? Le concept de transition GBDJMJUF U JM MFT QSPKFDUJPOT MFT QSĂ?WJTJPOT 1BSBEPYBMFNFOU MF HPVWFSOFNFOU DIJOPJT fait beaucoup de plans quadriennaux, quinquennaux, etc., dans la logique de l’Êconomie planifiĂŠe courante en Chine depuis des dĂŠcennies, mais hĂŠsite Ă proposer EFT QSĂ?WJTJPOT FU EFT QSPKFDUJPOT SFMBUJWFT Ă‹ MB transition. Quels sont les acteurs principaux de la transition ? L’État est-il acteur de la transition, ou la subit-elle ? S’il est possible de parler relativement librement avec des interlocuteurs chinois de MB QMVQBSU EFT TVKFUT JM SFTUF RVF MF QPJET EFT mots, des discours, du marxisme pèse encore sur la façon de reprĂŠsenter les choses. Derrière les apparences de modernitĂŠ se cachent des


obstacles idĂŠologiques, et notamment un vocabulaire convenu. En un sens, le concept de transition se suffit Ă lui-mĂŞme, hors de toute rĂŠflexion ou programme d’action. L’État chinois, notamment au plan local, n’a qu’une marge d’action limitĂŠe et n’intervient souvent que pour corriger quelques excès, plus que comme vĂŠritable maĂŽtre de la transition. Je vous remercie.

Échanges‌ StĂŠphane LagrĂŠe Merci Nicolas pour cette intervention qui pose un premier cadre, qui fait varier temps long / temps court et qui porte la rĂŠflexion sur des thĂŠmatiques aussi diverses que le marchĂŠ de l’emploi, la littĂŠrature, la famille, le mariage. Nous allons passer aux questions et aux ĂŠchanges avec la salle. Jean-Pierre Cling J’ai beaucoup apprĂŠciĂŠ votre prĂŠsentation sur la transition en Chine. Évidemment, il est très difficile de comparer une transition qui a eu lieu il y a plus de 2000 ans et la transition BDUVFMMF 1PVS MB QSFNJĂ’SF USBOTJUJPO WPVT BWF[ soulignĂŠ qu’elle n’Êtait pas vĂŠcue comme telle Ă‹ M Ă?QPRVF RV FMMF Ă?UBJU QMVUĂ™U WĂ?DVF DPNNF une pĂŠriode de crise, d’instabilitĂŠ politique, de guerres. Cependant, on a quand mĂŞme l’impression que ces ĂŠlĂŠments ne s’appliquent pas vraiment Ă ce qui se passe actuellement. La transition est affirmĂŠe, promue, alors qu’il y a 2000 ans, elle n’Êtait pas vĂŠcue comme un passage d’un ĂŠtat Ă un autre. En outre, elle n’est pas rĂŠellement considĂŠrĂŠe comme VOF QĂ?SJPEF EF DSJTF 7PVT BWF[ Ă?WPRVĂ? les anciennes gĂŠnĂŠrations nostalgiques,

mais globalement il s’agit d’une pĂŠriode de progrès ĂŠconomiques extrĂŞmement rapides. Des difficultĂŠs sociales apparaissent mais c’est aussi une pĂŠriode de très grande stabilitĂŠ ĂŠconomique et de paix – en exceptant peutĂŞtre 1989 et les ĂŠvĂŠnements de Tian’anmen. Second point. Je suis un peu ĂŠtonnĂŠ par votre point de vue qui semble ne pas prendre parti. Est-ce liĂŠ Ă la volontĂŠ de recul de l’historien ? Enfin, vous vous ĂŞtes dĂŠfendu de toute comQBSBJTPO BWFD MF 7JĚ?U /BN NBJT PO QFVU tisser de nombreuses comparaisons entre ce que vous avez dĂŠcrit et ce que l’on vit dans ce pays. Cristina Bellini, URDSE, Cambodge 7PVT TFNCMF[ EJSF RVF M ²UBU O B QBT WSBJNFOU la main haute sur cette transition. Avec un État aussi centralisĂŠ que la Chine, quels sont les mĂŠcanismes qui initient des transitions sociales et culturelles aussi importantes ? Quand on impose une transition centralisĂŠe parfois violente et qu’Êventuellement cette BVUPSJUĂ? TF SFMÉDIF BTTJTUF U PO Ă‹ VO SFUPVS FO arrière ? Qui est acteur de la transition, qui la lance, qui la veut, peut-on l’imposer ? Rodolphe De Koninck J’ai beaucoup apprĂŠciĂŠ le très large ĂŠventail de vos propos. Il y a une chose que vous avez mentionnĂŠe qui Ă mon sens mĂŠrite E Ă?USF BQQSPGPOEJF 1PVSSJF[ WPVT DPNNFOUFS MFT SĂ?GPSNFT Ă‹ QBSUJS EF FO MJFO BWFD MF dĂŠclenchement officiel de la transition agraire moderne chinoise, l’apparition de nouveaux systèmes de responsabilitĂŠ dans l’agriculture accompagnĂŠs, dans les annĂŠes qui ont suivi, de l’ouverture massive Ă la fois territoriale, ĂŠconomique, et dĂŠmographique ?

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Yves Perraudeau, UniversitĂŠ de Nantes 7PVT BWF[ Ă?WPRVĂ? VO CBTDVMFNFOU Ă?WFOUVFM EFT ²UBUT 6OJT WFST MB $IJOF &TU DF VOF SĂ?GĂ?SFODF Ă‹ MB UIĂ?PSJF EF #SBVEFM MF basculement de l’Êconomie-monde, est-ce seulement un affrontement entre ces deux pays, ou d’une manière plus gĂŠnĂŠrale un basculement du monde atlantique vers le monde pacifique ? Nicolas Zufferey 1PVS SĂ?QPOESF Ă‹ MB QSFNJĂ’SF RVFTUJPO SFMBUJWF Ă la comparaison entre la transition la plus ancienne et la plus rĂŠcente, les diffĂŠrences TPOU Ă?WJEFOUFT $F TVS RVPJ KF WFVY JOTJTUFS FO comparant ces deux pĂŠriodes est la posture de deux types d’acteurs : ceux qui prennent sur eux de faire avancer les rĂŠformes et MFT DIBOHFNFOUT FU DFVY RVJ TPOU QMVUĂ™U Ă la traĂŽne et sont les victimes de ces changements. MĂŞme si dans le temps long les rĂŠformes en Chine ancienne n’ont pas ĂŠtĂŠ vĂŠcues de la mĂŞme manière que les rĂŠformes dans le temps très court contemporain, il y a quand mĂŞme de nombreuses convergences, notamment le fait que dans les deux cas les contemporains ont le sentiment d’une BDDĂ?MĂ?SBUJPO WPJSF E VOF DSJTF #FBVDPVQ EF personnes sont très positives sur ce qui se QBTTF FO $IJOF BVKPVSE IVJ FU PO QFVU TBOT doute l’être, mais dans les milieux ruraux, de nombreux problèmes apparaissent et un mĂŠcontentement assez partagĂŠ gagne du terrain. Il ne se manifeste pas de manière spectaculaire, mais depuis 2006, il y aurait eu près de 100 000 mouvements sociaux comptabilisĂŠs officiellement chaque annĂŠe. On constate un mĂŠcontentement profond, mais aussi paradoxal : la plupart des gens reconnaissent que leur niveau de vie a

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augmentĂŠ, mĂŞme dans les campagnes, mais les clivages, les fossĂŠs, les inĂŠgalitĂŠs ont crĂť de façon encore plus spectaculaire. Comme, par ailleurs, surgissent de nouveaux problèmes, ce sentiment de crise reste patent en zone rurale. En milieu urbain aussi, avec les travailleurs migrants qui reprĂŠsentent des dizaines de millions de personnes. C’est DF SFTTFOUJ EF UFNQT EF DSJTF QMVUĂ™U RVF EFT BOBMPHJFT SĂ?FMMFT RVF K BJ WPVMV TPVMJHOFS dans la comparaison de ces deux transitions sĂŠparĂŠes de plus de deux millĂŠnaires. Concernant mon point de vue personnel, tout d’abord, très peu de spĂŠcialistes de la Chine prennent le risque d’imaginer ce que sera la Chine dans 10, 15 ou 20 ans. On le faisait dans les annĂŠes 2000, oĂš des pĂŠkinologues prĂŠdisaient par exemple l’Êclatement de la $IJOF "VKPVSE IVJ PO DPOTUBUF VOF DFSUBJOF stabilitĂŠ politique : le gouvernement perd la main dans certains domaines, mais conserve ses prĂŠrogatives dans la politique, la police, l’armĂŠe. ÂŽ QSPQPT EV DPOUSĂ™MF EF M ²UBU TVS MB USBOTJUJPO JM FTU DMBJS RV BV EĂ?CVU FO VO DFSUBJO nombre de politiques ont ĂŠtĂŠ dĂŠcrĂŠtĂŠes, appliquĂŠes et maĂŽtrisĂŠes. Mais dans les annĂŠes 1990, on a vraiment eu l’impression que l’État perdait de son influence, notamment dans les provinces qui sont parfois gĂŠrĂŠes assez librement. Ă€ une ĂŠpoque, on tombait dans certaines provinces sur des pĂŠages sauvages sur les routes, pĂŠages qui permettaient aux administrations locales de financer des IĂ™QJUBVY PV EFT Ă?DPMFT DBS M ²UBU DFOUSBM OF les finançait plus. Depuis les annĂŠes 2000, MF DPOUSĂ™MF T FTU SFTTFSSĂ? NBJT M ²UBU QBSBĂ”U parfois dĂŠpassĂŠ et surmonte difficilement beaucoup de problèmes sociaux. Hu Jintao,


le prĂŠsident chinois insiste sur la nĂŠcessite de combler les fossĂŠs et les clivages sociaux, qui TF TPOU BHHSBWĂ?T IPST EF UPVU DPOUSĂ™MF %FOH 9JBPQJOH BĂłSNBJU MVJ NĂ?NF RV VOF QBSUJF EV pays devrait s’enrichir plus vite pour entraĂŽner les autres dans leur sillage. Mais ÂŤ ces autres Âť suivent de manière beaucoup trop lente, d’oĂš des insatisfactions, voire de la colère. Le pouvoir peut s’affirmer avec autoritĂŠ dans de nombreux domaines, notamment politiques. En revanche, l’État a du mal Ă endiguer certaines pratiques : retour du patriarcat, des rites funĂŠraires importants, du concubinage, etc. Concernant la question des rapports entre MB $IJOF FU MFT ²UBUT 6OJT MFT EJTDPVST TPOU QMVUĂ™U EF OBUVSF USĂ’T QPMJUJRVF FU OBUJPOBMJTUF et empreints d’un certain esprit de revanche. Les Chinois se voient volontiers comme la QSFNJĂ’SF QVJTTBODF EV 99*e siècle. Cette tentation nationaliste pourrait devenir inquiĂŠtante si la croissance chinoise s’essoufflait et que les problèmes sociaux explosaient. Le gouvernement pourrait ĂŞtre tentĂŠ de se trouver des boucs ĂŠmissaires Ă l’extĂŠrieur. La Chine pourrait se heurter Ă d’autres problèmes graves, notamment ĂŠcologiques. Actuellement, on considère que 30 Ă 40 % de la population a accès Ă l’eau potable. La Chine retrouvera-t-elle la place qu’elle KVHF MB TJFOOF D FTU Ă‹ EJSF MB QSFNJĂ’SF -B $IJOF QSPEVJTBJU BV 97***e siècle le quart de la production mondiale, elle est en passe de retrouver ce chiffre et de doubler les États6OJT François Roubaud Merci pour cet exposĂŠ passionnant abordĂŠ avec le recul de l’Histoire. Ă€ plusieurs reprises vous avez mentionnĂŠ, comme point positif,

MB WPMPOUĂ? EV 1BSUJ EF GBJSF BQQFM Ă‹ EFT Ă?MJUFT mieux formĂŠes. Cette vision n’est peut-ĂŞtre pas aussi simple que cela. On peut voir au 7JĚ?U /BN QBS FYFNQMF RVF EFT Ă?MJUFT VO QFV moins bien formĂŠes ont fait des choix relativement pertinents dans les annĂŠes passĂŠes. Si l’on prend l’exemple de l’AmĂŠrique latine, le passage des politicos democratos n’a pas eu l’effet escomptĂŠ, en particulier sur le front de la corruption. $F RVF KF USPVWF SĂ?WĂ?MBUFVS EBOT MF EĂ?CBU RVJ PQQPTF +FBO 1JFSSF $MJOH FU WPVT FTU le contraste entre une vision macroĂ?DPOP NJRVF QMVUĂ™U QPTJUJWF FU VOF WJTJPO sociologique ou anthropologique plus pessimiste, focalisĂŠe sur les conflits. Je pense que dans le cas de la Chine, on est plus prĂŞt Ă accepter l’existence d’un problème dans la mesure oĂš il y a une rĂŠelle montĂŠe des inĂŠgalitĂŠs, mesurĂŠe de façon macro. &O SFWBODIF BV 7JĚ?U /BN MFT JOĂ?HBMJUĂ?T n’ont pas explosĂŠ comme en Chine. Le fait que vous preniez les mouvements sociaux pour appuyer vos propos ne me paraĂŽt pas rĂŠellement significatif : le mouvement social ne signifie pas uniquement que la situation se dĂŠtĂŠriore, mais que les aspirations des populations augmentent. On voit qu’en pĂŠriode de crise dure, rĂŠelle, et de dĂŠclin ĂŠconomique, les personnes sont ĂŠcrasĂŠes QBS MB DPOKPODUVSF MFT NPVWFNFOUT TPDJBVY souvent ont tendance Ă diminuer, et les syndicats s’amenuisent. 1MVT MBSHFNFOU TVS MB QFSTQFDUJWF IJTUPSJRVF comparer une transition qui se dĂŠroule sur quatre siècles et une transition sur quelques dizaines d’annĂŠes m’interpelle : a-t-on une accĂŠlĂŠration de l’Histoire ou bien est-ce la myopie de la pĂŠriode contemporaine ?

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De votre point de vue d’historien, existet-il des transitions qui en temps rĂŠel n’ont pas ĂŠtĂŠ vĂŠcues comme telle, et qui ont ĂŠtĂŠ reconstruites ex post comme des transitions ? D’un autre cotĂŠ, existe-t-il des fausses transitions, vĂŠcues comme telles en temps rĂŠel par les contemporains, et qui, avec le recul de l’Histoire, ont ĂŠtĂŠ totalement oubliĂŠes et ne sont pas considĂŠrĂŠes comme des transitions BVKPVSE IVJ Virginie Diaz Ces JournĂŠes ĂŠtant dĂŠdiĂŠes Ă la production scientifique mais aussi Ă la mise en Ĺ“uvre de DFT JEĂ?FT K BJNFSBJT SFWFOJS TVS MB NĂ?UIPEPMPgie que vous adoptez en tant qu’historien pour dĂŠfendre les propos que vous soutenez, notamment avoir plus de dĂŠtails sur la facilitĂŠ d’accès aux sources que vous utilisez (archives, tĂŠmoignages contemporains, etc.). Didier Orange, IRD Comment qualifier ou reconnaĂŽtre une transition ? Chaque acteur ou chaque personne n’est pas dans l’idĂŠe de vivre une transition. Existe-t-il un ĂŠtat initial dans une sociĂŠtĂŠ ? N’y a-t-il pas, Ă un moment, une volontĂŠ de dĂŠfinir et d’expliquer une transition ? Je prĂŠfèrerais utiliser les termes ÂŤ mouvement Âť ou ÂŤ dynamique Âť, qui sont des termes que l’on utilise souvent en sciences physiques ; n’y-a-til pas une notion plus religieuse que politique dans le concept de transition ? Bernard Formoso, UniversitĂŠ Paris Ouest - Nanterre Je m’interrogeais sur la mise en perspective et la comparaison de ces deux transitions. Dans la première transition qui a eu lieu il y a 2000 ans, il y a transition dans le sens oĂš il y a eu passage d’un système politique Ă un autre,

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dĂŠclenchĂŠ par des facteurs d’ordre politique et dĂŠmographique. Dans le cas prĂŠsent, la noUJPO EF USBOTJUJPO GBJU FMMF TFOT 6O SĂ?HJNF politique prend l’initiative d’une libĂŠralisation ĂŠconomique, mais n’est-ce pas un phĂŠnomène beaucoup plus large qui s’intègre dans l’Êvolution globale de l’Êconomie NPOEF 1FVU PO QBS DPOTĂ?RVFOU BSSJWFS Ă‹ un ĂŠtat stabilisĂŠ du système, n’est-ce pas un processus ouvert qui restera ouvert ? La question se pose pour la Chine mais aussi pour les pays occidentaux. Je pense qu’il peut y avoir une transition d’un système politique vers un autre, comme lors de la première transition DIJOPJTF NBJT BVKPVSE IVJ DF DPODFQU EF troisième transition me paraĂŽt plus relever du procĂŠdĂŠ rhĂŠtorique. LĂŞ Tháşż Vᝯng, ASSV L’unitĂŠ et la discipline ĂŠtant deux valeurs fondamentales de la Chine, pensez-vous qu’il y ait un lien entre une volontĂŠ ĂŠtatique de niveler la diversitĂŠ ethnique et les victimes de cette transition contemporaine ? Nicolas Zufferey Je suis d’accord avec François sur le fond EF TFT QSPQPT SFMBUJGT BVY Ă?MJUFT NBJT KF MFT nuancerais. En effet, les ĂŠlites traditionnelles EV 1BSUJ DPNNVOJTUF DIJOPJT BWBJFOU un certain idĂŠal dans lequel le peuple se reconnaissait assez bien, mĂŞme si la corruption ĂŠtait rampante. Dans les annĂŠes 1980, on avait au contraire le sentiment que les ĂŠlites ĂŠtaient Ă la fois corrompues et RV FMMFT OĂ?HMJHFBJFOU DFT WBMFVST "VKPVSE IVJ il y a dans les discours une rĂŠaffirmation de valeurs comme la solidaritĂŠ sociale (parfois un peu rhĂŠtorique), et l’apparition de cadres compĂŠtents en ĂŠconomie pure, en finance, etc., mĂŞme si la population peut, en effet, voir


FO DFT Ă?MJUFT EFT UFDIOPDSBUFT EJQMĂ™NĂ?T RVJ la dĂŠlaissent. Concernant les ĂŠventuelles transitions qui ne pourraient pas ĂŞtre vĂŠcues comme telles par la population, la deuxième grande transition DIJOPJTF RVF K BJ KVTUF NFOUJPOOĂ?F o MB QĂ?SJPEF des Song, appelĂŠe parfois la Renaissance chinoise – est rĂŠvĂŠlatrice : elle voit l’Êmergence de grandes villes et de l’imprimerie, qui facilite la dissĂŠmination de la culture. Les acteurs de l’Êpoque n’ont pas vĂŠcu cette pĂŠriode comme une crise ou une transition, en partie parce que ces changements n’ont Ă l’Êpoque pas ĂŠtĂŠ intĂŠgrĂŠs dans un mĂŠtadiscours relatif Ă des changements ĂŠconomiques. Cependant, les historiens la considèrent comme une QĂ?SJPEF NBKFVSF EF USBOTJUJPO Concernant la mĂŠthodologie, on essaie en histoire de combattre l’idĂŠe selon laquelle il n’existerait qu’une seule modernitĂŠ, la modernitĂŠ occidentale. Il y a des formes de prĂŠ-modernitĂŠ et de modernitĂŠ dans d’autres sociĂŠtĂŠs que les sociĂŠtĂŠs occidentales, comme dans le Japon des Tokugawa, qui avait mis en place une ĂŠconomie et un système d’Êducation relativement ouverts. On parle de plus en plus de ÂŤ prĂŠ-modernitĂŠ Âť pour certaines ĂŠpoques anciennes, par exemple QPVS EĂ?DSJSF DFUUF EZOBTUJF 4POH EPOU KF viens de parler. 1PVS DF RVJ FTU EFT TPVSDFT K VUJMJTF TVSUPVU MFT histoires dynastiques, les textes des anciens penseurs, ainsi que quelques textes de fiction FODPSF SBSFT Ă‹ M Ă?QPRVF 1PVS M Ă?QPRVF contemporaine, la littĂŠrature populaire, notamment les romans sociaux et les romans de fonctionnaires, me paraissent dignes d’intĂŠrĂŞt : ils donnent Ă vivre de l’intĂŠrieur un certain nombre de rĂŠformes ou d’Êvolutions

dans les provinces et les villages. Ces textes ont une valeur sociologique, au mĂŞme titre que des entretiens ou des enquĂŞtes de terrain qui restent difficiles Ă mener en Chine. Souvent, les sociologues ne lisent pas le chinois et ne peuvent donc pas utiliser ces sources qui abondent de matĂŠriaux qu’on ne trouve pas dans la presse, en raison d’une censure plus ĂŠtroite : il me paraĂŽt important de dĂŠcloisonner les disciplines et d’utiliser des matĂŠriaux ÂŤ littĂŠraires Âť, par exemple, Ă des fins sociologiques. $PNNFOU SFDPOOBĂ”USF VOF USBOTJUJPO 7JU PO VOF USBOTJUJPO BVKPVSE IVJ FO $IJOF Le terme est souvent utilisĂŠ de manière abusive. Sur le plan ĂŠconomique et social, tout ĂŠvolue perpĂŠtuellement, on vit dans des systèmes ouverts qui n’ont pas vraiment d’Êtats stables. Les autoritĂŠs chinoises utilisent ce terme spĂŠcifique Ă outrance pour afficher et confirmer une orientation qui se veut dynamique, mais qui n’est pas forcĂŠment maĂŽtrisĂŠe. Christophe Gironde J’ai une question concernant le système de rĂŠfĂŠrence, le stade de dĂŠpart. Quelle est en Chine l’effectivitĂŠ, la rĂŠalitĂŠ du système de rĂŠfĂŠrence qu’on qualifie de socialiste ? Ma question s’inspire du cas vietnamien : on TBJU BVKPVSE IVJ RVF MF TZTUĂ’NF EF SĂ?GĂ?SFODF – collectivisation, coopĂŠratives, brigades de production, etc. – n’Êtait pas si solide. On parle BVKPVSE IVJ EF j DPPQĂ?SBUJWF TVS MF QBQJFS x PV de ÂŤ collectivisation inachevĂŠe Âť. Finalement, analyser la situation de rĂŠfĂŠrence permet de rendre compte de la transition. Dans le cas de la transition agricole, elle a ĂŠtĂŠ facilitĂŠe dans la mesure oĂš le système collectiviste a ĂŠtĂŠ très perturbĂŠ et corrompu par une ĂŠconomie qui

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n’Êtait pas collectiviste, ce qui a entraĂŽnĂŠ une transition assez ÂŤ facile Âť. Martine Segalen 7PVT BWF[ FNQMPZĂ? EFT UFSNFT DPNNF transition, transformation, crise ou progrès. Quand on connaĂŽt l’importance pour les idĂŠologies marxistes de faire que les sexes soient plus ĂŠgaux, que la femme aient une meilleure situation dans la sociĂŠtĂŠ o KF QFOTF QBS FYFNQMF BVY QSFNJĂ’SFT MPJT de l’État soviĂŠtique –, n’a-t-on pas avec cette modernisation ĂŠconomique et cette dĂŠmocratisation politique relative, un recul de la condition fĂŠminine dans les sociĂŠtĂŠs contemporaines ? Nicolas Zufferey -B $IJOF FTU UPVKPVST PĂłDJFMMFNFOU FO quĂŞte d’une ÂŤ voie chinoise du socialisme Âť. Que cachent ces mots ? Les interprètes occidentaux voient souvent dans cette notion de ÂŤ socialisme Ă la chinoise Âť une façon de camoufler un capitalisme d’État. Actuellement, le modèle comporte de nombreux ĂŠlĂŠments rĂŠvĂŠlateurs d’un capitalisme sauWBHF FU E VO DBQJUBMJTNF E ²UBU QMVUĂ™U RVF EF socialisme. De nombreux dĂŠbats sont menĂŠs TVS DF TVKFU FYUSĂ?NFNFOU TFOTJCMF DFSUBJOT POU NĂ?NF WPVMV SFOPNNFS VO 1BSUJ RVJ OF paraĂŽt plus très communiste. La Chine est très dĂŠficitaire par rapport aux ²UBUT 6OJT FO DF RVJ DPODFSOF M JOøVFODF DVM turelle, contrairement au Japon ou Ă la CorĂŠe qui ont une influence marquĂŠe en Occident – que l’on songe par exemple aux mangas KBQPOBJT -B $IJOF FTU DPOTDJFOUF EF DF manque d’attractivitĂŠ qui peut rĂŠsulter de la mauvaise impression laissĂŠe par le gouvernement chinois. Les Instituts Confu-

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cius qui se mettent en place actuellement n’arrangeront sans doute pas la situation, ĂŠtant donnĂŠ qu’il s’agit d’un instrument de softpower intimement liĂŠ au gouvernement. Le système de la collectivisation chinoise ĂŠtait assez rigide et gĂŠnĂŠralisĂŠ. Des mouvements comme la RĂŠvolution culturelle ont rĂŠussi Ă ĂŠradiquer efficacement toute propriĂŠtĂŠ QSJWĂ?F -F 1BSUJ DPNNVOJTUF DIJOPJT DPOUSBJ rement Ă son homologue vietnamien, a parfois pris l’initiative de mouvements très violents contre le système ÂŤ fĂŠodal Âť. Le ressentiment E VOF QBSUJF EF MB QPQVMBUJPO WJT Ă‹ WJT EV 1BSUJ vient de ces grands mouvements. De ce point de vue, le système de rĂŠfĂŠrence ĂŠtait bien en place. En ce qui concerne les femmes, Ă partir de 1949, il y a eu des avancĂŠes considĂŠrables : en quelques annĂŠes, la femme chinoise s’est vue reconnaĂŽtre de nombreux droits et a eu accès Ă des professions qui lui ĂŠtaient interdites BVQBSBWBOU "VKPVSE IVJ EBOT DFSUBJOFT rĂŠgions, on assiste Ă un retour en arrière, surtout dans les campagnes. D’une façon gĂŠnĂŠrale, des milieux moins bien ĂŠduquĂŠs verront plus facilement un retour de formes patriarcales d’organisation familiale, moins favorables aux femmes.

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) i$IJOB T 'V[[Z 5SBOTJUJPO -FOJOJTN UP 1PTU Leninism� , Steven I. Levine, The China Quarterly, No. 136, Special Issue: Greater China %FD QQ $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT PO CFIBMG PG UIF 4DIPPM PG Oriental and African Studies


1.2. La transition agraire Rodolphe De Koninck, universitĂŠ de MontrĂŠal

(Retranscription) Je suis très heureux d’être avec vous dans le cadre de ces JournĂŠes mais aussi d’être BV 7JĚ?U /BN *M T BHJU QFVU Ă?USF EF NPO RVBSBOUJĂ’NF TĂ?KPVS EBOT MF QBZT FO EJY huit ans ! Celui-ci change très vite mais les transformations se rĂŠalisent, finalement, Ă la mĂŞme vitesse que dans le reste de l’Asie du Sud-Est. .PO PCKFDUJG FTU EF NF DPODFOUSFS TVS VO type de transformation : la transition agraire, en particulier celle qui se dĂŠroule Ă l’Êchelle de l’ensemble du Sud-Est asiatique[4]. Mon exposĂŠ se composera de trois grandes parties. 5PVU E BCPSE KF GFSBJ VO DFSUBJO OPNCSF EF remarques relatives Ă la transition agraire, sur les dĂŠfinitions qui en ont ĂŠtĂŠ donnĂŠes et sur TFT Ă?MĂ?NFOUT FTTFOUJFMT &OTVJUF KF EĂ?DSJSBJ les caractĂŠristiques de la transition agraire sud-est asiatique, en particulier au cours de ces cinquante dernières annĂŠes. Enfin, K Ă?WPRVFSBJ VO QSPKFU EF SFDIFSDIFT EPOU KF TVJT SFTQPOTBCMF EFQVJT CJFOUĂ™U TJY BOT RVJ porte sur la transition agraire en Asie du SudEst et qui implique des chercheurs provenant d’une vingtaine d’universitĂŠs dans le monde, comprenant quelque quatre-vingt thĂŠsards.

1.2.1. Qu’est-ce que la transition agraire ? Dans une large mesure, l’on peut concevoir l’histoire de l’agriculture comme un reflet de celle de l’humanitĂŠ. Depuis sa naissance, cette agriculture est en perpĂŠtuelle transformation, en rĂŠponse aux multiples demandes des humains. Elle a connu de nombreuses adaptations concernant l’utilisation des semences, du bouturage, de la fertilisation ou de l’irrigation ; l’agriculture a ainsi ĂŠtĂŠ et demeure une source d’innovations et d’inventions. Ce sont souvent les solutions de recherche Ă des problèmes agricoles qui ont amenĂŠ des dĂŠcouvertes scientifiques fondamentales. Il existe donc un lien très ĂŠtroit entre invention, innovation et rĂŠsolution des problèmes et dĂŠfis de l’agriculture. De QMVT DFMMF DJ B TBOT DFTTF GBJU M PCKFU E VOF intensification mais aussi d’une extension de son domaine. Il est ainsi possible de concevoir l’histoire de l’agriculture comme celle de l’expansion de son domaine. Je reviendrai sur cette question dans la mesure oĂš l’une des originalitĂŠs fondamentales de la transition agraire en Asie du Sud-Est est qu’elle s’accompagne d’une expansion permanente de l’agriculture, ce qui est exceptionnel dans le contexte contemporain, NJT Ă‹ QBSU MF DBT EV #SĂ?TJM - JEĂ?F EF USBOTJUJPO

[4] L’auteur tient Ă remercier Jean-François Rousseau pour sa participation Ă la prĂŠparation des graphiques. Jean-Francois FU NPJ NĂ?NF UFOPOT BVTTJ Ă‹ SFNFSDJFS /64 1SFTT QPVS OPVT BWPJS QFSNJT EF SFQSFOESF JDJ RVFMRVF EJY HSBQIJRVFT BQQBSBJTTBOU EĂ?KĂ‹ EBOT OPUSF Gambling with the Land. Southeast Asia’s Agricultures, 1960-2008 (sous presse).

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agraire, de changement, reste vague même TJ PO MB EÏöOJU BVKPVSE IVJ DPNNF MF passage d’une société se caractérisant par l’accumulation dans l’agriculture à une société où l’accumulation se réalise dans l’industrie. Dans la littérature, en particulier marxiste, la révolution industrielle est interprétée comme étant issue d’une transition agraire. Souvent, des termes comme « révolution industrielle », « transition industrielle », « transition urbaine » sont utilisés pour définir un phénomène qui a d’abord été initié dans les campagnes de l’Europe, ce qui peut parfois être source de confusion. Dans la vulgate marxiste, la transition agraire est définie comme une transformation des rapports de production entre ceux qui possèdent la terre et ceux qui la travaillent. L’idée fondamentale est de repérer où se réalise l’accumulation principale dans une économie : les champs ou les usines, les campagnes ou les villes ? C’est surtout Marx qui a défini la transition agraire, et donc la révolution industrielle, tout d’abord réalisée dans les campagnes anglaises. On serait passé d’une société féodale où l’accumulation se faisait par l’appropriation du surplus agricole – une appropriation visible par les propriétaires de la terre (les seigneurs) –, à une société capitaliste où l’accumulation d’une plus-value invisible se réalise dans l’industrie. Cette transition a amené des bouleversements fondamentaux dans les campagnes et les villes, prenant des formes différentes selon les pays. Mais, fondamentalement, les processus ont été comparables : l’accumulation principale ne s’est plus réalisée à partir de l’agriculture mais bien à partir de l’industrie, cette évolution n’ayant pas procédé de façon linéaire mais QMVUÙU Ë USBWFST CJFO EFT CPVMFWFSTFNFOUT des résistances, avancées et reculs.

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Quels sont les phénomènes qui ont amené ces changements, ce passage de sociétés dites féodales à des sociétés capitalistes, de sociétés agraires à des sociétés urbaines et industrielles ? La transition agraire associée à la révolution industrielle a-t-elle résulté d’innovations techniques – invention de la roue, amélioration des métiers à tisser dans l’industrie anglaise, des organismes HÏOÏUJRVFNFOUT NPEJöÏT 0(. o PV EF bouleversements sociaux – apparition de MB CPVSHFPJTJF FU DMÙUVSF EFT QÉUVSBHFT communaux qui ont permis aux seigneurs de s’accaparer un surplus agricole encore plus considérable facilitant l’industrialisation ? Je simplifie, certes, mais l’on peut résumer ainsi : deux grandes hypothèses prédominent : l’hypothèse technique et technologique et l’hypothèse sociale, d’économie politique d’inspiration marxiste. Le passage d’une accumulation agricole à une accumulation industrielle s’explique-t-il par des modifications des rapports sociaux ou par la « révolution verte » ? Dans les sociétés agraires qui se transforment, cette agriculture fait elleNÐNF M PCKFU E VOF JOEVTUSJBMJTBUJPO $IPTF certaine, les conditions de l’amélioration de la production sont de plus en plus définies par l’industrie à l’amont et à l’aval de la production agricole. Les moyens de production utilisés sont de plus en plus eux-mêmes définis, mis au point, produits et surtout valorisés financièrement par l’industrie. En amont, il s’agit des engrais, de la machinerie, des pesticides et insecticides ; en aval, de la distribution, l’emballage, l’acheminement des produits ; enfin, dans les deux cas, d’un recours sans cesse croissant à des formes d’énergie d’origine essentiellement fossile. Ce processus s’accélère de façon très visible à l’échelle planétaire. Dans les agricultures très avancées – par exemple américaines et


europÊennes –, les conditions de production agricole sont donc de plus en plus dÊfinies par les moyens industriels de production, alors que la mondialisation est de plus en plus un ÊlÊment moteur du conditionnement de l’agriculture. La transition agraire a connu bien des formes d’Êvolution selon les rÊgions du monde. Il s’agit d’un processus qui a dÊbutÊ avec l’histoire de l’humanitÊ et qui s’Êteindra avec elle. Cependant, il y a un moment dans M IJTUPJSF E VOF TPDJ�U� FU KF SFWJFOT Ë MB WJTJPO marxiste, oÚ l’accumulation s’organise de plus en plus dans l’industrie aux dÊpens, voire au dÊtriment de l’agriculture. Dans le cadre du Sud-Est asiatique, en quoi cet appareil conceptuel peut-il nous être utile pour dÊcrypter ce qui s’y passe ?

1.2.2. La transition agraire en Asie du Sud-Est Ă€ compter des annĂŠes 1950, on assiste dans la rĂŠgion Ă la mise en place de la plupart des États nationaux modernes, alors que des changements fondamentaux sont orchestrĂŠs par des dĂŠcisions plus ou moins autoritaires. *M GBVU SBQQFMFS RV BQSĂ’T MB %FVYJĂ’NF (VFSSF mondiale, les agricultures de l’Asie du SudEst ĂŠtaient en piteux ĂŠtat, bien que les administrations coloniales aient favorisĂŠ les investissements dans les agricultures, essentiellement celles tournĂŠes vers l‘exportation, notamment de caoutchouc et de riz. Au cours des annĂŠes d’après-guerre, la situation politique dans la rĂŠgion devient de plus en plus problĂŠmatique : crise grave en IndonĂŠsie dont le gouvernement central doit

composer avec des tendances autonomistes Ă la pĂŠriphĂŠrie, tensions sociales ou ethniques BVY 1IJMJQQJOFT FU FO .BMBJTJF HVFSSFT FO *OEPDIJOF #JSNBOJF RVJ TVCJU M FYPEF EFT minoritĂŠs indiennes, ce qui contribue Ă la dĂŠstabilisation de son ĂŠconomie, etc. Les dirigeants des divers États doivent alors prendre des dĂŠcisions, en particulier au TVKFU EV NPOEF SVSBM FU BHSJDPMF MJFV EFT principales tensions : doit-on procĂŠder Ă des rĂŠformes techniques ou bien Ă des rĂŠformes sociales, favoriser des rĂŠformes agraires QMVUĂ™U RVF EFT SĂ?WPMVUJPOT WFSUFT $PNNFOU FOSBZFS MFT SĂ?WPMVUJPOT QBZTBOOFT 1IJMJQQJOFT Java, Indochine) dans ces campagnes que MFT BVUPSJUĂ?T DPOUSĂ™MBJFOU NBM -FT ²UBUT POU alors mis au point des politiques interventionnistes dans l’agriculture, prenant des mesures qui allaient favoriser une transition agraire pacifique et, progressivement, gĂŠnĂŠrer des surplus tout en rĂŠduisant la pauvretĂŠ dans les campagnes et en accĂŠlĂŠrant l’intĂŠgration des ĂŠconomies nationales au marchĂŠ mondial. 1MVUĂ™U RVF EF USPVWFS EFT TPMVUJPOT politiquement difficiles Ă appliquer Ă des problèmes de rĂŠpartition de la propriĂŠtĂŠ des terres, l’IndonĂŠsie, la Malaysia [5] et les 1IJMJQQJOFT DIPJTJSFOU E FODMFODIFS VOF SĂ?WP lution verte, avec la mise en place de moyens techniques permettant l’amĂŠlioration de la production. Cela reposait sur la croissance des rendements, d’abord dans le domaine vivrier, croissance reposant Ă son tour sur, premièrement, le recours aux variĂŠtĂŠs de riz Ă croissance rapide et, deuxièmement, une utilisation de plus en plus intensive d’engrais, pesticides et insecticides d’origine

[5] Le terme de Malaysia dÊsigne le pays Êtabli de part et d’autre de la mer de Chine mÊridionale (...), l’usage de Malaisie E�TJHOF TB TFVMF QPSUJPO Q�OJOTVMBJSF %F ,POJODL 3 j - "TJF EV 4VE &TU x "SNBOE $PMJO 1BSJT

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industrielle, toutes choses visant Ă accroĂŽtre la double rĂŠcolte annuelle de riz, de loin la première culture vivrière dans la rĂŠgion. Mais une telle intensification ne pouvait s’accomplir sans une amĂŠlioration des rĂŠseaux d’irrigation et de drainage, dont la responsabilitĂŠ allait ĂŞtre de plus en plus confiĂŠe Ă l’État. Car, oĂš que ce soit en Asie du Sud-Est, l’irrigation demeure nĂŠcessaire pour une double rĂŠcolte annuelle.

faible productivitÊ des cultures – permettant d’y contrer la rÊvolution rouge.

MalgrĂŠ des traditions anciennes d’irrigation villageoise et mĂŞme ĂŠtatique – notamment Ă‹ M Ă?QPRVF EF M ÉHF E PS EV SPZBVNF BOH korien – aucune sociĂŠtĂŠ du Sud-Est asiatique ne disposait des infrastructures hydrauliques permettant d’irriguer et drainer durablement les rizières deux fois par annĂŠe. Cette forme d’intensification, appliquĂŠe plus rĂŠcemment EBOT DFSUBJOT QBZT UFM MF 7JĚ?U /BN BMMBJU favoriser le resserrement des liens avec le secteur industriel, fournisseur attitrĂŠ des intrants rendus indispensables. Ainsi, progressivement, bien des campagnes se transforment en plates-formes de production rizicole permanente et non plus saisonnière.

AccompagnĂŠes de vigoureuses campagnes d’expansion du domaine agricole, les politiques d’intensification des cultures ont presque partout permis d’Êviter de modifier les structures agraires. En effet, bien que le Sud-Est asiatique s’industrialise et s’urbanise au moins, sinon plus rapidement que le reste du Tiers Monde, l’agriculture continue Ă s’intensifier et Ă s’Êtendre avec, comme rĂŠsultat, une croissance exceptionnelle de la QSPEVDUJPO 1PVSUBOU BV DPVST EFT BOOĂ?FT 1930 et 1940, la capacitĂŠ de l’Asie du SudEst Ă se nourrir avait ĂŠtĂŠ mise en cause par E Ă?NJOFOUT HĂ?PHSBQIFT UFMT 1JFSSF (PVSPV RenĂŠ Dumont ou encore Charles Robequain. Ce discours a ĂŠtĂŠ repris par bien des auteurs et EFT HPVWFSOFNFOUT BV NPJOT KVTRV BV NJMJFV des annĂŠes 1960. Depuis lors, les agriculteurs de la rĂŠgion ont administrĂŠ la preuve qu’il leur ĂŠtait possible d’accroĂŽtre leur production, non seulement vivrière mais aussi commerciale, plus rapidement que ne croissait la population mĂŞme de la rĂŠgion.

L’on oublie parfois que l’intensification s’applique aussi de plus en plus aux cultures EF SFOUF ÂŽ QBSUJS EFT BOOĂ?FT MFT rendements des hĂŠvĂŠas, puis, notamment, ceux des cafĂŠiers et des palmiers Ă huile se sont mis Ă croĂŽtre rapidement. Ces hausses de rendement parmi les cultures commerciales reprĂŠsentent elles aussi une composante de la rĂŠvolution verte. Rappelons que ce terme, apparemment apolitique, possède en rĂŠalitĂŠ une connotation tout Ă fait politique. Les semences Ă croissance rapide ont ĂŠtĂŠ mises au point pour fournir une rĂŠponse technique aux problèmes de pauvretĂŠ dans les campagnes – problèmes officiellement considĂŠrĂŠs comme attribuables d’abord Ă la

1PVS EFT SBJTPOT HĂ?PQPMJUJRVFT RVJ T BKPVUFOU Ă celles strictement agraires, l’intensification et l’expansion territoriale de l’agriculture ont ĂŠtĂŠ menĂŠes de front, sauf en ThaĂŻlande. Ce constat est fondamental. En Europe tout comme en Asie orientale, le domaine agricole se rĂŠduit considĂŠrablement ; dans le cas de la Chine depuis les annĂŠes 1960. Ici, certes, les cultures ont ĂŠtĂŠ intensifiĂŠes mais, pour de multiples raisons liĂŠes Ă l’expansion urbaine et industrielle tout comme Ă des problèmes environnementaux et de dĂŠtĂŠrioration des terroirs, leur ĂŠtendue est en rĂŠgression. Les terres agricoles se rĂŠduisent ĂŠgalement en Inde et en Afrique, Ă quelques exceptions QSĂ’T $PNNF KF M BJ BĂłSNĂ? EBOT QMVTJFVST

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de mes travaux, les paysanneries de la rĂŠgion ont très souvent ĂŠtĂŠ utilisĂŠes comme j GFS EF MBODF UFSSJUPSJBM EF M ²UBU x 1PVS EF multiples raisons, et notamment pour que M ²UBU QVJTTF NJFVY MFT DPOUSĂ™MFS MFT NBSHFT ont ĂŠtĂŠ conquises par le dĂŠveloppement des fronts pionniers agricoles ; cela a ĂŠtĂŠ le cas BVY 1IJMJQQJOFT BV EĂ?CVU EV TJĂ’DMF EFSOJFS en IndonĂŠsie, surtout depuis les annĂŠes 1950, en Malaysia depuis son indĂŠpendance ou au 7JĚ?U /BN EFQVJT USFOUF DJOR BOT $F SFDPVST Ă l’agriculture comme outil de conquĂŞte territoriale et de rĂŠsolution de problèmes de gestion territoriale a ĂŠtĂŠ pratiquĂŠ dans bien des rĂŠgions du monde, et il n’est pas rare de le voir ĂŠvoquĂŠ dans la littĂŠrature historique. Il apparaĂŽt cependant exceptionnellement frĂŠquent en Asie du Sud-Est. La conquĂŞte des marges y est aussi utilisĂŠe comme outil de dilution des minoritĂŠs ethniques, la redistribution de la population comme outil gĂŠopolitique demeurant très active encore BVKPVSE IVJ

Figure

1

C’est d’abord dans l’agriculture et par l’agriculture que de nombreux pays, notamment M *OEPOĂ?TJF FU MF 7JĚ?U /BN TPOU QBSWFOVT Ă‹ SĂ?EVJSF MF QSPCMĂ’NF EF MB QBVWSFUĂ? HSÉDF Ă l’application de politiques agricoles très interventionnistes. Cependant, depuis au moins une dĂŠcennie, l’expansion agricole rĂŠsulte de plus en plus de la volontĂŠ d’entreprises privĂŠes, de grandes plantations notamment, dans un contexte oĂš les ĂŠcosystèmes terrestres, tout d’abord forestiers, mais aussi et de plus en plus les ĂŠcosystèmes marins, subissent une dĂŠtĂŠrioration et une rĂŠgression rapides. Dans l’ensemble du SudEst asiatique, la production agricole s’accroĂŽt très vite, tout comme la production aquacole – terrestre ou maritime – les captures en mer ne parvenant plus Ă rĂŠpondre Ă la demande. La pression du productivisme s’Êtend de plus en plus Ă l’ensemble des domaines terrestres et maritimes.

Croissance dĂŠmographique et expansion agricole mondiales, 1700-2007

Sources : Chenais, 1991; FAOSTAT, 2009; N.I.E.S, 2009; UNPOP, 2009.

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Rappelons qu’une caractéristique de cette région est que l’extension du domaine agricole a suivi de très près l’intensification de l’agriculture, à un point tel que celle-ci

Figure

2

s’étend plus vite que la population ne croît, contrairement à ce qui se passe ailleurs, notamment en Afrique.

Expansion agricole dans les grandes régions du monde, 1700-1990

Source : N.I.E.S, 2009.

Si l’on compare les expansions agricoles à travers le monde, l’on constate que le rythme

Figure

3

s’est cassé ou renversé, sauf en Asie. En Europe, les terres agricoles perdent du terrain.

Asie du Sud-Est. Croissance démographique et expansion agricole, par grande région, 1700-2007

Sources : FAOSTAT, 2009; N.I.E.S, 2009; Neville, 1999; UNPOP, 2009.

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Sources : FAOSTAT, 2009; N.I.E.S, 2009.


Dans le Sud-Est asiatique, l’expansion agricole est plus rapide que la croissance dÊmographique.

Figure

4

Proportion du territoire consacrÊe à l’agriculture, par pays, 1961-2007

Source : FAOSTAT, 2009.

Dans la rĂŠgion, la ThaĂŻlande est le seul pays oĂš le territoire agricole a cessĂŠ de s’Êtendre. Au Cambodge, la cassure correspond Ă la pĂŠriode du rĂŠgime des Khmers rouges. "V 7JĚ?U /BN M FYQBOTJPO BHSJDPMF B Ă?UĂ? EĂ?DMFODIĂ?F NBTTJWFNFOU BQSĂ’T "VY

Figure

5

1IJMJQQJOFT M VO EFT EFVY QBZT EF MB SĂ?HJPO MFT QMVT EFOTĂ?NFOU QFVQMĂ?T BWFD MF 7JĚ?U /BN l’agriculture s’Êtend, tout comme en Malaysia qui reprĂŠsente le pays le plus industrialisĂŠ, mis Ă part Singapour.

Rendements rizicoles par pays, 1961-2007

Source : FAOSTAT, 2008.

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La croissance de l’agriculture repose aussi sur une augmentation des rendements : les rendements rizicoles, très faibles encore

Figure

6

il y a 20-25 ans, ont pratiquement rattrapé le niveau des pays de l’Asie orientale, tels le Japon, la Corée et Taiwan.

Asie du Sud-Est. Cultures commerciales (caoutchouc, huile de palme, café) versus cultures vivrières (riz et maïs), 1961-2007

Superficie

Superficie proportionnelle

Cultures commerciales Milliers d’ha

Cultures vivrières Cultures commerciales / Cultures vivrières Cultures commerciales / Territoire agricole Cultures vivrières / Territoire agricole

Source : FAOSTATS, 2008.

L’intensification/expansion de l’agriculture a d’abord été appliquée dans l’agriculture vivrière – d’abord pour le riz, mais aussi le maïs, le tapioca, etc. –, puis dans les cultures de rente comme le caoutchouc, l’huile de palme et le café.

Figure

7a

Pêcheries, 1950-2006

Source : FAOSTATS, 2008.

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Depuis une décennie, l’expansion des cultures commerciales est plus rapide que celle des cultures vivrières. La production agricole du Sud-Est asiatique, y compris rizicole, se tourne de plus en plus vers le marché mondial – la 5IBÕMBOEF FU MF 7J̏U /BN ÏUBOU MFT QSFNJFST exportateurs de riz au monde.


Figure

7b

Aquaculture, 1950-2006

Source : FAOSTATS, 2008.

Concernant l’aquaculture et les pêcheries, la production croÎt encore plus vite que la

Figure

8

population. L’aquaculture croÎt plus vite que l’ensemble du secteur.

Proportion de la production de poissons et fruits de mer assurÊe par l’aquaculture, par pays, 1950-2007

Source : FAO Fisheries and Aquaculture, 2008.

La consommation de poisson est vitale dans certains pays de l’Asie du Sud-Est. Le 7JĚ?U /BN DPOOBĂ”U MB DPOTPNNBUJPO per capita la plus ĂŠlevĂŠe, celle-ci ĂŠtant ĂŠgalement très importante dans l’Île indonĂŠsienne de Java

ainsi qu’au Japon. Ce marchÊ est de plus en plus assurÊ par une aquaculture tournÊe vers l’exportation. Les crevettes produites en Asie du Sud-Est sont massivement destinÊes aux NBSDI�T DIJOPJT FU KBQPOBJT

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Tableau

1

Exportations, rangs mondiaux

Source : FAOSTATS, 2008.

Le tableau 1 illustre l’importance des exportations en Asie du Sud-Est et leur omniprÊsence sur le marchÊ mondial. La Thaïlande est le second agro-exportateur des QBZT EJUT EV 4VE BQSÒT MF #S�TJM 3�Q�UPOT le, beaucoup de ces cultures ne sont pas

Figure

9

WJWSJÒSFT 1BS FYFNQMF QBSNJ MFT GBDUFVST EF MB croissance de l’huile de palme il faut compter son utilisation dans l’industrie cosmÊtique et son potentiel pour utilisation dans les agrocarburants, comme le biodiesel.

Croissance dĂŠmographique et urbaine, Asie du Sud Est, 1960-2025

Source : UNPOP (2008).

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La transition agraire ne se rĂŠduit pas aux campagnes, elle rĂŠsulte aussi de la part de plus en plus grande du poids dĂŠmographique

des villes. Les courbes montrent clairement que la population urbaine croĂŽt beaucoup plus rapidement que la population rurale.

1.2.3. Le projet CHATSEA Figure

10

Source : Projet CHATSEA. Construction des auteurs.

La transition agraire concerne un transfert de plus en plus ĂŠvident vers le secteur urbain, dont le poids relatif s’accentue rapidement : au plan des effectifs de population et de la production alors que la part de l’industrie monte en flèche, et surtout de l’emploi. En Malaysia qui est un agro-exportateur incontournable, moins de dix pour cent de la population est employĂŠe dans l’agriculture. Cela n’est pas surprenant quand on compare DFUUF TJUVBUJPO Ă‹ DFMMF EFT ²UBUT 6OJT PV EF

la France – entre un et quatre pour cent de population agricole. Cependant, les pays de l’Asie du Sud-Est sont encore au stade de la transition agraire, l’emprise de l’industrie sur la totalitÊ du secteur agricole Êtant MPJO E �USF BDIFW�F .BJT E�KË BMPST RVF MFT États multiplient les rÊglementations, les multinationales choisissent les marchandises qu’elles veulent Êcouler sur les marchÊs, imposant de plus en plus toutes les conditions de leur production.

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Ce passage d’une sociĂŠtĂŠ oĂš les relations de production, l’accumulation, l’emploi ou les lieux de vie sont d’abord ruraux, vers une sociĂŠtĂŠ oĂš toutes ces composantes deviennent de plus en plus urbaines et industrielles, GBJU M PCKFU E VO HSBOE QSPKFU EF SFDIFSDIFT RVF KF EJSJHF $FMVJ DJ T JOUJUVMF $)"54&" pour Challenges of the Agrarian Transition in Southeast Asia, c’est-Ă -dire, ÂŤ Les dĂŠfis de la transition agraire en Asie du Sud-Est Âť. Ayant dĂŠbutĂŠ en 2005 et devant se terminer officiellement Ă la fin de 2010, il est appuyĂŠ financièrement par le Conseil des recherches en sciences humaines du Canada. Quand, FO JM B Ă?UĂ? NJT BV QPJOU OPUSF PCKFDUJG ĂŠtait de tenter d’analyse et d’interprĂŠter les caractĂŠristiques, les risques et les dĂŠfis de la transition agraire telle qu’elle se dĂŠroule dans le Sud-Est asiatique. L’Êquipe de chercheurs, qui a alors ĂŠtĂŠ rassemblĂŠe, s’est lancĂŠe dans une sĂŠrie d’Êtudes autour de ce que nous avons collectivement identifiĂŠ comme les six processus fondamentaux de la transition agraire : 1) intensification et expansion territoriale de l’agriculture, 2) urbanisation et industrialisation, 3) intĂŠgration croissante de la production Ă l’Êconomie de marchĂŠ, 4) intensification des rĂŠglementations, 5) accroissement de la mobilitĂŠ des populations, 6) transformations environnementales. Notre ĂŠquipe, constituĂŠe principalement de chercheurs et d’Êtudiants prĂŠparant un doctorat ou une maĂŽtrise et provenant d’une dizaine de pays, dont six du Sud-Est asiatique, a choisi d’analyser ces processus, de manière soit spĂŠcialisĂŠe soit transversale, Ă travers quatre ÂŤ fenĂŞtres Âť d’observation : mondialisation, conditions et moyens de subsistance, territorialitĂŠ, institutions et acteurs. /PVT FO EJSPOT QMVT Ă‹ DF TVKFU EBOT MF DBESF

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de la tenue de notre atelier dans le massif EV 5BN ü˽P MFRVFM QPSUFSB KVTUFNFOU TVS MB transition agraire et sa grande complexitÊ dans le Sud-Est asiatique. Je vous remercie.

Échanges‌ StĂŠphane LagrĂŠe Merci Rodolphe pour cette prĂŠsentation. Les stagiaires de cet atelier sont entre de bonnes mains en bĂŠnĂŠficiant des conclusions de plus de cinq annĂŠes de recherche menĂŠes Ă VOF Ă?DIFMMF TJ MBSHF 1BTTPOT NBJOUFOBOU BVY questions. Bernard Formoso 7PVT BWF[ EĂ?DSJU MB USBOTJUJPO BHSBJSF FO Asie du Sud-Est comme une combinaison entre un processus d’expansion agricole et d’intensification. Ă€ mon sens, la ThaĂŻlande fait office de cas limite, et prĂŠfigure les problèmes auxquels seront confrontĂŠs dans quelques dĂŠcennies les autres pays de la rĂŠgion. En effet, ce processus d’expansion territoriale, qui repose sur une extension des terres agricoles sur les terres vierges, n’est pas illimitĂŠ. En ThaĂŻlande, pour des raisons politiques et ĂŠcologiques, il n’est plus possible de gagner des fronts pionniers. L’intensification agricole ne suit pas, il se pose un problème de transition entre l’expansion et l’intensification agricoles. Ceci soulève des problèmes sociaux EPOU PO QSFOE MB NFTVSF BVKPVSE IVJ BWFD la crise politique en ThaĂŻlande, de mai 2010. Comment voyez-vous Ă terme l’Êvolution du processus de transition ?


Rodolphe De Koninck Effectivement, le cas de la ThaĂŻlande est intĂŠressant car il est diffĂŠrent : le pays n’a pas Ă?UĂ? DPMPOJTĂ? O B QBT GBJU M PCKFU EF SĂ?WPMVUJPO verte officielle, les rendements rizicoles y sont longtemps restĂŠs plus faibles que dans la plupart des autres pays du Sud-Est asiatique, sa relative homogĂŠnĂŠitĂŠ culturelle est assez SBSF QPVS MB SĂ?HJPO +F SFKPJOT JDJ WPUSF QPJOU EF WVF NBJT KF TPVMJHOFSBJT EFT TQĂ?DJĂśDJUĂ?T par rapport aux autres pays de la rĂŠgion, qui illustrent les contradictions et les risques de la USBOTJUJPO BHSBJSF #JFO RVF MB 5IBĂ•MBOEF SFQPTF sur une ĂŠconomie largement extravertie, que le secteur industriel y occupe une place grandissante, la part de la population agricole y demeure très ĂŠlevĂŠe par rapport Ă la MalayTJB M *OEPOĂ?TJF PV MFT 1IJMJQQJOFT -F DBT EF MB ThaĂŻlande est extrĂŞme : la transition agraire Z FTU NFOĂ?F UBNCPVS CBUUBOU #BOHLPL FTU un exemple exceptionnel de monocĂŠphalie urbaine, le poids de la bourgeoisie urbaine est consĂŠquent, l’expansion agricole s’est arrĂŞtĂŠe, les terroirs se sont contractĂŠs – notamment EBOT MFT QMBJOFT EV /PSE #SFG MF DBT EF MB ThaĂŻlande est exemplaire de ce que peut ameOFS VOF USBOTJUJPO BHSBJSF EJĂłDJMF Ă‹ DPOUSĂ™MFS Martine Segalen N’êtes-vous pas un peu hĂŠgĂŠmonique en nous dĂŠcrivant ces transformations Ă l’Êgide de la USBOTJUJPO BHSBJSF 7PVT QBSUF[ EFT GPSNFT anciennes de l’agriculture pour arriver Ă un système global. Je suis ĂŠtonnĂŠe de la faible part de l’industrialisation et de l’urbanisation dans votre exposĂŠ. Je ferais en outre une rĂŠfĂŠrence Ă Henri Mendras et son livre ÂŤ La fin des paysans Âť ou leur transformation en industriels de l’agro-alimentaire. Qu’en pensez-vous ?

Concernant les thèses ĂŠlaborĂŠes dans le DBESF EF WPUSF QSPKFU $)"54&" T BHJU JM EF cas d’espèces locaux Ă partir desquels les ĂŠtudiants analysent les effets des politiques publiques ? Christophe Gironde Les activitĂŠs non agricoles ont ĂŠtĂŠ très peu abordĂŠes, alors qu’elles reprĂŠsentent de plus en plus une part fondamentale, que ce soit Ă l’aune du temps de travail, ou en termes de revenus. La pluriactivitĂŠ n’est-elle pas une DBSBDUĂ?SJTUJRVF NBKFVSF EF DFUUF QBZTBOOFSJF en transition ? Yves Perraudeau, UniversitĂŠ de Nantes J’ai ĂŠtĂŠ durant dix annĂŠes au Conseil TDJFOUJĂśRVF EFT QĂ?DIFT Ă‹ #SVYFMMFT FO UBOU RV Ă?DPOPNJTUF +F WPVESBJT KVTUF DPOĂśSNFS vos propos et apporter quelques prĂŠcisions. Concernant la pĂŞche mondiale, nous TPNNFT BVKPVSE IVJ Ă‹ QFV QSĂ’T Ă‹ millions de tonnes, de façon assez stable depuis les annĂŠes 1980. L’Asie pèse lourd, en assurant environ 60 % de cette production et en plaçant neuf pays asiatiques dans les quinze premiers pays producteurs. Cette position est encore plus hĂŠgĂŠmonique en aquaculture : depuis les annĂŠes 1980, on est passĂŠ de 5 Ă 60 millions de tonnes, ce qui montre effectivement que la croissance des produits de mer est issue de l’aquaculture, Ă parts ĂŠgales entre l’aquaculture marine et l’aquaculture continentale. Il y a une position quasi-monopolistique de l’Asie, qui assure 90 % de la production aquacole mondiale, notamment de la Chine qui en produit NJMMJPOT EF UPOOFT &O SFWBODIF KF TVJT plus dubitatif sur votre position concernant

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MF CPO DPOUSĂ™MF EF M BDUJWJUĂ? EF QĂ?DIF EBOT MF NPOEF OPUBNNFOU EBOT M PDĂ?BO 1BDJĂśRVF J’ai une autre remarque : dans ce partage EF MB WBMFVS BKPVUĂ?F RVJ FTU Ă?WJEFNNFOU USĂ’T JNQPSUBOU FU MF SĂ™MF EFT BVUSFT BDUFVST SFMBUJWFNFOU Ă‹ DFUUF WBMFVS BKPVUĂ?F WPVT n’avez pas fait rĂŠfĂŠrence aux physiocrates et Ă François Quesnay sur le partage entre les distributeurs et les agriculteurs. François Roubaud 7PVT BWF[ Ă?WPRVĂ? M FYQBOTJPO FU M JOUFOTJ fication liĂŠes Ă la transition agraire, qu’en estil de l’informalisation ? L’idĂŠe d’aboutir Ă une industrialisation et une urbanisation sur le modèle des sociĂŠtĂŠs dĂŠveloppĂŠes n’est pas ce RV PO PCTFSWF BV 7JĚ?U /BN PV BVY 1IJMJQQJOFT Cette industrialisation et urbanisation en "TJF EV 4VE &TU O FTU FMMF QBT QMVUĂ™U MJĂ?F Ă‹ l’informalisation ? Rodolphe De Koninck Lors de cet exposĂŠ synthĂŠtique, parmi les six processus fondamentaux que nous avions JEFOUJĂśĂ?T K FO BJ FO FòFU QSJWJMĂ?HJĂ? EFVY ici, l’intensification agricole et l’expansion UFSSJUPSJBMF $FMB OF TJHOJĂśF QBT RVF KF TPVT estime l’industrialisation, l’urbanisation ou la pluriactivitĂŠ, dont on pourrait parler tout aussi longuement et que nous ĂŠtudions de GBĂŽPO BQQSPGPOEJF EBOT MF DBESF EV QSPKFU CHATSEA. $PODFSOBOU MB QĂ?DIF FU TPO DPOUSĂ™MF KF WFVY KVTUF TPVMJHOFS RVF MB TJUVBUJPO B CFBVDPVQ ĂŠvoluĂŠ depuis l’Êpoque oĂš les chalutiers DPSĂ?FOT KBQPOBJT FU UBJXBOBJT QSPDĂ?EBJFOU Ă un pillage systĂŠmatique des ressources halieutiques des mers territoriales des pays du 4VE &TU BTJBUJRVF "VKPVSE IVJ MFT JOUSVTJPOT des flottes ĂŠtrangères se font plus rares.

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Concernant les physiocrates qui m’intĂŠressent Ă?HBMFNFOU K BJ FO FòFU QSJWJMĂ?HJĂ? VOF approche marxiste dans cet exposĂŠ. Jean-Pierre Cling 7PVT BWF[ QSĂ?TFOUĂ? MB IBVTTF EFT TVSGBDFT agricoles et des rendements comme une composante très importante de la transition agraire, en dessinant un arbitrage entre rĂŠvolution verte et rĂŠforme agraire, au bĂŠnĂŠfice de la rĂŠvolution verte dans la plupart de ces pays sous l’influence des États6OJT $FQFOEBOU K FTUJNF RV BV 7JĚ?U /BN JM y a eu Ă la fois rĂŠforme agraire et rĂŠvolution verte, ce qui a pu poser quelques problèmes. 1BS FYFNQMF MB SĂ?GPSNF BHSBJSF B QV GSFJOFS MB production agricole avec la diminution des superficies. J’en profite pour faire un commentaire relatif Ă la pĂŞche et Ă l’aquaculture : il est BTTF[ GBTDJOBOU EF WPJS BV 7JĚ?U /BN RV JM Z B eu Ă la fois une expansion vers les marges continentales de l’Ouest, et vers les marges maritimes de l’Est. Rodolphe De Koninck Merci de rappeler ces quelques caractĂŠristiques de la rĂŠforme agraire vietnamienne, qui peuvent aussi partiellement se retrouver au Laos ou au Cambodge Ă l’ère des Khmers rouges. De mĂŞme, en IndonĂŠsie, il y a eu des tentatives de rĂŠforme agraire, essentiellement Ă Java. Comme vous le soulignez, ces rĂŠformes ont retardĂŠ la rĂŠvolution verte, sauf dans le cas tout Ă fait particulier de la rĂŠforme BHSBJSF DBQJUBMJTUF BVY 1IJMJQQJOFT SĂ?GPSNF RVJ E BJMMFVST O FO ĂśOJU QMVTy .BJT BVKPVSE IVJ MFT États, y compris ceux d’Indochine, se tournent vers une ĂŠconomie de marchĂŠ en facilitant la privatisation de l’agriculture et l’accroissement des rendements.


1.3. Transitions sur le marchĂŠ du travail : lectures macro et micro Mireille Razafindrakoto – IRD-DIAL, Jean-Pierre Cling – IRD-DIAL, Christophe Gironde – IHEID, François Roubaud – IRD-DIAL

(Retranscription) 1.3.1. Contexte et objectifs Mireille Razafindrakoto Je voulais tout d’abord vous faire part de mon plaisir Ă participer pour la quatrième annĂŠe Ă ces JournĂŠes. Merci Ă StĂŠphane et Ă Trang, Ă l’AcadĂŠmie des Sciences sociales de nous avoir cette annĂŠe encore invitĂŠs. Nous aborderons ce matin le concept de transition dans une perspective ĂŠconomique et vous prĂŠsenterons deux approches complĂŠmentaires : d’une part la perspective macro de l’Êquipe DIAL en partenariat avec M 0ĂłDF (Ă?OĂ?SBM EFT 4UBUJTUJRVFT EV 7JĚ?U /BN 0(4 DPNQPTĂ?F EF 'SBOĂŽPJT 3PVCBVE +FBO 1JFSSF $MJOH /HVZĚŽO )ĚŁV $IĂ“ FU NPJ mĂŞme ; d’autre part, la perspective micro EF $ISJTUPQIF (JSPOEF TPDJP Ă?DPOPNJTUF Cette double entrĂŠe nous permettra d’Êtablir un parallèle entre nos approches et nos mĂŠthodes. Nous verrons s’il est possible d’instaurer un dialogue et de dĂŠgager des synergies, d’apercevoir les divergences et les convergences de nos analyses respectives. Cette sĂŠance constituera ĂŠgalement une introduction Ă l’atelier ÂŤ Comment la transition ĂŠconomique est-elle vĂŠcue et perçue par la population ? Analyse de la complĂŠmentaritĂŠ

entre approche quantitative et qualitative Âť qui s’enrichira de la prĂŠsence de Christian Culas, socio-anthropologue. Cette prĂŠsentation abordera la transition ĂŠconomique – notamment le passage de l’Êconomie planifiĂŠe Ă l’Êconomie libĂŠralisĂŠe, l’urbanisation liĂŠe Ă la transition urbaine (migration des campagnes vers les villes) et leurs consĂŠquences sur le marchĂŠ du travail (passage de l’agriculture aux activitĂŠs non agricoles). La transition ĂŠconomique au 7JĚ?U /BN TF DBSBDUĂ?SJTF QBS VOF GPSUF DSPJT sance ĂŠconomique et par une rĂŠduction certaine de la pauvretĂŠ. Cependant, parallèlement, nous apercevons une augmentation des inĂŠgalitĂŠs, non seulement entre zone rurale et zone urbaine, mais aussi Ă l’intĂŠrieur mĂŞme de ces zones. Comment cette progression des inĂŠgalitĂŠs se traduitelle en termes d’insertion des diffĂŠrentes catĂŠgories de la population sur le marchĂŠ EV USBWBJM /PUSF PCKFDUJG FTU EF DPNQSFOESF les tendances en cours et de mesurer leurs ĂŠvolutions. Les principales entrĂŠes d’analyse ont ĂŠtĂŠ les suivantes : - l’impact de la croissance ĂŠconomique et de l’urbanisation en termes de reconversion et diversifications des sources de revenu ;

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- les dynamiques spĂŠcifiques des diffĂŠrents types de milieux, urbain, rural, etc. ; - l’influence de la proximitĂŠ des grands centres urbains ; MF SĂ™MF FU MB QMBDF EV TFDUFVS JOGPSNFM - les caractĂŠristiques du secteur informel en termes de conditions de travail et son articulation avec le reste de l’Êconomie. 1PVS BCPSEFS DFT UIĂ?NBUJRVFT EFVY BQQSP ches mĂŠthodologiques ont ĂŠtĂŠ adoptĂŠes. Tout d’abord, nous avons retenu une perspective macro visant Ă ĂŠtudier l’Êvolution dans le temps de quatre types de milieux : - les communes urbaines des deux grandes WJMMFT )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF - les zones pĂŠriurbaines autour de HĂ Náť™i et )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF - les communes urbaines autres que HĂ Náť™i FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF - les communes rurales. $ISJTUPQIF (JSPOEF QSĂ?TFOUFSB FOTVJUF une ĂŠtude menĂŠe dans deux districts de la QSPWJODF EF )Ë?OH :Ă?O EFT EJTUSJDUT SVSBVY qui prĂŠsentent toutefois des similaritĂŠs avec les zones pĂŠriurbaines. La focale est cette fois plus micro et de type socio-ĂŠconomique. Ces distinctions de zones soulèvent des interrogations, notamment quant Ă la pertinence de la dĂŠfinition de l’urbain et EV SVSBM BV 7JĚ?U /BN /PVT BWPOT UPVUFGPJT choisi d’adopter la dĂŠfinition administrative (officielle) des communes urbaines et rurales. Cette dĂŠfinition peut-ĂŞtre remise en cause, et peut parfois ne pas correspondre aux rĂŠalitĂŠs du terrain. Mais notre dĂŠmarche ĂŠtait de partir de cette dĂŠfinition pour analyser dans chaque zone les phĂŠnomènes observables, et leurs spĂŠcificitĂŠs en termes de dynamiques sur le marchĂŠ du travail. Trois critères sont retenus afin de circonscrire une commune urbaine :

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- une population active ayant une activitĂŠ non-agricole supĂŠrieure Ă 65 % ; - une population totale supĂŠrieure Ă 4 000 habitants ; - une densitĂŠ dĂŠmographique supĂŠrieure Ă 2 000 habitants/km². Avec l’enquĂŞte menĂŠe au niveau national et M Ă?UVEF NJDSP EBOT MFT EJTUSJDUT EF ,IPĂˆJ $IÉV FU EF 7ÇŠO (JBOH OPVT WPVT QSĂ?TFOUFSPOT plusieurs photographies, Ă diffĂŠrentes ĂŠchelles, selon diffĂŠrentes analyses, et nous vous montrerons leur complĂŠmentaritĂŠ. Il est nĂŠcessaire de situer le local par rapport au global pour analyser les dynamiques au niveau national et les opportunitĂŠs qui s’offrent Ă la population quand elle se dĂŠplace. De mĂŞme, Ă partir d’observations Ă l’Êchelle macro ou globale, il est utile d’avoir un ĂŠclairage plus prĂŠcis pour dĂŠvoiler les mĂŠcanismes des rĂŠgions, les spĂŠcificitĂŠs des provinces, les logiques Ă l’intĂŠrieur des communes, des mĂŠnages, etc. Je vous prĂŠsenterai dans un premier temps les principaux faits marquants qui caractĂŠrisent les restructurations en cours sur le marchĂŠ du travail, et plus particulièrement le poids du secteur informel. Cette lecture macro sera suivie d’une lecture intermĂŠdiaire avec une comparaison des caractĂŠristiques du secteur informel en zone urbaine et pĂŠriurbaine. Nous nous pencherons sur les diffĂŠrents types d’activitĂŠs du secteur informel, les conditions de travail, son intĂŠgration Ă l’Êconomie formelle et ses perspectives d’Êvolution. Christophe proposera ensuite une lecture micro, en ĂŠvoquant la transition agraire et le dĂŠveloppement des activitĂŠs non-agricoles. Nous ne nous sommes pas nĂŠcessairement posĂŠ les mĂŞmes questions initiales, mais nous partageons finalement de nombreuses thĂŠmatiques et problĂŠmatiques communes.


Notre collègue a pris comme point de départ la transition agraire, alors que nous avons choisi les phénomènes d’urbanisation. In fine, nous retrouvons l’importance des microunités informelles.

1.3.2. Urbanisation et dynamique récente sur le marché du travail Principaux faits marquants concernant le marché du travail 1998-2006 Quatre principaux faits marquants doivent être distingués : - la part du secteur agricole recule en termes d’emploi ; - ce secteur recule au profit du secteur privé non-agricole ; - la part des entreprises individuelles nonagricoles augmente ; - le taux de salarisation s’accroît.

Figure

11

Évolution de la part de l’emploi par secteur au Việt Nam

EI : entreprises individuelles Sources : VLSS 1998, VHLSS 2002, 2004 et 2006 ; calculs des auteurs.

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Restructuration sur le marchĂŠ du travail Nous nous concentrerons plus particulièrement sur les trois derniers groupes d’entreprises individuelles, aussi bien l’autoemploi informel, l’auto-emploi formel, et les personnes salariĂŠes de ces entreprises. Le premier constat est le recul de l’emploi agricole et la stabilitĂŠ du secteur public. Il y a une montĂŠe progressive du secteur privĂŠ non-agricole, qui regroupe toutes les entreprises privĂŠes et les entreprises individuelles. En termes d’auto-emploi, nous n’observons pas particulièrement d’Êvolution Ă l’Êchelle nationale. En revanche, une montĂŠe nette du taux de salarisation au niveau des entreprises individuelles, et donc des salariĂŠs

Figure

de micro-unitĂŠs est perceptible. Le secteur privĂŠ domestique (Ă capital national) gagne ĂŠgalement en importance. Que se passe-t-il plus prĂŠcisĂŠment dans les communes urbaines de HĂ Náť™i et Háť“ ChĂ­ .JOI 7JMMF - l’agriculture reprĂŠsente une partie presque nĂŠgligeable de l’emploi ; - la part du secteur public dans l’ensemble de l’emploi stagne ; - les entreprises ĂŠtrangères ont tendance Ă augmenter ; - les entreprises privĂŠes domestiques montent fortement et la part des trois groupes d’entreprises individuelles reste stable.

12 Évolution de la part de l’emploi par secteur

EI : entreprises individuelles Sources : VLSS 1998, VHLSS 2002, 2004 et 2006 ; calculs des auteurs.

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1PVS MFT BVUSFT [POFT VSCBJOFT FO FYDMVBOU )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF

- le poids des entreprises individuelles (autoemploi ou salariat) stagne.

- le poids de l’agriculture reste assez important ; - le poids du secteur public ne connaĂŽt pas rĂŠellement d’Êvolution notable ; - les poids des entreprises privĂŠes ĂŠtrangères et domestiques augmentent moins nettement que dans les deux mĂŠtropoles ;

Ainsi, la part de l’auto-emploi informel est DPOTJE�SBCMF o BVUPVS EF 4J M PO BKPVUF l’ensemble des personnes qui travaillent dans ces micro-unitÊs de production non-agricoles, la proportion est de 50 % comme à Hà N᝙i et )̕ $IÓ .JOI 7JMMF

Figure

13

Évolution de la part de l’emploi par secteur

EI : entreprises individuelles Sources : VLSS 1998, VHLSS 2002, 2004 et 2006 ; calculs des auteurs.

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En milieu rural, outre la stabilitĂŠ habituelle du secteur public, on note :

reste non plus, et passent de 25 % en 1998 Ă presque 50 % en 2006.

- un recul de l’emploi agricole ; - une augmentation très significative des personnes qui travaillent dans les entreprises privĂŠes domestiques ; - et surtout une forte montĂŠe du salariat dans les entreprises individuelles.

-FT [POFT QĂ?SJVSCBJOFT TFSBJFOU FMMFT M PCKFU d’un passage et d’une transformation qui s’opère, telle qu’une transition du rural vers l’urbain ? La structuration du marchĂŠ du USBWBJM TVS )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF SFTUFSB t-elle stable ou continuera-t-elle Ă ĂŠvoluer ?

Concernant les zones pÊriurbaines, nous sommes face à une dynamique particulièrement prononcÊe, avec des transformations très rapides dans le secteur agricole, et une augmentation des entreprises Êtrangères et des entreprises privÊes domestiques. Les micro-unitÊs individuelles ne sont pas en

Au niveau Êconomique et politique, peu d’importance est accordÊe aux petites unitÊs individuelles, pour la plupart informelles, quand on Êvoque l’industrialisation, alors qu’elles reprÊsentent environs 30-40 % du marchÊ du travail à Hà N᝙i et Hᝓ Chí Minh 7JMMF

Tableau

2

Taux de pluriactivitÊ - Actifs combinant une activitÊ agricole avec un autre type d’activitÊ

* HN : Hà N᝙i ; HCMC : Hᝓ Chí Minh Ville Sources : VLSS 1998, VHLSS 2002, 2004 et 2006; calculs des auteurs.

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EF OPNCSF E FNQMPJT DSPJTTBODF EF L’informalisation accompagne l’urbanisation. Ces calculs ont ÊtÊ effectuÊs à partir de l’enquête  Viᝇt Nam Household Living Standard Survey , dont le but premier n’Êtait pas de quantifier le secteur informel.

Le passage des personnes, qui travaillaient dans le secteur agricole, vers le secteur non-agricole rĂŠsulte-t-il d’une pluriactivitĂŠ, c’est-Ă -dire de la poursuite d’activitĂŠs agricoles accompagnĂŠe d’un dĂŠveloppement d’activitĂŠs non-agricoles ? L’analyse montre souvent un abandon total des activitĂŠs agricoles. En effet, en zones pĂŠriurbaines, le poids des actifs, qui combinent Ă la fois une activitĂŠ agricole et une activitĂŠ non-agricole, diminue très fortement, en un temps très court (de 1998 Ă 2006) – de 33 % Ă 19 %.

&O FU OPVT BWPOT FòFDUVĂ? VOF enquĂŞte plus spĂŠcifique de mesure du secteur informel – ensemble des activitĂŠs qui sont non-agricoles et non enregistrĂŠes – qui B DPOĂśSNĂ? TPO QPJET NBKFVS EBOT UPVUFT MFT [POFT Ă‹ )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF EBOT MFT autres villes, en milieu rural, mais surtout en [POF QĂ?SJVSCBJOF KVTRV Ă‹ EF M FNQMPJ Au niveau national, le secteur informel constitue la première source d’emplois nonagricoles (50 %).

Poids du secteur informel La progression de l’emploi dans le secteur informel est particulièrement importante entre 1998 et 2006, que ce soit en termes de nombre d’entreprise (croissance de 55 %) et

Tableau

3

Le poids du secteur informel

Sources : VLSS 1998, VHLSS 2002, 2004 et 2006 ; calculs des auteurs.

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Tableau

4

Le poids du secteur informel

Sources : LFS 2007, GSO ; calculs des auteurs.

1.3.3. CaractĂŠristiques comparĂŠes du secteur informel en zone urbaine et pĂŠriurbaine. Le cas de HĂ Náť™i et de Háť“ ChĂ­ Minh Ville Quelles sont les caractĂŠristiques du secteur informel en zones urbaines et pĂŠriurbaines ? Existe-t-il des diffĂŠrences notables entre les HSBOEFT WJMMFT EF )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF et les zones pĂŠriurbaines ? Type d’activitĂŠs, conditions de travail et performance On remarque que les activitĂŠs informelles sont gĂŠnĂŠralement composĂŠes d’activitĂŠs de services et de commerces, en particulier en milieu urbain. On note d’autre part une diffĂŠrenciation entre zone urbaine et pĂŠriurbaine : en zone urbaine, le poids des

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services est supÊrieur ; en zone pÊriurbaine, le commerce et l’emploi manufacturier prÊdominent. 1PVSRVPJ T JOU�SFTTF U PO BV TFDUFVS JOGPSNFM Non seulement du fait de son poids, mais aussi parce que cette informalisation peut s’avÊrer problÊmatique, en termes d’insertion, d’inÊgalitÊs, de prÊcaritÊ et de conditions de travail. Il s’agit de micro-unitÊs oÚ l’auto-emploi FTU MB SÒHMF o EFT VOJU�T EF QSPEVDUJPO OF sont constituÊes que d’une seule personne. La plupart des emplois sont sans contrat, il y a une absence gÊnÊrale de protection sociale. Les revenus sont globalement faibles, malgrÊ une certaine hÊtÊrogÊnÊitÊ. Les revenus du secteur informel sont nettement infÊrieurs en zone pÊriurbaine.


Tableau

5

Type d’activités

Source : L’enquête auprès des ménages et les entreprises du secteur informel (HB&ISS), Hà Nội et Hồ Chí Minh Ville (2008), GSO-ISS / IRD-DIAL. UPI Unité de production informelle.

Tableau

6

Principal débouché : la consommation des ménages

Source : L’enquête auprès des ménages et les entreprises du secteur informel (HB&ISS), Hà Nội et Hồ Chí Minh Ville (2008), GSO-ISS / IRD-DIAL.

Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD

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J’ai souligné auparavant l’importance du secteur manufacturier en zone périurbaine. Le secteur informel peut-il suivre la croissance qui s’opère au niveau de l’économie nationale ? Est-il articulé avec cette économie, ou restet-il en marge de la dynamique présente de croissance ? Lorsque nous analysons les débouchés de ces unités informelles de production, on s’aperçoit que ces unités

Tableau

7

s’adressent à la consommation des ménages et non pas aux grandes entreprises. Ici encore, il est pertinent de distinguer zone urbaine et zone périurbaine : dans cette dernière, une grande partie de la production est destinée à d’autres entreprises individuelles. Aussi, c’est au niveau des activités manufacturières qu’il existe généralement une articulation avec d’autres entreprises.

Sous-traitance et travail à façon

Source : L’enquête auprès des ménages et les entreprises du secteur informel (HB&ISS), Hà Nội et Hồ Chí Minh Ville (2008), GSO-ISS / IRD-DIAL.

Intégration des activités au reste de l’économie On retrouve une dynamique connue dans les zones périurbaines avec les villages de métier où il y a une chaîne d’activités et de production, où de petites entreprises fournissent d’autres petites entreprises, qui à leur tour

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fournissent d’autres petites entreprises. In fine, le dernier maillon de la chaîne peut adresser sa production à de grandes entreprises, qui peuvent parfois exporter. Le poids du secteur informel, son articulation avec le reste de l’économie et la sous-traitance prennent ici tout leur sens. Contrairement


aux idĂŠes reçues relatives Ă l’intĂŠgration du secteur informel dans l’Êconomie en Asie, qui profiterait de la croissance du secteur formel par l’intermĂŠdiaire des sous-traitances, le mĂŠcanisme reste extrĂŞmement limitĂŠ, tout particulièrement Ă HĂ Náť™i et Háť“ ChĂ­ Minh 7JMMF

Tableau

8

Il est aussi commun d’entendre que les migrants constituent la masse de l’emploi informel, comme les marchands ambulants. Or, d’après les chiffres, cette interprĂŠtation est erronĂŠe : l’essentiel de l’emploi informel est composĂŠ de non-migrants, de personnes qui rĂŠsident sur place.

Poids des migrants à Hᝓ Chí Minh Ville Poids des migrants dans l’emploi informel (%)

Source : L’enquĂŞte auprès des mĂŠnages et les entreprises du secteur informel (HB&ISS), HĂ Náť™i et Háť“ ChĂ­ Minh Ville (2008), GSO-ISS / IRD-DIAL.

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Perspectives du secteur informel

Tableau

9

Perspectives du secteur informel

Source : L’enquête auprès des ménages et les entreprises du secteur informel (HB&ISS), Hà Nội et Hồ Chí Minh Ville (2008), GSO-ISS / IRD-DIAL.

1PVS öOJS RVFM FTU MF WÏDV FU MF SFTTFOUJ EF l’insertion des personnes qui œuvrent dans le secteur informel ? Nous avons mené ici des entretiens qualitatifs. Ainsi, les questions « souhaiteriez-vous que vos enfants reprennent votre activité ? » et « pensez-vous que votre activité ait un avenir ? » se sont soldées NBKPSJUBJSFNFOU QBS VOF SÏQPOTF OÏHBUJWF ce qui montre bien la précarité de ce secteur, même si le pessimisme est moindre dans les zones périurbaines. Le secteur informel SFQSÏTFOUF CJFO VO TUBUVU KVHÏ FOWJBCMF QBS rapport au paysannat, mais n’est pas perçu comme un horizon acceptable pour une NBKPSJUÏ RVJ TPVIBJUF JOUÏHSFS MF TFDUFVS formel de l’économie, en occupant des emplois de salariés de l’État ou des grandes entreprises, considérées comme un gage de modernité.

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1.3.4. Transition agraire et insertion dans les marchés du travail Christophe Gironde Avant de présenter les transformations de l’insertion dans les marchés du travail des IBCJUBOUT EF MB DPNNVOF EF 5ÉO %ÉO KF voudrais faire quelques remarques sur les catégorisations des zones et des populations. 1SFNJÒSFNFOU MFT SVSBVY RVJ TPOU VOF composante des transitions économique et urbaine qui viennent d’être présentées – appelée dans le cas chinois « population øPUUBOUF x o OF TPOU UPVKPVST QBT SFDFOTÏT en ville. Ces populations sont en effet catégorisées comme rurales, en référence à leur commune d’origine (naissance ou installation après mariage) alors qu’elles passent une partie de leur existence en milieux urbain et


pĂŠriurbain. Il faut noter tout de mĂŞme que l’administration des communes distingue dĂŠsormais une catĂŠgorie de ÂŤ personnes enregistrĂŠes dans la commune mais qui n’y rĂŠsident pas Âť. Il serait toutefois utile de crĂŠer de nouvelles catĂŠgories correspondant aux transformations des systèmes d’activitĂŠs des populations. Deuxième remarque, les critères de catĂŠgorisation pourraient ĂŞtre reconsidĂŠrĂŠs : on peut en effet classer la DPNNVOF EF 5ÉO %ÉO EBOT M j VSCBJO x FV Ă?HBSE Ă‹ TB QPQVMBUJPO o IBCJUBOUT o FU Ă l’importance des activitĂŠs non-agricoles, puisque 66 % des foyers s’y adonnent. $POTJEĂ?SBOU M BDDFTTJCJMJUĂ? EF )Ă‹ /Ě˜J 5ÉO %ÉO QPVSSBJU Ă?USF RVBMJĂśĂ?F EF DPNNVOF QĂ?SJVSCBJOF 1BS DPOUSF TJ M PO TF SĂ?GĂ’SF BVY Ă?WPMVUJPOT EF M FNQMPJ MF DBT EF 5ÉO %ÉO s’apparente davantage aux communes rurales analysĂŠes par Mireille Razafindrakoto. -B DPNNVOF EF 5ÉO %ÉO FTU TJUVĂ?F EBOT MF EJTUSJDU EF ,IPĂˆJ $IÉV EBOT MB QSPWJODF EF )Ë?OH :Ă?O Ă‹ VOF RVBSBOUBJOF EF LJMPNĂ’USFT au sud-est de HĂ Náť™i, soit 40 minutes en vĂŠhicule motorisĂŠ. La commune est très bien reliĂŠe Ă la capitale et aux autres villes du delta par un dense rĂŠseau de voies carrossables toute l’annĂŠe. De mĂŞme, les sept villages de

la commune sont reliĂŠs depuis le milieu des annĂŠes 1990 par des voies cimentĂŠes. Mes recherches ont consistĂŠ pour l’essentiel en des entretiens semi-structurĂŠs auprès des foyers, avec pour fil directeur les ĂŠvolutions de leurs systèmes d’activitĂŠs productives, Ă savoir (1) l’accès aux ressources productives, (2) les systèmes de cultures, d’Êlevages, activitĂŠs non-agricoles, activitĂŠs dans et hors village, (3) les rĂŠsultats productifs et ĂŠconomiques des foyers. Cette ĂŠtude porte sur la pĂŠriode BMMBOU EV NJMJFV EFT BOOĂ?FT KVTRV Ă‹ BVKPVSE IVJ -F QPJOU EF EĂ?QBSU MFT BOOĂ?FT DPSSFTQPOE BV NPNFOU PĂĄ MB totalitĂŠ des foyers s’est vue distribuer des terres et est donc ÂŤ sortie Âť des brigades de production et du système des coopĂŠratives. L’essentiel des recherches a ĂŠtĂŠ effectuĂŠ entre 1996 et 1998, puis en 2009. Ă€ cette EBUF K BJ QPTĂ? MFT NĂ?NFT RVFTUJPOT Ă‹ VO panel de foyers enquĂŞtĂŠs douze annĂŠes auparavant. Outre la question ÂŤ que faitesvous aujourd’hui ? Âť K BJ SFDFOTĂ? MFT BDUJWJUĂ?T productives de leurs enfants avec comme PCKFDUJG E PCTFSWFS TJ MB QPQVMBUJPO EV EFMUB du fleuve Rouge se reproduisait socialement en tant que paysannerie.

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Tableau

10

L’Êchantillon de 2009 : repères dĂŠmographiques

Source : Construction de l’auteur.

&O GPZFST BWBJFOU Ă?UĂ? FORVĂ?UĂ?T EBOT EFVY WJMMBHFT EF 5ÉO %ÉO %Ë?ËŒOH 5SËźDI FU 5IPB #Ă–OI E FOUSF FVY POU GBJU M PCKFU de l’enquĂŞte de 2009 ; Ă ces 35 foyers, il faut BKPVUFS MB SFDFOTJPO EFT BDUJWJUĂ?T EF MFVST FOGBOUT DFSUBJOT EĂ?KĂ‹ Ă?UBCMJT FO UBOU RVF foyers, d’autres non, pour un ĂŠchantillon total de 83 foyers et 153 adultes (> 18 ans) dont ont ĂŠtĂŠ recensĂŠes les activitĂŠs productives. En M ÉHF NPZFO EFT DIFGT EF GPZFS FTU EF BOT M ÉHF NĂ?EJBO EF BOT Je me concentrerai dans cet exposĂŠ sur la seconde pĂŠriode ĂŠtudiĂŠe (1998-2009), mais KF EPJT BVQBSBWBOU SBQQFMFS MFT HSBOEFT transformations relevĂŠes pour la pĂŠriode 1986-1998.

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La première phase de la transition agraire, du milieu des annĂŠes 1980 Ă la fin des annĂŠes 1990 6OF QSFNJĂ’SF QIBTF EF MB USBOTJUJPO BHSBJSF Ă‹ 5ÉO %ÉO FU QPVS TFT IBCJUBOUT FTU NBSRVĂ?F par : – une intensification en travail et en capital (intrants et mĂŠcanisation de certaines opĂŠrations culturales et des transports) des systèmes de production agricole ; – une diversification des systèmes de culture et d’Êlevage par rapport au système de production basĂŠ sur l’association riziculture et ĂŠlevage porcin ; – une augmentation des activitĂŠs non-agricoles dans la commune, activitĂŠs de commerce et services liĂŠes pour l’essentiel aux transformations agricoles : vente d’intrants, première transformation des rĂŠcoltes, vente de biens de consommation courante, commerce des surplus agricoles, services et emploi salariĂŠ dans les secteurs des


transports et de la construction (habitat privĂŠ) ; – une augmentation des activitĂŠs salariĂŠes en dehors de la commune, qui est le fait des foyers les moins nantis. Ă€ la fin des annĂŠes 1990 : – les trois-quarts des foyers de l’Êchantillon combinaient activitĂŠs agricoles et activitĂŠs non-agricoles ; o EFT GPZFST O BWBJFOU FYDMVTJWFNFOU que des activitĂŠs agricoles. Il s’agissait gĂŠnĂŠralement des foyers les mieux ĂŠtablis TPDJBMFNFOU RVJ BWBJFOU EĂ?KĂ‹ FOUBNĂ? une accumulation foncière : rizières en BEKVEJDBUJPO BDRVJTJUJPOT EF QBSDFMMFT EF KBSEJO BVUPVS EF M IBCJUBUJPO FUD 0O

EncadrĂŠ

1

trouvait ĂŠgalement cette catĂŠgorie parmi MFT GPZFST MFT QMVT ÉHĂ?T RVJ WJWBJFOU EF KBSEJOT j DPOGPSUBCMFT x EV QPJOU EF WVF de la superficie et amĂŠnagĂŠs en vergers et autres cultures très rĂŠmunĂŠratrices (piment, plantes d’ornement) ; – 8 % des foyers exerçaient seulement des activitĂŠs non-agricoles : tel ĂŠtait le cas de commerçants grossistes et des plus gros ateliers de services (rĂŠparation et montage de vĂŠhicules) ou de fabrications artisanales (bois et mĂŠtal pour l’habitat). Ces foyers ĂŠtaient en train de constituer des entreprises familiales pouvant compter quelques salariĂŠs rĂŠguliers.

L’importance des activitÊs non-agricoles en 1997

Source : Construction de l’auteur

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Les activitĂŠs non-agricoles reprĂŠsentaient alors un tiers du revenu total des foyers, et plus de 40 % du revenu total pour la moitiĂŠ des foyers. Les activitĂŠs rĂŠalisĂŠes Ă l’extĂŠrieur de la commune de rĂŠsidence reprĂŠsentaient elles 15,6 % du revenu total des foyers, et plus de 40 % chez les migrants temporaires, par exemple les ouvriers qui restaient plusieurs mois sur les chantiers de construction Ă HĂ Náť™i. Hormis les transformations des systèmes d’activitĂŠs productives des foyers, la première phase de la transition agraire se distingue par une intensification des inter-relations villecampagne : – les paysans ÂŤ vont en ville Âť s’approvisionner, vendre, travailler, se former, s’informer, et y rĂŠsident temporairement ; – des acteurs urbains investissent les campagnes, notamment des fournisseurs de produits industriels (intrants agricoles, matĂŠriaux de construction, produits de consommation, etc.), et des acheteurs de QSPEVJUT BHSJDPMFT RVJ WJFOOFOU Ă‹ 5ÉO %ÉO passent des contrats, effectuent des avances en argent ou en produits. La transition agraire Ă la fin des annĂŠes 1990 repose ainsi sur le dĂŠveloppement de la pluri-activitĂŠ (agricole et non-agricole) et de la mobilitĂŠ des ruraux, synonyme de plurilocalitĂŠ pour une partie d’entre eux, mais aussi sur l’ouverture et l’intĂŠgration des ĂŠconomies

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villageoises Ă des espaces, marchĂŠs, rĂŠseaux rĂŠgionaux, nationaux, voire internationaux (commerce avec la Chine essentiellement). La commune connaĂŽt toutefois un progrès agricole limitĂŠ – eu ĂŠgard Ă la diversification des cultures –, en tout cas insuffisant pour satisfaire les besoins ĂŠconomiques et sociaux croissants des populations. Le dĂŠveloppement des activitĂŠs non-agricoles sur place ĂŠtait de mĂŞme bien moindre que ce que l’on trouvait dans les communes voisines EF .JOI $IÉV DPNNFSDF FU TFSWJDFT FU #JOI .JOI USBOTGPSNBUJPO FU DPNNFSDF EF produits agricoles). Aussi, les habitants de 5ÉO %ÉO EFWBJFOU TF SĂ?TPVESF Ă‹ DIFSDIFS du travail en dehors, notamment dans les BUFMJFST EF DĂ?SBNJRVF EF #ĂˆU 5SĂ‹OH Ă‹ VOF quinzaine de kilomètres et sur les chantiers de construction de maisons individuelles dans la capitale. Telles ĂŠtaient les spĂŠcialitĂŠs EFT IBCJUBOUT EF 5ÉO %ÉO La seconde phase de la transition agraire, de la fin des annĂŠes 1990 Ă 2009 Qu’en est-il en 2009 des mĂŞmes foyers, et des activitĂŠs de leurs enfants ? Je me focaliserai QSJODJQBMFNFOU TVS EFVY DBUĂ?HPSJFT E ÉHF MFT BOT FU MFT BOT ÉHF EV DIFG de foyer), qui sont les acteurs principaux de la transition agraire et qui reprĂŠsentent environ 55 % de l’Êchantillon des actifs dont K BJ SFDFOTĂ? M BDUJWJUĂ?


Le recul du secteur agricole

Encadré

2

Les superficies cultivées

Source : Construction de l’auteur.

On constate tout d’abord un recul du secteur agricole en termes de superficie cultivée : celle-ci a diminué d’un cinquième – 2 480 m² FO N¤ FO o FOUSF FU 2009. Ce recul est plus marqué que pendant la période 1986-1998, fait qui s’explique par la

croissance démographique et la conversion de terres agricoles pour la construction d’une zone industrielle (un tiers de la diminution). En revanche, la proportion de foyers qui cultivent des terres a elle aussi diminué.

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Tableau

11

Le ÂŤ recul Âť du secteur agricole : les superficies cultivables

Source : Construction de l’auteur.

&O UPVT MFT GPZFST EJTQPTBJFOU EF UFSSFT cultivables. En 2009, un mÊnage sur deux ne dispose pas de terres cultivables – à M FYDFQUJPO EF MB QBSDFMMF EF KBSEJO BUUFOBOUF Ë l’habitation. Cette tendance est d’autant plus forte chez les moins de 35 ans : – pour la catÊgorie des 26-35 ans, 68 % des foyers ne disposent pas de terres cultivables ; – chez les 18-25 ans, ils sont 85 % qui ne disposent pas de terres cultivables. &O RVBUSF N�OBHFT TVS EJY O POU KBNBJT cultivÊ de terres autres que les cultures d’appoint sur les terres de leurs parents avant qu’ils se constituent en foyer propre. Ils sont QSÒT EF TVS QPVS MB DBU�HPSJF EFT

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26-35 ans et près de 9 sur 10 (86 %) pour les 18-25 ans. On voit donc se dessiner, au moins QSPWJTPJSFNFOU MB ĂśO EFT KFVOFT QBZTBOT Hormis le facteur dĂŠmographique (augmentation de la population et rapport population / terres cultivables), ce phĂŠnomène s’explique par le plafonnement des revenus agricoles de la paysannerie ÂŤ ordinaire Âť, l’Êcart grandissant entre revenus agricoles et non-agricoles et le diffĂŠrentiel d’opportunitĂŠs d’embauche entre les villages et la ville. Le phĂŠnomène est d’autant renforcĂŠ par l’augmentation des besoins ĂŠconomiques et sociaux des populations. ConsĂŠquence des efforts des ruraux Ă la recherche d’emploi, des marchĂŠs du travail o JM FTU QMVT KVTUF Ă‹ NPO TFOT EF QBSMFS de rĂŠseaux d’embauche – se dĂŠveloppent.


L’augmentation et la transformation des activitÊs non-agricoles

Figure

14

L’augmentation des activitÊs non-agricoles 1997-2009

Source : Construction de l’auteur.

&O Ë 5ÉO %ÉO VO BDUJG TVS EFVY FTU occupÊ à plein temps à des activitÊs nonagricoles, proportion qui augmente avec MB j KFVOFTTF x QVJTRVF D FTU MF DBT EFT EFVY tiers des 26-45 ans et des trois quarts des moins de 26 ans. À la diffÊrence de la pÊriode prÊcÊdente, caractÊrisÊe par la pluri-activitÊ des trois-quarts des foyers, la distinction se fait plus nette entre, d’une part, des foyers non-agricoles (s’il subsiste des activitÊs agricoles, celles-ci ne sont plus que rÊsiduelles ou occasionnelles), et d’autre part, des foyers agricoles, ces seconds bÊnÊficiant des superficies laissÊes (par prêts ou locations) par les premiers. Comment Êvoluent les activitÊs non-agricoles ? On constate d’abord une augmentation du

salariat (53 % des actifs recensĂŠs travaillent comme salariĂŠ), par rapport aux activitĂŠs en compte propre, et qui regroupent 46 % des actifs. Les transitions de l’emploi des habiUBOUT EF 5ÉO %ÉO GPVSOJTTFOU VOF JMMVTUSBUJPO de celles que l’on peut observer au niveau national. La part des activitĂŠs de commerce et de services en compte propre recule : l’approvisionnement des commerçants ruraux en boissons, dĂŠtergents, intrants agricoles, etc., est effectuĂŠ de plus en plus par les entreprises industrielles elles-mĂŞmes ; le lavage des motos ne rapporte pas grand chose tant sont nombreuses les ÂŤ stations Âť de lavage ; le commerce ambulant Ă vĂŠlo procure des SFWFOVT BVKPVSE IVJ EĂ?SJTPJSFT $FT BDUJWJUĂ?T caractĂŠristique des annĂŠes qui ont suivi la restauration des exploitations familiales,

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souffrent d’une saturation au niveau de l’offre dans les communes rurales, et de la concurrence des entreprises industrielles. L’Êcart entre les opportunitÊs d’embauche sur place et en dehors des villages s’accroÎt d’autant. Le travail en usine rapporte davantage que bon nombre des activitÊs non-agricoles de

EncadrĂŠ

3

commerce, services, et fabrications artisanales ; les habitants sont unanimes sur ce point. Le phĂŠnomène est particulièrement prononcĂŠ EBOT VOF DPNNVOF DPNNF 5ÉO %ÉO proche des centres urbains et dĂŠsormais Ă VOF RVJO[BJOF EF NJOVUFT Ă‹ WĂ?MP E VO QĂ™MF JOEVTUSJFM :Ă?O .̧

Évolutions des activitÊs non-agricoles 2009/1997

Source : Construction de l’auteur.

1BSNJ MFT BDUJWJUĂ?T TBMBSJĂ?FT PO DPOTUBUF une augmentation de la part de l’emploi industriel, quasi-inexistant pour les habitants EF 5ÉO %ÉO Ă‹ MB ĂśO EFT BOOĂ?FT 1BSNJ MFT BDUJGT SFDFOTĂ?T FO USBWBJMMBJFOU dans l’industrie, 29 % dans la construction, et 44 % dans les services et commerces. Ce sont les femmes principalement qui travaillent comme ouvrières dans des usines de chaussures et de pièces dĂŠtachĂŠes (produits ĂŠlectroniques et moyens de transport). Les QĂ™MFT E FNQMPJT DIBOHFOU BWFD OPUBNNFOU les usines construites Ă compter de la première moitiĂŠ des annĂŠes 2000 le long de MB SPVUF BVUPVS EF M BHHMPNĂ?SBUJPO EF :Ă?O

[ ] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

.̧ FU MFT [POFT JOEVTUSJFMMFT BVUPVS EF )Ă‹ /Ě˜J L’emploi industriel s’est consolidĂŠ, entendons il est devenu plus durable au fil des annĂŠes : en 2006, les femmes expliquaient devoir se rendre chaque matin aux portes des usines EF :Ă?O .̧ QPVS WPJS T JM Z BWBJU EV USBWBJM j DF KPVS x - PòSF EF USBWBJM Ă?UBJU BMPST FSSBUJRVF VOF KPVSOĂ?F QMVTJFVST KPVST SBSFNFOU QMVT de deux ou trois semaines d’affilĂŠe. Les durĂŠes d’embauche correspondaient alors aux contrats reçus par l’entreprise. Le travail n’Êtait parfois payĂŠ qu’après règlement de la livraison des produits par l’entreprise. L’activitĂŠ des entreprises industrielles, et avec elle l’embauche, s’est rĂŠgularisĂŠe ; les ouvrières


Ă?WPRVFOU QMVUĂ™U EĂ?TPSNBJT MFT PQQPSUVOJUĂ?T d’heures supplĂŠmentaires‌ "V 7JĚ?U /BN MFT TQĂ?DJBMJUĂ?T QFVWFOU Ă?WPMVFS SBQJEFNFOU FO MFT IBCJUBOUT EF 5ÉO %ÉO OF USBWBJMMFOU QMVT Ă‹ #ĂˆU 5SĂ‹OH -FT IPNNFT TPOU UPVKPVST OPNCSFVY EBOT MB DPOTUSVDUJPO ils y sont d’ailleurs proportionnellement plus nombreux – quand on prend l’ensemble EFT USBWBJMMFVST IPNNFT 6OF OPVWFMMF spĂŠcialitĂŠ s’est constituĂŠe : la dĂŠcoupe du bĂŠton – souvent indiquĂŠe par ses initiales KCBT – sur les chantiers de construction pour l’ouverture des portes et des fenĂŞtres. Cette activitĂŠ est pratiquĂŠe par un actif (au moins) EBOT EFT GPZFST FORVĂ?UĂ?T FO

EncadrĂŠ

4

- BDUJWJUĂ? ,$#5 TF QSBUJRVF FO DPNQUF QSPQSF – des travailleurs sont recrutĂŠs pour la durĂŠe de chaque chantier –, comme salariĂŠ, ou encore comme apprenti, ce qui constitue le moyen de s’intĂŠgrer aux rĂŠseaux d’embauche et d’apprendre le mĂŠtier – non pas tant le USBWBJM EF EĂ?DPVQF NBJT QMVUĂ™U MB HFTUJPO d’un chantier. Ce mĂŠtier est donc celui des IPNNFT NBJT MFT GFNNFT KPVFOU VO SĂ™MF important puisqu’elles assurent souvent l’intendance des chantiers dirigĂŠs par leur ĂŠpoux, faisant notamment la cuisine pour les USBWBJMMFVST -FT QSPWJODFT EF )Ë˝J 1IĂ›OH FU EF Quảng Ninh sont la destination principale des USBWBJMMFVST PSJHJOBJSFT EF 5ÉO %ÉO

Des activitÊs non-agricoles plus rÊgulières, plus durables

Source : Construction de l’auteur.

-FT USBWBJMMFVST EF 5ÉO %ÉO WPOU EPOD dĂŠsormais plus loin que les communes voisines pour trouver du travail. Ils partent ĂŠgalement plus souvent ÂŤ en famille Âť, FOUFOEPOT BWFD MF DPOKPJOU MFT FOGBOUT parfois la grand-mère qui assurera la garde des

enfants puisque les deux parents travaillent à plein temps. Le travail en usine ou dans la construction à l’extÊrieur n’offre pas la même flexibilitÊ d’organisation que le travail agricole au village.

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Encadré

5

Des migrations plus durables ... l’urbanisation

Source : Construction de l’auteur.

Avec les activités non-agricoles, les migrations évoluent : elles concernent l’ensemble du foyer et non plus seulement un actif, pour des durées plus longues, des destinations plus

Tableau

12

Où vivent-ils ?

Source : Construction de l’auteur.

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lointaines. Cette transformation est à mettre en lien avec l’assouplissement du système de permis de résidence.


En 2009, un adulte sur trois vit principalement FO EFIPST EF 5ÉO %ÉO DPOUSF VO TVS WJOHU FO 1PVS MFT QMVT KFVOFT BDUJGT MFT DBUĂ?HPSJFT 18-25 et 26-35 ans, ce sont deux actifs sur USPJT RVJ WJWBJFOU FO EFIPST EF 5ÉO %ÉO MPST EF M FORVĂ?UF EF 6O BVUSF SFDFOTFNFOU des habitants s’impose pour rendre compte de ce phĂŠnomène. Le contraste est saisissant par rapport Ă la fin des annĂŠes 1990, quand MFT KFVOFT GPZFST TF DPOTUJUVBJFOU QBS EFT activitĂŠs agricoles en compte propre sur des terres distinctes de celles de leurs parents. Enfin, si les migrations s’intensifient (effectifs et durĂŠe), il convient ĂŠgalement de prendre en compte les retours des migrants qui disent ÂŤ prendre leur retraite Âť, après des pĂŠriodes de cinq, dix, quinze annĂŠes passĂŠes en dehors de la commune.

Conclusion Mireille Razafindrakoto Les exposĂŠs ont mis en lumière la richesse des JOGPSNBUJPOT GPVSOJFT HSÉDF Ă‹ MB DPNCJOBJTPO des lectures macro et micro, et les nombreuses convergences qui en ressortent. On constate le dĂŠveloppement des activitĂŠs non-agricoles, une dynamique spĂŠcifique dans les zones proches des grandes villes et une articulation particulière qui se dessine entre ces deux zones. L’entrĂŠe micro montre les opportunitĂŠs qui s’offrent pour les habitants des districts EF ,IPĂˆJ $IÉV FU 7ÇŠO (JBOH BWFD MF dĂŠveloppement du salariat et des zones industrielles. Du cotĂŠ macro, le poids de ces grandes entreprises ou industries reste très limitĂŠ au niveau global. Ă€ terme, les individus EFWSPOU JMT TF EJSJHFS QMVUĂ™U WFST MFT BDUJWJUĂ?T informelles ? Ce phĂŠnomène ne va-t-il pas perdurer malgrĂŠ le dĂŠveloppement des

entreprises formelles ? Dans quelle mesure cette dynamique des zones pĂŠriurbaines vers les zones urbaines et vers les entreprises industrielles va-t-elle pouvoir se poursuivre ? Le poids des migrations doit ĂŞtre soulignĂŠ. Au niveau macro, les migrants ne sont pas nombreux, notamment dans le secteur informel. Ă€ l’Êchelle locale, dans les zones Ă proximitĂŠ des grandes villes, la migration vers ces zones est très importante. On pourrait ĂŞtre tentĂŠ de rapprocher l’informalisation et les migrants qui viennent accroĂŽtre les demandeurs d’emploi. Cependant, on constate au niveau macro que les migrants ne constituent pas la principale composante de la main-d’œuvre du secteur informel, QMVUĂ™U GPSNĂ?F EF OBUJGT "JOTJ MF QIĂ?OPNĂ’OF d’informalisation risque de perdurer car il n’accompagne pas seulement l’urbanisation. -FT NJHSBUJPOT TPOU OĂ?BONPJOT NBKFVSFT aux alentours des grandes villes – notamNFOU )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF *M GBVESBJU approfondir l’articulation des activitĂŠs entre les secteurs et entre les zones. Je vous remercie.

Échanges‌ Rodolphe De Koninck J’ai deux questions suite Ă cet exposĂŠ très intĂŠressant et riche. Quelle est la part des GFNNFT EBOT M FNQMPJ BHSJDPMF 6OF EFT caractĂŠristiques de l’Asie du Sud-Est repose sur une fĂŠminisation du travail agricole. Les femmes continuent-elle d’assurer cette portion en diminution du travail agricole ? 7PVT BWF[ QFV NFOUJPOOĂ? MB RVFTUJPO foncière qui est essentielle dans les rĂŠgions QĂ?SJVSCBJOFT : B U JM TQĂ?DVMBUJPO -F QSJY FU MB

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

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vente des terrains sont-ils liĂŠs Ă la rĂŠgression de la part de l’agriculture et de l’emploi agricole au sein de ces communautĂŠs ? François Roubaud Au niveau national, 50 % de la main-d’œuvre est fĂŠminine, si l’on considère toutes les catĂŠgories d’emploi ; leur part est de 52 % dans l’agriculture. L’essentiel de la croissance de la main-d’œuvre fĂŠminine est assurĂŠ par leur embauche dans les entreprises ĂŠtrangères, bien plus que dans l’agriculture ; deux emplois sur trois dans les entreprises ĂŠtrangères sont tenus par des femmes. Christophe Gironde Je ne parlerai pas de fĂŠminisation du travail agricole ; les situations peuvent ĂŞtre très diffĂŠrentes d’une commune Ă l’autre, selon les spĂŠcialitĂŠs professionnelles. Les femmes sont très prĂŠsentes dans les activitĂŠs non-agricoles, le commerce notamment, la manutention, et y compris sur les chantiers de construction ; MFT Ă?QPVY FòFDUVFOU MF DBT Ă?DIĂ?BOU MFT UÉDIFT BHSJDPMFT -F TBMBSJBU JOEVTUSJFM Ă‹ :Ă?O .̧ QBS FYFNQMF FTU TVSUPVU DPNQPTĂ? EF KFVOFT ouvrières, les ĂŠpoux effectuent de mĂŞme, le DBT Ă?DIĂ?BOU MFT UÉDIFT BHSJDPMFT $FSUBJOFT activitĂŠs commerciales sont souvent le fait des femmes exclusivement : par exemple, dans la DPNNVOF WPJTJOF EF 5ÉO %ÉO Ă‹ .JOI $IÉV les femmes ont dĂŠveloppĂŠ depuis longtemps VO DPNNFSDF USJBOHVMBJSF .JOI $IÉV )Ă‹ /Ě˜J -ËźOH 4ËŒO BDIBU EF QSPEVJUT DIJOPJT La raison est assez triviale et simple : si les IPNNFT BMMBJFOU Ă‹ -ËźOH 4ËŒO JMT EĂ?QFOTFSBJFOU plus d’argent qu’ils n’en rapporteraient ! Concernant le foncier, il y a eu une très forte hausse du prix des terres, notamment des UFSSFT E IBCJUBUJPO FU EFT QBSDFMMFT KPVJTTBOU d’une ouverture sur les principales voies

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de communication favorable aux activitĂŠs commerciales, artisanales ou de service. Le prix des terres agricoles augmente aussi, consĂŠquemment Ă la valeur du produit agricole que l’on peut rĂŠaliser ; la plus forte hausse concerne celles des rizières que l’on peut convertir en vergers. La hausse du prix des terres traduit aussi assurĂŠment des phĂŠnomènes de spĂŠculation, pour des espaces Ă proximitĂŠ ou le long de routes qui seront agrandies, ouvertes, ou Ă proximitĂŠ de futures zones industrielles. Ä?Ă o BĂ­ch HĂ , UniversitĂŠ des sciences sociales et humaines - Háť“ ChĂ­ Minh Ville 1PVSSJF[ WPVT RVBOUJĂśFS MFT BTQFDUT NJHSBtoires ? Le ratio hommes/femmes ? Yves Perraudeau, UniversitĂŠ de Nantes 7PVT BCPSEF[ MF QSPCMĂ’NF EFT SVQUVSFT &O ĂŠconomie et en histoire ĂŠconomique, il y a deux grandes ĂŠcoles : l’une brutale avec la notion de rĂŠvolution, de rĂŠvolution industrielle, on retrouve ici le modèle rostovien ; l’autre QSPQPTF QMVUĂ™U EFT USBOTJUJPOT EFT SVQUVSFT plus douces et progressives, on retrouve les travaux d’Asselin et les phĂŠnomènes de proto-industrialisation avec Mendels ou %PZPO 1FOTF[ WPVT RVF OPVT TPNNFT EBOT un phĂŠnomène de proto-industrialisation qui nous conduirait non pas vers une rĂŠvolution JOEVTUSJFMMF FU VOF SVQUVSF CSVUBMF NBJT QMVUĂ™U vers une rupture douce ? LĂŞ Háť“ Phong Linh, Institut de recherche ĂŠconomique, Háť“ ChĂ­ Minh Ville Il me semble que le poids des travailleurs immigrants dans le secteur informel est faible. Comment avez-vous choisi votre ĂŠchantillonnage ?


Mireille Razafindrakoto Je rĂŠpondrai Ă la question relative aux migrations, qui souligne les limites des diffĂŠrentes approches et la complĂŠmentaritĂŠ d’une lecture macro et micro. Qu’arrivet-on Ă saisir sur les chiffres des enquĂŞtes officielles de l’Office gĂŠnĂŠral des Statistiques EV 7JĚ?U /BN 0(4 $FMB EĂ?QFOESB EF MB dĂŠfinition de l’Êchantillon. Or, quand on FORVĂ?UF Ă‹ )Ă‹ /Ě˜J PV )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF l’Êchantillon est composĂŠ de personnes qui TPOU EĂ?KĂ‹ DPNQUBCJMJTĂ?FT DPNNF SĂ?TJEFOUT EBOT DFT WJMMFT 6O DFSUBJO OPNCSF EF personnes ĂŠchappent Ă l’Êchantillon ; une partie de la main-d’œuvre n’est pas identifiĂŠe comme ĂŠtant sur place. Quel est le poids rĂŠel de cette main-d’œuvre migrante ? LĂ rĂŠside la question. Jean-Pierre Cling Si on se limite Ă la question de l’emploi, la USBOTGPSNBUJPO EF M FNQMPJ BV 7JĚ?U /BN FTU USĂ’T SBQJEF 0O TF USPVWF QMVUĂ™U EBOT MF QSFNJFS TDIĂ?NB EF SVQUVSF 1SFOPOT KVTUF un chiffre : 65 % d’emplois agricoles en 1998, moins de 50 % en 2006. La baisse de l’emploi agricole est très marquĂŠe et elle continue. De mĂŞme, l’emploi industriel augmente d’environ 20 % par an. Ce sont des phĂŠnomènes d’une rapiditĂŠ presque unique au monde, Ă l’exception peut-ĂŞtre de la Chine. François Roubaud Je pense qu’il n’y a aucune ambiguĂŻtĂŠ sur la composante du point de dĂŠpart de la transition agraire, c’est-Ă -dire la chute de M FNQMPJ BHSJDPMF - FOKFV FTTFOUJFM FTU EF comprendre vers quoi mène cette transition. Dans les statistiques agrĂŠgĂŠes prĂŠsentĂŠes hier, nous avons ĂŠvoquĂŠ l’industrialisation, mais laquelle ? On voit ici qu’il s’agit

principalement d’une industrialisation informelle. Les industries formelles comme les grandes usines que vous pouvez voir sur la route de l’aĂŠroport de HĂ Náť™i – Canon ou 1BOBTPOJD QBS FYFNQMF o SFTUFOU NJOPSJ taires. Les entreprises ĂŠtrangères reprĂŠsentent moins de deux millions d’emplois sur un total de près de 50 millions. Alors, ce passage par l’informel est-il transitoire (un sas d’entrĂŠe) ou FTU JM BQQFMĂ? Ă‹ EVSFS 1PVS MB NBKPSJUĂ? EFT QBZT latino-amĂŠricains, par exemple, ou encore un certains nombres de pays ĂŠmergeants d’Asie, comme l’IndonĂŠsie ou la ThaĂŻlande, c’est le second phĂŠnomène qui domine – on parle de trappe pour les pays Ă revenu intermĂŠdiaire. 1PVS MF 7JĚ?U /BN UPVUF MB RVFTUJPO FTU MĂ‹ -F premier dĂŠcrochage de l’agriculture vers quelque chose qui ressemble Ă de l’industrie est assurĂŠ. En revanche, la transition de ces emplois industriels informels vers l’industrie moderne et formelle n’est absolument pas garantie. Ă€ court et moyen termes, il est très clair que ces emplois industriels resteront longtemps informels. Christophe Gironde 6O QFUJU NPU TVS MB QSPUP JOEVTUSJBMJTBUJPO RVF l’on pourrait rechercher dans les entreprises familiales non-agricoles. Ces entreprises ont progressĂŠ, dans une première phase, avec par exemple le dĂŠveloppement d’une menuiserie sur mĂŠtal ou l’amĂŠlioration et l’affinement de MB RVBMJUĂ? EFT QSPEVJUT &O SFWBODIF EĂ?KĂ‹ EBOT les annĂŠes 1990, il y avait quelques entreprises qui produisaient industriellement des sacs plastiques ou des emballages en carton. En KF O BJ QBT DPOTUBUĂ? E Ă?WPMVUJPO OPUPJSF du processus de production : seul le chiffre d’affaires ou le volume d’activitĂŠ a pu ĂŠvoluer. .BMHSĂ? M JNJUBUJPO FU MB DPODVSSFODF KF O BJ pas vu l’Êmergence d’unitĂŠs de taille supĂŠrieure, ni d’accumulation en machines plus

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performantes ou permettant la fabrication de produits diffĂŠrents.

terrain : durĂŠe, nombre et classification des ĂŠchantillons ?

Rodolphe De Koninck

Christophe Gironde

Je voudrais revenir sur la nature de l’industrialisation. Comment la mesure-t-on ? Quel est son processus ? Si l’on prend le cas de la CorĂŠe du Sud, de Taiwan ou du Japon qui ont bĂŠnĂŠficiĂŠ d’une transition agraire très rapide – qui reposait notamment sur une politique ĂŠtatique spĂŠcifique et sur un soutien financier amĂŠricain –, une caractĂŠristique de cette petite industrie est qu’elle s’est largement dĂŠveloppĂŠe en lien avec l’agriculture qui ĂŠtait Ă la fois client et fournisseur. Eston dans la mĂŞme configuration en Asie du Sud-Est ? Cela est possible en Malaisie par exemple. Comment peut-on mesurer cette imbrication ?

J’ai conduit mon enquête pendant trois semaines à l’automne 2009. Mon Êchantillonnage se composait d’une trentaine de foyers, qui appartenaient à mon Êchantillon EF GPZFST EF -B DPOTUSVDUJPO EF l’Êchantillon n’est pas de type  enquête Ë DPVWFSUVSF OBUJPOBMF x JM T BHJU QMVUÙU d’un Êchantillon raisonnÊ. C’est un mode d’Êchantillonnage auquel on peut procÊder quand on passe un temps long dans les DPNNVOFT $PNNF UPVKPVST FO QBSFJM DBT DF sont les autoritÊs qui choisissent les premiers GPZFST FORV�U�Ty 1BS MB TVJUF MB DPOTUSVDUJPO de l’Êchantillon raisonnÊ constitue un vÊritable travail de recherche ; il s’agit d’un processus itÊratif, à la recherche de diffÊrences et de rÊcurrences parmi les foyers retenus.

LĂŞ Xuân Tháť?, UniversitĂŠ de HĂ Náť™i Est-il possible d’Êtendre vos rĂŠsultats Ă l’ensemble du pays ? Quelles sont les donnĂŠes PĂłDJFMMFT QPVS MF 7JĚ?U /BN &OĂśO QPVWF[ vous nous expliquer pourquoi vous avez procĂŠdĂŠ Ă un dĂŠcoupage en quatre zones et non pas deux – urbain et rural ? Nguyáť…n Tháť‹ Thanh An Le secteur informel est une composante NBKFVSF EF M Ă?DPOPNJF BV 7JĚ?U /BN 1PVSUBOU ce domaine demeure nĂŠgligĂŠ par l’État. Dans le cadre de vos travaux, formulez-vous des recommandations en termes de politiques publiques auprès des autoritĂŠs locales et nationales ? LĂŞ Tháť‹ Háť“ng Hải, AcadĂŠmie des Sciences Sociales du Viᝇt Nam 1PVSSJF[ WPVT .POTJFVS (JSPOEF QSĂ?DJTFS MFT modalitĂŠs de rĂŠalisation de vos enquĂŞtes de

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Concernant la saisonnalitĂŠ des activitĂŠs, le fait le plus important est la transition d’un système d’activitĂŠs productives basĂŠ sur le calendrier agricole Ă un système d’activitĂŠs ÂŤ dirigĂŠ Âť par sa composante dĂŠsormais la plus importante, le salariat industriel, qui plus est, rĂŠgulier. Les ouvrières restent Ă l’usine, tout comme les autres actifs non-agricoles qui ne vont pas cesser leur activitĂŠ pour revenir au village repiquer ou rĂŠcolter le riz. La saisonnalitĂŠ des activitĂŠs non-agricoles n’est QMVT VOF DBSBDUĂ?SJTUJRVF NBKFVSF EF M FNQMPJ non-agricole des ruraux. Mireille Razafindrakoto Le secteur informel est ignorĂŠ par les politiques publiques. Il n’Êtait pas identifiĂŠ ni comptabilisĂŠ avant nos enquĂŞtes. Nous sommes maintenant en contact avec des fonctionnaires de diffĂŠrents ministères qui


EĂ?DPVWSFOU BVKPVSE IVJ TPO QPJET 1MVTJFVST questions se posent : comment encourager ce secteur Ă se moderniser et Ă se formaliser sans casser sa dynamique ? Comment peuton amĂŠliorer son articulation avec le reste de l’Êconomie en pleine croissance ? Comment protĂŠger les emplois dans ce secteur aux conditions de travail prĂŠcaire ? Relativement au genre des migrants. Je SBQQFMMF KVTUF RVF MFT FORVĂ?UFT PĂłDJFMMFT OF saisissent pas nĂŠcessairement l’ensemble des migrants Ă cause de la dĂŠfinition mĂŞme de la base de sondage des enquĂŞtes officielles RVJ TPOU GBJUFT BV 7JĚ?U /BN $FQFOEBOU EFT changements ont ĂŠtĂŠ amorcĂŠs il y a peu. 1PVSRVPJ B U PO DIPJTJ VO EĂ?DPVQBHF FO quatre zones : communes urbaines des WJMMFT )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF [POFT pĂŠriurbaines autour de HĂ Náť™i et de Háť“ ChĂ­ .JOI 7JMMF DPNNVOFT VSCBJOFT FU SVSBMFT On s’intĂŠressait au phĂŠnomène d’urbanisation et aux processus de transition ĂŠconomique. Nous avons remarquĂŠ qu’il existait des dynamiques autour des grandes villes, certaines anciennes, comme le phĂŠnomène des villages de mĂŠtier, d’autres plus rĂŠcentes. Ce choix de dĂŠcoupage permet de mettre en lumière des dynamiques très spĂŠcifiques, totalement occultĂŠes par la partition traditionnelle urbain / rural. Il est nĂŠanmoins imparfait – par exemple, il existe du pĂŠriurbain dans les autres grandes villes du pays –, et un travail de rĂŠvision mĂŠthodologique devra ĂŞtre conduit pour que l’on puisse rĂŠpondre de manière plus satisfaisante aux questions abordĂŠes ici.

François Roubaud -FT BVUPSJUĂ?T POU KVTRV JDJ BDDPSEĂ? QFV d’importance au secteur informel. Elles le considèrent comme un ĂŠtat transitoire dans le passage entre une agriculture paysanne prĂŠdominante et une modernisation industrielle. Ă€ l’aune des expĂŠriences historiques de pays plus avancĂŠs dans la transition du monde rural vers l’urbain, cette vision est naĂŻve. Ă€ ce KPVS OPVT BWPOT SFODPOUSĂ? QFV E Ă?DIPT Ă‹ OPT travaux dans la mise en place de politiques spĂŠcialement conçues pour le secteur informel. Il faudra sĂťrement du temps, tant MF TVKFU FTU OFVG EBOT DF QBZT &O BUUFOEBOU on peut penser que les recommandations Ă mettre en Ĺ“uvre ne viendront tout d’abord QBT EF M ²UBU NBJT QMVUĂ™U E 0/( DPNNF Oxfam, qui, plus proches du terrain, ont commencĂŠ Ă montrer un vif intĂŠrĂŞt pour ce secteur.

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) $MJOH +FBO 1JFSSF *3% o %*"- /HVZĚŽO )ĚŁV $IĂ“ /&6 *44 %*"- 3B[BĂśOESBLPUP Mireille (IRD-DIAL) et Roubaud François (IRD-DIAL), Urbanisation et insertion sur le marchĂŠ du travail au Vietnam : Poids et caractĂŠristiques du secteur informel, mars Ă‹ QBSBĂ”USF EBOT M PVWSBHF EV $&'63%4 $FOUSF EF 3FDIFSDIF EFT &UVEFT 6SCBJOFT et du DĂŠveloppement) Les tendances de l’urbanisation et de la pĂŠriurbanisation en Asie du Sud-Est, Ho Chi Minh-ville, 2010

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1.4. Les transformations de la famille en Europe. Quels en sont les traits ? Comment les analyser et les comprendre ? Martine Segalen, universitĂŠ de Paris Ouest-Nanterre

ÂŽ KFUFS VO SFHBSE USĂ’T SBQJEF TVS MFT DIBOHF ments de l’institution familiale, on comprend bien que la ÂŤ thĂŠorie Âť de la transition, si tant est qu’il en existe une, est inopĂŠrante, mais que nous avons affaire Ă un modèle très complexe qui inclut des donnĂŠes ĂŠconomiques, culturelles, religieuses très complexes. Ă€ situation complexes, pluralitĂŠ d’approches pour ĂŠtudier la famille dans ses structures, ses valeurs, dans les diffĂŠrents contextes socio-ĂŠconomiques. Avant d’entrer dans le vif de l’exposĂŠ, il convient aussi de souligner que plus qu’un autre aspect de la sociĂŠtĂŠ, l’institution familiale est le lieu des idĂŠologies : est-ce un microcosme sociĂŠtal ? quels liens entretient-elle avec l’État ? 1PVS DPNNFODFS M FYQPTĂ? USBJUFSB EF M FYDFQ tion europĂŠenne du mariage dans le monde des cultures, puis prĂŠsentera la diversitĂŠ des modes d’organisation des sociĂŠtĂŠs paysannes d’Europe, ensuite s’intĂŠressera au dĂŠveloppement des classes sociales consĂŠcutives Ă l’industrialisation, pour discuter

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enfin des thĂŠories sur la transformation de la famille.

1.4.1. L’exception matrimoniale europĂŠenne dans le monde des cultures Il faut savoir que le mariage en Occident, dans la mesure oĂš des sources permettent de M Ă?UVEJFS Ă‹ QBSUJS EV 97**e siècle, prĂŠsente une configuration très particulière par rapport Ă ce que l’on connaĂŽt dans les sociĂŠtĂŠs hors d’Europe. Le mariage apparaĂŽt comme un puissant rĂŠgulateur dĂŠmographique. Dans une sociĂŠtĂŠ qui ignore les pratiques contraceptives, le nombre de personnes qui entreront dans l’Êtat matrimonial et auront accès Ă MB TFYVBMJUĂ? EPOD Ă‹ MB QSPDSĂ?BUJPO M ÉHF auquel celles-ci entameront leur carrière procrĂŠative, dĂŠterminent, en corrĂŠlation avec les taux de mortalitĂŠ et d’Êmigration, les mouvements dĂŠmographiques. Longtemps les dĂŠmographes ont nĂŠgligĂŠ l’Êtude de la


nuptialitĂŠ car le mariage, en tant que tel, n’influe pas sur le niveau de la population. Mais par ses consĂŠquences, il est un facteur dĂŠterminant de l’Êquilibre des populations. Le mariage dans les populations ancienOFT FVSPQĂ?FOOFT Ă‹ QBSUJS EV 97**e siècle) TF DBSBDUĂ?SJTF QBS TPO ÉHF Ă?MFWĂ? DF RVJ B des consĂŠquences non seulement dĂŠmographiques (limitation de naissances) mais sur toute l’organisation de la sociĂŠtĂŠ, questions de transmission et d’hĂŠritage, et sur la façon dont fonctionnent les couples. Ce fut une dĂŠcouverte pour les dĂŠmographes qui se sont penchĂŠs sur ce problème, car, avant leurs recherches, une des idĂŠes fausses sur la famille Ă?UBJU RVF M PO TF NBSJBJU USĂ’T KFVOF Ă‹ M ÉHF de RomĂŠo et Juliette. Dès que les donnĂŠes permettent de l’Êtablir de façon exacte, Ă partir des actes des registres paroissiaux, EĂ’T MB ĂśO EV 97*e siècle, on constate que M ÉHF NPZFO EBOT MFT DMBTTFT QPQVMBJSFT EFT WJMMFT FU EFT DBNQBHOFT FTU EF BOT pour les garçons et de 25-26 ans pour les filles. Ce mariage tardif apparaĂŽt comme caractĂŠristique de la sociĂŠtĂŠ occidentale, un modèle unique dans l’Êventail des cultures +PIO )BKOBM %BOT MB QMVQBSU EFT sociĂŠtĂŠs du monde non europĂŠennes et KVTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT MF DPVQMF rĂŠunit des adolescents, voire des ĂŠpoux non pubères, car ceux-ci sont pris en charge par la lignĂŠe dans laquelle ils s’inscrivent. Le mariage tardif, par contraste, peut ĂŞtre le signe d’une certaine individualisation des couples qui doivent attendre la mort de leurs parents et leur part d’hĂŠritage pour s’installer. En rĂŠalitĂŠ, comme l’ont montrĂŠ les recherches portant sur les systèmes successoraux, les couples paysans sont tout autant pris en charge par leurs parents que les couples des sociĂŠtĂŠs OPO FVSPQĂ?FOOFT $ FTU QMVUĂ™U MB SBSFUĂ? FO

terres, la limitation des ressources du terroir SVSBM RVJ MJNJUFOU MB OVQUJBMJUĂ? 1PVS QSFVWF PO WFSSB M ÉHF T BCBJTTFS MPSTRVF MFT FNQMPJT JOEVTUSJFMT QFSNFUUSPOU BVY KFVOFT E BDDĂ?EFS Ă un salaire. La consĂŠquence remarquable de ce ÂŤ retard Âť au mariage est le raccourcissement de la pĂŠriode de fĂŠconditĂŠ chez la femme. Au lieu RV FMMF QSPDSĂ?F Ă‹ QBSUJS EF BOT FU KVTRV Ă‹ 45 ans rĂŠvolus, elle ne commencera sa carrière procrĂŠative qu’à partir de 25 ou 26 ans, ce qui rĂŠduit d’au moins trois le nombre possible des enfants, car on sait maintenant que le modèle fĂŠcond ancien n’Êtait pas d’un enfant par an, mais tous les dix-huit ou vingt-quatre mois. Les sociologues ont longtemps dit qu’un tel modèle ĂŠtait fruit de l’industrialisation. Or, cette invention culturelle de l’Occident semble beaucoup plus ancienne. Ă€ partir EV 9**e siècle, avec l’emprise de l’Église chrĂŠtienne, le mariage devient un sacrement, ce qui renforce le poids du couple au dĂŠtriment de l’institution de la lignĂŠe. Cette nouvelle doctrine de la filiation, de l’hĂŠritage, du mariage aboutit Ă dĂŠtacher de leur parentĂŠ les individus, Ă rĂŠduire Ă sa plus simple expression biologique la notion ÂŤ d’hĂŠritier Âť. L’adoption permettait aux lignĂŠes de se pourvoir de descendants, si des couples ĂŠtaient stĂŠriles ou si leurs enfants ĂŠtaient morts, et d’assurer ainsi le culte familial des ancĂŞtres : elle devient interdite ; les communautĂŠs ecclĂŠsiastiques prennent FO DIBSHF MF TBMVU EF M ÉNF EFT EĂ?GVOUT NPSUT sans descendance. L’imposition de l’exogamie entraĂŽne la fluiditĂŠ des hĂŠritages, la dĂŠvolution ÂŤ divergente Âť disperse le patrimoine parmi les diverses branches familiales. $FU ÉHF Ă?MFWĂ? BV NBSJBHF B EPOD EFT consĂŠquences sur cette spĂŠcificitĂŠ ancienne

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occidentale qu’est le dĂŠveloppement de l’individualisation, et le relatif dĂŠtachement du couple de sa parentèle.

1.4.2. Mode de rĂŠsidence et organisation sociale des sociĂŠtĂŠs paysannes d’Europe : diversitĂŠ des organisations familiales Aussi loin que les documents historiques permettent d’aller, et dans le cadre du mouvement de recherches sur les formes et les fonctions de la famille et de la parentĂŠ, plusieurs modèles de familles se distinguent, si l’on s’en tient aux couches populaires, essentiellement paysannes ou artisanales. Ici se croisent plusieurs regards dĂŠmographiques, historiques et ethnologiques. Quelles sont ces configurations rĂŠsidentielles ? Les historiens du Cambridge Group for the study of population and Social Structure, sous la EJSFDUJPO EF 1FUFS -BTMFUU POU QSPQPTĂ? une typologie qui cherche Ă mettre de l’ordre dans l’accumulation des donnĂŠes. Ce classement distingue quatre catĂŠgories : - les groupes domestiques dits ÂŤ sans structure familiale Âť, dont on ne voit pas très bien Ă quoi ils correspondent sinon Ă de vieux amis partageant le mĂŞme foyer. Dans cette catĂŠgorie sont comptĂŠes le plus souvent les personnes seules ; - les groupes domestiques ÂŤ simples Âť qui correspondent au mĂŠnage, Ă la cellule familiale : ils sont composĂŠs soit du père, de la mère et des enfants, soit d’un veuf ou d’une veuve avec ses enfants, Ă l’exclusion de tout autre parent ; - les groupes domestiques ÂŤ ĂŠtendus Âť composĂŠs, en plus des membres du mĂŠnage simple, de parents ascendants,

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descendants ou collatĂŠraux, c’est-Ă -dire du père ou de la mère du chef de foyer ou de sa femme, d’un petit-fils ou d’une petite-fille du chef de foyer ou de sa femme, d’un frère ou d’une sĹ“ur, d’un neveu ou petit-neveu. L’extension correspond Ă une addition Ă un OPZBV DFOUSBM DPOKVHBM E VO QBSFOU QMVT PV moins proche, en quelque sorte satellisĂŠ ; - les groupes domestiques ÂŤ multiples Âť qui font cohabiter plusieurs mĂŠnages apparentĂŠs, d’oĂš leur nom de ÂŤ polynuclĂŠaires Âť. 6O EFT DSJUĂ’SFT EV DMBTTFNFOU TF GPOEF sur l’attribution de la direction du groupe domestique, ce qui introduit parfois des distinctions plus formelles que rĂŠelles. De plus, il faut tenir compte dans les analyses et du cycle de la vie familiale et du family life course. Sans entrer ici dans le dĂŠtail des discussions relatives au cycle de la vie familiale, on peut dire qu’un couple se forme par mariage, a des enfants, peut ĂŞtre amenĂŠ Ă partager BWFD MFT QBSFOUT E VO EFT EFVY DPOKPJOUT VOF exploitation qu’il quittera par la suite, ou au contraire dont il prendra la responsabilitĂŠ en gardant Ă sa charge un vieux père veuf ou une sĹ“ur cĂŠlibataire. Au passage on a reconnu le groupe domestique simple et le groupe domestique complexe, ĂŠlargi ou polynuclĂŠaire. Tout groupe domestique apparaĂŽt ainsi comme un processus, et le saisir par le recensement fige son image dans un type de mĂŠnage qui peut en effet ĂŞtre temporaire. RĂŠintroduire la longue durĂŠe permet de comprendre si les configurations des groupes domestiques sont structurelles PV DPOKPODUVSFMMFT -FT NĂ?OBHFT TPOU JMT UPVKPVST NVMUJQMFT PV UPVKPVST DPOKVHBVY Connaissent-ils une succession typique de phases, et si oui, quel en est le modèle ?


Comment expliquer l’Êcart entre la norme et la moyenne dans la mesure oĂš un modèle dĂŠterminĂŠ a ĂŠtĂŠ reconnu comme tel ? L’introduction d’une dimension dynamique dans l’Êtude des groupes domestiques a EPOD DPOTUJUVĂ? VOF BWBODĂ?F NBKFVSF EBOT leur ĂŠtude, rĂŠvĂŠlant leur extraordinaire plasticitĂŠ. L’analyse de certains moments cruciaux du cycle – par exemple le temps de fission du groupe domestique – permet ainsi de comprendre les relations entre les sexes et entre les gĂŠnĂŠrations. Cependant, les dĂŠfauts du concept de cycle de la vie familiale se sont rĂŠvĂŠlĂŠs graves dans la mesure oĂš ses ĂŠtapes ĂŠtaient calquĂŠes sur celles des familles amĂŠricaines contemporaines, et se rĂŠfĂŠraient aux ĂŠtapes de la parentalitĂŠ – naissance des enfants, veuvage et dissolution familiale – QMVUĂ™U RV BVY USBOTJUJPOT RVF DPOTUJUVF MF EĂ?QBSU EFT KFVOFT BEVMUFT MF NBSJBHF FUD C’est pourquoi sociologues et historiens sociaux, surtout outre-Atlantique ont forgĂŠ le concept de family life course ou ÂŤ cours EF MB WJF GBNJMJBMF x (MFO &MEFS FU 5BNBSB )BSFWFO POU BJOTJ MBODĂ? VOF sĂŠrie de travaux qui ĂŠtudient en parallèle les changements sociaux affectant individus et groupes domestiques dans lesquels ils rĂŠsident. Comment s’effectuent les transitions NBKFVSFT RVF TPOU M FOUSĂ?F Ă‹ M Ă?DPMF TVS MF NBSDIĂ? EV USBWBJM MF NBSJBHF - PCKFU E Ă?UVEF dès lors se dĂŠcentre sur les stratĂŠgies de l’individu Ă l’Êgard et du groupe domestique et des autres lieux de ressources sociales auxquelles il peut avoir accès. L’intĂŠrĂŞt de cet angle d’attaque est de mieux relier le contexte sociohistorique aux changements observĂŠs dans les groupes domestiques. Ainsi, le rythme et la dĂŠfinition des transitions de la vie apparaissent liĂŠs aux contextes historiques et sociaux. Dans les sociĂŠtĂŠs

du passĂŠ, du fait que les vies individuelles ĂŠtaient ĂŠtroitement inscrites dans le collectif familial, nombre de dĂŠcisions, que nous DPOTJEĂ’SFSJPOT BVKPVSE IVJ EF M PSESF EF l’individuel, s’intĂŠgraient dans des stratĂŠgies communes du groupe domestique. De cette typologie, il ressort, pour schĂŠmatiser, trois types de groupes domestiques On les rencontre Ă travers toute l’Europe, en liaison avec les rĂŠgimes de propriĂŠtĂŠ et de mise en valeur des terroirs. Les configurations rĂŠsidentielles sont associĂŠes Ă des types d’hĂŠritage, qui se classent en plusieurs modèles en Europe. Ils sont articulĂŠs de façon complexe au mode de mise en valeur (propriĂŠtĂŠ, fermage, voire servage) (cf #VSHVJĂ’SF et al., 1994). – En Russie, Serbie, Hongrie, en Roumanie, "MCBOJF :PVHPTMBWJF DIF[ MFT 4MBWFT NBJT BVTTJ dans certaines rĂŠgions de l’Italie (mĂŠtairies toscanes par exemple), on rencontrait très frĂŠquemment des configurations de groupes domestiques ĂŠtendus qui, comme dans les communautĂŠs taisibles du Centre de la France, associaient plusieurs gĂŠnĂŠrations et plusieurs couples de frères mariĂŠs, sous la responsabilitĂŠ du père de famille. Chez eux aussi, la propriĂŠtĂŠ, le travail et le repas sont communs. L’idĂŠologie qui les fonde est la continuitĂŠ de la lignĂŠe Ă travers celle de la maison, entitĂŠ Ă la fois physique et symbolique. Ici aussi, l’architecture des demeures est en relation intime avec l’organisation familiale et sociale : maisons doubles, maisons constituĂŠes d’un foyer central entourĂŠ de chambres Ă dormir, maisons longues, un modèle d’habitat qui est connu dans les minoritĂŠs qui vivent au 7JĚ?U /BN DPNNF MFT #BIOBS PV MFT &EF De tous les modèles de famille large d’Europe du Centre et du Sud, la Zadruga yougoslave

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B GBJU M PCKFU EF SFDIFSDIFT QMVT QBSUJDVMJĂ’SFT La communautĂŠ de rĂŠsidence et de repas Ă?UBJU GPOEBNFOUBMF 1PSUBOU VO HFSNF E JOEJWJEVBMJTBUJPO EV DPVQMF DPOKVHBM EF petites constructions annexes Ă la maison principale ĂŠtaient cependant attribuĂŠes BVY KFVOFT DPVQMFT NBJT FMMFT O Ă?UBJFOU QBT chauffĂŠes et on ne pouvait y cuisiner. Les biens ĂŠtaient propriĂŠtĂŠ indivise des hommes, les femmes en ĂŠtant exclues, conformĂŠment au droit coutumier qui pratiquait l’exhĂŠrĂŠdation des filles, qui ne recevaient qu’un pĂŠcule personnel Ă leur mariage, sans pouvoir acquĂŠrir de biens. – La famille-souche ou ÂŤ système Ă maison Âť et système inĂŠgalitaire Elle constitue un type finalement assez rĂŠpandu dans diverses sociĂŠtĂŠs paysannes de l’Hexagone (et ailleurs en Europe). On a d’abord pensĂŠ que c’Êtait une configuration familiale spĂŠcifique au Sud-Ouest, et notamNFOU Ă‹ MB [POF QZSĂ?OĂ?FOOF EFT EFVY DĂ™UĂ?T EF la chaĂŽne de montagnes, puis des exemples en ont ĂŠtĂŠ analysĂŠs dans le Centre Ouest, le SudEst et dans les rĂŠgions alpines ; des cas sont mĂŞme attestĂŠs en Lorraine oĂš les structures TPDJBMFT QPSUBJFOU FODPSF BV 9*9e siècle les traces de la turbulence de l’histoire du DuchĂŠ. La gĂŠographie de la famille-souche s’avère complexe. Si on la trouve plus souvent dans les pays du Nord de la MĂŠditerranĂŠe (Alpes JUBMJFOOFT $BUBMPHOF 1BZT #BTRVF /PSE EV 1PSUVHBM FUD PO OF TBVSBJU UPVUFGPJT FO faire un modèle mĂŠditerranĂŠen ; bien au DPOUSBJSF M FNQIBTF B Ă?UĂ? NJTF KVTRV JDJ TVS la nature nuclĂŠaire du groupe domestique de certaines rĂŠgions espagnoles, italiennes ou portugaises. La famille-souche prĂŠsente trois caractĂŠristiques. D’abord, elle constitue un groupe domestique qui rassemble sous le mĂŞme toit trois gĂŠnĂŠrations, celle du

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père et de la mère, un des enfants mariĂŠs et sa femme, leurs enfants, auxquels peuvent T BEKPJOESF E BVUSFT FOGBOUT SFTUĂ?T DĂ?MJCBUBJSFT et des domestiques. Dans son Organisation de la famille 'SĂ?EĂ?SJD -F 1MBZ EĂ?DSJU VOF famille du Lavedan qui comprend alors dixhuit personnes : un aĂŻeul, le père et la mère, l’hĂŠritier et sa femme, neuf enfants, deux parents cĂŠlibataires et deux domestiques. Second principe : le groupe domestique est ĂŠtroitement identifiĂŠ Ă la maison (appelĂŠe oustal en occitan). Celle-ci est une institution qui englobe, outre la rĂŠsidence-ferme et ses EĂ?QFOEBODFT CÉUJNFOUT FU UFSSFT EFT ESPJUT sur les biens collectifs qui comptent de façon notable dans l’Êquilibre de l’exploitation. C’est Ă chaque oustal que sont attribuĂŠs les droits d’usage sur les eaux, les forĂŞts, les pacages communaux, comme un emplacement particulier au cimetière. De gĂŠnĂŠration en gĂŠnĂŠration, cet ensemble complexe de biens matĂŠriels et immatĂŠriels doit ĂŞtre transmis dans son intĂŠgritĂŠ. Il en va de l’honneur de chacun de ses divers possesseurs de la cĂŠder intacte Ă son hĂŠritier, en maintenant tant la superficie d’exploitation qui y est attachĂŠe que sa rĂŠputation parmi les autres maisons qui composent la communautĂŠ villageoise. Deux consĂŠquences dĂŠcoulent de ce principe : la maison impose Ă tous ses membres sa renommĂŠe et son prestige. Il n’y a pas de position sociale individuelle. Ainsi s’explique l’attribution d’un surnom Ă chacun des membres de la famille-souche qui portent, accolĂŠ Ă leur nom d’Êtat civil, celui de la maison oĂš ils rĂŠsident. Enfin, la maison ne peut ĂŞtre divisĂŠe et un TFVM EFT FOGBOUT TFSB M IĂ?SJUJFS #JFO RVF dans certaines rĂŠgions les filles puissent ĂŞtre hĂŠritières, la règle gĂŠnĂŠrale veut que ce soient


les garçons qui se succèdent de père en fils, type de succession que nous nommerons plus loin filiation patrilinĂŠaire. La rĂŠsidence de l’hĂŠritier est aussi patrilocale puisqu’il lui faut rĂŠsider chez son père. Comme dans la zadruga yougoslave, l’Êpouse de l’hĂŠritier est UPVKPVST VOF Ă?USBOHĂ’SF TPVNJTF Ă‹ M BVUPSJUĂ? de sa belle-mère. Les autres enfants qui ne sont pas hĂŠritiers sont dotĂŠs et par lĂ exclus de l’hĂŠritage : une petite somme d’argent leur fait perdre tout droit sur le patrimoine indivis ; ce sont les cadets qui essayent gĂŠnĂŠralement d’Êpouser une hĂŠritière dans une autre maison et de ÂŤ faire gendre Âť. Les enfants qui restent cĂŠlibataires demeurent dans la maison et abandonnent tacitement leur part Ă l’hĂŠritier. Leur statut est situĂŠ Ă mi-chemin entre celui de serviteur et celui de parent. Ce système dont la cohĂŠrence interne est ĂŠvidente est maintenant dĂŠsignĂŠ, dans la littĂŠrature ethnologique, sous le terme de ÂŤ système Ă maison Âť. Dans ce groupe domestique associant trois, parfois quatre HĂ?OĂ?SBUJPOT D FTU MF QMVT ÉHĂ? EFT QBSFOUT RVJ dĂŠtient l’autoritĂŠ. Cependant, on sait que le EĂ?WFMPQQFNFOU GBNJMJBM O FTU QBT UPVKPVST unilinĂŠaire ; la famille-souche, accrochĂŠe Ă son oustal, perdure parfois tant dans sa forme que dans son idĂŠologie et se renforce mĂŞme des conditions crĂŠĂŠes par la modernitĂŠ et l’insertion dans le monde national et international. – Enfin, on rencontre un type beaucoup QMVT Ă?HBMJUBJSF DPNNF FO #SFUBHOF PV FO Normandie, oĂš tous les enfants hĂŠritent d’une part non de propriĂŠtĂŠ, mais de fermage. Les groupes domestiques sont gĂŠnĂŠralement de forme simple, et ils sont mobiles Ă l’intĂŠrieur d’un certain territoire.

7PJMË MF CJMBO SBQJEF EFT TUSVDUVSFT GBNJMJBMFT en Europe à la veille de la RÊvolution JOEVTUSJFMMF BVRVFM JM GBVU BKPVUFS MFT TZTUÒNFT de filiations nobles, et peu à peu le type de la famille bourgeoise qui, elle aussi, va s’affirmer avec le dÊveloppement industriel.

1.4.3. Le XIXe siècle, crĂŠation des classes sociales avec l’industrialisation $ FTU Ă‹ MB DIBSOJĂ’SF BWFD MF 9*9e siècle FO 'SBODF BOT QMVT UĂ™U FO "OHMFUFSSF qu’intervient la question de la transformation des systèmes familiaux. Que se passe-t-il avec l’arrivĂŠe de l’industrialisation dont une des consĂŠquences est le dĂŠveloppement du salariat ? Il convient d’abord de remarquer que l’industrie n’a pas commencĂŠ avec la rĂŠvolution industrielle. Dans les pays europĂŠens, a longtemps existĂŠ une vieille industrie rurale, dispersĂŠe, situĂŠe près des sources d’Ênergie, des cours d’eau ou des mines. Mi-ouvriers, mi-ruraux, les mĂŠnages appartiennent UPVKPVST Ă‹ MFVS NJMJFV E PSJHJOF JMT GPOU partie de la communautĂŠ locale, participent Ă sa culture traditionnelle. Cette famille ouvrière aux champs n’a pas disparu avec le dĂŠveloppement de la grande industrie dont elle constitue le complĂŠment obligĂŠ. .Ă?NF FO "OHMFUFSSF KVTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT 1840, une large quantitĂŠ de la production industrielle sortait d’ateliers familiaux. Des villes comme Manchester et Liverpool constituaient davantage des carrefours commerciaux fĂŠdĂŠrant un rĂŠseau de villages oĂš dominait la production manufacturière que de grandes villes industrielles. Dans cette ĂŠconomie, tous les membres de la famille Ă?UBJFOU NJT BV USBWBJM 1BS FYFNQMF EBOT MB vallĂŠe de la Meuse, les mĂŠnages multiples

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d’artisans possĂŠdaient chacun une petite forge dans laquelle toute la famille ĂŠtait employĂŠe. Contrairement aux mĂŠnages de paysans pauvres, qui plaçaient souvent leurs enfants en service dans d’autres maisonnĂŠes, Ă‹ VO ÉHF BTTF[ UFOESF MFT FOGBOUT KFVOFT FU adolescents ĂŠtaient maintenus au foyer afin de compenser la faiblesse des salaires. Le maintien de cette ÂŤ grande Âť famille ĂŠtait un moyen de rĂŠpartir la pauvretĂŠ sur un plus grand nombre de personnes. Les familles ouvrières : prolĂŠtarisĂŠes ou rĂŠsistantes ? Lorsque le groupe domestique cesse d’être un groupe de production, devient-il forcĂŠment nuclĂŠaire ? Le schĂŠma ĂŠvolutionniste qui lie industrialisation et ÂŤ nuclĂŠarisation Âť du groupe domestique est mal fondĂŠ. Dans les villages Ă système proto-industriel, oĂš travaillaient Ă domicile des artisans ruraux, dont la production ĂŠtait ĂŠcoulĂŠe sur un marchĂŠ dominĂŠ par une ĂŠconomie capitaliste, les groupes domestiques ĂŠtendus ĂŠtaient nombreux. Dans les villes en voie d’industrialisation, on n’observe pas de nuclĂŠarisation du groupe domestique. ÂŽ 1SFTUPO -BODBTIJSF RVJ T FTU JOEVTUSJBMJTĂ? USĂ’T SBQJEFNFOU BV DPVST EV 9*9e siècle avec le dĂŠveloppement de l’industrie textile, on comptait, au recensement de 1851, 23 % de groupes domestiques ÂŤ ĂŠtendus Âť ou ÂŤ multiples Âť. Ainsi, dans cette ville industrielle, la structure des groupes domestiques ĂŠtait-elle plus complexe que celle des paroisses anglaises deux siècles auparavant. La rĂŠvolution urbaine-industrielle semble avoir ĂŠtĂŠ associĂŠe Ă une augmentation considĂŠrable dans la co-rĂŠsidence entre parents et enfants mariĂŠs. De plus, comme l’explique Michael Anderson dans Household and Family in Past Time VO HSBOE

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OPNCSF EF QFSTPOOFT ÉHĂ?FT IBCJUBJFOU BWFD leurs enfants, en plus fortes proportions RV BVKPVSE IVJ -F EĂ?WFMPQQFNFOU EF DF groupe domestique multiple ou ĂŠtendu se KVTUJĂśF QBS MFT DPOUSBJOUFT Ă?DPOPNJRVFT EV travail industriel : la pĂŠnurie de logements, l’obligation du travail de la mère, les difficultĂŠs EF MB HBSEF EFT FOGBOUT FO CBT ÉHF NPOUSFOU que la cohabitation est plus imposĂŠe que voulue. En l’absence de lois sociales rĂŠellement efficaces en cas de maladie ou de pauvretĂŠ, l’individu n’avait d’autre solution que de se tourner vers les parents les plus proches, en constituant des groupes domestiques ĂŠlargis, au sein desquels fonctionnait une entraide rĂŠciproque. % VO DĂ™UĂ? MFT EFVY EPNBJOFT o WJF JOEVTUSJFMMF et famille – ont semblĂŠ longtemps ĂŠtrangers l’un Ă l’autre, et les auteurs admettaient volontiers la description dramatique d’Edward Thompson (1958), dĂŠcrivant les effets de la rĂŠvolution industrielle : ÂŤ Chaque stade de la spĂŠcialisation et de la diffĂŠrenciation industrielle frappe l’Êconomie familiale, perturbe les relations entre mari et femme, parents et enfants, introduisant une coupure plus accentuĂŠe Ă chaque fois entre ÂŤ travail Âť et ÂŤ vie Âť. Pendant ce temps, la famille ĂŠtait dĂŠchirĂŠe chaque matin par la cloche de l’usine Âť (p. 416). Mais contrairement Ă ce que supposaient les sociologues des annĂŠes 1960, les exemples IJTUPSJRVFT POU NPOUSĂ? MF SĂ™MF EF M JOTUJUVUJPO familiale et de la parentĂŠ dans la mise en place des phĂŠnomènes complexes qu’on dĂŠsigne du nom d’industrialisation, comme la force de rĂŠsistance de cette institution. MĂŞme dans les pires conditions imposĂŠes par les bouleversements ĂŠconomiques et TPDJBVY MFT IPNNFT UFOUFOU EF NFUUSF FO KFV


des stratĂŠgies qui soient conformes Ă leurs intĂŠrĂŞts : celles-ci passent par l’organisation de la parentĂŠ. L’impact du pouvoir familial sur l’organisation industrielle s’est marquĂŠ de multiples façons : FO GBDJMJUBOU M BKVTUFNFOU EF TFT NFNCSFT en leur trouvant emploi, logement, en leur fournissant support moral dans les situations critiques ; en encourageant la rotation du personnel, en contribuant au placement de ses membres et en exerçant un certain DPOUSĂ™MF TVS MB SPVUJOF RVPUJEJFOOF EV USBWBJM La famille attĂŠnue les chocs avec la sociĂŠtĂŠ industrielle en fournissant un cadre d’adaptation. Dans des villes de mono-industrie, dont M BDUJWJUĂ? BQQBSUJFOU BVKPVSE IVJ BV QBTTĂ? la parentĂŠ et l’industrie se soutenaient mutuellement. Les groupes domestiques ouvriers constituaient de vĂŠritables unitĂŠs de production associant le travail de tous MFT NFNCSFT QĂ’SF NĂ’SF FOGBOUT 1FOEBOU VO TJĂ’DMF EF Ă‹ M JOEVTUSJF UFYUJMF de la ville d’Elbeuf a fonctionnĂŠ sur ces bases. Les entreprises favorisaient une grande stabilitĂŠ du personnel, employant plusieurs gĂŠnĂŠrations de familles. En effet on n’entrait que sur la recommandation de quelqu’un de connu comme un bon ouvrier, et rĂŠciproquement, en tant qu’enfant, on ÂŤ apprenait Âť l’usine, le monde du textile au sein de la famille. Si le destin de l’usine et des familles ĂŠtait liĂŠ, c’est que chacun y trouvait son compte : les familles s’assuraient des emplois stables et des embauches faciles, les patrons, des ouvriers dociles et capables, dans le cadre d’une idĂŠologie paternaliste associant amour du travail et esprit de famille. Le salariat a pour sa part renforcĂŠ la capacitĂŠ des individus Ă se libĂŠrer de la tutelle

QBUFSOFMMF DF RVJ FYQMJRVF MB DIVUF EF M ÉHF BV NBSJBHF PCTFSWĂ?F FO &VSPQF BV 9*9e siècle. &O M BCTFODF E FOKFVY QBUSJNPOJBVY MFT KFVOFT QPVWBJFOU TF QBTTFS EF M BDDPSE EF leurs parents. Naissance du modèle de la famille bourgeoise "VY DĂ™UĂ?T EFT GBNJMMFT OPCMFT EBOT MFT CPVSHT PV MFT HSBOEFT WJMMFT MF 9*9e siècle voit s’Êpanouir les familles bourgeoises dont le spectre est large. Quel que soit le niveau de richesse auquel elles se placent, toutes partagent une idĂŠologie qui les unifie au-delĂ de leurs diffĂŠrences statutaires : elles mettent au centre de leurs valeurs l’institution familiale, RV JM T BHJTTF EV DPVQMF DPOKVHBM RV FMMFT TPOU en train d’inventer ou du rĂŠseau de parentĂŠ dans lequel il s’insère. La famille bourgeoise du capitalisme dynamique se dĂŠfinit comme le lieu de l’ordre social dont toute dĂŠviance est bannie. Dans ce creuset se forgent les valeurs nĂŠcessaires Ă l’accomplissement individuel, fruit des vertus morales inculquĂŠes au cours d’un long travail de socialisation. Ainsi la bourgeoisie a fait ĂŠclore au cours d’un siècle un modèle qui ĂśOJSB QBS T BVUP EĂ?USVJSF MF DPVQMF DPOKVHBM sera minĂŠ par la montĂŠe de l’individualisme et divers facteurs sociaux, ĂŠconomiques et culturels. -B CPVSHFPJTJF DBQJUBMJTUF EV 9*9e siècle se CÉUJU TVS MB GBNJMMF FU MFT FOKFVY NBUSJNPOJBVY sont alors de première importance, compte tenu des investissements nĂŠcessaires en capital. Mais, au-delĂ des capitaux, le poids des valeurs familiales de solidaritĂŠ – qui impliquent d’ailleurs des tensions et des crises – s’inscrit dans la logique ĂŠconomique. Cela est d’ailleurs ĂŠtrange dans la mesure oĂš les valeurs familiales ne sont pas des valeurs marchandes et oĂš les relations familiales ne

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sont pas orientĂŠes vers une maximisation des gains. Ainsi, qu’il s’agisse des familles textiles du Nord, de l’Est ou du Centre de la France, on voit s’associer deux patronymes dans la raison sociale de l’entreprise. La bourgeoisie produit une morale familiale très normĂŠe qui s’impose Ă toute la sociĂŠtĂŠ. Ces faits d’ethno-histoire doivent ĂŞtre mis en relation avec les thĂŠories proposĂŠes sur le changement familial, alors que s’Êlabore l’idĂŠe d’une ÂŤ famille traditionnelle Âť, qui n’a RV VOF DFOUBJOF E BOOĂ?FT Ă‹ QFJOF FOUSF FU FU EBOT MFRVFM MFT SĂ™MFT NBTDVMJO FU fĂŠminin sont sĂŠparĂŠs, le couple bĂŠnĂŠficiant du soutien de l’État providence. Dans les BOOĂ?FT T JOWFOUF FO FòFU MF NZUIF de la famille traditionnelle, qui traduit le dĂŠsarroi social face aux mutations profondes de l’institution qui engendre des craintes et voit le dĂŠveloppement d’un discours sur la ÂŤ crise Âť de la famille.

1.4.4. Quelques thĂŠories sur la transformation de la famille La transformation de la famille est souvent qualifiĂŠe de modernisation. Il en existe plusieurs modèles. La modernitĂŠ dĂŠmocratique Tout d’abord la modernitĂŠ dĂŠmocratique telle que la dĂŠfinit Tocqueville qui observe Ă partir EF M FYFNQMF EFT KFVOFT ²UBUT 6OJT MFT FòFUT de l’installation de sociĂŠtĂŠs dĂŠmocratiques sur l’institution familiale. Ce système dĂŠmocratique, caractĂŠrisĂŠ par l’instabilitĂŠ, se marque surtout par l’affaiblissement de l’autoritĂŠ paternelle et patriarcale, sous un double rapport : celui des relations entre les gĂŠnĂŠrations, celui de

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liens occasionnĂŠs par la transmission du patrimoine. La disparition du droit d’aĂŽnesse – telle que l’a rĂŠalisĂŠe le Code civil – rend la sociĂŠtĂŠ plus mobile et ÂŤ chacun peut prĂŠtendre ĂŞtre mis sur le mĂŞme pied que tous les autres dans ses rapports avec la puissance publique. Aucune fatalitĂŠ, aucun dĂŠcret d’ordre supĂŠrieur ne peut plus maintenir Ă tout jamais un individu au sommet ou au bas de l’Êchelle sociale. Aucun lien de dĂŠpendance personnelle ne peut faire ĂŠcran entre cet individu et l’autoritĂŠ politique dont il relève. Ce type de sociĂŠtĂŠ favorise l’individualisme ; chaque destin individuel peut y faire l’objet d’espĂŠrances lĂŠgitimes. Il favorise ĂŠgalement l’Êclosion d’une sensibilitĂŠ ĂŠgalitaire : l’acquis de l’un devient aisĂŠment l’espoir de l’autre Âť ÂŤ Dans les pays aristocratiquement et hiĂŠrarchiquement organisĂŠs, le pouvoir ne s’adresse jamais directement Ă l’ensemble des gouvernĂŠs. Les hommes tenant les uns aux autres, on se borne Ă conduire les premiers. Le reste suit. Ceci s’applique Ă la famille, comme Ă toutes les associations qui ont un chef. Chez les peuples aristocratiques, la sociĂŠtĂŠ ne connaĂŽt, Ă vrai dire, que le père. Elle ne tient les fils que par les mains du père ; elle le gouverne et il les gouverne. Le père n’y a donc pas seulement un droit naturel. On lui donne un droit politique Ă commander. Il est l’auteur et le soutien de la famille ; il en est aussi le magistrat. Dans les dĂŠmocraties, oĂš le bras du gouvernement va chercher chaque homme en particulier au milieu de la foule pour le plier isolĂŠment aux lois communes, il n’est pas besoin de semblable intermĂŠdiaire ; le père n’est, aux yeux de la loi, qu’un citoyen plus âgĂŠ et plus riche que ses fils (‌) Âť. ÂŤ La division des patrimoines – ĂŠcrit Tocqueville (1835) – qu’amène la dĂŠmocratie contribue


peut-ĂŞtre plus que tout le reste Ă changer les rapports du père et des enfants. Quand le père de famille a peu de bien, son fils et lui vivent sans cesse dans le mĂŞme lieu et s’occupent en commun des mĂŞmes travaux. L’habitude et le besoin les rapprochent et les forcent Ă communiquer Ă chaque instant l’un avec l’autre ; il ne peut donc manquer de s’Êtablir entre eux une sorte d’intimitĂŠ familière qui rend l’autoritĂŠ moins absolue et qui s’accommode mal avec les formes extĂŠrieures du respect. Or, chez les peuples dĂŠmocratiques, la classe qui possède ces petites fortunes est prĂŠcisĂŠment celle qui donne la puissance aux idĂŠes et le tour aux mĹ“urs. Elle fait prĂŠdominer partout ses opinions en mĂŞme temps que ses volontĂŠs, et ceux mĂŞmes qui sont les plus enclins Ă rĂŠsister Ă ses commandements finissent par se laisser entraĂŽner par ses exemples. J’ai vu de fougueux ennemis de la dĂŠmocratie qui se faisaient tutoyer par leurs enfants. Ainsi, dans le mĂŞme temps que le pouvoir ĂŠchappe Ă l’aristocratie, on voit disparaĂŽtre ce qu’il y avait d’austère, de conventionnel et de lĂŠgal dans la puissance paternelle, et une sorte d’ÊgalitĂŠ s’Êtablit dans le foyer domestique. Âť Tocqueville observe donc la montĂŠe de l’individualisme et du sentiment de couple, comme celle des sentiments d’affection et de proximitĂŠ, notamment entre pères et fils. Ayant ĂŠtĂŠ ĂŠlevĂŠ dans les règles rigoureuses du respect aristocratique entre père et fils, il est frappĂŠ par la libertĂŠ de ton qui règne entre HĂ?OĂ?SBUJPOT BVY ²UBUT 6OJT Les changements de la structure familiale Second thème de la modernitĂŠ, nous le trouvons notamment chez Durkheim qui va souligner les changements de la structure familiale : ÂŤ La contraction de la famille est corrĂŠlative de ÂŤ l’extension du milieu social Âť, du village Ă la citĂŠ, de la citĂŠ Ă l’État ; elle se manifeste

par ÂŤ l’Êbranlement progressif du communisme familial Âť, les choses possĂŠdĂŠes en commun qui constituaient un ciment familial ĂŠtant peu Ă peu appropriĂŠes individuellement. Non seulement la coercition des liens de parentĂŠ (par exemple dans le choix d’un ĂŠpoux) disparaissait, mais sous la montĂŠe du salariat, les membres des familles ne sont plus assignĂŠs Ă la gestion d’un patrimoine familial Âť. Les liens familiaux modernes ne sont plus fondĂŠs sur la transmission des patrimoines. Ce qui lie les gĂŠnĂŠrations, c’est le sentiment affectif, ĂŠlectif, lequel est beaucoup plus fragile. Avec l’affaiblissement du sentiment de ÂŤ communisme familial Âť, dĂŠfini comme ÂŤ l’identitĂŠ, la fusion de toutes les consciences au sein d’une mĂŞme conscience commune qui les embrasse Âť Q MB GBNJMMF NPEFSOF laisse place aux individualitĂŠs. Comme en contrepoint, ces transformations interviennent sous l’œil de l’État. ÂŤ L’État est devenu un facteur de la vie domestique Âť Q %VSLIFJN PCTFSWF MB NPOUĂ?F des politiques publiques en faveur de l’enfance, les dĂŠbats autour de la protection sociale (retraites, assurance-maladie) ; il est contemporain de la loi qui permet de prononcer la dĂŠchĂŠance de la puissance paternelle. Dans une vision prĂŠmonitoire, il prĂŠvoit la place croissante de l’État dans M FODFJOUF QSJWĂ?F EF MB GBNJMMF DPOKVHBMF La modernitĂŠ du sentiment et la montĂŠe de la vie privĂŠe 1IJMJQQF "SJĂ’T DPOTJEĂ’SF RVF MB GBNJMMF ÂŤ moderne Âť est associĂŠe Ă l’invention de sentiments nouveaux, ceux de l’enfance et de la vie privĂŠe. Jusqu’au 97**e siècle, la GBNJMMF DPOKVHBMF O FYJTUBJU HVĂ’SF FMMF Ă?UBJU TPVT MF DPOUSĂ™MF EF MB DPNNVOBVUĂ? MPDBMF FU du rĂŠseau de parentĂŠ qui sanctionnaient les

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dĂŠviances. Le sentiment de l’enfance ĂŠtait ĂŠgalement inconnu dans la mesure oĂš l’on ne reconnaissait guère les spĂŠcificitĂŠs de ce HSPVQF E ÉHF -B NPSUBMJUĂ? EFT OPVWFBV nĂŠs ĂŠtait considĂŠrĂŠe comme naturelle et le nourrisson qui avait survĂŠcu aux pĂŠrilleux QSFNJFST NPJT FU BOOĂ?FT EF TB KFVOF WJF devenait un petit adulte, vĂŞtu comme les BĂ”OĂ?T BTTPDJĂ? Ă‹ MFVST UÉDIFT EBOT MF DBESF EF M BQQSFOUJTTBHF 4FMPO 1IJMJQQF "SJĂ’T l’enfant sera peu Ă peu sĂŠparĂŠ du monde des adultes et la famille dĂŠveloppera alors son SĂ™MF Ă?EVDBUFVS "V DPVST EF DF QSPDFTTVT FMMF formera un mur entre elle et la sociĂŠtĂŠ, le mur de la vie privĂŠe. La ÂŤ modernitĂŠ Âť de la famille pour Ariès se situe lĂ : au lieu de s’attacher Ă la transmission d’un patrimoine ou d’un nom, MB GBNJMMF TF SFQMJF TVS MB DFMMVMF DPOKVHBMF qui sera le lieu de socialisation de l’enfant. 4FOUJNFOU EF M FOGBODF FU DPOKVHBMJUĂ? WPOU ainsi de pair. Et remarquons que cette montĂŠe du sentiment est liĂŠe Ă la mise en place du DPOUSĂ™MF EFT OBJTTBODFT FU EF MB EJNJOVUJPO volontaire de la taille des familles. L’invention de la famille traditionnelle par la sociologie des annĂŠes 1950 et 1960 Lorsque les sociologues des annĂŠes 1950 et 1960 s’interrogeaient sur la famille, la ÂŤ modernitĂŠ Âť pour eux faisait bloc avec la sociĂŠtĂŠ industrielle, associĂŠe, voire confondue avec l’urbanisation. Ils ont beaucoup maniĂŠ alors l’opposition entre sociĂŠtĂŠ ÂŤ traditionnelle Âť et sociĂŠtĂŠ ÂŤ industrielle Âť et urbaine qui signifiait pour eux un modèle achevĂŠ, dans tous les sens du terme. 4FMPO 5BMDPUU 1BSTPOT MFT QSPDFTTVT d’industrialisation segmentent la famille, d’abord en l’isolant de son rĂŠseau de parentĂŠ, ensuite en rĂŠduisant la taille du HSPVQF EPNFTUJRVF Ă‹ VO NĂ?OBHF DPOKVHBM

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avec un petit nombre d’enfants. Ce groupe n’est plus qu’une unitĂŠ de rĂŠsidence et de consommation ; il a perdu ses fonctions de production, ses fonctions politiques et religieuses ; il partage ses responsabilitĂŠs financières et ĂŠducatives avec d’autres institutions. Ce groupe domestique isolĂŠ de sa parentĂŠ est fondĂŠ sur le mariage associant des partenaires qui se sont choisis librement ; il est orientĂŠ vers des valeurs de SBUJPOBMJUĂ? FU E FĂłDBDJUĂ? MFT SĂ™MFT NBTDVMJOT et fĂŠminins spĂŠcialisĂŠs contribuent au maintien du sous-système familial au sein EV TZTUĂ’NF TPDJBM -F QĂ’SF Z PDDVQF VO SĂ™MF ÂŤ instrumental Âť, assurant le lien avec la sociĂŠtĂŠ et pourvoyeur de biens matĂŠriels ; la GFNNF MF SĂ™MF j FYQSFTTJG x Ă‹ M JOUĂ?SJFVS EF MB famille. Cette thèse ĂŠtait fonctionnaliste dans la mesure oĂš elle affirmait l’adĂŠquation de ce modèle familial avec les caractĂŠristiques ĂŠconomiques de la sociĂŠtĂŠ contemporaine d’alors. La mobilitĂŠ sociale notamment, condition et cause du dĂŠveloppement ĂŠconomique, passait par la rupture des liens EF QBSFOUĂ? 1MVT FODPSF DFUUF UIĂ’TF SFMFWBJU EF MB QTZDIPMPHJF TPDJBMF 4FMPO 1BSTPOT EBOT une sociĂŠtĂŠ d’individus autonomes, la raison d’être de la famille – constituĂŠe comme une TUSVDUVSF EF SĂ™MFT EJòĂ?SFODJĂ?To SĂ?TJEF BWBOU tout dans la socialisation des enfants et la stabilisation de la personne adulte. La modernitĂŠ, ici incarnĂŠe dans la sociĂŠtĂŠ industrielle, aurait bouleversĂŠ la famille ancienne dans sa structure, dans son fonctionnement et dans ses rapports avec la TPDJĂ?UĂ? 5BMDPUU 1BSTPOT DBSBDUĂ?SJTBJU BJOTJ MB famille comme un groupe social organisĂŠ autour d’un ensemble de valeurs opposĂŠes, voire contradictoires avec celles qui structuraient la sociĂŠtĂŠ moderne de l’aprèsguerre. La sociĂŠtĂŠ moderne (industrielle)


ĂŠtait dominĂŠe par l’Êconomie et la rationalitĂŠ. Dans la famille se logeait le traditionnel ; elle appartenait aux formes sociales qui ĂŠtaient des survivances, des archaĂŻsmes, voire des anachronismes dans un monde dominĂŠ par les valeurs de la rationalitĂŠ. Relations de parentĂŠ et relations ĂŠconomiques ĂŠtaient considĂŠrĂŠes comme des principes structurels incompatibles. La mise en place du mode de production industrielle n’avait pu se faire qu’en dĂŠtruisant les structures de parentĂŠ et plus gĂŠnĂŠralement les structures sociales locales. 1PVS 1BSTPOT M JOEVTUSJBMJTBUJPO FYJHFBJU une dissolution des liens avec la parentĂŠ et la rĂŠduction du groupe domestique Ă une forme nuclĂŠaire, comportant un seul membre ĂŠconomiquement actif (l’Êpoux). Et bien entendu, ce nouveau modèle ĂŠtait l’expression du progrès. 6O BVUSF TPDJPMPHVF EF DFUUF QĂ?SJPEF BMMBJU mĂŞme plus loin et prĂŠdisait, dans l’euphorie de l’après-guerre, que ce modèle de ÂŤ famille moderne Âť, fondĂŠ sur le libre choix du DPOKPJOU FU WBMPSJTBOU M BNPVS TF SĂ?QBOESBJU sur le monde au fur et Ă mesure que celuiDJ TF NPEFSOJTFSBJU 8JMMJBN (PPEF prophĂŠtisait la conquĂŞte des sociĂŠtĂŠs en voie EF EĂ?WFMPQQFNFOU QBS MF TZTUĂ’NF DPOKVHBM j NPEFSOF x -FT KFVOFT Ă?UBCMJSBJFOU EFT rĂŠsidences nĂŠolocales, se libĂŠreraient des contraintes familiales en matière de choix du DPOKPJOU MF OPNCSF E FOGBOUT TFSBJU MJNJUĂ? MB SFMBUJPO DPOKVHBMF GPOEĂ?F TVS M BUUJSBODF rĂŠciproque, serait renforcĂŠe. ÂŤ L’idĂŠologie de la famille conjugale est une idĂŠologie radicale, qui dĂŠtruit les anciennes traditions des sociĂŠtĂŠs Âť. Cette thèse n’a pas rĂŠsistĂŠ et son opposition dualiste brutale s’est envolĂŠe avec elle : elle n’a rĂŠsistĂŠ ni aux critiques des historiens, ni Ă la rĂŠalitĂŠ des ĂŠvolutions sociologiques et culturelles.

Pour conclure : la diversitĂŠ des modèles familiaux en Europe en 2010 - &VSPQF FTU BVKPVSE IVJ MF UĂ?NPJO E VOF diversitĂŠ de modèles familiaux. De grandes transformations dĂŠmographiques ont pris place dès 1965, mais les turbulences sociales continuent encore. Les caractĂŠristiques sont les suivantes : - co-existent des couples nuclĂŠaires, des familles monoparentales, des familles recomposĂŠes, le divorce est très rĂŠpandu ; - le mariage recule dans nombre de pays ; la GĂ?DPOEJUĂ? UJFOU FO 'SBODF FO UPVU DBT HSÉDF Ă de vigoureuses politiques publiques de maintien de l’emploi fĂŠminin ; - la boucle est bouclĂŠe en quelque sorte, car MFT GBNJMMFT TF GPOEFOU BVKPVSE IVJ Ă‹ USBWFST la naissance de l’enfant, par des couples QMVT ÉHĂ?T RV JM Z B WJOHU BOT - les relations inter-gĂŠnĂŠrationnelles sont très importantes dans la sociĂŠtĂŠ contemporaine, les grands-parents assurant la garde des petits-enfants pour aider leurs propres enfants, tous deux engagĂŠs sur le marchĂŠ de l’emploi ; - l’Europe offre gĂŠnĂŠralement Ă la famille M BTTJTF EF M ²UBU 1SPWJEFODF De ces changements, la condition de la femme a ĂŠtĂŠ le dĂŠtonateur ; les rapports de domination entre les sexes se sont dĂŠplacĂŠs vers la recherche de l’ÊgalitĂŠ entre les sexes. %F OPVWFMMFT WBMFVST TPOU BVKPVSE IVJ BV fondement de la sociĂŠtĂŠ, les valeurs de la libertĂŠ et de l’individualisme. Certains voient dans ces nouvelles formes familiales la fin de la famille, d’autres une nouvelle modalitĂŠ dans laquelle la force de la ĂśMJBUJPO DPNQFOTF M JOTUBCJMJUĂ? DPOKVHBMF TBOT remettre en cause l’institution. En l’an 2010, ces

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transformations sont assumĂŠes en ce qu’elles sont soutenues par les transformations du ESPJU RVJ GPOU RV BVKPVSE IVJ EBOT MB QMVQBSU des pays d’Europe, les femmes sont les ĂŠgales des hommes et par des politiques publiques qui soutiennent le dĂŠsir des femmes de travailler et d’assumer aussi les charges de maternitĂŠ. 1BS SBQQPSU BV UIĂ’NF EF MB j USBOTJUJPO x JM est ĂŠvident que ce terme ne s’applique pas Ă propos de la famille, car il n’y a ni dĂŠbut ni fin. Il y a famille dès qu’il y a sociĂŠtĂŠ humaine.

Bibliographie "/%&340/ . Family structure in Nineteenth century Lancashire, Cambridge, $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT "3*&4 1I L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien RĂŠgime 1BSJT 1MPO < > e ĂŠd. #63(6*&3& " $ ,-"1*4$) ;6#&3 . 4&("-&/ 'S ;0/"#&/% EJST Histoire de la famille 1BSJT -F -JWSF EF 1PDIF %63,)&*. ² j *OUSPEVDUJPO Ă‹ MB sociologie de la famille Âť, Annales de la FacultĂŠ des Lettres de Bordeaux, [1888], SFQSPEVJU JO %63,)&*. ²NJMF Textes III, 1BSJT .JOVJU &-%&3 ( j 'BNJMZ IJTUPSZ BOE UIF -JGF DPVSTF x JO )"3&7&/ 5BNBSB , FE Transitions : The family and the Life Course in Historical Perspective /FX :PSL "DBEFNJD 1SFTT (00%& 8 World Revolution and Family Patterns /FX :PSL -POEPO 'SFF 1SFTT PG (MFODPF $PMMJFS .BD.JMMBO HAJNAL, J. (1965), ÂŤ European marriage QBUUFSOT JO QFSTQFDUJWF x JO (-"44 % 7 FU

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&7&34-&: % & $ FET Population in History, Chicago, p. 101-143. )"3&7&/ 5 j $ZDMFT $PVSTF BOE Cohorts : Reflections on the Theoretical and Methodological Approaches to the Historical Study of Family Development Âť, Journal of Social History, 12, septembre, Q -"4-&55 1 FU 3 8"-- FET Household and family in past time, Cambridge, $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT -& 1-": ' Les Ouvriers europĂŠens. Études sur les travaux, la vie domestique et la condition morale des populations ouvrières de l’Europe, prĂŠcĂŠdĂŠes d’un exposĂŠ de la mĂŠthode d’observation 1BSJT *NQSJNFSJF JNQĂ?SJBMF 1"340/4 5 j 5IF LJOTIJQ TZTUFN PG DPOUFNQPSBSZ 6OJUFE 4UBUFT x USBEVJU QBS FU EBOT #0633*$"6% 'SBOĂŽPJT ÉlĂŠments pour une sociologie de l’action 1BSJT 1MPO 4&("-&/ . Sociologie de la famille, 1BSJT "SNBOE $PMJO e edition. 5)0.140/ & The making of the English Working Class /FX :PSL 1BOUIFPO books. 50$26&7*--& " EF De la dĂŠmocratie en AmĂŠrique U * < > 1BSJT 3PCFSU -BòPOU #PVRVJOT

Échanges‌ Nicolas Zufferey, UniversitĂŠ de Genève La politique de l’enfant unique en Chine a provoquĂŠ des changements abrupts et radicaux de la structure familiale. Actuellement, la forme la plus rĂŠpandue est la famille nuclĂŠaire correspondant Ă un mĂŠnage regroupant deux parents et leur enfant. Cependant, par rapport Ă cette classification,


K BJNFSBJT TPVMJHOFS M JNQPSUBODF EFT HSBOET parents : par exemple, dans les grandes villes, ces derniers accompagnent souvent leurs petits-enfants dans le cadre de leurs activitĂŠs scolaires et extra-scolaires, les parents n’ayant pas assez de temps pour s’occuper de ces EĂ?QMBDFNFOUT &O PVUSF JM FYJTUF UPVKPVST en Chine une diffĂŠrence rĂŠelle de structures familiales entre les campagnes et les villes. Le tableau du couple et de la famille que vous avez brossĂŠ ne correspondrait-il pas plus spĂŠcifiquement Ă la France qu’à l’Europe en gĂŠnĂŠral ? N’y a-t-il pas des nuances Ă apporter TFMPO MFT SĂ?HJPOT PV TPNNFT OPVT QMVUĂ™U face Ă un modèle homogène ? Bernard Formoso, UniversitĂŠ Paris Ouest - Nanterre Les ĂŠlĂŠments de modernitĂŠ ĂŠvoquĂŠs par Martine Segalen fonctionnent en Europe mais s’appliquent avec beaucoup de nuances dans les sociĂŠtĂŠs confucĂŠennes. Le modèle de la famille et le rapport Ă l’État entretiennent un rapport dialectique ĂŠtroit, tant et si bien qu’en Europe nous sommes citoyens avant d’être ÂŤ fils de Âť. Dans un modèle confucĂŠen, on peut tout aussi bien ĂŞtre citoyen et ÂŤ fils de Âť, au moins au sens mĂŠtaphorique du terme : l’État se pose comme une sorte de père collectif. Cette relation Ă l’État n’est pas nĂŠcessairement porteuse d’altĂŠritĂŠ dans le contexte vietnamien, oĂš on a vu qu’à l’Êpoque communiste, l’État arrangeait des mariages fondĂŠs sur des critères idĂŠologiques de manière analogue Ă ce qui se passait avant cette ĂŠpoque. Dans certains cas, les instances EV 1BSUJ GPODUJPOOBJFOU DPNNF BHFODF NBUSJNPOJBMF QPVS QMBDFS MFT KFVOFT GFNNFT qui trouvaient difficilement Ă se marier. L’État moderne a repris Ă son compte des modes opĂŠratoires qui fonctionnaient avant lui.

Philippe Antoine, IRD J’ai beaucoup apprĂŠciĂŠ cet exposĂŠ qui nous remet dans un temps très long de l’Êvolution et des transformations de la famille. J’aurai une question relative au vieillissement dĂŠmographique contemporain. Quelles sont les perspectives, les ĂŠvolutions qui se profilent avec le vieillissement de la population europĂŠenne ? En ĂŠvoquant les grandsparents, ceux-ci ne seront-ils pas tiraillĂŠs entre s’occuper de leurs petits-enfants et de leurs parents ? Yves Perraudeau, UniversitĂŠ de Nantes Lorsque vous parlez du financement très familial dans le cas français, il est vrai que nous n’avons pas connu un dĂŠveloppement EV TZTUĂ’NF CBODBJSF DPNNF FO (SBOEF #SFUBHOF PV FO "MMFNBHOF QPVS EFT SBJTPOT historiques, avec notamment l’expĂŠrience malheureuse de John Law. Est-ce que pour autant la famille ĂŠtait plus importante dans le financement en France que dans les autres pays europĂŠens ? Ceci n’est pas sĂťr du fait du SĂ?TFBV EFT OPUBJSFT RVJ POU KPVĂ? FO 'SBODF EBOT VOF DFSUBJOF NFTVSF MF SĂ™MF EF DFUUF banque de proximitĂŠ qui ĂŠtait naissante dans les autres pays europĂŠens. L’autre nuance est la rĂŠgionalisation Ă apporter Ă cette ĂŠvolution des transmissions QBUSJNPOJBMFT KF SFOWPJF BVY USBWBVY EV TPDJPMPHVF )FSWĂ? -F #SBT RVJ B EJòĂ?SFODJĂ? divers ÂŤ tempĂŠraments Âť : tempĂŠrament familial très ÂŤ catholique Âť qui caractĂŠrisait l’Ouest de la France ; faire-valoir agricole pour l’espace T Ă?UFOEBOU EF #PSEFBVY Ă‹ -ZPO FU UPVU MF 4VE enfin, la partie centrale parisienne marquĂŠe par une grande mobilitĂŠ et flexibilitĂŠ. Il est ainsi possible de distinguer en France une rĂŠgionalisation de la transmission patrimoniale.

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Hem Sokly, URDSE Cambodge Comment dĂŠfinissez-vous la famille ? Le concubinage et les mariages homosexuels rentrent-ils en ligne de compte de votre dĂŠfinition ? Martine Segalen Ă€ propos de l’importance des grands-parents en Chine, il est possible de retrouver ce trait commun en France ; et aussi, pour rĂŠpondre Ă MB RVFTUJPO EF 1IJMJQQF "OUPJOF DFMB EFNFVSF USĂ’T MJĂ? BVY FOKFVY EF QSPYJNJUĂ? SĂ?TJEFOUJFMMF et de stratĂŠgie du marchĂŠ rĂŠsidentiel. Des travaux très intĂŠressants de Catherine #POWBMFU EF M */&% NPOUSFOU RVF NBMHSĂ? les difficultĂŠs du marchĂŠ du logement, des efforts rĂŠels sont faits par la gĂŠnĂŠration du couple actif pour ne pas ĂŞtre trop ĂŠloignĂŠ des grands-parents. On note que les grandsparents contemporains sont beaucoup plus investis pour la garde de leurs petits-enfants RV BVQBSBWBOU *M Z B Ă‹ BOT BV NPNFOU de la mobilitĂŠ gĂŠographique, deux modèles ĂŠmergeaient : les grands-parents ĂŠtaient Ă la campagne et on ne les voyait pas souvent ; quand les parents travaillaient et qu’ils n’avaient aucune aide sur place, ils envoyaient leurs enfants Ă la campagne pour les faire ĂŠlever par leurs grands-parents. Ce modèle Ă?UBJU FODPSF BTTF[ DPVSBOU KVTRVF EBOT MFT annĂŠes 1960. Le phĂŠnomène a disparu mais cela ne remet pas en cause la très forte interaction avec les grands-parents. 1PVS SFWFOJS BVY QSPQPT UPVU Ă‹ GBJU QFSUJOFOUT E :WFT 1FSSBVEFBV MF NPEĂ’MF RVF K BJ prĂŠsentĂŠ semble un peu linĂŠaire pour des raisons de temps, mais il y a ĂŠvidemment une complexitĂŠ des modèles Ă la campagne, et DFMB SFKPJOU MFT DPNNFOUBJSFT EF )FSWĂ? -F #SBT sur les formes de transmissions patrimoniales et leurs idĂŠologies, qui sont très diffĂŠrentes

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FOUSF M &TU MB #SFUBHOF MF 4VE 0VFTU FUD *M existe une grande diversitĂŠ europĂŠenne, que KF O BJ QBT FV MF UFNQT EF USBJUFS MPST EF DFU exposĂŠ. 1PVS SFCPOEJS TVS MFT QSPQPT EF #FSOBSE Formoso, il est intĂŠressant de voir que le monde de la parentĂŠ est repris par le monde QPMJUJRVF M 0ODMF )P 4UBMJOF MF j 1FUJU QĂ’SF EV 1FVQMF x 5POUPO .JUUFSSBOE M 0ODMF 4BN FUD Le vocabulaire de la parentĂŠ est rappropriĂŠ par le monde politique mais aussi de la DPOTPNNBUJPO 6ODMF #FO QPVS MF SJ[ MFT DPOĂśUVSFT j #POOF .BNBO x FUD Relativement au vieillissement dĂŠmographique, nous allons voir arriver toute une gĂŠnĂŠration de femmes qui sont elles-mĂŞmes EBOT MF USPJTJĂ’NF ÉHF FOUSF FU BOT FU en bonne santĂŠ , mais qui sont tiraillĂŠes entre les soins aux petits-enfants et le soutien aux parents. Ce vieillissement dĂŠmographique pose des dĂŠfis très importants. 1PVS SĂ?QPOESF Ă‹ )FN 4PLMZ KF OF EĂ?ĂśOJT pas la famille. Si on dĂŠfinit la famille, on pose EFT FYDMVTJPOT 1BS FYFNQMF FO 'SBODF JM Z B eu cette pĂŠriode oĂš le nombre de femmes chefs de mĂŠnage seule avec des enfants a augmentĂŠ ; Ă partir du moment oĂš le terme de famille monoparentale a ĂŠtĂŠ inventĂŠ, ces femmes, marginales, sont rentrĂŠes dans l’Êventail des familles. Je ne mettrai pas sur le mĂŞme plan concubinage et mariage entre mĂŞme sexe. Le concubinage est une QSBUJRVF USĂ’T BODJFOOF M ²HMJTF FOUSF MF 97*e FU MF 97**e siècle a contraint les couples Ă se NBSJFS SFMJHJFVTFNFOU 1FOEBOU MPOHUFNQT les couples ne savaient pas très bien s’ils ĂŠtaient mariĂŠs ou pas. Quand il y avait un enfant, les filles traĂŽnaient leur fiancĂŠ devant un tribunal ecclĂŠsiastique qui obligeait le père Ă prendre ses responsabilitĂŠs en cas de


OPO NBSJBHF 1BSBEPYBMFNFOU RVBOE M ²HMJTF a imposĂŠ sa doctrine, les femmes ont ĂŠtĂŠ moins protĂŠgĂŠes : si vous n’Êtiez pas mariĂŠ, vous n’Êtiez pas dans la catĂŠgorie famille. Ă€ l’heure actuelle, le terme de concubinage a une consonance populaire, ouvrière, lĂŠgèreNFOU QĂ?KPSBUJWF 0O QBSMF QMVT EF DPVQMF -B France a mis en place en 1998 une sorte de DPOUSBU EF NBSJBHF BMMĂ?HĂ? MF 1"$4 QBDUF DJWJM de solidaritĂŠ). Il est intĂŠressant de souligner, qu’en France, Ă prĂŠsent, le nombre de NBSJBHFT CBJTTF FU MF OPNCSF EF 1"$4 RVJ ĂŠtait initialement destinĂŠ aux homosexuels augmente rapidement : 250 000 mariages, 1"$4 0O QFVU QSPKFUFS VOF Ă?HBMJUĂ? entre les deux modèles dans quelques annĂŠes. Maintenant, le concubinage – sous d’autres termes – est parfaitement admis. On peut voir dans le mariage de mĂŞme sexe une ĂŠvolution considĂŠrable de la sociĂŠtĂŠ française, qui finira sans doute par reconnaĂŽtre l’homoQBSFOUBMJUĂ? -F 1"$4 FTU E BJMMFVST VOF QSFNJĂ’SF marche vers la reconnaissance des couples de mĂŞme sexe, puisqu’il ĂŠtait destinĂŠ avant UPVU BVY IPNPTFYVFMT 6OF QSFTTJPO FYJTUF cependant sur le droit d’adoption et le droit des homosexuels Ă accĂŠder Ă la procrĂŠation mĂŠdicalement assistĂŠe. Il s’est opĂŠrĂŠ une ĂŠvolution rapide et importante des valeurs qui a ĂŠtĂŠ soutenue par la loi, et qui est liĂŠe en partie Ă des phĂŠnomènes comme l’ÊpidĂŠmie de sida, la visibilitĂŠ des homosexuels. Rodolphe De Koninck, UniversitĂŠ de MontrĂŠal J’ai beaucoup apprĂŠciĂŠ dans votre exposĂŠ la prĂŠsence et la gestion du travail dans la sociĂŠtĂŠ Ă travers la famille. Les termes de sweating system et sweat shops font allusion au travail rĂŠalisĂŠ plus ou moins au ÂŤ noir Âť dans les pays en voie de dĂŠveloppement.

7PVT Ă?UFT USĂ’T QSVEFOUF FU O FNQMPZF[ QBT la fonction ĂŠconomique de la famille dans la sociĂŠtĂŠ autour du travail et de l’Êducation. : B U JM VOF Ă?SPTJPO PV VOF EJTQBSJUJPO EF MB fonction d’Êducation et d’enseignement par la famille ? Francois Roubaud, IRD – DIAL 7PVT BWF[ Ă?WPRVĂ? )FSWĂ? -F #SBT FU OPO pas Emmanuel Todd, qui dessine aussi des contours de structures familiales Ă l’intĂŠrieur de la France, en Europe et dans le monde. Quel est votre point de vue par rapport Ă ces idĂŠes ? Ma deuxième question est relative aux politiques mises en Ĺ“uvre. Nous avons parlĂŠ de la politique de l’enfant unique en Chine qui entraĂŽne des bouleversements rapides, s’accompagne d’un dĂŠsĂŠquilibre de plus en plus fort du sexe-ratio Ă la naissance en dĂŠfaveur des filles. Auriez-vous des intuitions ou des ĂŠlĂŠments sur les consĂŠquences possibles de ces politiques ? Martine Segalen En France, la scolarisation Ă la maison n’a KBNBJT Ă?UĂ? USĂ’T SĂ?QBOEVF %FVY DIPTFT MFT parents attachent une importance capitale aux rĂŠsultats scolaires de leurs enfants dans le contexte de crise ĂŠconomique et morale, et les soutiennent autant qu’ils peuvent, alors que les rapports Ă l’enfant ont beaucoup changĂŠ. Je parlais de dĂŠmocratie familiale de Tocqueville, mais il existe une vraie dĂŠmocratie familiale Ă l’heure actuelle : on demande aux enfants leur avis. La Convention des Droits de l’Enfant a ĂŠtĂŠ signĂŠe internationalement, les enfants sont pratiquement sur un pied d’ÊgalitĂŠ avec leurs parents. Les parents ont une fonction beaucoup plus difficile car ils doivent conti-

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nuer Ă guider leurs enfants sans autoritarisme. Les changements rapides que nous voyons sont aussi expliquĂŠs par le dĂŠveloppement des moyens de communication comme le tĂŠlĂŠphone portable, Internet, etc. qui mettent les parents en porte-Ă -faux. Il existe des ruptures culturelles rĂŠelles qui vont bien audelĂ des fossĂŠs entre gĂŠnĂŠration ĂŠvoquĂŠe par Margaret Mead. "VUBOU MFT USBWBVY E )FSWĂ? -F #SBT N POU UPVKPVST JOUĂ?SFTTĂ?T BVUBOU MFT USBWBVY d’Emmanuel Todd m’ont irritĂŠ lorsqu’il a SFHSPVQĂ? MB #SFUBHOF NPO TVKFU E Ă?UVEF TPVT la catĂŠgorie ÂŤ système ĂŠgalitaire Âť sans aucune EJTUJODUJPO 1PVS BWPJS GBJU EFT FORVĂ?UFT dans cette rĂŠgion, il existe effectivement un système ĂŠgalitaire mais qui fonctionne très diffĂŠremment.

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Sur les consĂŠquences des politiques publiques, il est ĂŠvident que la diminution du nombre d’enfants, le dĂŠveloppement ĂŠconomique, le travail de la femme vont complètement changer les rapports Ă la famille, surtout dans l’espace pĂŠri-urbain. Je vous remercie.

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) Les liens de parentĂŠ en Europe. Aux temps de l’individualisme, comment peut-on encore parler de relations inter-gĂŠnĂŠrationnelles ? Familles et gĂŠnĂŠrations en Europe au XXIème siècle. Un nouvel esprit de famille. Martine Segalen


1.5. Synthèse des sĂŠances plĂŠnières Olivier Tessier – École française d’ExtrĂŞme-Orient

(Retranscription) Chers collègues et chers amis, "WBOU E FOUSFS EBOT MF WJG EV TVKFU KF UJFOT Ă‹ SFNFSDJFS 4UĂ?QIBOF -BHSĂ?F FU #ĂĄJ 5IV 5SBOH pour la parfaite organisation de cette 4e ĂŠdition des JTD, ĂŠvĂŠnement qui s’est imposĂŠ au fil des annĂŠes comme un temps fort de l’agenda des rencontres et des ĂŠchanges entre spĂŠcialistes nationaux et internationaux des sciences sociales. L’ouverture rĂŠgionale qui caractĂŠrise cette ĂŠdition souligne, si besoin en ĂŠtait, l’intĂŠrĂŞt grandissant que suscite cet Ă?WĂ?OFNFOU VOJRVF BV 7JĚ?U /BN FU NF TFNCMF t-il, dans la rĂŠgion. J’ai un rapport particulier BWFD MFT +5% QVJTRVF K BJ QBSUJDJQĂ? Ă‹ UPVUFT MFT ĂŠditions soit en qualitĂŠ d’intervenant dans les TĂ?BODFT QMĂ?OJĂ’SFT TPJU DPNNF DP PSHBOJTBUFVS EF M BUFMJFS UFSSBJO RVF KF WBJT animer la semaine prochaine pour la troisième annĂŠe consĂŠcutive. Toutefois, c’est la première GPJT RVF KF WBJT NF MJWSFS Ă‹ DFU FYFSDJDF Ă™ combien pĂŠrilleux, qui consiste Ă tenter de proposer une synthèse des interventions qui TF TPOU TVDDĂ?EĂ?FT EFQVJT EFVY KPVST +F UF remercie, StĂŠphane, pour la confiance que tu N BT BDDPSEĂ?F CJFO RVF KF OF TPJT QBT TĂ&#x;S RVF tu aies rĂŠalisĂŠ lĂ un bon investissement ! En prĂŠambule, rappelons brièvement la problĂŠmatique centrale de cette nouvelle ĂŠdition des JTD. En 1986, annĂŠe du 6ème Congrès EV 1BSUJ $PNNVOJTUF 7JFUOBNJFO M ²UBU B

dĂŠcrĂŠtĂŠ que le pays entrait dans une phase de transition et d’ouverture. Depuis maintenant QMVT EF WJOHU BOT DFUUF USBOTJUJPO B GBJU M PCKFU de nombreux travaux, sans que son postulat de dĂŠpart ne soit vĂŠritablement questionnĂŠ. #JFO TPVWFOU MFT VOJWFSTJUBJSFT DPOTJEĂ’SFOU MB transition comme un ĂŠtat de fait ; ils l’adoptent et l’adaptent Ă leur discipline et Ă leur champ EF SFDIFSDIF - FOKFV EF DFT +PVSOĂ?FT FTU EF proposer aux participants et aux intervenants de questionner le postulat lui-mĂŞme, de le passer au crible d’un filtre critique et, pourquoi pas, de le dĂŠconstruire, afin d’Êvaluer au final sa potentielle valeur opĂŠratoire selon les diffĂŠrents champs disciplinaires. Depuis hier matin, force est de constater que le travail est EĂ?KĂ‹ CJFO FOUBNĂ? "VTTJ KF WBJT NF DPOUFOUFS de reprendre chronologiquement le fil des interventions en relevant les ĂŠlĂŠments et les questionnements qui m’ont paru essentiels. Il ne s’agit donc que d’impressions parcellaires ÂŤ Ă chaud Âť qui ne prĂŠtendent aucunement restituer la richesse et la pertinence des interventions. ArrĂŞtons-nous un instant sur les allocutions d’ouverture. -F WJDF QSĂ?TJEFOU EF M "447 . /HVZĚŽO 9VÉO 5IĚƒOH B QSPQPTĂ? VOF DPODFQUJPO EF la transition ÂŤ vue d’en haut Âť, dĂŠcrĂŠtĂŠe et quelque peu idĂŠologique, oĂš c’est l’État qui initie et maitrise le mouvement, notamment HSÉDF Ă‹ M JOUĂ?HSBUJPO QPMJUJRVF FU Ă?DPOPNJRVF

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du pays au sein des grandes institutions internationales (ASEAN, OMC). :BOO .BSUSFT T FTU NPOUSĂ? QMVT OVBODĂ? TVS l’approche de la notion. En sa qualitĂŠ de EJSFDUFVS BEKPJOU EF M "'% JM B UPVU E BCPSE ĂŠnoncĂŠ le triptyque classique des conditions d’une transition rĂŠussie se dĂŠroulant sans heurt : stabilitĂŠ politique, dĂŠveloppement durable, bonne gouvernance. Mais il n’a pas hĂŠsitĂŠ Ă revenir sur les fondements mĂŞmes d’un concept de la transition qui pouvait apparaĂŽtre de prime abord comme unilatĂŠral et monolithique. La transition peut suivre des rythmes diffĂŠrents et ĂŞtre analysĂŠe selon des perspectives variĂŠes suivant que l’on considère qu’elle est de nature ĂŠconomique ou sociale, que l’on cherche Ă la dĂŠfinir par rapport Ă des phĂŠnomènes collectifs ou JOEJWJEVFMT FUD -PSTRVF :BOO .BSUSFT B TPVMJHOĂ? RVF MF 7JĚ?U /BN Ă?UBJU QBTTĂ? EV TUBUVU de ÂŤ pays pauvre Âť Ă celui de ÂŤ pays Ă revenus JOUFSNĂ?EJBJSFT x K BJ BMPST QFOTĂ? RVF M PO EJTQPTBJU MĂ‹ E VO JOEJDBUFVS DPODSFU FU PCKFDUJG permettant aux ĂŠconomistes d’identifier et donc de dĂŠcrĂŠter la fin de la pĂŠriode de transition. Auquel cas, le pays devrait logiquement entrer dans une seconde phase de transition le conduisant plus ou moins rapidement, et si tout se passe bien, du statut de ÂŤ pays Ă revenus intermĂŠdiaires Âť Ă celui de ÂŤ pays riche Âť ou dĂŠveloppĂŠ. La question est de savoir s’il est satisfaisant d’adopter cette vision linĂŠaire de la transition fondĂŠe sur la seule caractĂŠrisation du dynamisme ĂŠconomique ĂŠvaluĂŠ Ă l’Êchelle macro, vision qui uniformise inĂŠvitablement des rĂŠalitĂŠs extrĂŞmement diverses et contrastĂŠes. "VTTJ K BJ CFBVDPVQ BQQSĂ?DJĂ? MF SFHBSE QPTĂ? par un spĂŠcialiste des ÂŤ sciences dures Âť, +BDRVFT #PVMĂ’HVF QIZTJDJFO FU SFQSĂ?TFOUBOU de l’IRD, sur le concept de transition. Il a

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rappelĂŠ qu’en physique, le passage d’un ĂŠtat Ă un autre ĂŠtait frĂŠquemment synonyme de dĂŠsĂŠquilibre, de dĂŠsordre et d’instabilitĂŠ des corps en prĂŠsence, processus pouvant conduire Ă des ruptures brutales et irrĂŠversibles. S’il s’est prudemment refusĂŠ Ă ĂŠtablir un parallèle avec l’analyse des propriĂŠtĂŠs propres aux transitions ĂŠconomiques et sociales, son intervention nous donne des clĂŠs de lecture originales. En effet, elle suggère que toute dynamique de transition comporte intrinsèquement une part de risques et d’incertitudes Ă mĂŞme de gĂŠnĂŠrer des divergences et des situations conflictuelles, pouvant dĂŠboucher au final sur un ĂŠtat d’arrivĂŠe plus dĂŠstructurĂŠ, voire chaotique, que celui de dĂŠpart. En d’autres termes, il convient d’être prudent avec l’approche positiviste, la transition ne devant pas ĂŞtre automatiquement associĂŠe Ă l’idĂŠe de progrès social et de dĂŠveloppement ĂŠconomique. La mise en perspective historique proposĂŠe par Nicolas Zufferey Ă propos de la Chine N B QBTTJPOOĂ?F 1IJMJQQF 1BQJO T Ă?UBJU MJWSĂ? Ă‹ VO FYFSDJDF TJNJMBJSF BV TVKFU EV 7JĚ?U /BN MPST E VOF DPOGĂ?SFODF Ă‹ (FOĂ’WF FO FO rappelant que le pays avait connu dans son histoire, considĂŠrĂŠe sur le temps long, une succession de pĂŠriodes de transition. Ainsi BV 97e siècle, l’empereur LĂŞ ThĂĄi Táť•, après BWPJS MJCĂ?SĂ? MF 7JĚ?U /BN EV KPVH DIJOPJT avait entrepris une profonde rĂŠforme de l’administration du pays en imposant un système mandarinal centralisĂŠ couvrant l’ensemble du territoire national. Dans son intervention, Nicolas Zufferey a mis en regard une très ancienne pĂŠriode de transformation de la sociĂŠtĂŠ chinoise qui s’est dĂŠroulĂŠe avant l’ère chrĂŠtienne, qualifiĂŠe pour la circonstance de transition vers une forme de modernitĂŠ, et la pĂŠriode de transition


contemporaine que connaĂŽt la Chine depuis FU EPOU JM FTU EJĂłDJMF EF EJSF TJ FMMF QFVU ĂŞtre considĂŠrĂŠe comme achevĂŠe. Au fil de son intervention, il m’a semblĂŠ que cette ancienne pĂŠriode de transformation pouvait ĂŞtre qualifiĂŠe d’autocentrĂŠe. L’Empire chinois se transforme mais par une ĂŠvolution interne de ses propres rĂŠfĂŠrents culturels, sociaux et politiques : la modernisation rĂŠsulte plus de l’Êmergence au sein de la sociĂŠtĂŠ chinoise, et notamment au sein des ĂŠlites, de diffĂŠrents courants de pensĂŠe divergents et parfois antinomiques, que de l’influence et de la pĂŠnĂŠtration de modèles externes. En comparaison, la transition contemporaine s’apparente Ă une mondialisation et Ă une homogĂŠnĂŠisation des valeurs, en ce sens qu’elle est alimentĂŠe par l’adoption de comportements individuels et collectifs standardisĂŠs, principalement dans les domaines ĂŠconomiques et culturels. Autrement dit, la transition chinoise actuelle, mais aussi vietnamienne, s’impose Ă tous les acteurs, telle une lame de fond, dans le cadre d’un processus hĂŠgĂŠmonique encouragĂŠ et soutenu par les grands bailleurs internationaux qui tentent d’y associer (pour la forme ?) des critères de bonne gouvernance et de dĂŠveloppement durable. S’il convient d’être prudent et de ne pas tomber dans le travers de ÂŤ la fin de l’histoire Âť, on peut se demander T JM FTU FODPSF QPTTJCMF BVKPVSE IVJ QPVS VO pays donnĂŠ de gĂŠnĂŠrer sa propre modernitĂŠ sans pour autant adhĂŠrer, volontairement ou contraint, au modèle de globalisation et de standardisation des valeurs ? 7PVT BWF[ EJTUJOHVĂ? QPVS M BQQSPDIF EF la notion de transition, d’une part, un mouvement de fond impliquant des changements politiques (rĂŠgimes) et culturels

globaux, et, d’autre part, la transformation de composantes de nature ĂŠconomique et sociale. De fait, ces grands mouvements de fond n’entraĂŽnaient pas nĂŠcessairement une transformation simultanĂŠe de l’ensemble des composantes selon un rythme unique : des dĂŠcalages peuvent s’opĂŠrer entre le dĂŠveloppement ĂŠconomique et les ĂŠvolutions culturelles ou sociales. Cette idĂŠe d’un mouvement global n’entraĂŽnant pas mĂŠcaniquement des changements internes, ces derniers ĂŠtant dotĂŠs d’une certaine autonomie (inertie) et pouvant se dissocier du mouvement d’ensemble, me semble constituer une clĂŠ de lecture particulièrement intĂŠressante. Enfin, vous avez soulignĂŠ que si l’on considère le concept de transition sur le temps long, l’histoire devient une histoire de la transiUJPO PV QMVUĂ™U EFT USBOTJUJPOT %BOT DFUUF perspective, la transition agraire a dĂŠbutĂŠ au nĂŠolithique et s’achèvera avec la disparition de l’humanitĂŠ. La question sous-tendue me paraĂŽt essentielle. Sommes-nous capables d’identifier sur le temps long des ruptures puis de borner et d’extraire des pĂŠriodes oĂš l’histoire s’accĂŠlère, oĂš les ĂŠvolutions sont telles qu’elles bouleversent radicalement la vie et le devenir d’un groupe humain ? Ce regard introspectif de l’historien, qui questionne la notion en se demandant si l’histoire de l’humanitĂŠ n’est pas au final celle d’une USBOTJUJPO KBNBJT BCPVUJF OPVT BNĂ’OF Ă‹ OPVT interroger sur le bien-fondĂŠ et la pertinence de cette notion et sur les conditions Ă rĂŠunir pour rendre son analyse opĂŠratoire. L’intervention de Rodolphe De Koninck relative Ă la transition agraire a passionnĂŠ tout l’auditoire : l’approche multiscalaire QSPQPTĂ?F QFSNFU EF SFQMBDFS MF 7JĚ?U /BN dans un contexte ĂŠlargie Ă l’ensemble de

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la rĂŠgion Asie du Sud-Est. Et en effet, c’est sĂťrement Ă la lumière de la dynamique de cet ensemble rĂŠgional que nous pouvons le mieux comprendre les ĂŠvolutions actuelles EV 7JĚ?U /BN 7PVT BWF[ UPVU E BCPSE JOTJTUĂ? TVS MF QPJOU EF basculement que constitue le transfert de l’accumulation de l’agriculture vers l’industrie et qui induit un bouleversement radical des rapports de production. 7PVT BWF[ FOTVJUF CSPTTĂ? Ă‹ HSBOET USBJUT MFT particularitĂŠs de la transition agraire en Asie du Sud-Est, particularitĂŠs qui en font un modèle unique au monde : l’intensification des systèmes de production et l’extension des surfaces agricoles se sont imposĂŠs simultanĂŠment avec un double processus d’industrialisation et d’urbanisation. 6O EFT BTQFDUT FTTFOUJFMT EF MB USBOTJUJPO agraire en Asie du Sud-Est est la dĂŠpendance de plus en plus forte de l’agriculture vis-Ă -vis de l’industrie. Cette dĂŠpendance est double : en amont de la production pour la fourniture d’intrants chimiques (engrais, pesticide) et de semences sĂŠlectionnĂŠes plus productives mais qui doivent ĂŞtre renouvelĂŠes après chaque rĂŠcolte ou presque ; en aval de la production pour l’Êcoulement et la distribution des produits agricoles au sein de puissantes filières rĂŠgies exclusivement par les lois capitalistes du marchĂŠ et une soif de QSPĂśUT KBNBJT Ă?UBODIĂ?F ĂśMJĂ’SFT TVS MFTRVFMMFT les paysans n’ont aucune prise. Cette intĂŠgration verticale, subie beaucoup QMVT RVF WĂ?DVF QBS M JNNFOTF NBKPSJUĂ? EFT producteurs, dĂŠbouche sur des situations aberrantes et terrifiantes. Ainsi, en considĂŠrant le chiffre de 44 % du territoire national dĂŠdiĂŠ exclusivement au palmier Ă huile en Malaisie,

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il n’est plus possible de parler d’agriculture, mais de production agricole industrielle. 1PVS QBSBQISBTFS )FOSJ .FOESBT O FTU DF pas lĂ le signe irrĂŠfutable de ÂŤ la fin des paysans Âť, de la disparition programmĂŠe de la paysannerie en tant que tissu humain, social et ĂŠconomique dĂŠveloppant des formes spĂŠcifiques d’organisations territoriales et de mises en valeur du milieu ? MĂŞme si subsiste la terre, relĂŠguĂŠe au rang de substrat, portant des plantes, devenues des monocultures industrielles, il n’y a plus rien d’agricole dans de tels modes d’exploitation des ressources, plus rien de rural dans de telles formes d’organisation de l’espace. 1FVU PO SĂ?TJTUFS Ă‹ DFT QVJTTBOUT NPEĂ’MFT agro-industriels et existe-t-il seulement la volontĂŠ de le faire ? Le cas de la Malaisie est une nouvelle dĂŠmonstration de l’existence d’un processus de mondialisation implacable qui standardise les modes de production, affaiblit considĂŠrablement la biodiversitĂŠ, et dĂŠpossède la paysannerie de sa capacitĂŠ de maĂŽtrise et d’intervention sur ses propres systèmes de production. Cette hyperspĂŠcialisation des territoires rappelle en creux la volontĂŠ politique du 7JĚ?U /BN QFOEBOU MB QĂ?SJPEF EF DPMMFD tivisation, d’affecter certaines rĂŠgions Ă des monocultures considĂŠrĂŠes comme prioritaires pour l’autosuffisance du pays. Ce fut par exemple le cas dans la province actuelle de 1IĂž 5IĚ’ PĂĄ MFT [POFT EF DPMMJOF GVSFOU EBOT un premier temps rĂŠservĂŠes Ă la culture du thĂŠier puis Ă des plantations industrielles d’eucalyptus devant alimenter l’usine de QÉUF Ă‹ QBQJFS EF #Ă?J #Ě„OH QMBOJĂśDBUJPO RVJ a donnĂŠ les rĂŠsultats que l’on sait. L’ironie de l’histoire est que lĂ oĂš l’idĂŠologie et les politiques dirigistes ont ĂŠchouĂŠ, la demande mondialisĂŠe et la dĂŠrĂŠglementation des


marchés à des fins spéculatives y arrivent à un point inespéré ! Le film documentaire « À qui appartient la terre ? » m’a profondément touché comme la plupart des participants. Je pense que nous étions d’autant plus exaspérés et révoltés que l’aménagement à l’origine des expropriations était on ne peut plus futile : un terrain de golf ! Mais qu’en aurait-il été si les paysans avaient été expropriés pour construire une zone industrielle, des MPHFNFOUT TPDJBVY VOF ÏDPMF PV VO IÙQJUBM L’aménagement du territoire et les choix de l’État vietnamien dans le cadre de sa politique de diversification économique et d’industrialisation ne rendent-ils pas inéductables la transformation de l’usage d’une partie du foncier agricole ? J’émettrai cependant une réserve vis-à-vis du discours émotionnel et de l’interprétation symbolique qui placent en toile de fond de la situation conflictuelle l’attachement viscéral des paysans à leur terre et, qui plus est, à la terre de leurs ancêtres. Il me semble que le profond mécontentement de la population est également, et peut-être surtout, la conséquence de l’incurie de l’État à répondre aux préoccupations légitimes des paysans, ces derniers ayant l’impression d’être purement et simplement dépossédés pour ne pas dire spoliés. En d’autres termes, plus que l’expropriation en tant que telle, il me semble que ce sont les niveaux d’indemnisation inacceptables, l’absence d’aides effectives à la reconversion et à la relocalisation, l’incompétence et le cynisme des représentants locaux de l’État, qui sont les principales sources de tensions et de conflits. L’approche économique de l’équipe DIAL FU EF $ISJTUPQIF (JSPOEF GPOEÏF TVS MF croisement d’une analyse macro et micro

montre tout l’intérêt d’une démarche qui cherche à comprendre les différentes facettes d’un même phénomène révélées à différentes échelles d’observation. De M JOUFSWFOUJPO EF $ISJTUPQIF (JSPOEF K BJ retenu pour cette synthèse deux tendances fortes : d’une part, 50 % de la population rurale n’est plus impliquée dans des activités agricoles ; d’autre part, cette évolution devrait se poursuivre dans les années à venir laissant ainsi augurer que dans un avenir proche la part de la population active vietnamienne vivant directement de l’agriculture deviendra minoritaire. Situation quelque peu paradoxale lorsque l’on se rappelle que le pays s’est imposé au cours de la dernière décennie comme le deuxième exportateur mondial de riz et de café robusta, le premier exportateur de poivre, etc. Cette apparente contradiction s’inscrit toutefois pleinement dans le cadre des particularités de la transition agraire des pays de la région mises en évidence par Rodolphe De Koninck. Elle souligne également que le pays ne peut être considéré comme une entité homogène. Les grandes cultures de rente comme le café et le poivre, sont principalement localisées dans MF $FOUSF EV 7J̏U /BN Pá MFT GSPOUT QJPOOJFST ouverts par les premières vagues de migrations JOJUJÏFT FU EJSJHÏFT QBS M ²UBU Ë QBSUJS EF ont laissé la place depuis une quinzaine d’années à des mouvements spontanés de DPMPOJTBUJPO RVJ ÏDIBQQFOU Ë UPVU DPOUSÙMF administratif. L’engouement est tel que l’État tente depuis quelques années de contenir ces flux migratoires du Nord vers le Centre du pays, flux qui sont à l’origine de tensions interethniques de plus en graves opposant populations autochtones et allochtones. Les exportations de riz en constante progression depuis une dizaine d’années proviennent

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principalement du delta du Mékong (six millions de tonnes l’an passé), et cela malgré la transformation à marche forcée de dizaines de milliers d’hectares de rizières en étangs piscicoles et aquacoles (crevettes), ce qui souligne en creux une intensification continue des systèmes de production rizicole permettant de compenser la diminution des surfaces de rizières. Quant au delta du fleuve 3PVHF JM FTU UPVKPVST EPNJOÏ QBS VO SÏHJNF de petites propriétés foncières, ce qui rend la reconversion vers le secteur non-agricole plus rapide au Nord qu’au Sud dans la mesure où les alternatives agricoles possibles sont assez réduites. À la lumière de ces trois éléments, doit-on penser que le développement et l’intensification des plantations dans le Centre du pays préfigurent une évolution similaire, ou tout au moins comparable, à celle du modèle agroindustriel malais ? Les enquêtes sur le secteur informel menées par l’équipe DIAL apportent un éclairage nouveau sur une facette centrale de la transition qui reste pourtant une des plus difficiles à saisir. De prime abord, le OÏPQIZUF RVF KF TVJT QFOTBJT MPHJRVFNFOU que l’économie informelle était une étape transitoire caractéristique de l’évolution du marché du travail, qu’elle constituait une sorte de phase intermédiaire du passage d’une économie agricole vers une économie industrielle formelle. Or, vous avez battu en brèche cette idée reçue en montrant que la situation allait perdurer, qu’il s’agissait d’un modèle économique à part entière, et cela bien que les acteurs du secteur informel que vous avez interrogé estiment, pour la NBKPSJUÏ E FOUSF FVY RVF MFVS QFUJUF VOJUÏ de production ou de service n’a pas d’avenir et, de surcroît, qu’ils ne souhaitent pas que leurs enfants poursuivent leur activité.

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Nouveau paradoxe qui souligne la nécessité de questionner le postulat : si la transition s’installe dans la durée, c’est que le terme même censé caractérisé le phénomène est inapproprié. Sur la question des rapports entre État et secteur informel, on peut raisonnablement se demander si les petits entrepreneurs familiaux souhaitent une intervention étatique accrue en ce domaine dans la mesure où elle signifierait sûrement pour eux l’exercice d’un ESPJU EF DPOUSÙMF TVS MFVST BDUJWJUÏT RVBMJUÏ EFT produits et prestations, conditions salariales), l’application de mesures fiscales, etc. La partie de l’intervention consacrée aux migrations m’a particulièrement intéressée car elle suggère qu’un changement important s’est produit en une dizaine d’années. Les résultats des enquêtes de UFSSBJO RVF K BJ NFOÏFT TVS MF TVKFU Ë MB fin des années 1990, montraient en effet que les migrants opéraient une nette distinction entre « espace ressource » et « espace investi ». Concrètement, dans le cadre de migrations presque exclusivement temporaires ou pendulaires, le point d’arrivée était considéré comme un espace ressource où le migrant vendait sa force de travail, les revenus ainsi dégagés étant investis dans son village d’origine, le point de départ. Cette distinction ne semble plus pertinente QVJTRV BDUVFMMFNFOU MB NBKPSJUÏ EFT GPZFST s’installe, ou souhaite s’installer, sur le lieu de migration. Enfin, cette question des migrations a mis en évidence d’importantes divergences entre les résultats obtenus aux échelles macro et micro, ce qui souligne en filigrane tout l’intérêt de croiser des approches multiscalaires et pluridisciplinaires pour


apprĂŠhender un mĂŞme phĂŠnomène. Ă€ ce TVKFU VO EFT JOUFSWFOBOUT Ă‹ SFNBSRVĂ? RVF ÂŤ les ĂŠvolutions en cours vont plus vite que les modèles Âť SĂ?BMJUĂ? RVJ JNQMJRVF E BKVTUFS en permanence les grilles d’analyse, Ă l’image du dĂŠcoupage du pays en quatre zones distinctes (agglomĂŠrations urbaines EF )Ă‹ /Ě˜J FU EF )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF [POFT pĂŠriurbaines, communes urbaines, commune rurales) ; selon que l’on adopte ou non ce zonage, les interprĂŠtations diffèrent de façon significative. 1PVS QSPMPOHFS M FYQPTĂ? EF .BSUJOF 4FHBMFO on peut rappeler que l’institution familiale BV 7JĚ?U /BN B IJTUPSJRVFNFOU KPVĂ? FU KPVF UPVKPVST VO SĂ™MF NPUFVS EF TUSVDUVSBUJPO de la sociĂŠtĂŠ tant en milieu rural qu’urbain. Si l’on considère l’histoire rĂŠcente, c’est-Ă dire les pĂŠriodes de collectivisation puis de renouveau – Ä‘áť•i máť›i –, elle a agi comme un vĂŠritable tampon entre l’État et les individus parce qu’elle est l’un des rares espaces de hiĂŠrarchisation sociale et de solidaritĂŠ rĂŠelle qui n’a pas ĂŠtĂŠ ĂŠbranlĂŠ par les changements de cap idĂŠologique qui se sont succĂŠdĂŠs depuis l’indĂŠpendance. Cette facultĂŠ Ă absorber des chocs provenant de son environnement proche ou plus lointain, est tout Ă la fois cause et consĂŠquence de la cohĂŠsion et de la stabilitĂŠ du rĂŠseau familial ĂŠlĂŠmentaire que constitue le groupe domestique et qui ne reconnaĂŽt pas de capacitĂŠ ĂŠconomique indĂŠpendante Ă l’individu. Il faut ici prĂŠciser que les paysans attribuent Ă la notion de famille (gia Ä‘ĂŹnh) un sens qui s’apparente Ă celui de ÂŤ groupe domestique Âť, tel qu’il est couramment admis en ethnologie : l’indĂŠpendance ĂŠconomique prĂŠvaut sur la communautĂŠ de rĂŠsidence, deux voire trois unitĂŠs familiales ĂŠlĂŠmentaires (noyau DPOKVHBM QPVWBOU DPIBCJUFS TPVT MF NĂ?NF

toit si tant est qu’elles constituent chacune une unitĂŠ de production et de consommation autonome. De plus, les activitĂŠs de production et de consommation sont principalement rĂŠalisĂŠes par les membres du groupe domestique qui ne consacrent, en fin de compte, que peu de temps aux activitĂŠs de production et de consommation ĂŠlargie. Sur cette base, on peut identifier en zone rurale trois grands types de groupes domestiques : MB GBNJMMF OVDMĂ?BJSF MF OPZBV DPOKVHBM DPNposĂŠ des parents et des enfants ; - la famille ĂŠtendue : les parents du mari sont QSJT FO DIBSHF QBS M VOJUĂ? DPOKVHBMF GPSNĂ? par l’un des fils ; - La famille polynuclĂŠique : dans le cadre d’un système de parentĂŠ oĂš prĂŠdomine la virilocalitĂŠ, l’un des fils mariĂŠs s’installe durablement chez ses parents, l’unitĂŠ de production et de consommation se composant alors de deux familles nuclĂŠaires. La coexistence de ces trois types de groupes domestiques doit ĂŞtre envisagĂŠe d’un point de vue dynamique en replaçant le groupe domestique dans le ÂŤ cycle Âť global de sa constitution et de son ĂŠvolution. On peut schĂŠmatiquement identifier trois ĂŠtapes successives correspondant aux trois modalitĂŠs rĂŠsidentielles les plus frĂŠquemment rencontrĂŠes. ThĂŠoriquement, toutes les unitĂŠs domestiques connaissent, au cours de leur ĂŠvolution, ces trois ĂŠtats mais dans un ordre et dans un rapport qui diffèrent TVJWBOU EFVY USBKFDUPJSFT QSJODJQBMFT MB NBKPSJUĂ? E FOUSF FMMFT EĂ?CVUFOU QBS VOF phase de cohabitation temporaire (six mois Ă‹ VO BO BWFD MF OPZBV DPOKVHBM QBSFOUBM dĂŠnommĂŠe ÂŤ manger sĂŠparĂŠment Âť car cette cohabitation se caractĂŠrise par l’acquisition progressive d’une autonomie ĂŠconomique, suivie d’une installation indĂŠpendante ;

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pour une minoritĂŠ, elle commence par une phase de cohabitation rĂŠsidentielle et ĂŠconomique stable et de longue durĂŠe avec M VOJUĂ? DPOKVHBMF QBSFOUBMF RVJ OF QSFOESB ĂśO qu’avec la disparition des deux parents. $FUUF TFDPOEF USBKFDUPJSF B DPOOV VOF Ă?WPMVUJPO NBKFVSF EFQVJT MB ĂśO EF MB QĂ?SJPEF de collectivisation, consĂŠquence de l’Êvolution des pratiques de dĂŠvolution patrimoniale qui ordonnent l’agencement des groupes de rĂŠsidence. Concrètement, il s’agit du passage d’une transmission patrimoniale en ligne agnatique vers une transmission privilĂŠgiant MF CFOKBNJO TFMPO VO QSPDFTTVT PĂĄ MFT ĂśMT quittent la rĂŠsidence parentale au fur et Ă NFTVSF EF MFVS NBSJBHF SFTQFDUJG MF CFOKBNJO ĂŠtant gĂŠnĂŠralement le dernier Ă se marier. Cette ĂŠvolution contredit le postulat selon lequel la continuitĂŠ de la lignĂŠe, qui s’exprime au travers des cultes rendus aux ascendants et au respect de leurs sĂŠpultures, est garantie par la transmission simultanĂŠe en ligne agnatique des statuts et charges cultuelles et d’un patrimoine matĂŠriel dont la maison et le foncier seraient les symboles. Aussi, il faut admettre que si la transmission est un acte qui, par essence, marque la continuitĂŠ, les biens transmis ne semblent pas intrinsèquement investis d’une dimension autre que celle de leur valeur d’usage. L’image d’un paysan rivĂŠ Ă la terre de ses ancĂŞtres s’estompe lorsqu’elle est soumise Ă l’Êpreuve du terrain : cette ĂŠvolution reflète la recherche permanente d’un compromis empirique entre des normes sociales plus ou moins contraignantes et les rĂŠalitĂŠs quotidiennes de la vie des paysans. Concernant la politique vietnamienne de limitation des naissances Ă deux enfants, elle a surtout ĂŠtĂŠ suivie par les citadins, les fonctionnaires et les employĂŠs des entreprises d’État car ils risquaient de fortes

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pĂŠnalitĂŠs telles la perte de leur travail et de leur logement. Les paysans ont pris plus de largesse avec la règle, l’État disposant d’un arsenal de moyens de pression plus limitĂŠ, l’expropriation et la hausse du niveau d’imposition constituant des recours extrĂŞmes peu utilisĂŠs et qui de tout façon n’avaient pas de rĂŠelle portĂŠe opĂŠratoire pendant la pĂŠriode de collectivisation. En ĂśO EF DPNQUF MB QPMJUJRVF EF DPOUSĂ™MF des naissances en milieu rural n’a pas ĂŠtĂŠ appliquĂŠe avec autant de rigueur qu’en Chine, comme l’illustre l’Êtude des registres d’Êtat civil qui recensent de nombreux cas de familles nuclĂŠaires comprenant de trois Ă quatre enfants. Comme vous l’avez signalĂŠ, l’État socialiste vietnamien, très attentif Ă la paritĂŠ hommesfemmes et Ă l’ÊgalitĂŠ des sexes, a ĂŠtĂŠ le moteur d’une promotion proactive de la femme, tant sur le plan professionnel que social et familial. En une cinquantaine d’annĂŠes, les femmes vietnamiennes ont acquis plus de libertĂŠs et de pouvoir qu’elles n’en avaient obtenu KVTRV BMPST MalgrĂŠ ces acquis indĂŠniables, on ne peut que constater une tendance lourde amorcĂŠe depuis une dizaine d’annĂŠes Ă savoir la privatisation des services publics, Ă commencer par les deux piliers que sont la santĂŠ et l’Êducation, dans le cadre d’une politique pudiquement dĂŠnommĂŠe ÂŤ socialisation Âť. Quels vont ĂŞtre les effets de cette disparition progressive de politiques publiques qui fragilise la place centrale occupĂŠe par la famille dans le tissu social et ĂŠconomique, notamment dans le secteur informel ? Autrement dit, dans un contexte de diffĂŠrenciation socio-ĂŠconomique accru oĂš les inĂŠgalitĂŠs ne cessent de se creuser FOUSF DJUBEJOT FU SVSBVY FOUSF 7JĚ?U FU FUIOJFT


minoritaires, etc., est-ce que la remise en cause du filet social garantissant un accès ĂŠgalitaire, ou tout au moins ĂŠquitable, aux services publics ĂŠlĂŠmentaires, ne risque pas de faire voler en ĂŠclats l’institution familiale et, par effet d’entrainement, de dĂŠstabiliser la sociĂŠtĂŠ dans son ensemble ? En guise de conclusion Ă cette synthèse RVFMRVF QFV EĂ?DPVTVF K BJNFSBJT BUUJSFS l’attention des participants sur une notion consubstantielle de celle de transition. Il s’agit de la notion de normes, comprise comme l’ensemble des règles et des valeurs sociales, ĂŠconomiques, politiques et culturelles qui dĂŠfinissent le cadre (lĂŠgal, comportemental, hiĂŠrarchique, spirituel,‌) au sein duquel se dĂŠveloppe la plupart des activitĂŠs d’un groupe humain organisĂŠ et qui se reconnaĂŽt

FO UBOU RVF UFM 4J M PO QSPKFUUF NBJOUFOBOU cette rĂŠalitĂŠ universelle sur la notion de transition, il paraĂŽt logique que la dimension de changement d’Êtats qui la caractĂŠrise et la distingue d’autres pĂŠriodes historiques, se matĂŠrialise par une sĂŠrie de transgressions et de reformulations des normes caractĂŠristiques d’une sociĂŠtĂŠ en mouvement. Aussi, et cela me semble pertinent pour les quatre ateliers, l’identification des normes et la reconstitution a posteriori de leur processus de transformation (abandon, conflits, transgression, productions de nouveaux rĂŠfĂŠrents) devraient fournir des indicateurs dynamiques permettant d’approcher la nature et l’ampleur du phĂŠnomène dĂŠnommĂŠ transition. Je vous remercie pour votre attention

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1BSUJF Ateliers

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2.1. Transition agraire Rodolphe De Koninck – universitĂŠ de MontrĂŠal, Jim Delaney – universitĂŠ de Toronto, Danielle LabbĂŠ – universitĂŠ de la Colombie-Britannique, Bruno Thibert – universitĂŠ de MontrĂŠal, Phấm Văn Cáťą – ICARGC, Jean-François Rousseau – universitĂŠ McGill

(Retranscription) JournĂŠe 1, matinĂŠe du lundi 19 juillet 2.1.1. Approche thĂŠorique intĂŠgrĂŠe de la transition agraire [Danielle LabbĂŠ][6] Nous allons commencer par une prĂŠsentation des stagiaires car nous tenons Ă ce que vous TPZF[ BV D”VS EF DFU BUFMJFS +F WFVY KVTUF succinctement aborder l’organisation de MB GPSNBUJPO /PVT BVSPOT BVKPVSE IVJ VOF session de prĂŠsentation sur la transition BHSBJSF QVJT FO ĂśO EF KPVSOĂ?F OPVT vous demanderons de nous prĂŠciser les informations et/ou les thèmes que vous aimeriez aborder et discuter. PrĂŠsentation des formateurs et des stagiaires (cf. biographies des formateurs, liste des stagiaires placĂŠe en fin de chapitre)

[Rodolphe De Koninck] Merci Ă tous pour ce tour de table. Je suis professeur titulaire de gĂŠographie Ă l’universitĂŠ de MontrĂŠal et ĂŠgalement titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ĂŠtudes asiatiques. Ce double statut rĂŠsulte d’une quarantaine d’annĂŠes d’implication dans la recherche et l’enseignement sur le Sud-Est asiatique. J’ai effectuĂŠ mes ĂŠtudes doctorales Ă M VOJWFSTJUĂ? EF 4JOHBQPVS EF Ă‹ FU EFQVJT MPST KF O BJ KBNBJT WSBJNFOU RVJUUĂ? cette rĂŠgion du monde. Ma thèse portait sur la banlieue maraĂŽchère de Singapour. J’Êtais alors confrontĂŠ Ă des gens qui vivaient sous le seuil de pauvretĂŠ mais aussi Ă des maraĂŽchers chinois qui s’en sont tous très bien sortis Ă l’Êpoque. La question de la QBVWSFUĂ? B UPVKPVST Ă?UĂ? BV DFOUSF EF NFT QSĂ?PDDVQBUJPOT -F QSFNJFS QSPKFU TPVT NB EJSFDUJPO QPSUBJU BV EĂ?CVU EFT BOOĂ?FT sur l’Êtude comparative de l’impact de la rĂŠvolution verte en Malaysia et en IndonĂŠsie, dans 64 villages.

[6] Les noms entre crochets dĂŠsignent les intervenants formateurs.

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Je dresse ce panorama afin de vous expliquer, en quelques mots, pourquoi nous en sommes Ă discuter de la transition agraire dans le cadre de cet atelier. Ces recherches entamĂŠes dans la rĂŠgion m’ont amenĂŠ Ă m’intĂŠresser, tout comme mes ĂŠtudiants, Ă une sĂŠrie de problèmes reliĂŠs, en QBSUJDVMJFS Ă‹ DF RVF K BQQFMMF MF j QSPCMĂ’NF de la forĂŞt Âť : comment gère-t-on les forĂŞts et les transforme-t-on en domaine agricole ? Ce RV PO BQQFMMF NBJOUFOBOU KF WBJT M FYQMJRVFS plus tard, la transition agraire. Qu’arrive t-il aux forĂŞts de la rĂŠgion du Sud-Est asiatique et pourquoi en a-t-on fait tant disparaĂŽtre aussi rapidement, en l’espace de trente ou quarante ans ? En 2003, nous nous sommes rassemblĂŠs, plusieurs chercheurs et universitaires, pour tenter de mettre en commun nos rĂŠflexions FU OPT QSPKFUT E BOBMZTF -F EĂ?CBU Ă?UBJU DFOUSĂ? sur des questions telles que : en quoi les transformations du Sud-Est asiatique sont-elles spĂŠcifiques ?, Comment ces transformations peuvent-elles ĂŞtre comprises Ă la lumière des connaissances sur la transition agraire et Ă la lumière du très important corpus littĂŠraire qui concerne les transformations des sociĂŠtĂŠs. Quels sont les mĂŠcanismes Ă l’œuvre dans le passage d’une sociĂŠtĂŠ agricole Ă une sociĂŠtĂŠ urbaine ? Et quels sont les problèmes qui rĂŠsultent de cette transition ? -F QSPKFU $I"54&" The Challenges of the Agrarian Transition in Southeast Asia, a ĂŠtĂŠ ĂŠvoquĂŠ Ă plusieurs reprises au cours des EFSOJFST KPVST FU OPVT BVSPOT M PDDBTJPO d’y revenir dans la mesure oĂš nous allons reprendre quelques dĂŠfinitions. Qu’estce que la transition agraire ? En quoi les transformations des pays de la rĂŠgion souscrivent-elles, ou pas, Ă la thĂŠorie, aux

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thĂŠories de la transition agraire ? Celle-ci est-elle utile ou inutile ? En quoi peut-on contribuer, Ă la lumière de ce qui se dĂŠroule en Asie du Sud-Est, Ă la thĂŠorie de la transition agraire ? Lors du tour de table, vous avez parlĂŠ de rĂŠduction de la pauvretĂŠ – en quoi la transition agraire peut-elle ou ne peut-elle QBT DPOUSJCVFS Ă‹ DFUUF SĂ?EVDUJPO 7PVT BWF[ ĂŠgalement abordĂŠ l’importante question du SĂ™MF EF M ²UBU +F WPVT SBQQFMMF RV Ă‹ M Ă?DIFMMF historique, lors des transformations de la sociĂŠtĂŠ agricole europĂŠenne vers une sociĂŠtĂŠ JOEVTUSJFMMF MF SĂ™MF EF M ²UBU O Ă?UBJU QBT EV UPVU DPNQBSBCMF Ă‹ DF RV JM FTU BVKPVSE IVJ "VDVO n’a mentionnĂŠ la mondialisation, ce qui est surprenant. Je souligne que le phĂŠnomène n’est certes pas nouveau mais son intensitĂŠ est ĂŠvidente. Nous dĂŠbattrons donc aussi du SĂ™MF EF MB NPOEJBMJTBUJPO EF MB QFSTQFDUJWF que l’on doit prendre pour ĂŠtudier la transition agraire lorsque l’on fait face Ă l’intensitĂŠ des processus de mondialisation dans lesquels nous sommes tous impliquĂŠs. La question foncière a ĂŠgalement ĂŠtĂŠ ĂŠvoquĂŠe par plusieurs d’entre vous. Je prĂŠcise que la dĂŠfinition mĂŞme de la transition agraire chez les premiers auteurs, Marx en particulier, traite d’abord et avant tout de la propriĂŠtĂŠ de la terre. La dĂŠfinition de la transition agraire est très liĂŠe Ă cette dĂŠfinition qui porte parfois Ă confusion, notamment avec les traductions en langue vietnamienne de transition agraire et transition foncière. Yves Perraudeau Je voudrais faire une remarque sur la notion de temps et l’accĂŠlĂŠration des processus. 1PVS MFT Ă?DPOPNJTUFT DFUUF FOUSĂ?F FTU JNQPS tante, le temps est souvent actif. Je vous renvoie tout simplement Ă la notion des taux


E JOUĂ?SĂ?UT -F UFNQT FTU GPOEBNFOUBM KF GBJT SĂ?GĂ?SFODF BVY USBWBVY EF 5IJFSSZ (PEJO TVS MFT NĂ?UBNPSQIPTFT EV GVUVS 5IJFSSZ (PEJO travaille sur la prospective Ă 2050 pour la France, ces travaux montrent bien comment l’unitĂŠ de temps se rĂŠtrĂŠcit. (MPCBMFNFOU EF M "OUJRVJUĂ? Ă‹ MB QĂ?SJPEF de Charlemagne, l’unitĂŠ de temps a ĂŠtĂŠ la KPVSOĂ?F 0O QSFOBJU MF MFWFS FU MF DPVDIFS EV TPMFJM JM Z BWBJU UBOU EF KPVSOĂ?FT QPVS FTUJNFS le temps de travail, ou plus simplement, le temps de dĂŠplacement, d’oĂš la notion mĂŞme EF j KPVSOBMJFS x EF USBWBJM Ă‹ MB KPVSOĂ?F 1VJT après, avec la dĂŠcouverte de l’heure, le rythme devient dictĂŠ par les ĂŠglises qui vont marquer MFT QĂ?SJPEFT EF MB KPVSOĂ?F BWFD EFT QBVTFT Z compris dans les champs. Dessins et peintures montrent, aux 18e et 19e siècles, ces temps dictĂŠs par le clocher de l’Êglise. Au 19e siècle et surtout au siècle dernier, la rĂŠfĂŠrence est le chronomètre avec l’organisation scientifique du travail ; avec Taylor, la rĂŠfĂŠrence devient MB TFDPOEF %FQVJT MFT BOOĂ?FT MB rĂŠfĂŠrence est globalement une impulsion ĂŠlectronique, le temps de rĂŠaction de nos ordinateurs. Cette accĂŠlĂŠration du temps, souvent ĂŠvoquĂŠe par Rodolphe De Koninck, dans les transitions et processus de transition doit ĂŞtre prise en compte. Cela me semble essentiel. [Rodolphe De Koninck] Je vais Ă prĂŠsent reprendre les grands dĂŠbats sur la transition agraire, en exploitant un peu ce que vous avez dit ce matin lors des prĂŠsentations. Cela m’amène Ă revenir Ă mon exposĂŠ en plĂŠnière et aux principaux processus que nous ĂŠtudions dans le cadre EV QSPKFU $I"54&" BJOTJ RVF MFT GFOĂ?USFT d’observations. Nous allons donc parler des caractĂŠristiques de la transition agraire,

DF RVF K BQQFMMF MFT QSPDFTTVT QVJT OPVT aborderons les mĂŠthodes d’apprĂŠhension en tenant compte de vos champs d’intĂŠrĂŞt. J’ai procĂŠdĂŠ au regroupement suivant sous EJòĂ?SFOUFT WPDBCMFT QBVWSFUĂ? GPODJFS SĂ™MF de l’État, urbanisation et pĂŠriurbanisation, spĂŠcificitĂŠs (rapiditĂŠ des changements, cadence), mĂŠthodes de travail. Notre ĂŠquipe avait prĂŠparĂŠ un certain OPNCSF EF TVKFUT RVF OPVT TPVIBJUJPOT privilĂŠgier. Mais nous allons essayer d’adapter cette dĂŠmarche aux questions que vous avez identifiĂŠes comme prioritaires. +F WBJT BVKPVSE IVJ QSFOESF CFBVDPVQ MB parole, ĂŞtre celui qui va prĂŠtendre aborder ces questions de façon plus dĂŠtaillĂŠe. Qu’est-ce que la pauvretĂŠ, et surtout pourquoi la pauvretĂŠ ? Les grands thĂŠoriciens de la transition agraire, ceux qui ont ĂŠtĂŠ les premiers Ă identifier ce concept et Ă parler de transition agraire, en l’occurrence Karl Marx, Karl Kautsky et Alexandre Chayanov – dont les travaux sont beaucoup ĂŠvoquĂŠs dans la revue Journal of Peasant Studies –, se sont posĂŠ cette question. Je vais donc tenter de vous rĂŠsumer, brièvement, l’essentiel de la thĂŠorie de la transition agraire dans la littĂŠrature marxiste. Il existe un lien très ĂŠtroit entre la thĂŠorie des classes sociales et la thĂŠorie de la transition agraire. Les questions essentielles soulevĂŠes par Marx, et ceux qui l’ont accompagnĂŠ, ĂŠtaient : pourquoi y a-t-il des inĂŠgalitĂŠs ?, pourquoi des riches et des pauvres ?, comment les riches deviennent-ils riches ? En termes simples, dans l’Êconomie politique marxiste, on identifie la source d’enrichissement autour de la question de la capture du surplus dans un système prĂŠ-capitaliste et de la valeur, de ce qu’on

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appelle aussi la plus-value dans un système capitaliste. Dans les sociĂŠtĂŠs prĂŠ-modernes ou fĂŠodales, le surplus ĂŠtait visible : il s’agissait de la production agricole dans les campagnes. Les paysans ĂŠtaient contraints de verser aux propriĂŠtaires des terres qu’ils cultivaient une large proportion de leur production. Ainsi, par exemple, le paysan qui produisait deux tonnes de riz devait en reverser une tonne ou une tonne et demie au propriĂŠtaire. C’est ce qu’on appelle l’appropriation du surplus. Nous sommes ici dans un système oĂš le rapport de production est d’abord et avant tout un rapport dans l’agriculture. Comment se fait-il alors que, dans ce type de sociĂŠtĂŠ, cette appropriation ait ĂŠtĂŠ acceptĂŠe par la population ? La rĂŠponse se trouve dans le recours Ă la coercition voire la violence, certes, mais aussi et sans doute surtout dans la construction d’un appareil idĂŠologique, EBOT VOF KVTUJĂśDBUJPO EJTDVSTJWF EBOT MF discours social du seigneur, du propriĂŠtaire : la QPODUJPO FTU VO EĂ&#x; #JFO Ă?WJEFNNFOU EBOT presque toutes les sociĂŠtĂŠs qui sont passĂŠes QBS DF NPEF EF QSPEVDUJPO MB SFMJHJPO B KPVĂ? VO SĂ™MF EĂ?UFSNJOBOU QPVS KVTUJĂśFS MB EJòĂ?SFODF entre les riches et les pauvres. La sociĂŠtĂŠ dite capitaliste se caractĂŠrise par un mode d’accumulation fondamentalement diffĂŠrent. Le mode d’appropriation est assez ĂŠvident mais le mode d’accumulation, MVJ EFWJFOU JOWJTJCMF 1SFOPOT VO FYFNQMF simple, que nous connaissons tous : le rapport de production qui caractĂŠrise la sociĂŠtĂŠ capitaliste, entre ceux qui sont propriĂŠtaires des moyens de production et les travailleurs qui n’ont, selon le langage de Marx, que leur force de travail Ă vendre : Imaginons le propriĂŠtaire d’une manufacture de chaussures. Ce propriĂŠtaire ne peut pas exercer une grande influence

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sur ses coĂťts de production, sauf sur les salaires qu’il verse Ă ses travailleurs, dans ce cas 30 travailleurs, lesquels produisent QBJSFT EF DIBVTTVSFT QBS KPVS $IBRVF paire ĂŠtant vendue 100 dollars, cela signifie une production quotidienne par travailleur d’une valeur de $3.000 ou totale de $90.000. Disons que le propriĂŠtaire paie DIBRVF USBWBJMMFVS EPMMBST QBS KPVS ce qui reprĂŠsente pour lui un dĂŠboursĂŠ quotidien de $3.000. Mais le propriĂŠtaire doit encourir bien d’autres coĂťts : matière première (dont le cuir), location du terrain, CÉUJNFOUT NBDIJOFSJF Ă?OFSHJF TBMBJSFT de ses autres employĂŠs, en particulier administratifs, immobilisation du capital, etc. Ces coĂťts additionnels s’Êlèvent Ă QBS KPVS - Ă?RVBUJPO RVJ FO SĂ?TVMUF est : $90.000 dollars de revenu brut, moins $83.000 [3.000 + 80.000] en coĂťts de production. Ainsi, quotidiennement, le propriĂŠtaire peut empocher un profit de RVJ DPSSFTQPOE Ă‹ MB QMVT WBMVF laquelle est ici invisible aux yeux de ceux qui en sont responsables, les travailleurs de la manufacture. Dans l’agriculture prĂŠ-capitaliste, le surplus que le propriĂŠtaire accumule et qui lui permet EF TF DPOTUSVJSF VO DIÉUFBV E FOHBHFS du personnel, des soldats notamment, est WJTJCMF $FVY RVJ GPOU M PCKFU EV QSĂ?MĂ’WFNFOU voient ce qui se passe mais sont obligĂŠs de l’accepter pour des raisons idĂŠologiques, mais aussi parce qu’ils sont menacĂŠs de violence physique s’ils se rĂŠvoltent. Dans le système capitaliste, ce que Marx appelle l’extorsion de la plus-value est invisible. Ă€ l’Êchelle historique, la question de la transition agraire se pose donc en ces termes : comment une sociĂŠtĂŠ passe-t-elle d’un système oĂš l’extorsion et


l’appropriation sont visibles Ă un système oĂš elles sont invisibles ? Nous sommes partis du thème de la pauvretĂŠ, puis des inĂŠgalitĂŠs. Comment rĂŠduit-on la pauvretĂŠ qui est caractĂŠristique des sociĂŠtĂŠs agraires, oĂš il existe une fracture ĂŠnorme entre une classe de gens très riches et une NBKPSJUĂ? EF HFOT QBVWSFT Ă‹ VOF TPDJĂ?UĂ? PĂĄ le lieu et le mode d’appropriation du surplus sont d’abord urbains et industriels ? Dans le passage du mode de production agricole, rural, Ă un mode de production urbain et JOEVTUSJFM MF SĂ™MF EF M ²UBU FU MB RVFTUJPO foncière sont fondamentaux. La principale source de richesses des grands QSPQSJĂ?UBJSFT GĂ?PEBVY FTU KVTUFNFOU MB QSP priĂŠtĂŠ de la terre. Dans l’histoire et l’interprĂŠtation de la transition agraire, en particulier dans le contexte europĂŠen et d’abord anglais, une ĂŠtape est particulièrement importante : le ÂŤ mouvement des enclosures Âť. Le terme vient de l’anglais mais on l’emploie BVTTJ FO GSBOĂŽBJT MB DMĂ™UVSF EFT QÉUVSBHFT communaux ou des terres communales telle qu’elle s’est produite en Angleterre Ă compter du 16e siècle. Ce qui caractĂŠrise alors la sociĂŠtĂŠ fĂŠodale europĂŠenne – mais cela existait dans bien des sociĂŠtĂŠs asiatiques –, est que, au-delĂ des grands domaines GPODJFST MFT HSBOET TFJHOFVST DPOUSĂ™MBJFOU les terres communales. Il s’agissait souvent d’un espace forestier dans lequel les paysans pauvres, qui devaient verser la moitiĂŠ de leurs productions au propriĂŠtaire, pouvaient aller chercher du bois de chauffe ou de cuisson, pour chasser ou mĂŞme faire fourrager ou pacager leur petit bĂŠtail.

Les enclosures caractĂŠrisent un processus selon lequel les grands propriĂŠtaires terriens dĂŠcident de prendre possession des terres et GPSĂ?UT DPNNVOBMFT FO MFT DMĂ™UVSBOU ÂŤ C’est fini, vous ne pouvez plus vous rendre sur ces terres-lĂ ! DĂŠsormais, nous les utiliserons nous-mĂŞmes Âť. Sur ces terres communales, les seigneurs vont placer, dans le cas de l’Angleterre surtout, du bĂŠtail, gĂŠnĂŠralement des moutons pour la QSPEVDUJPO EF MBJOF 1PVSRVPJ EFT NPVUPOT et de la laine ? Ă€ cette ĂŠpoque, la laine devient de plus en plus importante : les mĂŠtiers Ă tisser qui sont progressivement implantĂŠs dans les villes permettent la transformation de la matière première de façon bien plus rentable pour la confection de vĂŞtements < >. La laine obtenue pouvait ĂŞtre vendue dans les villes Ă des manufactures en plein essor et souvent tenues par ces mĂŞmes propriĂŠtaires. Qui travaillait dans les manufactures ? Très souvent des paysans, qui au moment de la fermeture EFT QÉUVSBHFT DPNNVOBVY POU Ă?UĂ? SVJOĂ?T $FT QÉUVSBHFT Ă?UBJFOU FO FòFU JOEJTQFOTBCMFT Ă la survie des paysans. Ceux-ci avaient très peu de revenus, ĂŠtaient très pauvres puisqu’ils reversaient au moins la moitiĂŠ de leur rĂŠcolte aux grands propriĂŠtaires. Comme EĂ?KĂ‹ NFOUJPOOĂ? MFT UFSSFT DPNNVOBMFT reprĂŠsentaient des rĂŠserves de bois, de petit gibier et permettaient de faire pacager les quelques moutons ou vaches et chèvres que pouvaient possĂŠder les paysans. Ceux-ci ont ainsi ĂŠtĂŠ de plus en plus contraints d’aller travailler en ville, dans les usines de tissage de la laine. Cela dit, il faut comprendre que la transition agraire est un long processus historique, reposant sur des inventions, des

< > 7PJS OPUBNNFOU 1BUSJDL 7FSMFZ -B S�WPMVUJPO JOEVTUSJFMMF ." ²EJUJPOT Q +FBO 1JFSSF 3JPVY -B S�WPMVUJPO JOEVTUSJFMMF ²EJUJPOT EV 4FVJM Q

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transformations sociales et de nouvelles lĂŠgislations. Ainsi, l’adoption de la lĂŠgislation consacrant la pratique des ÂŤ enclosures Âť en Angleterre est aussi tardive que le 19e siècle. Elle a consacrĂŠ l’accĂŠlĂŠration de la transformation de l’industrie de la laine, devenue le moteur la rĂŠvolution industrielle dès la fin du 18e et le dĂŠbut du 19e siècle en Angleterre. Après la laine, ce sera au tour du coton. S’Êtablissent alors des liens de plus en plus ĂŠtroits entre la ville et les campagnes, lĂ oĂš l’utilisation du sol ĂŠvolue elle-mĂŞme rapidement, alors que l’accumulation principale se rĂŠalise de plus en plus dans le monde urbain. Les implications sont phĂŠnomĂŠnales ! Je ne vais pas ici toutes MFT Ă?WPRVFS NBJT KF WPVESBJT SFWFOJS quelques instants sur le coton. L’Êchelle de l’accumulation fondĂŠe sur l’Êlevage du mouton, pratiquĂŠ sur des terres additionnelles rĂŠquisitionnĂŠes par les grands propriĂŠtaires agricoles, qui deviennent progressivement les bourgeois industriels, s’est grandement ĂŠlargie avec la pĂŠriode coloniale, surtout au 19e siècle : la matière première industrielle textile est dĂŠsormais le coton. Or le coton ne pousse pas en Angleterre, ni en France ou ailleurs en Europe ; sa croissance est possible sous des climats intermĂŠdiaires de type plus ou moins mĂŠditerranĂŠens, comme en Égypte, en Inde ou en AmĂŠrique, notamment dans le bassin infĂŠrieur du Mississippi. Au moment oĂš l’accumulation devient de plus en plus mondiale, le coton des colonies va ĂŞtre utilisĂŠ dans les usines europĂŠennes d’Angleterre, EF 'SBODF EV 1PSUVHBM PV FODPSF E &TQBHOF Je vous rappelle, par exemple, que les États6OJT POU Ă?UĂ? VOF DPMPOJF CSJUBOOJRVF FU RVF M JOEVTUSJF EV DPUPO FTU KVTUFNFOU EFWFOVF VO

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ĂŠnorme business dans le bassin du Mississipi, dans le Nord de l’Inde, dans le delta du Nil. Deux ĂŠlĂŠments deviennent alors cruciaux : MF SĂ™MF EF M ²UBU FU MF EPVCMF QSPDFT TVT d’urbanisation et d’industrialisation. Ce sont d’abord dans les villes que ces activitĂŠs de transformation de matières premières agricoles se rĂŠalisent. Avec l’urbanisation, avec la concentration des populations dans les villes, se posent de nouveaux problèmes : logements, amĂŠnagements urbains, santĂŠ, etc. Dans un premier temps, l’État intervient très peu ; la gestion est aux mains de capitalistes : il y a beaucoup de pauvretĂŠ, les travailleurs sont peu payĂŠs, ils travaillent KVTRV Ă‹ EPV[F IFVSFT QBS KPVS 1BS BJMMFVST MFT colonies deviennent un ĂŠlĂŠment essentiel de la transformation de l’Europe ; elles sont la source de matières premières – le coton, ultĂŠrieurement le caoutchouc pour l’automobile, etc. –, et de dĂŠbouchĂŠs pour les exportations. En effet, les textiles europĂŠens, et en particulier les textiles anglais, s’exportent largement vers les pays producteurs de coton. J’insiste sur le lien dynamique qui se crĂŠe entre les campagnes et les villes. Les premières fournissent aux secondes, via les migrations, une bonne partie de la main-d’œuvre, tous comme des matières premières, alors que progressivement, l’Êchelle du phĂŠnomène devient planĂŠtaire. Il y a surtout un lien direct entre la crĂŠation de la richesse et la crĂŠation de la pauvretĂŠ Ă l’Êchelle de la planète. 1SFOPOT VO FYFNQMF DPODSFU -F DPUPO est produit dans le domaine colonial CSJUBOOJRVF FO ²HZQUF BVY ²UBUT 6OJT FU FO Inde. Rappelons que, dans ce dernier cas, FO QBSUJDVMJFS BV #FOHBMF M JOEVTUSJF UFYUJMF traditionnelle ĂŠtait très prospère avant


la période coloniale. Lorsque l’industrie britannique de production de tissu de coton est devenue de plus en plus productive – amélioration des machines, accroissement des importations de coton –, les marchés européens n’ont pu absorber tout le tissu produit. Les surplus ont donc été destinés aux exportations, vers l’Inde notamment, dont la population était nombreuse. Comment a-t-on alors procédé pour exporter des textiles d’un pays industriel vers un pays où les textiles sont produits à moindre coût ? En forçant l’achat de textiles, tout en détruisant l’industrie textile locale. Il s’agit là de l’un des épisodes de l’histoire coloniale qu’il importe de retenir. Dans le contexte du développement de la prospérité de l’industrie européenne, il

Figure

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y a eu recours à la violence pour casser, en quelque sorte, la production et les hommes : à Calcutta, les maîtres coloniaux ont ordonné la mutilation des tisserands locaux dont on a amputé les index. L’industrie textile indienne a été détruite, à la fois par des méthodes économiques – dumping – et par la violence : on a non seulement détruit des métiers à tisser, on a mutilé des milliers de tisserands dans les grandes villes. Il faut comprendre que, dans l’historique de la transition agraire, que ce soit en Europe ou au Japon à compter de la fin du 19e siècle, l’accès aux marchés mondiaux, quelles que soient les méthodes utilisées, devient essentielle.

Structure du projet CHATSEA

Source : Projet “Challenges of the Agrarian Transition on Southeast Asia” (CHATSEA).

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En faisant le lien avec les processus fondamentaux de la transition agraire telle que nous l’Êtudions, Ă savoir l’intensification FU M FYQBOTJPO EF M BHSJDVMUVSF KF SBQQFMMF que les ĂŠlĂŠments prĂŠcĂŠdemment ĂŠvoquĂŠs concernant la transformation des campagnes anglaises – comme l’Êlevage intensif des moutons – reprĂŠsentent une forme d’intensification de l’agriculture. Quant Ă l’expansion, son histoire est aussi associĂŠe Ă celle de l’histoire coloniale, Ă l’ouverture de nouveaux espaces agricoles pour produire de la matière première comme le coton. Nous pourrions ĂŠgalement ĂŠvoquer les cas du cafĂŠ et du cacao, cultivĂŠs dans les pays tropicaux, mais largement destinĂŠs aux marchĂŠs des pays industriels, lĂ oĂš d’ailleurs l’essentiel de la torrĂŠfaction du cafĂŠ ou de la fabrication du chocolat est rĂŠalisĂŠ ; tout comme du caoutchouc, cultivĂŠ dans plusieurs pays du Sud-Est asiatique. On peut ici penser aux plantations de Michelin en Cochinchine, dès l’Êpoque coloniale, pour l’industrie automobile française. Nous verrons, d’un point de vue très contemporain, l’importance de ce double phĂŠnomène d’intensification et d’extension. Nous examinerons aussi chacun des processus ĂŠvoquĂŠs dans ce graphique, et qui TPOU FO MJFO BWFD DF RVF KF WJFOT E FYQPTFS urbanisation, industrialisation, intĂŠgration marchande – market integration, c’est-Ă -dire le conditionnement de la production agricole au marchĂŠ. Il ne s’agit plus simplement de produire pour s’alimenter, la production vivrière est de plus en plus conditionnĂŠe par les mĂŠcanismes du marchĂŠ. Cette ĂŠvolution agraire implique aussi des dĂŠplacements de population, des migrations : des campagnes vers les villes mais aussi des migrations internationales, avec les nouveaux espaces

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BHSJDPMFT FU MFT QĂ™MFT EF EĂ?WFMPQQFNFOU industriel et urbain qui se crĂŠent. Les nouvelles formes de production, agricoles ou industrielles, qui sont associĂŠes Ă la transition agraire ont nĂŠcessitĂŠ Ă travers l’histoire, et de QMVT FO QMVT BVKPVSE IVJ EFT SĂ?HMFNFOUBUJPOT – regulations. Il faut que la production industrielle, par exemple, respecte un certain nombre de normes, que la production agricole ne dĂŠtruise pas, ou pas totalement, l’environnement naturel. L’intensification agricole repose sur un recours de plus en plus systĂŠmatique aux engrais, aux insecticides, ou aux pesticides alors que l’expansion agricole se rĂŠalise gĂŠnĂŠralement par dĂŠforestation. L’urbanisation et l’industrialisation dĂŠpendent de plus en plus des matières premières et de l’Ênergie, l’agriculture ĂŠgalement. Cela a des consĂŠquences ĂŠvidentes, que Marx BWBJU EĂ?KĂ‹ TPVMJHOĂ?FT MPST EF TFT DSJUJRVFT du dĂŠveloppement industriel, sur la destruction de la nature. En Asie du Sud-Est, le dĂŠveloppement urbain et le dĂŠveloppement agricole posent des problèmes considĂŠrables de gestion de l’eau et des flux de transports ainsi que de production d’Ênergie.

JournĂŠe 1, après-midi du lundi 19 juillet [Rodolphe De Koninck] *M T BHJU EF SĂ?TVNFS DF RVF KF WPVT BJ FYQPTĂ? FO termes simples et, Ă la limite, assez rĂŠducteurs sur la transition agraire. Je tiens Ă prĂŠciser que K BJ EĂ?KĂ‹ GBJU VO DPVST EF RVBSBOUF DJOR IFVSFT sur la transition agraire, et que mon exposĂŠ de ce matin n’Êtait que d’une petite heure ! Ainsi de nombreux exemples n’ont pas pu ĂŞtre ĂŠvoquĂŠs et surtout bien des nuances O POU QBT Ă?UĂ? Ă?UBCMJFT %FQVJT DF NBUJO K BJ


discutĂŠ avec l’un d’entre vous et il me semble important de revenir sur certains ĂŠlĂŠments de ma prĂŠsentation. Je rappelle que l’industrialisation de la production du textile a commencĂŠ avec la laine QVJT MF DPUPO 1PVSRVPJ MF DPUPO 1BSDF que le fil de coton se tisse beaucoup plus rapidement, est beaucoup moins fragile et casse moins ; le recours au coton permet donc de produire plus de vĂŞtements, plus FĂłDBDFNFOU %F OPT KPVST MF DPUPO FTU infiniment plus important que la laine. Le problème est que cette plante ne pousse pas dans les pays tempĂŠrĂŠs, on ne peut pas cultiver le coton en Angleterre, en France, en Allemagne ou en Europe en gĂŠnĂŠral. Le coton est une culture de pays intertropical, il pousse dans les rĂŠgions chaudes bĂŠnĂŠficiant d’une vĂŠritable saison sèche : Asie centrale, Nord de l’Inde, basse vallĂŠe du Nil, Centre4VE EFT ²UBUT 6OJT MF DPUPO FTU BVTTJ QSPEVJU FO $IJOF BVKPVSE IVJ QSFNJFS QSPEVDUFVS NPOEJBM UPVU DPNNF BV 1BLJTUBO BV #SĂ?TJM etc. La demande en coton s’est accrue lorsque l’on a dĂŠcouvert que cette matière pouvait ĂŞtre tissĂŠe d’une façon plus efficace que la laine. Les Anglais se sont installĂŠs dès le e siècle en Inde, et en ont progressivement QSJT MF DPOUSĂ™MF - JOUFOTJĂśDBUJPO FU M FYQBOTJPO de cette culture ont ĂŠtĂŠ favorisĂŠes dans le domaine colonial, y compris, ultĂŠrieurement, le domaine colonial indien sous tutelle britannique. La production de tissu de coton par une industrie britannique en plein essor s’est ainsi trouvĂŠe en compĂŠtition, via les marchĂŠs internationaux, avec la production artisanale locale. Le principe fondamental, rappelons-le, est que l’agriculture cède progressivement la place Ă l’industrie comme principale source d’accumulation. Dans toutes les formes de

transition agraire, il existe une relation dite de classe qui caractĂŠrise le mode de production. Ă€ l’Êpoque fĂŠodale, la relation dominante s’Êtablit entre le seigneur, le propriĂŠtaire terrien et les paysans ; dans le mode de production qui presque partout a succĂŠdĂŠ, c’est-Ă -dire le mode de production capitaliste, la relation principale s’Êtablit entre les capitalistes et les prolĂŠtaires ou, si vous prĂŠfĂŠrez, les travailleurs. 7PJMĂ‹ MF NPEĂ’MF + BKPVUF RVF MFT UIĂ?PSJDJFOT de la transition agraire classique avaient tous prĂŠdit que ce modèle se transformerait en ÂŤ grande agriculture capitaliste Âť, que les petites unitĂŠs de production disparaĂŽtraient. En d’autres mots que l’agriculture serait uniquement composĂŠe de grandes unitĂŠs, de grandes propriĂŠtĂŠs et que le travail serait collectif. C’est Ă partir de cette idĂŠe qu’une des grandes erreurs de l’histoire a ĂŠtĂŠ commise : le communisme a essayĂŠ d’appliquer ce principe selon lequel l’agriculture devait fonctionner sur des bases collectives. Quelle a ĂŠtĂŠ la principale source d’Êchec ĂŠconomique propre Ă tous les rĂŠgimes communistes ? Que ce soit les rĂŠgimes soviĂŠtique, chinois ou vietnamien, M BHSJDVMUVSF O Z B KBNBJT SĂ?VTTJ TVS VOF CBTF collective, Ă atteindre une productivitĂŠ, Ă assurer une croissance comparables Ă celles atteintes dans bien des pays dits capitalistes, Z DPNQSJT BV 7JĚ?U /BN EFQVJT MB SĂ?GPSNF EF 1986 et la dĂŠcollectivisation de l’agriculture. L’Êchec est attribuable Ă la nature du travail, au principe selon lequel, dans l’agriculture, le USBWBJM DPMMFDUJWJTĂ? O FTU KBNBJT BVTTJ QSPEVDUJG que le travail individualisĂŠ (Il y aurait beaucoup plus Ă dire sur cette question). On pense ĂŠgalement au cas de l’agriculture cubaine, très peu productive. -B RVFTUJPO EV SĂ™MF EF M BHSJDVMUVSF EBOT MB transition agraire nous amène aux spĂŠcificitĂŠs

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de l’Asie du Sud-Est. Est-ce que la transition agraire dans le Sud-Est asiatique rĂŠpond Ă ces grands principes : accumulation de plus en plus vers les villes et dans les villes, transferts EF QPQVMBUJPO SĂ™MF FTTFOUJFM EF M ²UBU 2VFMMFT sont les spĂŠcificitĂŠs de la transition agraire et ses consĂŠquences dans le contexte sud-est asiatique ? Ces questions nous amènent donc BV QSPKFU $I"54&" FU BVY QSPDFTTVT RVF OPVT BWPOT NFOUJPOOĂ?T QSĂ?DĂ?EFNNFOU .BJT KF voudrais m’attarder quelque instant sur les fenĂŞtres d’observations, ÂŤ mondialisation, acteurs, conditions de vie et territorialitĂŠ Âť. 1PTPOT VOF RVFTUJPO RVFM FTU MF QPJET de la mondialisation dans l’expansion et l’intensification agricoles sud-est asiatiques ? Il s’agit d’examiner du point de vue de la mondialisation les processus caractĂŠristiques de la transition agraire EĂ?KĂ‹ Ă?WPRVĂ?T JOUFOTJĂśDBUJPO FU FYQBOTJPO agricoles, urbanisation et industrialisation, intĂŠgration marchande, migrations, rĂŠgulation ou rĂŠglementations, transformations environnementales. Cela tient ainsi lieu de structuration mĂŠthodologique. Comment peut-on ĂŠtudier ces processus du point de vue de la mondialisation ? Quel est le lien, par exemple, entre mondialisation et SĂ?HMFNFOUBUJPOT 1SFOPOT M FYFNQMF EV 7JĚ?U /BN RVJ JOWFTUJU EF QMVT FO QMVT EBOT des productions pour le marchĂŠ mondial, notamment dans l’aquaculture, l’Êlevage de poissons en ĂŠtangs. Cette activitĂŠ est devenue une importante source d’exportation, mais pour ce faire les producteurs vietnamiens doivent en principe respecter une rĂŠglementation, c’est-Ă -dire qu’ils doivent se soumettre Ă tout un ensemble de règles environnementales, sanitaires, etc. Dans le cas DPOUSBJSF MFT ²UBUT 6OJT JNQPSUFVST QSJODJQBVY de la production, suspendent les achats.

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Évidemment, la rĂŠglementation s’applique ĂŠgalement Ă la production industrielle. La ÂŤ scène Âť de la transition agraire se compose aussi d’intervenants non-ĂŠtatiques et non directement impliquĂŠs, ceux que l’on appelle en anglais les stakeholders, en particulier les PSHBOJTBUJPOT OPO HPVWFSOFNFOUBMFT 0/( En ÂŤ croisant Âť les six processus et les quatre fenĂŞtres, dont celle des acteurs, l’appareil analytique s’avère particulièrement riche et permet d’observer plusieurs des dynamiques EF MB USBOTJUJPO BHSBJSF %BOT MF DBT EV QSPKFU ChATSEA, nous avons privilĂŠgiĂŠ les ĂŠtudes longitudinales ou diachroniques de villages, c’est-Ă -dire sur une longue pĂŠriode de temps. Nous avons gĂŠnĂŠralisĂŠ cette mĂŠthode, et plusieurs de nos chercheurs sont retournĂŠs, comme moi, dans des villages que nous avions ĂŠtudiĂŠs il y a vingt ans ou trente ans. C’est ĂŠgalement la dĂŠmarche exposĂŠe par $ISJTUPQIF (JSPOEF FO TĂ?BODF QMĂ?OJĂ’SF avec un retour sur son terrain de recherche après une dizaine annĂŠes, et une approche comparative sur les changements fonciers, du niveau de l’emploi, les migrations. Ce matin, nous avons parlĂŠ des problèmes de la pauvretĂŠ. Comment se fait-il que des gens qui produisent de la nourriture soient pauvres ? Comment se fait-il qu’en Afrique les gens soient pauvres, qu’ils n’aient pas assez Ă manger alors qu’ils sont agriculteurs ? Il s’agit ici des conditions de vie – livelihood. Ce point de vue peut ĂŞtre examinĂŠ dans le cadre d’une ĂŠtude longitudinale : en quoi et comment les conditions de subsistance ont-elles ĂŠvoluĂŠ dans tel ou tel village ? Les acteurs du changement dans toute communautĂŠ villageoise sont non seulement les villageois, avec une palette de stratĂŠgies – poursuivre ou pas l’agriculture, travailler en ville, pratiquer M JNNJHSBUJPO o NBJT BVTTJ M ²UBU "V 7JĚ?U


/BN FO QBSUJDVMJFS TPO SĂ™MF FTU DPOTJEĂ?SBCMF Il intervient indirectement par ses politiques, l’aide qu’il fournit, l’encadrement, l’Êducation, les infrastructures, etc. L’État est un acteur NBKFVS NBJT JM O FTU QBT TFVM JM Z BVTTJ MFT acteurs privĂŠs, les entreprises, dont les NVMUJOBUJPOBMFT -B NPOEJBMJTBUJPO BJOTJ KPVF VO SĂ™MF EĂ?UFSNJOBOU EBOT DFT USBOTGPSNBUJPOT qui ont lieu au sein de toutes les communautĂŠs rurales du sud-est asiatique. 1SFOPOT M FYFNQMF EF WJMMBHFT QSPEVDUFVST EF DBGĂ? TVS MFT IBVUT QMBUFBVY EV 7JĚ?U /BN BV ĂĽĚƒL -ĚƒL QBS FYFNQMF -B GPSUVOF PV l’infortune, des activitĂŠs est dans cette rĂŠgion directement liĂŠe au prix du cafĂŠ sur le marchĂŠ mondial. Le gouvernement vietnamien, tout comme les paysans vietnamiens, ne peuvent SJFO Z GBJSF -B CPVSTF EV DBGĂ? Ă‹ 4BO 1BVMP BV #SĂ?TJM ĂśYF MFT QSJY Il faut tenir compte de la spatialitĂŠ, le changement d’Êchelle ĂŠtant fondamental. "JOTJ KF SFQSFOET NPO FYFNQMF DPODFSOBOU MFT )BVUT 1MBUFBVY EV 7JĚ?U /BN *M GBVU UFOJS compte du prix du cafĂŠ mais aussi des acteurs impliquĂŠs : les producteurs, les minoritĂŠs ethniques – qui en gĂŠnĂŠral ont ĂŠtĂŠ dĂŠplacĂŠes et qui souvent travaillent pour le compte des petits planteurs Kinh – l’État et ses politiques. L’analyse qui ne tient compte que de ce qui se passe dans un village, comme le font souvent les anthropologues, est excellente mais, au fond, il faut aussi tenir compte de ce qui se passe Ă une ĂŠchelle beaucoup plus large : des ĂŠlĂŠments de relation entre les communautĂŠs, des relations avec les villes, des migrations, des dĂŠplacements de population, des infrastructures. Les ĂŠlĂŠments spatiaux, de territorialitĂŠ, sont pluriels et doivent ĂŞtre pris en compte, cela nĂŠcessitant donc une analyse appelĂŠe en gĂŠographie ÂŤ multiscalaire Âť. Ainsi, lorsque l’on examine un village en prenant

un peu d’altitude, on constate qu’il semble bien organisĂŠ, avec un temple bien placĂŠ, un cours d’eau le long duquel se rĂŠpartissent les maisons. Si l’on prend des clichĂŠs aĂŠriens, on s’apercevra que tous les villages sont le long du mĂŞme cours d’eau, qu’une organisation spatiale spĂŠcifique permet de comprendre la façon dont le cafĂŠ qui est produit est acheminĂŠ vers les marchĂŠs. Ă€ une ĂŠchelle encore plus large, l’analyse d’images satellitaires permettra EF WPJS VOF MBSHF QPSUJPO EFT )BVUT 1MBUFBVY EV $FOUSF 7JĚ?U /BN FU DPNCJFO MF DBGĂ? T FTU ĂŠtendu au dĂŠtriment de la forĂŞt, que des villages de communautĂŠs ethniques ont ĂŠtĂŠ dĂŠplacĂŠs, etc. Nous pourrions multiplier les exemples d’articulation de ces processus et d’angles d’analyses permettant d’observer et d’interprĂŠter un nombre considĂŠrable d’ÊlĂŠments de la transition agraire. Est-ce que les processus et fenĂŞtres d’observation ĂŠvoquĂŠs vous semblent comprĂŠhensibles ? Nous pourrions DPNNFODFS Ă‹ FO EĂ?CBUUSF : NBORVF U JM quelque chose selon vous ? Le point de vue de l’ethnicitĂŠ peut-il ĂŞtre dĂŠfini comme une fenĂŞtre d’observation ? [Danielle LabbĂŠ] ²UBOU NPJ NĂ?NF Ă?UVEJBOUF EF EPDUPSBU K BJ certaines questions par rapport au modèle que ChATSEA a utilisĂŠ. Si on prend le cas EV 7JĚ?U /BN RVJ NF TFNCMF VO CPO DBT EF ĂśHVSF KF QFOTF RVF M PO EPJU TF QPTFS MB RVFTUJPO PĂĄ DPNNFODF FU PĂĄ ĂśOJU MF SĂ™MF de l’État ? Les anciennes coopĂŠratives ont ĂŠtĂŠ semi-privatisĂŠes, s’agit-il de l’État ou parle-t-on seulement du gouvernement central ? Inclut-on dans l’État, les instituts de recherche qui sont sous la tutelle ĂŠtatique ? Qu’en est-il des anciennes entreprises d’État Ă prĂŠsent privatisĂŠes mais qui ont gardĂŠ des

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MJFOT USĂ’T Ă?USPJUT BWFD DFMVJ DJ 1BS BJMMFVST MF NPU j DVMUVSF x O B KBNBJT Ă?UĂ? QSPOPODĂ? Les transformations actuelles sont-elles le rĂŠsultat de processus applicables partout, et indĂŠpendamment des cultures locales ? [Jean-François Rousseau] Les questions que nous abordons sont souWFOU WVFT DPNNF EFT QSPKFUT E FYQBOTJPO EV capitalisme influencĂŠs par la mondialisation. La modernisation aurait-elle pu ĂŞtre une fenĂŞtre au mĂŞme titre que la mondialisation ? Dans quelle mesure peut-on distinguer ces deux concepts ? [Danielle LabbĂŠ] Il m’apparaĂŽt problĂŠmatique d’identifier les BDUFVST 1FVU PO OPNNFS MFT BHFOUT EV changement en s’en tenant uniquement Ă l’État ? Examinons par exemple la question foncière. La loi foncière est-elle au cĹ“ur de la dynamique ou bien vient-elle entĂŠriner des pratiques locales ? Didier Orange J’ai une question de mĂŠthode et une autre portant sur le monde agricole. La mĂŠthode QSPQPTĂ?F JDJ QFSNFU FMMF EF TĂ?QBSFS MF SĂ™MF de l’État de la dĂŠcision individuelle ? Les rĂŠseaux sociaux sont-ils inclus dans la fenĂŞtre conceptuelle des acteurs ? On a beaucoup parlĂŠ de la pauvretĂŠ dans le monde agricole, que dire de la pauvretĂŠ urbaine ? Enfin, vous avez dit que la nature du travail collectif, surtout dans l’agriculture, ĂŠtait peu efficace, peut-on ĂŠmettre le mĂŞme constat dans d’autres secteurs d’activitĂŠ ?

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Les thÊmatiques interrogÊes sont inscrites au tableau : modernisation ; État, dÊcision individuelle ; culture ; rÊseaux sociaux, acteurs ; pauvretÊ urbaine ; travail collectif, efficacitÊ (secteurs).

[Rodolphe De Koninck] %BOT MF DBESF EV QSPKFU $I"54&" DIFSDIFVST et ĂŠtudiants dĂŠfinissent les rĂŠseaux sociaux comme des acteurs. La question de la pauvretĂŠ rurale/urbaine me fait penser Ă quel point nous devons ĂŞtre conscients qu’à des fins analytiques on oppose la ville Ă la campagne, l’État aux individus, l’agriculture Ă l’industrie. Ces dichotomies Ă caractère analytique trahissent quelquefois la rĂŠalitĂŠ dans la mesure oĂš il y a des continuums. Si l’on prend l’exemple ville/campagne, au 7JĚ?U /BN PV Ă‹ +BWB PĂĄ MB TJUVBUJPO FTU FODPSF plus impressionnante, la ville ne s’arrĂŞte pas, la campagne ne commence pas ; l’agrĂŠgation du rural et de l’urbain est particulièrement marquĂŠe. Ceci dit, vous avez raison de poser la question. La pauvretĂŠ urbaine existe et elle est ĂŠtudiĂŠe. Je rappelle qu’à des fins analytiques FU EJEBDUJRVFT KF TVJT QBSUJ EF QSĂ?PDDVQBUJPOT que plusieurs d’entre-vous ont ĂŠvoquĂŠes DF NBUJO DPODFSOBOU MB QBVWSFUĂ? FU MF SĂ™MF de l’État dans la rĂŠduction de la pauvretĂŠ. La crĂŠation de richesse crĂŠe de la pauvretĂŠ notamment par appropriation des surplus. ÂŽ RVFM OJWFBV QBSMF U PO E ²UBU #JFO TĂ&#x;S il y a un gouvernement vietnamien, des politiques mises en Ĺ“uvre mais la mise en application tout comme les rĂŠpercussions Ă l’Êchelle locale des politiques et des dĂŠcisions et des investissements impliquent des individus, des contradictions et des dĂŠcisions. Des individus vont exploiter les dĂŠcisions


de l’État Ă leur profit, on parle alors de corruption. ReprĂŠsentent-ils alors l’État dans ce contexte ? Le terme ÂŤ modernisation Âť est un mot très vague qui peut dĂŠsigner aussi bien la transition agraire, que le dĂŠveloppement ou l’urbanisation. J’essaie d’Êviter son emploi. Comment dĂŠfinit-on la modernisation ? Je WPVT BWPVF RVF KF USPVWF CFBVDPVQ QMVT difficile de dĂŠfinir ce terme que celui de transition agraire. 7PVT BWF[ Ă?WPRVĂ? MF SĂ™MF EF MB DVMUVSF + BJ RVBOU Ă moi ĂŠvoquĂŠ la question de l’ethnicitĂŠ. Certes, il existe des spĂŠcificitĂŠs vietnamiennes qui sont parfois dĂŠterminantes. Il faut cependant Ă?WJUFS EF UPNCFS KF DSPJT EBOT MF QJĂ’HF universel consistant Ă dire ÂŤ les Vietnamiens, ils ne sont pas comme les Lao, ils ne sont pas comme les Khmers Âť ou ÂŤ les Français, ils ne sont pas comme les Allemands ni les Anglais Âť. Il faut ĂŠviter de tomber dans des dĂŠterminismes culturels ou environnementaux. Il reste un point important : la question du travail collectivisĂŠ. Je vais essayer d’être très synthĂŠtique. J’ai pris trois exemples les plus JNQPSUBOUT MB 3VTTJF MB $IJOF FU MF 7JĚ?U /BN J’ai affirmĂŠ que le principal moteur de l’Êchec ĂŠconomique de ces rĂŠvolutions dites communistes avait ĂŠtĂŠ l’agriculture, du fait de l’incapacitĂŠ de rendre, dans l’agriculture, le travail collectivisĂŠ aussi productif que le travail individuel. Le travail est au centre de l’organisation de la sociĂŠtĂŠ et de l’appropriation. Lorsque nous avons parlĂŠ de surplus, et de plus-value, il s’agissait bien entendu du fruit du travail appropriĂŠ. Les rĂŠvolutions dites communistes se caractĂŠrisent par la recherche d’une collectivisation du travail, dans la production industrielle et BHSJDPMF #JFO EFT BOBMZTUFT M POU NPOUSĂ?

la collectivisation du travail dans l’industrie s’inspire du fordisme ou du taylorisme qui a ĂŠtĂŠ mis en pratique dans l’industrie capitaliste, notamment sur les chaĂŽnes de montage des automobiles. La chaĂŽne de montage industrielle est, dans une ĂŠconomie capitaliste ou socialiste, aussi efficace, si techniquement FMMF FTU CJFO MBODĂ?F 7PVT QPVWF[ QFOTFS Ă‹ l’industrie militaire soviĂŠtique versus l’industrie militaire amĂŠricaine pendant la pĂŠriode EF MB DPVSTF Ă‹ M BSNFNFOU 7PVT NF EJSF[ ÂŤ Mais les Lada ĂŠtaient moins bien faites que les Buick ! Âť. La raison ĂŠtait très simple, pour les SoviĂŠtiques la production d’armement ĂŠtait prioritaire et on y parvenait aussi bien que sur les chaĂŽnes de montage des industries capitalistes. La production des principaux biens d’Êquipements, celle des turbines par exemple, ou la fabrication de l’acier ĂŠtait sensiblement aussi efficaces dans un TZTUĂ’NF DPNNVOJTUF 1PVSRVPJ 1BSDF RVF l’aliĂŠnation du travail, qu’elle se rĂŠalise sous la tutelle du capitalisme ou de l’État, demeure la mĂŞme. La relation au travail d’ouvriers qui travaillent dans une usine de Ford, de General Electric Ă‹ #PVMPHOF #JMMBODPVSU PV Ă‹ %Ă?USPJU est la mĂŞme que celle d’un ouvrier qui est employĂŠ Ă Rostov en Russie sur une chaĂŽne de montage industrielle. Que le propriĂŠtaire soit John Ford ou l’État, ou plus exactement dans la vulgate communiste ÂŤ les travailleurs Âť, le procès de travail est expropriĂŠ de la mĂŞme façon. Le travailleur sur la chaĂŽne de montage fait son travail, et il n’a pas le choix de faire moins bien ou mieux que son voisin parce que tout est conditionnĂŠ par les procĂŠdures et les cadences du travail automatisĂŠ. Dans l’agriculture, le procès de travail se dĂŠroule Ă trois dimensions et non pas Ă deux. Dans une usine, il est localisĂŠ dans un lieu, il se dĂŠroule dans un endroit prĂŠcis ; mais dans

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l’agriculture, il s’agit d’espaces. Caricaturons quelque peu la grande agriculture socialiste. Lorsque l’on y collectivise le travail, on dit par exemple ÂŤ VoilĂ mille hectares de blĂŠ, vous ĂŞtes deux cents ouvriers. Vous allez travailler aux champs aujourd’hui et vous allez produire la grande rĂŠcolte socialiste, puis, en fin de journĂŠe, vous recevrez votre part du rendement Âť. Il est historiquement dĂŠmontrĂŠ que pour toutes les grandes agricultures collectivisĂŠes, que ce soit les kolkhozes, les sovkhozes, en Chine avec les DPNNVOFT QPQVMBJSFT PV FODPSF BV 7JĚ?U /BN avec les coopĂŠratives, les rendements agricoles ont chutĂŠ. Ils ont ĂŠtĂŠ infĂŠrieurs Ă ce qu’ils ĂŠtaient avant les collectivisations, et surtout ils ĂŠtaient largement infĂŠrieurs Ă ceux obtenus dans des agricultures capitalistes ou dans des pays dits Ă ĂŠconomie de marchĂŠ. Quelle en est la raison ? L’autonomie du travail peut ĂŞtre totalement aliĂŠnĂŠe dans le travail industriel ; sur la chaĂŽne de montage, le responsable de l’usine peut surveiller et s’assurer que les ouvriers travaillent tous Ă MB NĂ?NF DBEFODF 1PVS DFVY RVJ USBWBJMMFOU aux champs, Ă trois kilomètres du poste EF USBWBJM MF DPOUSĂ™MF O FTU QBT QPTTJCMF EF QMVT RVFMMFT TPOU BMPST MFT SBJTPOT KVTUJĂśBOU un investissement intensif dans le travail ? 1SFOPOT NJMMF USBWBJMMFVST T FNQMPZBOU TVS NJMMF hectares, qu’elle que soit la production, la part sera d’un millième. En revanche, un paysan qui travaille sur sa propre parcelle agricole – comme le soulignait Marx, le paysan est la personne la plus ĂŠgoĂŻste au monde – veut en tirer le meilleur profit. Concrètement, l’histoire l’a dĂŠmontrĂŠ, les ĂŠchecs rĂŠpĂŠtĂŠs et la grande GBJMMJUF EF M 6344 FU EF MB $IJOF TF TPOU E BCPSE dĂŠroulĂŠs dans l’agriculture. Il en fut de mĂŞme des ĂŠchecs de l’Êconomie vietnamienne, sauf RVF MFT 7JFUOBNJFOT POU Ă?UĂ? QMVT SBQJEFT Ă‹ comprendre en quelque sorte. Je rappelle que M 6344 Ă?UBJU EFWFOVF FYUSĂ?NFNFOU EĂ?QFO

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dante au plan des importations agricoles et que toutes les tentatives pour accĂŠlĂŠrer la grande production dans l’agriculture ont ĂŠtĂŠ un ĂŠchec. On ne peut aliĂŠner, mĂŠcaniser, robotiser, exproprier le travail agricole de façon aussi efficace que le travail industriel. L’une des consĂŠquences essentielles dans l’histoire de l’humanitĂŠ a donc ĂŠtĂŠ la rĂŠhabilitation de la propriĂŠtĂŠ individuelle EF MB UFSSF + BKPVUF RVF DFUUF SĂ?IBCJMJUBUJPO n’est pas nĂŠcessairement une panacĂŠe, d’autres moyens ayant ĂŠtĂŠ mis au point par le DBQJUBMJTNF QPVS QSFOESF MF DPOUSĂ™MF UPUBM EF l’agriculture et des agriculteurs. Mais il s’agit lĂ d’une autre question que nous ne pouvons approfondir ici. + BKPVUF RV JM OF GBVU DFQFOEBOU QBT confondre travail collectivisĂŠ et travail communautaire – Ă savoir la tradition du travail communautaire dans les sociĂŠtĂŠs du Sud-Est asiatique, notamment vietnamienne, dans les sociĂŠtĂŠs dites agraires oĂš plusieurs travaux agricoles, dans les rizières par FYFNQMF TPOU BDDPNQMJT DPMMFDUJWFNFOU 1BS exemple, les paysans rĂŠcoltent ensemble et QBSUBHFOU QMVTJFVST UÉDIFT -FT FOUFOUFT OF passent pas par l’État mais se rĂŠalisent entre les familles, ou au sein de la communautĂŠ villageoise. Mais cela n’a pas grand chose Ă voir avec la collectivisation. Savath Souksakhone J’ai bien compris que la notion de transition agraire a un sens très large qui s’accompagne EF QSPDFTTVT TQĂ?DJĂśRVFT 1FVU PO Ă?WBMVFS VO processus de transition agraire ? [Rodolphe De Koninck] La question pourrait ĂŞtre posĂŠe diffĂŠremment. Est-ce que l’urbanisation et l’industrialisation peuvent ĂŞtre bonnes ou mauvaises ? Est-ce


que l’expansion et l’intensification agricoles peuvent ĂŞtre bonnes ou mauvaises ? Dans le contexte sud-est asiatique par exemple, il serait plus probant de demander, par exemple quels sont d’une part les fondements et d’autre part les consĂŠquences de l’intensification de l’agriculture et de son expansion territoriale ? J’espère que vous DPNQSFOF[ MB MPHJRVF RVF K Ă?UBCMJT JDJ /PVT avons identifiĂŠ les processus caractĂŠristiques de la transition agraire et nous essayons d’examiner comment, dans le contexte sudest asiatique, ils fonctionnent.

Les stagiaires s’organisent en quatre groupes, ils dÊfinissent les points qu’ils souhaitent voir prÊciser, les aspects à aborder et les questions à poser. Nguyᝅn Thᝋ Hà Nhung La prÊsentation sur l’analyse de la transition agraire en fonction des fenêtres E PCTFSWBUJPOT �UBJU USÒT DMBJSF 1FVU PO QBSMFS de lien rÊciproque entre pauvretÊ et transition agraire ?

pansion de la superficie des terres agricoles. "V 7JĚ?U /BN PO DPOTUBUF VO QIĂ?OPNĂ’OF inverse : le rĂŠtrĂŠcissement des terres agricoles pour d’autres usages. Comment peut-on interprĂŠter ce phĂŠnomène ? Dans certains pays comme la ThaĂŻlande ou la Chine, on note un mouvement de retour Ă l’agriculture traditionnelle. Les paysans renoncent Ă l’utilisation des insecticides et des fertilisants chimiques pour utiliser des produits organiques pour un marchĂŠ plus ou moins limitĂŠ. Comment peut-on intĂŠgrer ce phĂŠnomène dans le cadre des fenĂŞtres que vous avez prĂŠsentĂŠes ? Ma dernière question porte sur le transfert de la propriĂŠtĂŠ foncière des terres agricoles. Il y a une rĂŠpartition entre l’État, les communautĂŠs et les individus, en tant que propriĂŠtaires de terres agricoles. 1PVSSJF[ WPVT OPVT QBSMFS EFT UIĂ?PSJFT fondamentales sur ce point, des tendances actuelles, en prenant des exemples concrets dans la rĂŠgion sud-est asiatique ? [Rodolphe De Koninck]

La pauvretĂŠ n’est pas Ă l’origine de la transition agraire, mais disons que la pauvretĂŠ est un ĂŠtat que la transition agraire, en tout cas thĂŠoriquement, peut contribuer Ă rĂŠsoudre. 7PUSF RVFTUJPO Ă?UBJU ÂŤ Est-ce que la transition agraire, dans les faits, n’accentue pas ou ne crĂŠe pas de nouvelles formes de pauvretĂŠ ? Âť. Excellente question, nous en parlerons en dĂŠtail dès demain.

S’agissant de la question foncière, il y a une tendance Ă la privatisation mais aussi parfois Ă un maintien de l’État comme propriĂŠtaire. + BKPVUFSBJ RVF M PO QFVU JODMVSF QBSNJ MFT propriĂŠtaires fonciers les multinationales, de QMVT FO QMVT "V 7JĚ?U /BN MF QSPCMĂ’NF OF TF pose pas encore mais ailleurs il existe, avec de grands propriĂŠtaires tels ces consortiums NBMBZTJFOT RVJ QSFOOFOU MF DPOUSĂ™MF EF USĂ’T grandes superficies agricoles, notamment en IndonĂŠsie. Depuis quelque temps, ces mĂŞmes entreprises multinationales acquièrent des terres au Cambodge pour dĂŠvelopper des cultures dans l’est du pays.

Nguyáť…n Tháť‹ HĂ Nhung

Ä?ạng Tháť‹ Thanh Thảo

1BSNJ MFT TJY QSPDFTTVT EF MB USBOTJUJPO BHSBJSF vous avez parlÊ de l’intensification et de l’ex-

Nous souhaiterions plus de prĂŠcisions sur le lien entre les quatre composantes de

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la fenĂŞtre d’observation. Le processus de mondialisation a un impact très fort sur la transition en gĂŠnĂŠral, et aussi sur la transition agraire, pourriez-vous dĂŠvelopper ce dernier point ? [Rodolphe De Koninck] Les deux questions se recoupent, mais il est bon de les poser car une confusion est tout Ă fait possible, puisqu’elle existe mĂŞme dans mon esprit, entre les six processus et les quatre fenĂŞtres, en particulier celle de la mondialisation. HoĂ ng Tháť‹ HĂ Quelle est la place de l’urbanisation et de l’industrialisation dans la transition agraire ? Quels sont les changements en matière d’emploi pour les paysans lors d’un processus de transition agraire ? Than Thanaren Quels sont les nouveaux problèmes entraĂŽnĂŠs par la transition agraire ? Didier Orange En quoi de nouveaux rapports entre monde industriel et monde agricole – on parle de grandes cultures industrielles –, peuvent-ils reprĂŠsenter une crise de la transition agraire ?

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[Rodolphe De Koninck] C’est une bonne question parce que l’on a tendance presque par dÊfaut à parler de la transition agraire comme d’un processus linÊaire, alors qu’il y a des allers-retours. Il existe une dialectique de la transition agraire. : B U JM EFT DPOUSBEJDUJPOT BHSJDPMFT N�NF dans la transition agraire ? Nous traiterons de ces questions demain matin, et tout au long de la semaine, puisque nous allons retenir vos interrogations.

Danielle LabbĂŠ inscrit au tableau les questions posĂŠes par chaque groupe : transition agraire et questions en lien avec la pauvretĂŠ ; rĂŠtrĂŠcissement des espaces agricoles – modifications des usages ; retour Ă l’agriculture plus traditionnelle (biologique) ; transferts de la propriĂŠtĂŠ foncière : thĂŠories, tendances, exemples ; liens des quatre fenĂŞtres d’observation avec la transition agraire (exemple de la mondialisation) ; place et rĂ´le de l’urbanisation ; impacts en terme d’emplois pour les paysans ; crises liĂŠes Ă la transition agraire, de nouveaux problèmes ; la transition agraire est-elle un processus linĂŠaire ?


JournĂŠe 2, matinĂŠe du mardi 20 juillet

Rodolphe De Koninck a dĂť interrompre l’atelier de formation pour se rendre au Canada dès la deuxième journĂŠe

Cháť­ Ä?ĂŹnh PhĂşc 6OF WJMMF FTU VOF BHHMPNĂ?SBUJPO PĂĄ MFT habitants vivent essentiellement d’activitĂŠs non-agricoles. Didier Orange Il s’agit d’une concentration d’habitants et d’un centre administratif.

[Danielle LabbĂŠ]

Savath Souksakhone

Suite au dĂŠpart prĂŠcipitĂŠ de Rodolphe De Koninck, nous avons procĂŠdĂŠ Ă quelques rĂŠamĂŠnagements de notre calendrier de travail. Nous aborderons ce matin les questions d’urbanisation, puis nous traiterons dans l’après-midi de l’apport des systèmes d’information gĂŠographiques.

Au Laos, le premier critère est le nombre d’habitants, de deux mille Ă trois mille habitants. Le deuxième critère est le type d’activitĂŠs professionnelles : 50 % d’activitĂŠs non-agricoles. Le troisième critère est la densitĂŠ de la population, 200 habitants au km2.

2.1.2. Les dÊfis de la recherche sur la transition urbaine en Asie du Sud-Est Nous rÊpondrons aux questions inscrites hier à partir des prÊsentations de la semaine. Je vais pour ma part aborder les questions d’urbanisation en Asie du Sud-Est mais aussi dans les pays dÊveloppÊs et en dÊveloppement en gÊnÊral. Quelle dÊfinition donner à  urbain, centre urbain, population urbaine, activitÊs urbaines, mode de vie urbaine . Comment dÊfinir une ville ?

Nguyáť…n Tháť‹ HĂ Nhung "V 7JĚ?U /BN MB EĂ?ĂśOJUJPO TF CBTF TVS MF nombre d’habitants et les fonctions administratives. QuĂĄch Tháť‹ Thu CĂşc /F GBVESBJU JM QBT BKPVUFS MFT JOGSBTUSVDUVSFT FU le système de distribution d’eau ? Les ĂŠcoles, MFT IĂ™QJUBVY

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

[131]


[Danielle LabbĂŠ]

Figure

16

Populations rurales et urbaines mondiales estimĂŠes et projetĂŠes pour la pĂŠriode 1950-2030 (en millions)

1

2

1 2

Source : Nations Unies 2002.

La population urbaine et le nombre de villes EBOT MF NPOEF BVHNFOUFOU 1PVSUBOU MFT comparaisons internationales sont rĂŠalisĂŠes sur la base de dĂŠfinitions très flottantes. Les pays dĂŠfinissent leur population afin de produire leurs propres statistiques nationales ; certains selon la population urbaine en fonction de limites administratives – municipalitĂŠ, canton, bourgade –, d’autres pays classent les urbains selon la taille ou/et la densitĂŠ de la population. La ligne entre l’urbain et le rural est dĂŠfinie nationalement, elle s’imprègne d’une vision culturelle. Cela pose des problèmes de comparaison. "V #Ă?OJO VOF MPDBMJUĂ? RVJ DPNQUF EJY mille personnes ou plus est automatiquement classĂŠe comme urbaine. Toutes les localitĂŠs qui comprennent moins de dix

[132] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

milles personnes sont rurales. En Angola, en Argentine et en Éthiopie, toutes les localitĂŠs de plus de deux milles personnes sont classĂŠes urbaines. D’autres pays utilisent des dĂŠfinitions plus complexes : taille, densitĂŠ de population, indicateurs socio-ĂŠconomiques. "V #PUTXBOB VOF BHHMPNĂ?SBUJPO EF DJOR NJMMFT QFSTPOOFT PV QMVT EPOU EFT activitĂŠs ĂŠconomiques sont non-agricoles, est classĂŠe urbaine. On parle de villes, de localitĂŠs, de chefs-lieux, de citĂŠs, de zones urbaines, d’aires mĂŠtropolitaines. Il y a un nombre de termes utilisĂŠs pour identifier la ville qui peuvent diffĂŠrer des dĂŠfinitions statistiques. -F #Ă?OJO FU M "OHPMB POU VO UBVY E VSCBOJTBUJPO de 20 % et une population urbaine Ă 50 % mais les situations sont très diffĂŠrentes dans chacun des deux pays. Le centre ville de +BLBSUB FO *OEPOĂ?TJF FTU FTUJNĂ? Ă‹ NJMMJPOT


de personnes mais la rĂŠgion mĂŠtropolitaine englobe 24 millions de personnes ; le corridor

Figure

17

urbanisĂŠ de 200 km Jakarta-Johor compte NJMMJPOT EF QFSTPOOFT

Taux de croissance de la population urbaine en Chine

Source : UN Common Database (UN Population Division estimate).

Il convient d’être attentif aux changements de dĂŠfinition dans certains pays. La Chine est Ă DF UJUSF VO CPO FYFNQMF 'JHVSF "V EĂ?CVU des annĂŠes 80, les statistiques indiquaient une augmentation massive du nombre de villes et un accroissement de la population urbaine. La ville de Zibo de la province de Shandong comptait 2,4 millions de rĂŠsidents FO EF MB QPQVMBUJPO BDUJWF Ă?UBJU principalement agricole. Le mĂŞme constat peut ĂŞtre dressĂŠ Ă HĂ Náť™i du fait de l’extension de la ville en 2008 et de l’absorption de la QSPWJODF WPJTJOF EF )Ă‹ 5ÉZ EF EJTUSJDUT EF 7ÇĄOI 1IĂžD FU EF )Ă›B #JOI -B WJMMF DPVWSF Ă‹ prĂŠsent un territoire de 3000 km2 et compte 6,2 millions d’habitants. Le problème inverse QFVU TF QPTFS FO *OEF MB NBKPSJUĂ? EF MB

population rurale vit dans des villages de 1000 à 5000 habitants. Si l’on suivait certaines E�ÜOJUJPOT M *OEF TFSBJU NBKPSJUBJSFNFOU urbaine. Didier Orange Je travaille dans le monde agricole depuis WJOHU BOT FU KF TVJT UPVKPVST BUUFOUJG Ë M FNQMPJ des termes  monde agricole ,  monde rural . On peut en effet travailler dans le monde agricole et habiter en ville, le monde rural se dÊfinit aussi par les villes. [Danielle LabbÊ] Je pense que la distinction ville/campagne, urbain/rural est analytique et culturelle. Il s’agit de catÊgories conceptuelles.

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Tableau

13

Évolution de la population urbaine et rurale dans le monde (1950 -2030)

Sources : United Nations (2002), World Bank (2002).

On distingue par rĂŠgion les populations urbaines et rurales dans le monde. Dans la première moitiĂŠ du 20e siècle, la transition urbaine s’est concentrĂŠe en Europe et BVY ²UBUT 6OJT QVJT Ă‹ QBSUJS EFT BOOĂ?FT 50-60, le phĂŠnomène s’est ĂŠtendu. Les QSPKFDUJPOT NPOUSFOU VOF DSPJT

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sance phĂŠnomĂŠnale du nombre absolu de nouveaux urbains : plus de 3 milliards de Ă‹ QMVT EF NJMMJBSET EF QFSTPOOFT Ă 2030. La croissance de la population rurale est marginale, de 3,2 Ă 3,29 milliards de personnes. La croissance dĂŠmographique concerne avant tout les zones urbaines.


Figure

18

Distribution de la croissance des populations mondiales rurale et urbaine par niveau de revenu per capita

Source : Nations Unies (2002) et Banque Mondiale (2002).

Les mégalopoles sont à présent plus nombreuses et dépassent 10 millions de personnes.

Tableau

14

Nombre d’agglomérations urbaines par taille (1950-2015)

Source : United Nations (2002).

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Dans un futur proche, les urbains vont essentiellement vivre dans des villes de petites et moyennes tailles. On estime qu’en 2015, seulement 4 % de la population mondiale rĂŠsidera dans des villes de plus de 10 millions d’habitants ; environ 21 % des populations des pays Ă revenus faibles ou intermĂŠdiaires rĂŠsidera dans des villes de 1 million Ă

Figure

19

2 millions. 80 % de la population urbaine vivra donc dans des villes relativement petites, de moins de 1 million d’habitants. Ces villes sont peu ÊtudiÊes. Elles sont souvent dispersÊes dans des rÊgions plus agricoles, leurs dynamiques sont spÊcifiques ; elles sont reliÊes à des rÊseaux Êconomiques, sociaux et environnementaux distincts.

Nouveaux urbains par taille de ville et niveau de revenu des pays (2000-2010)

Source : Construction de l’auteur.

Didier Orange Les banlieues sont-elles associĂŠes aux grandes villes ? [Danielle LabbĂŠ] Cela dĂŠpend des dĂŠfinitions. Dans certains cas, on inclut des populations très larges dans les statistiques nationales, et dans d’autres, on dĂŠfinit la ville comme ĂŠtant son cĹ“ur.

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Contrairement Ă une idĂŠe rĂŠpandue, le taux d’urbanisation des pays en voie de dĂŠveloppement ne s’accĂŠlère pas. La population urbaine de ces pays a connu une croissance de 2 % entre 2005 et 2010 – elle ĂŠtait de FOUSF MB ĂśO EFT BOOĂ?FT FU &OUSF FU MF QPVSDFOUBHF EF MB population en zones urbaines dans les pays FO EĂ?WFMPQQFNFOU FTU QBTTĂ? EF Ă‹ cette hausse est similaire Ă celle observĂŠe


dans les rĂŠgions plus dĂŠveloppĂŠes durant le premier quart du 20e siècle. Il est essentiel de distinguer le taux d’urbanisation et le nombre absolu de nouveaux urbains, en QBSUJDVMJFS EBOT MFT QBZT USĂ’T QFVQMĂ?T 6OF hausse de 1 % de la population urbaine en Chine reprĂŠsente des millions de personnes,

Figure

20

au Canada, seulement quelques centaines de milliers. La diffÊrence la plus importante entre la transition urbaine qui est en cours et celle observÊe durant la première moitiÊ du 20e siècle concerne le dÊplacement du phÊnomène urbain vers les pays du Sud.

Croissance urbaine par niveau de revenu per capita

Source : Nations Unies (2002), Banque Mondiale (2002).

L’urbanisation s’est dĂŠplacĂŠe des pays qui avaient les revenus les plus ĂŠlevĂŠs per capita vers des pays Ă revenus intermĂŠdiaires ou bas. De la mĂŞme façon, la distribution des grandes villes s’est profondĂŠment transformĂŠe au cours des 50 dernières annĂŠes. Londres et 1BSJT TPOU BVKPVSE IVJ EF UPVUFT QFUJUFT WJMMFT DPNQBSĂ?FT Ă‹ #PNCBZ 4BP 1BVMP ,BSBDIJ ou Mexico. Entre 2000 et 2015, on prĂŠvoit que 19 nouvelles villes de plus de 5 millions d’habitants seront recensĂŠes. De ce nombre, une seule se trouvera dans un pays Ă revenus ĂŠlevĂŠs. La transition urbaine en cours peut,

ou non, s’accompagner d’une expansion de l’activitĂŠ ĂŠconomique. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud-Est ont des taux d’urbanisation comparables mais pour cette rĂŠgion du monde elle s’accompagne d’une forte croissance ĂŠconomique. La nature et le degrĂŠ de croissance urbaine sont devenus davantage dĂŠpendants de l’Êconomie globale qu’au dĂŠbut du siècle dernier. Les phĂŠnomènes de globalisation ont amenĂŠ un repositionnement des villes dans les ĂŠconomies nationales et internationales, EFT WJMMFT POU VO SĂ™MF DMFG EBOT M Ă?DPOPNJF

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

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la finance. Certaines villes se sont dĂŠtachĂŠes de leur contexte national pour interagir avec d’autres Ă l’Êchelle internationale. Ces villes sont vues comme des centres de dĂŠcision de l’Êconomie mondiale, des centres de la finance mondiale mais aussi des sites offrant des services spĂŠcialisĂŠs et des centres de production et d’innovation qui influencent le reste de l’Êconomie. Il est intĂŠressant de comprendre les relations que les villes entretiennent entre elles et avec l’Êconomie globale. Les recherches autour de ces thĂŠmatiques se sont beaucoup dĂŠveloppĂŠes au cours des vingt dernières annĂŠes, elles soulèvent de nouveaux problèmes : - difficultĂŠs de poser une hiĂŠrarchie des villes mondiales avec des critères fixes d’identification ; - l’Êtiquette ÂŤ World Cities Âť a ĂŠtĂŠ rĂŠcupĂŠrĂŠe par le monde politique pour l’apposer Ă leur ville. L’attention portĂŠe aux ÂŤ villes ordinaires Âť en souffre : les dĂŠcideurs en charge de l’amĂŠnagement de HĂ Náť™i, QBS FYFNQMF KVTUJĂśFOU DFUUF WPMPOUĂ? EF nouveau statut pour l’amĂŠnagement urbain : nouveaux centres commerciaux, grandes villes satellites, nouveau centre VOJWFSTJUBJSF Ă‹ )Ă›B -ËźD MBSHFT BVUPSPVUFT grandes infrastructures de transport ; - la dimension de dĂŠveloppement durable et de qualitĂŠ de vie urbaine s’efface pour un statut ÂŤ World Cities Âť. La transformation des ĂŠconomies en Asie de l’Est et du Sud-Est a crĂŠĂŠ des nouvelles formes urbaines dans la rĂŠgion, et notamment des triangles de croissance transnationaux oĂš

la croissance ĂŠconomique et l’urbanisation sont très liĂŠes – corridor de 1500 km reliant #FJKJOH 4Ă?PVM FU 5PLZP NFUUBOU FO DPOOFDUJPO WJMMFT E BV NPJOT IBCJUBOUT 6OF EFSOJĂ’SF DBSBDUĂ?SJTUJRVF EF M VSCBOJTBUJPO en cours est la convergence des modes de vie ruraux et urbains. De grandes zones d’intense activitĂŠ ĂŠconomique ont ĂŠmergĂŠ autour des villes d’Asie du Sud-Est. Le gĂŠographe nĂŠo[Ă?MBOEBJT 5FSSZ .D(FF QSPQPTF MF UFSNF EF ÂŤ Desakota Âť [8] ou ÂŤ Extended Metropolitan Region Âť [9] pour dĂŠsigner ces espaces mixtes oĂš se mĂŠlangent processus et modes de WJF 6O EFT SĂ?TVMUBUT QSJODJQBVY TVS MFT ÂŤ Desakota Âť est que l’Asie du Sud-Est propose des caractĂŠristiques historiques et physiques telles que l’urbanisation amène une dĂŠconcentration de l’Êconomie industrielle sur de vastes territoires. Ce constat a deux JNQMJDBUJPOT NBKFVSFT VOF OPVWFMMF SĂ?øFYJPO thĂŠorique, un questionnement de l’opposition ÂŤ urbain Âť versus ÂŤ rural Âť. [Phấm Văn Cáťą] "WBOU M FYUFOTJPO EF MB WJMMF WFST )Ă‹ 5ÉZ HĂ Náť™i comptait environ 50 000 foyers QBVWSFT o Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF "QSĂ’T extension, on compte 265 000 foyers pauvres : HĂ Náť™i est-elle devenue la ville avec le plus grand nombre de foyers pauvres du pays ? La rĂŠponse est dĂŠlicate car elle revient Ă la dĂŠfinition de la pauvretĂŠ mais il serait certainement plus appropriĂŠ de parler de diffĂŠrenciation sociale.

[8] Terme issu de la rĂŠunion du vocabulaire indonĂŠsien dĂŠsignant le village et la ville en langue bahasa. [9] .D(FF 5 ( BOE $ (SFFOCFSH 5IF FNFSHFODF PG FYUFOEFE NFUSPQPMJUBO SFHJPOT JO "4&"/ ASEAN Economic Bulletin 9(1): 22-44.

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JournĂŠe 2, après-midi du mardi 20 juillet 2.1.3. Changement d’occupation du sol et applications des systèmes d’information gĂŠographique aux recherches sur la transition agraire en Asie du Sud-Est [Bruno Thibert] Nous allons vous prĂŠsenter certaines applications des systèmes d’information HĂ?PHSBQIJRVF o 4*( o BVY SFDIFSDIFT TVS MB USBOTJUJPO BHSBJSF -FT 4*( TPOU VO FOTFNCMF de donnĂŠes numĂŠriques gĂŠographiquement localisĂŠes. Ces donnĂŠes sont structurĂŠes Ă l’intĂŠrieur d’un système de traitement JOGPSNBUJRVF 6O 4*( DPNQSFOE EFT NPEVMFT fonctionnels permettant de 1) crĂŠer et modifier, 2) d' interroger et analyser, et 3) de reprĂŠsenter Ă l'aide de cartes une base de donnĂŠes gĂŠographiques selon des critères sĂŠmantiques et spatiaux. La modĂŠlisation des entitĂŠs territoriales est reprĂŠsentĂŠe par deux catĂŠgories de donnĂŠes : EFT NBUSJDFT FU EFT WFDUFVST 6OF NBUSJDF FTU une sĂŠrie de lignes et de colonnes de pixels comparable Ă une photographie numĂŠrique. Chaque pixel contient sa propre information. Les vecteurs sont reprĂŠsentĂŠs par des points, des lignes et des polygones (surfaces). Les bases de donnĂŠes matricielles prennent la forme de bandes, c’est-Ă -dire une sĂŠrie de couches de matrices oĂš chaque pixel de chaque matrice (ou bande) contient sa propre JOGPSNBUJPO 1PVS MFT CBTFT EF EPOOĂ?FT vectorielles, il s’agit de tables comparables Ă des tableaux Excel. Chaque entitĂŠ, reprĂŠsentĂŠe dans l'espace par un point, une ligne ou un polygone, correspond Ă une ligne de la table

de donnĂŠes pouvant accueillir des ĂŠlĂŠments descriptifs au sein des colonnes. 6O 4*( QFSNFU EF TVQFSQPTFS QMVTJFVST KFVY de donnĂŠes matricielles et/ou vectorielles afin de modĂŠliser et d'analyser les interactions entre diverses entitĂŠs se trouvant sur un territoire donnĂŠ. [Phấm Văn Cáťą] Est-ce que le changement d’occupation du sol, et particulièrement des terres agricoles, constitue un indicateur de transition agraire ? Comment doit-on analyser ce processus ? 1MVTJFVST BQQSPDIFT TPOU QPTTJCMFT + VUJMJTF la fenĂŞtre ÂŤ espace Âť afin d’examiner la dynamique d’occupation du sol selon plusieurs ĂŠchelles d’observation. Quelles sont les relations entre ÂŤ espaces Âť et ÂŤ ressources Âť ? Quelles relations peut-on dĂŠfinir entre occupation du sol et mode de WJF 6O DIBOHFNFOU EF NPEF EF WJF B U JM VO JNQBDU TVS M PDDVQBUJPO EV TPM 1SFOPOT EFT exemples concrets en pĂŠriphĂŠrie de HĂ Náť™i. 1PVS MB DPOTUSVDUJPO EV DFOUSF EF DPOGĂ?SFODF et du stade de football de la ville, les familles QBZTBOOFT EV MJFV EJU .ĚŽ 5SĂ– o j ²UBOH EF SJ[ x o ont ĂŠtĂŠ expropriĂŠes. D’importantes sommes d’argent ont ĂŠtĂŠ versĂŠes et les paysans ont ĂŠtĂŠ relogĂŠs dans les nouveaux gratte-ciel. #FBVDPVQ TPOU EFWFOVT DIBVòFVST EF NPUP ou de taxi, gardiens de chantier ; d’autres vivent de petit commerce ou ont construit des logements Ă prĂŠsent louĂŠs aux ĂŠtudiants et ouvriers.

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Figure

21

Les fenêtres CHATSEA Changement d’occupation du sol

Source : Construction de l’auteur.

Figure

22

Méthodologie de « 4 pas »

Source : Construction de l’auteur.

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-B N�UIPEPMPHJF RVF KF QSPQPTF SFQPTF TVS l’observation – occupation des sols et analyse des pixels –, la restitution cartographique – catÊgorisation de l’occupation du sol –,

Figure

23

les transformations des milieux – quelles sont les causes du dynamisme ? Toutes les informations sont regroupÊes dans la base de EPOO�FT EV 4*( [10].

Système de tÊlÊdÊtection

Source : Construction de l’auteur.

Des cartes couleurs de dynamique des paysages sont projetÊes et commentÊes : transformation des forêts au nord du Viᝇt Nam 1983-1998 ; urbanisation de la ville de Hà N᝙i 1995-2003

[10] $FUUF SĂ?øFYJPO B Ă?UĂ? EĂ?WFMPQQĂ?F EBOT MF DBESF EFT +5% /PVT SFOWPZPOT MF MFDUFVS Ă‹ OPUSF QVCMJDBUJPO 1IËźN 7ÇŠO $̤ 4ZTUĂ’NFT E JOGPSNBUJPO HĂ?PHSBQIJRVF FU QPTTJCJMJUĂ?T E BQQMJDBUJPO FO TDJFODFT TPDJBMFT BV 7JFU /BN Ă?UBUT EFT MJFVY FU FOKFVY JO -BHSĂ?F 4 Ă?EJUFVS Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo. Nouvelles approches mĂŠthodologiques appliquĂŠes au dĂŠveloppement 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5IF (JPJ )Ă‹ /Ě˜J TFQUFNCSF QQ Également disponible sur le site : www.tamdaoconf.com

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[141]


[Bruno Thibert] Examinons les dynamiques démographiques, comme indicateur de l’analyse.

Figure

24

Densités de population - 1990

Source : Center for International Earth Science Information Network (CIESIN), Columbia University; and Centro internacional de Agricultura Tropical (CIAT).

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Figure

25

DensitĂŠs de population - 2005

Source : Center for International Earth Science Information Network (CIESIN), Columbia University; and Centro internacional de Agricultura Tropical (CIAT).

Les donnĂŠes de dĂŠpart sont deux matrices de densitĂŠ de population pour les annĂŠes 1990 et 2005. Ces matrices ont ĂŠtĂŠ reprĂŠsentĂŠes sur des cartes oĂš les valeurs de densitĂŠ de population ont ĂŠtĂŠ sĂŠparĂŠes en classes. On voit de fortes densitĂŠs dans les deltas du fleuve Rouge et du MĂŠkong, sur l'ĂŽle de Java

FO HĂ?OĂ?SBM BJOTJ RVhBVUPVS EF #BOHLPL ,VBMB -VNQVS +PIPS #BISV FU MB CBJF EF .BOJMMF Mais lorsque l’on compare les deux cartes, il est difficile d’observer les changements proprement dits. On procède donc Ă une ĂŠquation simple : la soustraction de la matrice 1990 Ă celle de 2005.

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Figure

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Évolution des densités de population - 1990-2005

Source : Center for International Earth Science Information Network (CIESIN), Columbia University; and Centro internacional de Agricultura Tropical (CIAT).

Les endroits où la densité s’est accrue deviennent plus évidents à la lecture : les deltas du fleuve Rouge et du Mékong au 7J̏U /BN MB CBJF EF .BOJMMF BVY 1IJMJQQJOFT #BOHLPL FO 5IBÕMBOEF +BLBSUB FU #BOEVOH FO *OEPOÏTJF ,VBMB -VNQVS FU +PIPS #BISV en Malaisie, et Singapour. L’augmentation atteint 1000 habitants par km2 dans certaines régions. On observe également une décroissance des densités notamment en Thaïlande et en Malaysia. Cette carte illustre donc plus

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clairement la prédominance de la croissance des populations autour de foyers urbains. L’un des principaux problèmes est la disponibilité des recensements passés et l’insertion des données à l’intérieur des limites des diverses unités administratives – provinces ou États, districts, sous-districts, municipalités, communes et villages. Les découpages des territoires ont subi certains changements depuis 1960, soit par des déplacements de délimitations, des fusions administratives ou


bien des créations de nouvelles entités. Le travail de numérisation des limites historiques

Figure

27

des districts à l’échelle de l’Asie du Sud-Est est phénoménal.

Aires protégées en Asie du Sud-Est

Source : World Database on Protected Areas.

Nous travaillons avec des données vectorielles : des polygones qui sont à toutes fins pratiques des surfaces. Sur cette carte, les surfaces représentent des aires protégées : parcs nationaux, réserves fauniques,

aquatiques et autres types d'aires protégées. Chaque polygone contient une série d’informations telles que l'année d'implantation, types de flore ou de faune protégés et les sources de la numérisation.

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[145]


Figure

28

Évolution des aires protÊgÊes en Asie du Sud-Est

Source : World Database on Protected Areas.

Les polygones ĂŠtant des entitĂŠs gĂŠomĂŠtriques, il est possible de dĂŠterminer l'aire de chacun Ă l'aide d'une opĂŠration mathĂŠmatique pris en charge par les logiciels VUJMJTĂ?T EBOT MF DBESF EhVO 4*( &O VUJMJTBOU ensuite une classification par dĂŠcennie Ă partir des dates d'implantation, on arrive Ă observer l'ĂŠvolution des aires protĂŠgĂŠes. On constate alors clairement les rythmes de

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croissance des surfaces : près 300 000 km2 de 1991 Ă 2000. Deux problèmes ressortent lors de l’analyse : un nombre significatif d'aires protĂŠgĂŠes ne comportant pas de date d’implantation nĂŠcessitent une documentation supplĂŠmentaire pour analyser l'ĂŠvolution avec plus d'exactitude ; la grande diversitĂŠ des sources des donnĂŠes numĂŠrisĂŠes pose la question de la fiabilitĂŠ.


Figure

29

Malaysia. Les villes et les principaux rĂŠseaux de transport

Source : De Koninck, 2005.

Les donnÊes de dÊpart sont encore de nature vectorielle : des lignes pour reprÊsenter les routes et les voies ferrÊes, et des points pour les espaces habitÊs – les villes principales et leurs populations respectives.

-F USBJUFNFOU FòFDUVĂ? EBOT MF 4*( QBTTF QBS une unification de toutes les lignes des rĂŠseaux de transport. Elle permet de dĂŠterminer les intersections entre les diffĂŠrents modes de transport afin d’optimiser les distances parcourues et les coĂťts pour un dĂŠplacement E VO QPJOU " Ă‹ VO QPJOU #

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Figure

30

Sites de production de biodiesel (juin 2006)

Source : De Koninck, 2005 – rÊalisation : S. Bernard.

On intègre ĂŠgalement des donnĂŠes des usines de production de biodiesel dans ce système de rĂŠseau de lignes. Il est ainsi possible d’Êtablir l’accès de l’usine Ă une ville et Ă d'autres territoires. L’ensemble pourrait ĂŞtre complĂŠtĂŠ

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avec l'Êvolution des rÊseaux de transports afin d’examiner comment les marchÊs sont EFWFOVT BDDFTTJCMFT 6OF BOBMZTF DPNQMÒUF nÊcessiterait d'autres donnÊes comme les rÊseaux maritimes et aÊriens.


Figure

31

Expansion de l’agriculture à Pahang 1972-2002

Sources : Forest Inventory and Land Use maps of West Malaisie – réalisation : S. Bernard.

Les données de départ sont les données matricielles de l’occupation du territoire en FU BJOTJ RVF EFT EPOOÏFT vectorielles de la planification territoriale. On remarque un net recul de la forêt entre FU QBS MhBDDSPJTTFNFOU EFT TVSGBDFT blanches sur la carte de 1992. La planification territoriale est alors sous l’autorité de la FELDA – Federal Land Authority –, une instance GÏEÏSBMF EPOU M PCKFDUJG FTU MB SFMPDBMJTBUJPO des populations pauvres dans le cadre d’une politique de petites plantations de cultures de rente. Sur l’image de 2002, on note une

extension des cultures au détriment de la forêt. &O TVQFSQPTBOU MFT KFVY EF EPOOÏFT EF planification territoriale et de recul forestier, il est possible d'analyser la corrélation entre l'expansion planifiée du territoire agricole et le recul des forêts.

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[149]


Figure

32

Jakarta, 1976 - Landsat 2 MSS Population : 6 000 000

Source: NASA, Earth Observatory.

Il s’agit d’une image Landsat de Jakarta en -B CBOEF JOGSBSPVHF EJòĂ?SFODJF MB WĂ?HĂ?UBUJPO EF M FTQBDF CÉUJU ÂŽ DFUUF EBUF MB limite de la zone urbaine se trouve au centre de l’image.

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Figure

33

Jakarta, 1989 - Landsat 5 MSS Population : 9 000 000

Source: NASA, Earth Observatory.

La même région a été de nouveau captée en 1989. L’image montre l'élargissement du périmètre urbain.

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Figure

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Jakarta, 2004 - ASTER Population : 13 000 000

Source: NASA, Earth Observatory.

En 2004, la vÊgÊtation est restreinte aux bordures de l’image. L’espace habitÊ occupe E�TPSNBJT MB NBKPSJU� EV UFSSJUPJSF Les donnÊes matricielles – images satellitaires – permettent d'identifier la composition d'un territoire. Le satellite, muni de capteurs d'ondes ÊlectromagnÊtiques, enregistre les ondes Êmises et rÊflÊchies de la surface

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photographiÊe sur une sÊrie de matrices communÊment nommÊes bandes. Chaque bande contient des donnÊes correspondant à une plage spÊcifique d'ondes, soit des couleurs de la lumière visible (du violet au rouge) ou de l'infrarouge. En connaissant la signature spectrale des entitÊs du territoire, c'est-à -dire le type et la quantitÊ d'ondes ÊlectromagnÊtiques qu'elles Êmettent et


rĂŠflĂŠchissent, il devient possible d'utiliser une ou plusieurs bandes pour dĂŠterminer les ĂŠlĂŠments qui composent le territoire. On QFVU FOTVJUF DSĂ?FS VO BVUSF KFVY EF EPOOĂ?FT servant Ă explicitement attribuer des classes d'occupation du sol selon les besoins de l'analyse Ă effectuer. HĂ NhĆ°ng - PVUJM 4*( B U JM VO DBSBDUĂ’SF EF QSĂ?WJTJCJMJUĂ? [Bruno Thibert] -FT 4*( OF TPOU QBT VOF ĂśO FO TPJ *MT OF QFSNFUUFOU QBT UPVKPVST EF DPNQSFOESF UPVU ce qui se produit dans une fenĂŞtre d’analyse de la transition agraire. Il s’agit d’un outil, comme les questionnaires de terrain, destinĂŠ Ă mieux comprendre un processus. Il est possible d’y intĂŠgrer des donnĂŠes portant sur MB QMBOJĂśDBUJPO UFSSJUPSJBMF 6O BVUSF FYFNQMF est la cartographie des aires susceptibles d’être inondĂŠes suite Ă une ĂŠlĂŠvation du niveau de la mer. [Danielle LabbĂŠ] Il faut distinguer les notions de prĂŠvisions et EF UFOEBODFT +F QFOTF RVF MFT 4*( TPOU VO très bon outil pour l’examen de tendances dans le changement. Avez-vous utilisĂŠ cet outil dans vos propres recherches ? Nguyáť…n Tháť‹ HoĂ i HĆ°ĆĄng %FT DPMMĂ’HVFT POU VUJMJTĂ? MFT 4*( QPVS des cartographies dans le domaine de M BSDIĂ?PMPHJF EBOT MB QSPWJODF EF "O (JBOH JMT ont pour cela reçu l’aide de gĂŠographes.

informations puis en connaissances – ces connaissances passent par un filtre politique pour se traduire concrètement par des actions. Ce qui est important pour les chercheurs est de constituer la base de donnĂŠes. La base de connaissance constitue des questions de recherche et des connaissances spĂŠcifiques Ă chaque domaine. On m’a demandĂŠ TJ MF 4*( QPVWBJU EĂ?DSJSF M JNNJHSBUJPO + BJ rĂŠpondu par une autre question : qu’est-ce que l’immigration ? Il est fondamental de clairement dĂŠfinir votre domaine puis de se tourner vers des spĂŠcialistes en bases de donnĂŠes pour identifier les indicateurs sur les diffĂŠrents aspects de l’immigration. L’Êtape suivante est d’intĂŠgrer ces donnĂŠes dans des limites gĂŠographiques. [Bruno Thibert] Les interfaces des logiciels que les gĂŠomaticiens utilisent sont souvent complexes et demandent un certain temps d’apprentissage. Les interfaces permettent Ă l’usager de dĂŠfinir des interrogations ou des requĂŞtes. Les rĂŠponses seront produites et pourront ĂŞtre ĂŠditĂŠes afin d'organiser l'information et illustrer l'analyse de façon cohĂŠrente. Bruno Thibert propose d’organiser une session en soirĂŠe pour montrer concrètement comment fonctionne un SIG. Discussions sur les sources de donnĂŠes (internet, bases de donnĂŠes statistiques, etc.) et travail en groupe afin de prĂŠparer la synthèse de samedi.

[Phấm Văn Cáťą] -F 4*( O FTU QBT VO MPHJDJFM NBJT VO TZTUĂ’NF MF logiciel est une partie du système. La fonction EV 4*( FTU EF USBOTGPSNFS MFT EPOOĂ?FT FO

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JournĂŠe 3, matinĂŠe du mercredi 21 juillet [Danielle LabbĂŠ] Revenons sur les premiers rĂŠsultats de synthèse. Nous allons laisser la parole Ă chaque groupe de travail puis Jim Delaney prĂŠsentera l’intĂŠgration au marchĂŠ et l’intensification rĂŠglementaire. Jean-François Rousseau et #SVOP 5IJCFSU WPOU Ă?HBMFNFOU WPVT EJTUSJCVFS VO USBWBJM Ă‹ SĂ?BMJTFS QPVS MB KPVSOĂ?F EF KFVEJ Than Thanaren Nos principales questions concernent la transition agraire. Quelle est actuellement la meilleure transition agraire ? Quel est le SĂ™MF EF M VSCBOJTBUJPO EBOT DF QSPDFTTVT Comment peut-on dĂŠfinir la ÂŤ pauvretĂŠ Âť en lien avec la transition agraire ? [Danielle LabbĂŠ] Est-ce que la transition agraire est bonne ou NBVWBJTF 7PJMĂ‹ VOF RVFTUJPO Ă‹ MBRVFMMF JM est fort difficile de rĂŠpondre ! Nous essayons de discuter des outils, des concepts, des mĂŠthodes qui permettent d’Êtudier des phĂŠnomènes de transition agraire par pays, par rĂŠgion, par village. Il me semble en revanche intĂŠressant de garder en mĂŠmoire les effets que ces processus ont sur les populations. Qui est gagnant, perdant ? Qui s’enrichit, s’appauvrit ? [Jim Delaney] Chaque chercheur travaille sur une discipline avec des mĂŠthodologies diffĂŠrentes, les rĂŠponses sont donc diffĂŠrenciĂŠes. Ă€ mon sens, la transition agraire est la transition d’un modèle de production agricole Ă un NPEĂ’MF EF QSPEVDUJPO JOEVTUSJFMMF 6OF question essentielle est de savoir qui dĂŠtient

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le pouvoir dans ce processus de transition et comment sont rĂŠpartis les bĂŠnĂŠfices. %FQVJT RVFMRVFT BOOĂ?FT BV 7JĚ?U /BN USPJT ĂŠconomistes dĂŠbattent de la transition BHSBJSF .BSUJO 3BWBMMJPO FU %PNJOJRVF 7BO EF 8BMMF Ă?DPOPNJTUFT Ă‹ MB #BORVF NPOEJBMF avancent que la transition foncière via la politique de Renouveau a profitĂŠ Ă une HSBOEF NBKPSJUĂ? EF MB QBZTBOOFSJF %BOT MF delta du MĂŠkong, la montĂŠe des paysans sans terres est liĂŠe aux ventes de terres car de nouvelles opportunitĂŠs se crĂŠent, l’agriculture est moins compĂŠtitive au regard des gains possibles dans l’industrie. Le professeur Haroon Akram-Lodhi, chercheur canadien qui travaille sur le pays depuis plusieurs annĂŠes, utilise les mĂŞmes sources statistiques et la mĂŞme mĂŠthodologie. Si le constat dressĂŠ est identique, les causes sont diffĂŠrenciĂŠes : les paysans sont dans l’obligation de vendre leurs terres ; la recherche d’enrichissement hors agriculture est un artifice. Ma Tháť‹ Ä?iᝇp 1FVU PO BTTPDJFS MB EĂ?ĂśOJUJPO EF MB USBOTJUJPO agraire au passage d’une petite production Ă une ĂŠconomie marchande ? La vente de terre amène la perte des moyens de production et une transformation du mode de vie. Ce phĂŠnomène est-il Ă l’origine du creusement des inĂŠgalitĂŠs ? [Jim Delaney] Rodolphe De Koninck a beaucoup parlĂŠ des routes de la transition agraire mais peu de l’histoire des transitions. Chaque pays a sa propre expĂŠrience : transition de petits producteurs aux grandes plantations, transition du petit producteur au petit producteur qui travaille pour le marchĂŠ – cas vietnamien. Les thĂŠoriciens de la transition


BHSBJSF QBSMFOU CFBVDPVQ EFT USBKFDUPJSFT EF USBOTJUJPO EJòĂ?SFOUFT MB USBKFDUPJSF BNĂ?SJDBJOF DBQJUBM JOKFDUĂ? QBS EF QFUJUT QSPEVDUFVST MB USBKFDUPJSF BMMFNBOEF HSBOET propriĂŠtaires forçant le marchĂŠ. En Asie, la transition s’opère par le bas, type amĂŠricain, mais avec l’intervention de l’État (Taiwan, $PSĂ?F EV 4VE "V 7JĚ?U /BN EFVY NPEĂ’MFT peuvent ĂŞtre distinguĂŠs : transition par le bas au Nord, transition par le haut au Sud.

Trois groupes de travail prĂŠsentent une première ĂŠbauche de synthèse en lien avec la transition agraire : mondialisation, urbanisation et État.

2.1.4. IntĂŠgration aux marchĂŠs et rĂŠglementation [Jim Delaney] J’aborderai les thèmes suivant en lien avec l’intĂŠgration au marchĂŠ : marchĂŠ et transition agraire ; les questions de rĂŠgulation – État et secteur privĂŠ –, prĂŠsentation mĂŠthodologique des filières ou chaĂŽnes de valeur. "ĂśO EF QSĂ?QBSFS MB KPVSOĂ?F EF EFNBJO KF vous propose de rĂŠflĂŠchir sur les points suivants : - importance de la qualitĂŠ des aliments et NPZFO EF DPOUSĂ™MF FO UFSNF EF TĂ?DVSJUĂ? alimentaire ; RVFMT NPZFOT EF DPOUSĂ™MF QPVS MF DPOTPNmateur ? ; - les acteurs responsables de la qualitĂŠ et de la sĂŠcuritĂŠ alimentaire ; - choix des consommateurs : qualitĂŠ et prix.

[Bruno Thibert] Nous avons choisi avec Jean-François Rousseau de vous proposer des dossiers d’indicateurs. Chaque groupe de travail dispose de deux dossiers : un premier traitant de l’intensification et de la diversification de l’agriculture, et un deuxième portant sur les changements environnementaux. Chaque dossier propose une sĂŠrie de questions suivant deux directives principales : ne pas simplement ĂŠnumĂŠrer les donnĂŠes lors de la restitution, et mener une rĂŠflexion sur les tendances – les indicateurs soulignentils des dĂŠcalages, des ruptures ou bien une croissance constante ? Nous vous demandons d’identifier les processus qui dĂŠterminent ces changements. Quels sont les liens avec les quatre fenĂŞtres de ChATSEA : 1) mondialisation, 2) territorialitĂŠ, 3) institutions et acteurs, et 4) conditions FU NPZFOT EF TVCTJTUBODF 1PVS MF EPTTJFS environnemental, nous vous demandons aussi d’identifier, Ă partir des donnĂŠes, trois impacts possibles de changements environnementaux.

JournĂŠe 4, matinĂŠe du jeudi 22 juillet [Jim Delaney] Revenons sur les questions posĂŠes lors de la sĂŠance de mercredi. Trần Thanh Thuᝡ La qualitĂŠ des aliments a une importance particulière car il s’agit de santĂŠ publique. Trois critères sont considĂŠrĂŠs afin d’Êvaluer la qualitĂŠ : l’expĂŠrience, la fiabilitĂŠ de la marque, les indications notĂŠes sur le produit (origine, dĂŠlai de consommation, indications

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techniques).  Qui est responsable ?  : nous pensons, par ordre d’importance, que les premiers responsables sont les producteurs, les distributeurs puis l’État et les institutions DIBSH�FT EV DPOUSÙMF EF MB RVBMJU� FU EF MB sÊcuritÊ alimentaire. Nous insistons Êgalement TVS MF SÙMF EFT DPOTPNNBUFVST

Diᝇp QuĂ˝ Ngân

[Jim Delaney]

-FT BOOĂ?FT FU POU Ă?UĂ? NBSRVĂ?FT QBS MF SĂ™MF USĂ’T GPSU EF M ²UBU %FQVJT VOF vingtaine d’annĂŠes, on assiste Ă une reprise en main du secteur privĂŠ dans le cadre d’une coordination verticale du secteur agricole.

Qui sont, pour vous, les producteurs ? Les agriculteurs, les compagnies ? Trần Thanh Thuᝡ On pense aux paysans, aux ĂŠleveurs et aux transformateurs. Ä?áť— HĆ°ĆĄng Giang Notre groupe a reformulĂŠ la deuxième question : ÂŤ Comment faites-vous pour acheter des aliments sĂťrs et de qualitĂŠ ? Âť. Les critères de choix sont selon nous les suivants : l’expĂŠrience personnelle, l’origine du produit, le lieu de vente, les indications sur l’emballage. Nous pensons que les pouvoirs publics sont en premier lieu responsable, puis le producteur, les distributeurs et les consommateurs. Ce classement suit le cycle du produit. L’État doit promulguer des textes de rĂŠglementation pour assurer la qualitĂŠ et la sĂŠcuritĂŠ des produits alimentaires. Savath Souksakhone 1PVS MF DIPJY FU MF DPOUSĂ™MF EFT BMJNFOUT OPVT avons retenu trois critères : la marque, les indications livrĂŠes, l’expĂŠrience personnelle. Ă€ la question de responsabilitĂŠ, nous citons : le producteur, les institutions publiques, le distributeur, le consommateur.

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Le consommateur accorde de plus en plus d’importance à la qualitÊ des produits. Il est prêt à accepter un prix plus ÊlevÊ si la qualitÊ du produit est sÝre. [Jim Delaney]

7PVT BWF[ UPVT JEFOUJĂśĂ?T MFT NĂ?NFT BDUFVST En revanche, vos classements et vos analyses se diffĂŠrencient. Nous retrouvons ces acteurs dans la fenĂŞtre proposĂŠe par ChATSEA. Didier Orange Je me suis penchĂŠ sur des ĂŠtudes de marketing au niveau international, et le premier critère est l’emballage et la couleur. Je voudrais BKPVUFS MB EJNFOTJPO QTZDIPMPHJRVF BV EĂ?CBU du groupe. Cette dimension psychologique existe au moment de l’achat mais aussi lors de discussions avec les acteurs qui interviennent dans la dĂŠfinition des politiques sociales, des politiques rurales et de dĂŠveloppement. Nguyáť…n Tháť‹ HĂ Nhung - FOUSĂ?F HFOSF FTU JNQPSUBOUF 6OF consommatrice pensera au rapport prix/ qualitĂŠ, un homme mettra en avant son plaisir.


[Jim Delaney] Il est important de penser à l’importance du marketing dans la production agricole actuelle ; prenons le paradoxe du cafÊ : - depuis vingt ans, le prix du cafÊ à la consommation continue de croÎtre alors que les prix agricoles chutent. Les �DPOPNJTUFT #FOPÔU %BWJSPO FU 4UFGBOP 1POUF [11] expliquent que depuis les annÊes MFT HSBOET BDDPSET NBSDIBOET POU donnÊ aux États le pouvoir de gÊrer le marchÊ du cafÊ. Chaque État d’AmÊrique du Sud peut dÊcider du nombre de tonnes exportÊes chaque annÊe. Le marchÊ est de QMVT FO QMVT DPOUSÙM� EF GBÎPO WFSUJDBMF QBS les grandes entreprises. Actuellement, six ou

Figure

35

sept compagnies dans le monde achètent le cafĂŠ. La gestion est devenue ĂŠtatique et non plus privĂŠe. Le prix du cafĂŠ est extrĂŞmement faible mais les consommateurs payent le marketing, le design, l’ambiance. Le plaisir ne vient pas du produit mais d’une expĂŠrience de consommation. Cette expĂŠrience est fabriquĂŠe par les grandes compagnies. D’importants changements ont ĂŠtĂŠ opĂŠrĂŠs concernant la gestion du marchĂŠ agricole – Cf. QPMJUJRVFT EF MB #BORVF NPOEJBMF EF M 0.$ #FBVDPVQ EF QBZT FO WPJF EF EĂ?WF loppement ont ĂŠtĂŠ contraints de changer leur rĂŠgulation : moins de support pour MFT QSPEVDUFVST NPJOT EF DPOUSĂ™MF EFT exportations, ouverture des marchĂŠs.

Pays en dĂŠveloppement : exportations de produits agricoles en proportion de la production agricole, 1986-2007

Source : Banque mondiale, 2009.

[11] #FOPÔU %BWJSPO 4UFGBOP 1POUF -F QBSPEPYF EV DBG� &E 2VBF BWFD MF $JSBE FU MF $5"

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[ ]


De nombreux pays ont vu leurs exportations d’aliments augmenter. En 1986, le pourcenUBHF E BMJNFOUT FYQPSUĂ?T Ă?UBJU EF BDUV ellement il approche 40 %. Ce graphique concerne tous les pays en voie de dĂŠveloppement ÂŤ capitalistes Âť, y compris le 7JĚ?U /BN o $VCB FU MB $PSĂ?F EV /PSE OF sont pas considĂŠrĂŠs. Durant les annĂŠes 80, la crise financière a amenĂŠ beaucoup de pays en dĂŠveloppement Ă exporter des biens alimentaires contre des dollars. Les gouvernements ont ouvert les marchĂŠs. $FMB B FOUSBĂ”OĂ? VO SFTTFSSFNFOU EV DPOUSĂ™MF de toutes les ĂŠtapes de la production par de grandes compagnies – intĂŠgration verticale. En 2005 par exemple, IKEA a optĂŠ QPVS M BDIBU EF CBNCPV BV 7JĚ?U /BN 6OF chaĂŽne de production et de commercialisation a ĂŠtĂŠ construite, des agriculteurs aux consommateurs ; des entreprises privĂŠes ont ĂŠtĂŠ financĂŠes pour la fabrication de plancher. 6OF DPMMBCPSBUJPO B Ă?HBMFNFOU Ă?UĂ? JOJUJĂ?F via M 0/( GSBOĂŽBJTF (3&5 EBOT MF EPNBJOF EF MB gestion forestière. Si la transition agraire est une transition d’une sociĂŠtĂŠ paysanne Ă une sociĂŠtĂŠ capitaliste d’Êconomie de marchĂŠ, on note cependant une importante appropriation des terres. On le constate au Laos et au Cambodge avec de grandes compagnies chinoises, corĂŠennes ou du Moyen-Orient qui achètent des terrains cultivables pour l’exportation. Vin Pheakdey Le Cambodge prĂŠsente deux types de distribution de la terre : la concession sociale par un mĂŠcanisme de redistribution des terres aux petits paysans ; la concession ĂŠconomique par un mĂŠcanisme d’attribution de grandes surfaces Ă de grandes entreprises o DPODFTTJPO EF BOT BV QMVT - PCKFDUJG

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est d’ouvrir les marchĂŠs et de favoriser la crĂŠation d’emplois. En rĂŠalitĂŠ, la concession ĂŠconomique pose des problèmes fonciers aux petits paysans : aucune ĂŠtude prĂŠalable de dĂŠlimitation, empiètements sur des UFSSFT QSJWĂ?FT 1BS BJMMFVST EFT FOUSFQSJTFT Ĺ“uvrent davantage vers une stratĂŠgie spĂŠculative en dĂŠlaissant les plantations pour des exploitations forestières. [Jim Delaney] Depuis les annĂŠes 60, les ĂŠconomistes s’accordent Ă souligner que les petites fermes sont plus productives : meilleure gestion du travail, des intrants, etc. Il existe ĂŠgalement des raisons ĂŠcologiques : les terres Ă riz supportent moins bien une mise en culture sur de grandes TVSGBDFT QPVS EFT SBJTPOT EF DPOUSĂ™MF EF M FBV par exemple. En 2008, pour la première fois EFQVJT WJOHU BOT MB #BORVF NPOEJBMF B Ă?NJT des rĂŠserves sur la productivitĂŠ des petites fermes du fait de la forte modernisation de l’agriculture, du manque de capitaux pour les petits producteurs et de l’intensification EF MB SĂ?HMFNFOUBUJPO "V 7JĚ?U /BN QBS exemple, les petits producteurs rencontrent de nombreuses difficultĂŠs pour vendre leurs productions aux grandes surfaces.


JournĂŠe 4, après-midi du jeudi 22 juillet 2.1.5. Impacts environnementaux de la transition agraire [12] [Jean-François Rousseau] Rodolphe De Koninck et moi travaillons depuis EFVY BOT TVS VO QSPKFU EF SFDIFSDIF RVJ WJTF Ă comprendre comment les agricultures sud-est asiatiques ont ĂŠvoluĂŠ dans l’espace et comment les pratiques agricoles se sont intensifiĂŠes dans la rĂŠgion depuis les annĂŠes 1960. "WBOU E BCPSEFS DFT RVFTUJPOT KF voudrais ĂŠnoncer quelques remarques mĂŠthodologiques Ă propos de la recherche de donnĂŠes statistiques, de ses modalitĂŠs et de ses limites. Internet propose d’importantes bases de donnĂŠes, Ă l’Êchelle des pays, sur une multitude d’indicateurs diffĂŠrents, incluant DFVY EPOU OPVT BMMPOT EJTDVUFS BVKPVSE IVJ Il importe de garder un esprit critique envers ces bases de donnĂŠes statistiques livrĂŠes par les États. Ces informations peuvent servir des agendas politiques prĂŠcis. Aussi, comme les critères utilisĂŠs pour comptabiliser les indicateurs varient d’un pays Ă l’autre, des questions se posent quant Ă la mesure et la comparaison des donnĂŠes. Enfin, puisque le traitement des informations s’opère Ă l’Êchelle nationale, les dimensions locales et qualitatives s’Êvaporent. Il revient au chercheur d’être capable de remettre ces donnĂŠes dans leur contexte, en se basant notamment sur son expĂŠrience de terrain. Cet exercice vous sera demandĂŠ dans le cadre de l’atelier.

Revenons Ă prĂŠsent sur la dĂŠfinition de quatre concepts importants pour mon propos : cultures vivrières, cultures de rente, intensification et expansion agricoles : - les cultures vivrières, ÂŤ food crops Âť sont des cultures essentiellement destinĂŠes Ă l’autoconsommation des paysans et des sociĂŠtĂŠs locales ; - les cultures de rente, ÂŤ cash crops Âť, donnent lieu Ă des ĂŠchanges marchands – pensez au caoutchouc ou Ă l’huile de palme destinĂŠe Ă la production d’agrocarburants. Dans les cas qui nous concernent ici, il s’agit de cultures de plantation dont le dĂŠveloppement Ă plus moins grande ĂŠchelle remonte Ă l’Êpoque coloniale. Aussi, contrairement Ă ce que leur nom anglais laisse prĂŠsager, les cultures de rente recouvrent aussi des cultures qui, comme le cafĂŠ ou le cacao, sont essentiellement vouĂŠes Ă des usages alimentaires ; - l’intensification agricole consiste en l’adoption de pratiques qui permettent l’obtention de plus grands rendements sur une parcelle donnĂŠe. Traditionnellement permise par l’amĂŠlioration des techniques d’irrigation et l’apport d’engrais organiques, l’intensification agricole rime de plus en plus avec l’usage d’intrants agricoles chimiques et de semences gĂŠnĂŠtiquement modifiĂŠes ; - l’expansion agricole est l’agrandissement du domaine agricole, des surfaces cultivĂŠes. Elle se produit principalement au dĂŠtriment des forĂŞts, mais aussi par poldĂŠrisation.

[12] 3PEPMQIF %F ,POJDL FU NPJ N�NF UFOPOT Ë SFNFSDJFS /64 1SFTT QPVS OPVT BWPJS QFSNJT EF SFQSFOESF JDJ RVFMRVFT ÜHVSFT BQQBSBJTTBOU E�KË EBOT OPUSF Gambling with the Land. Southeast Asia’s Agricultures, 1960-2008 (sous presse).

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Les figures suivantes illustrent comment ces quatre concepts évoluent dans le Sud-Est asiatique.

Figure

36

Asie du Sud-Est, Cultures commerciales (caoutchouc, huile de palme et café) et cultures vivrières (riz et maïs), 1961-2008

Source : FAOSTAT (2010).

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Ces graphiques présentent les superficies de trois cultures de rente et de deux cultures vivrières importantes en Asie du Sud-Est : caoutchouc, huile de palme et café d’une part, riz et maïs d’autre part. On constate que les surfaces destinées aux cultures de rente sont celles qui augmentent le plus

Figure

37

rapidement. L’agriculture du Sud-Est asiatique est de plus en plus intégrée aux marchés mondiaux ; les paysans cultivent de moins en moins leur lopin de terre uniquement pour se nourrir et pour fournir des aliments à leur communauté.

Expansion agricole dans les grandes régions du monde, 1700-1990

Source : Nelson Institute of Environmental Studies, University of Wisconsin (2010).

On remarque en Asie du Sud-Est une forte corrélation entre l’expansion du domaine agricole et le recul du couvert forestier. Aussi, contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des autres régions du monde, l’expansion de l’agriculture sud-est asiatique continue de progresser.

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Figure

38

Asie du Sud-Est, Croissance démographique et expansion des surfaces cultivées, 1700-2007

Sources : FAOSTAT (2010); Nelson Institute of Environmental Studies, University of Wisconsin (2010); Nevillle (1979).

En Asie du Sud-Est, l’expansion des terres agricoles a véritablement débuté à la fin du 19e siècle, au moment où les puissances coloniales ont assis leur autorité sur les terres conquises. L’évolution de l’expansion agricole de la péninsule et de l’archipel suivent des tangentes similaires depuis cette période. Depuis 1980-1990, on constate une réelle

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accélération des surfaces mises en culture dans la région. Il faut notamment y voir un lien avec les mécanismes de la mondialisation, lesquels catalysent le commerce international des produits agricoles, et, de fait, l’expansion des cultures de rente.


Figure

39

Évolution du couvert forestier sud-est asiatique, 1970-1990

Source : Bernard et De Koninck (1996).

- VSCBOJTBUJPO OF TBVSBJU KVTUJĂśFS Ă‹ FMMF TFVMF MB rĂŠduction du couvert forestier qui a marquĂŠ MFT EFSOJĂ’SFT EĂ?DFOOJFT MFT GPSĂ?UT BWBJFOU EĂ?KĂ‹ disparu des principales zones de concentra-

UJPO EĂ?NPHSBQIJRVF EBOT MFT BOOĂ?FT Le recul de la forĂŞt est essentiellement fonction de la mise en culture de zones de plus en plus reculĂŠes.

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Figure

40

Évolution du couvert forestier au Vietnam, 1943-1993

Sources : De Koninck (1997) ; FIPI ; Maurand (1943).

"V 7J̏U /BN MFT EFMUBT EV /PSE FU EV 4VE ont perdu la quasi-totalité de leur couvert forestier au début des années 40. Depuis, l’expansion agricole s’opère dans des régions périphériques – nord montagneux, hauts plateaux du Centre.

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Figure

41

Valeur ajoutĂŠe agricole et valeur ajoutĂŠe agricole par travailleur agricole, 1960-2008

Sources : World dataBank (2010).

Intensification et expansion agricoles vont TPVWFOU MJ�FT FO "TJF EV 4VE &TU 1BSNJ MFT moyens qui permettent l’intensification agricole, on pense entre autres à l’accroissement des surfaces irriguÊes et à la double rÊcolte de riz, à la mÊcanisation, à l’usage d’intrants chimiques et aux semences amÊliorÊes.

Cinq aspects caractĂŠrisent le dynamisme de l’agriculture Sud-Est asiatique : - l’expansion et l’intensification sont d’abord TVSWFOVFT EBOT M BSDIJQFM o 1IJMJQQJOFT Malaysia et IndonĂŠsie –, avant de s’Êtendre aux pays de la pĂŠninsule ; - ce dynamisme concerne Ă la fois les cultures vivrières et de rente, quoique les

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superficies destinĂŠes aux cultures de rente augmentent plus rapidement ; - l’Êvolution historique de ce dynamisme est marquĂŠe par trois ĂŠtapes distinctes : ĂŠpoque prĂŠ-coloniale (riz) ; apports de la colonisation (cafĂŠ, caoutchouc) ; postcoloniale (huile de palme) ; - il se caractĂŠrise par une rotation extrĂŞmement rapide des mises en culture ; - l’expansion et l’intensification commencent Ă s’essouffler dans certaines rĂŠgions du Sud-Est asiatique. En ThaĂŻlande, l’expansion des surfaces agricoles a plafonnĂŠ au cours EF MB EĂ?DFOOJF FU FTU BVKPVSE IVJ FO recul. Le mĂŞme constat peut ĂŞtre dressĂŠ pour la Malaysia pĂŠninsulaire. Travaux de groupe sur les donnĂŠes statistiques et premiers ĂŠlĂŠments d‘analyse proposĂŠs par les stagiaires Groupe 1 Nous avons ĂŠtudiĂŠ les changements observĂŠs sur ces graphiques retraçant l’Êvolution de la riziculture en Asie du Sud-Est en nous rĂŠfĂŠrant aux fenĂŞtres conceptuelles de la transition agraire. Nos observations ont portĂŠ sur le Cambodge. Trois pĂŠriodes peuvent ĂŞtre distinguĂŠes : DIVUFT EFT TVSGBDFT FU EFT rendements rizicoles en raison de la guerre FU EF M FYPEF SVSBM &OUSF FU MFT Khmers rouges contraignent la population Ă retourner Ă la campagne, s’ensuit une augmentation des densitĂŠs de population en zone rurale ; - 1980-1989 : les surfaces dĂŠdiĂŠes Ă la riziculture et les rendements s’accroissent, mais de façon modeste. La fin du rĂŠgime EFT ,INFST SPVHFT FO EPOOF MJFV Ă‹

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un exode rural important, sans pour autant mettre un terme Ă l’instabilitĂŠ politique ; - depuis 1998 : les surfaces rizicoles demeuSFOU SFMBUJWFNFOU TUBCMFT 1BS BJMMFVST MB rĂŠforme foncière, la stabilitĂŠ politique et l’adhĂŠsion du Cambodge Ă l’ASEAN (30 avril 1999) et Ă l’OMC (le 13 octobre 2004) favorisent l’augmentation des rendements. Groupe 2 Nos donnĂŠes s’intĂŠressent Ă l’Êvolution des plantations de palmier Ă huile et de leurs rendements entre 1961 et 2008 en IndonĂŠsie, FO .BMBJTJF BVY 1IJMJQQJOFT FU FO 5IBĂ•MBOEF Cette ĂŠvolution est marquĂŠe par la forte croissance des superficies des palmeraies indonĂŠsiennes et malaises, et Ă l’augmentation rapide de leur importance relative par rapport au territoire agricole national. L’expansion des palmeraies de l’archipel s’est accrue au cours des annĂŠes 1960 en IndonĂŠsie et en Malaisie, elle apparaĂŽt quelques dĂŠcennies plus tard en ThaĂŻlande et aux 1IJMJQQJOFT -FT SFOEFNFOUT POU DPOOV VOF forte augmentation en ThaĂŻlande Ă partir EF [Jean-François Rousseau] Si les superficies destinĂŠes Ă la culture du palmier Ă huile en IndonĂŠsie et en Malaysia sont du mĂŞme ordre de grandeur, il va de soi que ce dernier pays consacre une part bien plus importante de son domaine agricole Ă DFUUF DVMUVSF $FDJ UJFOU Ă?WJEFNNFOU BV KFV des ĂŠchelles, qui aura Ă son tour un impact sur l’importance relative des forĂŞts coupĂŠes dans les deux pays pour laisser place aux plantations.


Groupe 3 Notre ĂŠquipe a analysĂŠ les fluctuations des surfaces de plantations de cafĂŠ en IndonĂŠsie, BV -BPT BVY 1IJMJQQJOFT FO 5IBĂ•MBOEF FU BV 7JĚ?U /BN BJOTJ RVF M Ă?WPMVUJPO EFT rendements. Quoique en recul depuis 20042005, le domaine cafĂŠier indonĂŠsien est le plus WBTUF QBSNJ MFT QBZT DPODFSOĂ?T "V 7JĚ?U /BN les superficies augmentent essentiellement depuis 1995, notamment sous l’impulsion EF MB QPMJUJRVF EV 3FOPVWFBV -F 7JĚ?U /BN dĂŠdie une portion plus importante de son territoire agricole Ă cette culture que le font les autres pays. Quant aux plantations lao, leur superficie est moindre mais affiche une croissance rapide. Ă€ partir de la fin des annĂŠes 1980, les rendements cafĂŠiers s’accroissent rapidement BV 7JĚ?U /BN PĂĄ JMT QMBGPOOFOU FO puis s’effritent, peut-ĂŞtre en raison des cours mondiaux. Intensification de la production et expansion de la superficie des plantations de cafĂŠ sont des traits communs Ă tous les pays. [Jean-François Rousseau] Je souligne l’influence des cours mondiaux du cafĂŠ. Si les prix ont une influence directe sur les surfaces cultivĂŠes, ceci est moins vrai en ce qui concerne les rendements. Lorsque le cours d’une denrĂŠe augmente, les surfaces dĂŠdiĂŠes Ă cette mĂŞme denrĂŠe en font souvent EF NĂ?NF 1BS DPOUSF QMVTJFVST QSPEVDUJPOT agricoles affichent des rendements optimaux quelques annĂŠes après leur mise en culture. Dans le cas du cafĂŠ, les rendements les plus ĂŠlevĂŠs surviennent gĂŠnĂŠralement lorsque les plantations atteignent entre cinq et quinze ans. Le fait que les cultures indonĂŠsiennes soient plus anciennes que celles d’Asie du Sud-Est pĂŠninsulaire explique en partie leurs SFOEFNFOUT NPJOESFT "V 7JĚ?U /BN D FTU

l’inverse : les surfaces dĂŠdiĂŠes au cafĂŠ se sont accrues rapidement Ă partir du milieu des annĂŠes 1980, et les rendements vietnamiens sont les plus ĂŠlevĂŠs de la rĂŠgion depuis le dĂŠbut des annĂŠes 1990. Groupe 4 Entre 1950 et 2008, la pĂŞche et l’aquaculture se sont dĂŠveloppĂŠes Ă un rythme soutenu dans les cinq pays ĂŠtudiĂŠs : Cambodge, *OEPOĂ?TJF -BPT .BMBZTJB 7JĚ?U /BN %FVY sous-groupes se distinguent : les pays Ă forte BVHNFOUBUJPO o MF 7JĚ?U /BN FU M *OEPOĂ?TJF o et ceux qui affichent une augmentation plus progressive, c’est-Ă -dire le Laos, le Cambodge et la Malaysia. Ces diffĂŠrences sont notamment liĂŠes Ă des facteurs gĂŠographiques telles que l’insularitĂŠ et l’importance de la façade maritime des pays. Jusqu’en 1980, on note une croissance modĂŠrĂŠe dans l’ensemble des pays considĂŠrĂŠs : il s’agit d’une ĂŠpoque marquĂŠe par de nombreux conflits et des taux de croissance dĂŠmographique infĂŠrieurs Ă ceux que nous connaissons BVKPVSE IVJ ÂŽ QBSUJS EF MFT QĂ?DIFSJFT FU l’aquaculture sud-est asiatiques sont portĂŠes par une croissance dĂŠmographique plus vive et l’augmentation des besoins des marchĂŠs domestiques et internationaux. [Jean-François Rousseau] Le taux de croissance des productions aquacoles est beaucoup plus important que le taux de croissance des pĂŞcheries, en raison de l’Êpuisement des ressources halieutiques. 1BS BJMMFVST M BQQPSU EFT QĂ?DIFSJFT Ă‹ MB production sud-est asiatique de poissons et EF GSVJUT EF NFS EFNFVSF Ă‹ DF KPVS TVQĂ?SJFVS Ă celui de l’aquaculture.

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[Bruno Thibert] Écoutons le groupe qui a travaillĂŠ sur le recul forestier. Groupe 5 Nous avons ĂŠtudiĂŠ les six sĂŠries de donnĂŠes statistiques suivantes : - Recul du couvert forestier, par pays sud-est BTJBUJRVF TPVSDFT '"045"5 FU N.I.E.S.) ; - Recul du couvert forestier pour les rĂŠgions de l'archipel et de la pĂŠninsule sud-est BTJBUJRVFT TPVSDFT '"045"5 FU N.I.E.S.) ; - Territoire occupĂŠ par des forĂŞts, par pays TVE FTU BTJBUJRVF TPVSDF FAOSTAT) ; 1PSUJPO EV UFSSJUPJSF PDDVQĂ? QBS EF MB GPSĂ?U QBS QBZT TVE FTU BTJBUJRVF (source : FAOSTAT) ; - Aires de forĂŞts plantĂŠes par pays sudFTU BTJBUJRVF TPVSDF 6/&1 (FPEBUB 1PVSDFOUBHF EF GPSĂ?UT QMBOUĂ?FT FO GPODUJPO de la totalitĂŠ des forĂŞts, par pays sudFTU BTJBUJRVFT TPVSDF 6/&1 (FPEBUB -FT EPOOĂ?FT NPOUSFOU VO recul important des forĂŞts pour l’ensemble de la rĂŠgion sud-est asiatique vers 1880, QBSUJDVMJĂ’SFNFOU EV DĂ™UĂ? EF M BSDIJQFM $F SFDVM TFNCMF ThĂ?USF JOUFOTJĂśĂ? EFQVJT La chute la plus marquĂŠe se produit dans l'archipel Ă la fin du 20e siècle. Les donnĂŠes par pays, pour la mĂŞme pĂŠriode, soulignent que l’IndonĂŠsie a ĂŠtĂŠ l’acteur principal de ce dynamisme rĂŠgional – perte d'environ NJMMJPOT EhIFDUBSFT -B 5IBĂ•MBOEF FU MFT 1IJMJQ QJOFT FOSFHJTUSFOU VO GPSU SFDVM GPSFT UJFS Les donnĂŠes plus dĂŠtaillĂŠes des annĂŠes 1990-

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NPOUSFOU Ă‹ OPVWFBV RVF M *OEPOĂ?TJF demeure le malheureux champion de la dĂŠforestation, suivie plus marginalement par MB #JSNBOJF MFT 1IJMJQQJOFT FU MF $BNCPEHF Les autres pays semblent avoir plus ou NPJOT TUBCJMJTĂ? M FTQBDF GPSFTUJFS -F 7JĂ?U Nam enregistre une croissance d'environ 10 % au cours de la pĂŠriode, en proportion, la croissance des espaces de forĂŞts plantĂŠes est la plus importante de la rĂŠgion avec la ThaĂŻlande. La principale cause de la dĂŠforestation en Asie du Sud-Est est l’expansion territoriale de l’agriculture. Si l’on observe le phĂŠnomène par la fenĂŞtre ÂŤ territorialitĂŠ Âť, les rĂŠgions marginales (montagnes et hauts plateaux surtout) sont graduellement devenues des espaces agricoles. Si l’on considère les fenĂŞtres ÂŤ modes de vie Âť et ÂŤ mondialisation Âť, on peut ĂŠvoquer la croissance importante des populations et un accès grandissant aux marchĂŠs mondiaux. Les effets environnementaux de la dĂŠforestation perturbent la biodiversitĂŠ, les rĂŠgimes hydriques, fragilisant les sols par une plus grande vulnĂŠrabilitĂŠ Ă l’Êrosion et la perte de puits de carbone. [Bruno Thibert] 7PVT BWF[ CJFO JEFOUJĂśĂ? VOF EĂ?DSPJTTBODF EF la superficie de la forĂŞt dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. La principale cause du recul forestier est l’expansion de l’agriculture telle que vous l’avez ĂŠnoncĂŠ. L’IndonĂŠsie est un cas phĂŠnomĂŠnal ! Le recul marquĂŠ pour ce pays s’explique aussi par l’exploitation forestière et les feux de forĂŞt. L’influence de l’État est ĂŠvidente de par les politiques agricoles mises en place. Il faut aussi souligner les investissements privĂŠs pour les cultures EF SFOUF + BKPVUFSBJT RVF MFT QMBOUBUJPOT


GPSFTUJĂ’SFT BV 7JĂ?U /BN OF QFVWFOU FYQMJRVFS Ă elles seules le gain total des forĂŞts car les donnĂŠes indiquent environ 1,5 millions d'hectares plantĂŠes et un gain total d'environ 3,5 millions d’hectares. Serait-ce dĂť Ă une politique plus agressive de protection des forĂŞts ou des donnĂŠes redĂŠfinies en fonction de classes d'occupation du territoire ? Groupe 6 Nous avons ĂŠtudiĂŠ les six sĂŠries de donnĂŠes statistiques suivantes : - aires occupĂŠes par des forĂŞts de mangrove, QBS QBZT TPVSDF 6/&1 (FPEBUB - aires occupĂŠes par les forĂŞts de mangrove, tendances en fonction du temps, par pays, TPVSDF '"0 XPSLJOH QBQFS Les indicateurs sur la superficie des mangroves dans cette rĂŠgion portent sur sept QBZT #JSNBOJF $BNCPEHF *OEPOĂ?TJF .BMBJTJF 5IBĂ•MBOEF 7JĚ?U /BN 1IJMJQQJOFT -FT

donnĂŠes ne sont pas homogènes, on note quelques ruptures. La tendance gĂŠnĂŠrale est nĂŠanmoins une diminution de la superficie des forĂŞts de mangroves dans l’ensemble des pays de 1980 Ă 2005. L’IndonĂŠsie se dĂŠmarque Ă la fois par une plus importante superficie de forĂŞts et un fort recul forestier ; pour la partie pĂŠninsulaire, les mĂŞmes conclusions sont avancĂŠes pour le 7JĚ?U /BN /PVT QFOTPOT RVF M FYUFOTJPO EF MB DVMUVSF EFT DSFWFUUFT FTU VOF DBVTF NBKFVSF Ă la diminution des mangroves – l’IndonĂŠsie, MF 7JĚ?U /BN FU MB 5IBĂ•MBOEF TPOU MFT QMVT importants producteurs et exportateurs de crevettes mondiaux. Les ĂŠcarts constatĂŠs entre les pays, notamment l’IndonĂŠsie et la ThaĂŻlande, peuvent s’expliquer par l’efficacitĂŠ des politiques de protection de l’environnement (fenĂŞtre rĂŠglementation). Enfin, le recul des forĂŞts de mangrove a un impact sur le niveau de salinitĂŠ et d’Êrosion des sols (fenĂŞtre environnement).

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Figure

42

Indonésie - Aire occupée par les forêts de mangrove, tendances en fonction du temps

Source : FAOSTAT, Working Paper 137.

Figure

43

Malaisie - Aire occupée par les forêts de mangrove, tendances en fonction du temps

Source : FAOSTAT, Working Paper 137.

[ ] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


Figure

44

Vietnam - Aire occupĂŠe par les forĂŞts de mangrove, tendances en fonction du temps

Source : FAOSTAT, Working Paper 137.

[Bruno Thibert] "V TVKFU EFT GPSDFT NPUSJDFT RVJ TPOU responsables de la disparition des mangroves, il y a bel et bien la crevetticulture. Au 7JĚ?U /BN BV $BNCPEHF FU FO 5IBĂ•MBOEF D FTU effectivement la raison principale. D’autres facteurs peuvent ĂŞtre avancĂŠs : d’autres GPSNFT E BRVBDVMUVSF 1IJMJQQJOFT *OEPOĂ?TJF FU 7JĂ?U /BN MB TVSFYQMPJUBUJPO QPVS MF CPJT FU PV MF DIBSCPO 7JĚ?U /BN *OEPOĂ?TJF 1IJMJQQJOFT $BNCPEHF FU 5IBĂ•MBOEF M FYQBO TJPO EF M BHSJDVMUVSF 7JĚ?U /BN 5IBĂ•MBOEF IndonĂŠsie et plus marginalement au Cambodge), l’urbanisation et l’industrialisation 1IJMJQQJOFT -FT QPQVMBUJPOT RVJ EĂ?QFOEFOU des ressources en bois de la mangrove sont très affectĂŠes par son recul.

+ BKPVUF RVF MB .BMBZTJB T FTU EPUĂ?F E VOF remarquable politique de protection de sa mangrove – le pays produit 6 millions de dollars par an dans le domaine du bois d’œuvre ; 12 Ă 18 millions de dollars par annĂŠe QPVS MB QĂ?DIF TFDUFVS RVJ FNQMPJF KVTRV Ă‹ 10 000 individus. MalgrĂŠ cela, leurs mangroves TPOU USĂ’T QFV EĂ?HSBEĂ?FT HSÉDF Ă‹ VOF MPOHVF tradition de gestion des ressources. 1BSNJ MFT BDUFVST EF DFT DIBOHFNFOUT PO peut noter les politiques d’expansion ĂŠtatique de l’aquaculture financĂŠe en partie par des intĂŠrĂŞts privĂŠs. De plus, les communautĂŠs locales sont parfois responsables de la surexploitation du bois et/ou du charbon. Le premier impact est bien entendu la perte de biodiversitĂŠ alors que la flore et la faune de cet ĂŠcosystème sont une ressource de grande

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importance pour les populations locales. La QFSUF EFT GPSĂ?UT EF NBOHSPWF SFOE MFT DĂ™UFT vulnĂŠrables Ă l’Êrosion, particulièrement BV 7JĚ?U /BN 1PVS ĂśOJS KF SBQQFMMF RVF MFT NBOHSPWFT QSPUĂ’HFOU MFT DĂ™UFT EFT UFNQĂ?UFT tropicales et d’autres ĂŠvĂŠnements naturels – les forĂŞts de Malaysia ont attĂŠnuĂŠ les effets du tsunami de 2004 alors que la ThaĂŻlande et l’IndonĂŠsie ont ĂŠtĂŠ frappĂŠes très durement. Groupe 7 Notre groupe a travaillĂŠ sur le rendement des cultures de riz, cafĂŠ et maĂŻs (1961-2008 : FAOSTAT) ainsi que sur l’utilisation d’engrais chimiques (1961-2005 : WDI) et Ă base de nitrates [13] (1961-2008 : WDI). On note une tendance gĂŠnĂŠrale Ă l’augmentation des rendements sur l’ensemble de la rĂŠgion – les hauts rendements rizicoles JOEPOĂ?TJFOT TPOU EĂ?QBTTĂ?T QBS MF 7JĚ?U /BN depuis 2000. Les fluctuations des rendements du cafĂŠ sont marquĂŠes en ThaĂŻlande et au 7JĚ?U /BN

Les ĂŠmissions agricoles d’oxyde nitreux sont ĂŠlevĂŠes par rapport aux ĂŠmissions UPUBMFT o OPUBNNFOU BVY 1IJMJQQJOFT BMPST que l’utilisation d’engrais azotĂŠs demeure faible ; est-ce en lien avec une industrie peu dĂŠveloppĂŠe ? Le mĂŞme constat est relevĂŠ QPVS MF 7JĚ?U /BN TVSUPVU BQSĂ’T EV GBJU de l’importance du secteur ĂŠconomique agricole. En Malaysia, ce taux demeure bas malgrĂŠ une augmentation entre 1995 et 2000 ; la quantitĂŠ d’engrais azotĂŠs utilisĂŠe par hectare est ici la plus ĂŠlevĂŠ de la rĂŠgion du fait du dĂŠveloppement industriel. Les ĂŠmissions de N2O sont très importantes en IndonĂŠsie : forts apports d’engrais chimiques, caractĂŠristiques gĂŠographique du pays. L’engrais azotĂŠ est particulièrement prĂŠsent dans les pays Ă forts rendements, les ĂŠmissions d’oxyde nitreux sont marquĂŠes : IndonĂŠsie, 5IBĂ•MBOEF 7JĚ?U /BN -B QBSU EF M BHSJDVMUVSF dans ses ĂŠmissions est considĂŠrable.

Deux groupes apparaissent en fonction des apports en engrais : le Cambodge, la #JSNBOJF FU MF -BPT BWFD VOF GBJCMF VUJMJTBUJPO M *OEPOĂ?TJF QVJT MB 5IBĂ•MBOEF MF 7JĚ?U /BN MB .BMBJTJF FU MFT 1IJMJQQJOFT PĂĄ M VUJMJTBUJPO FTU ĂŠlevĂŠe – la proportion par hectare est plus forte en Malaysia.

[13] L’oxyde nitreux (N2O) est l’un des trois principaux gaz Ă effet de serre responsables du changement climatique. Les sociĂŠtĂŠs contribuent Ă son ĂŠmission par la culture du sol et l’utilisation d’engrais azotĂŠ, la production de nylon et la combustion de matières organiques et de combustibles fossiles. Les pratiques agricoles peuvent stimuler les Ă?NJTTJPOT E PYZEF OJUSFVY EFT TPMT FU KPVFS VO SĂ™MF JNQPSUBOU EBOT M BDDVNVMBUJPO EF DFT HB[ EBOT M BUNPTQIĂ’SF [ajout de l’Êditeur]

[ ] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD


Figure

45

Consommation totale d’engrais à base de nitrates, par pays, 1961-2005

46

Pourcentage des émissions d’oxyde nitreux (N2O) provenant de sources agricoles en Asie du Sud-Est, 1990-2005

47

Émissions d’oxyde nitreux en Asie du Sud-Est, 1990-2005

Source : FAOSTAT.

Figure

Source : UN Geodata.

Figure

Source : WDI.

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Didier Orange La solution est connue depuis plus de 50 ans avec l’utilisation d’engrais organiques, elle demeure cependant peu appliquĂŠe car elle dĂŠpend de la comprĂŠhension technologique EFT BDUFVST FU EF MFVST TUSBUĂ?HJFT 7PJMĂ‹ pourquoi, nous, les ingĂŠnieurs, avons absolument besoin de partager et de collaborer avec les chercheurs en sciences sociales. [Bruno Thibert] 6O EFT NPUFVST EF MB QSPEVDUJWJUĂ? OPUBN ment rizicole, est l’augmentation du nombre EF SĂ?DPMUFT QBS BO HSÉDF Ă‹ M JSSJHBUJPO FU l’utilisation de variĂŠtĂŠs amĂŠliorĂŠes. On peut observer une corrĂŠlation entre l’utilisation d’engrais et l’augmentation de la productivitĂŠ. D’ailleurs, l’IndonĂŠsie et la Malaysia en ont GBJU VTBHF EF GBĂŽPO JNQPSUBOUF QMVT UĂ™U WFST RVF MB NPZFOOF 1FOTPOT notamment Ă la rĂŠvolution verte en Malaysia qui visait une intensification agricole marquĂŠe. Les gros producteurs de riz, l’IndonĂŠsie, la 5IBĂ•MBOEF FU MF 7JĂ?U /BN TPOU MFT QMVT HSBOET consommateurs d’engrais azotĂŠs tandis que la Malaysia en utilise peu sur l’ensemble de sa consommation totale d’engrais. La nature de son secteur agricole, spĂŠcialement le caoutchouc et le palmier Ă l’huile, pourrait expliquer cette diffĂŠrence. L’IndonĂŠsie utilise, de loin, la plus grande quantitĂŠ d’engrais mais sa vaste superficie agricole explique une consommation par hectare comparable Ă la 5IBĂ•MBOEF FU BVY 1IJMJQQJOFT La double rĂŠcolte annuelle gĂŠnère une plus grande demande de ressources puisĂŠes Ă mĂŞme le sol par les plans cultivĂŠs. La pĂŠriode de renouvellement des nutriments naturels se rĂŠtrĂŠcie, il en rĂŠsulte un appauvrissement des sols. Cette sur-utilisation des terres agricoles

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et l’accumulation de produits chimiques deviennent des facteurs importants de fragilisation des sols : augmentation de la porositÊ, friabilitÊ en surface, amplification du lessivage en profondeur. Le potentiel d’Êrosion de surface et la charge de produits chimiques entraÎnÊs par l’eau de percolation croient, entraÎnant ainsi une hausse de sÊdiments et de concentration d’ÊlÊments chimiques dans les cours d’eau. Selon la gÊologie rÊgionale, il est même possible que l'eau de percolation affecte la nappe phrÊatique. L’utilisation d’engrais à base de nitrates engendre aussi une hausse d’Êmissions de N2O qui est un gaz à effet de serre dont le potentiel de rÊchauffement est 300 fois supÊrieur à celui du CO2.


JournĂŠe 5, matinĂŠe du vendredi 23 juillet Figure

48

Consommation de charbon en Asie du Sud-Est, 1980-2009

Source : U.S. Energy Information Administration.

Groupe 8 Nous avons travaillÊ sur les Êmissions de dioxyde de carbone – CO2 – dans les pays d’Asie du Sud-Est (1960-2005 : WDI), la consommation de charbon (1980-2006 : U.S. Energy Information Administration), la consommation ÊnergÊtique du secteur EV USBOTQPSU 8%* FU MF SFDVM

GPSFTUJFS '"045"5 FU / * & 4 Les causes observĂŠes dans cette rĂŠgion sont : l’augmentation de la consommation ĂŠnergĂŠtique – l’IndonĂŠsie et ThaĂŻlande sont les deux pays qui ont la consommation la plus marquĂŠe (charbon, transport) – et l’exploitation forestière. De la pĂŠninsule indochinoise, la ThaĂŻlande est le pays Ă plus forte consommation ĂŠnergĂŠtique dans le

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Figure

49

Consommation ĂŠnergĂŠtique du secteur du transport en Asie du Sud-Est, 1971-2007

Source: UN Geodata.

TFDUFVS EFT USBOTQPSUT QPVS MB QĂ?SJPEF Ă‹ 4FMPO MB #BORVF NPOEJBMF M *OEPOĂ?TJF est le troisième plus important pays ĂŠmetteur de CO2 dans le monde, derrière la Chine et les ²UBUT 6OJT -FT FòFUT EF MB EĂ?GPSFTUBUJPO Z TPOU ĂŠgalement spectaculaires – au milieu des BOOĂ?FT MF QSPKFU Mega Rice a transformĂŠ les forĂŞts de Kalimantan en grenier Ă riz du pays ; en deux annĂŠes, un million d’hectares de forĂŞts a ĂŠtĂŠ rasĂŠ.

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[Bruno Thibert] Les plus gros ĂŠmetteurs de CO2 sont l’IndonĂŠsie, la ThaĂŻlande et la Malaysia. On remarque aussi que ces trois pays ont les plus grandes consommations ĂŠnergĂŠtiques liĂŠes au transport et que les deux premiers sont de grands consommateurs de charbon. Il est intĂŠressant de noter que les creux PCTFSWĂ?T BV DPVST EFT BOOĂ?FT soulignent les effets de la crise financière qui a tout d’abord touchĂŠ la ThaĂŻlande puis


s’est étendue à l’ensemble de la région sudest asiatique (Figure 49). La croissance de la consommation énergétique du transport est intimement liée au développement des réseaux et à la croissance du nombre de véhicules. Les marchandises se déplacent de plus en plus pour atteindre un nombre croissant de marchés. L’usage accru de charbon découle, entre autres, d’un besoin grandissant d'électricité. Les transports et la consommation de charbon sont des facteurs significatifs des émissions de CO2 contribuant au réchauffement climatique. On peut aussi considérer les données de N2O, étudiées par l’équipe précédente, dans le portrait des sources de gaz à effet de serre. Il faudrait voir ce qui en est des émissions de méthane (CH4) afin d’affiner l’analyse. Si l’on tient compte aussi du recul important des forêts, malgré que les océans demeurent les plus grands puits de carbone, on voit que les ingrédients sont en place pour contribuer aux changements du climat. Je voudrais aussi insister sur les conséquences du recul de la forêt : la réduction de la biodiversité, l’accélération de l’érosion par la mise à nue des sols (malgré la prise agricole) et les modifications du régime hydrologique – ruissellements de surface et drainages en profondeur.

Afin de préparer la synthèse de l’atelier, les stagiaires sont divisés en groupes thématiques. Chaque groupe doit exposer pour le lendemain en utilisant l’outil PowerPoint – 250 mots maximum. Les thématiques précédemment étudiées sont ainsi repris sous l’angle d’exercices pédagogiques : mondialisation ; acteurs et institutions ; transformations environnementales ; intégration aux marchés et intensification, réglementations ; conditions et moyens de subsistance ; urbanisation ; intensification et expansion territoriales.

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) - Intensification agricole et expansion territoriale (adapté de Jonathan Rigg et Rodolphe De Koninck, ChATSEA Process Paper n° 1) - Les défis de la transition agraire en Asie du Sud-Est, Rodolphe De Koninck - Péri-urbanisme en Asie du Sud-Est (adapté de Michael Leaf, ChATSEA Process Paper n° 3) - Rapport sur le développement dans le monde 2008. L’agriculture au service du développement, Banque mondiale Washington, D.C. Extraits : « Aperçu » et « Amener l’agriculture au marché »

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Liste des stagiaires Nom et prénom

Établissement

Institut de recherche sur la Chine Centre de recherche sur le Diệp Quý Ngân développement et l’urbanisation (CEFURDS) Ministère du Travail, Đàm Thị Mai des invalides et des Thuỷ affaires sociales Chử Đình Phúc

Đặng Thị Thanh Thảo Đỗ Hương Giang

Heng Lina

Hoàng Thị Hà

Lena Keravec (rapporteur) Ma Thị Điệp Nguyễn Hồng Thu Nguyễn Thị Hà Nhung Nguyễn Thị Hoài Hương Nguyễn Trần Nhẫn Tánh

Université de Hà Nội

Discipline

Thème de recherche

Courriel

Histoire

Contacts ethniques dans les régions frontalières sinovietnamiennes

phucdonganh@ yahoo.com

Histoire

Urbanisation

dquyngan@yahoo. com

Travail, emploi

Questions foncières et paysannerie

thuydam_share@ yahoo.com

Société civile, décentralisation, développement rural et régional

Emploi informel, développement rural et régional

dang.thanhthao@ gmail.com

Institut de huonggiangkhxh@ développement du Philosophie Politiques yahoo.com Sud Viet Nam Université royale de Droit Stratégie de réduction de la htth76@yahoo. et des Sciences Sciences juridiques pauvreté au Cambodge com.vn économiques, Cambodge Centre de recherche sur le hoangha_hp17@ Histoire Urbanisation développement yahoo.com et l’urbanisation (CEFURDS) lena.keravec@gmail. com Urbanisation, transitions Université des ngocdiepnv@gmail. Anthropologie du agraires et changement des sciences sociales et com développement modes de vie humaines de Hà Nội Institut d'économie Politiques des trois Nông : thukttg@yahoo.com et politiques Economie rural, agricole, paysannerie mondiales Institut de Institutions locales et recherche et de Institutions, poli- gestion des zones littorales nguyenhanhung85@ formation en tiques dans une commune au Nord gmail.com gestion du Việt Nam Institut de Les villages de métiers hoaihuong732002@ développement du Anthropologie traditionnels au Sud dans la yahom.com Sud Việt Nam période de transition Agriculture et Impacts des activités Université de An changements climaagricoles sur ntntanh@gmail.com Giang tiques l'environnement

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Nom et prénom

Établissement

Oem Sam Ann

Université nationale du Việt Nam, Hanoi

Orange Didier (auditeur libre) Phan Thị Ngọc Quách Thị Thu Cúc Rousseau Jean-François (auditeur libre) Savath Souksakhone Srey Sophornvy

Than Thanaren

Trần Thanh Thuỷ

Trương Văn Cường Vin Pheakdey

Discipline

Thème de recherche

Courriel

Environnement et Environnement urbain et oemsamann@yahoo. société social com Gestion des resAgro-écologie et gestion des orange@ird.fr IRD sources naturelles bassins versants (INRM) Anthropologie du phamngoc49su@ Musée d'ethnologie Anthropologie développement gmail.com Institut de Histoire sociale et La réforme agraire au Sud du quachthucuc@gmail. développement du économique Việt Nam com Sud Việt Nam Gestion des fleuves rousseau_jf@yahoo. Université McGill, Géographie transnationaux du Massif fr Canada Sud-Est asiatique Faculté des Sciences souksakhone08@ de l’environnement, Environnement Gestion de l’eau domestique gmail.com Univ. nationale du urbain Laos sophornvy.srey@ Agence universitaire Documentaire Documentaire auf.org de la Francophonie Pôle et métier des sciences et métiers de l'image et du son Archives audiovisuelles thanaren.than@ (INA-France)-Centre Gestion du patriet mémoire collective au gmail.com moine audiovisuel des ressources Cambodge audiovisuellees Bophana, Cambodge Urbanisation : effets du Institut de processus de transitions tranthanhthuy84@ recherche de Cultures sociales gmail.com agraires à des fins nondéveloppement du agricoles Centre Université des Anthropologie du truongcuong1983@ sciences sociales et Anthropologie développement gmail.com humaines de Hà Nội Economie instiRôle de l’Etat et création pheakdeyvin@ Université Louis tutionnelle et du d’emplois dans le secteur yahoo.com Lumière Lyon 2 développement agricole (Cambodge)

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2.2. Comment la transition ĂŠconomique est-elle vĂŠcue et perçue par la population ? Analyse de la complĂŠmentaritĂŠ entre approches quantitative et qualitative Mireille Razafindrakoto – IRD-DIAL, Jean-Pierre Cling – IRD-DIAL, Christian Culas – CNRS, François Roubaud – IRD-DIAL

(Retranscription) JournĂŠe 1, lundi 19 juillet PrĂŠsentation des formateurs et des stagiaires (cf. liste des stagiaires en fin de chapitre)

les approches qualitatives et quantitatives. Nous sommes quatre formateurs dont trois quantitativistes, statisticiens et ĂŠconomistes. Nous travaillons depuis quelques annĂŠes au 7JĚ?U /BN TVS EJòĂ?SFOUFT RVFTUJPOT NBSDIĂ? du travail et secteur informel, ĂŠvaluation des politiques publiques et gouvernance.

[François Roubaud]

[Christian Culas]

7PVT WPZF[ RV JM Z B VOF HSBOEF EJWFSTJU� QBSNJ WPVT 6OF EJWFSTJU� Ë MB GPJT E PSJHJOFT EF QBZT – cinq pays sont reprÊsentÊs ici – et diversitÊ de disciplines. Notre atelier va se placer sous le signe de la diversitÊ et nous allons tenter de faire en sorte que ces diversitÊs puissent DPNNVOJRVFS FOUSF FMMFT 7PJMË FYBDUF NFOU MF TVKFU EF OPUSF BUFMJFS DPOGSPOUFS

Je suis anthropologue, au dĂŠpart spĂŠcialiste du groupe ethnique Hmong, en ThaĂŻlande, BV -BPT FU BV 7JĚ?U /BN %FQVJT TJY BOT KF travaille sur l’Êmergence de la sociĂŠtĂŠ civile BV 7JĚ?U /BN FO QBSUJDVMJFS FO NJMJFV SVSBM Mon autre thème de recherche est l’Êtude EF QSPKFUT EF EĂ?WFMPQQFNFOU FO [POFT EF montagne.

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2.2.1. Cadrage mĂŠthodologique sur les approches quantitatives et qualitatives : objectifs, principes, mĂŠthodologies [Mireille Razafindrakoto] Cet atelier s’inscrit dans le prolongement de la formation que nous avons animĂŠe au cours EFT USPJT QSĂ?DĂ?EFOUFT TFTTJPOT EF M 6OJWFSTJUĂ? d’ÊtĂŠ. L’idĂŠe est de lier l’approche qualitative et l’approche quantitative Ă partir des enquĂŞtes statistiques que l’on a prĂŠsentĂŠes au cours des prĂŠcĂŠdentes sessions des JournĂŠes de Tam Ä?ảo. 1PVS NJFVY PSHBOJTFS MFT QSPDIBJOFT KPVS nĂŠes, il serait intĂŠressant de connaĂŽtre le partage entre ceux familiers des approches quantitatives, c’est-Ă -dire des enquĂŞtes statistiques, et ceux familiers des approches qualitatives. Quels sont les stagiaires qui ont EĂ?KĂ‹ QSBUJRVĂ? M FORVĂ?UF EF UFSSBJO Les rĂŠponses divisent les stagiaires en deux groupes d’effectifs comparables 1BSGBJU MFT Ă?DIBOHFT O FO TFSPOU RVF QMVT riches ! Nous comptons sur vous pour relever et animer le dĂŠfi qui se prĂŠsente Ă nous cette semaine : mieux comprendre les approches quantitative et qualitative, trouver les complĂŠmentaritĂŠs, les articuler, comment obtenir des rĂŠsultats d’un point de vue mĂŠthodologique. Et, d’un point de vue analytique, tirer des enseignements de la thĂŠmatique que nous allons analyser au cours de cette semaine. N’hĂŠsitez pas Ă poser des questions et Ă venir nous voir après les sĂŠances.

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Comment vont se dĂŠrouler ces quatre KPVSOĂ?FT FU EFNJF "VKPVSE IVJ OPVT EPOOFSPOT MFT CBTFT FU un cadrage mĂŠthodologique sur les deux types d’approches en essayant de prĂŠciser QPVS DIBDVOF MFT QPJOUT TVJWBOUT PCKFDUJGT QSJODJQFT TPVT KBDFOUT NĂ?UIPEPMPHJFT /PVT ferons tout d’abord une prĂŠsentation des enquĂŞtes statistiques – comment aborde-ton une enquĂŞte statistique ?, puis une session sur les enquĂŞtes qualitatives. En fin de KPVSOĂ?F OPVT WFSSPOT QMVT QSĂ?DJTĂ?NFOU MFT diffĂŠrences et complĂŠmentaritĂŠs entre les deux approches. Demain mardi, nous ferons une analyse critique de quelques rĂŠsultats quantitatifs obtenus sur les changements observĂŠs sur le marchĂŠ du travail et les stratĂŠgies et perceptions des individus. Dans l’aprèsmidi, nous prĂŠsenterons et discuterons des rĂŠsultats des entretiens qualitatifs semidirectifs. Les discussions porteront aussi bien sur les rĂŠsultats analytiques que sur les aspects mĂŠthodologiques. On vous distribuera six entretiens que vous devrez bien maĂŽtriser afin de faciliter les discussions. Trois types d’approches seront utilisĂŠes : enquĂŞtes statistiques, entretiens semi-directifs et enquĂŞtes qualitatives de type socio-anthropologique. Il s’agit d’examiner les atouts et faiblesses des diffĂŠrentes approches. Dans la matinĂŠe de mercredi, nous procĂŠderons au cadrage et Ă la prĂŠparation pour la mise en Ĺ“uvre de mini-enquĂŞtes qualitatives Ă la station du Tam Ä?ảo. Nous formerons des groupes de travail afin d’apprĂŠhender les USBKFDUPJSFT NJHSBUPJSFT FU QSPGFTTJPOOFMMFT des individus (petits commerçants, artisans, etc.).


-FT FORVĂ?UFT TF EĂ?SPVMFSPOU MF KFVEJ NBUJO L’après-midi sera consacrĂŠe au travail de groupe pour discuter et analyser les rĂŠsultats des entretiens. -B EFSOJĂ’SF KPVSOĂ?F EF WFOESFEJ TFSB consacrĂŠe Ă la mise en forme des rĂŠsultats PCUFOVT HSÉDF BVY FORVĂ?UFT EF UFSSBJO *M sera intĂŠressant de comparer les rĂŠsultats obtenus au niveau local avec les rĂŠsultats que l’on prĂŠsentera demain Ă partir des enquĂŞtes statistiques et des entretiens semistructurĂŠs. Nous conclurons la semaine par une prĂŠparation Ă la sĂŠance de restitution du samedi. Dans ce cadre, il nous faudra identifier deux personnes qui reprĂŠsenteront cet atelier pour la sĂŠance de restitution. Cadre thĂŠmatique Nous tenterons de voir comment la population a vĂŠcu la pĂŠriode de transition ĂŠcoOPNJRVF RVJ B Ă?UĂ? BNPSDĂ?F BV 7JĚ?U /BN depuis la fin des annĂŠes 1980. Il s’agit d’examiner l’impact de deux phĂŠnomènes : l’urbanisation ; la place croissante accordĂŠe aux initiatives et aux investissements privĂŠs avec l’ouverture du pays sur l’extĂŠrieur. Au sens ĂŠconomique du terme, la transition correspond Ă des changements de la structure de l’Êconomie et dans le comportement des BDUFVST Ă‹ MB TVJUF EF NPEJĂśDBUJPOT NBKFVSFT du contexte. Nous poserons des questions prĂŠcises : qu’observe-t-on sur le marchĂŠ du travail ? quels sont les changements ?

--> Les stratĂŠgies et comportements peuvent-ils s’expliquer par des changements dans les normes, les modes de rĂŠgulation sociale, les modes de gestion des activitĂŠs au niveau local ? La ÂŤ transition Âť est apprĂŠhendĂŠe Ă deux niveaux : - macro : transition ĂŠconomique (Ă l’Êchelle nationale, des rĂŠgions, des villes) Ă travers des donnĂŠes statistiques ; - micro : transition et mobilitĂŠ liĂŠes Ă l’emploi Ă l’Êchelle des individus, des familles, des villages. La manière dont les individus vivent (agissent) la transition est apprĂŠhendĂŠe Ă‹ USBWFST MFVS USBKFDUPJSF NJHSBUPJSF FU professionnelle dans le temps. L’Êchelle de la famille et du village est dĂŠcrite Ă travers MFT SĂ?TFBVY RVJ POU KPVĂ? VO SĂ™MF EBOT MFVS mobilitĂŠ professionnelle (prĂŞt, contactconseil, etc.) Cet atelier relève un dĂŠfi. Il s’agit d’une confrontation interdisciplinaire, ĂŠconomistes TUBUJTUJDJFOT E VO DĂ™UĂ? FU TPDJP BOUISPQPMPHVF de l’autre. Cela consiste Ă mobiliser diffĂŠrentes approches, diffĂŠrentes mĂŠthodes pour ĂŠtudier une thĂŠmatique donnĂŠe. Il faut tout d’abord dĂŠfinir des questions communes, avec pour PCKFDUJG EF MFT Ă?DMBJSFS TPVT EFT BOHMFT RVJ peuvent ĂŞtre diffĂŠrents, en essayant de coordonner les approches et de voir leurs complĂŠmentaritĂŠs.

--> StratÊgies migratoires et d’insertion proGFTTJPOOFMMF EFT JOEJWJEVT MB QMBDF FU MF SÙMF du secteur informel) : impacts sur le revenu, la satisfaction dans le travail, le bien-être.

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Pourquoi, comment et dans quelle mesure peut-on quantifier ?

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J’ai la capacité de quantifier le “non quantifiable”...

Qui vous appelle ainsi?

C’est pourquoi on m’appelle Dogbert le “quantifieur”.

Huit personnes.

Source : 2007 Scott Adams, Inc. /Dist. By UFS, Inc. www.dilbert.com.

Quand on a un outil, quand on utilise une approche, il faut être conscient de ses atouts, de ses forces et de ses faiblesses. Il importe de

Encadré

garder un point de vue critique sur la manière d’utiliser l’outil et ses résultats.

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« La statistique ne donne pas l’” exacte représentation du monde réel “ ; ce monde est évidemment trop complexe ; chaque statistique est conçue et doit être interprétée dans le cadre d’une “ grille conceptuelle “. Son usage doit donc être critique ; on ne peut l’utiliser “ au mieux ” sans connaître les conditions de sa production, sans s’inquiéter des critères qui ont servi à définir les découpages qu’elle met en oeuvre. » Edmond Malinvaud, 1SÏGBDF EF Le métier de statisticien, Michel Volle (1984) La statistique doit sélectionner, schématiser ou résumer de façon pertinente. Comment le faire n’est ni aisé ni évident. Cependant des méthodes et des pratiques s’élaborent et s’affinent progressivement, en vue d’améliorer la rigueur et la pertinence tant des données rassemblées, que des indicateurs calculés à partir d’elles.

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7PJDJ EFVY DJUBUJPOT E &ENPOE .BMJOWBVE ĂŠconomiste statisticien connu en France. Ces deux citations illustrent bien la manière dont on doit percevoir l’outil statistique. Souvent les chercheurs ont tendance Ă dire : ÂŤ Ah ! Je vais rĂŠcupĂŠrer une enquĂŞte ! Âť sans rien connaĂŽtre du dĂŠroulement et de sa mise en place, du lieu, de la manière dont ont ĂŠtĂŠ dĂŠcidĂŠs les critères pour choisir les ĂŠchantillons, dĂŠfinies les variables ; ils vont se lancer tout de suite dans des analyses et essayer de produire des rĂŠsultats qui n’ont peut-ĂŞtre aucun sens. [Jean-Pierre Cling] 1SFOPOT VO FYFNQMF 7PVT MJTF[ RVF EFT 7JFUOBNJFOT USBWBJMMFOU EBOT M BHSJDVMUVSF Faut-il prendre cela comme une vĂŠritĂŠ ? 1SFNJĂ’SF DIPTF MB TPVSDF $F DIJòSF WJFOU QBS exemple de l’enquĂŞte-emploi qui a ĂŠtĂŠ faite par l’Office de la Statistique sur l’ensemble du 7JĚ?U /BN FO $ FTU VO DIJòSF RVF WPVT a prĂŠsentĂŠ Mireille lors de la session plĂŠnière. Cette enquĂŞte statistique a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠe avec VOF DFSUBJO OJWFBV EF QSPEVDUJPO 1BS BJMMFVST PO WPVT EJU RVF MFT 7JFUOBNJFOT USBWBJMMFOU dans l’agriculture. Ce terme peut avoir diffĂŠrentes dĂŠfinitions suivant le pays et son histoire. Que veut dire ÂŤ travailler Âť ? Combien d’heures ? S’agit-il de l’emploi principal ? De l’emploi secondaire ? Enfin, on vous dit : 50 % EFT 7JFUOBNJFOT $FMB WFVU JM EJSF RVF M PO divise un nombre par un autre ? Quel sont les nombres absolus associĂŠs Ă cette proportion ? Qu’est-ce que la population active ? 6OF BĂłSNBUJPO BVTTJ TJNQMF EĂ?QFOE EPOD d’un certain nombre d’hypothèses, de dĂŠfinitions de concepts et de mĂŠthodes statistiques.

[Mireille Razafindrakoto] Je vais Ă prĂŠsent vous prĂŠsenter les diffĂŠrentes ĂŠtapes d’une enquĂŞte statistique. Il faut garder en mĂŠmoire qu’il ne s’agit pas simplement d’aller trouver les personnes, de leur prĂŠsenter un questionnaire. L’enquĂŞte statistique est une DIBĂ”OF DPNQMFYF EF UÉDIFT RVJ WB DPNNFODFS QBS M Ă?MBCPSBUJPO EF MB NĂ?UIPEPMPHJF KVTRV Ă‹ la production des rĂŠsultats. Trois phases peuvent ĂŞtre distinguĂŠes : Phase mĂŠthodologique - Champ, unitĂŠs d’observations, catĂŠgories - Échantillonnage - Questionnaire Phase technique - Collecte des donnĂŠes (terrain) - Saisie et apurement des donnĂŠes - Sortie des premiers rĂŠsultats bruts Phase de publication - Analyse, interprĂŠtation des donnĂŠes 1SĂ?TFOUBUJPO EJTDVTTJPO QSFNJFST SĂ?TVMtats) 1VCMJDBUJPO EFT SĂ?TVMUBUT - Études approfondies ArrĂŞtons-nous sur les deux dernières phases. On peut isoler la ÂŤ phase terrain Âť oĂš il y aura plus particulièrement la collecte des donnĂŠes qui sera suivie de la saisie, de l’apurement des donnĂŠes, et ce pour la sortie des premiers rĂŠsultats bruts. Je voudrais insister sur l’importance de cette phase car elle peut amener Ă s’interroger : on peut trouver des valeurs et des rĂŠsultats aberrants. Il faut alors se demander pourquoi. Cela peut amener Ă revenir Ă la phrase d’apurement des donnĂŠes afin de supprimer quelques donnĂŠes aberrantes ou corriger des erreurs de saisie. Il faut

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s’interroger sur la manière dont on traite les non-rĂŠponses et les donnĂŠes manquantes. Il faut dĂŠfinir des options afin de traiter les non-rĂŠponses et les donnĂŠes manquantes. Lors de cette ĂŠtape, il faut aussi calculer les pondĂŠrations, les coefficients d’extrapolation, les intervalles de confiance. La phase de publication correspond Ă l’analyse des rĂŠsultats et Ă l’interprĂŠtation des donnĂŠes. Il s’agit de premiers rĂŠsultats qui mĂŠritent des ĂŠchanges avec des spĂŠcialistes de la thĂŠmatique afin de vĂŠrifier la pertinence des analyses. Lors de la publication des rĂŠsultats finaux, les bases de donnĂŠes sont apurĂŠes. Souvent, la phase mĂŠthodologique, toutes les conditions dans lesquelles l’enquĂŞte a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠe, tout ce qui a ĂŠtĂŠ prĂŠcisĂŠ initialement est oubliĂŠ : comment l’enquĂŞte a-t-elle ĂŠtĂŠ menĂŠe ? C’est une question importante qui conditionne l’interprĂŠtation des rĂŠsultats mais qui malheureusement n’est pas souvent prise en compte. Il faut s’interroger : quelles sont les JEĂ?FT MFT UIĂ?PSJFT TPVT KBDFOUFT RVJ POU Ă?UĂ? utilisĂŠes pour mettre en Ĺ“uvre l’enquĂŞte ? $IBRVF Ă?UBQF FTU QSJNPSEJBMF 6OF NVMUJUVEF de petites erreurs Ă chaque ĂŠtape mènent Ă des rĂŠsultats ou Ă une base de donnĂŠes totalement inutilisable in fine : il suffit que les questions aient ĂŠtĂŠ mal formulĂŠes, que le questionnaire n’ait pas ĂŠtĂŠ bien pensĂŠ, que l’apurement des donnĂŠes ait ĂŠtĂŠ mal fait ou NBM DPOUSĂ™MĂ? Nous vous donnerons des exemples concrets. Imaginons que l’on s’intĂŠresse aux inĂŠgalitĂŠs Ă l’intĂŠrieur des mĂŠnages : comment se rĂŠparUJTTFOU MFT UÉDIFT Ă‹ M JOUĂ?SJFVS EFT NĂ?OBHFT entre les femmes et les hommes ? Si l’on enquĂŞte les mĂŠnages et non les individus, nous n’aurons pas de rĂŠsultats. Il est essentiel de dĂŠfinir l’unitĂŠ d’observation.

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1SFOPOT VOF FORVĂ?UF 7)-44 o Viᝇt Nam Household Living Standard Survey. Cette enquĂŞte se fait auprès des mĂŠnages. On enquĂŞte des individus sur leur emploi. Les gens disent : ÂŤ Je travaille dans le secteur public, je travaille dans le secteur privĂŠ, j’ai une petite entreprise individuelle Âť. Chaque membre de la famille donne son type d’emploi. Cette enquĂŞte montre les activitĂŠs des individus dans un module donnĂŠ. Il existe ĂŠgalement un autre module concernant les activitĂŠs non-agricoles du mĂŠnage oĂš l’on demande au chef de mĂŠnage les unitĂŠs de production qui appartiennent au mĂŠnage et le revenu. Dans ce module particulier de l’enquĂŞte, on sait que le chef de mĂŠnage a dit : ÂŤ On a un petit commerce qui vend diffĂŠrents types de marchandises et puis un autre petit atelier oĂš l’on fabrique des portes Âť. En revanche, nous n’avons aucune information sur qui travaille dans quoi : qui travaille dans quelle entreprise ? Quand nous avons travaillĂŠ sur cette enquĂŞte pour comprendre comment fonctionnent ces petites entreprises familiales au sein des mĂŠnages, nous avons rencontrĂŠ des difficultĂŠs. Il faut rĂŠflĂŠchir Ă l’unitĂŠ d’observation : qui va-ton enquĂŞter : le mĂŠnage, les individus ? Quels UZQFT EF NĂ?OBHFT 4 JOUĂ?SFTTF U PO QMVUĂ™U Ă‹ des activitĂŠs ou Ă des individus ? La qualitĂŠ d’une enquĂŞte dĂŠpend du questionnaire. L’enquĂŞte statistique dĂŠpend du dĂŠroulement du terrain et notamment de la mĂŠthode utilisĂŠe par les enquĂŞteurs. Quelles ont ĂŠtĂŠ leurs interactions avec les enquĂŞtĂŠs ? Ont-ils pu instaurer des relations de confiance ? Ontils fait des efforts pour tenter d’obtenir des rĂŠponses sincères ? Dans quelle mesure les questions ont-elles ĂŠtĂŠ reformulĂŠes sans que cela n’influence les enquĂŞtĂŠs sur les rĂŠponses qu’ils allaient donner ?


On pense parfois que l’on recrute des enquĂŞteurs après avoir prĂŠparĂŠ un RVFTUJPOOBJSF QVJT PO MFT FOWPJF BVTTJUĂ™U TVS le terrain. Cela est faux. Lors d’une vĂŠritable enquĂŞte statistique, des enquĂŞteurs spĂŠcialisĂŠs vont sur le terrain. La phase de formation des enquĂŞteurs est elle aussi essentielle. Enfin, il existe diffĂŠrents types d’enquĂŞtes, EĂ?ĂśOJFT FO GPODUJPO E PCKFDUJGT WBSJĂ?T 6OF enquĂŞte sera-t-elle rĂŠalisĂŠe en une seule fois, l’enquĂŞtĂŠ procĂŠdera t-il Ă un autre passage sur le terrain ? Les entretiens peuvent ĂŞtre faits en ÂŤ face to face Âť, par tĂŠlĂŠphone, par courrier, auto-administrĂŠ – l’enquĂŞtĂŠ remplit le questionnaire. Le mode d’entretien dĂŠpend du budget, du niveau de prĂŠcision qu’on veut obtenir et dans certains cas de la sensibilitĂŠ de la thĂŠmatique. [Jean-Pierre Cling] Nous allons nous centrer sur la phase mĂŠthodologique de la rĂŠalisation d’une enquĂŞte statistique, aborder l’Êchantillonnage puis la rĂŠalisation du questionnaire. L’hypothèse de base d’une enquĂŞte statistique quantitative est que l’on peut quantifier les phĂŠnomènes. J’ai citĂŠ prĂŠcĂŠdemment M FYFNQMF EFT 7JFUOBNJFOT RVJ USBWBJMMFOU dans l’agriculture. On peut supposer qu’il est plus facile de quantifier quand il s’agit d’une activitĂŠ : dans quel secteur travaille-on, Ă quel endroit, Ă quelle pĂŠriode ? On voit lorsqu’il s’agit de perceptions que cela devient beaucoup plus difficile : que pensez-vous, pourquoi faites-vous cela ? Mais ici aussi, nous supposons que l’on peut quantifier. Nous reviendrons par la suite sur tous les problèmes que cela pose en comparaison avec les enquĂŞtes qualitatives.

La phase mĂŠthodologique est d’une importance première. Si votre ĂŠchantillonnage est mal fait, si votre ĂŠchantillon est biaisĂŠ, vos rĂŠsultats ne seront pas reprĂŠsentatifs, vos rĂŠsultats seront mauvais. De la mĂŞme façon, si vos questions sont mal posĂŠes, les gens ne sauront pas rĂŠpondre ou rĂŠpondrons Ă autre chose que la question posĂŠe. Commençons par le champ de l’enquĂŞte. Il faut d’abord dĂŠfinir la population cible : individus, mĂŠnages ou diffĂŠrentes unitĂŠs. L’autre question est la couverture gĂŠographique : fait-on une enquĂŞte nationale, rĂŠgionale, urbaine, etc. ? La phase d’Êchantillonnage est très technique, elle est basĂŠe sur la thĂŠorie statistique des sondages. Nous n’allons pas vous prĂŠsenter les dĂŠtails de cette technique car nous ne l’utiliserons pas cette semaine. Cependant, il est important de connaĂŽtre ces QSJODJQFT 1PVSRVPJ QSFOE PO VOF QBSUJF EF MB population et pourquoi n’interroge-t-on pas tout le monde ? C’est une question de coĂťt et de complexitĂŠ. Les enquĂŞtes interrogent ainsi 1000, 2000, 10 000 ou 100 000 individus. On fixe un nombre de personnes interrogĂŠes suffisant pour obtenir des rĂŠsultats de bonne qualitĂŠ et un modèle fiable. La thĂŠorie des sondages aide Ă ĂŠvaluer la qualitĂŠ d’une enquĂŞte en fonction du nombre de personnes que l’on interroge. La principale chose Ă retenir sur l’Êchantillonnage est que le nombre de personnes Ă interroger pour une enquĂŞte donnĂŠe, avec un niveau de qualitĂŠ dĂŠterminĂŠ, ne dĂŠpend pas de la population. Si vous faites une enquĂŞte sur l’emploi en Chine, oĂš la population s’Êlève Ă 1 milliard 300 millions d’habitants, ou Ă HĂ Náť™i, vous aurez besoin d’un ĂŠchantillon de mĂŞme taille qui sera fonction de la prĂŠcision souhaitĂŠe.

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Encadré

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Stratégie d’échantillonnage Représentativité des réponses à une enquête statistique

Calcul de la taille de l’échantillon dépend de choix sur : - risque d’erreur d’estimation (=erreur d’échantillonnage; attention: c’est différent des erreurs de réponses) ; - niveau/seuil de confiance des résultats (=probabilité que résultat dans un certain intervalle). Il existe une relation entre taille de l’échantillon, erreur d’estimation et seuil de confiance : si on fixe le niveau de deux des variables, alors celui de la troisième est déduit. La taille de l’échantillon de l’enquête ne dépend pas de la taille de la population totale En Chine ou au Vietnam il faut la même taille d’échantillon pour obtenir la même précision des résultats (erreur sur échantillon, intervalle confiance) Exemple : on veut sonder la population sur leurs préférences pour aller en vacances (mer/campagne); on fixe un risque d’erreur de 3 % (E). Il faut interroger . 2000 personnes (1850 exactement) pour un seuil de confiance = 1 % . 1000 personnes (1062 exactement) pour avoir seuil de confiance = 5 % . 750 personnes (747 exactement) pour avoir seuil de confiance = 10 % On a interrogé 1000 personnes. On obtient les résultats suivants : - 53 % préfèrent la mer ; - 47 % préfèrent la campagne. Interprétation (en fixant un seuil de confiance à 99 %) : - le % de ceux qui préfèrent la mer est compris entre 49 % et 57 % ; - le % de ceux qui préfèrent la campagne est compris entre 43 % et 51 % ; => Les pourcentages pour chaque résultat (mer/campagne) ne sont pas significativement différents si on fixe un seuil de confiance de 1 % (le risque d’erreur d’estimation est alors de +-4 %).

Source : Construction des auteurs.

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L’important est qu’un chiffre tirĂŠ d’une enquĂŞte statistique n’est pas un chiffre vrai Ă 100 %. Il existe une erreur de mesure. Il faut donc faire attention Ă l’interprĂŠtation des chiffres et Ă la comparaison avec d’autres rĂŠsultats. [Mireille Razafindrakoto] Deux prĂŠcisions pratiques. On trouve souvent des tableaux de donnĂŠes d’enquĂŞtes avec deux chiffres après la virgule. Quand vous voyez l’erreur de sondage et la manière dont on peut interprĂŠter les chiffres, ce mode de reprĂŠsentation est ridicule. Cela donne une

EncadrĂŠ

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impression de prÊcision alors que cela n’a aucun sens. Enfin, quand vous analysez une enquête statistique et que vous savez que l’Êchantillon est petit – 100, 300 individus par exemple –, il faut interprÊter les rÊsultats avec prudence et avoir un regard critique sur les rÊsultats. [Jean-Pierre Cling] Il existe deux mÊthodes d’Êchantillonnage : probabiliste (alÊatoire), non probabiliste (non BM�BUPJSF 1PVS M �DIBOUJMMPOOBHF BM�BUPJSF plusieurs mÊthodes de sondage sont possibles.

StratÊgie d’Êchantillonnage

Échantillonnage probabiliste (alĂŠatoire) Implique une sĂŠlection au hasard ProbabilitĂŠ d’inclusion de chaque unitĂŠ dans l’Êchantillon, --> possibilitĂŠ de calcul de l’erreur d’Êchantillonnage (intervalle de confiance). Plusieurs mĂŠthodes diffĂŠrentes permettant de sĂŠlectionner un ĂŠchantillon probabiliste. Le choix de la mĂŠthode dĂŠpendra de : - la base de sondage (il est nĂŠcessaire d’en disposer pour avoir un ĂŠchantillon probabiliste) - la façon dont la population est distribuĂŠe - coĂťts et dĂŠlai Objectif : rĂŠduire le plus possible l’erreur d’Êchantillonnage des estimations pour les variables d’enquĂŞte les plus importantes. Source : Construction des auteurs.

7PJMĂ‹ VOF MJTUF E FYFNQMFT EF NĂ?UIPEFT EF sondage les plus courantes :

- Ă plusieurs degrĂŠs ; - Ă plusieurs phases.

-

Nous n’allons pas les utiliser par la suite, il T BHJU KVTUF E FYFNQMFT

alĂŠatoire simple ; systĂŠmatique ; probabilitĂŠ proportionnelle Ă la taille ; stratifiĂŠ ; en grappes ;

La première mĂŠthode la plus connue et la plus simple : l’Êchantillonnage alĂŠatoire TJNQMF 7PVT BMMF[ FYUSBJSF QBS FYFNQMF

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0,1 % de la population vietnamienne : la population vietnamienne ĂŠtant d’environ 85 millions habitants, vous allez tirer au hasard Ă peu près 85 000 personnes dans votre enquĂŞte. L’Êchantillonnage utilisĂŠ, OPUBNNFOU EBOT MFT FORVĂ?UFT BV 7JĚ?U /BN est l’Êchantillonnage stratifiĂŠ oĂš nous nous intĂŠressons, par exemple, Ă la structure de l’emploi par rĂŠgion. Au lieu de faire un tirage de 85 000 personnes sans se prĂŠoccuper de la rĂŠgion, nous allons chercher Ă avoir un certain nombre de personnes enquĂŞtĂŠes dans chacune des rĂŠgions – mĂŞme taux de

EncadrĂŠ

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tirage dans chaque rÊgion ou taux de tirage diffÊrent. Toutes ces mÊthodes peuvent être utilisÊes si nous avons ce que l’on appelle une base de sondage, c’est-à -dire un fichier avec l’ensemble de la population que l’on veut enquêter et oÚ l’on va seulement tirer un certain nombre de personnes. Si la base de sondage n’existe pas, il faut utiliser d’autres mÊthodes que l’on appelle  Êchantillonnage non alÊatoire . Ces mÊthodes sont Êvidemment moins prÊcises.

StratÊgie d’Êchantillonnage

Échantillonnage non probabiliste (non alĂŠatoire) Absence d’une base de sondage, tirage alĂŠatoire impossible. ĂŠchantillon = structure comparable Ă celle de la population mère. Choix des unitĂŠs d’observation est arbitraire => probabilitĂŠs variables de faire parti de l’Êchantillon. Échantillonnage â€œĂ l’aveugletteâ€? ou accidentelle Choix d’un endroit stratĂŠgique et d’une heure stratĂŠgique, et sĂŠlection arbitraire. Echantillonnage systĂŠmatique, non-alĂŠatoire On interroge des individus choisis Ă intervalle fixe (file d’attente) On choisit le 1er individu arbitrairement. Échantillonnage par quotas Technique que l’on peut rapprocher de l’Êchantillonnage stratifiĂŠ, on reproduit le modèle rĂŠduit de la population mère en fonction de certaines caractĂŠristiques. Mais sĂŠlection arbitraire. Un enquĂŞteur peut remplir son quota comme il veut. Source : Construction des auteurs

Exemple d’Êchantillonnage Ă l’aveugle. 7PVT WPVMF[ GBJSF VOF FORVĂ?UF TVS MFT commerçants dans un marchĂŠ, et vous BMMF[ JOUFSSPHFS DPNNFSĂŽBOUT 7PVT BMMF[ prendre par exemple ceux que vous trouvez ; une deuxième mĂŠthode non alĂŠatoire con-

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siste Ă se mettre dans la rue et Ă interroger les gens qui passent toutes les cinq minutes. Dernier exemple : ĂŠchantillonnage par quota. 7PVT QFOTF[ RVF EBOT MB QPQVMBUJPO JM Z B Ă‹ peu près autant d’hommes que de femmes, et vous voulez interroger deux cent personnes,


vous allez donc trouver cent hommes et cent GFNNFT EBOT MB SVF 6OF GPJT RVF WPVT BWF[ interrogÊ deux cent personnes, vous arrêtez l’enquête. Les mÊthodes de sondage doivent être utilisÊes en fonction des circonstances, du CVEHFU EF MB QPQVMBUJPO BWFD UPVKPVST MF N�NF PCKFDUJG S�EVJSF M FSSFVS EF TPOEBHF

Image

2

afin d’avoir les rÊsultats les plus prÊcis possibles. [Mireille Razafindrakoto] 1PVS JOUSPEVJSF MB EFSOJÒSF �UBQF EF MB NBUJO�F KF WPVMBJT WPVT NPOUSFS DF EFTTJO qui illustre bien ce qu’il ne faut pas faire pour l’Êlaboration d’un questionnaire.

Approche quantitative : pertinence des hypothèses, des questions ?

Rassemble tous les renseignements que tu peux : on leur trouvera bien une utilitĂŠ plus tard.

Source : Rapport annuel Commissaire Ă la protection de la vie privĂŠe du Canada, 1998-1999, Ottawa (Ontario).

Il faut trouver l’Êquilibre pour rÊaliser des questionnaires simples permettant de recueillir un maximum d’informations, capables de donner un Êclairage suffisant sur les thÊmatiques que l’on veut utiliser. Il y a un Êquilibre à trouver : un questionnaire trop lourd va nuire à la qualitÊ de l’enquête, aux rÊponses obtenues ; un questionnaire trop lÊger ne va pas permettre de mettre en relief la thÊmatique que l’on voudra analyser.

6O BVUSF �RVJMJCSF TF TJUVF BV OJWFBV EF MB formulation des questions. Elles doivent être prÊcises mais courtes, et en même temps comprÊhensibles par toutes les catÊgories de la population. Faut-il simplifier un questionnaire à outrance afin d’être comprÊhensible par l’ensemble de la population – personnes ÊduquÊes et non ÊduquÊes ? Quels mots utiliser ? Comment formuler la question ? Souvent les enquêtes statistiques menÊes par les institutions sont le rÊsultat d’un long processus de

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EJTDVTTJPOT 6O RVFTUJPOOBJSF TF TUBCJMJTF BV bout de plusieurs annĂŠes. Quelquefois on se rend compte qu’une question n’a pas ĂŠtĂŠ comprise, n’a donnĂŠ aucune rĂŠponse. Il est très important de stabiliser un questionnaire car l’un des intĂŠrĂŞts des enquĂŞtes statistiques est de pouvoir rĂŠpĂŠter l’expĂŠrience, de suivre l’Êvolution d’une variable donnĂŠe au niveau de la population. Exemple. Nous avons mis en place une enquĂŞte sur la corruption. La question suivante Ă ĂŠtĂŠ posĂŠe dans un pays donnĂŠ : ÂŤ Avez-vous ĂŠtĂŠ victime de la corruption au cours de l’annĂŠe passĂŠe ? Âť. Ce type de formulation

EncadrĂŠ

10

est critiquable : qu’est-ce que la population va comprendre par ÂŤ corruption Âť ? Que va-telle considĂŠrer comme ĂŠtant de la corruption et n’en ĂŠtant pas ? L’intĂŠrĂŞt de cette question, rĂŠpĂŠtĂŠe et maintenue avec une formulation identique d’une annĂŠe Ă l’autre, est que la population va interprĂŠter le mĂŞme type de phĂŠnomène. Si l’on observe une forte montĂŠe du pourcentage d’individus qui dĂŠclarent ÂŤ oui Âť, d’une annĂŠe Ă l’autre, cette ĂŠvolution des rĂŠponses traduit bien un phĂŠnomène qui a un sens. Dans l’Êlaboration d’un questionnaire, trois ĂŠtapes sont distinguĂŠes.

Élaboration d’un questionnaire

Indicateur 1 : les motifs de la crĂŠation de leur “businessâ€? dans l’informel - Ils ont cherchĂŠ un travail, un meilleur revenu, de meilleures conditions - les contraintes lors de la crĂŠation de l’unitĂŠ (fonds pour dĂŠmarrer, investir, local ou lieu de l’activitĂŠ, etc.) - les opportunitĂŠs (rĂŠseaux, traditions familiales, qualifications, etc.) Indicateur 2 : perception de leur situation professionnelle - les conditions de travail et difficultĂŠs - degrĂŠ de satisfaction - estime de soi et reconnaissance Indicateur 3 : perspective et ce qu’ils feraient s’ils avaient le choix et s’il y a obligation de formalisation - extension de l’activitĂŠ dans le futur - les enfants reprendront-ils? - point de vue sur le paiement des taxes et enregistrement ; comportement Ă l’Êgard de l’État Source : Construction des auteurs

Sur une thÊmatique large pour un thème donnÊ, nous avons des hypothèses de travail TPVT KBDFOUFT o FTU DF WSBJ FTU DF GBVY Nous allons alors tenter de trouver quels sont les indicateurs qui pourront illustrer cette

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hypothèse, puis les thèmes que l’on peut aborder concernant chaque indicateur. Enfin, nous allons concevoir concrètement les questions Ă poser c’est-Ă -dire les modalitĂŠs de rĂŠponses Ă proposer.


1SFOPOT VO FYFNQMF DPODFSOBOU MFT JOEJWJEVT qui travaillent dans des micro-unitĂŠs, le plus souvent dans le secteur informel. La principale thĂŠmatique que l’on souhaite aborder est : est-ce que ces personnes – petits artisans, commerçants – qui exercent dans ce secteur le font par choix dĂŠlibĂŠrĂŠ ou non ? DiffĂŠrentes questions (indicateurs) apportent EFT Ă?MĂ? NFOUT E JOGPSNBUJPO Ă‹ DF TVKFU quelles sont alors les motivations qui ont amenĂŠ ces personnes Ă crĂŠer leur ÂŤ business Âť dans l’informel, comment perçoivent-elles leur situation actuelle, quel est leur degrĂŠ de satisfaction, comment perçoivent-elles leurs perspectives et que feraient-elles si elles avaient le choix d’aller dans tel ou tel secteur ? Autour de ces diffĂŠrents types d’indicateurs, des thèmes seront identifiĂŠs afin de cerner ce que l’on cherche Ă mesurer : par exemple, pour le premier indicateur – motifs de la crĂŠation de l’entreprise familiale –, quelles ont Ă?UĂ? MFT USBKFDUPJSFT EF DSĂ?BUJPO RVFMMFT POU Ă?UĂ? les opportunitĂŠs ? Il faut cerner la perception de leurs conditions de travail, les types de difficultĂŠs auxquelles ils doivent faire face. 1VJT EBOT VO TFDPOE UFNQT UFOUFS EF comprendre s’ils sont satisfaits, ou non, de leur situation et pourquoi. Trois types de thĂŠmatiques sont Ă aborder concernant le degrĂŠ de satisfaction : veulent-ils ĂŠtendre leur activitĂŠ dans le futur, pensent-ils que leurs enfants vont reprendre leur activitĂŠ par la suite (moyen de voir comment ils perçoivent leur mĂŠtier), quel est leur point de vue Ă l’Êgard de l’État (pensent-ils qu’il faut s’enregistrer ?) ? 7PJDJ RVFMRVFT QSJODJQFT VUJMFT QPVS Ă?MBCPSFS un questionnaire :

1) clartĂŠ et prĂŠcision. Souvent, le but d’une question (poursuivi par le concepteur) n’est QBT UPVKPVST QFSDFQUJCMF .BJT FYQMJRVFS trop ce que l’on cherche Ă mesurer peut entraĂŽner des comportements stratĂŠgiques de la part de l’enquĂŞtĂŠ ; 2) simplicitĂŠ. Il faut chercher Ă identifier, supprimer les mots ou les notions trop compliquĂŠes pour les enquĂŞtĂŠs, donner EFT MJTUFT EF DBT DPODSFUT QMVUĂ™U RVF EFT concepts ou des notions qui peuvent ĂŞtre abstraites ; 3) taille du questionnaire : lĂŠger dans la mesure du possible. Il est important d’avoir un questionnaire prĂŠcis et de simplifier la UÉDIF EFT FORVĂ?UĂ?T 1BSGPJT JM FTU OĂ?DFTTBJSF de dĂŠdoubler les questions et de procĂŠder QBS Ă?UBQF EF SBKPVUFS EFT RVFTUJPOT JOUFSmĂŠdiaires pour faciliter la comprĂŠhension. Quand les enquĂŞtes sont trop courtes, les HFOT OF j SFOUSFOU x QBT UPVKPVST EBOT MF questionnaire. Les rĂŠponses peuvent ne pas ĂŞtre sincères ; 4) sĂŠquence des questions et ordre des items/modalitĂŠs. Les questions sensibles ne sont pas posĂŠes au dĂŠbut du questionnaire. Il faut instaurer une relation de confiance BWFD MFT FORVĂ?UĂ?T BWBOU E BCPSEFS MFT TVKFUT difficiles. Avant de finaliser un questionnaire, il importe de le tester sur le terrain c’est-Ă -dire de procĂŠder Ă des enquĂŞtes tests auprès de quelques individus. Il faut ĂŠgalement passer par l’Êtape de formation des enquĂŞteurs. Durant cette ĂŠtape, ceux-ci vont rĂŠagir en disant : ÂŤ Je n’ai pas bien compris cette question. Elle est mal formulĂŠe Âť. Au cours de la formation des enquĂŞteurs, il y aura aussi une phase de tests Ă l’issue de laquelle le questionnaire sera modifiĂŠ, rĂŠvisĂŠ.

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[Christian Culas] Nous allons poursuivre avec la prĂŠsentation de la mĂŠthode qualitative, en particulier Ă travers l’approche anthropologique. Je vais partir de fondements qui permettent Ă la SFDIFSDIF BOUISPQPMPHJRVF E FYJTUFS #JFO que la dĂŠmarche soit diffĂŠrente, beaucoup de choses vont se recouper avec ce que viennent d’expliquer mes collègues ĂŠconomistes.

EncadrĂŠ

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Mon plan comporte trois grandes parties : 1) Fondements ĂŠpistĂŠmologiques de la recherche anthropologique ; 2) DĂŠmarche empirique : de la problĂŠmatique aux enquĂŞtes de terrain ; 3) La production de donnĂŠes en BOUISPQPMPHJF NĂ?UIPEFT FU FOKFVY

Approche qualitative

ÂŤ [‌] Dans n’importe quelle branche du savoir, les rĂŠsultats de la recherche scientifique doivent ĂŞtre prĂŠsentĂŠs de façon tout a fait probe et sincère [‌] En ethnographie, ou un exposĂŠ honnĂŞte de telles donnĂŠes est peut-ĂŞtre plus indispensable encore, on constate, hĂŠlas !, que dans le passĂŠ on s’est en gĂŠnĂŠral montrĂŠ avare de prĂŠcisions [‌] J’estime que seules possèdent une valeur scientifique les sources ethnographiques oĂš il est loisible d’opĂŠrer un net dĂŠpart entre, d’un cĂ´tĂŠ, les rĂŠsultats de l’Êtude directe, les donnĂŠes et interprĂŠtations fournies par les indigènes, et de l’autre, les dĂŠductions de l’auteur Âť. (Bronislaw Malinowski 1963: 58-59)

Malinowski est l’un des premiers ethnographes, le premier occidental Ă avoir passĂŠ beaucoup de temps dans un village qui n’Êtait pas sa culture – ĂŽles Trobriand, des atolls coralliens formant un archipel au large EF MB DĂ™UF PSJFOUBMF EF /PVWFMMF (VJOĂ?F -B ĂśO EV UFYUF RVF KF WPVT QSPQPTF NBSRVF une sĂŠparation claire entre deux choses : d’un DĂ™UĂ? M Ă?UVEF EJSFDUF o EPOOĂ?FT JOUFSQSĂ?UB tions fournies par les indigènes, autrement dit tout ce que l’anthropologue prend de son terrain –, et l’autre les dĂŠductions, l’analyse, l’interprĂŠtation. Malinowski fait la diffĂŠrence entre le rĂŠel des autres et les interprĂŠtations. Il dit qu’il faut faire attention car ce sont deux choses très diffĂŠrentes.

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Le rÊel de rÊfÊrence est ce qu’on peut observer et saisir chez les autres. Les autres ont un monde, et il n’est possible, pour le chercheur, de saisir et d’observer qu’une partie de ce monde. Le chercheur vient y chercher des informations et va produire des donnÊes. Celles-ci seront analysÊes, interprÊtÊes pour produire un texte scientifique final. Nous allons davantage nous intÊresser au passage du rÊel des autres à la production de donnÊes, et moins au passage des donnÊes à l’interprÊtation.


Fondements et ĂŠpistĂŠmologie de la recherche anthropologique Comment peut-on connaĂŽtre les autres ? Je OF TVJT QBT M BVUSF EPOD QVJT KF MF DPOOBĂ”USF C’est un très vieux dĂŠbat en philosophie, en histoire aussi ; dans les autres sciences sociales, il est beaucoup plus rĂŠcent. Je prends deux positions extrĂŞmes. La première : le positivisme considère que la science a des moyens suffisamment puissants pour entrer dans le rĂŠel des autres et le comprendre dans sa totalitĂŠ. Il s’agit d’un modèle tirĂŠ des sciences physiques. La sociĂŠtĂŠ humaine est comme une molĂŠcule, comme une plante : on peut arriver Ă la dĂŠcortiquer pour arriver Ă une connaissance maximale oĂš tout est connu. La seconde : l’ultra-relativisme dit au contraire que le rĂŠel des autres n’est pas connaissable ; ÂŤ La science elle-mĂŞme est construite par les hommes, et la science est une position sociale. La science est donc idĂŠologique, politique, elle n’est pas objective, et pour toutes ces raisons, elle ne peut connaĂŽtre le rĂŠel des autres Âť. L’anthropologie mais aussi les autres sciences sociales comme l’histoire en particulier travaillent pour tenir une position intermĂŠdiaire entre ces deux extrĂŞmes afin de ne pas ĂŞtre bloquĂŠes par l’une ou l’autre des deux positions. Des limites existent, nous le savons. Afin de prendre conscience de ces limites, nous allons les ĂŠtudier et dire : ÂŤ On sait jusqu’oĂš on peut connaĂŽtre Âť. Quand on parle de conscience raisonnĂŠe, c’est-Ă -dire que le chercheur va lui-mĂŞme ĂŠvaluer sa manière de travailler, cela revient Ă une approche critique. Nos collègues ĂŠconomistes ont dit la mĂŞme chose ce matin : ÂŤ On produit des donnĂŠes, on critique nos propres donnĂŠes Âť.

L’ÊpistĂŠmologie est l’Êtude de la manière dont les sciences fonctionnent, leur logique et rigueur. En ĂŠpistĂŠmologie, ce type d’action se nomme ÂŤ boucle rĂŠflexive Âť : le chercheur va regarder son travail comme quelque chose que l’on peut critiquer. On fait les mĂŞmes tests que les ĂŠconomistes, non plus d’un point de vue mathĂŠmatique, mais d’un point de vue logique aussi sur la validitĂŠ des donnĂŠes produites Ă partir des enquĂŞtes anthropologiques. C’est la question de l’adĂŠquation empirique des ĂŠnoncĂŠs, cela veut dire que l’on va s’interroger sur la manière dont le processus de production des donnĂŠes se passe. Est-ce que la relation entre les rĂŠalitĂŠs ĂŠtudiĂŠes et les donnĂŠes est assez forte, est-ce une relation distendue ? On travaille sur la qualitĂŠ de cette relation et on essaye de faire que les donnĂŠes soient le moins ĂŠloignĂŠes possibles des rĂŠalitĂŠs observĂŠes Il s’agit d’être le plus rigoureux possible. On a lĂ un paradoxe car on pense souvent l’approche qualitative comme quelque chose de souple. On parle de manque de rigueur. Cependant, on peut ĂŞtre qualitatif et rigoureux. Ce qui est important est de savoir ce que l’on cherche, et en particulier de faire la diffĂŠrence entre la recherche des vĂŠritĂŠs : est-ce vrai ou est-ce faux ? La question n’est pas bien posĂŠe du point de vue scientifique. En sciences sociales, on parle de recherche de ÂŤ vĂŠridicitĂŠ Âť, c’est-Ă -dire que l’on va vers quelque chose qui s’approche de la vĂŠritĂŠ. Cela est la mĂŠthode pour la sociologie, l’histoire mais aussi presque toutes les sciences, mĂŞme les sciences physiques. Les astrophysiciens n’accepteraient pas que l’on dise ÂŤ c’est vrai Âť ou ÂŤ c’est faux Âť. "VKPVSE IVJ PO QFVU EJSF VOF DIPTF QBSDF que la science peut le faire mais peut-ĂŞtre que

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demain cela sera complètement diffĂŠrent. Comment les sciences sociales peuventelles ĂŞtre rigoureuses ? Nous allons ĂŠvaluer l’adĂŠquation (la forte correspondance) entre les donnĂŠes produites et les rĂŠalitĂŠs observĂŠes, c’est-Ă -dire le passage des rĂŠalitĂŠs observables aux donnĂŠes. Comment s’effectue ce passage ? On peut l’Êvaluer en vĂŠrifiant et en croisant les informations. 1VJT MF TFDPOE OJWFBV EF WĂ?SJĂśDBUJPO TF GBJU dans l’Êtape entre le passage des donnĂŠes au texte scientifique final, c’est-Ă -dire Ă l’interprĂŠtation des donnĂŠes. LĂŞ Xuân Tháť? 7PVT VUJMJTJF[ EFT UFSNFT BCTUSBJUT FNQJSJRVF ĂŠpistĂŠmologie. L’emploi de ces termes est difficile. La connotation de ÂŤ correspondance, adĂŠquation empirique Âť est difficile Ă saisir. [Christian Culas] J’ai bien conscience des problèmes de traduction, mais il est nĂŠcessaire d’avoir des termes un peu abstraits pour dĂŠcrire certaines

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QBSUJFT EF OPUSF USBWBJM EF SFDIFSDIF 1FVU être que le public est moins habituÊ aux termes anthropologiques qu’aux termes TUBUJTUJRVFT 1PVS E�ÜOJS M �QJTU�NPMPHJF PO QFVU EJSF TJNQMFNFOU RVF M PCKFU E �UVEF EF MB TPDJPMPHJF FTU MB TPDJ�U� M PCKFU EF l’ÊpistÊmologie est la science, ici la sociologie PV M BOUISPQPMPHJF TPOU MFT PCKFUT EF l’ÊpistÊmologie. L’ÊpistÊmologie est la science qui Êtudie les sciences pour comprendre quelles sont ses logiques, ses principes, ses limites aussi. Quand on parle de fondements ÊpistÊmologiques, on prend du recul par rapport à notre science. Elle devient alors M PCKFU E �UVEF - j BE�RVBUJPO FNQJSJRVF x est une formule d’Olivier de Sardan. L’adÊquation empirique est forte quand les donnÊes d’enquêtes produites et les rÊalitÊs des personnes que l’on Êtudie sont en forte corrÊlation, autrement dit quand les donnÊes sont le moins ÊloignÊes possibles (mais elles MF TPOU UPVKPVST VO QFV EFT S�BMJU�T W�DVFT par les acteurs sociaux ÊtudiÊs.


Démarche empirique : de la problématique aux enquêtes de terrain 7PJDJ MF TDIÏNB JEÏBM RVF M PO EFWSBJU TVJWSF pour une recherche en anthropologie.

Figure

50

Dans la réalité, on part généralement de la problématique, et souvent on saute les étapes initiales.

Démarche empirique : de la problématique aux enquêtes de terrain

Source : Construction de l’auteur.

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[ ]


Figure

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La construction de l’objet d’Êtude

Source : Construction de l’auteur.

La production de donnÊes en anthropologie 1PVS MFT FORV�UFT EV KFVEJ NBUJO JM Z B UPVUF une partie des Êtapes du schÊma que vous n’aurez pas le temps de faire. Nous allons travailler ensemble sur la partie mÊthode, outils, puis nous prÊparerons les questions de terrain. Comment faire la diffÊrence entre des actions comme  recueillir et collecter  ou  produire des donnÊes  ? Dans les verbes  recueillir collecter , il y a l’idÊe (souvent non dite) que des donnÊes existent d’elles-mêmes et on va les chercher (comme la rÊcolte de fruits TVS VO BSCSF EF M BVUSF DÙU� M FYQSFTTJPO  produire les donnÊes  implique qu’elles n’existent pas d’elles-mêmes, mais que c’est le chercheur qui va alors les fabriquer,

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les produire. Dans beaucoup de textes en anthropologie ou sociologie, le chercheur fait comme s’il cherchait l’information : elle est là , il  l’attrape  puis il l’utilise comme si elle �UBJU E�KË EPOO�F DPNNF TJ UPVU �UBJU E�KË fait d’avance. Cette position est totalement positiviste. Il prend des morceaux mais il ne transforme rien en fait. Si l’on pense recueillir des donnÊes, on ne cherche pas à savoir pourquoi on les cherche ni comment on les produit. L’action du chercheur est pensÊe comme neutre,  on ne fait que recueillir, on reproduit la rÊalitÊ des autres avec nos mots, OPT QISBTFT x %F M BVUSF DÙU� RVBOE PO EJU  on produit des donnÊes , on cherche alors à les comprendre : quand on produit, on agit, on transforme, on fait des choix. C’est la mise FO �WJEFODF EF DFT DIPJY FU MFVS KVTUJÜDBUJPO


qui permet Ă l’anthropologue de faire un travail rigoureux. L’enquĂŞte anthropologique produit beaucoup de donnĂŠes, seule une petite partie sera utilisĂŠe pour ĂŠcrire des articles ou des MJWSFT 7PJMĂ‹ VOF EJòĂ?SFODF JNQPSUBOUF BWFD l’approche quantitative : presque toutes les donnĂŠes quantitatives produites sont utilisĂŠes. Lorsque l’on fait un questionnaire ou un sondage, on perd très peu de donnĂŠes contrairement aux recherches anthropologiques ou sociologiques (donnĂŠes d’entretiens, de discussions et d’observation). 1SFOPOT VO FYFNQMF + BJ GBJU VOF UIĂ’TF TVS MFT NPVWFNFOUT SFMJHJFVY .PO PCKFDUJG Ă?UBJU

EncadrĂŠ

12

de savoir comment les Hmong de ThaĂŻlande, EV -BPT FU EV 7JĚ?U /BN T PSHBOJTFOU BV niveau religieux et politique. Dans les WJMMBHFT K Ă?UVEJBJT BVTTJ CJFO M Ă?DPOPNJF MB EĂ?NPHSBQIJF MFT NJHSBUJPOT FU BVUSFT TVKFUT qui n’Êtaient pas en lien direct avec mon PCKFU E Ă?UVEF .BJT QPVS DPNQSFOESF DFT mouvements religieux, il me fallait aborder l’ensemble de ces thĂŠmatiques. J’ai cinq cahiers d’informations relatives Ă l’Êconomie et pourtant, dans ma thèse, cela ne fait qu’une page ou deux. Lors de la dĂŠmonstration socio-anthropologique, on ne dit donc pas UPVU .BJT KF EPJT DPOOBĂ”USF FO QSPGPOEFVS MFT RVFTUJPOT E Ă?DPOPNJF EFT HFOT RVF K Ă?UVEJF NĂ?NF TJ KF O Ă?DSJT QSFTRVF QBT TVS DF UIĂ’NF

Les enquĂŞtes socio-anthropologiques

Combinaisons de 6 types de production de donnÊes lors de l’enquête de terrain : 1 – L’insertion-imprÊgnation dans le milieu de vie des enquêtÊs (ou  observation participante ) 2 – Les entretiens (les interactions discursives dÊlibÊrÊment suscitÊes par le chercheur) 3 – Les observations (description de situations, d’actes, de conditions de discours) 4 –Les procÊdÊs de recension (le recours à des dispositifs construits d’investigation systÊmatique) 5 – Les sources Êcrites (archives, rapports locaux, documents comptables, etc.) 6 – Les sources audiovisuelles (usage moins systÊmatiques que les autres sources) Source : Construction de l’auteur.

La liste prĂŠsentĂŠe ici est importante car souvent, en sociologie ou en anthropologie, on pense que l’on ne fait que des entretiens. En rĂŠalitĂŠ, la production de donnĂŠes est très diversifiĂŠe. Les modes de production de donnĂŠes ont des statuts diffĂŠrents : - la lecture de textes, mĂŠthode très similaire Ă celle des historiens ; - les entretiens (interviews et entretiens) ; - les observations : ce sont des choses beaucoup plus difficiles Ă mesurer car elle

se font seulement lorsque la situation a lieu. Sur le terrain, on peut rarement produire des observations. Il faut attendre que les choses se passent ; - l’ insertion, imprÊgnation . C’est peut-être la grande diffÊrence avec les sociologues. 6O BOUISPQPMPHVF DPOTJEÒSF RVF QPVS comprendre un groupe, il faut vivre avec. La contrainte temps est importante. Il faut s’adapter au rythme local, à la vie locale, pour entrer dans le rythme d’action, du discours ; il faut aussi connaÎtre la langue.

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Abordons quelques aspects de notre travail de la semaine. Il y a trois manières de produire des donnĂŠes : entretiens, imprĂŠgnation et PCTFSWBUJPOT 1PVS MFT FOUSFUJFOT PCTFSWB UJPOT K Z SFWJFOESBJ FO EĂ?UBJMT NFSDSFEJ NBUJO 1PVS MF EFSOJFS WPMFU JNQSĂ?HOBUJPO et insertion, le temps nous manque. Le seul endroit oĂš l’on puisse aller est le marchĂŠ de la station de Tam Ä?ảo. Je vous propose de vous SFOESF BV QMVT UĂ™U Ă‹ MB SFODPOUSF EFT QFUJUT marchands, commencer Ă vous imprĂŠgner, Ă vous prĂŠsenter, Ă crĂŠer des liens avec eux, Ă faire des contacts. Dans les premières ĂŠtapes, vous n’avez pas besoin de faire de recherches, les habitants et commerçants vont vous voir et ÂŤ s’habituer Âť Ă vous. S’ils vous rencontrent trois, quatre fois, il sera beaucoup plus facile de commencer l’enquĂŞte. Quand on arrive dans un village, les premiers temps sont UPVKPVST EJĂłDJMFT MFT JOGPSNBUJPOT SĂ?DPMUĂ?FT assez superficielles. Les informations de qualitĂŠ viennent souvent de la qualitĂŠ des relations entre le chercheur et les personnes qu’il ĂŠtudie, cette dimension humaine de confiance est l’une des bases de l’enquĂŞte anthropologique.

[Christian Culas]

[François Roubaud]

Lê Xuân Th�

/PVT GBJTPOT BVKPVSE IVJ EFT QSĂ?TFOUBUJPOT gĂŠnĂŠrales, nous acceptons que vous restiez silencieux ! Mais dès demain, vous serez sollicitĂŠs pour intervenir. Nous allons vous fournir des interviews qu’il faudra travailler.

Lorsque l’on parle de quantitatif, il s’agit de quelque chose de mesurable. On parle de chiffres, d’Êchantillon, de taille. Les donnÊes chiffrÊes permettent une exactitude relative. Cette mÊthode livre un panorama national ou international. Des comparaisons sont possibles entre les rÊgions, les provinces, les QBZT - BOBMZTF FTU PCKFDUJWF &O SFWBODIF FMMF QFSNFU QFV EF QS�DJTJPOT 1BS PQQPTJUJPO Ë MB mÊthode quantitative, l’approche qualitative BVUPSJTF VOF DPOOBJTTBODF QS�DJTF EF M PCKFU d’Êtude. Je crois que l’un des points faibles du RVBMJUBUJG FTU MB TVCKFDUJWJU�

[Mireille Razafindrakoto] Qu’est-ce qui diffÊrencie les deux approches que nous venons d’aborder ? Cristina Bellinins Lieven La sociologie ne se sert-elle pas davantage de l’outil statistique ?

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5PVUF VOF CSBODIF EF MB TPDJPMPHJF FTU QMVUĂ™U quantitative. Les sondages par exemple se rapprochent, par ses mĂŠthodes de production de donnĂŠes de l’Êconomie statistique. Mais il existe aussi des entretiens sociologiques longs qui se rapprochent de l’anthropologie. La discipline ne suffit pas donc pas Ă dĂŠfinir la mĂŠthode utilisĂŠe. De mĂŞme, selon le TVKFU Ă?UVEJĂ? VO BOUISPQPMPHVF WB GBJSF EV recensement des terres et de production par exemple pour comprendre le système agricole. [François Roubaud] La sociologie est un peu intermĂŠdiaire du point de vue des mĂŠthodes entre l’Êconomie quantitative et l’anthropologie partiellement ou exclusivement qualitative. La sociologie n’utilise pas que des enquĂŞtes. Entre les enquĂŞtes quantitatives, les entretiens semidirectifs, et les entretiens anthropologiques, MB TPDJPMPHJF WB QMVUĂ™U BMMFS TVS EFT FOUSFUJFOT semi-directifs, alors que l’anthropologie se dirigera vers des entretiens ouverts.


[Mireille Razafindrakoto]

Nguyáť…n Ngáť?c Anh

1BSUBOU EFT SFNBSRVFT EF 5IĚ’ JM NF TFNCMF RV JM FYJTUF UPVKPVST EFT a priori sur le quantitatif et le qualitatif. Les chiffres seraient garants E PCKFDUJWJUĂ? +F OF MF QFOTF QBT $F O FTU pas parce que l’on travaille sur des donnĂŠes chiffrĂŠes que l’on se rapproche de la rĂŠalitĂŠ de NBOJĂ’SF PCKFDUJWF DF O FTU QBT QBSDF RV PO effectue une analyse qualitative que l’on ne TF SBQQSPDIF QBT E VOF SĂ?BMJUĂ? PCKFDUJWF 5PVU dĂŠpend de la manière dont les recherches sont menĂŠes. Il faut ĂŞtre conscient des limites du sens des donnĂŠes, savoir les interprĂŠter.

L’approche quantitative ne peut traduire les aspirations des individus, cela revient à l’enquête qualitative.

Tableau

15

[Jean-Pierre Cling] /PVT BMMPOT BVKPVSE IVJ WPVT EJTUSJCVFS EFT FOUSFUJFOT RVBMJUBUJGT 7PVT BMMF[ DPOTUJUVFS EFT groupes de deux ou de trois afin d’analyser les documents. Il est prÊfÊrable de mixer les disciplines au sein des groupes et de garder une cohÊrence linguistique.

DiffĂŠrences et complĂŠmentaritĂŠ entre les approches

Source : Construction des auteurs.

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[Mireille Razafindrakoto] 7PJDJ VOF QSĂ?TFOUBUJPO USĂ’T TZOUIĂ?UJRVF EFT diffĂŠrences et des complĂŠmentaritĂŠs entre les deux approches. Nous avons insistĂŠ pour placer cette colonne au milieu car la frontière n’est pas totalement figĂŠe. La première diffĂŠrence se trouve au niveau de l’Êchelle d’observation. Les approches quantitatives portent le plus souvent sur un plus grand nombre d’individus – ĂŠchelle macroscopique. Tandis que l’approche RVBMJUBUJWF T JOUĂ?SFTTF QMVUĂ™U Ă‹ VOF Ă?DIFMMF d’observation plus localisĂŠe, une localitĂŠ ou un sous-groupe de population donnĂŠs. La seconde diffĂŠrence se trouve au niveau de l’Êchantillon des personnes enquĂŞtĂŠes. Il s’agit de deux choses distinctes de l’Êchelle d’observation. Les ĂŠchantillons dans l’approche quantitative sont souvent larges. On enquĂŞte beaucoup de personnes avec principalement des ĂŠchantillons alĂŠatoires – on tire au hasard les personnes. Dans les BQQSPDIFT RVBMJUBUJWFT M Ă?DIBOUJMMPO FTU QMVUĂ™U restreint, ciblĂŠ et souvent non alĂŠatoire. -FT PCKFDUJGT -F RVBOUJUBUJG QSPQPTF EFVY types d’analyses : niveau macro oĂš l’on cherche Ă obtenir les caractĂŠristiques globales d’une population donnĂŠe ; analyse FU PCKFDUJGT NJDSPT QPVS DPNQSFOESF DF qui se passe au niveau des individus, des acteurs que l’on ĂŠtudie. On cherche alors Ă comprendre, Ă voir les caractĂŠristiques, les comportements, les pratiques ou les perceptions. Le qualitatif insiste sur la recherche des logiques des comportements, des pratiques Mais l’on a aussi des complĂŠmentaritĂŠs : le quantitatif essaie de comprendre des logiques mais ne pourra approfondir autant. De mĂŞme, le qualitatif s’emploie Ă caractĂŠriser une population

[202] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

donnĂŠe mais la dĂŠmarche ne sera pas aussi globale que dans le cas d’approches quantitatives. %Ă?NBSDIF NĂ?UIPEPMPHJRVF 1PVS TJNQMJ ĂśFS M BQQSPDIF RVBOUJUBUJWF VUJMJTF QMVUĂ™U des dĂŠmarches hypothĂŠtico-dĂŠductives – on a des thĂŠories et on cherche Ă vĂŠrifier ces rĂŠsultats thĂŠoriques Ă partir des chiffres ; M BQQSPDIF RVBMJUBUJWF FTU QMVUĂ™U JOEVDUJWF JM s’agira de partir des observations empiriques QPVS UIĂ?PSJTFS %V DĂ™UĂ? EF M BQQSPDIF quantitative, on parle de modèles thĂŠoriques. On formule une hypothèse, on travaille autour de concepts, de dĂŠfinitions, de QSJODJQFT 1VJT M PO UFTUF FU WBMJEF PV JOĂśSNF l’hypothèse que l’on a formulĂŠe. Le qualitatif, et notamment l’approche anthropologique, part de l’observation empirique, du terrain, sans idĂŠe a priori RVBOU Ă‹ MB SĂ?BMJUĂ? 1VJT M PO construit les concepts, les catĂŠgories qui vont se dĂŠgager des observations. -FT EFVY BQQSPDIFT QFVWFOU TF SFKPJOESF Il existe des possibilitĂŠs d’ ÂŤ effet retour Âť – de causalitĂŠ inverse. Dans les deux cas, on peut tenir compte du fait que les interactions peuvent avoir des effets sur les individus ou que les institutions en prĂŠsence vont crĂŠer des interactions au niveau de la sociĂŠtĂŠ.


Tableau

16

DiffĂŠrences et complĂŠmentaritĂŠ entre les approches

Source : Construction des auteurs.

6OF JNQPSUBOUF EJòĂ?SFODF FYJTUF RVBOU BV QPTUVMBU HĂ?OĂ?SBM TPVT KBDFOU Ă‹ DIBDVOF EFT deux approches. Le quantitatif repose sur la loi des grands nombres et sur l’idĂŠe que ce que l’on va recueillir comme donnĂŠes est censĂŠ ĂŞtre reprĂŠsentatif d’une population donnĂŠe. On suppose ĂŠgalement que les questions posĂŠes sont bien comprises, qu’une rĂŠponse indĂŠpendante de la formulation de la question est donnĂŠe, et in fine que la rĂŠponse correspond Ă la rĂŠalitĂŠ que l’on cherche Ă saisir. %V DĂ™UĂ? EF M BQQSPDIF RVBMJUBUJWF DF RVF M PO produit est le rĂŠsultat de ce qui se passe dans la sociĂŠtĂŠ donnĂŠe. Cela apporte un ĂŠclairage sur l’ensemble de la sociĂŠtĂŠ et, mĂŞme si cela

ne concerne qu’une minoritĂŠ d’individus, son fonctionnement est identifiĂŠ. [Christian Culas] 1SFOPOT VO FYFNQMF /PVT Ă?UVEJPOT MFT rĂŠunions villageoises auprès de 1000 familles du village. On observe que 995 familles vont aux rĂŠunions, donc 5 n’y vont pas. 1PVS M BQQSPDIF RVBOUJUBUJWF MFT soit 0,5 % vont presque disparaĂŽtre des descriptions et de l’analyse. On considère que cela du domaine de l’erreur, d’un manque de prĂŠcision. L’anthropologue, au contraire, essayera d’enquĂŞter auprès de ces 5 familles pour savoir pourquoi elles ne se

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prĂŠsentent pas aux rĂŠunions. Cela peut ĂŞtre une entrĂŠe pour comprendre les tensions et DPOøJUT BV TFJO EV WJMMBHF QBS FYFNQMF 1PVS l’anthropologue, ce n’est pas parce qu’un petit nombre de personnes font une action qu’il faut la nĂŠgliger dans nos analyses. On doit ĂŠvaluer l’importance qu’une action mĂŞme faite par un seul individu sans ĂŞtre contraint par le petit nombre. [Mireille Razafindrakoto] 7PJDJ VOF MJTUF EF RVFMRVFT MJNJUFT RVF OPVT souhaiterions souligner en lien avec les deux approches. Approche quantitative et enquĂŞtes statistiques - Manque d’importance donnĂŠe au point de vue de l’enquĂŞtĂŠ Les processus sociaux complexes ne sont pas faciles Ă saisir par un questionnaire. 6O RVFTUJPOOBJSF BWFD EFT OPUJPOT DBUĂ?HPries prĂŠ-ĂŠtablies ne permet pas l’adaptation Ă l’histoire, au langage, aux pensĂŠes et sentiments de l’enquĂŞtĂŠ. - RĂŠponses recueillies par questionnaire ne sont pas spontanĂŠes mais suscitĂŠes (voire dirigĂŠes de manière inconsciente), l’enquĂŞte force Ă se positionner. - La classique enquĂŞte par questionnaire dĂŠpend de l’efficacitĂŠ et de la pertinence des questions choisies (dĂŠpend de l’hypothèse) - Information peut ĂŞtre tronquĂŠe (non exhaustive)

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6OJUĂ? E BOBMZTF M Ă?DIFMMF JOEJWJEVFMMF QFVU ĂŞtre insuffisante 6O DPNQPSUFNFOU EĂ?QFOE EFT DIPJY personnels et/ou des normes sociales et/ ou des contraintes institutionnelles et/ou des opportunitĂŠs (occasions). Appartenance Ă un collectif influent sur les choix individuels qui eux-mĂŞmes peuvent aussi influer le collectif. Les approches qualitatives laissent l’enquĂŞtĂŠ parler en le mettant le plus Ă l’aise possible, TBOT GPSDĂ?NFOU QPTFS VOF RVFTUJPO KVTUF dans le fil de la conversation. 2. Il faut cerner l’ensemble des solutions/ possibilitĂŠs 1PVS DPNQSFOESF MF QBSDPVST NJHSBUPJSF PV professionnel et l’insertion dans le secteur informel, il faut pouvoir construire Ă partir des expĂŠriences des acteurs sociaux un ÂŤ panorama ou ĂŠventail des possibles Âť en tenant compte de diffĂŠrents paramètres : type de localitĂŠ, statut et type d’emploi, type E JODJUBUJPO USBKFDUPJSF FU IJTUPJSF TPDJBMF des individus, l’ensemble des groupes et des institutions qui interviennent, etc. L’ ĂŠventail des possibles Âť n’est pas forcĂŠment donnĂŠ Ă l’avance, mais doit ĂŞtre construit par l’observateur, le chercheur. 3. Information sur les contraintes et les logiques qui prĂŠvalent Les choix dĂŠpendent de : - la nature technique de l’activitĂŠ (qualification de l’individu, lieu de rĂŠsidence, etc.) ; EFT DPOEJUJPOT PCKFDUJWFT EF M PòSF (contraintes financières, offre sur marchĂŠ du travail, etc.) ;


- mais aussi des reprÊsentations : signification que revêt l’activitÊ effectuÊe pour les individus ; - des types de liens entre les acteurs (employeurs et employÊs). Imaginons que l’on choisisse d’enquêter les individus. Cette option a des consÊquences sur les rÊsultats. Le comportement donnÊ d’un individu peut être le rÊsultat non seulement d’un choix personnel mais aussi de son environnement – normes sociales, contraintes institutionnelles.

Image

3

Nous avons collectÊ des donnÊes statistiques sur le secteur informel afin de suivre les USBKFDUPJSFT EFT JOEJWJEVT JOT�S�T EBOT DF secteur et tenter de dÊgager des pistes permettant d’amÊliorer leurs conditions de WJF 1PVS E�ÜOJS EFT QPMJUJRVFT FóDBDFT OPVT aurons besoin, par exemple, de comprendre le parcours professionnel et migratoire de ces individus insÊrÊs dans ce secteur. Il nous faudra pour cela des questionnaires pertinents.

De la pertinence de l’analyse des chiffres i#JFO TĂ&#x;S c’est basĂŠ uniquement sur 2 pointsâ€?.

Source : Tom Toles, The Washington Post & Universal Press Synd., avril 2009.

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Approche qualitative La première remarque concerne l’idĂŠe EF SFQSĂ?TFOUBUJWJUĂ? #JFO FOUFOEV M JEĂ?F de gĂŠnĂŠralisation de type statistique est impossible. En partant des entretiens que vous allez faire Ă Tam Ä?ảo, vous n’allez pas dire : ÂŤ J’ai enquĂŞtĂŠ auprès d’un petit restaurant qui me disait gagner cinq millions de dong par mois Âť et dĂŠduire que tous les restaurateurs Ă Tam Ä?ảo perçoivent une somme ĂŠquivalente. La gĂŠnĂŠralisation se fait Ă un autre niveau. 1BSUBOU E VOF BQQSPDIF RVBMJUBUJWF TPDJP anthropologique, on gĂŠnĂŠralise le processus et les logiques Ă partir des entretiens. Il faut pour cela arriver Ă saisir l’ensemble des conditions et des mĂŠcanismes sociaux au sein desquels l’individu est insĂŠrĂŠ. Dans un contexte, avec ces conditions et mĂŠcanismes, on observe un phĂŠnomène donnĂŠ. La gĂŠnĂŠralisation se fait de cette manière : dans tel contexte prĂŠcis, voilĂ ce que l’on trouve. Cette logique reliant le phĂŠnomène Ă l’ensemble du contexte environnant peut ĂŞtre gĂŠnĂŠralisĂŠe. Autre limite. Il est très difficile d’adopter une attitude non-directive. Contrairement Ă l’approche quantitative, on essaie d’Êcouter le point de vue de l’enquĂŞtĂŠ et non de le diriger dans ses rĂŠponses. Cela suppose un savoirfaire afin de pouvoir suivre la personne dans le dialogue qui va s’instaurer. Nous allons Ă prĂŠsent vous distribuer des entretiens semi-structurĂŠs que vous allez travailler pour demain mardi. Il s’agit d’enquĂŞtes rĂŠalisĂŠes en complĂŠment d’enquĂŞtes quantitatives menĂŠes Ă HĂ Náť™i et Ă Háť“ $IĂ“ .JOI 7JMMF TVS MFT FOUSFQSJTFT GBNJ MJBMFT PV individuelles informelles et formelles. Nous vous demandons de lire ces entretiens pour prĂŠparer notre discussion commune rĂŠsultats. Deux enquĂŞtes ont ĂŠtĂŠ distribuĂŠes Ă chacun :

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enquĂŞte 1 – un restaurateur qui sert des plats de canard grillĂŠ ; enquĂŞte 2 - un vendeur de vermicelles au crabe. Quatre autres enquĂŞtes on ĂŠtĂŠ distribuĂŠes selon les groupes de travail constituĂŠs afin de vous familiariser avec diffĂŠrents types d’entretiens et d’interlocuteurs : un dĂŠtaillant, un fabricant de chapeaux pour l’armĂŠe, un fabricant de portes en fer, un patron d’un restaurant populaire. Il s’agit d’entretiens semi-structurĂŠs abordant un grand nombre de thĂŠmatiques. On vous demande de trouver les ĂŠlĂŠments qui vont vous servir Ă l’analyse de la thĂŠmatique : comment les gens perçoivent et vivent la transition actuelle ? Cela sera QFSDFQUJCMF Ă‹ USBWFST MB USBKFDUPJSF NJHSBUPJSF et professionnelle des individus et des enquĂŞtĂŠs. - D’oĂš viennent-ils ? - Ont-ils migrĂŠ ? Seuls, en famille ? - Ont-ils changĂŠ d’emploi ? Quels sont les emplois qu’ils ont exercĂŠs durant leur vie USBKFDUPJSFT - Quels sont les facteurs explicatifs des changements ? Quelles ont ĂŠtĂŠ leurs motivations ? Quelles ĂŠtaient leurs contraintes ? Comment ont-ils vĂŠcu les diffĂŠrentes phases de leur vie ? Leur satisfaction (sontils contents ?) ? Deuxième type de facteurs : les rĂŠseaux sociaux. - Quels sont les types d’associations auxquelles ils appartiennent ? - CaractĂŠristique du rĂŠseaux : quartier, famille, voisins, personnes ĂŠloignĂŠs. Les liens et les relations au sein d’une famille vont aussi Ă?USF FO MJBJTPO BWFD MFT USBKFDUPJSFT QSPGFTsionnelles des individus.


JournĂŠe 2, mardi 20 juillet 2.2.2. Analyse critique de quelques rĂŠsultats obtenus sur les changements observĂŠs sur le marchĂŠ du travail et les stratĂŠgies et perceptions des individus [François Roubaud] Nous allons travailler sur les entretiens semidirectifs. J’espère que vous avez eu le temps d’avancer sur les lectures, de façon Ă ce que cet après-midi nous puissions arriver rapidement Ă des rĂŠsultats.

des unitĂŠs informelles, de petites activitĂŠs NBSDIBOEFT RVJ GFSPOU M PCKFU E FORVĂ?UFT KFVEJ matin. Qui a avancĂŠ dans cette direction ? Inthakesone Thaviphone Après le cours hier, nous avons procĂŠdĂŠ Ă quelques repĂŠrages. Je ne connais pas très bien cette rĂŠgion. J’ai remarquĂŠ des ĂŠglises et des catholiques. On a rencontrĂŠ un ancien militaire qui a vĂŠcu au Laos pendant quatre ans. Il habite avec sa femme Ă Tam Ä?ảo qui est son village natal. Il ne travaille plus, sa femme tient un petit commerce. Elle vend des boissons.

Nous allons appliquer Ă un cas concret les concepts, notions et mĂŠthodologies abordĂŠs IJFS USBKFDUPJSFT FU USBOTJUJPOT NJHSBUPJSFT FU professionnelles, avec un focus sur la question EV TFDUFVS JOGPSNFM BV 7JĚ?U /BN -B NBUJOĂ?F sera consacrĂŠe aux convergences possibles entre quantitatif et qualitatif. Nous allons vous prĂŠsenter une synthèse des synergies FOWJTBHĂ?FT 1VJT OPVT QSĂ?TFOUFSPOT RVFMRVFT tableaux du marchĂŠ du travail et du secteur JOGPSNFM BV 7JĚ?U /BN FO WPVT EFNBOEBOU d’essayer de mener vous-mĂŞmes la dĂŠmarche scientifique : quelles sont les questions associĂŠes Ă ces informations, quelles sont les hypothèses, quels sont les rĂŠsultats que vous pouvez lire Ă l’Êcran, quelles sont les limites des rĂŠsultats prĂŠsentĂŠs ?

[François Roubaud]

À la diffÊrence d’autres ateliers, notre dÊmarche est expÊrimentale. L’idÊe de rapprocher les deux approches quantitatives et qualitatives est souvent mise en avant mais il s’agit surtout d’une figure de style rarement mise en pratique.

- besoin de connaĂŽtre le contexte global / contexte macro

7PVT EFWJF[ E VOF QBSU QBSDPVSJS MFT entretiens semi-directifs, vous imprÊgner de l’environnement de la station et repÊrer

5ZQJRVFNFOU DFMB QFVU GBJSF M PCKFU E VOF enquĂŞte : un entretien auprès de cette dame et de son ĂŠpoux autour des rĂŠseaux sociaux FU PV SĂ?TFBVY GBNJMJBVY 7PJMĂ‹ VOF CPOOF introduction, avec une histoire riche car il y a migration internationale. Du point de WVF EF MB USBKFDUPJSF EF WJF DFMB QFVU Ă?USF intĂŠressant. [Mireille Razafindrakoto] Je voudrais rappeler quelques ĂŠlĂŠments abordĂŠs hier Ă propos de l’approche qualitative. Examinons point par point les faiblesses courantes reprochĂŠes Ă la mĂŠthode qualitative :

Ce qui se passe à l’Êchelle locale s’inscrit dans un cadre global (national, international). - au niveau local, certains aspects du contexte nÊcessitent d’être mesurÊs Quel est le poids dÊmographique, politique, Êconomique de diffÊrents groupes (pauvres/

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[ ]


riches, natifs/migrants, les groupes ethniques, etc.) au niveau national ? La rĂŠpartition de l’emploi dans une ville ? - possibles divergences entre perception (qualitative) et rĂŠsultat mesurĂŠ statistiquement a. DiffĂŠrences dans la dĂŠfinition (et mesure) du concept Exemple sur le concept d’inĂŠgalitĂŠs : perception d’une forte montĂŠe des inĂŠgalitĂŠs par la population alors que la mesure statistique montre globalement une faible ĂŠvolution, seulement une très faible proportion d’individus se sont fortement enrichis b. diffĂŠrences dues au choix de l’indicateur du phĂŠnomène Perception : la criminalitĂŠ augmente ou la corruption augmente RĂŠalitĂŠ : pas d’Êvolution mais les mĂŠdias en parlent plus (rapportent plus de cas) d’oĂš un biais de perception c. diffĂŠrences dues au fait que les interviewĂŠs ne sont pas reprĂŠsentatifs de la population Les interviewĂŠs sont ceux qui ont acceptĂŠ de parler (plus instruits, moins pauvres, etc.) Biais qui peut ĂŞtre dĂŠpassĂŠ par une connaissance prĂŠcise du terrain

en masse dans les industries, les entreprises E FYQPSUBUJPO 6O QSPKFU E BOBMZTF RVBMJUBUJWF a sĂŠlectionnĂŠ un certain nombre de groupes pour examiner l’impact de la crise. On a choisi des groupes composĂŠs de gens qui travaillaient dans des zones d’exportation, des parcs industriels et ĂŠvidemment directement affectĂŠs par la crise internationale. Ces groupes ĂŠtaient par nature les plus exposĂŠs. Les conclusions de l’enquĂŞte quant Ă l’impact de la crise sur le marchĂŠ du travail ont ĂŠtĂŠ naturellement dramatiques. [Christian Culas] Les limites avancĂŠes ne sont pas absolues. -B RVBMJUĂ? E VOF NĂ?UIPEF WJFOU EF M PCKFU auquel elle est appliquĂŠe. On comprend bien que les enquĂŞtes qualitatives ne sont pas suffisantes pour avoir une lecture pertinente de la rĂŠalitĂŠ que l’on veut ĂŠtudier. En ayant bien conscience des limites de chaque type d’approche, il est ainsi possible de savoir quel type de mĂŠthode appliquer en fonction de M PCKFU E Ă?UVEF "QQMJRVFS EFT j SFDFUUFT x c’est-Ă -dire rĂŠpĂŠter les mĂŞmes actions de recherche dans des contextes diffĂŠrents n’est pas possible. Les outils que vous allez VUJMJTFS TFSPOU EĂ?ĂśOJT QBS M PCKFU RVF WPVT allez ĂŠtudier, et par le contexte de votre ĂŠtude. C’est Ă vous d’adapter vos mĂŠthodes Ă chaque type d’enquĂŞte, ce n’est ni facile ni rassurant mais c’est la seule manière d’obtenir de bons rĂŠsultats.

[François Roubaud] [Mireille Razafindrakoto] Donnons un exemple de biais de sĂŠlection, qui se produit lorsque l’on choisit des gens qui ne sont pas reprĂŠsentatifs de la population. Il y a eu en 2009 une crise internationale. L’un EFT PCKFDUJGT Ă?UBJU EF TBWPJS RVFM Ă?UBJU M JNQBDU de cette crise sur le marchĂŠ du travail. Dans MFT KPVSOBVY PO QBSMBJU EFT HFOT MJDFODJĂ?T

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Je pense que les perceptions, même erronÊes, de la population mÊritent d’être prises en compte dans l’analyse. Même si les perceptions provenant de la population ne sont pas reprÊsentatives, elles peuvent expliquer certains comportements, influencer certains mÊcanismes au sein de la sociÊtÊ.


Nous avons effectuĂŠ des mesures sur l’Êvolution de la corruption Ă Madagascar. Sur une pĂŠriode donnĂŠe, du point de vue statistique, nous avons observĂŠ une diminution de la petite corruption touchant MB QPQVMBUJPO 1BSBMMĂ’MFNFOU M BVHNFOUBUJPO du mĂŠcontentement de la population a abouti Ă une crise sans que l’on comprenne vĂŠritablement quels ĂŠtaient les diffĂŠrents facteurs Ă l’origine. Nous nous sommes aperçus que selon la perception de la population, contrairement Ă la corruption subie rĂŠellement par la population, la corruption augmentait fortement. Les donnĂŠes sur une perception dans un pays donnĂŠ peuvent expliquer certains phĂŠnomènes. Il ne faut absolument pas OĂ?HMJHFS EFT EPOOĂ?FT TVCKFDUJWFT Yves Perraudeau J’aimerais illustrer ce qui vient d’être dit entre l’image, la rĂŠalitĂŠ et l’image de la rĂŠalitĂŠ. La rĂŠalitĂŠ n’existe pas mais il faut essayer de la QFSDFWPJS BV NJFVY -FT NĂ?EJBT BVKPVSE IVJ ont tendance Ă fausser cette rĂŠalitĂŠ. Je ne vais pas entrer ici dans des considĂŠrations sur le SĂ™MF EFT NĂ?EJBT NBJT MB DPNNVOJDBUJPO FTU un produit qu’il faut vendre. Ce qui fait que l’on s’intĂŠresse beaucoup plus Ă l’Êvolution et au rythme qu’au niveau sur le plan KPVSOBMJTUJRVF En matière d’illusion sociale, on montre souvent les abus de la pĂŞche. Ce qui suggère, par exemple en Europe, l’absence de rĂŠglementation alors qu’il existe près de 1000 textes ! Cette activitĂŠ est très rĂŠglementĂŠe.

[Mireille Razafindrakoto] 7PJDJ VO TDI�NB EF QPTTJCMF DPNQM�NFOUBSJU� entre les approches quantitative et qualitative. Nous y reviendrons vendredi. (C.f. Figure 52 : ComplÊmentaritÊ entre les approches) Je veux simplement insister sur la partie commune aux deux approches oÚ l’approche quantitative va chercher à comprendre les comportements individuels et les perceptions. % VO DÙU� PO SFHBSEF QMVT EFT QI�OPNÒOFT macro ou globaux. On prend des moyennes, des sommes de comportements individuels. %V DÙU� RVBMJUBUJG PO OF DPOTJEÒSF QBT RVF MB TPDJ�U� FTU KVTUF VOF TPNNF EF comportements individuels, mais qu’il y aussi beaucoup d’institutions, de normes, etc. Il y a donc toute une logique dans les comportements et les interactions au niveau de cette sociÊtÊ donnÊe qui peuvent Êchapper à l’approche quantitative et qui doivent être prises en compte dans l’analyse. (C.f. Figure 53 : Vers une articulation possible des approches ?) De plus en plus, les deux approches T FOSJDIJTTFOU NVUVFMMFNFOU % VO DÙU� MFT tenants de l’approche quantitative se disent qu’il serait intÊressant d’illustrer les rÊsultats à partir d’enquêtes qualitatives afin d’apporter VO BVUSF �DMBJSBHF %F M BVUSF DÙU� MFT chercheurs privilÊgiant l’approche qualitative ont tendance à recourir aux chiffres pour obtenir un cadrage plus global, et situer ce qui se passe au niveau local.

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[209]


Figure

52

Complémentarité entre les approches

Source : Construction des auteurs.

Figure

53

Vers une articulation possible des approches ?

Source : Construction des auteurs.

[210] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


[Christian Culas] 6OF EFT MJNJUFT MFT QMVT Ă?WJEFOUFT EF l’approche qualitative concerne la question de la reprĂŠsentativitĂŠ. L’anthropologue, le sociologue, ont besoin de faire appel Ă des donnĂŠes quantitatives pour savoir dans RVFM DBESF HĂ?OĂ?SBM MFVS PCKFU EF SFDIFSDIF T JOTDSJU -FT PCKFUT EFT QIĂ?OPNĂ’OFT TPDJBVY sont de plus en plus complexes et connectĂŠs (au niveau national et international), on appelle cela la mondialisation. Nos moyens d’approche, micro et macro, doivent souvent ĂŞtre mis en relation pour pouvoir comprendre un phĂŠnomène global. Le niveau macro n’est pas suffisant, le micro non plus ! Nous travaillons de plus en plus dans le cadre d’un dialogue entre diffĂŠrentes ĂŠchelles de lecture des phĂŠnomènes sociaux. C’est en faisant varier les ĂŠchelles de lecture d’un mĂŞme phĂŠnomène (par exemple les activitĂŠs agricoles) au niveau familial, communal, d’une province, d’un pays, d’une rĂŠgion, etc., que l’on parvient Ă lui donner une dimension non linĂŠaire et articulĂŠe : la plupart des niveaux sont en relation, comprendre ces relations permet de mieux connaĂŽtre notre PCKFU E Ă?UVEF [Mireille Razafindrakoto] On pourrait imaginer un schĂŠma idĂŠal, une articulation vĂŠritable entre les deux approches, ce qui est encore extrĂŞmement rare dans la rĂŠalitĂŠ. Dans le cas d’une articulation complète, on peut imaginer quatre phases successives : 1SFNJĂ’SF QIBTF JOEVDUJWF FOUSFUJFO RVBMJ tatif ) : informations, connaissances du terrain (acteurs, catĂŠgories pour dĂŠcrire, NBSRVFVST PCKFDUJGT FUD

- Deuxième phase de la dĂŠmarche : la ÂŤ modĂŠlisation Âť ou ĂŠlaboration d’hypothèses (ÂŤ modèle thĂŠorique Âť) Ă partir du constat prĂŠcĂŠdent = traduction des modèles thĂŠoriques en modèles testables (variables–clefs Ă collecter) - Troisième phase, analyse empirique EnquĂŞte statistique sur un ĂŠchantillon reprĂŠsentatif : confrontation du ÂŤ modèle Âť aux donnĂŠes statistiques afin d’en ĂŠvaluer la pertinence Analyse descriptive et ĂŠconomĂŠtrique - Quatrième phase, retour sur le terrain et entretien approfondi 1SFNJFS DBT NJTF FO Ă?WJEFODF EF DPNQPSUFNFOUT UZQJRVFT EF MB NBKPSJUĂ? mais explication des ÂŤ points aberrants Âť, des ÂŤ cas Âť ; autres rĂŠsultats dont la logique reste Ă expliquer, expliciter Second cas : modèle non validĂŠ par donnĂŠes statistiques d’oĂš la nĂŠcessitĂŠ de repĂŠrer de nouveaux ĂŠlĂŠments --> nouveau cycle d’analyse : induction/ modĂŠlisation/estimation/validation 1PVS OPUSF BUFMJFS OPVT QBSUJSPOT EF M FORVĂ?UF statistique mise en place. Nous regarderons si les rĂŠsultats sont cohĂŠrents avec ceux obtenus Ă partir des enquĂŞtes qualitatives. 1VJT OPVT FTTBJFSPOT EF WPJS TJ M FOTFNCMF des variables de l’enquĂŞte statistique couvre l’ensemble des champs d’Êtude, s’il n’existe pas des phĂŠnomènes, des catĂŠgories ou des indicateurs absents de l’enquĂŞte statistique qu’il faudrait rĂŠintroduire. Nous verrons ĂŠgalement en quoi les entretiens qualitatifs permettent d’enrichir les interprĂŠtations

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[211]


des rĂŠsultats obtenus Ă partir de l’enquĂŞte statistique. Enfin, dernière prĂŠcision, notre PCKFDUJG FTU EPVCMF VO PCKFDUJG BOBMZUJRVF d’une part, avec le souci d’Êclairer les phĂŠnomènes que l’on veut ĂŠtudier,

EncadrĂŠ

13

les Êvolutions en cours, la logique des comportements et perceptions des individus ; des rÊsultats mÊthodologiques d’autre part, à travers la comprÊhension de la portÊe et des limites des deux types d’approches.

Articulation. Objectifs de l’atelier

Comparer les apports respectifs des mĂŠthodes quantitatives ou qualitatives Entretiens qualitatifs comme complĂŠment d’une enquĂŞte quantitative (notre point de dĂŠpart). mais la dĂŠmarche inverse aurait pu ĂŞtre choisie : (approche quantitative comme complĂŠment du qualitatif ) A. VĂŠrifier les hypothèses ĂŠmises pour analyser les donnĂŠes quantitatives. ĂŠviter d’Êventuels contresens, des erreurs d’interprĂŠtation A1 Étudier la cohĂŠrence des rĂŠsultats Ă partir de l’enquĂŞte statistique (quantitative) et des entretiens semi-directifs (et si incohĂŠrence, pourquoi?) A2 VĂŠrifier si l’enquĂŞte quantitative (le questionnaire) permettait de couvrir le champ d’Êtude. VĂŠrifier si l’Êventail des indicateurs retenus, des thèmes, ainsi que les questions et les items dĂŠfinis lors de la constitution du questionnaire quantitatif couvrent l’ensemble du champ de l’Êtude. B. Analyser en quoi les entretiens qualitatifs, non directifs ou semi-directifs, permettent d’enrichir l’interprĂŠtation des donnĂŠes issues de l’enquĂŞte quantitative. Apporter des prĂŠcisions sur les rĂŠsultats obtenus par questionnaire. Élargissement du champ de l’Êtude en amenant des complĂŠments d’information Les entretiens apportent surtout un ĂŠclairage sur les logiques qui sous-tendent les opinions et les comportements des individus. RĂŠsultats 1. Analytiques : explication des ĂŠvolutions en cours et des logiques des comportements 2. MĂŠthodologiques : portĂŠe et limites des deux types d’approche Source : Construction des auteurs.

[François Roubaud] 1BTTPOT Ă‹ QSĂ?TFOU BVY BQQMJDBUJPOT pratiques. Nous abordons une analyse sur le secteur informel Ă partir d’instruments RVBOUJUBUJGT 1VJT OPVT BMMPOT JOUĂ?HSFS EFVY ĂŠlĂŠments qualitatifs : les entretiens semidirectifs et les entretiens non-directifs de type socio-anthropologique auxquels nous DPOTBDSFSPOT USPJT EFNJ KPVSOĂ?FT - PCKFDUJG

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des JTD est avant tout mĂŠthodologique. L’Êtude du secteur informel dans la transition ĂŠconomique nous permet de nous intĂŠresser Ă‹ VO DBT DPODSFU 7PVT BMMF[ EPOD Ă?USF JOUĂ?HSĂ?T en temps rĂŠel Ă un processus de recherches en cours. Quelles sont les hypothèses thĂŠoriques ? Quel est le cadre global de questionnement ? Le point de dĂŠpart est un recul de


l’agriculture dans l’économie vietnamienne et dans la région sud-est asiatique. Si nous simplifions les propos de Rodolphe De Koninck, cette transition agraire va vers une forme d’industrialisation, d’intégration au marché mondial. Il s’agit du passage d’une société traditionnelle à une société industrielle et moderne tel que l’ont vécue les pays développés. En fait, ce processus d’industrialisation passe par une étape d’informalisation de l’économie. Les activités non-agricoles qui ne sont pas de type moderne se développent – marchands ambulants, couturiers, réparateurs, etc. S’agit-il alors d’un phénomène transitoire qui va progressivement disparaître ou d’un phénomène durable, permanent ? ® DFDJ PO BKPVUF VOF UIÏPSJF QMVT DPNNVOF en économie : le dualisme. Cette théorie peut-être déclinée, pour le secteur informel, de deux façons : 1/ le secteur informel est déconnecté du secteur formel – il existe alors une forme d’économie indépendante – ; le

Tableau

17

secteur formel, le secteur moderne en fait, est une sorte d’économie d’enclave qui a QFV E JNQBDU TVS MB NBKPSJUÏ EFT JOEJWJEVT et, à l’instar de l’économie coloniale, n’est pas reliée à l’économie domestique ; 2/ le secteur informel est un sas d’entrée du secteur formel. Il s’agit d’une étape intermédiaire dans le passage de l’agriculture aux formes modernes du salariat et des grandes entreprises. Ce secteur de transit est amené à disparaître. Que nous dit l’approche quantitative BQQMJRVÏF BV DBT EV 7J̏U /BN TVS DFT questions ? Nous allons nous contenter de travailler sur des tableaux et des graphiques qui mettent en avant des associations, permettent de mesurer le poids de certains phénomènes et de faire des associations entre variables deux à deux. Du point de vue de l’économie et de la statistique, il y a toute une approche « économétrique » plus complexe, où l’on mesure des corrélations multiples, on essaie d’estimer le sens de la causalité.

Contexte national Le poids du Secteur Informel

Source : LSF2007 et 2009, GSO ; calculs des auteurs.

Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD

[213]


Quelles sont ici les hypothèses et les questions ? Quelles en sont les limites dans la perspective d’une approche plus fine de type qualitatif ? La première question est de savoir si ce secteur existe-t-il dans le cas du 7JĚ?U /BN 2VFM FTU TPO QPJET

Comme dans tous les pays, le secteur informel B UPVKPVST Ă?UĂ? DPOTJEĂ?SĂ? DPNNF VOF [POF de transit, une zone pour amortir les chocs de la crise. En pĂŠriode de crise, il crĂŠe le plus E FNQMPJT 1PVS DPNQSFOESF DFUUF Ă?WPMVUJPO il nous faut d’autres paramètres.

Je vous rappelle que l’une des fonctions premières de l’analyse quantitative est de quantifier des phĂŠnomènes, le poids de diffĂŠrentes variables de façon reprĂŠsentative. 6OF QSFNJĂ’SF Ă?UBQF B E PSFT FU EĂ?KĂ‹ Ă?UĂ? effectuĂŠe pour construire ce tableau. Nous avons rĂŠflĂŠchi Ă ce que l’on voulait obtenir. Les emplois ont ĂŠtĂŠ divisĂŠs par secteur institutionnel : secteur public, entreprises ĂŠtrangères, grandes entreprises domestiques, petites activitĂŠs indĂŠpendantes enregistrĂŠes et secteur informel – c’est-Ă -dire les individus qui travaillent dans des activitĂŠs non-agricoles et qui ne sont pas enregistrĂŠs auprès de l’Êtat.

[François Roubaud] C’est une excellente rĂŠponse. Il y a le long et MF DPVSU UFSNF -FT GBDUFVST FOUSBOU FO KFV suivant les secteurs ne sont pas les mĂŞmes. -B DSJTF FOUSF FU B CĂ?OĂ?ĂśDJĂ? Ă‹ MB croissance du secteur informel, beaucoup de salariĂŠs licenciĂŠs du formel ont basculĂŠ dans M JOGPSNFM 1SFNJĂ’SF DPODMVTJPO BOBMZUJRVF MF secteur informel reprĂŠsente une composante massive de l’Êconomie Ă long terme. Yves Perraudeau S’agit-il d’emplois ĂŠquivalents tempsQMFJO 2VFM FTU MF TUBUVU EFT DPOKPJOUT EBOT l’agriculture ?

Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n [François Roubaud] Quelle est l’hypothèse utilisĂŠe ? Je suppose RVF UPVUFT MFT QFSTPOOFT FO ÉHF EF USBWBJMMFS et qui ont un emploi sont regroupĂŠes en un seul secteur institutionnel. Le secteur JOGPSNFM FYJTUF U JM BV 7JĚ?U /BN j 0VJ x incontestablement ce secteur existe ; son poids est de 23,5 %. Il fournit le plus d’emplois parmi les autres secteurs de l’Êconomie vietnamienne, hors agriculture. [François Roubaud] 2V PCTFSWF U PO TVS MFT DPMPOOFT FU 2009 ? Nguyáť…n Háť“ng Bắc L’Êvolution du secteur informel dĂŠpendra de la politique, de la volontĂŠ de l’État. L’État veutil ce secteur, le dĂŠvelopper, le supprimer ?

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Que veut dire ce tableau ? Quelles en sont TFT MJNJUFT 7PJMĂ‹ FYBDUFNFOU M FYFSDJDF BVRVFM KF WFVY NF MJWSFS NBJOUFOBOU Ă‹ QBSUJS des questions qui sont posĂŠes. Il ne s’agit pas d’Êquivalent temps-plein. Il s’agit simplement d’emplois mais peut-ĂŞtre que dans ce secteur on ne travaille que quatre heures par semaine ; auquel cas le chiffre d’environ 24 % est très TVSFTUJNĂ? :WFT GBJU M IZQPUIĂ’TF RVF MF TFDUFVS informel est un secteur d’appoint dans lequel le nombre d’heures moyen par semaine est relativement faible, ce qui fait que l’on a un biais en mesurant simplement les emplois. -FT DPOKPJOUT TPOU QSJT FO DPNQUF EBOT MFT emplois. On leur attribue souvent le statut d’aide familial non-rĂŠmunĂŠrĂŠ.


Revenons à la question des limites. Les catÊgories statistiques que l’on emploie sontelles fiables ? On distingue quatre grandes catÊgories de travailleurs : les employeurs,

Tableau

18

les travailleurs à leur propre compte et ceux qui sont indÊpendants et n’emploient pas de salariÊs, les travailleurs salariÊs et enfin les travailleurs familiaux non-rÊmunÊrÊs.

La frontière floue du statut dans l’emploi LFS 2007 & 2009

Sources : LSF, 2007 et 2009, MoLISA, GSO ; calculs des auteurs.

Deux enquĂŞtes identiques ont ĂŠtĂŠ faites en M VOF QBS M PĂłDF EF MB 4UBUJTUJRVF 0(4 et l’autre par le ministère du Travail (MoLISA). D’après l’enquĂŞte du ministère du Travail, 42 % de la population active sont des travailleurs familiaux non rĂŠmunĂŠrĂŠs ; seulement 12 % TFMPO M 0ĂłDF EF MB TUBUJTUJRVF 6OF QFSTPOOF TVS USPJT FTU NBM DMBTTĂ?F 7PJDJ VO FYFNQMF de frontière floue, de contradiction dans les statistiques officielles. Quelle est la bonne source ? Le secteur informel reprĂŠsente un quart des emplois. Ce chiffre est probablement sousestimĂŠ pour quatre raisons : 1) Seuls les chiffres pour l’emploi principal sont ici considĂŠrĂŠs or beaucoup de gens

exercent plusieurs emplois. Ceux-lĂ ne sont pas pris en compte dans le tableau. 2) Le cycle de vie. Je peux ĂŞtre formel BVKPVSE IVJ NBJT QFVU Ă?USF RV IJFS K FYFSĂŽBJT un emploi informel. J’ai donc une expĂŠrience d’informalitĂŠ dans ma vie qui n’est pas mesurĂŠe par ce tableau. 3) Élargir la perspective de l’individu au mĂŠnage. Dans un mĂŠnage, il se peut très bien que certains soient formels, fonctionnaires ou travailleurs dans une grande entreprise, mais que d’autres soient informels. Les revenus de l’informel entrent donc dans ces mĂŠnages. 4) Les emplois sont mesurĂŠs suivant une dĂŠfinition de la population active Ă partir de quinze ans. Or il se peut très bien qu’entre

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dix et quinze ans, il y ait des gens qui travaillent – des enfants qui ont toutes les

Tableau

19

chances de travailler soit dans l’agriculture soit dans le secteur informel.

CaractĂŠristiques socio-dĂŠmographiques suivant le secteur institutionnel- Hanoi

Sources : LSF2009, GSO ; calculs des auteurs. * LSF2007 pour le niveau d’Êducation * EI Entreprise individuelle ou  Household Business 

Nous avons quantifiĂŠ un phĂŠnomène massif. Essayons de voir quelles sont les associations de variables dans la perspective thĂŠorique de cette transition. Si l’on considère l’idĂŠe de transition agraire, avec un secteur informel qui serait un secteur informel transitoire : Ă quoi doit-on s’attendre ?

d’individus enregistrÊs en tant que rÊsidents permanents, non-migrants, dans le quartier oÚ ils habitent en ville.

)ZQPUIÒTFT $F TFDUFVS TFSBJU QMVUÙU VO secteur urbain regroupant des individus qui vont de la campagne vers les emplois formels en ville. Ceux-ci transitent dans le secteur informel en ville en attendant de trouver un emploi dans le secteur formel. Il s’agirait de la main-d’œuvre secondaire des mÊnages en revenus d’appoint. On peut penser ici à des personnes peu ou pas ÊduquÊes et à des femmes.

Je dirais que les hypothèses ne sont pas validĂŠes. On voit que ce secteur des entreprises individuelles informelles comporte 43,3 % de femmes. Il y a donc plus d’hommes. Le secteur informel est essentiellement un secteur masculin. C’est aussi un secteur oĂš il y a essentiellement des rĂŠsidents permanents. Il n’y a pas de migration spĂŠcifique puisqu’il regroupe 92,4 % de rĂŠsidents permanents. Enfin, il est essentiellement rural : 69,5 % des personnes du secteur informel appartiennent au milieu rural.

1PVS DFVY RVJ OF TPOU QBT WJFUOBNJFOT concernant la dernière colonne ÂŤ rĂŠsidents permanents avec un statut de KT1 Âť : il s’agit

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Ces hypothèses sont-elles validÊes dans ce tableau ? Virginie Diaz


[François Roubaud] Tout Ă fait. On invalide toutes les hypothèses TVS MF TFDUFVS JOGPSNFM BV 7JĚ?U /BN TBVG VOF la concentration d’individus peu qualifiĂŠs.

Tableau

20

Le taux d’Êducation supĂŠrieure est très faible. Seulement 15 % ont fait des ĂŠtudes supĂŠrieures pour 80 % du secteur public et 50 % des grandes entreprises.

CaractĂŠristiques des emplois

Source : LSF2007, GSO ; calculs des auteurs.

Yves Perraudeau Il faudrait avoir une idĂŠe du nombre d’heures NPZFO BV 7JĚ?U /BN QBS TFNBJOF +F DSPJT que cela doit ĂŞtre autour de quarante-quatre heures. Ce serait alors effectivement des emplois plein-temps puisqu’ils sont au-delĂ EFT RVBSBOUF RVBUSF IFVSFT o IFVSFT [François Roubaud]

du tout par le fait qu’il s’agisse d’emplois temporaires. Il s’agit d’emplois oÚ l’on travaille plus qu’ailleurs et oÚ l’on exerce des emplois QFOEBOU MPOHUFNQT BOO�FT Nous allons tenter de valider, ou d’invalider, le fait que le secteur informel soit une Êconomie d’enclave ou un sas de transition de l’agriculture vers le secteur formel.

Effectivement, le secteur informel est un TFDUFVS E FNQMPJT QSĂ?DBJSFT 7PVT WPZF[ que la protection sociale est nulle, que les revenus sont les plus faibles – le plus faible après l’agriculture. Cela ne s’explique pas

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Tableau

21

Matrice de transition sur le marchĂŠ du travail (hors inactifs et chĂ´meurs)

Source : VHLSS 2002, 2004 et 2006, GSO ; Nguyen, Nordman, Roubaud (2010) Nguyáť…n Hᝯu ChĂ­, Nordman C.J., Roubaud F. (2010), “Panel data analysis of the dynamics of labour allocation and earnings in Vietnamâ€?, Communication Ă la ConfĂŠrence internationale sur “The informal sector and informal employment: Statistical Measurement, Economic Implications and Public Policiesâ€?, organisĂŠe par VASS, IRD, GSO, MOLISA, ILO, AFD, DFID, World Bank, UNDP, HĂ Náť™i, May, 6-7, 2010.

86 % des gens qui travaillaient dans l’agriculture en 2002 Êtaient encore dans l’agriculture en 2004. Quelles sont les caractÊristiques de l’enquête utilisÊe ? On part de l’emploi des individus en 2002 et on observe ce qu’ils sont devenus en 2004 ou bien l’on part de 2004 et on regarde ce qu’ils sont devenus en 2006. Le même examen peut être fait entre 2002 et 2006. Deux voies sont ouvertes pour Êtudier les USBKFDUPJSFT JOEJWJEVFMMFT PO GBJU M FORV�UF BVKPVSE IVJ QVJT PO EF mande :  Que faisiez-vous auparavant ? . La difficultÊ est liÊe à l’enquête rÊtrospecUJWF PO FTTBJF EF SFUSBDFS MB USBKFDUPJSF DF

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que l’on fait dans l’approche qualitative). Cependant les gens ne se souviennent pas forcĂŠment de ce qu’ils faisaient dans le passĂŠ, ou sont tentĂŠs de raconter des histoires. Les gens ont tendance Ă transformer la rĂŠalitĂŠ ; - on procède Ă des enquĂŞtes de panel : on fait une enquĂŞte une annĂŠe, puis la fois suivante on va rĂŠinterroger les mĂŞmes personnes. Ici, on a fait l’enquĂŞte en 2002, puis on est revenus en 2004 et en 2006. Les enquĂŞtes de panel sont extrĂŞmement compliquĂŠes Ă mettre en oeuvre, mais en mĂŞme temps elles donnent des rĂŠsultats très intĂŠressants TVS EFT USBKFDUPJSFT JOEJWJEVFMMFT Nous avons ici affaire Ă des matrices de transition. Dans le cadre de la mobilitĂŠ sociale,


ce sont des tableaux classiques de sociologie RVBOUJUBUJWF : B U JM EFT QBTTBHFT FOUSF MF TFDUFVS JOGPSNFM FU MFT BVUSFT TFDUFVST 6OF personne ĂŠvoluant dans le secteur informel y reste-t-elle ? Si l’on revient aux hypothèses que l’on avait formulĂŠes : les compartiments sontils ĂŠtanches ? Dans l’affirmative, 100 % de ceux qui ĂŠtaient dans l’agriculture en 2002 y seraient encore en 2004 et 100 % de ceux travaillant dans l’informel en 2002 y seraient en 2004. On voit en rĂŠalitĂŠ qu’il existe des transitions : passage de l’agriculture vers le secteur formel, de l’agriculture au secteur informel, mais ĂŠgalement du secteur informel Ă l’agriculture ou de l’emploi formel Ă l’agriculture.

Tableau

22

Si l’on regarde la première colonne, on a bien l’impression que les gens sortent de l’agriculture essentiellement pour aller dans le secteur informel. Cela valide l’hypothèse ÂŤ agriculture / informel / formel Âť. Mais si l’on regarde l’Êtape intermĂŠdiaire du secteur informel, quand on sort du secteur informel, les individus retournent Ă l’agriculture. Le secteur informel est inscrit dans le système de transitions d’emplois. Au cours de sa vie, un individu peut passer d’un secteur Ă un autre, ces transitions sont complexes et non aussi simplistes que la position dualiste le postulait.

Dynamique des revenus suivant les emplois 2002, 2004 et 2006 (hors emplois agricoles)

Source : VHLSS 2002, 2004 et 2006, GSO ; Nguyen, Nordman, Roubaud (2010) Nguyáť…n Hᝯu ChĂ­, Nordman C.J., Roubaud F. (2010), “Panel data analysis of the dynamics of labour allocation and earnings in Vietnamâ€?, Communication Ă la ConfĂŠrence internationale sur “The informal sector and informal employment: Statistical Measurement, Economic Implications and Public Policiesâ€?, organisĂŠe par VASS, IRD, GSO, MOLISA, ILO, AFD, DFID, World Bank, UNDP, HĂ Náť™i, May, 6-7, 2010.

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1PVSRVPJ JSBJU PO EV TFDUFVS JOGPSNFM BV TFD teur formel ? Les revenus sont-ils supÊrieurs ? La transition vers le statut d’indÊpendant, formel ou informel, des salariÊs du secteur informel semble Êconomiquement profitable. En rÊalitÊ, cela est plus compliquÊ : lorsque les individus passent du secteur salariÊ informel

Tableau

23

au secteur salariÊ formel, ils bÊnÊficient d’une augmentation de 18 % ; l’augmentation est de 31 % s’ils restent dans le secteur informel. Le passage dans le secteur formel en tant que salariÊ n’est pas forcÊment bÊnÊfique : dans beaucoup d’entreprises formelles, les salariÊs ne sont pas bien payÊs.

Raisons de la crÊation de l’unitÊ de production familiale

Source : HB&IS Survey, Hà N᝙i (2007), Hᝓ Chí Minh Ville (2008), GSO-ISS/IRD-DIAL ; calculs des auteurs.

1PVSRVPJ EFT JOEJWJEVT POU JMT DIPJTJ PV POU ils ĂŠtĂŠ obligĂŠs de crĂŠer leur petite entreprise dans le secteur informel ? L’hypothèse dualiste que l’on cherche Ă tester est : on travaille dans le secteur informel car on ne trouve pas d’emploi dans le secteur formel. Dans ce tableau, pour toutes les entreprises JOGPSNFMMFT EF )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF MFT raisons pour lesquelles les individus, les chefs d’entreprises ont choisi ce secteur sont : ÂŤ car on ne trouve pas d’emploi en tant que salariĂŠ dans les grandes entreprises Âť, ÂŤ pour obtenir un

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meilleur revenu dans le secteur informel Âť, ÂŤ pour ĂŞtre indĂŠpendant Âť, ÂŤ car il s’agit d’une tradition familiale Âť, etc. Selon vous, cette hypothèse est-elle bonne ou fausse ?


Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n

[François Roubaud]

On ne peut pas rĂŠpondre clairement en se basant seulement sur ce tableau.

7PJMĂ‹ MB SĂ?QPOTF Ă‹ MB RVFTUJPO ÂŽ )Ă‹ /Ě˜J ceux qui veulent ĂŞtre indĂŠpendants sont NJOPSJUBJSFT Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF Dans les deux villes, beaucoup disent travailler dans le secteur informel car ils n’ont pas trouvĂŠ de travail dans le secteur formel. Mais quelle est la raison principale pour monter une FOUSFQSJTF 1PVS PCUFOJS EF NFJMMFVST SFWFOVT pour ĂŞtre indĂŠpendant ? Cela sera utile dans vos enquĂŞtes : quels sont les avantages de USBWBJMMFS EBOT MF TFDUFVS JOGPSNFM 5PVKPVST est-il que les hypothèses formulĂŠes par les ĂŠconomistes et les chercheurs ne sont pas vraies. On ne monte pas une entreprise JOEĂ?QFOEBOUF BWFD M PCKFDUJG EF T FNQMPZFS Ă terme dans le secteur formel. Cela n’est vrai que pour une minoritĂŠ, entre 1/3 et 1/5.

[François Roubaud] Je pense au contraire que l’on peut rĂŠpondre ÂŤ oui Âť. Ă€ HĂ Náť™i, 30 % des personnes qui travaillent dans le secteur informel voulaient avoir un emploi dans des grandes entreprises. *MT SFQSĂ?TFOUFOU Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n $FVY RVJ USBWBJMMFOU Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF WFVMFOU ĂŞtre indĂŠpendants.

Tableau

24

Perspectives dans le secteur informel

Source : 1-2-3 Survey, Phase 2 : Household Business and Informal Sector (HB & IS), Hà N᝙i (2007, GSO/IRD-DIAL.

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Ce tableau prÊsente les rÊponses aux deux questions suivantes posÊes aux chefs d’entreprises individuelles : 1FOTF[ WPVT RVF WPUSF FOUSFQSJTF BVSB VO meilleur avenir, que vous pourrez gagner plus ? 7PVMF[ WPVT RVF WPT FOGBOUT SFQSFOOFOU votre business lorsque vous serez à la retraite ? Le secteur informel, pour diffÊrentes raisons, peut donner un meilleur salaire, permet d’être indÊpendant. Mais les personnes travaillant EBOT M JOGPSNFM TPOU FMMFT QMVUÙU PQUJNJTUFT quant à leur futur ?

Tableau

25

Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n Ils ne veulent pas que leurs enfants reprennent l’entreprise. [François Roubaud] Exactement. Mais alors, oĂš souhaitent-ils que leurs enfants travaillent ? Ils veulent qu’ils travaillent pour le gouvernement, dans le secteur public. Au dĂŠpart, on pensait que les gens travaillant dans le secteur informel voulaient que leurs enfants travaillent dans le secteur privĂŠ et en particulier pour des entreprises ĂŠtrangères.

Perspectives dans le secteur informel

Source : HB&IS Survey, Hà N᝙i (2009), GSO-ISS / IRD-DIAL.

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Selon vous, comment interprĂŠter cette rĂŠponse ? Seule une enquĂŞte qualitative peut donner des ĂŠlĂŠments de rĂŠponse. Quel est votre avis sur la question ? Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n La stabilitĂŠ. [François Roubaud] Oui. La stabilitĂŠ est un ĂŠlĂŠment important. Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n La sĂŠcuritĂŠ sociale [François Roubaud] MĂŞme si la sĂŠcuritĂŠ sociale n’est pas parfaite, il est tout de mĂŞme prĂŠfĂŠrable d’en avoir une. Il y a divers avantages, notamment le fait de toucher la retraite. Pattiya Jimreivat Le respect. [François Roubaud] &òFDUJWFNFOU 7PVT USBWBJMMF[ EBOT VOF administration et les gens vous respectent – contrairement Ă un simple vendeur de rue. Moins de stress ? Oui. Dans le secteur public, vous ĂŞtes censĂŠ arriver Ă une certaine heure le matin et repartir Ă une certaine heure en fin d’après-midi. Dans le secteur privĂŠ, on peut plus facilement vous renvoyer. [Christian Culas] Travailler dans le secteur public et occuper une place de responsabilitĂŠ importante peut aussi ĂŞtre bĂŠnĂŠfique financièrement, puisqu’il est possible de faire rĂŠmunĂŠrer les services rendus par le biais des ÂŤ enveloppes Âť.

[François Roubaud] Le secteur public peut procurer plus de pouvoir. [Jean-Pierre Cling] Nous allons Ă prĂŠsent passer Ă l’analyse des entretiens qualitatifs que nous vous avons distribuĂŠs. Nous allons concentrer l’analyse sur deux retranscriptions d’entretiens : celle sur le commerce de ÂŤ bĂşn riĂŞu Âť (vermicelle de crabe) FU DFMMF TVS MF DPNNFSDF EF DBOBSE HSJMMĂ? 1VJT Mireille prĂŠsentera une comparaison entre les rĂŠsultats d’entretiens, sur les six entretiens que nous avons distribuĂŠs et en ĂŠlargissant un peu, avec les donnĂŠes quantitatives que nous avons rĂŠcoltĂŠes sur ces mĂŞmes commerçants et entreprises informelles. Nous terminerons par une approche critique de Christian Culas sur les rĂŠponses Ă ces entretiens et sur la manière dont ils ont ĂŠtĂŠ menĂŠs. Nous allons ĂŠcouter chaque groupe. Nous aimerions qu’une personne pour chaque groupe prĂŠsente l’analyse que vous avez faite en fonction des critères principaux que nous vous avions demandĂŠ d’analyser. Etant donnĂŠ le temps limitĂŠ et le temps de traduction, chacun ne doit pas parler plus de trois minutes. Nous vous demandons de nous livrer vos PCTFSWBUJPOT TVS MB USBKFDUPJSF NJHSBUPJSF QSPGFTTJPOOFMMF MF MJFO FOUSF USBKFDUPJSF et satisfaction ; 3/ les rĂŠseaux sociaux (comment interagissent ces diffĂŠrentes personnes mobilisent des liens sociaux pour le fonctionnement de l’entreprise ?) ; 4/ comment s’organisent les relations avec les autres membres de la famille dans le cadre de l’activitĂŠ de l’entreprise et de l’Êvolution de MFVS USBKFDUPJSF

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PrĂŠsentation du groupe A

PrĂŠsentation du groupe B

Quelques informations concernant la vendeuse de ÂŤ bĂşn riĂŞu Âť .NF )ËźOI FU TPO FOUPVSBHF &MMF FTU OĂ?F FO FU TPO NBSJ en 1965. Ils ont deux enfants, naissances en FU .NF )ËźOI B QPVSTVJWJ EFT Ă?UVEFT KVTRV Ă‹ MB ĂśO EV DZDMF TFDPOEBJSF – 9e BOOĂ?F BV 7JĚ?U /BN o FU TPO NBSJ FO quatrième – 8e BOOĂ?F BV 7JĚ?U /BN MFVS ĂśMMF B achevĂŠ la terminale au lycĂŠe ; leur fils termine la première – 11e BOOĂ?F BV 7JĚ?U /BN

Son mari a un petit travail. Les revenus sont destinĂŠs Ă ses propres besoins. Il contribue QFV Ă‹ DFVY EF MB GBNJMMF .NF )ËźOI TFNCMF satisfaite de son travail. Après avoir dĂŠduit toutes les dĂŠpenses pour l’achat de matières premières, elle perçoit 200 000 Ä‘áť“ng par KPVS &MMF B DIPJTJ EF EFWFOJS WFOEFVTF EF vermicelle afin de pouvoir travailler et prendre soin de ses enfants.

.NF )ËźOI USBWBJMMF EFQVJT M ÉHF EF BOT tout d’abord, et durant quatre annĂŠes, en tant qu’employĂŠe dans une unitĂŠ de production de bicyclettes puis dans une entreprise de production de chambres Ă air de vĂŠlo. Elle s’est mariĂŠe et a donnĂŠ naissance Ă deux enfants. Depuis 1993, elle est vendeuse de vermicelles au crabe, un mĂŠtier exercĂŠ par sa belle-mère. Elle travaille dans la rue, sur le trottoir. Elle n’a pas d’endroit fixe pour exercer son mĂŠtier. Son SFWFOV KPVSOBMJFS O FTU QBT Ă?MFWĂ? EF M PSESF EF 200 000 Ä‘áť“ng. Il s’agit du revenu principal de TB GBNJMMF -F SĂ?TFBV TPDJBM EF .NF )ËźOI O FTU pas très large car elle est enregistrĂŠe dans un autre quartier. En ce sens, elle a peu d’appuis des autoritĂŠs publiques ou de ses voisins. [Jean-Pierre Cling] Cela demeure un peu factuel. Cette dame a-telle changĂŠ d’emploi Ă plusieurs reprises ? Estce stable ? Au dĂŠbut, elle dit avoir travaillĂŠ Ă partir de 15 ans mais donne des informations Ă partir de 19. Cela pose problème.

[Jean-Pierre Cling] Il y a beaucoup plus de choses Ă dire sur cette enquĂŞte. PrĂŠsentation du groupe C .NF )ËźOI OF TPVIBJUF QBT EĂ?WFMPQQFS TB petite entreprise car elle ne pense pas avoir les compĂŠtences requises pour gĂŠrer du personnel. Elle ne souhaite pas non plus s’enregistrer auprès des autoritĂŠs publiques pour devenir une unitĂŠ de production formelle. DegrĂŠ de satisfaction : elle n’est pas vraiment satisfaite de son travail bien que le revenu permette d’assurer les dĂŠpenses quotidiennes de la famille. L’État a interdit la circulation des cyclos dans le quartier, et son ĂŠpoux ne peut plus contribuer aux revenus de la famille. La raison principale du choix de ce mĂŠtier est la contrainte financière. Enfin, elle ne mentionne QBT EF SĂ?TFBV TPDJBM 1PVS GPOEFS TPO QFUJU commerce, elle s’est endettĂŠe auprès de particuliers. Elle n’a pas de contact ĂŠtabli auprès de l’association des femmes. [Jean-Pierre Cling] 7PVT BWF[ WJTJCMFNFOU GBJU VO USBWBJM USĂ’T approfondi. Il y a beaucoup d’idĂŠes qui ressortent de ce que vous dites.

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PrĂŠsentation du groupe D

PrĂŠsentation du groupe E

4FMPO OPVT .NF )ËźOI B EĂ?DJEĂ? EF EFWFOJS vendeuse de vermicelles car il s’agissait du mĂŠtier exercĂŠ par sa belle-mère et que le quartier est dĂŠpourvu de ce type d’activitĂŠ. Son mari ĂŠtait auparavant conducteur de cyclo-pousse. Il est Ă prĂŠsent moto-taxi car il ne peut plus physiquement assurer ce mĂŠtier. Ce n’est pas en lien avec une quelconque JOUFSEJDUJPO /PVT QFOTPOT RVF .NF )ËźOI exercera ce travail dans la durĂŠe : il s’agit de sa principale source de revenus, elle tire profit de son habitation donnant sur la rue, elle adopte une stratĂŠgie commerciale en tentant de fidĂŠliser sa clientèle. Elle n’Êlargira pas ses activitĂŠs car elle ne pense pas dĂŠtenir les compĂŠtences de gestion suffisantes. De plus, TPO NBSJ PDDVQF MF MPDBM MB KPVSOĂ?F FMMF OF peut donc vendre ses produits qu’en soirĂŠe.

-B DMJFOUĂ’MF EF .NF )ËźOI FTU SĂ?HVMJĂ’SF MB concurrence faible. Cette personne rencontre des difficultĂŠs financières. Les intĂŠrĂŞts de la EFUUF TPOU Ă?MFWĂ?T 6OF HSBOEF QBSUJF EF TPO revenu est utilisĂŠ pour le remboursement. 1BS BJMMFVST MFT USBWBVY E Ă?MBSHJTTFNFOU EF la route vont perturber ses activitĂŠs. Enfin, fait ponctuel mais très limitant, la mauvaise qualitĂŠ des ingrĂŠdients utilisĂŠs a enrayĂŠ les BDUJWJUĂ?T EF TPO DPNNFSDF FO

Son parcours professionnel est essentiellement liĂŠ Ă des raisons personnelles. Nous croyons que le choix de ce mĂŠtier dĂŠpend de son niveau d’instruction, de son talent personnel et du fait qu’elle ne peut trouver de travail dans le secteur formel. Elle ne reçoit rien des autoritĂŠs publiques. Ce cas est certainement reprĂŠsentatif d’une partie importante de la population.

[Jean-Pierre Cling] Cet exercice est un peu comme une enquĂŞte policière oĂš l’on cherche des indices pour essayer de trouver des rĂŠponses Ă des questions. Ces indices sont assez difficiles Ă dĂŠchiffrer, et chacun a donnĂŠ des rĂŠponses EJòĂ?SFOUFT NBJT DPNQMĂ?NFOUBJSFT 7PJDJ FO complĂŠment quelques ĂŠlĂŠments d’analyse :

[Jean-Pierre Cling] Je demanderai au dernier groupe de complÊter ou Êventuellement de donner un avis sur ce qu’on dit les autres groupes.

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[225]


Figure

54

Schéma sur la trajectoire, les contraintes et motivations d’un chef d’unité de production informelle

Source : Construction des auteurs.

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Trajectoire et perspectives. On note une certaine incertitude qui ressort de la prĂŠsentation de la biographie d’une personne. Je crois que les enquĂŞteurs familiers de ce genre d’approche sont habituĂŠs Ă ce flou quand on demande Ă des individus peu ou pas ĂŠduquĂŠs de parler de leur vie actuelle ou de leur passĂŠ. Il est intĂŠressant de souligner la stabilitĂŠ de l’emploi BDUVFM BOT E BDUJWJUĂ? EBOT MF NĂ?NF TFDUFVS bien qu’il soit informel. La vente de vermicelle FTU FMMF WJBCMF 7PVT BWF[ BCPSEĂ? DF TVKFU Ă‹ plusieurs reprises. Ce n’est toutefois pas très clair. Elle ne dit pas nettement pourquoi elle s’est mise Ă faire ce petit commerce. Elle nous dit seulement que sa belle-mère vendait aussi des vermicelles mais elle n’avance aucun lien. Nous sommes au niveau de l’interprĂŠtation. RĂŠseaux sociaux. 7PVT BWF[ EJU EFT DIPTFT USĂ’T intĂŠressantes bien que cela ne soit pas très EĂ?WFMPQQĂ? EBOT MF RVFTUJPOOBJSF .NF )ËźOI emprunte Ă des gens qu’elle connaĂŽt en cas de difficultĂŠs, elle le dit très clairement. Fonctionnement de la famille. Sa fille l’aide EBOT TPO DPNNFSDF UPVT MFT KPVST RVFMRVFT heures. Elles sont donc deux Ă travailler, la mère et la fille.

[Mireille Razafindrakoto] Nous avons rĂŠalisĂŠ une analyse des deux enquĂŞtes que l’on vous a proposĂŠes ; elles s’insèrent dans une sĂŠrie d’une soixantaine d’entretiens qualitatifs d’une grande richesse NFOĂ?T Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF FU Ă‹ )Ă‹ /Ě˜J Notre dĂŠfi est Ă prĂŠsent d’exploiter au mieux MFT JOGPSNBUJPOT EF DFT EFVY USBKFDUPJSFT EF vie. L’idĂŠe n’est pas d’aller regarder les chiffres dans le dĂŠtail, mais de prendre un peu de recul afin d’examiner les premiers enseignements quantitatifs et/ou qualitatifs. Comment la population vit-elle et perçoitelle le phĂŠnomène de transition ĂŠconomique FO DPVST BVKPVSE IVJ BV 7JĚ?U /BN %FVY phĂŠnomènes sont actuellement en cours : l’urbanisation et la place de plus en plus importante accordĂŠe au secteur privĂŠ et donc Ă l’industrialisation du pays. La tendance gĂŠnĂŠrale est de croire que l’on passe d’un pays fortement agricole Ă un accroissement de l’emploi dans le secteur industriel moderne. On constate aussi une informalisation du marchĂŠ du travail. Est-ce transitoire ? Le secteur informel va-t-il disparaĂŽtre au profit du secteur moderne ?

Le mĂŞme exercice est reconduit Ă partir de l’analyse d’une enquĂŞte menĂŠe auprès d’un ancien militaire reconverti dans la restauration (enquĂŞte dĂŽte du ÂŤ Canard grillĂŠ Âť)

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Figure

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Une typologie des household business (HB)

Source : HB&IS Survey, Hanoi (2007), Ho Chi Minh City (2008), GSO-ISS/IRD-DIAL, Autors’ calculations (using DTM  Data and Text Mining  software).

En recourant aux techniques d’analyse des donnĂŠes (analyse des correspondances multiples), trois groupes d’entreprises familiales doivent ĂŞtre distinguĂŠs. Les plus prĂŠcaires se caractĂŠrisent par des chefs d’unitĂŠ très peu ĂŠduquĂŠs, elles se localisent souvent dans la rue et sont ambulants. La plupart des individus disent ne pas avoir trouvĂŠ de travail salariĂŠ dans le secteur privĂŠ. Le mĂŠtier a souvent ĂŠtĂŠ appris sur le tas. Le deuxième groupe que l’on pourrait qualifier de groupe de ÂŤ dĂŠbrouillards Âť identifie des chefs d’unitĂŠ avec un niveau d’Êducation plus ĂŠlevĂŠ ; ils possèdent gĂŠnĂŠralement un local o MFVS NBJTPO o FU POU BQQSJT MF NĂ?UJFS HSÉDF Ă une expĂŠrience antĂŠrieure, soit en ayant travaillĂŠ dans une autre entreprise du secteur privĂŠ soit dans une grande entreprise privĂŠe ou publique. Le choix de l’activitĂŠ est souvent en lien avec une tradition familiale, et n’est pas

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forcĂŠment liĂŠ aux contraintes sur le marchĂŠ du travail. Enfin, le dernier groupe, les ÂŤ plus professionnels Âť, rĂŠunit le plus d’entreprises formelles. Le niveau d’Êducation est ĂŠlevĂŠ, M FOUSFQSJTF FTU QMVUĂ™U EF HSBOEF UBJMMF DFT individus ont choisi de crĂŠer leurs unitĂŠs informelles pour l’indĂŠpendance. Le nombre d’annĂŠes d’existence de ces entreprises est sans effet sur l’appartenance Ă un groupe. Il ne semble pas qu’une unitĂŠ très prĂŠcaire devienne sur la durĂŠe une grande unitĂŠ plus professionnelle, plus formelle. 1PVSRVPJ MF RVBOUJUBUJG GPVSOJU JM VO DBESF global permettant de situer l’ensemble de M BOBMZTF : B U JM DPIĂ?SFODF EFT SĂ?TVMUBUT entre les deux approches ? Quelles sont les informations additionnelles apportĂŠes par le qualitatif ?


Si on regarde les rĂŠsultats obtenus en moyenne sur les villes de HĂ Náť™i et Háť“ ChĂ­ .JOI 7JMMF BJOTJ RVF DFVY EFT VOJUĂ?T EF production concernĂŠes par les entretiens qualitatifs, nous pouvons comparer et situer ces dernières en terme de taille, de niveau de production et de revenus. L’ensemble EFT VOJUĂ?T RVJ POU GBJU M PCKFU E FOUSFUJFOT RVBMJUBUJGT TF USPVWF QMVUĂ™U EBOT MFT DBUĂ?HPSJFT des ÂŤ plus professionnels Âť. En moyenne, les unitĂŠs de production – aussi bien dans le formel que dans l’informel – perçoivent un revenu de quatre millions de Ä‘áť“ng mensuel. -B NBKPSJUĂ? EFT FOUSFUJFOT RVBMJUBUJGT Ă?UVEJĂ?T concernent des unitĂŠs qui gagnent plus que la moyenne Illustrons les caractĂŠristiques des personnes enquĂŞtĂŠes dans l’approche qualitative. Au moins six points de convergence peuvent ĂŞtre soulignĂŠs : 1) crĂŠation d’unitĂŠs de production : dĂŠconnectĂŠe d’une ĂŠventuelle recherche de travail dans le secteur formel ; 2) les enquĂŞtĂŠs semblent souligner une amĂŠlioration des conditions de vie (ce point est vĂŠrifiĂŠ au niveau quantitatif, pas au niveau qualitatif ) ; 3) augmentation des revenus lorsque les individus passent du salariat Ă l’auto-emploi ; 4) instabilitĂŠ, incertitude autour de ces activitĂŠs. Les individus ne sont pas sĂťrs de l’avenir, les revenus ne sont pas stables ; 5) le niveau d’investissement initial est très limitĂŠ ; 6) quasiment aucun individu ne souhaite que ses enfants poursuivent l’activitĂŠ : ÂŤ je voudrais un vrai travail pour mon fils Âť, ÂŤ cela est juste temporaire, je voudrais que ma fille s’emploie dans le secteur public Âť. Cela confirme les rĂŠsultats statistiques.

On note deux incohĂŠrences entre les enquĂŞtes qualitatives et quantitatives. Elles concernent le nombre d’employĂŠs dans l’unitĂŠ de production et les sources de fonds d’investissement. On voit tout d’abord des incohĂŠrences liĂŠes Ă des oublis : non prise en compte de la fille qui travaille deux heures dans l’entreprise par exemple ou bien de la GFNNF RVJ BJEF EF UFNQT FO UFNQT %V DĂ™UĂ? des enquĂŞtes statistiques, il faut donc bien prĂŠciser : ÂŤ Toute personne contribuant Ă l’unitĂŠ de production doit ĂŞtre comptĂŠe comme employĂŠe/travailleur de cette unitĂŠ de production Âť. Ensuite, les chiffres montrent, en terme de pourcentage de la valeur du capital, que l’essentiel des investissements provient de l’Êpargne, de l’hĂŠritage (93 %) alors que les enquĂŞtes qualitatives indiquent que beaucoup d’individus ont recours Ă leur famille oĂš leurs amis. - BQQSPDIF RVBMJUBUJWF NPOUSF VOF USBKFDUPJSF extrĂŞmement complexe des individus qui ont exercĂŠ de nombreux emplois dans leur vie avant d’arriver Ă leur unitĂŠ de production. Des gens passent du secteur privĂŠ formel au secteur informel, d’autres qui s’employaient dans des entreprises publiques travaillent Ă leur propre compte. Certains ont exercĂŠ d’autres activitĂŠs dans l’informel et ont seulement changĂŠ d’activitĂŠ. Les parcours sont extrĂŞmement diffĂŠrenciĂŠs. -B HSBOEF NBKPSJUĂ? EFT DIFGT E FOUSFQSJTFT disent qu’elles n’ont pas d’avenir : cela veut-il dire que ces activitĂŠs sont vouĂŠes Ă disparaĂŽtre ? Le phĂŠnomène informel est-il transitoire ou non ? Les chefs d’entreprises individuelles souhaitent que leurs enfants ne travaillent pas dans ce secteur. Ainsi, si leurs dĂŠsirs sont exaucĂŠs, il n’y aura effectivement plus

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personne pour travailler dans le secteur JOGPSNFM QMVT UBSE 1PVSRVPJ POU JMT EJU RVF leur activitĂŠ n’a pas d’avenir ? Il semble qu’il y ait beaucoup d’incertitudes autour de leur activitĂŠ qui les empĂŞchent d’envisager des investissements supplĂŠmentaires. Ou bien ils ne sont pas sĂťrs d’eux-mĂŞmes quant Ă leurs qualifications et leurs capacitĂŠs pour faire plus d’investissements. Ils ont accès Ă des fonds, ils peuvent avoir recours Ă des proches, mais de manière limitĂŠe. Il leur est difficile de passer d’une micro-entreprise Ă une entreprise de plus grande taille. Ils disent qu’il n’y a pas d’avenir dans leur entreprise et ne veulent pas que leurs enfants continuent leur activitĂŠ, mais veulent garder leur activitĂŠ. Ils n’ont pas la possibilitĂŠ ou l’envie de passer du secteur informel Ă un autre secteur. Ces activitĂŠs sont donc amenĂŠes Ă perdurer. L’importance du contexte familial est avĂŠrĂŠe. Les motivations expliquant la crĂŠation d’unitĂŠs informelles peuvent ĂŞtre liĂŠes Ă la naissance d’un deuxième enfant ou bien au fait que le mari ne gagnait pas suffisamment de revenus. Cela compte aussi bien pour la crĂŠation que pour la dynamique mĂŞme de l’entreprise. 6O BVUSF QPJOU JOUĂ?SFTTBOU RVF M PO OF retrouve pas dans les enquĂŞtes quantitatives concerne les rĂŠseaux sociaux. Ces rĂŠseaux incluent la famille, nuclĂŠaire ou ĂŠlargie : en tant que source de capital et de lieu d’activitĂŠ – la famille a-t-elle une maison ou non ? La maison donne-t-elle sur la rue ? C’est aussi HSÉDF BVY SĂ?TFBVY RVF T FòFDUVF M BDRVJTJUJPO de connaissances sur le mĂŠtier. ÂŤ Pour trouver du travail, il faut soit de l’argent soit des relations Âť ; ÂŤ Il faut faire ami et partenariat dans le commerce Âť. Il y a entraides, ĂŠchanges d’ouvriers entre

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partenaires même s’il n’y a pas association. Le fait de ne pas être inscrit sur les registres du quartier semble influer sur la possibilitÊ d’accÊder à des appuis :  Je n’ai pas contribuÊ aux services administratifs du quartier, comment voulez-vous qu’on m’octroie un crÊdit ? .

JournĂŠe 3, mercredi 21 juillet 2.2.3. Mini-enquĂŞtes qualitatives sur le terrain : cadrage et prĂŠparation [Christian Culas] /PVT BMMPOT EĂ?CVUFS DFUUF KPVSOĂ?F QBS VOF QSĂ?QBSBUJPO BVY FORVĂ?UFT EF UFSSBJO EF KFVEJ matin. Nous allons nous appuyer sur les entretiens que vous avez lus hier et tirer des ĂŠlĂŠments de mĂŠthode mais aussi de limites. Notre exercice est dĂŠlicat car une enquĂŞte anthropologique se prĂŠpare sur le long UFSNF FU OPO QBT FO VOF EFNJ KPVSOĂ?F DPNNF BVKPVSE IVJ 1BS BJMMFVST M FORVĂ?UF anthropologique est une interaction entre un chercheur et une personne enquĂŞtĂŠe. Le chercheur doit ĂŞtre Ă l’Êcoute de la QFSTPOOF RV JM JOUFSSPHF 1PVS WPVT Ă?DMBJSFS sur la mĂŠthode anthropologique, on pourrait dire qu’un anthropologue est un peu comme un sculpteur sur bois : mĂŞme si l’on a un excellent professeur, il faut passer des heures Ă travailler le bois, Ă faire des erreurs, des essais, il faut apprendre Ă toucher et sentir la matière par soi-mĂŞme (aucun livre n’enseigne cela), comme il faut apprendre Ă sentir ce que les gens veulent, peuvent dire, pour les faire s’exprimer sans les mettre mal Ă l’aise. Il n’y a donc pas de mĂŠthodes applicables de manière automatique, mais des bases


qui nous guident et surtout beaucoup de pratiques. J’ai relevĂŠ quelques grands types de problèmes Ă partir des enquĂŞtes sur lesquelles nous avons travaillĂŠ en dĂŠbut de semaine : - les ÂŤ questions de chercheur Âť, ou de bureau, et les ÂŤ questions posĂŠes sur le UFSSBJO x 7PJMĂ‹ EFVY UZQFT EF RVFTUJPOT RVF l’on doit garder Ă l’esprit. Le problème n’est pas anecdotique. Dans les retranscriptions d’entretiens que vous avez entre les mains, K BJ QV FYUSBJSF RVBUSF QBHFT E FYFNQMFT oĂš l’enquĂŞteur pose des ÂŤ questions de chercheur Âť Ă l’enquĂŞtĂŠ ! Il s’agit d’une FSSFVS EF NĂ?UIPEF 6OF RVFTUJPO EF CVSFBV est abstraite souvent très complexe ; par exemple ÂŤ Ă€ quel rĂŠseaux sociaux participezvous ? Âť ; la question de terrain est pratique, simple, facile Ă comprendre, et fait rĂŠfĂŠrence Ă l’expĂŠrience concrète de l’enquĂŞtĂŠ, par exemple ÂŤ OĂš allez-vous vendre vos lĂŠgumes ? Âť ou ÂŤ Combien de fois par semaine allez-vous Ă la ville pour votre travail ? Âť ; - l’enquĂŞte est en principe associĂŠe Ă l’utilisation de questions ouvertes. Cellesci sont cependant souvent en lien avec des questions fermĂŠes. Les enquĂŞtes statistiques, les questionnaires aiment les questions fermĂŠes pour des raisons de facilitĂŠ de gestion (traitement informatique facile). Ce type de question peut ĂŞtre sous forme mathĂŠmatique : ÂŤ Oui Âť, ÂŤ Non Âť, j 1BT EF SĂ?QPOTF PV j QFVU Ă?USF x 4J WPVT demandez Ă la personne : ÂŤ Racontez-moi quand vous ĂŞtes arrivĂŠ Ă Tam Ä?ảo Âť, vous risquez d’avoir de grandes narrations compliquĂŠes pour la gestion des donnĂŠes. 1BS SBQQPSU BVY FORVĂ?UFT TUBUJTUJRVFT les entretiens semi-structurĂŠs apportent beaucoup d’informations liĂŠes au fait qu’il ne s’agit pas de questions fermĂŠes ;

- le manque d’Êcoute. Cela pose deux types de problèmes : la personne enquĂŞtĂŠe peut se sentir un peu frustrĂŠe ; au point de vue de la production de vos donnĂŠes, vous allez ĂŠvidemment omettre des choses importantes. Si quelqu’un veut vous parler E VO TVKFU RVF WPVT MF DPVQF[ FU RVF WPVT passez Ă autre chose, vous allez perdre beaucoup d’informations ; - le manque de suivi logique : on parle de quelque chose puis, tout Ă coup, le chercheur ou l’enquĂŞtĂŠ pense Ă une question et change complètement de TVKFU 4VS M FORVĂ?UF EV j $BOBSE HSJMMĂ? x K BJ notĂŠ quatre ou cinq endroits de rupture ; - les questions et les remarques de type j NPSBMF FU TBODUJPO x 1BS FYFNQMF EBOT M JOUFSWJFX TVS MFT j 1PSUFT FO GFS x MF chercheur dit : ÂŤ Ah ! Vous ne payez pas les impĂ´ts ? Il faut payer ses impĂ´ts ! Âť. La position du chercheur n’est pas de dire cela, il doit ĂŠviter de parler comme s’il reprĂŠsentait la loi ou l’État, ce n’est pas sa fonction. La personne va ĂŞtre stressĂŠe et ne plus rĂŠpondre aux questions. Ă€ Tam Ä?ảo par exemple, vous voyez des animaux qui ont ĂŠtĂŠ attrapĂŠs dans la forĂŞt et qui vont ĂŞtre vendus sur le marchĂŠ. Cela est absolument interdit mais vous n’allez pas le dire au vendeur. 7PUSF USBWBJM DPOTJTUF BVTTJ Ă‹ DSĂ?FS VOF sympathie avec la personne enquĂŞtĂŠe. Tous ces ĂŠlĂŠments crĂŠent une distance et une suspicion. Il faut essayer de trouver des UIĂ’NFT EFT TVKFUT TVS MFTRVFMT WPVT BVSF[ EFT points communs. 1SFOPOT VO FYFNQMF EF NJTF FO DPOĂśBODF d’un informateur spĂŠcifique. Le village de ĂĽĚ•OH ,ĚĽ FTU TJUVĂ? EBOT MB QSPWJODF EF #ĚƒD /JOI Il s’agit d’un village très riche car on y fait des meubles d’art, des meubles sculptĂŠs avec de

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MB OBDSF &O UBOU RV BOUISPQPMPHVF KF WPVMBJT ĂŠtudier les gens les plus pauvres du village. Il existe beaucoup de rapports sur ce village oĂš l’on ne parle que des ouvriers, des patrons d’entreprises mais comme ce village est la vitrine de la rĂŠussite des artisans, on ne parle pas des plus pauvres. Au bout de plusieurs KPVST OPVT OPVT TPNNFT BQFSĂŽVT RVF MFT individus les plus pauvres se chargeaient du transport de bois avec une petite charrette tirĂŠe par un cheval. Les fabricants de meubles et nos collègues chercheurs vietnamiens nous avaient dit : ÂŤ Attention, dans ce village, les entretiens sont difficiles. Ces gens vivent dans un monde fermĂŠ. Ils ne veulent pas parler. En particulier, les transporteurs Ă cheval sont très difficiles Ă interviewer Âť. Nous avons donc imaginĂŠ une stratĂŠgie pour entrer en contact avec ces personnes. Leurs chevaux ĂŠtaient attachĂŠs Ă l’extĂŠrieur près d’un stock de bois. +F NF TVJT BQQSPDIĂ? FU KF NF TVJT JOUĂ?SFTTĂ? BV DIFWBM RVJ FTU M PCKFU EF UPVT MFT TPJOT EF TPO conducteur. Ensuite, le propriĂŠtaire est venu et nous avons commencĂŠ Ă parler de son DIFWBM PĂĄ JM M BWBJU BDIFUĂ? RVFM ÉHF JM BWBJU FTU DF RV JM FO BWBJU E BVUSFT FUD 1VJT KF MVJ ai demandĂŠ par quelle technique on mettait des fers aux sabots des chevaux ? (en fait, il existe deux techniques), quel ĂŠtait le type de fer usitĂŠ, et qui savait faire cela dans le village ? Il a ĂŠtĂŠ surpris de ces questions aussi prĂŠcises et aussi connectĂŠes avec sa vie quotidienne. Il avait l’impression que le chercheur ĂŠtranger et lui-mĂŞme partageaient une partie de son RVPUJEJFO D FTU WSBJ FU D Ă?UBJU NPO PCKFDUJG de le lui faire sentir. Je lui ai alors expliquĂŠ que mon grand-père et mon père ĂŠtaient marĂŠchal-ferrants, et que moi-mĂŞme, plus KFVOF KF N Ă?UBJT FYFSDĂ? Ă‹ MB QSPGFTTJPO NBJT avec peu d’expĂŠrience. Nous avons ainsi ĂŠtĂŠ invitĂŠs dans sa famille, nous avons rencontrĂŠ tous les conducteurs de charrette Ă cheval et

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pu procĂŠder Ă des enquĂŞtes de qualitĂŠ. Il est ainsi relativement facile d’entrer en contact avec ces transporteurs Ă cheval si on sait entrer dans leur monde, les ĂŠcouter et faire attention Ă ce qui est au centre de leurs activitĂŠs. Mais K BJ QBTTĂ? QSĂ’T E VOF IFVSF Ă‹ DSĂ?FS MF DPOUBDU chose qui n’est pas possible quand on doit ÂŤ passer Âť des questionnaires. 1BSNJ DFVY RVJ POU EĂ?KĂ‹ GBJU EFT FORVĂ?UFT BOUISPQPMPHJRVFT BWF[ WPVT EĂ?KĂ‹ VUJMJTĂ? DF genre de stratĂŠgies pour entrer en contact ? Souphanthong Douanglattana +F OF TVJT QBT BOUISPQPMPHVF .PO TVKFU EF master ĂŠtait ÂŤ La reprĂŠsentation des minoritĂŠs ethniques dans les mĂŠdias Âť. Lorsque l’on m’a EFNBOEĂ? NPO TVKFU E Ă?UVEF K BJ SĂ?QPOEV RVF KF USBWBJMMBJT BVY BSDIJWFT TVS EFT EPDVNFOUT FO Ă?DPOPNJF EV EĂ?WFMPQQFNFOU DBS DF TVKFU est sensible. [Christian Culas] 7PVT Ă?UFT PCMJHĂ?F EF NFUUSF FO QMBDF VOF stratĂŠgie pour cacher un peu la vĂŠritĂŠ quant Ă vos recherches et essayer d’avoir des JOGPSNBUJPOT 7PVT TBWF[ RVF M JOGPSNBUJPO FYJTUF 4J WPVT BSSJWF[ FO UBOU RVF KPVSOBMJTUF vous ĂŞtes presque certain de ne pas avoir M JOGPSNBUJPO 2VBOE PO USBWBJMMF TVS VO TVKFU NĂ?NF VO TVKFU CBOBM DPNNF MFT SĂ?TFBVY sociaux, il peut ĂŞtre intĂŠressant de se prĂŠsenter BVY QBZTBOT TBOT EPOOFS M JOUJUVMĂ? EF M PCKFU d’Êtude. Si l’on dit travailler sur les rĂŠseaux sociaux, les gens ne vont parler que de cela. *M GBVU USPVWFS VO TVKFU QMVT MBSHF QBS FYFNQMF ÂŤ Le dĂŠveloppement en zone rurale Âť. Il ne s’agit pas de tromper les informateurs, mais c’est une manière d’Êviter que leur esprit ne soit formatĂŠ par des thèmes trop ĂŠtroits qui nous cachent les autres facettes de la rĂŠalitĂŠ.


[François Roubaud] On comprend que l’on essaie d’Êtablir une relation de confiance entre l’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ. Est-ce que donner de l’argent ou des cadeaux peut ĂŞtre une stratĂŠgie ? [Christian Culas] -B TJUVBUJPO FTU DPVSBOUF BV 7JĚ?U /BN 4J M PO travaille pour l’un des instituts qui dĂŠpendent de l’AcadĂŠmie des sciences sociales, on doit payer les enquĂŞtĂŠs. Cette mĂŠthode a ĂŠtĂŠ beaucoup discutĂŠe. Je pense que cela crĂŠe QMVT EF QSPCMĂ’NFT RVF E BWBOUBHFT 6OF UFMMF situation n’est pas saine pour une enquĂŞte. &O NJMJFV SVSBM BV 7JĚ?U /BN TPVWFOU MFT HFOT n’acceptent pas d’argent des chercheurs, ou s’ils l’acceptent, ils vous donnent des fruits en ĂŠchange pour que votre ÂŤ don Âť soit ĂŠquilibrĂŠ. Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n 6O EFT PCKFDUJGT FTU EF DSĂ?FS VOF SFMBUJPO EF confiance entre l’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ. De la part de certains enquĂŞteurs, il peut y avoir des abus : ÂŤ Je viens lĂ pour vous aider, vous pourrez en tirer des bĂŠnĂŠfices Âť. Des individus peuvent BJOTJ QSPĂśUFS EF MB DPOĂśBODF BDDPSEĂ?F 1BS ailleurs, dans certains cas, les enquĂŞtĂŠs sont trop occupĂŠs pour rĂŠpondre aux questions, ils nous disent : ÂŤ Vous mettez ce que vous voulez, vous improvisez. Je certifierai sur l’honneur Âť. [Christian Culas] 7PVT NPOUSF[ EFT DBT MJNJUFT E Ă?UIJRVF EF l’enquĂŞte. Faire croire aux gens qu’on va les aider est très dangereux. Quand une personne ne dit pas vraiment sur quoi elle travaille, dit RV FMMF USBWBJMMF QMVUĂ™U TVS M Ă?DPOPNJF QPVS MFT archives, ce n’est pas très grave. Dans les pays DPNNF MB 'SBODF PV MF 7JĚ?U /BN M FOTFNCMF des conditions ĂŠthiques de recherche n’est pas

encore formalisĂŠ. En Australie par exemple, RVBOE WPVT EĂ?QPTF[ VO TVKFU EF SFDIFSDIF EF master ou de doctorat, vous passez devant un comitĂŠ scientifique qui analyse la pertinence EF WPUSF TVKFU FU VO DPNJUĂ? E Ă?UIJRVF RVJ Ă?WBMVF MF TVKFU FU MB NĂ?UIPEF [Mireille Razafindrakoto] On peut voir si les approches quantitatives et qualitatives se complètent ou non, en terme mĂŠthodologique et de rĂŠsultats. Les propos de Christian s’appliquent aussi, dans une certaine mesure, aux enquĂŞtes statistiques. J’ai assistĂŠ Ă certaines enquĂŞtes sur le terrain, oĂš l’on voit que la relation entre l’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ est extrĂŞmement froide. L’enquĂŞtĂŠ TF GBUJHVF FU SĂ?QPOE KVTUF QPVS FO ĂśOJS BWFD le questionnaire. On peut raisonnablement douter de la fiabilitĂŠ des rĂŠponses ! Le temps manque lors d’une enquĂŞte statistique car le nombre de personnes enquĂŞtĂŠes est important. Il faut rĂŠussir Ă ĂŠtablir un lien, trouver quelque chose en quelques minutes pour qu’une relation de confiance s’instaure. Nous avons enquĂŞtĂŠ plusieurs annĂŠes dans une mĂŞme localitĂŠ Ă Madagascar. Nous avons tenu Ă ce que les rĂŠsultats soient prĂŠsentĂŠs par la suite Ă la communautĂŠ. Cela permet une utilisation des informations et d’en discuter avec les autoritĂŠs. Il est important de faire une prĂŠsentation publiques des rĂŠsultats afin qu’après il y ait des relais au niveau de la presse par exemple. [Christian Culas] .JSFJMMF B Ă?MBSHJ MF TVKFU FU B BCPSEĂ? VO TVKFU RVJ est bien traitĂŠ en anthropologie : les enquĂŞtes auprès de populations consistent en rĂŠalitĂŠ Ă ÂŤ prendre Âť des choses. Mais que donnent les chercheurs en ĂŠchange ? Dire ÂŤ Cela va vous aider Ă vous dĂŠvelopper Âť est dĂŠlicat car ils ne

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peuvent rien imposer Ă l’autoritĂŠ en place. En revanche, il nous est possible de livrer nos rĂŠsultats, des ouvrages. Trần Tháť‹ Háť“ng Thuᝡ Nous avons rĂŠalisĂŠ en 2005 une enquĂŞte TVS M FOWJSPOOFNFOU EFT BòBJSFT BV 7JĚ?U Nam. Des enquĂŞtes ont ĂŠtĂŠ menĂŠes auprès d’entreprises sur leur perception de la corruption et les difficultĂŠs rencontrĂŠes avec les autoritĂŠs publiques. Les enquĂŞtes montrent un fort mĂŠcontentement des entreprises dans leurs relations avec les autoritĂŠs publiques et un niveau de corruption ĂŠlevĂŠ. Nous avons publiĂŠ nos rĂŠsultats et remis l’ouvrage aux entreprises qui y avaient participĂŠ ; en contrepartie, comme remerciement du travail effectuĂŠ en quelque sorte, nous avons reçu de l’argent. [Christian Culas] 6OF FOWFMPQQF BV 7JĚ?U /BN B BV NPJOT EFVY sens : cela peut-ĂŞtre synonyme de corruption, mais cela peut aussi un moyen de crĂŠer un lien sous forme de cadeau. Quand vous posez des questions, qualitatives, quantitatives ou semi-structurĂŠes, essayez de vous mettre Ă la place de l’enquĂŞtĂŠ : ÂŤ Je suis chez moi, dans mon petit commerce, des gens arrivent que je ne connais pas, que je ne reverrais probablement jamais et ils passent quatre heures Ă me poser des questions sur ma vie, ma famille, mes activitĂŠs Âť 7PJMĂ‹ VOF TJUVBUJPO QPVS MF NPJOT FNCBSSBTTBOUF 1BS BJMMFVST PO FOUFOE TPVWFOU DIF[ EF KFVOFT DIFSDIFVST inexpĂŠrimentĂŠs, anthropologues, sociologues et peut-ĂŞtre mĂŞme statisticiens des questions complexes telles que : ÂŤ Pouvez-vous m’expliquer les impacts de la crise ĂŠconomique sur vos revenus depuis dix ans ? Âť. Ă€ l’Êvidence, livrer des ĂŠlĂŠments de rĂŠponse Ă ce type

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de question n’est pas chose aisĂŠe, c’est un exemple typique de ÂŤ questions de bureau Âť : une question que le chercheur se pose au bureau, mais avec les enquĂŞtĂŠs les questions devront ĂŞtre diffĂŠrentes pour obtenir des rĂŠponses pertinentes. Il faut bien rĂŠflĂŠchir au sens des questions posĂŠes Ă l’enquĂŞtĂŠ. Revenons sur les problèmes mĂŠthodoloHJRVFT %BOT M FORVĂ?UF TVS MFT j 1PSUFT FO fer Âť, qui est une enquĂŞte de bonne facture, K BJ UPVU EF NĂ?NF OPUĂ? RVFMRVFT QSPCMĂ’NFT On demande au fabricant de ÂŤ comparer les avantages et les difficultĂŠs dans vos affaires depuis 2008 Âť en intĂŠgrant les effets de la crise. C’est une question Ă laquelle les gens ne peuvent ĂŠvidemment pas rĂŠpondre. 7PJMĂ‹ FYBDUFNFOU MF UZQF EF RVFTUJPOT RV VO chercheur se pose dans son bureau mais que M PO OF QFVU QPTFS MPST E VOF FORVĂ?UF 6OF des clĂŠs pour passer de questions abstraites, construites, Ă des questions qui font sens sur le terrain est de les dĂŠcomposer en petits ĂŠlĂŠments faciles Ă comprendre. Le principe consiste Ă poser des questions qui soient les plus pratiques et concrètes possibles. C’est Ă vous de dĂŠcomposer les questions de bureau pour en faire des questions de terrain. Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n Ce que vous expliquez ici est très intĂŠressant. Cela souligne toute l’importance de la formation des enquĂŞteurs avant l’enquĂŞte de terrain. Au sein de l’office gĂŠnĂŠral des Statistiques, des stages de formation des enquĂŞteurs sont organisĂŠs pour prĂŠsenter le questionnaire et la mĂŠthodologie. Nous en profitons pour tester le questionnaire, car au 7JĚ?U /BN TVJWBOU MFT SĂ?HJPOT MF WPDBCVMBJSF utilisĂŠ est diffĂŠrent.


[Christian Culas] Si vous avez trois idĂŠes, vous devez poser trois questions ; tout le travail consiste ensuite Ă recomposer les rĂŠponses Ă ces questions. 1BTTPOT Ă‹ VO BVUSF UZQF EF QSPCMĂ’NF MF passage de questions a priori ouvertes Ă des questions fermĂŠes. Dans l’enquĂŞte dite du ÂŤ Canard grillĂŠ Âť, le chercheur demande : ÂŤ Avez-vous ĂŠtĂŠ confrontĂŠ Ă des difficultĂŠs pour installer votre business ? Âť, FU BKPVUF ÂŤ Par exemple, trouver des clients, etc. Âť. L’enquĂŞtĂŠ va alors s’engouffrer dans les propositions faites par le chercheur, ce qui est un comportement typique des rĂŠponses fermĂŠes. Autre exemple. Le chercheur cherche Ă savoir le rythme de livraison du canard et du matĂŠriel pour le restaurant. Au lieu de demander : ÂŤ Quand ĂŞtes-vous livrĂŠ ? Âť, il dit : j 0O WPVT MJWSF UPVT MFT KPVST x -B QFSTPOOF enquĂŞtĂŠe essayera de rĂŠpondre positivement car cela est plus facile ; dans le cas inverse, elle EFWSB KVTUJĂśFS TB SĂ?QPOTF : B U JM EFT RVFTUJPOT TVS NFT SFNBSRVFT FU FYFNQMFT &TU DF DMBJS 7PVT BWF[ SFNBSRVĂ? que ma question ĂŠtait fermĂŠe... [François Roubaud] 1FVY UV MB SFQPTFS TPVT GPSNF EF RVFTUJPO EF terrain ouverte ? [Christian Culas] Ce serait : ÂŤ J’ai essayĂŠ de vous expliquer deux types de problèmes. Je n’ai pas pu dĂŠvelopper le sujet. Si vous avez des demandes d’explications, n’hĂŠsitez surtout pas. Il est très important que vous compreniez bien ce que j’ai dit Âť 7PVT remarquez l’introduction de la question par

un rappel du contexte et une approche plus souple pour mettre les gens en confiance ? Christina Bellinin Lievens Dans l’enquĂŞte sur les ÂŤ Soupes de crabe Âť, deux enquĂŞteurs posaient les questions. Ă€ plusieurs moments, ils parlaient presque en mĂŞme temps. Comment doit-on travailler en ĂŠquipe face Ă une personne seule ? [Christian Culas] L’idĂŠal est de crĂŠer une relation interpersonnelle : un chercheur, un enquĂŞtĂŠ. Sinon, l’un des enquĂŞteurs peut ĂŞtre en charge de la prise de notes. De plus, un bon enquĂŞteur note en regardant la personne dans les yeux pour garder le contact. Si vous ne pouvez pas faire cela, vous posez les questions et votre collègue note. Christina Bellinin Lievens /PVT BMMPOT USBWBJMMFS BWFD VO USBEVDUFVS : B U il des conseils spĂŠcifiques dans ce cas ? [Christian Culas] Le principe est d’essayer de s’exprimer par phrases courtes, sans mots compliquĂŠs. 1FOTFS BV USBWBJM EF M JOUFSQSĂ’UF RVJ EPJU comprendre ce que vous dites, le traduire et en mĂŞme temps ĂŞtre attentif au comportement de la personne enquĂŞtĂŠe. C’est un travail complexe et dĂŠlicat. Mohamad Zain Musa &O USBWFSTBOU MB TUBUJPO EF 5BN ĂĽË˝P K BJ WV diffĂŠrentes ethnies. Nous pourrions travailler sur la diversitĂŠ ethnique ou bien procĂŠder Ă des enquĂŞtes sur l’organisation de l’universitĂŠ d’ÊtĂŠ ?

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[Christian Culas] -FT HSPVQFT FUIOJRVFT 4BO %Ă–V FU ,JOI sont en effet prĂŠsents Ă Tam Ä?ảo mais il est impossible de les distinguer physiquement. -F QPVSDFOUBHF EF 4BO %Ă–V FTU GBJCMF *MT sont tous habillĂŠs de la mĂŞme façon. Quant Ă‹ M Ă?UVEF EF M 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? QPVSRVPJ QBT 7PVT EFWF[ DFQFOEBOU TBWPJS RVF MFT HFOT MFT

EncadrĂŠ

14

plus difficiles Ă ĂŠtudier sont : les chercheurs FU MFT QPMJUJDJFOT 6O DIFSDIFVS WB WPVT EJSF pourquoi, comment, etc. ; et vous serez certainement perdu dans sa rĂŠponse ; un politicien cherchera Ă ne rien dire, mais avec des belles phrases qui vont vous sĂŠduire ! Comment peut-on aborder la question de la USBOTJUJPO BV 7JĚ?U /BN Ă‹ QBSUJS EF M JOGPSNFM

ProblÊmatique et hypothèses

ProblĂŠmatique gĂŠnĂŠrale : comment la transition du Viᝇt Nam se traduit Ă travers le cas des vendeurs de rue de Tam Dao ? Hypothèses de recherche t )ZQPUIĂ’TF -FT WFOEFVST EF SVF EF 5BN ĂĽĚ P TPOU EFT QFSTPOOFT RVJ POU NJHSĂ? SĂ?DFNNFOU (moins d’une gĂŠnĂŠration) t )ZQPUIĂ’TF -FT WFOEFVST EF SVF EF 5BN ĂĽĚ P TPOU EFT QFSTPOOFT RVJ TPOU JOTUBMMĂ?FT Ă‹ 5BN ĂĽĚ P depuis plusieurs gĂŠnĂŠrations t )ZQPUIĂ’TF -FT WFOEFVST EF SVF EF 5BN ĂĽĚ P TPOU WFOVT JDJ QBS VO SĂ?TFBV E BJEF 2VJ DPNQPTF ce rĂŠseau? t )ZQPUIĂ’TF Ă‹ DPOTUSVJSF FO GPODUJPO EFT EPOOĂ?FT QSPEVJUF MPST EF M FORVĂ?UF EF UFSSBJO

Source : Construction de l’auteur

-B DBUĂ?HPSJF j 7FOEFVS EF SVF x FTU VOF DBUĂ? gorie très gĂŠnĂŠrale. Cela peut aussi bien ĂŞtre des vendeurs de bibelots, de taxi-motos, des coiffeurs, fruits et lĂŠgumes, etc. On retrouve JDJ OPT RVBUSF BYFT EF SFDIFSDIFT USBKFDUPJ res des individus, motivations et contraintes, rĂŠseaux sociaux et caractĂŠristiques des autres membres de la famille). En fonction des rĂŠsultats, d’autres hypothèses seront ĂŠmises.

devons faire preuve de souplesse pour essayer de tisser des relations. C’est une des spĂŠcificitĂŠs de l’enquĂŞte anthropologique : on a des hypothèses, on se rend sur le terrain Ă plusieurs reprises. Nos hypothèses vont alors se transformer car les donnĂŠes produites apportent des ĂŠlĂŠments nouveaux, nos donnĂŠes et nos hypothèses sont en construction.

Le risque est que les hypothèses que l’on a exprimĂŠes soient trop rĂŠductrices par rapport Ă la rĂŠalitĂŠ que l’on veut ĂŠtudier. On applique l’adĂŠquation empirique. Entre nos hypothèses et le terrain, nous

[François Roubaud]

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L’itÊration est une Êtape consubstantielle, obligatoire de l’approche socio-anthropologique. Dans l’approche quantitative par


voie d’enquĂŞtes, elle peut aussi ĂŞtre mise en Ĺ“uvre. Nous avons ainsi rĂŠalisĂŠ une enquĂŞte TVS MF TFDUFVS JOGPSNFM FO EPOU WPVT avez vu les rĂŠsultats que l’on vous a prĂŠsentĂŠs hier matin. Nous avons ressenti un certain nombre d’insatisfactions en lien avec les SĂ?QPOTFT EPOOĂ?FT 7PJDJ EFVY FYFNQMFT 1) les parents, ceux qui tiennent les unitĂŠs informelles, ne veulent pas que leurs enfants reprennent ces activitĂŠs. Dans la première enquĂŞte, nous nous ĂŠtions alors arrĂŞtĂŠs Ă ce constat. Dans la nouvelle enquĂŞte de OPVT BWPOT BKPVUĂ? MB RVFTUJPO ÂŤ Vous ne voulez pas qu’ils travaillent dans la mĂŞme unitĂŠ de production informelle, dans ce cas, oĂš est-ce que vous voulez qu’ils travaillent ? Âť On vous a prĂŠsentĂŠ les rĂŠsultats : ils veulent tous que leurs enfants travaillent dans le secteur public ; 2) vous vous souvenez que les sources de financement pour monter une entreprise ĂŠtaient essentiellement l’Êpargne, l’hĂŠritage et la famille Ă un niveau moindre. 1VJT OPVT BWPOT BQQSJT RV BV 7JĚ?U /BN existait une forme de financement informelle, ÂŤ tontines Âť – chacun cotise le NĂ?NF NPOUBOU QVJT Ă‹ UPVS EF SĂ™MF SFĂŽPJU l’ensemble du financement. Dans l’enquĂŞte EF DFUUF NPEBMJUĂ? B Ă?UĂ? BKPVUĂ?F QPVS BOBMZTFS TPO SĂ™MF Ă?WFOUVFM [Christian Culas] Mon collègue dĂŠcrit un cas d’itĂŠration après traitement total des donnĂŠes. On a une enquĂŞte finie. On se rend compte que certaines donnĂŠes n’ont pas ĂŠtĂŠ recueillies. Il existe aussi des formes d’itĂŠrations intermĂŠdiaires. 7PVT BMMF[ BVQSĂ’T EFT NBSDIBOET EF SVF et vous vous rendez compte qu’ils parlent d’autres thèmes que vous n’avez pas prĂŠvus. Nous sommes ici en temps rĂŠel, on ne peut

revenir au bureau. L’itĂŠration anthropologique se fait aussi en temps rĂŠel dans l’interaction. Les ĂŠconomistes statisticiens ont un postulat global, ils ont un thème de recherche faisant MF UPVS EV TVKFU RV JMT DIFSDIFOU Ă‹ Ă?UVEJFS -FT anthropologues eux pensent qu’ils ne font pas le tour ; ils ont certains axes correspondant aux activitĂŠs des personnes mais ils croient que l’on ne peut pas tout dĂŠfinir au bureau. [François Roubaud] Christian a raison quand il dit que l’interaction, la flexibilitĂŠ de la mĂŠthode socio-anthropologique est plus ĂŠlevĂŠe que les mĂŠthodes quantitatives. NĂŠanmoins, on FTTBJF E BKPVUFS EFT Ă?MĂ?NFOUT EF øFYJCJMJUĂ? EBOT OPT FORVĂ?UFT 1BS OBUVSF MB EĂ?NBSDIF est plus rigide car lors d’une enquĂŞte, on ne peut changer les hypothèses. Nous n’arrivons pas Ă une interaction en temps rĂŠel, comme dans le cadre des enquĂŞtes socioanthropologiques, mais conscients de l’intĂŠrĂŞt de cette interaction, de cette extension du champ, nous essayons de nous en approcher avec nos instruments. [Christian Culas] 7PVT BTTJTUF[ FO UFNQT SĂ?FM Ă‹ VOF NJTF FO relation des mĂŠthodes anthropologiques et statistiques, Ă un dialogue entre deux types de mĂŠthodes. Nous avons construit des hypothèses qui ne sont pas dĂŠfinitives avec des mini-enquĂŞtes de terrain. 1BTTPOT Ă‹ MB QBSUJF UFDIOJRVF EF WPT FORVĂ?UFT Nous allons voir pourquoi certaines questions transforment, dĂŠforment les rĂŠponses.

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[ ]


Figure

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Réponses insatisfaisantes : trois raisons

Source : Construction de l’auteur.

Les gens auprès desquels vous enquêtez ne sont pas stupides, mais ils sont parfois

Encadré

15

confrontés à des questions qui ne font pas sens pour eux.

Questions de « bureau » / Questions de « terrain »

Questions de « bureau » A - Comment s’organise un mariage dans votre village ? B - Quels sont les réseaux sociaux auxquels appartient Mr Nam ? Questions de « terrain » A - Pouvez-vous me raconter comment a été organisé le dernier mariage au village ? B - Combien y a-t-il de personnes dans votre famille ? B - Où habitent les membres de votre famille ? B - Quels sont les métiers exercés dans votre famille ? B - Avez-vous conserver des liens avec vos anciens amis étudiants ? B - Quand vos voisins vous aident-ils pour les travaux de champs ? Source : Construction de l’auteur.

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La question A est une question de type très gĂŠnĂŠral qui amène une rĂŠponse de type consensuel. Les gens vont parler du ÂŤ mariage idĂŠal Âť dans leur village. Ils vont nous rĂŠpondre ce que l’on devrait faire. Si vous ĂŞtes conscients que vous cherchez Ă savoir quel est l’idĂŠal du mariage dans le village, c’est la bonne question. Le problème est que souvent vous cherchez Ă avoir la description d’un mariage rĂŠel, pratique. Le deuxième type de questions concerne MFT SĂ?TFBVY TPDJBVY 1SFOPOT VO DBT DPODSFU %BOT MB QSPWJODF EF /BN ĂĽĚ‘OI EFT DPMMĂ’HVFT ont posĂŠ une question directe sur le terrain : ÂŤ Quels sont vos rĂŠseaux sociaux ? Âť. La personne interrogĂŠe a alors fait une liste de noms. Nous vivions alors dans une famille et l’on voyait UPVT MFT KPVST VOF QFSTPOOF BSSJWFS BWFD EFT grands sacs qu’elle dĂŠposait dans la maison. Elle discutait quelques heures, quelquefois ĂŠchangeait de l’argent, puis elle repartait. Nous avons cherchĂŠ Ă savoir qui ĂŠtait cette personne, quelles ĂŠtaient ses fonctions.

EncadrĂŠ

16

L’enquĂŞtĂŠ nous a expliquĂŠ : ÂŤ C’est mon cousin. Il travaille dans la province de ThĂĄi NguyĂŞn, et il ramène du très bon thĂŠ des champs de ThĂĄi NguyĂŞn. Je vends pour tout le district de ThĂĄi NguyĂŞn Âť. Quand on a demandĂŠ Ă cette personne pourquoi elle n’avait pas parlĂŠ de son cousin en termes de rĂŠseau social, elle a dit : ÂŤ Il s’agit de mon cousin, ce n’est pas un rĂŠseau social ! Âť. Revenons Ă nos quatre axes de recherches FU BVY j USBKFDUPJSFT QSPGFTTJPOOFMMF FU NJHSB toire Âť. Nous allons dĂŠfinir ensemble les questions importantes que l’on doit garder Ă l’esprit pour obtenir un panorama de connaissances suffisant. /PUSF PCKFDUJG HMPCBM FTU EF DPNQBSFS EFT rĂŠsultats et des mĂŠthodes de donnĂŠes statistiques quantitatives pures, des donnĂŠes qualitatives mais aussi des entretiens semistructurĂŠs et des entretiens plus ouverts et moins directifs. Il est important que les gens SBDPOUFOU MFVS USBKFDUPJSF MFVST NPUJWBUJPOT FU contraintes.

Canevas de question sur axe Trajectoires professionnelles et migratoires

t 4J MFT FORVĂ?UĂ?T TPOU WFOVFT SĂ?DFNNFOU Ă‹ 5BN ĂĽĚ P NJHSBUJPO EBOT RVFMMF DPOEJUJPOT t $PNNFOU BSSJWF U PO Ă‹ USBWBJMMFS Ă‹ 5BN ĂĽĚ P t $PNNFOU BWF[ WPVT QSĂ?QBSĂ? WPUSF BSSJWĂ?F Ă‹ 5BN ĂĽĚ P t 6OF QFSTPOOF EF WPUSF GBNJMMF Ă?UBJU EĂ?KĂ‹ Ă‹ 5BN ĂĽĚ P BWBOU WPUSF BSSJWĂ?F t 2VFMMFT EJĂłDVMUĂ?T BWF[ WPVT SFODPOUSĂ?FT MPST EF WPUSF JOTUBMMBUJPO Ă‹ 5BN ĂĽĚ P t 2VFMMFT EJĂłDVMUĂ?T GBDJMJUĂ?T BWF[ WPVT SFODPOUSĂ?FT QPVS DSĂ?FS TPO QSPQSF USBWBJM Ă‹ 5BN ĂĽĚ P

Source : Construction de l’auteur.

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Ces questions mĂŠritent d’être recoupĂŠes pour DIBRVF QFSTPOOF 7PVT BWF[ JDJ Ă‹ MB GPJT EFT questions de terrain et de bureau. On cherche des rĂŠponses Ă propos de la motivation, des contraintes, de la satisfaction. ÂŤ Quelles difficultĂŠs avez-vous rencontrĂŠes en arrivant Ă Tam Ä?ảo ? Âť est une question de terrain car les individus peuvent y rĂŠpondre directement. 6OF IZQPUIĂ’TF O FTU QBT JOEJRVĂ?F TVS DFUUF diapo : ÂŤ Les gens qui s’installent dans la rue Ă Tam Ä?ảo sont des gens privilĂŠgiĂŠs Âť, c’estĂ -dire qu’ils ont un accès spĂŠcifique pour le commerce. L’hypothèse est ici que tout le monde n’a pas accès Ă un terrain pour faire du commerce Ă Tam Ä?ảo. Nous espĂŠrons obtenir une liste de difficultĂŠs : est-ce un problème d’administration, de gens installĂŠs depuis longtemps, un groupe de gens qui s’entraident ? C’est Ă vous de nous ramener ces informations. Cette question croise Ă la fois les entrĂŠes ÂŤ motivations Âť, ÂŤ contraintes Âť et ÂŤ rĂŠseaux sociaux Âť car on suppose que quelqu’un qui a beaucoup de contacts est Ă mĂŞme de rĂŠgler plus facilement ces contraintes. 1PVS DIBRVF Ă?RVJQF WPVT BMMF[ DPNNFODFS Ă travailler sur les questions importantes que vous allez lister. Il faut que durant l’entretien, ces questions aient des rĂŠponses. Comme il T BHJU E VO BUFMJFS TVS MFT NĂ?UIPEFT TJ KF WPVT donne toutes les questions qu’il faut poser, vous aller les utiliser et vous serez seulement EFT j BQQMJDBUFVST EF NĂ?UIPEFT x $F RVF KF voudrais est que vous manipuliez vous mĂŞmes les diffĂŠrents axes pour en faire des questions. Si vous ne rĂŠussissez pas, vos erreurs seront utilisĂŠes afin d’examiner pourquoi la mĂŠthode n’a pas fonctionnĂŠ. Tout cela sera utilisĂŠ pour le collectif.

[240] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

Cristina Bellinin Lievens Ce sont des entretiens qui durent environ deux heures. Combien de personnes allonsnous enquĂŞter ? [Christian Culas] 6OF TFVMF QFSTPOOF TJ WPVT QBTTF[ MB NBUJOĂ?F avec un vendeur qui vous raconte tout en dĂŠtails pendant quatre heures, peut-ĂŞtre deux si au bout d’une heure vous vous rendez compte que vous avez assez de donnĂŠes. Suivez le rythme des personnes que vous allez rencontrer. Tấ Tháť‹ Tâm : B U JM EFT RVFTUJPOT TFOTJCMFT Ă‹ Ă?WJUFS QPVS les gens Ă Tam Ä?ảo ? Les gens travaillent deux mois dans l’annĂŠe, comment va-t-on calculer les revenus des mĂŠnages ? [Christian Culas] $PODFSOBOU MFT QFUJUT WFOEFVST MF TVKFU des taxes est peut ĂŞtre Ă ĂŠviter ; certains ne TPOU TBOT EPVUF QBT FOSFHJTUSĂ?T 7PVT O BMMF[ pas aborder des problèmes de religion, de politique. Nous nous intĂŠressons aux USBKFDUPJSFT EF WJF KF OF QFOTF QBT RV JM Z BJU EF TVKFUT TFOTJCMFT Sur les revenus, il faut comprendre pourquoi des mĂŠnages travaillent seulement deux mois. Que font-ils par ailleurs ? [François Roubaud] Je rappelle que demain matin les entretiens se SĂ?BMJTFSPOU QBS CJOĂ™NF %BOT MFT EJY HSPVQFT qui sont ici, il y a aura au moins dix entretiens, QFVU Ă?USF QMVT - PCKFDUJG FTU EF QSPDĂ?EFS Ă‹ l’analyse des entretiens dans l’après-midi. $PNNFODFS BVKPVSE IVJ FU DPOUJOVFS EFNBJO correspondra Ă l’idĂŠe que l’on se fait de


l’itÊration : on commence l’entretien, on en discute puis on revient avec quelques idÊes nouvelles.

rapporteurs. Nous discuterons tous ensemble des diffÊrentes conclusions, des rÊactions par rapport à l’ensemble de l’atelier. PrÊparation en groupes / discussions

JournĂŠe 4, jeudi 22 juillet [Christian Culas]

2.2.4. EnquĂŞtes et travail de groupe Le jeudi matin est consacrĂŠ Ă la mise en application d’un travail prĂŠparĂŠ durant les trois prĂŠcĂŠdents jours – certaines parties, trop longues Ă rĂŠaliser, ont ĂŠtĂŠ prĂŠparĂŠes par Christian Culas – en interaction avec les stagiaires. L’objectif est de rĂŠaliser une enquĂŞte de type socio-anthropologique. Les stagiaires se sont rĂŠpartis dans dix groupes. Certains ont entamĂŠ mercredi après-midi les entretiens auprès de personnes qu’ils ont identifiĂŠes en dĂŠbut de semaine. Il s’agit d’enquĂŞter des personnes travaillant dans le secteur informel afin de recueillir des informations sur les trajectoires de vie, le degrĂŠ de satisfaction et les rĂŠseaux sociaux.

[Jean-Pierre Cling] Nous allons vous demander de vous regrouper dans les cinq groupes que l’on avait constituĂŠs prĂŠcĂŠdemment. Au sein de ces cinq groupes, vous devrez discuter de vos entretiens. Nous, les formateurs, avons ĂŠgalement fait un entretien et nous allons en parler. Nous pourrons discuter ensemble si vous avez des questions. Nous allons consacrer l’après-midi Ă l’analyse des entretiens, des problèmes que vous avez rencontrĂŠs, des surprises que vous avez eues, des hypothèses qui ont ĂŠtĂŠ confirmĂŠes. Tout est intĂŠressant. Demain, nous passerons Ă la restitution avec les

Je vous propose de reprendre oralement les points qui vous semblent les plus importants. Si vous avez des phrases courtes qui rĂŠsument CJFO MB TJUVBUJPO SFTUJUVF[ MFT 1BS FYFNQMF ÂŤ Je ne veux pas que mon fils fasse le mĂŞme travail que moi Âť. Cela permettra de rentrer dans les parcours de vie de ceux que vous ĂŠtudiez. Merci de nous signaler vos difficultĂŠs pour la rĂŠcolte des donnĂŠes et les aspects mĂŠthodologiques. Chaque groupe prĂŠsente une synthèse d’environ dix minutes axĂŠe sur la trajectoire de vie, les motivations/contraintes, la satisfaction et les rĂŠseaux sociaux. Nous proposons ci-dessous la restitution de deux enquĂŞtes effectuĂŠes par les stagiaires. Mme Mai vend des produits alimentaires. Elle a 38 ans, est mariĂŠe et a deux enfants. Mme Hoa est vendeuse de fruits. Elle a 33 ans, son mari 36. Elle a ĂŠgalement deux enfants – un garçon et une fille. Trajectoire professionnelle et perspectives - Mme Mai a commencĂŠ Ă travailler Ă l’âge de 18 ans en tant qu’employĂŠe dans un restaurant. Ă€ 20 ans, elle a ouvert son propre restaurant Ă Tây ThiĂŞn puis elle a commencĂŠ Ă vendre des plats dans les deux localitĂŠs : Ă Tây ThiĂŞn trois mois dans l’annĂŠe, Ă Tam Ä?ảo cinq mois par an ;

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- Mme Hoa ne se souvient pas de l’âge auquel elle a commencĂŠ Ă travailler. Mais avant vingttrois ans elle travaillait dans l’agriculture, puis elle a commencĂŠ Ă vendre des marchandises Ă Tam Ä?ảo. Ă€ Tam Ä?ảo, Mme Mai vend du maĂŻs, des oeufs, des saucisses, de la bière, des boissons, etc. Ă€ Tây ThiĂŞn, elle ne vend que du riz. Mme Hoa vend quant Ă elle les mĂŞmes choses dans les deux localitĂŠs : fruitiers, patates douces. Mme Mai a un fournisseur de marchandises ; les produits sont facturĂŠs après les ventes. Elle compte louer un stand en 2011 pour bĂŠnĂŠficier d’un local fixe. Mme Hoa vend les produits qu’elle rĂŠcolte dans son jardin, une autre partie est achetĂŠe. Pour ces deux femmes, la concurrence est faible. Elles sont plutĂ´t satisfaites de leur situation. Elles travaillent toutes les deux Ă Tây ThiĂŞn les premiers mois lunaires durant les fĂŞtes, et Ă Tam Ä?ảo durant l’ÊtĂŠ. Elles n’ont pas un niveau d’Êducation ĂŠlevĂŠ et n’ont reçu aucune formation particulière. Revenus par mĂŠnage - le mĂŠnage de Mme Mai perçoit un revenu total de douze millions de dong par mois ; sa participation est de 50 % ; - le revenu mensuel du mĂŠnage de Mme Hoa est de six millions. Les affaires Ă Tam Ä?ảo ne demandent pas trop de capital pour Mai car elle ne paye son fournisseur qu’après la vente des marchandises. En revanche, Ă Tây ThiĂŞn, la vente de riz demande l’achat de matĂŠriel (bols, baguettes, etc.). Le travail de Mme Hoa ne requiert que peu de capital. C’est pour elle un travail assez stable. La famille de Mme Mai est locataire d’une maison Ă Tam Ä?ảo. Ils sont propriĂŠtaires Ă Tây ThiĂŞn. Mme Hoa possède une maison entre Tam Ä?ảo et Tây ThiĂŞn. Cette famille effectue

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des dĂŠplacements journaliers, elle ne loue pas d’habitat. Les deux commerces ne sont pas enregistrĂŠs. La première affaire a ĂŠtĂŠ montĂŠe sans soutien particulier ; la seconde a reçu un don de deux millions de dong des parents. La famille de Mai est composĂŠe de deux jeunes enfants. Les parents ne peuvent travailler que la matinĂŠe, l’après-midi est consacrĂŠe aux enfants. La fille aĂŽnĂŠe de Hoa est suffisamment âgĂŠe pour travailler avec sa mère. Perspectives d’avenir pour leurs enfants - le premier couple (Mai) n’a pas rĂŠpondu Ă la question car leurs enfants sont encore trop jeunes ; - le second couple ne veut pas que leurs enfants reprennent leur travail. Ils font des efforts financiers pour qu’ils puissent poursuivre des ĂŠtudes supĂŠrieures et souhaiteraient pour eux un travail dans l’administration. Le premier couple est satisfait de son travail actuel. Mme Mai souhaite dĂŠvelopper ses activitĂŠs. Quant Ă Mme Hoa, elle ne veut plus rester dans l’informel et aimerait s’employer dans une activitĂŠ formelle. [Christian Culas] Merci pour cette riche restitution sur les petits vendeurs de Tam Ä?ảo. Certaines prĂŠsentations ĂŠtaient synthĂŠtiques, d’autres plus narratives. Je pense que vous avez abordĂŠ diffĂŠrentes entrĂŠes en lien avec l’anthropologie : rencontrer les gens, ĂŠcouter leurs histoires, recueil et organisation des donnĂŠes, restitution. Nous ferons demain un tour de table afin d’examiner les mĂŠthodes. Je tiens Ă vous remercier pour le travail très intensif rĂŠalisĂŠ sur une si courte durĂŠe. Je vous rappelle que le film documentaire j 3Ă?WF E PVWSJĂ’SF x TFSB QSPKFUĂ? DF TPJS *M USBJUF


du marchĂŠ de l’emploi et de ses difficultĂŠs en banlieue de HĂ Náť™i, ce qui a un lien avec le TVKFU EF OPUSF BUFMJFS [Mireille Razafindrakoto] Christian nous propose un regard mĂŠthodologique. Je vous suggère pour ma part, en complĂŠment, d’examiner les rĂŠsultats des enquĂŞtes statistiques. J’aimerais que vous preniez ĂŠgalement un peu de recul pour une SĂ?øFYJPO BOBMZUJRVF 7PJDJ RVFMRVFT DPOTUBUT et questions Ă soulever : - les enquĂŞtes indiquent peu de migrants dans la province de HĂ Náť™i. Il semble que ce OF TPJU QBT MF DBT Ă‹ 5BN ĂĽË˝P -B NBKPSJUĂ? EFT personnes que vous avez enquĂŞtĂŠes sontelles migrants ou originaires de la rĂŠgion ? - les migrants rencontrent-ils des difficultĂŠs particulières ? Si seuls les rĂŠsidents peuvent ĂŞtre enregistrĂŠs, quelles sont alors les raisons de ces migrations ? - mobilitĂŠ des individus dans leur trajectoire professionnelle. Les enquĂŞtes statistiques montrent que les individus passent d’emplois agricoles Ă des emplois informels. Est-ce le cas Ă Tam Ä?ảo ? Existe-t-il des cas de personnes qui sont passĂŠes du formel Ă l’informel ? - le passage d’un emploi Ă un autre est t-il bĂŠnĂŠfique ? Quelles en sont les causes et consĂŠquences ? - crĂŠation des unitĂŠs de production. Les enquĂŞtes statistiques soulignent les difficultĂŠs de trouver un emploi ailleurs. Est-ce le cas concernant les personnes enquĂŞtĂŠes ? L’idĂŠe est de d’identifier ceux qui ont choisi de façon volontaire de s’installer dans le secteur formel et ceux qui y ont ĂŠtĂŠ contraints ; - perspectives. Il semble que très peu de personnes pensent dĂŠvelopper leurs activitĂŠs,

MF OJWFBV EF TBUJTGBDUJPO FTU QMVUĂ™U CPO 1PVSUBOU FMMFT BOOPODFOU OF QBT WPVMPJS que leurs enfants reprennent l’entreprise. Ce paradoxe est Ă creuser ; - prĂŠcaritĂŠ des activitĂŠs de petite taille. Existe-t-il un lien entre l’importance du rĂŠseau et la bonne santĂŠ de l’entreprise ? [François Roubaud] On vous a prĂŠsentĂŠ trois mĂŠthodes : mĂŠthode quantitative, entretiens semi-structurĂŠs et enquĂŞtes socio-anthropologiques. Nous avons cherchĂŠ Ă vous montrer par la pratique les avantages et limites thĂŠoriques en lien BWFD DFT USPJT NĂ?UIPEFT /PUSF PCKFDUJG FTU Ă‹ prĂŠsent de dresser une synthèse appliquĂŠe au cas concret de l’informel, de dĂŠfinir des USBKFDUPJSFT EFT USBOTJUJPOT NBJT BVTTJ EF cerner les limites de l’approche quantitative et de comparer ses rĂŠsultats aux enquĂŞUFT BOUISPQPMPHJRVFT SĂ?BMJTĂ?FT BVKPVSE IVJ D’une mĂŠthode Ă une autre, les faits peuvent ĂŞtre contradictoires. Les thĂŠmatiques non abordĂŠes par une mĂŠthode peuvent ĂŞtre centrales dans une autre. Essayez d’appliquer les critères que l’on vous a donnĂŠs ainsi que les diffĂŠrentes mĂŠthodes que vous connaissez.

JournÊe 5, vendredi 23 juillet 2.2.5. Bilan, rÊsultats et analyses de la complÊmentaritÊ des approches. PrÊparation à la sÊance de restitution [Jean-Pierre Cling] Avant de revenir sur l’analyse des entretiens, nous allons rappeler et prÊciser les diffÊrentes mÊthodes d’enquêtes. Nous voudrions

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RVF WPVT WPVT FYQSJNJF[ TVS DF TVKFU BĂśO d’Êclaircir certains points. Pholpath Tangtrongchitr 7PVT OPVT BWF[ EPOOĂ? VO FYFNQMF DPODFS nant les mĂŠthodes relatives Ă l’approche quantitative – ÂŤ PrĂŠfĂŠrez-vous aller en vacances Ă la mer ou Ă la campagne ? Âť 7PVT BWF[ QSĂ? sentĂŠ les rĂŠsultats du questionnaire avec un TFVJM EF DPOĂśBODF 7PVT BWF[ FOTVJUF EPOOĂ? un intervalle chiffrĂŠ. Je ne comprends pas bien ces calculs, pouvez-vous les prĂŠciser ? [Jean-Pierre Cling] 5SĂ’T CPOOF RVFTUJPO KF WBJT SFWFOJS TVS DF point. Dans une enquĂŞte statistique quantitative, vous avez un questionnaire prĂŠcis qui est soumis Ă l’enquĂŞtĂŠ avec une liste de questions. Cette liste sera par la suite transformĂŠe en donnĂŠes chiffrĂŠes. Attention, ces questions OF TPOU QBT UPVUFT RVBOUJUBUJWFT 1PVS MFT enquĂŞtes qualitatives nous avons deux options : les entretiens semi-directifs, les entretiens ouverts. Il s’agit ici de discours, de narration et non pas de statistiques. Exemple. Si l’on fait une analyse quantitative de notre enquĂŞte – le revenu moyen de la population, le pourcentage de la population qui prĂŠfère aller en vacances Ă la mer –, on gĂŠnĂŠralise Ă partir de l’Êchantillon enquĂŞtĂŠ Ă l’ensemble de la population. On rĂŠflĂŠchit en termes de reprĂŠsentativitĂŠ. Dans votre cas, Ă Tam Ä?ảo, vous ne pouvez pas gĂŠnĂŠraliser Ă l’ensemble de la population. [Christian Culas] 1PVS M FORVĂ?UF RVBMJUBUJWF MB SFQSĂ?TFOUBUJWJUĂ? O FTU QBT VO DSJUĂ’SF NBKFVS EF SFDIFSDIFT - PCKFDUJG FTU EF SFOESF DPNQUF EF MB NBOJĂ’SF

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de vivre et de penser d’un petit groupe de gens. MĂŞme si l’entretien est long, il sera impossible de dire : ÂŤ Les vendeurs de soupe au Viᝇt Nam font tel type de choses, ont tel type de vie Âť. Wan Mohtar Wan Ikhlas 1FVU PO USBEVJSF MFT SĂ?TVMUBUT EFT FORVĂ?UFT qualitatives par des chiffres ? [Christian Culas] Cela est possible dans certains cas. Mais les questions n’ont pas ĂŠtĂŠ construites pour que les rĂŠponses puissent ĂŞtre codĂŠes puis traitĂŠes de manière mathĂŠmatique. Cela complique EPOD TJOHVMJĂ’SFNFOU MB UÉDIF J’aimerais souligner un point important. Lors de l’analyse quantitative, il faut interprĂŠter les tableaux de chiffres. Cette interprĂŠtation peut ĂŞtre diffĂŠrente suivant les chercheurs. De la mĂŞme manière, avec des enquĂŞtes qualitatives, l’analyse est en partie liĂŠe Ă votre QFSTPOOBMJUĂ? Ă‹ WPUSF TVCKFDUJWJUĂ? &OUSF EFVY chercheurs, Ă partir d’une mĂŞme enquĂŞte, on aura peut-ĂŞtre des analyses diffĂŠrentes. [François Roubaud] 1FVU PO USBJUFS RVBOUJUBUJWFNFOU EFT EPO OĂ?FT RVBMJUBUJWFT 1FVU PO BQQSPDIFS EF la complexitĂŠ du rĂŠel avec des enquĂŞtes quantitatives ? En rĂŠponse Ă la première question, il faut pour cela beaucoup de donnĂŠes qualitatives (loi des grands nombres) : grands nombres de chiffres de rĂŠponses ou de phrases (donnĂŠes qualitatives). Il existe dĂŠsormais des logiciels d’analyse de donnĂŠes textuelles, de donnĂŠes qualitatives, qui traitent de manière RVBOUJUBUJWF MFT EPOOĂ?FT EF EJTDPVST 1BS exemple, en comptant combien de fois le mot ÂŤ bonheur Âť ou ÂŤ informel Âť est prononcĂŠ ou


bien en mesurant les associations entre deux mots : ÂŤ informel Âť et ÂŤ content Âť. En 2008, nous avons organisĂŠ avec des spĂŠcialistes de cette question un atelier d’analyse des donnĂŠes [14]. Concernant la seconde question, prenons M FYFNQMF EFT USBKFDUPJSFT QSPGFTTJPOOFMMFT et migratoires en gĂŠnĂŠral relativement mal mesurĂŠes dans les enquĂŞtes statistiques. Les quantitativistes se sont rendu compte des limites des instruments. Ils ont essayĂŠ de crĂŠer des enquĂŞtes spĂŠcifiques permettant EF SFUSBDFS MFT USBKFDUPJSFT BĂśO EF USBOTGPSNFS en chiffres les histoires de vie livrĂŠes par les anthropologues. Il s’agit d’enquĂŞtes biographiques [15] : on essaie de retracer EFQVJT M FOGBODF MFT USBKFDUPJSFT NJHSBUPJSFT professionnelles, familiales, rĂŠsidentielles, avec des enquĂŞtes quantitatives. [Jean-Pierre Cling] Lors des ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť 2009, les intervenants des ateliers anthropologique et statistique se sont rĂŠunis pour discuter de l’intĂŠrĂŞt de mieux comprendre l’articulation et la comparaison entre les deux mĂŠthodes. Au cours de la prĂŠparation du prĂŠsent atelier, nous avons tentĂŠ de voir TJ DF HFOSF EF DPNQBSBJTPO BWBJU EĂ?KĂ‹ Ă?UĂ? faite, du point de vue abstrait mais aussi pratique. Nous nous sommes aperçus qu’il y a exactement cinquante ans, en 1960, des enquĂŞtes avaient ĂŠtĂŠ menĂŠes en AlgĂŠrie par une ĂŠquipe de statisticiens et de sociologues-anthropologues, avec 1JFSSF #PVSEJFV -F UIĂ’NF EF SFDIFSDIF ĂŠtait pratiquement identique : ÂŤ le travail,

l’emploi Âť, avec des ĂŠchantillons proches des OĂ™USFT QFSTPOOFT QPVS VOF FORVĂ?UF statistique, 60 personnes pour une enquĂŞte semi-structurĂŠe de type anthropologique tirĂŠes parmi les 1200). Je crois que c’est la QSFNJĂ’SF GPJT BV 7JĚ?U /BN RVF M PO DPNCJOF de cette façon quantitatif et qualitatif. C’est un travail sur les enquĂŞtes, un travail mĂŠthodologique mais aussi de recherche TDJFOUJĂśRVF 7PVT BMMF[ QPVWPJS GBJSF MF MJFO avec d’autres ateliers, notamment avec l’atelier ÂŤ Formation Ă l’enquĂŞte de terrain en socio-anthropologie Âť. [François Roubaud] J’aimerais rĂŠpondre Ă la question posĂŠe par 1IPQBUI TVS MFT JOUFSWBMMFT EF DPOĂśBODF FU MFT Ă?DIBOUJMMPOT 0O TBJU RV BV 7JĚ?U /BN EFT JOEJWJEVT TPOU EFT 7JĚ?U ,JOI FU PSJHJOBJSFT EF NJOPSJUĂ?T FUIOJRVFT 4J KF QSFOET un ĂŠchantillon de petite taille, il se peut que KF UPNCF TVS EF NJOPSJUĂ? FUIOJRVF Ce qui est Ă l’Êvidence complètement faux. Il faut donc tirer beaucoup plus d’individus. Si l’Êchantillon est suffisamment grand : dans EFT Ă?DIBOUJMMPOT RVF KF WBJT UJSFS DF pourcentage est appelĂŠ ÂŤ seuil Âť de confiance PV EF TJHOJĂśDBUJWJUĂ? MF QPVSDFOUBHF EF 7JĚ?U (Kinh) va ĂŞtre par exemple compris entre FU DFU JOUFSWBMMF FTU M j JOUFSWBMMF de confiance Âť). Je me rapproche alors de la rĂŠalitĂŠ des pourcentages des groupes FUIOJRVFT BV 7JĚ?U /BN

[14] -FCBSU - 1JSPO . 3B[BĂśOESBLPUP . 3PVCBVE FU $MJOH + 1 "OBMZTF EFT EPOOĂ?FT DPOTPMJEBUJPO Ă‹ M BOBMZTF EV NBSDIĂ? EV USBWBJM FU EV TFDUFVS JOGPSNFM BV 7JFU /BN JO -BHSĂ?F 4 Ă?EJUFVS Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo. Nouvelles approches mĂŠthodologiques appliquĂŠes au dĂŠveloppement 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5IF (JPJ )Ă‹ /Ě˜J TFQUFNCSF QQ ²HBMFNFOU EJTQPOJCMF TVS MF TJUF XXX UBNEBPDPOG DPN [15] 7PJS EBOT DFU PVWSBHF MF DIBQJUSF j 5SBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVF FU USBOTGPSNBUJPOT GBNJMJBMFT x

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[Christian Culas] Il me semble important de discuter des entretiens que vous avez faits hier. Il s’agit de choses très prĂŠcises qui vous aideront Ă vous repĂŠrer dans une enquĂŞte anthropologique. -FT USBKFDUPJSFT NJHSBUPJSFT FU QSPGFTTJPOOFMMFT ont bien ĂŠtĂŠ abordĂŠes et comprises et la partie motivations/satisfaction a ĂŠtĂŠ assez CJFO DPNQMĂ?UĂ?F 1BS DPOUSF MFT DPOUSBJOUFT ont ĂŠtĂŠ moins bien ĂŠtudiĂŠes. Concernant les rĂŠseaux sociaux, vous avez recueilli très peu d’informations ; ceci est peut-ĂŞtre liĂŠ Ă la dĂŠfinition donnĂŠe en français et en vietnamien. Trần Tháť‹ Háť“ng Thuᝡ Le rĂŠseau social reprĂŠsente, pour nous, la famille, les voisins, les cousins et ĂŠgalement la communautĂŠ. [Christian Culas] 7PVT NPOUSF[ CFBVDPVQ EF DPOOJWFODFT entre rĂŠseaux sociaux et membres de la GBNJMMF 1MVTJFVST HSPVQFT POU BĂłSNĂ? qu’il n’y avait pas de rĂŠseaux sociaux, les gens interrogĂŠs n’Êtant pas membres d’une association. Il s’agit d’une surinterprĂŠtation EF MB SĂ?BMJUĂ? 7PJMĂ‹ VO QSPCMĂ’NF DMBTTJRVF concernant les recherches anthropologiques : on considère que les gens sont acteurs dans un groupe collectif lorsqu’ils sont dans un groupe instituĂŠ. Il existe cependant de nombreux groupes non instituĂŠs qui sont très importants pour l’Êconomie, la sociabilitĂŠ, la religion, etc. Au 7JĚ?U /BN PO VUJMJTF MFT HSPVQFT JOTUJUVĂ?T – associations de masse et de volontaires. Les EPOOĂ?FT PĂłDJFMMFT NPOUSFOU RVF MF 7JĚ?U /BN est le pays au monde oĂš il y a le plus de personnes enregistrĂŠes dans des associations, FOWJSPO EF MB QPQVMBUJPO $F DIJòSF FTU

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TPVWFOU VO BSHVNFOU QPVS BWBODFS RVF MF 7JĚ?U Nam est un pays très avancĂŠ en matière de sociĂŠtĂŠ civile et de groupes de nĂŠgociation et de dialogue. Avant mes recherches de terrain BV 7JĚ?U /BN KF QFOTBJT NPJ BVTTJ RVF MB WJF associative ĂŠtait très importante, que tout le monde devait ĂŞtre très actif dans ces rĂŠunions. Mais, dans les villages, on se rend compte que DFMB FTU EJòĂ?SFOU 1BS FYFNQMF EBOT VO WJMMBHF rural, environ 100 % des femmes sont inscrites Ă l’association des femmes ; il faut ĂŞtre inscrite en cas de besoin et pour le planning familial. Cependant beaucoup de femmes n’ont pas le temps ni l’envie d’aller aux rĂŠunions de cette association. Ainsi, malgrĂŠ le nombre de femmes inscrites, le niveau des activitĂŠs de l’ensemble des femmes inscrites est faible, ce qui permet de mieux dĂŠcrire les pratiques rĂŠelles et l’importance rĂŠelle de cette association Il faut diffĂŠrencier clairement l’inscription et la participation active. Les chiffres peuvent masquer une grande partie de la rĂŠalitĂŠ pratique. LĂŞ Tháşż Vᝯng 1PVS OPVT MB EĂ?ĂśOJUJPO EF j SĂ?TFBV TPDJBM x FTU très large. [Christian Culas] Les tableaux que vous avez faits en corrĂŠlation avec les donnĂŠes recueillies sont ĂŠvidemment des rĂŠductions quelquefois frustrantes. Le niveau d’Êducation est souvent avancĂŠ pour KVTUJĂśFS MFT EJĂłDVMUĂ?T EF SFDVFJM EF EPOOĂ?FT J’aimerais que vous vous posiez la question TVS MB SFMBUJPO FOUSF MB USBKFDUPJSF EF WJF FU MF niveau d’Êducation. Quels sont les liens de causalitĂŠ ?


LĂŞ Tháşż Vᝯng Il a ĂŠtĂŠ difficile d’enquĂŞter auprès de personOFT QMVT ÉHĂ?FT MB NĂ?NPJSF O FTU QBT ĂśEĂ’MF [Christian Culas] 6O QSFNJFS QPJOU BĂśO EF WPVT NPOUSFS RVF le niveau d’Êducation n’est pas corrĂŠlĂŠ Ă la capacitĂŠ de raconter une histoire de vie, des expĂŠriences très dĂŠtaillĂŠes. J’ai passĂŠ presque toute ma vie de chercheur dans des montagnes en ThaĂŻlande, au Laos et au 7JĚ?U /BN DIF[ EFT QPQVMBUJPOT EF HSPVQFT FUIOJRVFT RVJ O POU QSBUJRVFNFOU KBNBJT Ă?UĂ? Ă‹ M Ă?DPMF 1PVSUBOU JMT SBDPOUBJFOU USĂ’T CJFO MFVST FYQĂ?SJFODFT 7PUSF USBWBJM E FORVĂ?UFVS de chercheur, est d’essayer de comprendre ce que la personne peut comprendre de ce que vous lui dites, de rentrer dans son univers mental afin qu’elle s’exprime. C’est Ă vous de vous adapter. L’une des forces de l’anthropologie est de ÂŤ regarder Âť ce que l’on fait pour analyser et se demander si cela fait sens. 7PVT BWF[ NJT FO Ă?WJEFODF EBOT MFT USBKFDUPJSFT migratoires une connexion directe avec le site EF 5ÉZ 5IJĂ?O 7PJMĂ‹ VOF EPOOĂ?F TVSQSFOBOUF dans le cadre des ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť, depuis 2008 nous menons un atelier dans DFUUF SĂ?HJPO FU OPVT O BWPOT KBNBJT FV

E JOGPSNBUJPOT TVS MFT SFMBUJPOT FOUSF 5ÉZ 5IJĂ?O et la station de Tam Ä?ảo [16] 1PVSRVPJ MFT HFOT que vous avez enquĂŞtĂŠs sont-ils dans l’annĂŠe USPJT NPJT Ă‹ 5ÉZ 5IJĂ?O QVJT TJY NPJT Ă‹ 5BN ĂĽË˝P ÂŽ 5ÉZ 5IJĂ?O JM T BHJU EFT NPJT EF KBOWJFS Ă mars. Durant cette pĂŠriode, Ă Tam Ä?ảo, il fait GSPJE FU QFSTPOOF OF WJFOU "VUPVS EV 5Ă?U 5ÉZ ThiĂŞn propose de grands festivals religieux qui attirent des milliers de touristes. Les activitĂŠs commencent plus tardivement Ă Tam Ä?ảo, BWFD MF SFUPVS EFT CFBVY KPVST -FT EFVY TJUFT sont donc complĂŠmentaires dans le temps. [François Roubaud] D’après vos enquĂŞtes, les personnes ĂŠtaient très ouvertes et accueillantes. Certains se sont rendus compte que cela ĂŠtait plus facile Ă la campagne qu’en ville. La question se pose de savoir comment adapter l’enquĂŞte Ă une situation urbaine, beaucoup plus EVSF FU UFOEVF 7PT FORVĂ?UFT POU Ă?UĂ? d’environ une heure Ă une heure et demie, elles correspondent Ă la durĂŠe d’enquĂŞtes TFNJ TUSVDUVSĂ?FT 7PVT Ă?UJF[ DFSUBJOFNFOU plus proche de l’enquĂŞte semi-structurĂŠe qu’anthropologique qui demande beaucoup plus de temps.

[16] – Culas, C., Tessier, O., Formation en sociologie et anthropologie : mĂŠthodes et flexibilitĂŠ, enquĂŞtes de terrain et organisation du recueil de donnĂŠe, in LagrĂŠe S (ĂŠditeur), Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo. Nouvelles approches mĂŠthodologiques appliquĂŠes au dĂŠveloppement 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5IF (JPJ )Ă‹ /Ě˜J TFQUFNCSF pp. 241-356 ; – Arditi, C., Culas, C., Tessier, O., Anthropologie du dĂŠveloppement : formation aux mĂŠthodes d’enquĂŞtes de terrain en sociologie et anthropologie, in -BHSĂ?F 4 $MJOH + 1 3B[BĂśOESBLPUP . 3PVCBVE ' Ă?EJUFVST TDJFOUJĂśRVFT StratĂŠgies de rĂŠduction de la pauvretĂŠ : approches mĂŠthodologiques et transversales 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? FO TDJFODFT TPDJBMFT ²EJUJPOT 5SJ 5IVD KVJMMFU QQ Textes ĂŠgalement disponibles sur le site : www.tamdaoconf.com

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[Mireille Razafindrakoto]

[François Roubaud]

Nous avons par ailleurs eu la chance de visionner une sorte d’entretien anthropologique extrêmement riche avec le film EPDVNFOUBJSF QSPKFU� IJFS j 3�WF E PVWSJÒSF x 1PVSRVPJ DPSSFTQPOE JM Ë VO FOUSFUJFO BOUISP pologique ? Nous avons suivi quelques personnes, il ne s’agit pas de quantitatif. Les questions Êtaient souvent ouvertes et surtout la rÊalisatrice a suivi les personnes. Au dÊbut, elle n’a posÊ aucune question. Elle a suivi une QFSTPOOF KVTUF QPVS DPNQSFOESF TBOT QPTFS de questions, pour voir comment elle vit.

Le lien fort entre les activitĂŠs agricoles et non-agricoles explique certains ĂŠcarts dans les rĂŠsultats quantitatifs et qualitatifs. Nous n’avons pas retrouvĂŠ cela dans les enquĂŞtes TVS )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF QFVU Ă?USF parce qu’il s’agit de zones urbaines. Le lien avec l’agriculture apparaĂŽt ici car nous sommes dans une rĂŠgion rurale. On a dit que les pauvres sont plus solidaires, ne paient pas la patente et que les fournisseurs leur font DSĂ?EJU 6OF QFSTPOOF OF QBZF QBT MB QBUFOUF car elle connaĂŽt probablement les autoritĂŠs locales. Celles-ci ne sont pas pauvres. Il s’agit d’une solidaritĂŠ entre ceux qui sont pauvres et des autoritĂŠs locales qui ne le sont pas. La solidaritĂŠ entre les pauvres ne me paraĂŽt pas très claire.

L’enquĂŞte anthropologique apporte toute la symbolique liĂŠe Ă ce que reprĂŠsente un travail, le contexte social et familial. Nous sommes dans la perception de la population, MB NBOJĂ’SF EF WJWSF MFT USBKFDUPJSFT 5PVU DFMB est liĂŠ Ă une question concrète : quel type de politique doit-on appliquer Ă l’informel, doit-on dĂŠvelopper ce secteur ou non, les individus y travaillent-ils volontairement ? La comprĂŠhension des logiques, des comportements, des rĂŠseaux sociaux autour des unitĂŠs de production informelles peut aider Ă la dĂŠfinition de politiques qui pourraient les appuyer, les inciter Ă se formaliser. Avez des ĂŠlĂŠments Ă apporter concernant les entretiens que vous avez menĂŠs hier ? Nguyáť…n Háť“ng Bắc Les individus les plus pauvres semblent QMVT TPMJEBJSFT 1BS FYFNQMF MFT GPVSOJTTFVST acceptent de se faire payer après la vente des QSPEVJUT 1BS BJMMFVST MF SĂ?TFBV TPDJBM GBNJMMF FU QSPDIFT UJFOU VOF QMBDF DFOUSBMF 6OF personne enquĂŞtĂŠe a ainsi bĂŠnĂŠficiĂŠ du local de son oncle ; ceux qui proposent les mĂŞmes produits s’associent pour l’achat d’un vĂŠhicule de transport.

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[Christian Culas] La gestion du mode de règlement des produits est locale, ce qui prouve que les gestionnaires, ou les fournisseurs, ont une flexibilitĂŠ dans leur comportement. Ils s’adaptent en fonction des personnes, cela permet au système de fonctionner. Cristina Bellinin Lievens J’ai l’impression que l’on assiste Ă une restructuration du marchĂŠ du travail. Nous avons enquĂŞtĂŠ une personne venant d’une famille aisĂŠe d’agriculteurs. L’opportunitĂŠ du dĂŠveloppement du tourisme Ă Tam Ä?ảo M BNĂ’OF HSÉDF Ă‹ M BJEF E VO PODMF FU E VOF tante, Ă monter un magasin. Il s’agit de gens aisĂŠs s’employant directement dans le formel. Dans une seconde enquĂŞte, il s’agit d’une dame de 66 ans qui quitte le secteur agricole pour les activitĂŠs touristiques Ă Tam Ä?ảo. Elle n’a aucun investissement de dĂŠpart, pas de local. Elle est dans l’informel.


[François Roubaud]

Nguyáť…n Háť“ng Bắc

L’hypothèse est intĂŠressante : les rĂŠseaux sont moins importants Ă Tam Ä?ảo que ceux dont PO EJTQPTF EBOT MFT HSBOEFT WJMMFT 1FVU PO migrer de la campagne vers HĂ Náť™i sans rĂŠseau ou avec peu de rĂŠseau ? DiffĂŠrents pays de la rĂŠgion sont reprĂŠsentĂŠs dans notre atelier, que se passe t-il dans vos pays respectifs, dans un autre contexte ? Autre question : quelles diffĂŠrences avez-vous constatĂŠ entre les deux types d’enquĂŞtes, semi-structurĂŠe et anthropologique ?

Nous n’avons pas ce système de pagodes BV 7JĚ?U /BN #FBVDPVQ EF KFVOFT USBWBJMMFOU dans la menuiserie ou dans la construction. Il est courant de demander l’autorisation au propriĂŠtaire d’installer une tente et de dormir directement sur le terrain. Les ouvriers louent ĂŠgalement une chambre qu’ils partagent Ă plusieurs.

[Jean-Pierre Cling] On sait que beaucoup de migrations nationales ou internationales sont liĂŠes Ă des migrants du mĂŞme village, de la mĂŞme rĂŠgion. Est-ce que le fait qu’il y ait EĂ?KĂ‹ EFT NJHSBOUT UFNQPSBJSFT Ă‹ 5BN ĂĽË˝P est un facteur qui favorise les migrations de 5ÉZ 5IJĂ?O *M TFSBJU JOUĂ?SFTTBOU E PCTFSWFS les liens existants avec les commerçants de Tam Ä?ảo.

Pattiya Jimreivat #FBVDPVQ EF HFOT EF MB DBNQBHOF WJFOOFOU Ë #BOHLPL QPVS Z USBWBJMMFS *MT C�O�ÜDJFOU EF liens familiaux ou personnels sur place. De OPNCSFVY -BPUJFOT TF E�QMBDFOU Ë #BOHLPL Êgalement. Dans les temples, les bonzes acceptent souvent les personnes qui viennent du même village ou de la même province. Souphanthong Douanglattana "V -BPT MFT KFVOFT IPNNFT C�O�ÜDJFOU BVTTJ du rÊseau des pagodes lorsqu’ils se dÊplacent vers la capitale pour chercher du travail.

Cristina Bellinin Lievens

[Mireille Razafindrakoto]

"V $BNCPEHF QPVS MFT KFVOFT IPNNFT il y a le rĂŠseau des pagodes qui permet OPUBNNFOU E BDDVFJMMJS CFBVDPVQ EF KFVOFT hommes non mariĂŠs. Ils vivent dans ces QBHPEFT QBSUBHFOU EFT DIBNCSFT 1PVS MFT KFVOFT GFNNFT RVBOE FMMFT USBWBJMMFOU EBOT des usines, elles vivent dans des dortoirs. : B U JM BV 7JĚ?U /BN EFT MJFVY TFSWBOU EF SFMBJT qui font que l’on peut traverser le pays tout en sachant que l’on trouvera un endroit oĂš dormir et manger ?

Essayez d’identifier les atouts essentiels et complÊmentaires qui n’apparaissent pas dans les enquêtes statistiques ou les entretiens semi-directifs. [Christian Culas] On a beaucoup parlÊ de contraintes mais pas assez de ce qui Êtait  facilitant . L’enquête anthropologique nous montre une limite des catÊgories produites. Les stagiaires  Motivations et facilitÊs  sont dans la même catÊgorie.

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

[249]


[Christian Culas] -B NPUJWBUJPO FTU QMVUĂ™U RVFMRVF DIPTF EF QFSTPOOFM MFT GBDJMJUĂ?T WJFOOFOU QMVUĂ™U EF l’extĂŠrieur. Quelles sont les petites choses qui facilitent l’installation des unitĂŠs de production ? [Jean-Pierre Cling] Est-ce que tous les gens qui viennent Ă Tam Ä?ảo logent sur place ou bien repartentils chez eux le soir ? [Christian Culas] 1FVU Ă?USF EFT QFSTPOOFT JOUFSSPHĂ?FT TPOU FO MJFO BWFD MF WJMMBHF EF 5ÉZ 5IJĂ?O /PVT n’avons pas demandĂŠ si les gens dormaient Ă‹ 5BN ĂĽË˝P PV T JMT SFOUSBJFOU Ă‹ 5ÉZ 5IJĂ?O Certains ont-ils rĂŠcoltĂŠ cette donnĂŠe ? Les logements sont-ils individuels ou collectifs ? 6OF BVUSF NBOJĂ’SF EF WPJS BQQBSBĂ”USF FO DSFVY les rĂŠseaux sociaux : partager le mĂŞme toit, c’est avoir des relations souvent fortes. LĂŞ Tháşż Vᝯng La femme interrogĂŠe habite dans la maison d’une amie. Elle ne paye que la consomNBUJPO E Ă?MFDUSJDJUĂ? FU E FBV 6OF BVUSF occupe la maison d’un voisin ; ils cuisinent et mangent ensemble. Les vendeurs les QMVT KFVOFT OF WJFOOFOU JDJ RVF MF XFFL end, moment de la semaine oĂš le nombre de touristes est le plus important. Cette dame doit affronter la concurrence de ces KFVOFT WFOEFVST FU SFTUF FO QFSNBOFODF Ă‹ MB station. Nguyáť…n Tháť‹ Thu Huyáť n Nous avons enquĂŞtĂŠ un photographe. Il y avait auparavant environ soixante photographes Ă Tam Ä?ảo, ils sont Ă prĂŠsent une quarantaine. Le rĂŠseau social est très

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dĂŠveloppĂŠ. Ils se passent le mot lorsque des groupes de touristes arrivent. Ils louent des chambres pour passer le week-end Ă la station, du vendredi au dimanche. [François Roubaud] Nous allons parler maintenant des perspectives pour les enfants. Pattiya Jimreivat La dame interrogĂŠe souhaite que ses enfants suivent des ĂŠtudes supĂŠrieures, elle travaille QPVS ĂśOBODFS DF QSPKFU Souphanthong Douanglattana L’homme que nous avons enquĂŞtĂŠ s’emploie dans le secteur formel. Il a empruntĂŠ de l’argent afin que ses enfants soient scolarisĂŠs. Il aimerait qu’ils travaillent comme fonctionnaires, qu’ils aient un vrai statut social. [Mireille Razafindrakoto] Quelques points importants de rĂŠsumĂŠ : le travail informel est en gĂŠnĂŠral moins dur que MF USBWBJM BHSJDPMF MFT GBNJMMFT EF 5ÉZ 5IJĂ?O RVJ se sont faits exproprier viennent Ă Tam Ä?ảo, au moins quelques mois dans l’annĂŠe ; les gens TPOU QMVUĂ™U TBUJTGBJUT EV QBTTBHF EF M BHSJDPMF Ă l’informel ; ils souhaitent que leurs enfants travaillent dans le secteur formel. [François Roubaud] J’aimerais savoir si ceux qui travaillent QMV UĂ™U BWFD EFT NĂ?UIPEFT RVBOUJUBUJWFT ont ĂŠtĂŠ convaincus de l’intĂŠrĂŞt de rapprocher leurs enquĂŞtes avec des approches plus qualitatives. Et rĂŠciproquement, les sociologues, anthropologues prĂŠsents ontils ĂŠtĂŠ convaincus de l’intĂŠrĂŞt des approches quantitatives ou non ?


Nguyáť…n Háť“ng Bắc Les rĂŠsultats obtenus sont très satisfaisants. -PST EF MB QSPKFDUJPO EV ĂśMN j ÂŽ RVJ appartient la terre ? Âť en session plĂŠnière, nous avons constatĂŠ que la transition agraire est aussi source de graves problèmes fonciers. L’approche qualitative, en lien avec le quantitatif, permet de proposer des politiques pertinentes d’accompagnement. [Mireille Razafindrakoto] Je tiens Ă remercier tous les participants pour avoir suivi cet atelier qui ĂŠtait pour nous un WĂ?SJUBCMF EĂ?Ăś -F TVKFU Ă?UBJU DPNQMFYF JM s’agissait de trouver des complĂŠmentaritĂŠs entre diffĂŠrents types d’approches, le groupe ĂŠtait constituĂŠ de personnes aux profils fortement diffĂŠrenciĂŠs. Certains travaillent avec des approches quantitatives tandis que d’autres sont des spĂŠcialistes du qualitatif. Il a fallu tenir compte de cette diversitĂŠ du groupe. Nous avons ĂŠtĂŠ agrĂŠablement surpris des rĂŠsultats obtenus en si peu de temps. Merci beaucoup pour votre participation. Nous espĂŠrons vous revoir lors de la prochaine session en 2011 !

2.2.6. Restitution synthÊtique de l’atelier (Retranscription) [Christian Culas] Cet atelier est nÊ d’une discussion, en 2010, entre des statisticiens, des Êconomistes et anthropologues voulant Êtablir un dialogue entre approches quantitative et qualitative. Le dÊfi Êtait grand et a soulevÊ un certain scepticisme : la mise en relation d’une approche statistique, mathÊmatique et d’une analyse anthropologique narrative. La semaine passÊe ensemble a ÊtÊ une expÊrience humaine et intellectuelle fantasUJRVF KF UFOBJT Ë MF TPVMJHOFS Rapporteur (1) Notre formation a ÊtÊ construite autour d’enquêtes statistiques macros – nationales, rÊgionales et urbaines –, et de mÊthodes socio-anthropologiques à une Êchelle micro – individus, familles, villages.

[Christian Culas] 7PVT BWF[ UPVT FV FO NBJO MB QVCMJDBUJPO des JTD 2009. Nous retrouverons dans l’ouvrage qui sera ĂŠditĂŠ en 2011 cette semaine de formation passĂŠe ensemble ainsi qu’une synthèse des donnĂŠes de terrain. 7PVT BWF[ QBSUJDJQĂ? Ă‹ VOF GVUVSF QVCMJDBUJPO trilingue – anglais, français et vietnamien – qui sera disponible en ligne sur le site tamdaoconf.com.

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Image

4

Approche quantitative : les enquêtes statistiques

Source : Vincent Rif, Enquête sur l’emploi du temps des belges, dessin pour l’Echo, juin 2008. NB : le dialogue a été changé et rajouté par les auteurs.

Image

5

Approche qualitative : Les enquêtes

Source : Vincent Rif, Enquête sur l’emploi du temps des belges, dessin pour l’Echo, juin 2008. NB : le dialogue a été changé et rajouté par les auteurs.

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Qu’est ce que l’enquĂŞte statistique ? Il s’agit d’une enquĂŞte permettant de quantifier un phĂŠnomène. Elle se rĂŠalise sous forme de questionnaires et se fonde sur la loi des grands nombres. La qualitĂŠ d’une enquĂŞte statistique dĂŠpend de la pertinence du dĂŠcoupage conceptuel et de la dĂŠfinition des catĂŠgories. Elle dĂŠpend aussi de la qualitĂŠ du questionnaire, de l’interaction, de la confiance entre l’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ. L’enquĂŞte peut ĂŞtre sous forme d’entretien, ÂŤ face-Ă -face Âť, UĂ?MĂ?QIPOJRVF PV QBS DPVSSJFS 6OF FORVĂ?UF statistique se compose des ĂŠtapes suivantes : - ĂŠtape mĂŠthodologique : dĂŠfinition du champ de l’enquĂŞte, ĂŠchantillonnage et questionnaire ; - ĂŠtape technique : collecte des donnĂŠes sur le terrain, saisie des donnĂŠes et sorties des premiers rĂŠsultats ; - publication : analyses et interprĂŠtations des donnĂŠes, prĂŠsentations, description des premiers rĂŠsultats obtenus. Quelles sont les limites ? Les notions et catĂŠgories prĂŠ-ĂŠtablies ne peuvent ĂŞtre tout Ă fait adaptĂŠes Ă l’histoire, aux situations de M FORVĂ?UĂ? BV NPNFOU EPOOĂ? 6O RVFTUJPO naire ne permet pas de saisir aisĂŠment les processus sociaux et demeure en lien direct avec l’efficacitĂŠ et la pertinence des questions choisies prĂŠalablement. Les informations obtenues ne sont pas exhaustives.

L’enquĂŞte socio-anthropologique. Les processus et les choix du chercheur sur l’ensemble des informations collectĂŠes sur le terrain sont au cĹ“ur de l’enquĂŞte. L’anthropologue ne considère pas toutes les informations obtenues au moment de l’enquĂŞte. On parle de ÂŤ production de donnĂŠes Âť du fait des QSPDFTTVT JOUFMMFDUVFMT FO KFV - insertion et imprĂŠgnation dans l’environnement, observation participante ; - entretiens et interactions suscitĂŠes par le chercheur ; - observations et descriptions de la situation, des actes, des conditions, des discours ; - procĂŠdĂŠs de recension, recours Ă des dispositifs construits d’investigations systĂŠmatiques ; - sources ĂŠcrites – articles, rapports locaux etc. –, sources audio-visuelles. Ce type d’enquĂŞte se prĂŠpare sur le long terme. Elle ne rĂŠsulte en aucun cas de recettes prĂŠalables. L’entretien suit des axes de recherche posĂŠs au bureau, mais doit s’adapter en temps rĂŠel en fonction des donnĂŠes produites sur le terrain. Quelles sont les limites ? Seule la gĂŠnĂŠralisaUJPO EFT QSPDFTTVT EFT SFMBUJPOT PCKFDUJWFT est possible. Tout au long de l’atelier, notre problĂŠmatique a ĂŠtĂŠ d’examiner le phĂŠnomène de transition Ă partir d’Êtudes de cas de vendeurs de rue Ă Tam Ä?ảo.

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Tableau

26

Différences et complémentarité entre les approches

Source : Construction des formateurs et stagiaires.

Tableau

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Différences et complémentarité entre les approches

Source : Construction des formateurs et stagiaires.

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Rapporteur (2) 7PJDJ Ă‹ QSĂ?TFOU RVFMRVFT SĂ?TVMUBUT EF M BQQMJ cation de ces mĂŠthodes Ă notre ĂŠtude du TFDUFVS JOGPSNFM BV 7JĚ?U /BN

Tableau

28

Contexte national - Le poids du secteur informel

Source : LSF2007 et 2009, GSO, calculs des auteurs.

Le secteur informel est la deuxième source d’emplois après l’agriculture. Si les emplois agricoles reprĂŠsentent 50 % de la structure des emplois par secteur institutionnel, les

entreprises individuelles informelles occupent près d’un emploi sur quatre et contribuent Ă FOWJSPO EV 1*#

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Tableau

29

Perspectives

Source : 1-2-3 Survey, Phase 2 : Household Business and Informel Sector (HB & IS), Hanoi (2007), GSO/IRD-DIAL.

42,2 % des responsables d’unitĂŠs de producUJPO 61 QFOTFOU RV JMT POU VO BWFOJS souhaitent que leurs enfants reprennent leur activitĂŠ dans ce secteur. Nous avons complĂŠtĂŠ cette ĂŠtude menĂŠe Ă HĂ Náť™i par des entretiens approfondis. Quatre BYFT EF SFDIFSDIFT POU Ă?UĂ? QPTĂ?T USBKFDUPJSF et perspectives ; motivation ; contraintes et satisfaction ; ressources et rĂŠseaux sociaux. PrĂŠsentation des conclusions de l’enquĂŞte ÂŤ Mme Hấnh, vendeuse de vermicelle Âť proposĂŠe en semaine – Cf. JournĂŠe 2 et schĂŠma trajectoire de vie – et des enquĂŞtes qualitatives menĂŠes Ă la station – Cf. JournĂŠe 4.

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[Christian Culas] Trois types de mÊthodes ont donc ÊtÊ approchÊs : quantitative, qualitative et entretiens semi-dirigÊs. L’expÊrience, nouvelle pour les stagiaires, Êtait de conduire une enquête se rapprochant de l’enquête anthropologique. Public 7PVT �UFT WPVT JOUFSSPH�T TVS MB EVSBCJMJU� EFT emplois informels ? Stagiaire 1S�DJTPOT Ë OPVWFBV MFT EFVY BQQSPDIFT La mÊthode quantitative est avant tout utilisÊe dans les enquêtes statistiques pour obtenir des donnÊes socio-Êconomiques chiffrÊes au niveau macro. La mÊthode qualitative correspond aux enquêtes socioanthropologiques de terrain. Elle permet d’analyser une sociÊtÊ et se concentre sur un groupe d’individus ; l’approche quantitative se fonde sur des Êchantillons afin de trouver la


reprĂŠsentativitĂŠ pour un pays ou une province par exemple. Les deux dĂŠmarches diffĂŠrent : le quantitatif part d’hypothèses et utilise les informations obtenues des enquĂŞtes pour vĂŠrifier ou pas ces hypothèses ; le qualitatif part d’une constatation prĂŠalable, une prĂŠhypothèse, et utilise les enquĂŞtes pour thĂŠoriser les observations empiriques. Quant Ă la question sur la durabilitĂŠ des emplois informels, nous avons utilisĂŠ des donnĂŠes au niveau national pour constater les mutations du secteur informel. Ces dernières annĂŠes, le poids des emplois agricoles se rĂŠduit en faveur d’emplois informels. Nous pensons que le secteur informel perdurera FODPSF BV 7JĚ?U /BN MFT JOEJWJEVT RVJ exercent dans ce secteur sont peu qualifiĂŠs, sans capital, ont peu d’espoir de trouver un emploi dans le secteur formel.

que les gens de Ä?áť n ThĂľng ont une activitĂŠ de vente pour les touristes qui se rendent Ă la station. Des connexions sont donc Ă faire entre les ateliers de cette quatrième ĂŠdition des JTD !

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) Olivier de Sardan, L’enquĂŞte socioanthropologique de terrain : synthèse mĂŠthodologique et recommandations Ă usage des ĂŠtudiants, Laboratoire d’Êtudes et recherches sur les dynamiques sociales et le dĂŠveloppement local (LASDEL), Etudes et travaux n°13, Octobre 2003

[Christian Culas] On ne cherche pas les mêmes choses dans chacune des dÊmarches. L’approche qualitative cherche à être reprÊsentative : à partir d’Êchantillons limitÊs et choisis, elle veut reprÊsenter une grande population. 1PVS MF RVBMJUBUJG DFU PCKFDUJG EF j SFQS�TFOUFS une grande population  n’est pas au centre de la recherche : nous ne cherchons pas la SFQS�TFOUBUJWJU� NBJT DIFSDIPOT QMVUÙU MB vÊracitÊ, on essaie de s’approcher de la rÊalitÊ d’un petit groupe de personnes. Notre atelier a la particularitÊ de traiter un TVKFU RVJ FTU DPOOFDU� BWFD MFT USPJT BVUSFT BUFMJFST USBOTJUJPO BHSBJSF SÙMF EF MB GBNJMMF et des liens familiaux, les rÊseaux sociaux et enfin des ÊlÊments d’information sur MF TJUF EF 5ÉZ 5IJ�O &O GBJU Ë 5BN ü˽P FO posant d’autres questions que celles de l’atelier  Enjeux, tensions et conflits autour de l’appropriation du foncier , nous avons appris

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Liste des stagiaires Nom et prénom

Institut

Domaine de recherche

Niveau d'études

Université royale de Bellinin Lievens Droit et de sciences Gestion interCristina économiques culturelle (auditeur libre) (Cambodge) Institut d'études du Cao Ngọc Thành développement Hồ Économie Chí Minh Ville Chu Thị Vân Anh

Université de Thái Nguyên

Socio-anthropologie

Master

Thème de recherche actuel

Formation continue cristina@commealchez les jeunes amaison-delicatesprofessionnels sen.com

Master

Développement

ngocthanh_ier@ yahoo.com

Master

Méthodes de recherche en anthropologie

vananh_dth@ yahoo.com.vn

Đào Ngọc Minh Institut des sciences Statistique Chercheur Statistiques Nhung statistiques Département Secteurs et emplois Relations interĐỗ Nhị Linh Chercheur général de la informels nationales Ngân statistique Problèmes sociaux, Inthakesone Faculté d'économie Sociologie Enseignant ressources humaines Thaviphone et de gestion (Laos) Croyances et Ethnologie et pratiques rituelles Université Mahidol ethno-linguis- Enseignant chez les minorités Jimreivat Pattiya (Thaïlande) tique ethniques en Asie du Sud-Est Sociologie Institut de Environnement, de l'environChercheur Lê Thế Vững développement pauvreté et santé nement et de du Sud la santé Aménagement Institut de recherche Économie Doctorant, agricole dans les Lê Thị Thanh de développement agricole enseignant zones péri-urbaines Lan de Hồ Chí Minh Ville de Hồ Chí Minh Ville Département Secteurs et emplois Lê Thuỷ Tiên général de la Statistiques Chercheur informels statistique DéveloppeMaster, Réduction de la Lê Xuân Thọ Université de Hà Nội ment enseignant pauvreté Mohamad Zain Institut du monde et Histoire Doctorant Inscriptions sur stèles Musa civilisation Malais Institut d'économie Mobilité du travail et Nguyễn Hồng et politiques Economie Master trafic humain Bắc mondiales Comportements économiques des Institut de Sociologie Nguyễn Ngọc Chercheur ménages (dépenses) développement rurale Anh dans le Sud-Est du du Sud Viet Nam

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Email

nhungdnm@gmail. com buratino5789@ yahoo.com inthakesone_08@ hotmail.fr

jpattiya@gmail.com

thevunglytruong@ gmail.com

lethithanhlan1010@ yahoo.com

lttien@gso.gov.vn tho281080@yahoo. com matzen@ukm.my nghbac@yahoo. com

anhnguyencpr@ yahoo.com


Nom et prénom

Institut

Domaine de recherche

Niveau d'études

Nguyễn Thị Bảo Hà

Institut de développement du Sud

Démographie, développement

Master

Sociologie

Chercheur

Sociologie urbaine

Statistique

Master

Statistiques

ITC

Enseignant

Phạm Văn Trọng

Institut de populations et sociétés

Démographie

Master, chercheur

Phạm Việt Hà

Enda-Việt Nam

Développement

Chercheur

Sciences sociales

Chercheur

Master

Institut de développement du Sud Nguyễn Thị Thu Institut des sciences Huyền statistiques Pian Glenn (rapporteur) Institut de Prum Rithy technologie du Cambodge (ITC)

Nguyễn Thị Cúc Trâm

Pholpath Université Rajabhat Tangtrongchitr Chandrakasem

Thème de recherche actuel Structure sociales, assurance sociale dans le delta du Mékong

Email tybao510@yahoo. com cuctramnguyen@ gmail.com huyen0nguyen@ gmail.com glenn_pianx5@ hotmail.com tithyprum@yahoo. com

Impacts de l’urbanisation sur le mode de vie des populations Développement communautaire Les indications géographiques en Thaïlande

pvtrongxhh@gmail. com vietha2805@yahoo. com pholpath@hotmail. com

Souphanthong Douanglattana

EHESS

Anthropologie de l’Asie du Sud-Est

Tạ Thị Tâm

Institut d'anthropologie

Urbanisation, transitions agraires

Chercheur

Concetti

Développement, institutions

Master, Réduction de la tranthihongthuy@ chercheur, pauvreté au Nord du yahoo.com dévelopViệt Nam pement

Trần Thị Hồng Thuỷ Wan Mohtar wan ikhlas

Université de Méthodologie, Enseignant Défense nationale inter-culturalité de Malaisie

Droit et minorités ethniques au Laos

douanglat@yahoo.fr

Urbanisation : questions foncières tam110986@gmail. et adjudication des com terres agricoles

Méthodologie d’enseignement

ikhlas@upnm.edu. my

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2.3. Formation aux mĂŠthodes d’enquĂŞtes et aux pratiques de terrain en socio-anthropologie : j &OKFVY UFOTJPOT FU DPOøJUT autour de l’appropriation et de l’usage du foncier Âť Pascal Bourdeaux – EPHE, Emmanuel Pannier – universitĂŠ de ProvenceAix-Marseille 1, Olivier Tessier – EFEO

Lors des prĂŠcĂŠdentes ÂŤ JournĂŠes de Tam Ä?ảo Âť 2008 et 2009, les participants Ă l’atelier terrain ont dĂŠcrit et analysĂŠ le QSPDFTTVT E JNQMBOUBUJPO E VO QSPKFU UPVSJT UJRVF EĂ? OPNNĂ? j 'FTUJWBM EF 5ÉZ 5IJĂ?O x EBOT MB DPNNVOF SVSBMF EF ĂĽËźJ ĂĽĂ–OI $F QSPKFU EPJU ĂŞtre parachevĂŠ en 2013 (– cf. publications disponibles sur le site www.tamdaoconf.com.) Les stagiaires ont pu identifier trois phases successives de dĂŠveloppement qui se caractĂŠrisent toutes par des modalitĂŠs d’implantation et de gestion top-down, des incohĂŠrences dans la dĂŠfinition de la OBUVSF NĂ?NF EV QSPKFU FU EBOT DFMMF EF TFT ĂśOBMJUĂ?T - FNQSJTF DSPJTTBOUF EV QSPKFU TVS MFT terrains d’habitation et les terres agricoles se solde par une augmentation exponentielle

du nombre d’expropriations. L’opacitÊ des procÊdures de prise de dÊcision, le manque patent d’informations et de communication, les importantes fluctuations du niveau d’indemnisation concÊdÊ aux villageois expropriÊs et l’apparent dÊsintÊrêt des autoritÊs locales (commune) et de niveaux supÊrieurs (district, province) quant aux conT�RVFODFT TPDJP �DPOPNJRVFT EV QSPKFU sur la population locale, sont quelques uns des facteurs explicatifs de la situation conflictuelle entre les diffÊrents groupes d’acteurs et de la radicalisation des positions vis-à -vis du QSPKFU 6OF EFT QBSUJDVMBSJU�T NBSRVBOUFT EV UFS rain ÊtudiÊ, partant son intÊrêt, est que la problÊmatique – l’intervention publique dans

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MF EPNBJOF GPODJFS TPVT MB GPSNF E VO QSPKFU touristique –, se construit sous nos yeux. La problĂŠmatique transversale ÂŤ transition vĂŠcue/transition dĂŠcrĂŠtĂŠe Âť sera traitĂŠe dans le cadre de cet ÂŤ atelier terrain 2010 Âť au travers de l’Êtude des modalitĂŠs d’implantations du QSPKFU UPVSJTUJRVF FU EF TPO JNQBDU BV OJWFBV local. Cette problĂŠmatique commune aux trois groupes de travail sera abordĂŠe sous trois angles singuliers mais complĂŠmentaires : HSPVQF BOJNĂ? QBS &NNBOVFM 1BOOJFS MF QSPKFU UFM RV JM FTU WĂ?DV j E FO CBT x MFT modalitĂŠs concrètes de son dĂŠroulement au niveau local et les rĂŠactions des habitants BVUPVS B EFT FOKFVY FU EFT QSBUJRVFT E BDDĂ’T aux ressources foncières, b) des modalitĂŠs d’expropriation et de compensation, c) de la nature et des lieux d’expression des tensions et conflits entre les groupes stratĂŠgiques (revendications villageoises, rĂŠaction des autoritĂŠs), d) de la circulation de l’information et de la communication BVUPVS EV QSPKFU - groupe animĂŠ par Olivier Tessier : dans la NFTVSF PĂĄ MF QSPKFU EF EĂ?WFMPQQFNFOU touristique est dirigĂŠ et gĂŠrĂŠ de façon top-down, l’analyse en termes de groupes stratĂŠgiques et d’impact sur la population locale sera abordĂŠe avec les acteurs administratifs et politiques du niveau intermĂŠdiaire (district) et supĂŠrieur (province) ; HSPVQF BOJNĂ? QBS 1BTDBM #PVSEFBVY BĂśO EF DPNQSFOESF MFT FOKFVY MPDBVY EV QSPKFU UPVSJTUJRVF MF HSPVQF T JOUĂ?SFTTFSB aux stratĂŠgies adoptĂŠes pour insĂŠrer symboliquement (mĂŠmoire des lieux de culte), historiquement (culte des lieux de mĂŠmoire) et ĂŠconomiquement (mobilitĂŠ et BDDVFJM EF QĂ’MFSJOT MF j 'FTUJWBM 5ÉZ 5IJĂ?O x dans l’espace communal.

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(Retranscription) JournĂŠe 1, matinĂŠe du lundi 19 juillet [Olivier Tessier] Nous organisons cet atelier sur les techniques d’enquĂŞte de terrain pour la quatrième annĂŠe consĂŠcutive ; comme en 2008 et en 2009, nous allons nous dĂŠplacer dès demain matin dans un village du piĂŠmont de Tam Ä?ảo pour USPJT KPVST EF USBWBJM /PUSF PCKFDUJG FTU EF partager durant la semaine nos expĂŠriences d’enquĂŞte de terrain. PrĂŠsentation des formateurs et des stagiaires (cf. biographies des formateurs, liste des stagiaires placĂŠe en fin de chapitre) %VSBOU MB NBUJOĂ?F 1BTDBM #PVSEFBVY OPVT prĂŠsentera une rĂŠflexion sur l’histoire orale et l’utilisation des donnĂŠes orales par les IJTUPSJFOT 1VJT &NNBOVFM 1BOOJFS OPVT donnera un aperçu gĂŠnĂŠral du village de Ä?áť n ThĂľng et du contexte particulier dans lequel nous allons effectuer notre terrain. Enfin, les stagiaires venant de la province de LĂ o Cai, et qui ont participĂŠ Ă l’atelier en 2009, nous restituerons les principales conclusions EFT USBWBVY EF M BO QBTTĂ? 7PVT QPVSSF[ BJOTJ ĂŠchanger avec eux sur les modalitĂŠs d’enquĂŞte et sur les rĂŠsultats obtenus. En dĂŠbut d’aprèsNJEJ KF GFSBJ VO QPJOU TVS RVFMRVFT BTQFDUT concrets relatifs aux techniques d’enquĂŞte. &O ĂśO EF KPVSOĂ?F MFT QBSUJDJQBOUT Ă‹ M BUFMJFS TF rĂŠpartiront en trois groupes correspondant aux trois thĂŠmatiques qui seront abordĂŠes cette annĂŠe sur le terrain. Chaque groupe se DPNQPTFSB EF USPJT CJOĂ™NFT


2.3.1. Approches de l’enquĂŞte de terrain par l’histoire orale Ă travers quelques ĂŠtudes de cas en Asie du Sud-Est [Pascal Bourdeaux] Je vous propose de mener une rĂŠflexion sur l’oralitĂŠ, sur l’enquĂŞte orale telle qu’elle QFVU Ă?USF WVF QBS VO IJTUPSJFO 1PTPOT nous ainsi une première sĂŠrie de questions : comment un historien comprend-il l’enquĂŞte de terrain ? Comment ĂŠvaluer la validitĂŠ des donnĂŠes recueillies ? Cela fait-il sens pour lui ? Quel sens donner au concept d’Oral History ou ÂŤ histoire orale Âť ? Cette intervention n’a pas d’ambition thĂŠorique, car elle pourrait nous amener Ă dĂŠfinir plus prĂŠcisĂŠment les diffĂŠrentes approches et les dĂŠbats qui animent intĂŠrieurement chacune EFT EJTDJQMJOFT 1PVS QSFOESF MF TFVM FYFN ple très gĂŠnĂŠral de l’histoire contemporaine, pensons aux spĂŠcificitĂŠs de l’histoire politique qui s’intĂŠresse aux acteurs plus ou moins ĂŠminents, l’histoire sociale qui se dĂŠfinirait comme une histoire plus quantitative et prosopographique, l’histoire culturelle qui fait se rapprocher le centre d’intĂŠrĂŞt vers l’histoire des mentalitĂŠs, des sensibilitĂŠs, oĂš les donnĂŠes individuelles et psychologiques que certains rĂŠcusent priment sur les perceptions et les reprĂŠsentations‌ Je suis parti de rĂŠflexions personnelles, Ă partir d’une propre expĂŠrience de ÂŤ terrain Âť. J’ai en effet, en tant qu’historien, menĂŠ des enquĂŞtes, des FOUSFUJFOT BV 7JĚ?U /BN FO QBSUJDVMJFS BV 4VE du pays. Je voudrais ouvrir une discussion avec vous, sociologues ou anthropologues, afin de mieux comprendre comment nos sensibilitĂŠs respectives peuvent entrer en discussion. ÂŤ Approches de l’enquĂŞte de terrain par l’histoire orale Ă travers l’Êtude de quelques ĂŠtudes cas en Asie du Sud-Est Âť,

revenons un instant sur les contradictions de l’intitulĂŠ. Les historiens ne parlent pas d’enquĂŞtes de terrain mais de tĂŠmoignages, d’entretiens et de tĂŠmoins. Ils peuvent manifester diffĂŠremment les usages sociaux qu’ils font des ÂŤ informations Âť recueillies sous forme orale. Le terme ÂŤ histoire orale Âť vient de l’anglais Oral History qui pose lui aussi QSPCMĂ’NF QPVS EF OPNCSFVY IJTUPSJFOT K Z reviendrai dans mon exposĂŠ. Je dĂŠvelopperai trois angles de rĂŠflexion : 1. l’histoire orale dans les sciences historiques HĂ?OĂ?SBMFT EFT PSJHJOFT KVTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT 1980 ; 2. le passage en France de l’histoire orale aux sources orales ; 3. les programmes d’histoire orale actifs en Asie du Sud-Est, enfin la situation de l’historien et de l’oralitĂŠ au 7JĚ?U /BN OralitĂŠ et histoire ancienne : l’acteur et le tĂŠmoin Replongeons tout d’abord aux sources de M IJTUPJSF BODJFOOF FU EF MB (SĂ’DF BOUJRVF HĂŠrodote dĂŠfinit l’Histoire comme une enquĂŞte (historia), terme venant d’histor RVJ TJHOJĂśF j UĂ?NPJO x PV j KVHF x FMMF FTU considĂŠrĂŠe comme un sens d’observation. Quand le grand historien grec, Thucydide, Ă?DSJU TPO IJTUPJSF EF MB HVFSSF EV 1Ă?MPQPOOĂ’TF en date du premier siècle de notre ère, il a recours Ă des tĂŠmoins visuels, Ă des gens qui ĂŠtaient prĂŠsents et qui ont vu les ĂŠvĂŠnements (tĂŠmoins oculaires). L’oralitĂŠ est ainsi au fondement mĂŞme de l’Histoire. Avec l’apparition du christianisme et l’Êmergence de l’histoire ecclĂŠsiastique, l’histoire de M ²HMJTF M PSBMJUĂ? WB KPVFS VO OPVWFBV SĂ™MF Les tĂŠmoignages vont authentifier la rĂŠvĂŠlaUJPO SFMJHJFVTF D FTU MF SĂ™MF EV UĂ?NPJO "WBOU l’Êcrit, la transmission orale, de tĂŠmoin Ă tĂŠmoin des origines, authentifie la parole rĂŠvĂŠlĂŠe. Durant la pĂŠriode mĂŠdiĂŠvale du

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.PZFO ÉHF PDDJEFOUBM KVTRV BV e siècle, la tradition orale se perpĂŠtue avant que certains tĂŠmoignages ne passent Ă l’Êcrit. L’Êcrit prend alors une valeur primordiale sur l’oral. Le travail de l’historien n’est plus alors le recueil de tĂŠmoignages, l’historien fait taire les tĂŠmoins et se fait compilateur de documents et de tĂŠmoignages. On peut penser aux ÂŤ moines copistes Âť, bĂŠnĂŠdictins ĂŠrudits Ă l’origine de la constitution de grandes bibliothèques mĂŠdiĂŠvales. Les historiens de l’AntiquitĂŠ, des temps anciens, s’Êtaient donc EĂ?KĂ‹ QPTĂ?T MB RVFTUJPO EF M PSBMJUĂ? *M T BHJU E VOF rĂŠflexion transversale dans l’histoire et qui a ĂŠtĂŠ rĂŠactivĂŠe de façon très forte Ă partir de la fin de la seconde guerre mondiale. L’histoire contemporaine va amener Ă rĂŠflĂŠchir sur de nouvelles mĂŠthodes. Constitution des traditions historiques Le 19e siècle marque l’Êmergence de la science, de la recherche de la scientificitĂŠ, et en particulier l’Êmergence du positivisme. En s’Êcartant des temps mythiques ou thĂŠologiques, l’histoire devient ÂŤ science historique Âť ou ÂŤ science du passĂŠ Âť. De nouvelles ĂŠcoles historiques apparaissent et renforcent le rapport direct entre l’histoire FU MF EPDVNFOU 1PVS M IJTUPJSF NĂ?UIPEJRVF JM n’y a pas d’histoire sans documents, l’oral n’a BVDVO SĂ™MF Ă‹ KPVFS EBOT M Ă?DSJUVSF EF M )JTUPJSF L’Histoire devient la science des traces ĂŠcrites. On s’intĂŠresse Ă l’authenticitĂŠ de la provenance et non pas au contenu du document. L’entre-deux guerres voit l’Êmergence, en Occident, de la ÂŤ nouvelle histoire Âť. Mettons entre parenthèse la seconde guerre mondiale qui opèrera une coupure dans la chronologie historique ainsi que dans les mentalitĂŠs et, en prolongement, dans la façon d’Êcrire l’histoire aussi bien que de penser le prĂŠsent.

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1PVS M IJTUPJSF PSBMF PV Oral History au sens TUSJDU JM GBVU TF QFODIFS EV DĂ™UĂ? EFT ²UBUT 6OJT de l’après seconde guerre mondiale. Toutes les destructions, les violences, les rĂŠgimes BVUPSJUBJSFT MB 4IPBI WPOU KPVFS VO SĂ™MF USĂ’T important dans la façon de penser l’histoire contemporaine et de reconsidĂŠrer la mĂŠmoire FU MB QBSPMF EV UĂ?NPJO &O Ă‹ M 6OJWFSTJUĂ? EF $PMVNCJB Ă‹ /FX :PSL "MMBO /FWJOT KPVSOBMJTUF EFWFOV FOTFJHOBOU DSĂ?F VO QSFNJFS DFOUSF E IJTUPJSF PSBMF - PCKFDUJG FTU de recueillir des tĂŠmoignages de l’Êlite de la vie politique, ĂŠconomique ou culturelle. $F QSPKFU FTU DPODPNJUBOU E VOF OPVWFMMF invention moderne, le magnĂŠtophone : dĂŠsormais, on peut enquĂŞter et retranscrire fidèlement tout ce qui a ĂŠtĂŠ dit. On glisse ainsi de la retranscription de l’entretien oral vers la constitution de sources et d’archives orales. Dans les annĂŠes 1960, de nombreux centres E IJTUPJSF PSBMF BQQBSBJTTFOU BVY ²UBUT 6OJT et en Europe ; l’entretien comme substitut aux sources ĂŠcrites devient une pratique commune. Le dĂŠpartement de sociologie de l’universitĂŠ de Chicago va s’intĂŠresser Ă l’Êtude des minoritĂŠs et des exclus de la sociĂŠtĂŠ amĂŠSJDBJOF #JFO RVF MB EĂ?NBSDIF FTU BQQBSVF dès les annĂŠes 1920, il va rĂŠellement lancer EFT FORVĂ?UFT BVQSĂ’T E JOEJWJEVT RVJ KVTRV Ă‹ prĂŠsent, ĂŠtaient laissĂŠs en marge de l’histoire – populations noires ou hispaniques, les exclus du système social – out world. On entre dans une forme d’histoire militante. 6O BVUSF Ă?MĂ?NFOU FTU Ă?HBMFNFOU Ă‹ TPVMJHOFS le programme de conservation de la mĂŠmoire des anciens combattants, lancĂŠ par le prĂŠsident Roosevelt après la seconde guerre mondiale ; de mĂŞme en Europe, notamment en France, avec la crĂŠation du ComitĂŠ d’Êtude TVS MB MJCĂ?SBUJPO FU CJFO Ă?WJEFNNFOU MF SĂ™MF


crucial de la Shoah dans la comprĂŠhension des ĂŠvĂŠnements passĂŠs et dans la lutte contre le OĂ?HBUJPOOJTNF 1FOTPOT OPUBNNFOU BV MJWSF de Wieviorka, L’ère du tĂŠmoin, qui propose plus gĂŠnĂŠralement une rĂŠflexion sur la production du tĂŠmoignage. 6OF OPVWFMMF EJNFOTJPO GBJU KPVS DFMMF EFT anciens pays colonisĂŠs qui vont utiliser la technique de l’entretien, de l’histoire orale comme forme de militance anticolonialiste, pour rappeler l’histoire des peuples colonisĂŠs, absente de l’histoire coloniale. La rĂŠflexion se tourne d’une façon gĂŠnĂŠrale vers une ÂŤ histoire vue d’en bas Âť, l’histoire des petits, des gens simples ; on glane les ĂŠlĂŠments de la vie quotidienne et de la sociĂŠtĂŠ, on parlera plus tard d’Alltagsgeschichte ou de gesellschaftgeschichte sous l’influence de l’historiographie allemande. En Inde, cette orientation du questionnement va donner corps aux Subaltern Studies. Cette nouvelle approche de la recherche en sciences sociales va s’opposer Ă celle des anciens colonisateurs, Ă savoir la recherche anglaise mais des hautes classes, des castes indiennes. Elle se rapproche des parias, des petites-gens pour les intĂŠgrer dans le processus de transformations de la sociĂŠtĂŠ. On voit ĂŠgalement apparaĂŽtre l’influence du marxisme critique. En Angleterre, l’histoire orale se dĂŠveloppe avec l’anthropologie et la sociologie et donne naissance Ă la ÂŤ Nouvelle histoire sociale Âť – New Social History – qui prend pour cible la vie des ouvriers, des travailleurs. En Allemagne comme en Italie, en lien avec un passĂŠ fasciste, l’histoire orale WB KPVFS BQSĂ’T MB SĂ?WPMVUJPO EFT Ă?UVEJBOUT EFT BOOĂ?FT VO EPVCMF SĂ™MF Ă‹ MB GPJT FO s’intĂŠressant aux exclus, aux minoritĂŠs, aux subalternes mais ĂŠgalement en questionnant le passĂŠ fasciste.

En France, les historiens vont faire gÊnÊralement bloc contre ces approches de l’Histoire (hÊritages du comtisme, de l’histoire quantitative, du structuralisme). C’est sous M JNQVMTJPO EF %BOJFM #FSUBVY FU EV HSPVQF d’Êtude de l’approche biographique en sociologie que la situation commence à Êvoluer. On pointe donc l’intÊrêt d’une histoire de la vie quotidienne, d’une histoire des mentaliU�T EBOT MFT BOO�FT 1SPMPOHFPOT en nous rÊfÊrant, à titre d’exemple, à l’Êtude E FUIOPHSBQIJF SFMJHJFVTF RVF (FPSHFT Condominas a consacrÊe au bouddhisme populaire lao. Dans ces recherches, l’auteur prend le bouddhisme tel qu’il est vÊcu, pratiquÊ. Il s’Êloigne de l’analyse textuelle ou philologique du bouddhisme pour examiner, rÊellement, comment les gens vivent leur CPVEEIJTNF 1BSMFS EF SFMJHJPO W�DVF EF SFMJ gion populaire est Êgalement extrêmement ambigu. Ce type d’approche a ÊtÊ critiquÊ ou, du moins, a suscitÊ de nombreux dÊbats FOUSF TPDJPMPHVFT /PUPOT Ë DF TVKFU RVF MPST EF MB S��EJUJPO EF M �UVEF EF ( $POEPNJOBT sous forme d’ouvrage (publication de L’EFEO), ses initiateurs ont optÊ pour une modification EV UJUSF j #PVEEIJTNF BV WJMMBHF x SFNQMBÎBOU j #PVEEIJTNF QPQVMBJSF x 0O WPJU JDJ l’interrogation, la recherche du  populaire , du  vÊcu . En France, deux historiens de l’universitÊ E "JY FO 1SPWFODF WPOU DPNQUFS EBOT M BQQB SJUJPO EF M IJTUPJSF PSBMF $MBVEF #PVWJFS FU 1IJMJQQF +PVUBSE GPOEFOU MF j $FOUSF EF recherche mÊditerranÊen sur les ethno-textes et l’histoire orale . Contrairement à d’autres pays, l’histoire orale qui Êmerge ici n’est pas NJMJUBOUF 6O BVUSF QJMJFS FTU MB DS�BUJPO Ë 1BSJT EF M *OTUJUVU E IJTUPJSF EV UFNQT QS�TFOU *)51 FO 0O OF DPOTJEÒSF QMVT VOJRVFNFOU

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l’histoire contemporaine qui commence en France, et en Europe, avec la RĂŠvolution GSBOĂŽBJTF EF - )JTUPJSF EV UFNQT QSĂ?TFOU est post-seconde guerre mondiale. D’autres courants vont apparaĂŽtre comme l’Histoire immĂŠdiate dĂŠfinissant la pĂŠriode très contemporaine : des historiens vont mener une rĂŠflexion ĂŠpistĂŠmologique (mĂŠthodes, sens, usages) sur la manière d’expliquer l’Histoire du temps prĂŠsent considĂŠrĂŠ comme source. Avant de relever les critiques gĂŠnĂŠralement GBJUFT Ă‹ M IJTUPJSF PSBMF KF WPVESBJT NFOUJPOOFS Florence Descamps, maĂŽtre de confĂŠrences Ă l’École pratique des hautes ĂŠtudes qui, depuis de très nombreuses annĂŠes, y assure un sĂŠminaire sur l’histoire et les archives orales. Elle a publiĂŠ, en 2001, ÂŤ L’historien, l’archiviste et le magnĂŠtophone Âť. L’ouvrage de presque mille pages traite de l’histoire des usages de la source orale en sciences sociales, des diffĂŠrentes ĂŠtapes qui mènent de la conception d’un recueil d’archives PSBMFT Ă‹ TB DPOTFSWBUJPO *M Z B JDJ KF DSPJT un ĂŠlĂŠment important de distinction entre l’approche historique et l’approche socioanthropologique : un historien entre apparemment dans la logique de constituer un recueil ou un corpus de documents, il se pose la question de la conservation et de la transmission ; cela induit une question KVSJEJRVF EF DPOTVMUBUJPO FU E VUJMJTBUJPO EFT documents. Enfin, le livre aborde l’exploitation des archives orales et pose la question de l’intĂŠrĂŞt et de la richesse des sources orales.

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L’histoire orale en dĂŠbat La première difficultĂŠ porte sur l’authenticitĂŠ de la parole et de ce que l’on dit. La parole peut ĂŞtre ĂŠvolutive et un tĂŠmoin peut affirmer une chose puis revenir sur ce qu’il a dit. L’historien travaille par ailleurs Ă partir de sources provoquĂŠes, il crĂŠĂŠ sa source et oriente donc le tĂŠmoignage et son histoire. Lors de l’entretien, il ne faut pas s’intĂŠresser uniquement au contenu, qui est un contenu historique. Les ĂŠvĂŠnements se passent dans le passĂŠ mais il faut tenir compte de l’interaction, du moment de l’entretien pour comprendre les silences, les lapsus, le comportement de la personne. On se rapproche des dĂŠmarches de la sociologie, de la sociolinguistique ou de la psychologie, sous ces angles d’analyse du discours. Ici, certains historiens sont très rĂŠticents Ă s’engager dans la voie psychologisante : ÂŤ Faisons de l’histoire, pas de la psychologie ! Âť 1BSNJ MFT OPNCSFVY FòFUT pervers de l’histoire orale, on compte ÂŤ le handicap de l’a posteriori Âť : la mĂŠmoire est influencĂŠe par ce que l’on vit maintenant, par le poids du conformisme, par l’effet recherchĂŠ de prestige. Il y a distorsion, un ĂŠcart entre le NPNFOU QBTTĂ? MF NPNFOU QSĂ?TFOU FU MF SĂ™MF EF la mĂŠmoire. Se pose alors la question cruciale du rapport entre la mĂŠmoire et l’histoire. L’histoire n’est pas la mĂŠmoire ; la mĂŠmoire peut ĂŞtre un matĂŠriel pour faire de l’histoire en critiquant, en analysant, en dĂŠconstruisant cette mĂŠmoire. Le tĂŠmoignage oral est une mĂŠmoire triplement vivante : pour ce qu’elle restitue du passĂŠ, ce qu’elle rĂŠvèle du prĂŠsent, et ce qu’elle crĂŠe dans l’instant (expĂŠrience d’histoire, d’archives et de sociĂŠtĂŠ). Cette question trouble le travail de l’historien car on vient parfois contredire, pour des quesUJPOT EF NJMJUBOUJTNF TPO USBWBJM 1SFOPOT M FYFNQMF FO 'SBODF EFT FOKFVY FU EFT EĂ?CBUT


sur la colonisation depuis la Loi de 2005 oĂš les tĂŠmoins, les acteurs parlent. Ils font un travail de mĂŠmoire qu’ils veulent assimiler Ă de l’histoire. 1BSNJ E BVUSFT FòFUT QFSWFST M VO EFT QSFNJFST FTU EF TBWPJS RVJ QBSMF RVBOE KF EJT j KF x Lorsque l’on enquĂŞte, s’agit-il de la mĂŠmoire personnelle ? Est-ce une mĂŠmoire collective ? Est-ce une mĂŠmoire privĂŠe, publique ? Qui parle ? Le second problème important est l’extrapolation – un cas peut-il ĂŞtre gĂŠnĂŠralisĂŠ ? o PV MB j IJĂ?SBSDIJTBUJPO TVCKFDUJWF EFT ĂŠvĂŠnements Âť. Il importe lĂ aussi de trouver la hiĂŠrarchie entre l’expĂŠrience individuelle et collective. 5PVU M FOKFV FTU EF EĂ?NPOUSFS RVF ÂŤ l’histoire orale Âť n’est pas une histoire mais une ĂŠpreuve de l’histoire, un matĂŠriau historique permettant une reconstruction critique du temps passĂŠ. D’oĂš le fait de rĂŠcuser en France le concept Oral History (comme histoire militante et comme approche venant brouiller le rapport Histoire-mĂŠmoire), et de prĂŠfĂŠrer le terme de ÂŤ sources orales Âť (pour parler de rĂŠcits de vie ou de tĂŠmoignages qui rendent possible l’Êcriture de l’histoire) ou ÂŤ d’archives orales Âť o NĂ?NF TJ MF UFSNF B Ă?UĂ? KVHĂ? JNQSPQSF BV dĂŠbut des annĂŠes 2000 car il ne s’agissait pas ÂŤ d’archives Âť stricto sensu (les tĂŠmoignages oraux sont rassemblĂŠs hors de toute prĂŠoccupation mĂŠdiatique), qu’elles ne sont QBT UPVKPVST j PSBMFT x OPUFT NBOVTDSJUFT PV USBOTDSJQUJPOT KVTRV Ă‹ DF RVF MFT NPZFOT techniques permettent une conservation TUBCMF FU JOUĂ?HSBMF FU RV VO WJEF KVSJEJRVF n’est pas encore comblĂŠ (statut des archives, statut du tĂŠmoin).

Histoire, sources et archives orales Ă partir de 1980 Il est nĂŠcessaire de dĂŠfinir le sens des expressions histoire orale, archives orales, sources orales, ÂŤ mĂŠmoire vivante Âť. La dĂŠfinition de l’histoire orale est reliĂŠe Ă celle de l’histoire contemporaine et de l’histoire du temps prĂŠsent ou histoire immĂŠdiate #FBVDPVQ EF personnes rĂŠcusent le terme d’histoire orale pour sa forme militante : le tĂŠmoignage et le tĂŠmoin n’est pas l’historien, il est nĂŠcessaire de prendre du recul, de laisser dĂŠcanter le temps, d’analyser les informations ĂŠparses ou d’accès limitĂŠ. Le travail de l’historien est de croiser les sources, d’apporter une critique interne et externe au document. On critique, on analyse le discours, on considère des ĂŠlĂŠments provenant d’autres enquĂŞtes ou E BVUSFT TPVSDFT Ă?DSJUFT QPVS KVTUJĂśFS TJ DFMB concorde ou pas. Il existe une acceptation gĂŠnĂŠrale dans l’utilisation du terme ÂŤ sources orales Âť. L’archive orale est une archive sonore qui ne contient que des enregistrements de paroles ou de discours de personnes ou d’institutions au cours de leur activitĂŠ ordinaire. L’archive orale est recueillie par un archiviste, ethnologue, sociologue, enquĂŞteur ou historien, afin d’être dĂŠposĂŠe dans une institution, Ă disposition des chercheurs futurs. Il ne s’agit donc pas de tĂŠmoignages oraux recueillis par un chercheur lors d’une enquĂŞte ; dans ce cas-lĂ , on parle de source orale. En effet, la source orale est une source ÂŤ provoquĂŠe Âť, dans le sens qu’elle est recueillie auprès d’un tĂŠmoin par un chercheur, en fonction du type de renseignements dont il a besoin pour sa recherche. Certains parlent aussi d’une ÂŤ histoire avec tĂŠmoin Âť, d’archives orales. On rencontre ce dernier terme dans l’approche patrimoniale : on conserve ces documents

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et on essaye d’appliquer les techniques de l’archivage, de l’archivistique pour classer, dĂŠfinir et mettre Ă disposition. Dans les Archives nationales de nombreux pays, mais aussi dans les grandes entreprises, ministères ou instituts publics, une cellule d’archives orales conserve ces entretiens pour constituer des fonds au mĂŞme titre que des documents ĂŠcrits. Dans les archives militaires, par exemple, il existe depuis de très nombreuses annĂŠes un centre d’archives orales oĂš les bandes sont utilisĂŠes comme archives. Tous ces aspects posent la question du statut KVSJEJRVF M FOUSFUJFO MB TPVSDF PSBMF FTU elle une archive comme une autre ? Est-elle soumise Ă la mĂŞme loi de prĂŠservation, de mise Ă disposition après trente ans en France ? Ă€ qui appartiennent ces entretiens ? Qui en sont les auteurs ? Le tĂŠmoin ou l’enquĂŞtĂŠ ? Quelle en est, en marge, le lien Ă la propriĂŠtĂŠ intellectuelle, Ă la protection de la vie privĂŠe ? Les entretiens ont en effet un statut complexe du fait de leur nature et de la pluralitĂŠ d’acteurs individuels ou institutionnels impliquĂŠs dans leur production : en tant que matĂŠriaux de recherche, ils pourraient avoir le statut d’archives publiques, en tant que crĂŠations originales, ils se voient appliquer le droit de la propriĂŠtĂŠ intellectuelle ; constituĂŠs en corpus numĂŠriques, ils sont soumis au droit des producteurs des bases de donnĂŠes ; publiĂŠs, ils s’exposent au Code civil‌ Ces questions KVSJEJRVFT POU Ă?UĂ? QPTĂ?FT DFT EJY EFSOJĂ’SFT annĂŠes et commencent Ă ĂŞtre traitĂŠes. L’histoire orale et l’Asie du Sud-Est En Asie du Sud-Est, l’histoire orale est apparue dans les annĂŠes 1960. L’universitĂŠ de Singapour et les Archives nationales de cette citĂŠ-État ont crĂŠĂŠ, Ă la fin des annĂŠes VO $FOUSF E IJTUPJSF PSBMF E JNQPSUBODF

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NBKFVSF % BVUSFT QBZT WPOU TVJWSF DPNNF la Malaysia, la ThaĂŻlande et l’IndonĂŠsie avec la mĂŞme volontĂŠ de combler des lacunes dans l’Êtude de l’histoire contemporaine, c’est-Ă -dire la seconde guerre mondiale et les guerres d’indĂŠpendances nationales. L’histoire PSBMF EFT BODJFOT QBZT DPMPOJTĂ?T B KVTUFNFOU QPVS PCKFDUJG EF SFUSBDFS DFT QSPDFTTVT d’indĂŠpendance nationale. L’universitĂŠ de Singapour publie, depuis quelques annĂŠes, des ouvrages de mĂŠthode, de donnĂŠes de terrain en utilisant cette technique, au sens anglais du terme, Oral History. La recherche orale en Asie du Sud-Est ne semble pas montrer a priori de spĂŠcificitĂŠs, mais cette question serait Ă approfondir, en analysant par exemple les ĂŠtudes coordonnĂŠes par la sociologue Roxana Waterson (Southeast Asian Lives, Personal Narratives and Historical Experience) ou encore les travaux de Mohammad Amin Sweeney, spĂŠcialiste de littĂŠrature malaise et de son oralitĂŠ. 2VBOE FTU JM FOĂśO BV 7JĚ?U /BN 1PVS PVWSJS une discussion plus que pour y apporter une SĂ?QPOTF KF WPVESBJT UFSNJOFS FO NFOUJPO nant la publication rĂŠcente d’un recueil de tĂŠmoignages d’anciens combattants, d’anciens travailleurs aussi, qui ont participĂŠ Ă la CBUBJMMF EF ĂĽJĂ?O #JĂ?O 1IĚ&#x; ĂĽĂ‹P 5IBOI )VZĚŒO et al., 2010). Cet ouvrage est considĂŠrĂŠ, Ă mon sens et par beaucoup d’entre nous, comme un exemple d’enquĂŞtes orales et de tĂŠmoignages qui apportent Ă l’Êvènement historique. Ce livre vient mĂŞme d’être traduit en français. On peut y relever cependant deux paradoxes : alors que les vainqueurs et/ou les hautes personnalitĂŠs (ne parle-t-on pas de ÂŤ personnages historiques Âť ?) ĂŠcrivent gĂŠnĂŠralement l’histoire Ă travers notamment leurs mĂŠmoires, l’ouvrage prĂŠsente ici une situation inverse : le militaire du rang, le


citoyen de base relate son expĂŠrience ; M FORVĂ?UF FTU SĂ?BMJTĂ?F QBS EFT KPVSOBMJTUFT et non pas des historiens, cela crĂŠe une ambiguĂŻtĂŠ entre le rapport de l’historien, de M BOUISPQPMPHVF PV EV KPVSOBMJTUF Ă‹ DF USBWBJM &U QPVS MF NPJOT VO TVKFU EF EJTDVTTJPO supplĂŠmentaire < > . [Olivier Tessier] Je voudrais faire une remarque sur les rapports parfois conflictuels entre histoire et anthropologie. Il existe entre ces deux disciplines une diffĂŠrence originelle. L’anthropologie est nĂŠe de la dĂŠcouverte des peuples exotiques et donc du regard que l’on a posĂŠ sur l’Autre. S’est alors imposĂŠe l’idĂŠe qu’existaient deux types d’humanitĂŠs, le monde civilisĂŠ occidental et le monde sauvage lointain, auxquels ont ĂŠtĂŠ associĂŠs en corollaire des couples antinomiques procĂŠdant de la mĂŞme opposition fondamentale : sociĂŠtĂŠs à État vs sans État, sociĂŠtĂŠs Ă ĂŠcriture vs Ă tradition orale. Ainsi, d’un point de vue ĂŠpistĂŠmologique, il s’agissait d’ordonner les sociĂŠtĂŠs humaines en opposant le monde civilisĂŠ rĂŠservĂŠ aux historiens et le monde sauvage concĂŠdĂŠ Ă la curiositĂŠ ethnologique : l’histoire considère les individus comme les seuls agents rĂŠels du devenir humain et s’applique Ă recenser ce qui relève de leur arbitraire et se rĂŠalise dans des ĂŠvĂŠnements uniques ; l’anthropologie postule que le social est irrĂŠductible Ă l’individuel, et s’attache Ă rendre compte des formes larges et contraignantes de la

vie collective. Dans ce schĂŠma, l’histoire se fonde sur des sources ĂŠcrites dans le cadre d’une approche diachronique pour comprendre des sociĂŠtĂŠs complexes, alors que l’anthropologie a recours Ă l’observation directe et Ă l’enquĂŞte orale dans le cadre d’une approche synchronique pour comprendre des sociĂŠtĂŠs primitives sans histoire. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, et surtout avec la fin de la parenthèse coloniale, la critique unanime et radicale du vieux paradigme ĂŠvolutionniste qui postulait une diffĂŠrence originelle entre ces deux types d’humanitĂŠs a entraĂŽnĂŠ une remise en cause globale des conceptions idĂŠologiques. Les oppositions entre sociĂŠtĂŠs à État et sans État, Ă ĂŠcriture et Ă tradition orale, celle reposant sur le rĂŠgime d’historicitĂŠ ou sur le statut de l’individu infĂŠodĂŠ au tout social, n’ont plus de valeur typologique : elles ne sont plus utilisĂŠes comme des critères de diffĂŠrenciation d’aires culturelles et gĂŠographiques. Actuellement, l’histoire ne se consacre plus aux seuls grands hommes et faits mais privilĂŠgie l’Êtude des j GPSNFT MBSHFT EF MB WJF DPMMFDUJWF x ' #SBVEFM et l’anthropologie s’intĂŠresse aussi Ă l’individu et aux ĂŠvĂŠnements historiques. Cette ĂŠvolution a entraĂŽnĂŠ une rĂŠvision complète des sources d’informations qui sont mobilisĂŠes en fonction des perspectives disciplinaires : l’histoire privilĂŠgie les sources ĂŠcrites car elle dirige ses recherches vers les manifestations les plus conscientes, sinon les plus explicites, de la vie en sociĂŠtĂŠ alors que l’anthropologie s’intĂŠresse plus

< > %FVY NPJT BQSĂ’T MB UFOVF EF M 6OJWFSTJUĂ? E Ă?UĂ? VO JNQPSUBOU PVWSBHF DPMMFDUJG B Ă?UĂ? QVCMJĂ? FO 'SBODF $FMVJ DJ prĂŠsente de façon synthĂŠtique l’ensemble des questions actuelles d’historiographie auquel nous renvoyons le lecteur (Delacroix et al., 2010) – voir ĂŠgalement la bibliographie placĂŠe en fin de chapitre.

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aux fondements inconscients (LĂŠvi-Strauss, 1PVS ĂśOJS TVS MFT TPVSDFT PO T BDDPSEF BVKPVSE IVJ Ă‹ DPOTJEĂ?SFS RV JM O Z B QBT EF sociĂŠtĂŠ sans histoire ; quant Ă l’absence d’Êcriture, l’Êvidence est qu’elle n’a aucune valeur absolue. L’anthropologie sociale dispose de quatre grandes formes de production de donnĂŠes : l’observation participante, les entretiens, que OPVT BMMPOT QSBUJRVFS QFOEBOU USPJT KPVST les procĂŠdĂŠs de recension, c’est-Ă -dire les enquĂŞtes menĂŠes de façon systĂŠmatique auprès d’un ĂŠchantillonnage d’individus, et enfin les sources ĂŠcrites qui se rapprochent de la pratique historique. L’Êventail de sources ĂŠcrites est très variĂŠ : presse, littĂŠrature savante, littĂŠrature grise, archives, etc. [Emmanuel Pannier] +F WPVT TVHHĂ’SF EF DPOTVMUFS Ă‹ DF TVKFU MF UFYUF EF +FBO 1JFSSF 0MJWJFS EF 4BSEBO QSPQPTĂ? QBS l’atelier ÂŤ Comment la transition ĂŠconomique est-elle vĂŠcue et perçue par la population ? Analyse de la complĂŠmentaritĂŠ entre approches quantitative et qualitative Âť qui explique en dĂŠtail la question de la production de donnĂŠes. Ces aspects ont ĂŠgalement ĂŠtĂŠ abordĂŠs dans l’atelier de formation aux enquĂŞtes de terrain en 2009, (www.tamdaoconf.com). [Pascal Bourdeaux] Certaines personnes ont-elles une formation en histoire ? Je me permets, afin de lancer la discussion, de vous demander quels ĂŠcarts vous percevez entre les apports de votre GPSNBUJPO FU DF RVF WPVT GBJUFT BVKPVSE IVJ EBOT MF DBESF E FORVĂ?UFT EF UFSSBJO 7PVT considĂŠrez-vous comme historien/ne ou comme sociologue, anthropologue ? Que revendiquez-vous de l’approche historique ou historienne ?

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Nguyáť…n Tháť‹ Thu Thuᝡ J’ai ĂŠtudiĂŠ l’anthropologie mais notre formation n’a pas ĂŠtĂŠ très approfondie. J’utilise cette approche, notamment les entretiens approfondis, dans les enquĂŞtes sur un fait ou VO QSPCMĂ’NF DVMUVSFM 1PVSSJF[ WPVT QSĂ?DJTFS la distinction entre l’enquĂŞte sur les sources orales et les entretiens approfondis ? [Pascal Bourdeaux] J’ai effectuĂŠ des enquĂŞtes de terrain au 7JĚ?U /BN EF NBOJĂ’SF USĂ’T FNQJSJRVF $ FTU certainement pour cela qu’au dĂŠbut, et peutĂ?USF FODPSF BVKPVSE IVJ KF NBĂ”USJTBJT QFV MFT rudiments de l’enquĂŞte anthropologique. 1SFOPOT VO FYFNQMF + BJ NFOĂ? VOF FORVĂ?UF dans un village de la province de KiĂŞn (JBOH TJUVĂ?F EBOT MF EFMUB EV .Ă?LPOH L’Êtude portait sur l’histoire de la migration EF GBNJMMFT PSJHJOBJSFT EF 5IĂˆJ #Ă–OI FU EF /BN ĂĽĚ‘OI JOTUBMMĂ?FT EBOT DFUUF SĂ?HJPO au dĂŠbut des annĂŠes 1940. J’ai optĂŠ pour une ĂŠtude historique de la migration, des rĂŠseaux de migration et de l’implantation dans le monde rural du delta du MĂŠkong. En tant qu’historien, mon point de repère est M BSSJWĂ?F EFT NJHSBOUT FO QVJT K FTTBJF de retracer l’environnement culturel et social de la rĂŠgion au moment de l’arrivĂŠe. Quand KF TVJT QBSUJ EBOT MFT WJMMBHFT M JEĂ?F Ă?UBJU EF retrouver les acteurs de la migration. On est ici dans la dĂŠfinition de l’historien, de l’acteur et du tĂŠmoin. Les questions posĂŠes ĂŠtaient en MJFO BWFD M JOUĂ?SĂ?U IJTUPSJRVF 6O TPDJPMPHVF ou un anthropologue aurait certainement dĂŠbutĂŠ ses enquĂŞtes et son terrain de façon diffĂŠrente. Je me suis plus intĂŠressĂŠ Ă la mĂŠmoire, Ă ce que disaient les enquĂŞtĂŠs de leur passĂŠ, en analysant le discours. Ce qui m’intĂŠressait ĂŠtait aussi leurs impressions sur la rĂŠgion, la situation de dĂŠfrichement


et le faible dÊveloppement de l’agriculture, l’application de leurs techniques agricoles, des rapports avec les paysans du Sud, etc. 5PVUFT MFT RVFTUJPOT RVF KF NF QPTBJT FU RVF K BJ QPT�FT �UBJFOU PSJFOU�FT WFST MF QBTT� MB dimension historique et chronologique Êtait USÒT JNQPSUBOUF + BWBJT E�KË FO U�UF MB TJUVBUJPO et le contexte historique du delta du MÊkong du dÊbut des annÊes 1940. Je connaissais BVTTJ MB DISPOPMPHJF KVTRV Ë BVKPVSE IVJ MFT pÊriodes historiques, de guerre, les conflits. Cette dimension chronologique est fondamentale pour un historien. [Olivier Tessier] Dans le cadre d’une telle enquête, l’intÊrêt de l’historien est de restituer l’ÊvÊnement dans son contexte et de reconstituer avec une vision historique ce qui s’est passÊ. Dans une dÊmarche anthropologique, ou socio-anthropologique, on pourrait se poser les mêmes questions mais l’idÊe de la reconstitution est une mise en perspective historique pour FYQMJRVFS MF QS�TFOU - PCKFU EF SFDIFSDIF peut Êventuellement être le même. Nous pouvons travailler avec des outils presque comparables mais les finalitÊs peuvent être diffÊrentes suivant le champ disciplinaire et la question que l’on se pose au dÊpart. [Pascal Bourdeaux] 1PVS M IJTUPSJFO BV NPJOT FO DF RVJ NF concerne, la prise en compte du prÊsent est analysÊe comme ÊlÊment du discours sur l’histoire. La dÊmarche de l’anthropologue est inversÊe. Nguyᝅn Thu Quᝳnh

PCKFDUJG EF SFTUJUVFS VO GBJU VO Ă?WĂ?OFNFOU dans la mĂŠmoire des personnes, les donnĂŠes ĂŠcrites sont privilĂŠgiĂŠes par rapport aux donnĂŠes orales. En anthropologie, nous travaillons sur le prĂŠsent, les donnĂŠes orales tiennent une place importante. Je pense que la mĂŠthode orale dans les ĂŠtudes historiques n’est pas très diffĂŠrente des entretiens BQQSPGPOEJT /PVT FTTBZPOT UPVKPVST E VUJMJTFS des sources historiques a fortiori pour la construction d’une chronologie. Ä?ạng HoĂ ng Lan Je fais des ĂŠtudes en anthropologie. Je crois que la mĂŠthode orale est plus utilisĂŠe en histoire ; la personne qui dirige l’entretien est tenue d’Êcouter et n’est pas autorisĂŠe Ă interrompre la personne qui parle. Dans les entretiens approfondis, il est possible d’interrompre la personne enquĂŞtĂŠe ; l’enquĂŞteur a des questions ouvertes prĂŠalablement prĂŠparĂŠes, on peut interrompre le discours pour rĂŠorienter l’entretien. [Olivier Tessier] Il existe une interaction entre l’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ. On ne peut pas aller voir quelqu’un et lui demander de nous raconter sa vie, laisser se dĂŠrouler le fil de son parcours sans intervenir. L’enquĂŞteur doit guider la personne. Dans le cas de notre village d’Êtude, les conflits sont si prĂŠsents que notre intervention est quasi nulle. Nous sommes parfois obligĂŠs d’interrompre le flux de paroles. Dans des entretiens qui prĂŠsentent une profondeur historique, il est nĂŠcessaire de prĂŠparer un cadre, de guider et de relancer la personne enquĂŞtĂŠe.

Je voudrais dire quelques mots sur la diffÊrence entre les deux mÊthodes. Comme l’a dit Olivier Tessier, les Êtudes historiques ont pour

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Hem Sokly 1PVS OPVT KVSJTUFT OPVT EFWPOT SĂ?QPOESF Ă‹ la question : que s’est-il passĂŠ et qu’est-il en train d’arriver dans le prĂŠsent, afin de mettre en perspective l’avenir ? Les diffĂŠrentes mĂŠthodes se confondent. [Pascal Bourdeaux] Je pense qu’il y a confusion sur le sens de ÂŤ mĂŠthode orale Âť. L’historien qui utilise le tĂŠmoignage et le tĂŠmoin opte pour les mĂŞmes techniques qu’un sociologue ou qu’un anthropologue, sous la forme d’un entretien, d’un entretien approfondi et ĂŠventuellement en faisant de l’observation QBSUJDJQBOUF *M O Z B QBT EF EJTUJODUJPO NBKFVSF - PCKFU EF SFDIFSDIF FU j M VTBHF x RVF M PO FO fait ensuite changent mais les techniques sont les mĂŞmes. [Emmanuel Pannier] Il faut bien distinguer le fait d’utiliser l’oralitĂŠ comme mĂŠthode pour comprendre une rĂŠalitĂŠ sociale et des outils mĂŠthodologiques, comme les entretiens. On utilise ici un outil – les entretiens – au service d’une mĂŠthode o M PSBMJUĂ? 6O FOUSFUJFO BQQSPGPOEJ T JOTDSJU donc dans une mĂŠthode orale, il ne s’agit pas de deux mĂŠthodes diffĂŠrentes. [Olivier Tessier] 7PJMĂ‹ VOF EJTDVTTJPO RVF OPVT BWPOT FVF MPST des trois prĂŠcĂŠdentes universitĂŠs d’ÊtĂŠ. Il est important de diffĂŠrencier la mĂŠthode, c’estĂ -dire le construit intellectuel produit par le chercheur pour tenter de rĂŠpondre Ă une hypothèse, et la technique d’enquĂŞte qui est un outil particulier, l’entretien semi-fermĂŠ par exemple, qui est au service de la mĂŠthode. En anthropologie, on peut avoir recours Ă la triangulation, au croisement des sources,

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à l’analyse de discours comme mÊthodes. L’entretien en lui-même est un outil que l’on se donne pour rÊpondre aux besoins exprimÊs par la mÊthode.

2.3.2. Synthèse critique des rĂŠsultats des enquĂŞtes menĂŠes Ă Ä?ấi Ä?ĂŹnh en 2008 et 2009 [Emmanuel Pannier] /PUSF PCKFDUJG FTU E VUJMJTFS MFT FORVĂ?UFT rĂŠalisĂŠes depuis 2008 dans notre village d’Êtude. Revenir plusieurs fois sur un mĂŞme terrain d’enquĂŞte, analyser les donnĂŠes au bureau puis retourner Ă nouveau sur le terrain est un principe mĂŠthodologique de l’anthropologie, l’itĂŠration. Je vous renvoie aux publications des JTD disponibles sur le site www.tamdaoconf.com. Je vais tout d’abord vous prĂŠsenter quelques donnĂŠes, analyses et interprĂŠtations produites M BO QBTTĂ?FT QVJT K FYQPTFSBJ MFT RVFTUJPOT FO suspens et sur lesquelles nous travaillerons cet après-midi. Contexte gĂŠnĂŠral -B DPNNVOF EF ĂĽËźJ ĂĽĂ–OI DPNQUF RVJO[F WJMMBHFT &O GBNJMMFT Z SĂ?TJEBJFOU soit environ 9 200 personnes. La commune est peuplĂŠe de deux groupes ethniques : EF 4ĂˆO %Ă–V FU EF ,JOI FUIOJF NBKPSJUBJSF BV 7JĚ?U /BN -FT 4ĂˆO %Ă–V TPOU MFT premiers habitants des lieux, les Kinh sont arrivĂŠs par vagues migratoires successives, la plus massive ĂŠtant celle des annĂŠes 1960. Ces migrations ont ĂŠtĂŠ organisĂŠes par l’État pour peupler les rĂŠgions montagneuses. La TVQFSĂśDJF EFT UFSSFT BSBCMFT FO Ă?UBJU EF IFDUBSFT MB QSPEVDUJPO WJWSJĂ’SF BOOVFMMF QBS UĂ?UF E IBCJUBOU EF LH -F SFWFOV moyen s’Êlève Ă 5,500 millions de Ä‘áť“ng par


personne et par an. Selon les critères de la commune, les familles pauvres reprĂŠsentent 21,5 % de la population, soit 460 familles. ĂĽËźJ ĂĽĂ–OI FTU SĂ?QVUĂ?F QPVS TFT OPNCSFVY temples et pagodes. Le temple le plus GBNFVY T BQQFMMF 5ÉZ 5IJĂ?O 2VĚ”D .Ě V RVJ peut se traduire par ÂŤ Temple de la mère de la patrie du ciel de l’ouest Âť. Le site est reconnu patrimoine historique et culturel national par le ministère de la Culture et de l’Information depuis 1991. On peut ĂŠgalement se rendre au Centre de mĂŠditation bouddhiste – Thiáť n 7JĚ?O 5SĂžD -ÉN 5ÉZ 5IJĂ?O o CÉUJ FO FU RVJ accueille chaque annĂŠe des pèlerins ainsi que des moines qui rĂŠsident sur place toute M BOOĂ?F $F TJUF FTU BVKPVSE IVJ JOTDSJU BV patrimoine culturel national. La commune est devenue un lieu de tourisme religieux et d’Êcotourisme très important. Le projet de dĂŠveloppement touristique : origine et modalitĂŠs d’intervention En 2005, la commune a ĂŠtĂŠ choisie par M ²UBU QPVS M Ă?MBCPSBUJPO E VO QSPKFU EF dĂŠveloppement touristique qui s’inscrit EBOT MF DBESF E VO QMVT WBTUF QSPKFU OPNNĂ? j 5BN ĂĽË˝P x -F QSPKFU TVQQPTF Ă‹ ĂĽËźJ ĂĽĂ–OI l’expropriation de terrains cultivĂŠs et d’espace habitĂŠ. Le changement de mode de vie est radical, il annonce une transition au niveau local. Le postulat initial est que le dĂŠveloppement touristique va gĂŠnĂŠrer de nouvelles activitĂŠs, des sources de revenus qui doivent se substituer aux systèmes ruraux FYJTUBOUT -B NJTF FO ”VWSF EV QSPKFU O FTU cependant pas simple, de vives tensions entre les villageois et les autoritĂŠs locales POU GBJU KPVS -F QSPKFU TF EĂ?DPNQPTF FO plusieurs ĂŠtapes. Tout d’abord, la construction Ă Ä?áť n ThĂľng d’un parking d’une superficie de 1,1 hectare de terres rizicoles. 38 foyers

sont expropriĂŠs, avant la promulgation offiDJFMMF EF M BVUPSJTBUJPO 1BS BJMMFVST TFDUFVST privĂŠ et public s’entremĂŞlent. Les paysans prĂŠcĂŠdemment enquĂŞtĂŠs n’ont pu expliquer clairement qui ĂŠtaient les premiers initiateurs EV QSPKFU VOF DPNQBHOJF QSJWĂ?F PV M ²UBU Ce trouble est une source de conflits. Il met en lumière les manques de transparence et de procĂŠdures. Les villageois ont ĂŠtĂŠ mis dans l’obligation, notamment par l’intervention des autoritĂŠs locales mais aussi par la prĂŠsence des investisseurs privĂŠs, de signer des fiches d’expropriation. Les enquĂŞtes menĂŠes Ă partir EF NPOUSFOU RVF MF QSPKFU DPODFSOF alors pas moins de 30 hectares de terres et une soixantaine de foyers. En troisième phase, il s’agit de l’amĂŠnagement d’un complexe touristique de 160 hectares de terres cultivĂŠes et d’habitation sur quatre villages de la DPNNVOF o ĂĽĚŒO 5IĂœOH 4ËŒO ĂĽĂ–OI Ë’Q ĂĽĚ•O Ä?áť“ng LĂ­nh. 163 foyers sont concernĂŠs, soit environ 800 personnes. L’une des questions en suspens est de savoir si ces diffĂŠrentes phases ĂŠtaient originellement planifiĂŠes ou pas. Lors des premières enquĂŞtes menĂŠes en 2008 au village de Ä?áť n ThĂľng, aucun QBZTBO OF QBSMBJU E VOF QPVSTVJUF EV QSPKFU La question est donc de mieux interprĂŠter cette absence d’information – cela renforce ĂŠgalement tout l’intĂŠrĂŞt de revenir Ă plusieurs reprises sur un mĂŞme terrain d’Êtudes. -F QSPKFU EFWBJU JM SĂ?FMMFNFOU T BSSĂ?UFS BV constat dressĂŠ en 2008 ? Certaines facettes EV QSPKFU EF EĂ?WFMPQQFNFOU POU FMMFT Ă?UĂ? dissimulĂŠes ? Quelles en sont alors les raisons PCKFDUJWFT *M T BHJSB E FTTBZFS EF SĂ?QPOESF Ă‹ ces questionnements cette semaine dans les villages. "VKPVSE IVJ TFVM MF QBSLJOH B Ă?UĂ? BNĂ?OBHĂ? l’amorce d’un complexe touristique n’est pas visible, en consĂŠquence notamment des

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conflits avec la population locale. L’une des raisons principales est liĂŠe aux questions de compensations foncières. L’indemnisation des villageois expropriĂŠs : source principale de tensions et de conflits ? C’est la question centrale, elle est l’une des principales rĂŠsistances villageoises. Quelles sont les donnĂŠes disponibles concernant les compensations foncières ? Entre le premier QSPKFU o QBSLJOH o FU MB USPJTJĂ’NF QIBTF EF dĂŠveloppement – complexe touristique –, les modalitĂŠs de compensations ont changĂŠ. Les compensations monĂŠtaires pour les rizières ont augmentĂŠ de 9,8 Ă 31,6 millions de Ä‘áť“ng/ha. Ce montant fluctue en fonction des surfaces et du statut foncier – terres Ă riz, collines, habitation –, et de l’emplacement du terrain – bord de route, intĂŠrieur du village. Les indemnitĂŠs peuvent ĂŠgalement prendre d’autres formes : frais de scolarisation des enfants, formations professionnelles (broderie, vannerie), accès privilĂŠgiĂŠs Ă des terrains pour dĂŠvelopper le commerce. Lors des enquĂŞtes menĂŠes en septembre 2009, les indemnitĂŠs ĂśOBODJĂ’SFT O BWBJFOU UPVKPVST QBT Ă?UĂ? WFSTĂ?FT Notre enquĂŞte de cette annĂŠe est donc censĂŠe confirmer toutes ces donnĂŠes, car les Ă?MĂ?NFOUT RVF K Ă?WPRVF Ă?UBJFOU UPVKPVST FO cours de nĂŠgociation l’annĂŠe passĂŠe. Sur le plan mĂŠthodologique, il est primordial de bien distinguer les discours recueillis lors des enquĂŞtes de l’analyse effectuĂŠe après : autrement dit, les raisons donnĂŠes QBS MFT JOEJWJEVT FU MFT SBJTPOT PCKFDUJWĂ?FT par le chercheur. Nous sommes dans une situation de tension et de conflit, les donnĂŠes peuvent ĂŞtre influencĂŠes par l’Êtat de la TJUVBUJPO 6OF TPMVUJPO NĂ?UIPEPMPHJRVF consiste Ă contextualiser et Ă procĂŠder Ă une triangulation, c’est-Ă -dire remettre

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les donnĂŠes dans un contexte plus large, croiser ses donnĂŠes avec d’autres sources d’information. Il s’agit de mĂŠthodes qui QFSNFUUFOU E PCKFDUJWFS MF EJTDPVST Ă?NJT [Olivier Tessier] *M O Z B QBT E PCKFDUJWJUĂ? BCTPMVF EV EJTDPVST - PCKFDUJWJUĂ? FTU DFMMF EV DPOUFYUF FU EF MB personne qui l’Ênonce. Notre terrain nous montrera la variabilitĂŠ des propos tenus par diffĂŠrentes personnes sur un mĂŞme TVKFU TVJWBOU MFVS JOUĂ?SĂ?U QSPQSF FU M JOUĂ?SĂ?U du groupe auquel ils appartiennent. Si l’on WFVU TPSUJS EV DIBNQ KPVSOBMJTUJRVF PO EPJU BCTPMVNFOU BQQMJRVFS Ă‹ OPT TVKFUT BVTTJ sensibles et ĂŠmotifs soient-ils, une grille et une dĂŠmarche scientifique. [Emmanuel Pannier] "V 7JĚ?U /BN MFT UFSSFT BQQBSUJFOOFOU Ă‹ l’État. Les individus n’ont que l’usufruit de la terre, et les villageois de Ä?áť n ThĂľng en ont QMFJOFNFOU DPOTDJFODF 7PJMĂ‹ VO Ă?MĂ?NFOU de contexte Ă prendre en compte. De façon gĂŠnĂŠrale, les gens ne sont pas hostiles au changement, les paysans sont prĂŞts Ă quitter l’agriculture et l’Êlevage pour d’autres activitĂŠs plus rĂŠmunĂŠratrices. Les vietnamiens sont mobiles, et ce depuis longtemps ; ils ont certes un attachement au village natal mais ils peuvent le vivre Ă distance ; ils sont attachĂŠs Ă la terre des ancĂŞtres mais ils n’ont pas besoin de vivre forcĂŠment lĂ oĂš leurs ancĂŞtres sont nĂŠs. Quitter sa terre natale fait donc partie des pratiques. C’est un autre ĂŠlĂŠment de contexte HĂ?OĂ?SBM Ă‹ QSFOESF FO DPNQUF QPVS PCKFDUJWFS les propos recueillis auprès des villageois. Ces quelques ĂŠlĂŠments de contexte nous font comprendre que les raisons de blocage EV QSPKFU OF TPOU QBT MJĂ?FT BV GBJU EF RVJUUFS MB riziculture, de perdre les rizières mais bien Ă la


manière dont l’expropriation a ĂŠtĂŠ effectuĂŠe, et Ă ce qui est proposĂŠ comme alternative. Les modalitĂŠs mises en place sont Ă l’origine d’une perte de confiance des villageois envers les autoritĂŠs. Il s’agit non pas d’une IZQPUIĂ’TF NBJT QMVUĂ™U E VOF JOUFSQSĂ?UBUJPO effectuĂŠe l’annĂŠe dernière, qui n’est qu’une interprĂŠtation avec l’Êtat actuel des donnĂŠes dont on dispose. Ce sont donc des ĂŠlĂŠments Ă dĂŠmontrer, expliquer et vĂŠrifier. Conclusion et mise en perspective : la question de la transition Les habitants de cette commune vivent une situation de transition, le passage d’un ĂŠtat social, ĂŠconomique, symbolique Ă un autre. La question est de cerner les modalitĂŠs de ces transformations, il s’agit d’identifier l’Êtat initial, l’Êtat final visĂŠ et le processus de transformation entre les deux ĂŠtapes. Les enquĂŞtes menĂŠes en 2009 ouvrent des pistes. Il s’agit d’une transition de type top-down dirigiste, elle s’opère sur le court et moyen terme. Mais cela n’implique pas que la population reste passive. Des transformations Ă l’Êchelle locale vont modifier ce qui avait Ă?UĂ? EĂ?DSĂ?UĂ? FU QMBOJĂśĂ? QBS M ²UBU 6OF RVFTUJPO essentielle est de se demander quelle est la nature de l’intervention et de l’implication de la population locale (villageois et autoritĂŠs). Nous savons que la population n’a pas ĂŠtĂŠ DPOTVMUĂ?F EBOT MB DPODFQUJPO EV QSPKFU aucune ĂŠtude d’impact n’a ĂŠtĂŠ ĂŠtablie. Les acteurs locaux ont rĂŠagi diffĂŠremment et de façon plus ou moins organisĂŠe selon les cas, par opposition, par accomodation et par rĂŠappropriation. Nous sommes peut-ĂŞtre Ă Ä?áť n ThĂľng dans une forme particulière de transition top-down oĂš la population participe par rĂŠactions, conflits et nĂŠgociations.

[Olivier Tessier] Cette prĂŠsentation est très utile pour les informations fournies mais aussi pour la problĂŠmatique et les questions posĂŠes. Merci pour ce travail de mise en perspective et de proposition de pistes de recherches pour le terrain de cette annĂŠe. Notre propos s’articule autour de la notion de transition qui peut prendre la forme d’une ĂŠvolution progressive, d’un processus maĂŽtrisĂŠ ou, au contraire, d’une crise, d’une rupture. 1PVS GBJSF MF MJFO BWFD M BO EFSOJFS JM TFSBJU utile de travailler sur les groupes stratĂŠgiques, c’est-Ă -dire sur les groupes d’acteurs locaux qui peuvent avoir des intĂŠrĂŞts diffĂŠrents, divergents oĂš totalement opposĂŠs quant Ă la SĂ?BMJTBUJPO EV QSPKFU 0O OF QFVU JNBHJOFS RV JM y ait un groupe uniforme de paysans contre un groupe homogène de cadres locaux. Il existe des variabilitĂŠs d’opinions et d’attitudes FU OPVT EFWPOT MFT NFUUSF FO Ă?WJEFODF 6O groupe stratĂŠgique est un ensemble de personnes qui, faisant face Ă un problème donnĂŠ, vont adopter une position commune du fait de leur convergence d’intĂŠrĂŞts. Si nous envisageons l’ensemble des villageois DPOGSPOUĂ?T BV QSPKFU UPVSJTUJRVF OPVT obtiendrons un ĂŠventail diversifiĂŠ d’attitudes et d’apprĂŠciations : un commerçant situĂŠ au bord de la route verra avec enthousiasme le EĂ?WFMPQQFNFOU EV QSPKFU Ă‹ M PQQPTĂ? MPSTRVF vous perdez vos terres et votre habitation, vous ne pouvez ĂŞtre en accord avec ce type de dĂŠveloppement. Mon exemple est très caricatural mais il montre qu’il existe une palette d’attitudes et qu’il n’est pas possible de se satisfaire des discours des seuls paysans enquĂŞtĂŠs. Nous tenterons donc cette annĂŠe de travailler ĂŠgalement Ă l’Êchelle du district et de la province afin de mettre en lumière les intĂŠrĂŞts propres des responsables politiques.

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JournĂŠe 1 - après-midi du lundi 19 juillet [Emmanuel Pannier] Nous avons prĂŠsentĂŠ quelques outils de la socio-anthropologie : entretiens, observations et recensions. Nous avons ĂŠgalement abordĂŠ certains principes mĂŠthodologiques, comme l’itĂŠration et la triangulation. En anthropologie, une mĂŠthode en soi ne peut prĂŠexister Ă l’enquĂŞte. La mĂŠthode est la combinaison de ces principes et outils. Il n’existe donc pas de recette mĂŠthodologique prĂŠalable. L’une des manières pour apprendre Ă construire sa propre mĂŠthode est la pratique, le savoir-faire. En ce sens, nous aimerions proposer aux stagiaires prĂŠsents en 2009 de nous livrer leurs expĂŠriences.

2.3.3. Tensions et conflits autour des expropriations foncières : rĂŠsultat des enquĂŞtes de 2009 PrĂŠsentation PowerPoint de la restitution de l’atelier de 2009 – cf. www.tamdaoconf.com LĂŞ ThĂ nh Nam +F WPVESBJT GBJSF SĂ?GĂ?SFODF Ă‹ VO QSPKFU EF barrage ĂŠlectrique qui sera prochainement NJT FO ”VWSF EBOT MB SĂ?HJPO EF 4B 1B 6OF EFT DPNNVOFT NPOUBHOFVTFT EF MB province est peuplĂŠe de Hmong et de Dao, l’espace cultivable est d’environ 130 hectares. L’amĂŠnagement du barrage doit occuper une superficie de 90 hectares de terres arables. ÂŽ DF KPVS MF $PNJUĂ? EF QJMPUBHF EV QSPKFU O B UPVKPVST QBT QSPQPTĂ? Ă‹ MB QPQVMBUJPO

[18] Texte de lecture (Chauveau, et al., 2001).

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d’alternative aux pertes foncières. Des plaintes ont ĂŠtĂŠ ĂŠmises. Le ComitĂŠ et les responsables locaux ont promis des stages de formation pour ceux qui souhaiteraient travailler sur le site. Mais seuls les laurĂŠats au baccalaurĂŠat pourront en bĂŠnĂŠficier. Hem Sokly La loi foncière vietnamienne apporte t-elle des solutions aux procĂŠdures d’expropriation ? 7PVT BWF[ FYQMJRVĂ? RVF MFT QBZTBOT TPOU QSĂ?UT Ă livrer leurs terres si les compensations sont plus ĂŠlevĂŠes ; quels sont alors les critères pour fixer le prix de la terre ? Au Cambodge, les compensations doivent ĂŞtre ĂŠquivalentes au prix du marchĂŠ. LĂŞ ThĂ nh Nam L’État fixe une fourchette de prix en fonction des types de terrain mais des compromis sont aussi possibles avec les responsables du QSPKFU $FQFOEBOU FO OPVT O BWPOT QBT rĂŠussi Ă dĂŠterminer, Ă partir des documents officiels, le prix fixĂŠ par l’État. [Emmanuel Pannier] 4VS MB RVFTUJPO GPODJĂ’SF KF WPVT SFOWPJF BV texte de lecture proposĂŠ dans cet atelier qui traite de la pluralitĂŠ des normes [18]. Il existe une norme officielle et des normes locales informelles. Il est pertinent d’examiner les ĂŠcarts entre ces diffĂŠrents niveaux de normes mais aussi les relations qu’ils entretiennent entre eux, la manière par laquelle les acteurs sociaux ĂŠvoluent au sein de ces normes. 1BS FYFNQMF JM FYJTUF CJFO BV 7JĚ?U /BN VOF loi foncière et des règles officielles sur les compensations mais il s’agit d’examiner


comment cette loi est mise en Ĺ“uvre concrètement dans notre village d’Êtude. ApprĂŠhender la manière dont les acteurs sociaux traversent ces normes plurielles fait apparaĂŽtre d’autres dynamiques sociales. Chu Tháť‹ Vân Anh 1PVS OPUSF UFSSBJO Ă‹ ĂĽĚŒO 5IĂœOH BVDVOF ĂŠtude d’impact n’a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠe. [Olivier Tessier] - FYFNQMF EF 4B 1B FTU JOUĂ?SFTTBOU DBS JM montre que l’amĂŠnagement du territoire JNQMJRVF EFT DIPJY -F 7JĚ?U /BN DPOOBĂ”U VO dĂŠveloppement rapide depuis une vingtaine d’annĂŠes. On peut ne pas ĂŞtre d’accord avec M JNQMBOUBUJPO E VO QSPKFU UPVSJTUJRVF E VO HPMG DPNNF EBOT MF ĂśMN QSPKFUĂ? FO TĂ?BODF plĂŠnière, mais ces choix impliquent de facto un besoin de terres pour la construction d’infrastructures. Historiquement, dans tous les pays, cette nĂŠcessitĂŠ d’amĂŠnagement du territoire conduit Ă des expropriations et Ă des conflits. En France, par exemple, de nombreux conflits sont nĂŠs de la construction de lignes ferroviaires pour les trains Ă grande vitesse. Ce que l’on rencontre ici n’est donc pas un cas exceptionnel. En revanche, cela pose la question du choix politique et de la hiĂŠrarchisation des besoins. Cela pose ĂŠgalement la question de la transmission de l’information, de la communication avec les personnes concernĂŠes, de la recherche ou non d’un compromis acceptable. L’intĂŠrĂŞt de notre terrain est de pointer ces particularitĂŠs, d’identifier les procĂŠdures, et de chercher Ă mettre en lumière le dĂŠcalage entre le cadre lĂŠgal, thĂŠorique, et la rĂŠalitĂŠ vĂŠcue par les acteurs.

1PVS SĂ?TVNFS OPVT BWPOT TFVMFNFOU rencontrĂŠ les autoritĂŠs communales et villageoises les annĂŠes prĂŠcĂŠdentes. Il serait donc intĂŠressant de questionner les autoritĂŠs du EJTUSJDU FU MF $PNJUĂ? EF QJMPUBHF EV QSPKFU Nous sommes face Ă un dĂŠficit d’informations dĂŠlivrĂŠes aux paysans. Il serait donc utile de dresser une typologie des modalitĂŠs de circulation de l’information car les rĂŠponses livrĂŠes apparaissent très diffĂŠrentes ou parfois contradictoires. Est-ce que les autoritĂŠs provinciales et du district ont intĂŠrĂŞt Ă ce que l’information soit claire et transparente ?

2.3.4. Rappel sur les techniques d’enquĂŞte : la conduite des entretiens [Olivier Tessier] Socle commun Ă tout entretien La première ĂŠtape est de se prĂŠsenter soimĂŞme, nominativement, et d’expliquer dans quel cadre s’insère l’entretien, quelle est la raison de cette visite. Ensuite, il s’agit d’obtenir des informations gĂŠnĂŠrales sur la situation de la famille : niveau de scolaritĂŠ des membres de la famille, responsabilitĂŠ au niveau villageois ou communal, participation aux associations du Front de la patrie, etc. Le but est de dresser un ĂŠtat des lieux de la famille puis de caractĂŠriser l’unitĂŠ domestique. S’agitil d’un mĂŠnage simple, complexe, de deux foyers vivant sous le mĂŞme toit ? Il est intĂŠressant de reconstituer un bref historique du foyer, notamment Ă Ä?áť n ThĂľng car la plupart des foyers Kinh sont arrivĂŠs dans les annĂŠes 1960 sous l’impulsion de la politique ĂŠtatique ÂŤ Construire un OPVWFBV QBZT x 7PVT QBTTFSF[ FOTVJUF Ă‹ quelques ĂŠlĂŠments de caractĂŠrisation de

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l’Êconomie domestique : type d’habitat et de construction, ĂŠquipements ĂŠlectromĂŠnager, nombre de motos, etc. Toutes ces questions permettent de mettre la personne en confiance, de discuter de choses simples ; elles livrent ĂŠgalement une assez bonne photographie d’un village et permettent de replacer la famille dans le contexte historique et socio-ĂŠconomique local. Deux niveaux d’enregistrement des donnĂŠes Le deuxième point porte sur les modalitĂŠs d’enregistrement des donnĂŠes lors des entreUJFOT -FT BQQBSFJMT QFSNFUUFOU BVKPVSE IVJ d’enregistrer l’intĂŠgralitĂŠ d’Êchanges et discussions qui peuvent durer plusieurs heures. Cet indĂŠniable progrès technique prĂŠsente DFQFOEBOU VO JODPOWĂ?OJFOU QSBUJRVF NBKFVS le danger de se trouver rapidement noyĂŠ sous une masse ĂŠnorme d’informations qui finit par ĂŞtre ingĂŠrable, comme en ont fait l’amère expĂŠrience les stagiaires de M BOOĂ?F MPST EV EFSOJFS KPVS EF M BUFMJFS consacrĂŠ au traitement des donnĂŠes ! Aussi, l’enregistrement ne peut remplacer la prise de notes directe lors de l’entretien ; il permet de mieux organiser la collecte de l’information. On ne prend en note que les idĂŠes principales ou les ĂŠlĂŠments forts qui ressortent de l’entretien, quelques chiffres et informations inĂŠdites. Ces prises de notes ont deux avantages. D’une part, l’entretien prend une forme discursive. Il n’y a rien de plus dĂŠsagrĂŠable pour une personne enquĂŞtĂŠe que de voir une tĂŞte penchĂŠe en permanence sur un cahier ! Très vite, la personne se lasse et met fin Ă l’entretien. D’autre part, la prise de note raisonnĂŠe constitue un premier niveau EF USBJUFNFOU EF M JOGPSNBUJPO 7FOESFEJ prochain, lors de la phase de traitement

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qui sera courte, nous allons devoir nous rĂŠfĂŠrer Ă vos prises de notes ĂŠcrites ; nous reprendrons uniquement les enregistrements si un aspect important doit ĂŞtre ĂŠclairĂŠ. Cela paraĂŽt simple mais c’est un savoir-faire, une pratique. Lorsque l’on dispose d’un canevas d’entretien, on sait ce que l’on veut obtenir et l’on peut ainsi hiĂŠrarchiser les questions Ă poser ; cependant, pour ceux qui ne sont pas familiers de l’exercice, cela peut s’avĂŠrer assez compliquĂŠ. Canevas (trame) de questions et pistes de recherche Nous allons identifier un certain nombre de thèmes et d’hypothèses que nous TPVIBJUPOT BCPSEFS BV DPVST EFT USPJT KPVST de terrain. Nous allons pour cela lister des questions que nous allons organiser sous forme de questionnaires semi-ouverts ou ouverts. Ces trames d’enquĂŞtes doivent ĂŞtre considĂŠrĂŠes comme de simples ÂŤ pensebĂŞtes Âť : l’ordre des questions et des thèmes n’a aucune importance et il n’est pas obligatoire que toutes les questions listĂŠes soient systĂŠmatiquement posĂŠes Ă chaque interlocuteur. Il est donc nĂŠcessaire d’adopter un rapport distant avec le questionnaire. Concrètement, lorsque l’interlocuteur s’engage sur une piste qui vous intĂŠresse, il est essentiel de la suivre, d’essayer d’Êpuiser le thème. Cela implique de hiĂŠrarchiser en temps rĂŠel les questions, c’est-Ă -dire de leur donner une importance relative selon chaque interlocuteur. Il faut ĂŠgalement chercher Ă caractĂŠriser et Ă prĂŠciser les grandes catĂŠgories ĂŠnoncĂŠes. On ne peut se satisfaire de la rĂŠponse ÂŤ je suis agriculteur Âť. C’est un premier niveau de caractĂŠrisation : sur cette base, les questions chercheront Ă prĂŠciser les surfaces agricoles,


le nombre d’actifs agricoles, les pratiques de migration temporaire, les systèmes mixtes associant activitĂŠs agricoles et extraBHSJDPMFT FUD - PCKFDUJG FTU E BQQSĂ?IFOEFS MB diversitĂŠ et la complexitĂŠ des situations et des combinaisons possibles afin de produire une typologie de catĂŠgories et sous-catĂŠgories reflĂŠtant au mieux la rĂŠalitĂŠ. Si pour certains thèmes annexes ou secondaires vous pouvez vous contenter de rĂŠponses vagues et parfois ambiguĂŤs, pour les questions qui sont au cĹ“ur de votre problĂŠmatique, il est nĂŠcessaire de pousser MB EJTDVTTJPO KVTRV Ă‹ DF RVF WPVT BZF[ l’impression d’avoir compris et d’apprĂŠhender le problème dans son ensemble. C’est le principe de triangulation ĂŠvoquĂŠ plus haut, mais appliquĂŠ au sein d’un mĂŞme entretien et non plus entre diffĂŠrentes sources : on pose la mĂŞme question formulĂŠe de façon diffĂŠrente afin de vĂŠrifier une information clef. Passage de la question du chercheur Ă la question de terrain La confrontation des deux catĂŠgories de pensĂŠe qui caractĂŠrise la situation dans laquelle se trouve tout anthropologue lorsqu’il est sur le terrain, crĂŠe une double contrainte qui, si l’on n’y prend pas garde, peut fortement altĂŠrer les donnĂŠes recueillies lors des entretiens : - en premier lieu, il est très difficile pour des acteurs sociaux d’expliquer leur quotidien, leurs pratiques et leurs croyances ; - en second lieu, le chercheur exerce, consciemment ou non, une influence sur le processus d’enquĂŞte et donc sur la nature de l’information collectĂŠe, ne serait-ce qu’au travers de son questionnaire, lieu de rencontre de conceptions et de notions

culturellement codĂŠes. ÂŤ En outre, lorsque l’enquĂŞte recourt Ă un questionnement portant sur des actions ou des attitudes sociales, le sens de toute information issue de cette procĂŠdure ne peut ĂŞtre dissociĂŠ du sens que les circonstances font dire Ă ÂŤ l’informateur Âť : on n’a rĂŠponse qu’à ce qu’on lui a demandĂŠ, et qui inclut la manière dont on le lui Ă la demandĂŠ. Âť 1BTTFSPO Cette formule insiste sur le poids de l’observateur dans le processus d’enquĂŞte et sur son inĂŠvitable influence sur la nature de l’information collectĂŠe et, sans mĂŞme parler de manipulation intentionnelle, sur la rencontre par le biais du questionnaire de conceptions et de notions culturellement codĂŠes. Autrement dit, le sens donnĂŠ Ă une question par le rĂŠcepteur n’est pas systĂŠmatiquement, loin s’en faut, similaire ni mĂŞme comparable Ă celui que les catĂŠgories cognitives et les orientations thĂŠoriques du chercheur lui assignent. L’enquĂŞteur et l’enquĂŞtĂŠ sont donc l’un comme l’autre, et l’un par l’autre, susceptibles d’être victimes de leur propre rĂŠfĂŠrent culturel, consĂŠquence de la nĂŠcesTJUĂ? JNQĂ?SBUJWF RV JMT POU DIBDVO E PCKFDUJWFS leur position dans ce rapport artificiel que crĂŠait l’entretien. Et cela, sans mĂŞme qu’il ne soit question de l’intrusion, volontaire ou involontaire, du chercheur comme acteur du KFV MPDBM Il est donc nĂŠcessaire de reformuler vos interrogations en les dĂŠcomposant en une suite logique de questions prĂŠcises et concrètes qui ont un sens dans le rĂŠfĂŠrent culturel de la personne enquĂŞtĂŠe afin de limiter les sources d’incomprĂŠhension et, donc, les rĂŠponses ĂŠquivoques ou trop normatives. Autrement dit, il existe deux grandes catĂŠgories de questions :

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- les questions et hypothèses que le chercheur se pose Ă l’universitĂŠ, devant ses livres, et que l’on peut dĂŠnommer ÂŤ questions de bureau Âť ; - les questions qu’il va poser Ă la population, dans les villages, et qui sont des questions de terrain. Ă€ titre d’exemple, en 2008, un groupe de stagiaires posait directement au paysan la question suivante : ÂŤ Pensez-vous qu’il y a plus de vices sociaux depuis le dĂŠveloppement du tourisme en 1991 ? Âť. S’il convient de s’interroger sur la dĂŠfinition de l’expression ÂŤ vices sociaux Âť, il faut surtout se demander comment un paysan va pouvoir apprĂŠcier les tendances d’un tel phĂŠnomène. Que la rĂŠponse soit ÂŤ oui Âť, ÂŤ non Âť, ou ÂŤ je ne sais pas Âť, il sera impossible d’Êvaluer la validitĂŠ de l’information ainsi collectĂŠe et donc sa QFSUJOFODF 1PVS QBTTFS EF MB RVFTUJPO EV DIFSDIFVS BVY RVFTUJPOT EF UFSSBJO K VUJMJTF une petite astuce qui consiste Ă se mettre Ă la place de la personne enquĂŞtĂŠe en se demandant : ÂŤ Que pourrais-je rĂŠpondre si on me posait une telle question ? Âť Il ne faut pas hĂŠsiter Ă le faire.

cette relation à sens unique oÚ le chercheur vient extraire de l’information et des donnÊes. 1PVS DS�FS EF M JOUFSBDUJPO PO QFVU BWPJS recours à l’humour, on peut plaisanter avec la personne. On peut avoir de l’empathie et de l’assentiment vis-à -vis des opinions exprimÊes par votre interlocuteur :  tout à fait ,  c’est vrai ,  vous avez raison, moi c’est pareil, je n’accepterai jamais cela ! . Il s’agit de prendre position dans le sens de l’enquêtÊ pour l’encourager à continuer. On peut aussi essayer de renverser le flux d’informations et accepter de rÊpondre aux questions posÊes par la personne interrogÊe. À la fin de l’entretien, il faut Êviter de se lever et de partir brusquement, c’est dÊsagrÊable pour l’enquêtÊ. Cela peut hypothÊquer la possiCJMJU� EF MF SFODPOUSFS Ë OPVWFBV 1SFOF[ MF temps de prendre le thÊ avec lui, de discuter, de rÊpondre à ses questions. Intervention de l’extÊrieur

Attitude lors de l’entretien

Il est frĂŠquent que lors d’un entretien, une personne extĂŠrieure – un voisin, un cadre du village – pĂŠnètre dans la maison, s’installe Ă votre table et rĂŠponde aux questions Ă la place de la personne que vous interrogez. On a dans ce cas deux options possibles :

Il faut garder Ă l’esprit que les conditions de l’enquĂŞte crĂŠent une situation artificielle : nous sommes ĂŠtrangers Ă la rĂŠgion et pour certains d’entre nous au pays, nous arrivons en groupe, nous logeons dans le mĂŞme IĂ™UFM QVJT OPVT OPVT EJTQFSTPOT EBOT MF village pour interroger la population. Il y a lĂ de quoi surprendre ! Aussi, l’idĂŠal est d’arriver Ă instaurer un mode de discussion ou de conversation qui limite – car elle ne dispaSBĂ”U KBNBJT o MB EJòĂ?SFODF TUBUVUBJSF FOUSF MF chercheur et son interlocuteur. Le but est d’Êtablir un rapport de confiance, de casser

- vous estimez que cette intervention est profitable car elle vous offre la possibilitÊ d’enrichir la masse d’informations collectÊes. Il est alors impÊratif d’appliquer le principe d’identification des propos lors de la prise de notes : qui a dit telle ou telle chose ? Ne pas respecter ce principe crÊera un biais important et rendra alÊatoire le traitement de l’information ; WPVT KVHF[ RVF DFUUF JOUFSWFOUJPO FTU O�faste au bon dÊroulement de l’entretien car elle place un Êcran entre vous et votre interlocuteur. On peut alors amener poliment la

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personne à ne pas prendre part à l’Êchange en lui rappelant que ce n’est pas à elle que WPVT BWF[ QPT� MB RVFTUJPO #JFO RVF DF rappel à l’ordre soit dÊlicat à effectuer, il faut absolument Êviter de poser des questions à l’intrus car cela constituera un signal l’invitant à prendre part à la discussion. [Emmanuel Pannier] 1VJTRVF MFT FORV�UFT TF GPOU QBS HSPVQF EF deux personnes, l’un peut essayer d’amener la personne à l’extÊrieur de la maison afin de ne pas interfÊrer dans l’entretien ou d’engager une conversation sÊparÊe avec lui pendant que l’autre continue l’entretien. [Olivier Tessier] Autre point important à souligner. Lorsque vous commencez un entretien, aucun autre chercheur ne doit plus pÊnÊtrer dans la maison et perturber ainsi votre travail. En effet, l’enquêtÊ sera surpris et cette intrusion pourra rompre la relation instaurÊe en modifiant l’environnement crÊÊ. Enfin, un dernier principe : les entretiens se dÊroulent autant que possible chez les gens. Il GBVU �WJUFS EF MFVS EFNBOEFS EF WFOJS Ë M IÙUFM ou dans tout autre lieu choisi par vous pour faire l’entretien. Chez lui, l’informateur est EBOT TPO VOJWFST GBNJMJFS WPVT �UFT TPO IÙUF il vous accueille. Ce type de relation ne peut pas être crÊÊ à l’extÊrieur. En faisant l’effort de vous rendre chez votre interlocuteur, vous faites le premier pas vers l’Êtablissement d’une relation d’Êchange ÊquilibrÊe.

2.3.5. Organisation pratique de l’enquĂŞte de terrain 2010 [Olivier Tessier] Nous avons rĂŠparti les participants Ă l’atelier en trois groupes de six personnes qui TFSPOU Ă‹ MFVS UPVS EJWJTĂ?T FO USPJT CJOĂ™NFT comme autant d’unitĂŠs de base d’enquĂŞte EBOT MF WJMMBHF 1PVS DF GBJSF OPVT BWPOT pris en compte un ĂŠlĂŠment important : six QFSTPOOFT POU EĂ?KĂ‹ QBSUJDJQĂ? BVY QSĂ?DĂ?EFOUT ateliers et constituent ainsi des ÂŤ personnes ressources Âť. Nous avons donc rĂŠparti deux ÂŤ personnes ressources Âť par groupe. Enfin, OPVT BMMPOT USBWBJMMFS TVS MF NĂ?NF PCKFU EF recherche qu’en 2008 et 2009 – l’implantation EV QSPKFU UPVSJTUJRVF o NBJT BWFD EFT FOUSĂ?FT diffĂŠrentes suivant les trois groupes. [Pascal Bourdeaux] Mon groupe s’intĂŠressera Ă la sociologie des religions, aux lieux de culte et Ă leur intĂŠgraUJPO EBOT MF QSPKFU UPVSJTUJRVF /PVT JSPOT BV Centre de mĂŠditation rattachĂŠ Ă l’ordre TrĂşc Lâm YĂŞn Táť­, nous observerons les pratiques locales populaires notamment celles du Ä?ấo Mẍu 6O BVUSF Ă?MĂ?NFOU JNQPSUBOU FTU MF GFTUJWBM EF 5ÉZ 5IJĂ?O RVF OPVT QPVSSPOT Ă?UVEJFS EBOT le cadre d’interactions entre le village et les pèlerins, du rapport entre tourisme religieux et dĂŠveloppement ĂŠconomique. [Emmanuel Pannier] Nous allons aborder plus particulièrement les modalitĂŠs concrètes de mise en Ĺ“uvre du QSPKFU Ă‹ MB CBTF TVS MB GBĂŽPO EPOU JM FTU QFSĂŽV vĂŠcu et reformulĂŠ par la population locale. Trois entrĂŠes sont identifiĂŠes : FOKFVY FU QSBUJRVFT E BDDĂ’T BVY SFTTPVSDFT foncières ;

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- modalitĂŠs d’expulsion et de compensation ; - nature et lieux d’expression des tensions et conflits entre les groupes stratĂŠgiques. Nous reprendrons la typologie des groupes stratĂŠgiques afin de l’Êvaluer. [Olivier Tessier] 1PVS NB QBSU KF TVJT QBSUJ EV DPOTUBU RVF MF QSPKFU FTU BQQMJRVĂ? EF GBĂŽPO top-down, de la province au district puis au village. Les paysans semblent passifs et ĂŠcrasĂŠs par la rĂŠalitĂŠ. Dans ces conditions, il semble nĂŠcessaire d’obtenir le point de vue de chaque niveau politicoadministratif. Mais si cette orientation ne T BWĂ’SF QBT SĂ?BMJTBCMF OPUSF HSPVQF TF KPJOESB Ă la thĂŠmatique proposĂŠe par Emmanuel 1BOOJFS *M GBVESB T BEBQUFS BV UFSSBJO - VO EFT PCKFDUJGT QSJODJQBVY EF M BUFMJFS est la construction progressive de notre PCKFU EF SFDIFSDIF *M GBVU EPOD Ă?USF capable d’actualiser notre comprĂŠhension EF M PCKFU EF SFDIFS DIF FO JOUĂ?HSBOU MFT informations collectĂŠes dans la matinĂŠe ou EBOT MB KPVSOĂ?F FU EF SĂ?FYBNJOFS BV GVS FU Ă‹ mesure la pertinence de nos hypothèses et ĂŠventuellement, d’en formuler de nouvelles. Ce travail dynamique est au cĹ“ur de notre atelier et est en lien avec la thĂŠmatique de chacun des groupes. [Emmanuel Pannier] La trame d’enquĂŞte que nous allons ĂŠlaborer cet après-midi n’est pas une trame dĂŠfinitive que nous allons utiliser toute la semaine ; il va GBMMPJS M BKVTUFS FU MB NPEJĂśFS DIBRVF KPVS FO fonction de la progression de nos enquĂŞtes et des nouvelles donnĂŠes collectĂŠes. Il est important de garder Ă l’esprit ce principe d’adaptation permanent Ă la rĂŠalitĂŠ empirique du terrain.

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Pen Chorda Comment sĂŠlectionne t-on l’Êchantillon pour les entretiens ? [Emmanuel Pannier] /PUSF PCKFDUJG FTU BWBOU UPVU NĂ?UIPEPMPHJRVF et notre posture est qualitative. En effet, il n’est pas possible de produire des donnĂŠes scientifiques quantitatives exactes en USPJT KPVST E FORVĂ?UFT OJ EF DPOTUJUVFS VO ĂŠchantillon prĂŠcis ĂŠtabli en fonction du statut, EF M ÉHF FUD /PVT DIFSDIPOT EFT EPOOĂ?FT qualitatives avant tout. [Olivier Tessier] La question de l’Êchantillon se pose chaque annĂŠe ; notre travail est-il reprĂŠsentatif ? Je OF TBJT QBT EV UPVU TJ MFT DSJUĂ’SFT E ÉHFT EF genre, etc., sont des critères pertinents qui permettraient d’Êlaborer un ĂŠchantillon effectivement reprĂŠsentatif. Nous ne pouvons effectuer d’enquĂŞtes prĂŠliminaires pour dĂŠterminer la nature et la diversitĂŠ des critères permettant d’obtenir un ĂŠchantillonnage reprĂŠsentatif. Le temps manque. La seule possibilitĂŠ serait d’essayer de viser une sorte d’exhaustivitĂŠ, ce qui est JNQPTTJCMF FO USPJT KPVST EF UFSSBJO "VTTJ EBOT une situation de crise, nos rĂŠsultats seront seulement reprĂŠsentatifs du cas de ce village NJT TPVT UFOTJPO QBS M JNQMBOUBUJPO E VO QSPKFU exogène top-down 1BS BJMMFVST MB TĂ?MFDUJPO alĂŠatoire est une pratique scientifique. Dans la mesure oĂš l’on adopte une dĂŠmarche socio-anthropologique qualitative et que l’on se base sur un choix alĂŠatoire des personnes JOUFSSPHĂ?FT KF QFOTF RVF MF QSPCMĂ’NF EF l’Êchantillon ne se pose pas. Enfin, et peut-ĂŞtre surtout, notre ambition qui est d’identifier les groupes stratĂŠgiques


en prĂŠsence est antinomique avec la constitution prĂŠalable d’un ĂŠchantillonnage reprĂŠsentatif. En effet, l’existence de ces groupes stratĂŠgiques n’est pas (uniquement) dĂŠterminĂŠe par la proximitĂŠ statutaire de leurs membres apprĂŠhendĂŠe sur la base d’un nombre fini de critères, mais par le partage Ă un moment donnĂŠ d’une position commune GBDF Ă‹ M JNQMBOUBUJPO EV QSPKFU UPVSJTUJRVF

Division par sous-groupes et prĂŠparation de la trame d’enquĂŞte en fonction de chaque thème. Le travail consiste Ă : identifier quelques pistes de recherche et questions de chercheur en fonction des thèmes propres Ă chaque sous-groupe et en fonction des informations issues des enquĂŞtes prĂŠcĂŠdentes sur la situation dans la commune ; reformuler chacune des questions en sĂŠrie de questions de terrain.

JournĂŠes 2, 3 et matinĂŠe de la journĂŠe 4

L’atelier se dĂŠplace au village de Ä?áť n ThĂľng de la commune de Ä?ấi Ä?ĂŹnh afin de conduire des enquĂŞtes prĂŠparĂŠes en cours. Les entretiens avec les villageois se font en binĂ´me ; chaque formateur organise sa journĂŠe en suivant un sous-groupe dont il a la charge.

JournĂŠe 4, après-midi du jeudi 22 juillet 2.3.6. Analyses collectives des donnĂŠes : croisements et interprĂŠtations [Olivier Tessier] Nous voilĂ revenus Ă la station de Tam Ä?ảo. Afin de suivre une dĂŠmarche scientifique, qui pourrait s’apparenter Ă la restitution d’un terrain ou Ă l’Êcriture d’un article, deux phases distinctes doivent ĂŞtre rĂŠalisĂŠes : la synthèse des donnĂŠes ; le traitement et l’analyse pour la restitution. Afin de vous laisser la libertĂŠ de produire vos propres analyses et de croiser vos rĂŠsultats avec ceux obtenus par les deux autres groupes, nous vous proposons un cadre synthĂŠtique d’analyse des donnĂŠes. -F HSPVQF EPOU K BJ MB DIBSHF T BUUBDIFSB Ă‹ dĂŠfinir le contexte dans lequel s’est implantĂŠ le QSPKFU FO JEFOUJĂśBOU QPVS DFMB MF SĂ™MF KPVĂ? QBS les acteurs aux diffĂŠrents ĂŠchelons politicoadministratifs (province, district, commune FU WJMMBHF - PCKFDUJG FTU E Ă?MBCPSFS VO PSHBOJ HSBNNF EV QSPKFU /PVT OPVT QMBĂŽPOT FO situation de neutralitĂŠ. L’organigramme restiUVFSB MF NPEF E JOUFSWFOUJPO EV QSPKFU EFT autoritĂŠs et de la compagnie privĂŠe depuis MB QSPWJODF KVTRV BV OJWFBV EFT WJMMBHFT $F qui se passe au niveau des villageois n’est pas de notre ressort ; il va donc nous falloir hiĂŠrarchiser les informations afin d’expliquer concrètement Ă quelqu’un qui ne serait KBNBJT WFOV TVS MF UFSSBJO DPNNFOU T FTU dĂŠveloppĂŠ chronologiquement et spatialeNFOU MF QSPKFU

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[Pascal Bourdeaux] Dans mon groupe, nous allons nous focaliser sur la question de la transition Ă travers l’utilisation des lieux de culte Ă deux dates butoirs, le dĂŠbut de la dĂŠcennie 1990 et BVKPVSE IVJ /PVT QBSUPOT EV NPNFOU PĂĄ MF site a ĂŠtĂŠ classĂŠ patrimoine national. Il s’agit de voir comment l’État est intervenu dans l’Êlaboration de ce site touristico-religieux. Nous verrons ĂŠgalement le glissement d’un tourisme religieux Ă un ĂŠcotourisme. Enfin, nous examinerons le rapport entre le festival, les activitĂŠs touristiques et les impacts ĂŠconomiques et sociaux. Je rappelle que nous sommes dans un travail de synthèse des donnĂŠes qui vise Ă recenser toutes les informations, nous rĂŠflĂŠchirons ensuite sur des hypothèses ou des analyses. [Emmanuel Pannier] Notre intĂŠrĂŞt est de synthĂŠtiser et de hiĂŠrarchiser toutes les informations dispoOJCMFT TVS MB NJTF FO ”VWSF EV QSPKFU FU TVS les rĂŠactions des villageois. Nous avons optĂŠ pour une subdivision thĂŠmatique : - foncier : type de terrain, mode d’utilisation des terres, etc. ; - activitĂŠs extra-agricoles, sources de revenus monĂŠtaires et degrĂŠ de dĂŠpendance Ă l’agriculture ; - circulation de l’information : l’idĂŠe est d’identifier ce que savent les paysans du QSPKFU FU DPNNFOU JMT MF TBWFOU - reconversion d’activitĂŠs envisagĂŠes après expropriation ; - compensations : compensations promises, reçues et modes d’utilisation ; - revendications ; - concessions de l’État Ă la population depuis MF EĂ?NBSSBHF EV QSPKFU DF RVJ FTU QSĂ?WV DF

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qui est en cours de nÊgociation, ce qui est effectif ; - utilisation de l’outil conceptuel des  groupes stratÊgiques .

L’après-midi est consacrĂŠe aux travaux par groupe afin d’organiser et de synthĂŠtiser les donnĂŠes collectĂŠes dans le village. Chacun des trois groupes se rĂŠunit avec son formateur respectif pour traiter les informations recueillies en fonction de la thĂŠmatique spĂŠcifique dĂŠfinie. Ce premier niveau de traitement des donnĂŠes – classement et synthèse – s’effectue jusqu’au vendredi matin. Il sera utilisĂŠ lors de la sĂŠance d’analyse et d’interprĂŠtation collective afin d’Êtablir une synthèse analytique commune. Ă€ partir de la synthèse gĂŠnĂŠrale, les stagiaires prĂŠparent la prĂŠsentation orale de l’atelier pour la journĂŠe de restitution du samedi.


JournĂŠe 5, matinĂŠe du vendredi 23 juillet Chaque sous-groupe finalise le travail d’organisation et de synthèse des donnĂŠes. L’objectif est d’Êlaborer une synthèse commune des donnĂŠes recueillies et des analyses et interprĂŠtations effectuĂŠes, centrĂŠe sur la notion de transition, transition dĂŠcrĂŠtĂŠe/vĂŠcue. Après avoir laissĂŠ les stagiaires prĂŠsenter et croiser leurs analyses et interprĂŠtations, les formateurs proposent une trame pour prĂŠsenter et analyser les donnĂŠes. Le produit final est une synthèse commune des informations, analyses et interprĂŠtations sur le projet de dĂŠveloppement touristique et sur son implication en terme de transition sociale, culturelle et ĂŠconomique. Une personne dĂŠsignĂŠe au sein de chaque groupe prĂŠsente oralement une synthèse des donnĂŠes.

[Olivier Tessier] 7PVT BWF[ BDDFQUĂ? EF j KPVFS MF KFV x RVJ consistait Ă ne prĂŠsenter que les donnĂŠes sans entrer dans l’interprĂŠtation. Cela donne une richesse aux prĂŠsentations et constitue une base solide de travail. Reprenons ensemble certains points forts. Concernant l’environnement institutionnel qui nous a ĂŠtĂŠ prĂŠsentĂŠ, on est frappĂŠ par la complexitĂŠ du montage et la difficultĂŠ que nous avons ĂŠprouvĂŠe pour comprendre le GPODUJPOOFNFOU EV QSPKFU +F NF EFNBOEF TJ ce n’est pas une façon de rendre le système totalement opaque, de donner peu de prise sur le dispositif. On a l’impression que l’on passe d’un système planifiĂŠ top-down Ă un système planifiĂŠ entremĂŞlant privĂŠ et public avec une

ÂŤ touche Âť top-down &O ĂśO EF DPNQUF K BJ l’impression que les systèmes d’intervention ne se transforment pas, que seuls les acteurs changent : on fait intervenir des acteurs de la sphère du privĂŠ mais la base est ĂŠcrasĂŠe et soumise au bon vouloir des ĂŠchelons politico-administratifs supĂŠrieurs. Il semble que les paysans n’ont pas la capacitĂŠ de faire remonter leurs revendications ni d’intervenir sur la procĂŠdure : ils interviennent simplement QPVS SĂ?DMBNFS EF M Ă?HBMJUĂ? EF MB KVTUJDF TVS MF niveau d’indemnisation. La prĂŠsentation des rĂŠactions paysannes montre la diversitĂŠ des stratĂŠgies des acteurs locaux en fonction EF MFVS SFMBUJPO BV QSPKFU $FUUF BQQSPDIF est un point fort car elle ĂŠvite l’amalgame RVJ TJUVFSBJU MF CMPD EFT QBZTBOT E VO DĂ™UĂ? FU MF QSPKFU EF M BVUSF +F OPUF Ă?HBMFNFOU MB manière dont sont rĂŠutilisĂŠs les lieux de culte : on passe de cultes populaires locaux Ă une vision globale et nationale comme support EF EĂ?WFMPQQFNFOU Ă?DPOPNJRVF 6OF EFT SĂ?VTTJUFT EV HSPVQF RVJ B USBWBJMMĂ? TVS MF TVKFU a ĂŠtĂŠ de cerner ce processus de rĂŠcupĂŠration. [Pascal Bourdeaux] Ce qui me paraĂŽt intĂŠressant dans ces enquĂŞtes et dans l’articulation des trois groupes est l’observation par ĂŠchelle. On voit MFT FOKFVY FU MFT DPOøJUT BV OJWFBV MPDBM BJOTJ RVF MFT UFOTJPOT RV FOHFOESF MF QSPKFU EĂ?DJEĂ? aux ĂŠchelons supĂŠrieurs. [Emmanuel Pannier] Nous avons ordonnĂŠ et organisĂŠ les donnĂŠes en vue de les interprĂŠter. Mais Ă ce OJWFBV EFT BOBMZTFT TQPOUBOĂ?FT GPOU EĂ?KĂ‹ KPVS - JOUFSQSĂ?UBUJPO FU MF DMBTTFNFOU EFT EPOOĂ?FT TPOU UPVKPVST QMVT PV NPJOT JNCSJ quĂŠs. Il est cependant important de bien distinguer ces deux phases en anthropologie, car la part d’interprĂŠtation est importante

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

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FU QBT UPVKPVST DPOUSÙM�F 1PVS SFQSFOESF MF UFSNF EF + 1 0MJWJFS EF 4BSEBO JM GBVU RVF MF lecteur puisse distinguer  ce qui existe , c’est-à -dire les donnÊes, de  ce qui est possible , c’est-à -dire nos interprÊtations. 6OF UFMMF EJTUJODUJPO QFSNFU EF NJFVY T�SJFS les situations de terrain et donc de valoriser l’aspect analyse critique. Cette phase d’organisation des donnÊes distincte de leur interprÊtation est donc importante à la fois pour celui qui va lire notre travail mais aussi pour nous, car nous pouvons facilement prendre une interprÊtation pour une donnÊe qui existe. Il existe un texte de + 1 0MJWJFS EF 4BSEBO  La violence faite aux donnÊes. Risque interprÊtatif et lÊgitimation empirique en anthropologie, ou de quelques figures de la surinterprÊtation  – Enquête,

Figure

57

n° 3, p.31-59 – qui explique comment ĂŠviter les biais de l’interprĂŠtation. Notre travail consiste maintenant Ă croiser les donnĂŠes des trois groupes pour en dĂŠduire une analyse commune autour de la question de la transition dĂŠcrĂŠtĂŠe, imposĂŠe, vue d’en IBVU EF DFMMF E VOF USBOTJUJPO QFSĂŽVF QMVUĂ™U vue d’en bas ; en quoi la situation observĂŠe dans toute sa diversitĂŠ peut-elle, ou non, ĂŞtre appliquĂŠe Ă ce qu’on appelle une situation de transition ? Il existe une situation prĂŠalable et une situation finale. Quels sont les processus FO KFV FOUSF DFT EFVY Ă?UBUT /PUSF CVU FTU d’essayer de traiter de manière analytique, et sur fond de transition, toutes les donnĂŠes prĂŠsentĂŠes. Nous vous proposons de partir de ce cadre gĂŠnĂŠral.

Transition : cadre d’analyse

Source : Construction des auteurs.

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JournĂŠe 5, après-midi du vendredi 23 juillet [Olivier Tessier] Sur la base des restitutions de la matinĂŠe, nous vous proposons de diviser les prĂŠsentations en quatre grandes parties. t -B QSFNJĂ’SF QBSUJF JOUSPEVDUJWF TF DPNQPTF de trois sous-parties : les ĂŠlĂŠments de conUFYUF M IJTUPJSF EV QSPKFU FU Ă?WFOUVFMMFNFOU la capitalisation Ă partir des ateliers terrain EFT BOOĂ?FT QSĂ?DĂ?EFOUFT 1PVS MF EFSOJFS point, il s’agit de bien identifier les moments FU MFT Ă?UBQFT EV QSPKFU PĂĄ TF TPOU JOTĂ?SĂ?T MFT ÂŤ ateliers terrain Âť successifs. Cela permettrait d’expliquer comment et pourquoi nous avons vu certaines choses l’an dernier que nous avons mal interprĂŠtĂŠes car nous nous situions en pleine phase d’Êvolution EV QSPKFU FU OF EJTQPTJPOT EPOD QBT EF UPVT les ĂŠlĂŠments de comprĂŠhension. Cela nous QFSNFUUSBJU Ă?HBMFNFOU EF KVTUJĂśFS QPVSRVPJ nous pensons avoir cette annĂŠe une vision HMPCBMF EV QSPKFU t -B EFVYJĂ’NF QBSUJF T JOUĂ?SFTTF Ă‹ MB USBOTJ tion dĂŠcrĂŠtĂŠe, imposĂŠe. Elle reprend les rĂŠsultats du groupe qui a travaillĂŠ sur l’organigramme et le système de prise de dĂŠcisions top-down. Cette partie intègre ĂŠgalement certains ĂŠlĂŠments rĂŠvĂŠlĂŠs par MF HSPVQF EF 1BTDBM #PVSEFBVY DPODFSOBOU l’utilisation des lieux religieux et leurs Ă?WPMVUJPOT -F GFTUJWBM EF 5ÉZ 5IJĂ?O BQQBSBĂ”U ici comme un alibi puisqu’à l’arrière plan EV QSPKFU UPVSJTUJRVF HMPCBM MB EJNFOTJPO religieuse s’estompe. Nous pouvons parler

d’utilisation et mĂŞme d’instrumentalisation des pratiques religieuses et des lieux de culte au profit d’une pure logique de dĂŠveloppement ĂŠconomique. Le dernier point consiste Ă s’interroger sur la façon dont les autoritĂŠs publiques et les compagnies privĂŠes envisagent l’avenir et la reconversion des paysans après qu’ils aient ĂŠtĂŠ expropriĂŠs. t -B USPJTJĂ’NF QBSUJF QPTF MB RVFTUJPO EF MB transition vĂŠcue, perçue par les paysans. Il s’agit du travail effectuĂŠ par le groupe E &NNBOVFM 1BOOJFS /PVT SFQSFOESPOT ĂŠgalement la partie concernant les cultes religieux et les croyances populaires, c’estĂ -dire tous les aspects du domaine religieux qui viennent ÂŤ d’en bas Âť et qui ĂŠchappent BV DPOUSĂ™MF EV $PNJUĂ? EF HFTUJPO EV TJUF t -B EFSOJĂ’SF QBSUJF FTU DPODMVTJWF JOUFS prĂŠtative et analytique. En gardant en mĂŠmoire les sĂŠances plĂŠnières proposĂŠes Ă HĂ Náť™i, comment caractĂŠriser la transition que nous venons de dĂŠcrire ? Quelles sont ses caractĂŠristiques ? En quoi est-elle singulière et, a contrario, prĂŠsente-t-elle des ĂŠlĂŠments communs avec les concepts forgĂŠs sur d’autres rĂŠalitĂŠs ? Nous allons tenter de caractĂŠriser cette dynamique tout en gardant une posture critique vis-Ă -vis des catĂŠgorisations thĂŠoriques existantes. Discussions et commentaires sur la trame et sur la manière de croiser les donnĂŠes et les interprĂŠtations des trois groupes.

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(Retranscription)

travail collectif de production de donnÊes et d’interprÊtation d’une même rÊalitÊ sociale par une vingtaine de stagiaires vietnamiens et de la rÊgion sud-est asiatique.

[Emmanuel Pannier]

Rapporteur 1

Nous avons rĂŠalisĂŠ un travail d’enquĂŞte de terrain pour la troisième annĂŠe consĂŠcutive. Cet atelier de formation vise Ă ĂŠtablir un processus cumulatif et itĂŠratif, par aller-retour entre l’analyse des donnĂŠes et le terrain. Il B Ă?HBMFNFOU QPVS PCKFDUJG MB USBOTNJTTJPO de principes mĂŠthodologiques propres Ă l’approche socio-anthropologie. Il s’agit d’un processus d’apprentissage – par la pratique – de la mĂŠthode anthropologique. Les analyses QSĂ?TFOUĂ?FT BVKPVSE IVJ TPOU MF SĂ?TVMUBU E VO

Je vais vous prÊsenter les rÊsultats d’enquêtes de terrain rÊalisÊs dans la commune de ü˟J üÖOI EJTUSJDU EF 5BN ü˽P FU QPSUBOU TVS VO QSPKFU EF E�WFMPQQFNFOU UPVSJTUJRVF

2.3.7. Restitution synthÊtique de l’atelier

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6

ü˟J üÖOI FTU VOF DPNNVOF SJDIF FO SFTTPVS ces naturelles et humaines ; elle bÊnÊficie de sites touristiques et religieux connus comme 5ÉZ 5IJ�O FU M *OTUJUVU EF N�EJUBUJPO EF 5SÞD -ÉN &O KVJMMFU MF $PNJU� QPQVMBJSF EF MB QSPWJODF EF 7ǥOI 1IÞD B BQQSPVW� MF plan d’amÊnagement du site touristique et

Province de VÄŠnh PhĂşc, des districts et communes

Source : Construction des stagiaires.

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DVMUVSFM EF 5ÉZ 5IJĂ?O -F $PNJUĂ? B BVUPSJTĂ? FO MB 4"3- #Ă–OI .JOI Ă‹ SĂ?RVJTJUJPOOFS EFT terres de rizières pour construire un parking EF IB FO MJFO BWFD MF GFTUJWBM EF 5ÉZ 5IJĂ?O Trois annĂŠes plus tard, la surface concernĂŠe s’Êlevait Ă 30 ha de terres. Mais le vĂŠritable FTTPS EV QSPKFU EBUF EF KVJMMFU BWFD MF MBODFNFOU PĂłDJFM EV QSPKFU JOUJUVMĂ? j 4JUF UPVSJTUJRVF FU TQJSJUVFM EF 5ÉZ 5IJĂ?O x TVS VOF surface d’environ 160 ha appartenant Ă quatre WJMMBHFT o ĂĽĚ•OH -Ă“OI Ë’Q ĂĽĚ•O ĂĽĂ?O 5IĂœOH FU 4ËŒO ĂĽĂ–OI Le niveau d’indemnisation des paysans expropriĂŠs est officiellement fixĂŠ Ă 58,3 millions EF 7/% QBS sĂ o o N¤ -F QSPKFU FTU EF UZQF top-down. Le ComitĂŠ populaire de la province, par la dĂŠcision n° 4242 du 3 dĂŠcembre B OPNNĂ? MB TPDJĂ?UĂ? -ËźD )Ě•OH NBĂ”USF E ”VWSF EV QSPKFU -F TFSWJDF QSPWJODJBM EF construction est en charge de l’Êlaboration du plan d’amĂŠnagement, sachant qu’il a par la suite passĂŠ un contrat avec une sociĂŠtĂŠ par actions de design et d’investissement pour la conception du plan d’amĂŠnagement. Ce dernier a ĂŠtĂŠ validĂŠ par le service de construction et par le ComitĂŠ populaire provincial par la dĂŠcision n° 2112. Le district de Tam Ä?ảo est chargĂŠ par la province

de l’arpentage des terres pour procĂŠder BVY JOEFNOJTBUJPOT -F SĂ™MF EFT BVUPSJUĂ?T communales se limite Ă une sensibilisation EF MB QPQVMBUJPO BV QSPKFU -FT BVUPSJUĂ?T MPDBMFT FU MB TPDJĂ?UĂ? -ËźD )Ě•OH se sont engagĂŠes auprès de la population villageoise sur les retombĂŠes ĂŠconomiques EV QSPKFU UPVSJTUJRVF QSJODJQBMFNFOU FO termes de formation et crĂŠation d’emplois. Dans les faits, les villageois ne croient guère Ă l’investissement ni aux promesses faites. Si les 160 hectares de terres agricoles et d’habitation ont bien ĂŠtĂŠ saisis, les habitants continuent d’y construire maisons et autres ouvrages en dur. Rapporteur 2 Abordons quelques aspects de la transition SFMJHJFVTF TVS DFUUF DPNNVOF -F TJUF EF 5ÉZ ThiĂŞn est classĂŠ patrimoine culturel national depuis 1991. Depuis une vingtaine d’annĂŠes, MB QSPWJODF EF 7ÇĄOI 1IĂžD T JOWFTUJU EBOT MB restauration des temples et pagodes de la rĂŠgion. Depuis 2002, elle gère les pagodes et les temples locaux, et a crĂŠĂŠ un ComitĂŠ de gestion chargĂŠ de l’entretien et de la gestion des temples au niveau local.

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Temple Thượng après restauration, réouvert en 2009

Crédits : Nguyễn Thị Thu Thủy - 7/2010.

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Porte du temple Thõng, en construction

Crédits : Pascal Bourdeaux – 7/2010.

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Le projet touristique

Crédits : Nguyễn Thị Thu Thủy – 7/2010.

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Le projet touristique

Crédits : Pascal Bourdeaux – 7/2010.

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Selon les estimations du ComitĂŠ de gestion, 180 000 personnes ont ĂŠtĂŠ enregistrĂŠes durant les six premiers mois de 2010. Les temples se sont multipliĂŠs ces dernières annĂŠes : temples dĂŠdiĂŠs au culte de la Sainte-Mère construits par les villageois en lien avec les activitĂŠs touristiques, temple .Ě V 4JOI DPOTUSVJU QBS VOF FOUSFQSJTF QSJWĂ?F UFNQMF 5SĂ–OI EBOT MB DPNNVOF MJNJUSPQIF de Tam Quan ĂŠdifiĂŠ par les villageois, etc. Les indemnisations permettent d’investir dans le UPVSJTNF 1SFOPOT RVFMRVFT FYFNQMFT UJSĂ?T des enquĂŞtes de terrain :

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Institut de mĂŠditation

CrĂŠdits : Nguyáť…n Tháť‹ Thu Thᝧy, Pascal Bourdeaux – 7/2010.

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- investissement dans la construction d’un temple suite aux indemnisations d’expropriation de cinq hectares de terres agricoles ; - construction d’auberges pour les touristes ; - commerces près de la station de bus situĂŠe proche du site, placements financiers sur un compte rĂŠmunĂŠrĂŠ. L’Institut de mĂŠditation, inaugurĂŠ il y a cinq ans, participe ĂŠgalement grandement au nouveau programme de dĂŠveloppement touristique insufflĂŠ sur la commune.


Rapporteur 1 &YBNJOPOT MB TJUVBUJPO FO MJFO BWFD MF QSPKFU vu  d’en bas . Nous avons classÊ les foyers en fonction de leurs revenus agricoles :

Ă‹ DFVY NBKPSJUBJSFT RVJ OF EĂ?UJFOOFOU RVF quelques terres de culture comme ressources principales. Rapporteur 2

- foyers vivant de l’agriculture et de travaux pour d’autres propriÊtaires fonciers ; - foyers vivant de l’agriculture et de petits commerces ; - foyers dont le revenu n’est pas issu de ressources agricultures.

Quels sont les liens avec les formes de transition ? La transition implique une transformation dynamique d’un Êtat à un autre et donc le passage par un Êtat transitoire. Nous avons utilisÊ cette dÊfinition comme cadre d’analyse de la situation de transition.

Les effets de l’expropriation divergent largement selon les catĂŠgories de foyer. Le dĂŠcalage est grand entre les promesses des autoritĂŠs locales et ce que les paysans ont rĂŠellement perçu hors indemnisations financières : location de terres pour l’exploitation commerciale, fourniture de riz pour une annĂŠe, formation, etc.

Ces transformations sont analysĂŠes sous trois aspects distincts : ĂŠconomique, social et religieux.

Les informations vers les villageois circulent selon trois canaux : officiel via les autoritĂŠs – peu crĂŠdibles pour les habitants – ; rĂŠseau familial ; discussions informelles – sources de rumeurs et d’accroissement des tensions. Finalement, le manque d’information est flagrant : - plan d’amĂŠnagement : les habitants ne TBWFOU QBT RVF MF QSPKFU DPODFSOF VOF TVSface de 163 hectares ; - incertitudes portant sur les lieux de rĂŠinstallation ; - variation des indemnisations en fonction EFT QĂ?SJPEFT - reconversion : peu d’informations sur les formations proposĂŠes. Les intĂŠrĂŞts divergent selon les groupes stratĂŠgiques villageois mais, finalement, seuls les commerçants demeurent vĂŠritablement GBWPSBCMFT BV QSPKFU FU T PQQPTFOU EF GBJU

- Quelle Êtait, au point de dÊpart (A) la situation socio-Êconomique et religieuse ? 2VFMMF TFSB Ë M BSSJW�F QPJOU # MB TJUVBUJPO socio-Êconomique et religieuse? - Quelle est la nature et la forme de la transiUJPO EF " Ë # Les familles paysannes du village vivent de l’agriculture ; elles vont devoir s’employer pour le compte de propriÊtaires fonciers : la part des activitÊs agricoles diminuant, elles vont consommer ce qu’elles ne produisent plus. La part de dÊpendance vis-à -vis du marchÊ va donc s’accroÎtre avec probablement un dÊveloppement alÊatoire d’activitÊs commerciales : ventes ambulantes, travaux de construction, emplois sur les sites UPVSJTUJRVFT )˟ -POH 5BN ü˽P Les fonctions sociales au sein du mÊnage vont se transformer : dÊveloppement de petits commerces, officiels ou informels, gÊrÊs par les femmes ; rÊorganisation des activÊs masculines (gestion des enfants, quelques travaux des champs, emplois de proximitÊ ou non, etc.). La relocalisation de l’habitat est Êgalement un facteur de changements

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de l’espace de vie : rĂŠinstallations plus ou moins ĂŠloignĂŠes du village, relogement dans un habitat plus petit ou de type collectif BQQBSUFNFOU EJTQBSJUJPO EFT KBSEJOT FUD D’un point de vue spirituel, on assiste au passage de la construction d’un complexe religieux dĂŠdiĂŠ aux cultes – Ă partir de 1991 – Ă un mode de gestion recentrĂŠ sur le tourisme religieux. 'JOBMFNFOU MF QSPKFU T BĂłSNF DPNNF l’application d’un modèle de dĂŠveloppement top-down. La participation villageoise fait cruellement dĂŠfaut et le manque d’informations accentue davantage encore les sources de tension et de conflit. Public Je suis très intĂŠressĂŠ par votre prĂŠsentation, USĂ’T FO MJFO BWFD MF EPDVNFOUBJSF QSPKFUĂ? FO TĂ?BODF QMĂ?OJĂ’SF Ă‹ )Ă‹ /Ě˜J 1PVSSJF[ vous prĂŠciser les critères de compensation foncière ?

de la province, a permis de cerner la diversitĂŠ EFT EJNFOTJPOT RVF SFWĂ?U MF QSPKFU EF NFTVSFS l’Êcart entre ce qui est officiellement prĂŠvu et ce que savent concrètement les villageois, et d’apprĂŠhender plus finement les impacts de DF QSPKFU TVS MFT WJMMBHFT FU MB WJF EFT IBCJUBOUT Ce changement d’Êchelle a donc ĂŠtĂŠ une clef de comprĂŠhension des divergences d’intĂŠSĂ?UT FOUSF HSPVQFT E BDUFVST FU EFT KFVY EF pouvoir en place.

Bibliographie ÂŤ Archives orales et entretiens ethnograQIJRVFT 6O EĂ?CBU FOUSF 'MPSFODF %FTDBNQT et Florence Weber Âť (2006), animĂŠ par #FSUSBOE .Ă MMFS Genèses 62, mars, pp. 93109. ÂŤ Archives orales : une autre histoire ? Âť (1980), Annales. Économies, SociĂŠtĂŠs, Civilisations, 1, pp. 124-199.

Public

#&35"6% % j -FT 3Ă?DJUT EF WJF x 1BSJT Nathan.

Indemnisation. Chaque annĂŠe, le gouvernement dĂŠfinit les critères et les niveaux de dĂŠdommagement. Ce calcul s’effectue en fonction du type de terre (habitat, agricole) et de la nature des cultures.

$"--6 " TPVT MB EJS j )JTUPJSF FU BSDIJWFT PSBMFT FOKFVY FU RVFTUJPOOF NFOUT x 1BSJT -B 3PDIFMMF ²DPMF OBUJPOBMF EV 1BUSJNPJOF

[Emmanuel Pannier] Des formations professionnelles ont ĂŠtĂŠ proposĂŠes – de la broderie par exemple – mais les rĂŠsultats ne sont pas probants – du fait notamment de l’absence de dĂŠbouchĂŠs. Il est certain que la question du rapport Ă l’information se pose : le manque de transparence est un problème aigu. Le travail de terrain rĂŠalisĂŠ cette annĂŠe, notamment aux ĂŠchelles politico-administratives du district et

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%&-"$30*9 $I ' %044& 1 ("3$*" / OFFENSTADT (2010), ÂŤ Historiographies. Concepts et dĂŠbats Âť, 2 volumes, 1325 p., 1BSJT (BMMJNBSE DPMM 'PMJP IJTUPJSF TFQU %&4$".14 'M j - )JTUPSJFO M BSDIJWJTUF FU MF NBHOĂ?UPQIPOF x 1BSJT $PNJUĂ? QPVS l’histoire ĂŠconomique et financière. %&4$".14 'M j - FOUSFUJFO EF SFDIFSDIF FO IJTUPJSF TUBUVU KVSJEJRVF DPOUSBJOUFT et règles d’utilisation Âť, Histoire@Politique.


Politique, culture et sociĂŠtĂŠ, n°3, nov-dĂŠc., www.histoire-politique.fr. %6$-&35 7 j "SDIJWFT PSBMFT FU SFDIFS DIF DPOUFNQPSBJOF 6OF IJTUPJSF FO DPVST x SociĂŠtĂŠs et reprĂŠsentations, 1, n°13, pp. 6986. %6-0/( 3 j -F 5Ă?NPJO PDVMBJSF les conditions sociales de l’attestation QFSTPOOFMMF x 1BSJT ²1)& ĂĽ"0 5IBOI )VZĚŒO ĂĽË›/( ĂĽĚ D 5VĚ? /(6:ˢ/ 9VÉO .BJ 1)Ë?. )PĂ‹J 5IBOI 1)Ë?. )PĂ‹OH /BN 1)Ë?. 5IĂĄZ )Ë?ËŒOH Ä?iĂŞn BiĂŞn Phᝧ vu d’en face. Paroles de #Ě˜ ĂĽĚ˜J /PVWFBV .POEF ²EJUJPOT BWSJM Q

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) Jean-Pierre Chauveau, Les plans fonciers ruraux en Afrique de l’Ouest. Enseignements sur les conditions de pertinence des programmes d’identification et d’enregistrement des droits Jean-Pierre Chauveau, Marc Le Pape et Jean-Pierre Olivier de Sardan,  La pluralitÊ des normes et leurs dynamiques en Afrique. Implications pour les politiques publiques. 

)"350( 'S j 3Ă?HJNFT E IJTUPSJDJUĂ? 1SĂ?TFOUJTNF FU FYQĂ?SJFODFT EV UFNQT x 1BSJT 4FVJM -B MJCSBJSJF EV 99*e siècle. Institut d’histoire du temps prĂŠsent, Questions Ă‹ M IJTUPJSF PSBMF 5BCMF SPOEF EV KVJO 1986, Cahiers de l’Institut d’histoire du temps prĂŠsent OÂĄ KVJO +065"3% 1I j $FT WPJY RVJ OPVT WJFOOFOU EV QBTTĂ? x 1BSJT )BDIFUUF 70-%."/ % j - IJTUPJSF PSBMF FOUSF science et conscience Âť, Vingtième siècle, SFWVF E IJTUPJSF KBOW NBST OÂĄ QQ 115. 8"5&340/ 3 FE j 4PVUIFBTU "TJBO -JWFT 1FSTPOBM /BSSBUJWFT BOE )JTUPSJDBM &YQFSJFODF x /64 1SFTT 4JOHBQPVS 8JFWJPSLB " j - ÂľSF EV UĂ?NPJO x 1BSJT 1MPO

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Liste des stagiaires Nom et prénom

Établissement

Discipline

Thème de recherche

Université des Anthropologie Religions cultures de Hồ Chí des cultures Minh Ville Service culturel, Symbolismes chez les Đinh Thị Hồng des sports et du Anthropologie Hmong (Lào Cai) Thơm tourisme de Lào Cai Université de Le commerce de la Grard Marie Provence Aix Réseaux sociaux cardamone (auditeur libre) Marseille 1 Institut de Changements culturels dans Hà Thanh Vân développement du Cultures les zones urbaines au Việt Sud Nam Université royale de Aspects juridiques des droit et de sciences Sciences modes de règlements Hem Sokly économiques juridiques des conflits du travail au (Cambodge), Univ Cambodge Bordeaux 4 Christianisme et Hoàng Thị Bích Institut de recherche Sociologie des communautés ethniques Ngọc des religions religions minoritaires au Việt Nam Dynamiques des structures Hoàng Thị Ngọt Université de Hà Nội Sociologie socio-économiques du marché au Việt Nam Université royale de Sciences Développement durable au droit et de sciences Leav Meng juridiques Cambodge économiques (Cambodge) Etablissement des points et Service culturel, Socio-anthroparcours touristiques dans la Lê Thành Nam des sports et du pologie province de Lào Cai tourisme de Lào Cai Institut des cultures - Académie des Cultures Urbanisation rurale Lê Việt Liên sciences sociales du Việt Nam Etablissement des points et Service culturel, Socio-anthroNguyễn Hùng parcours touristiques dans la des sports et du pologie Mạnh province de Lào Cai tourisme de Lào Cai Institut de recherche Nguyễn Thị de développement Anthropologie Sécurité alimentaire Minh Nguyệt du Sud Nguyễn Thị Thu Université de Bình Anthropologie Anthropologie et religions Thuỷ Dương culturelle Académie des Anthropologie Nguyễn Thu Anthropologie de la santé sciences sociales du de la santé Quỳnh Việt Nam Đặng Hoàng Lan

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Courriel hoanglan0708@yahoo. com dinhhongthom@yahoo. com marie.grard@wanadoo.fr

vanhathanh@gmail.com

soklyhem@yahoo.com

hbngocminh@yahoo. com sweetqth@gmail.com

meng_sciencepo@ yahoo.com

tnamxhh77@gmail.com

lelienhanoi@yahoo.com

manhnguyenvn@gmail. com minhnguyetdth@yahoo. com thuthuy0072@yahoo. com thuquynhk50vn@gmail. com


Nom et prénom

Établissement

Discipline

Thème de recherche

Courriel

Pen Chhorda

Institut de technologie du Cambodge

Environnement, géologie

Environnement

chhorda@itc.edu.kh

Phạm Quang Linh

Institut d’anthropologie

Anthropologie

Usage et protection des ressources foncières des populations émigrées

pqlinh@yahoo.com

Sok Daline

Université nationale de Hà Nội

Droit

Droit

daline_univ.lyon2@ yahoo.fr

Anthropologie appliquée

Vestiges culturels matériels et immatériels comme ressources de réduction de la pauvreté des ethnies minoritaires de Lai Châu

quybao580@gmail.com

Tẩn Lao U

Musée de Lai Châu

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2.4. Transition démographique et transformations familiales Philippe Antoine – CEPED-IRD et LARTES, Bernard Formoso – département d’Ethnologie, de Sociologie comparative, de Préhistoire et d’Ethnomusicologie, université Paris Ouest – Nanterre La Défense, Martine Segalen – Laboratoire d’analyses socio-anthropologiques du contemporain de l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense

(Retranscription) Journée 1, lundi 19 juillet

Présentation des formateurs et des stagiaires (cf. liste des stagiaires en fin de chapitre)

2.4.1. Les notions de transition en démographie [Philippe Antoine] Mon exposé abordera la théorie de la transition démographique à partir d’illustrations dans différents continents et le sud-est asiatique. Le schéma pédagogique classique de la transition démographique est le suivant :

- étape 1 : les taux de natalité et de mortalité sont tous les deux élevés, et la croissance démographique est quasi nulle ; - étape 2 : le taux de mortalité (en particulier la mortalité infantile) commence à décroîUSF HSÉDF BV EÏWFMPQQFNFOU EV QBZT FU à l’amélioration des conditions sanitaires. Dans le même temps, le taux de natalité reste très élevé, ce qui engendre une très forte croissance démographique (typiquement de 3 % par an) ; - étape 3 : au fur et à mesure du développement du pays (hausse de l’éducation et du niveau de vie), le taux de natalité commence à baisser ; - étape 4 : avec un taux de natalité et de mortalité faibles, la population se stabilise MF UBVY EF DSPJTTBODF O FTU KBNBJT OVM NBJT on estime qu'une augmentation annuelle de 0,4 % correspond à une population stable).

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Figure

58

Schéma de la transition démographique

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Transition_démographique

On parle de « sociétés traditionnelles » lorsque la natalité et la mortalité sont élevées et de « sociétés modernes » où la mortalité et la natalité sont basses. En principe, la chute de la mortalité s’opère avant celle de la natalité. Durant une période plus ou moins importante, l’écart se maintient entre le taux de natalité et le taux de mortalité : la différence correspond à la croissance de la population. À cette période de transition, la croissance de la population est particulièrement forte ; cela renvoie aux grandes peurs des années 1960 et aux questions de surpeuplement démographique. La plupart des pays suivent ce schéma, ils sont seulement à différentes phases de transition. Ce qui change beaucoup selon les pays ou les régions, c’est la durée de cette phase. On verra que dans certains pays occidentaux par exemple, la transition a commencé au 97**e PV 97***e siècle pour se finir au début du

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99e siècle, alors que d’autres pays peuvent connaître la même évolution en une trentaine d’années. On essaie d’expliquer les changements de comportements de toute une population ; les facteurs qui expliquent, qu’à un même moment, une population connaît des problèmes de santé, un haut niveau de mortalité et de natalité, qu’une partie des individus ont un certain niveau d’éducation, davantage de ressources et des comportements démographiques qui s’apparentent à ce niveau de la transition. Il faut également faire référence aux facteurs auxquels personne n’avait pensé dans le schéma post-transition. Je pense à certains pays d’Europe de l’Est où la baisse de la fécondité a été telle que l’on a assisté à une diminution de la population. 1PVS RV VOF QPQVMBUJPO SFTUF TUBCMF FU TF reproduise, il faut que chaque femme donne naissance à sa remplaçante : il y a une chance


sur deux de donner naissance à une fille, pour que chaque femme donne ainsi naissance à une fille, il faut que chaque femme ait deux enfants. [Martine Segalen] 1PVSSBJT UV E�ÜOJS MFT UFSNFT UBVY EF OBUBMJU� taux de fÊconditÊ ? [Philippe Antoine] Le taux de natalitÊ est le nombre de naissance sur la population moyenne dans l’annÊe n. 6O UBVY �MFW� TFSB Ë z QBS FYFNQMF cela veut dire 40 à 50 enfants pour mille habitants d’un pays. Le taux de fÊconditÊ ne concerne que les GFNNFT FO ÉHF E �USF G�DPOEFT D FTU Ë EJSF entre 15 et 49 ans. On calcule ce taux pour qui est communÊment appelÊ des cohortes fictives : on rapporte le nombre de naissances entre 15 et 19 ans sur le nombre de femmes de 15 à 19 ans (par annÊe) ; de même pour MF HSPVQF E ÉHF TVJWBOU BOT FU BJOTJ de suite. On additionne tous les taux de 15 à BOT KVTRV Ë BOT QPVS BWPJS VO UBVY de fÊconditÊ pour l’ensemble des femmes de 15 à 49 ans. Le taux de natalitÊ est une grandeur pour mille, alors que le taux de fÊconditÊ est ramenÊ à l’indice synthÊtique de fÊconditÊ (ISF) exprimÊ en nombre d’enfants. [Bernard Formoso] Il peut être utile de calculer le taux de fÊconditÊ à l’Êchelle d’un village ou d’une commune, ne serait-ce que pour le comparer au taux national de fÊconditÊ tel qu’il est fourni par les recensements.

Rosakon Siriyuktanont Des femmes de moins de 15 ans et des femmes de plus de 49 ans peuvent avoir des enfants. [Philippe Antoine] En effet, mais la dĂŠmographie travaille sur les comportements moyens, les exceptions ne TPOU QBT QSJTFT FO DPNQUF 1BS BJMMFVST EBOT MB QMVQBSU EFT QBZT TJ M PO BKPVUBJU VO UBVY EF fĂŠconditĂŠ entre 12 et 14 ans, la tendance ne serait pas affectĂŠe. [Bernard Formoso] Est-ce que ce taux de fĂŠconditĂŠ serait plus QFUJU RVF QPVS MB USBODIF E ÉHF BOT [Philippe Antoine] 1PVS DFSUBJOT QBZT FòFDUJWFNFOU PO WPJU des rĂŠsultats Ă partir de 12 ans, ou Ă plus de 55 ans. On a ces deux extrĂŞmes, mais cela demeure insignifiant en terme de poids EĂ?NPHSBQIJRVF QPVS DFT ÉHFT FYUSĂ?NFT FO terme de fĂŠconditĂŠ. LĂŞ HoĂ ng Anh ThĆ° 7PVT BWF[ QBSMĂ? EV UBVY EF OBUBMJUĂ? FU du taux de fĂŠconditĂŠ : lequel est le plus significatif lorsque l’on ĂŠtudie la transition dĂŠmographique ? [Philippe Antoine] On utilise dans ce cas le taux de natalitĂŠ. La transition est aussi la diffĂŠrence entre le taux de natalitĂŠ et le taux de mortalitĂŠ, cela concerne l’ensemble de la population. La diffĂŠrence des deux a un impact dĂŠmographique. Mais quand on parle de fĂŠconditĂŠ en tant que telle, on prĂŠfère utiliser l’indice ISF, le nombre d’enfants par femme.

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On peut visualiser deux enfants par femme, mais on a du mal à visualiser un taux de z Lê Hoà ng Anh Thư Existe-t-il une formule qui permet de passer du taux de fÊconditÊ au taux de natalitÊ ? [Philippe Antoine] Le taux de natalitÊ s’applique à l’ensemble de la population. Quand on calcule le taux de natalitÊ, le numÊrateur est le nombre de naissances, le dÊnominateur la population totale. On tient compte de toute la population USÒT KFVOF TJ MF QBZT Ë VOF TUSVDUVSF KFVOF EBOT MF E�OPNJOBUFVS BMPST RV FMMF OF KPVF

Figure

59

BVDVO SĂ™MF EBOT MB GĂ?DPOEJUĂ? 1PVS VOF QPQVMBUJPO USĂ’T KFVOF PO BVSB VO UBVY EF natalitĂŠ relativement faible puisqu’il y a beaucoup de gens dans le dĂŠnominateur qui ne contribuent pas Ă la fĂŠconditĂŠ. Je voudrais focaliser votre attention sur la fĂŠconditĂŠ. La transition de la fĂŠconditĂŠ est prĂŠsentĂŠe comme le passage d’une fĂŠconditĂŠ j OBUVSFMMF x Ă‹ VOF GĂ?DPOEJUĂ? j DPOUSĂ™MĂ?F PV dirigĂŠe Âť. Ă€ l’Êchelle de la planète, des rĂŠgions sont particulièrement concernĂŠes par une fĂŠconditĂŠ très ĂŠlevĂŠe : l’Afrique de l’ouest, centrale et orientale. Les pays occidentaux ont une fĂŠconditĂŠ basse. Entre ces deux extrĂŞmes, la baisse de la fĂŠconditĂŠ est amorcĂŠe – AmĂŠrique latine, ensemble de l’Asie.

La transition de la fĂŠconditĂŠ dans les pays industrialisĂŠs Évolution du taux de fĂŠconditĂŠ totale en AngleterreGalles, en France et en Suède (1740-1940)

Source : Ined 2004.

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L’intĂŠrĂŞt de ce graphique est de montrer que la baisse de la fĂŠconditĂŠ s’est faite sur un temps très long dans la plupart des pays occidentaux. En France, il y a eu une

Figure

60

diminution rÊgulière de la fÊconditÊ, alors que cette baisse a ÊtÊ beaucoup plus tardive, plus conforme au schÊma de la transition dÊmographique, en Angleterre et en Suède.

La diffusion de la transition dans les pays du sud Taux de fĂŠconditĂŠ totale par pays en 1965-1970

Source : Chesnais (2003).

Sur d’autres continents, les ĂŠvolutions sont diffĂŠrentes suivant les pays : le temps est beaucoup plus resserrĂŠ (cas du Chili). Mais dans l’ensemble, Ă partir du moment oĂš il y a une amorce de baisse de la fĂŠconditĂŠ comme au Mexique – presque sept enfants QBS GFNNF EBOT MFT BOOĂ?FT o PO QBTTF Ă un peu plus de 2 enfants par femme (2005). Sur le continent africain, la situation est très diffĂŠrente : des pays n’ont amorcĂŠ aucune transition, le plus connu ĂŠtant le Niger oĂš l’on est restĂŠ Ă un taux de fĂŠconditĂŠ très ĂŠlevĂŠ, environ huit enfants par femme. La $Ă™UF E *WPJSF DPNNFODF Ă‹ BNPSDFS EBOT les annĂŠes 1980 une baisse de la fĂŠconditĂŠ.

L’AlgÊrie est un cas intÊressant, car elle avait fait de la question de la population une question idÊologique importante dans les BOO�FT +F WPVT SBQQFMMF RV Ë MB ÜO EFT BOO�FT FU BV E�CVU EFT BOO�FT les pays occidentaux Êtaient inquiets du  boom dÊmographique , un auteur amÊricain parlait de la  bombe population . L’AlgÊrie Êtait à la tête de tout un courant de pensÊe contre les programmes de planning familial, le meilleur moyen de rÊduire la fÊconditÊ Êtait le dÊveloppement et non pas les programmes de contraception. Au même moment, la Tunisie, pays aux mêmes traditions musulmanes, s’est engagÊe dans

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un programme politique très volontariste de planning familial. La Tunisie est un des premiers pays d’Afrique a avoir mis en place un programme de contraception très poussé et de légalisation de l’avortement. Il est intéressant de constater que ces deux pays voisins sont arrivés vers les années 2000 à des niveaux de fécondité comparables, un peu plus de deux enfants par femme alors que les politiques de population étaient différentes. #FBVDPVQ EF QSPHSBNNFT EF QMBOJöDBUJPO familiale ont été développés au Niger, notamment en mettant en place une coopération Sud/Sud entre la Tunisie et le Niger. Ce transfert de politiques n’a pas réussi. Le discours politique au Niger n’est pas en adéquation avec les attentes de la population qui reste attachée à une natalité élevée. Cela est en partie dû au fait que le Niger est un pays essentiellement désertique, les contraintes

Figure

Afrique

61

climatiques sont importantes et les individus cherchent à conserver une main-d’œuvre abondante. La situation en Iran est particulièrement intéressante : si en Occident, on pense que la condition de la femme est particulièrement mauvaise depuis la révolution des Mollahs, la transition de la fécondité est une des plus rapides que l’on ait connue historiquement. On est passé d’environ sept enfants par femme à deux enfants en l’espace d’une vingtaine d’années. Des programmes importants de planification familiale ont été proposés et la population aspire à une famille de taille plus réduite. La comparaison de l’ISF par continent montre qu’en moyenne, le continent asiatique enregistre la baisse la plus importante.

Évolution de l’ISF par continent entre 1970 et 2000

Asie

Europe

Source : Nations unies, World fertility patterns. 2004.

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Amérique latine et Caraïbes

Océanie


D’après le dĂŠmographe Ansley Coale, il existe trois conditions Ă la transition de la fĂŠconditĂŠ : les couples doivent avoir pris conscience EF MFVS DBQBDJUĂ? Ă‹ QSĂ?WPJS FU Ă‹ DPOUSĂ™MFS MFVS fĂŠconditĂŠ et l’intervention sur la fĂŠconditĂŠ doit ĂŞtre considĂŠrĂŠe comme socialement et moralement acceptable ; la restriction de la fĂŠconditĂŠ doit ĂŞtre avantageuse ; des moyens de contraception efficaces doivent ĂŞtre disponibles. 6OF GĂ?DPOEJUĂ? Ă?MFWĂ?F SĂ?QPOE DFQFOEBOU Ă‹ VOF DFSUBJOF SBUJPOBMJUĂ? 6OF GPSUF NPSUBMJUĂ? FO QBSUJDVMJFS JOGBOUJMF FU KVWĂ?OJMF JOEVJU VOF fĂŠconditĂŠ importante afin de garder un ou EFVY FOGBOUT 1BS BJMMFVST UPVT MFT NPEFT EF production qui utilisent beaucoup de maind’œuvre renvoient ĂŠgalement Ă une fĂŠconditĂŠ ĂŠlevĂŠe. Enfin, les sociĂŠtĂŠs relativement traditionnelles conservent l’espoir que leurs enfants s’occuperont des plus anciens – coĂťts des enfants et transferts intergĂŠnĂŠrationnels. ConformĂŠment au schĂŠma classique de la transition, quand la mortalitĂŠ infantile FU KVWĂ?OJMF EJNJOVF MB GĂ?DPOEJUĂ? CBJTTF -F dĂŠveloppement de l’instruction des hommes et des femmes, l’Êvolution du statut de la femme, le niveau de dĂŠveloppement ĂŠconomique, l’Êvolution des idĂŠaux familiaux, la possibilitĂŠ d’accĂŠder Ă des programmes de santĂŠ et de la reproduction sont autant de facteurs explicatifs.

Kom Udom En quoi la baisse de la mortalitĂŠ des enfants est un des facteurs de la baisse de la fĂŠconditĂŠ ? [Philippe Antoine] On part de l’hypothèse que lorsque la mortalitĂŠ des enfants est très ĂŠlevĂŠe, la stratĂŠgie des parents est la procrĂŠation. Mais Ă partir du moment oĂš la santĂŠ s’amĂŠliore, la mortalitĂŠ infantile diminue fortement, les gens n’Êprouvent plus le besoin de faire autant d’enfants puisque tous leurs enfants survivent. La dĂŠmographie est l’Êtude de la population dans le temps, notre discipline oscille entre les aspects dynamiques et statiques. 1SFOPOT M FYFNQMF EF MB QZSBNJEF EFT ÉHFT clichĂŠ Ă un moment donnĂŠ d’une situation EĂ?NPHSBQIJRVF 1BS MF CBT EF MB QZSBNJEF nous avons de nouveaux arrivants, des naissances ; par le haut des disparitions du fait des dĂŠcès. Je souligne d’emblĂŠe que KF OF O BCPSEFSBJ QBT EBOT NPO FYQPTĂ? MFT NJHSBUJPOT JOUFSOBUJPOBMFT 1PVS TDIĂ?NBUJTFS MB QZSBNJEF EFT ÉHFT IPNNFT GFNNFT ÉHFT EFQVJT MB OBJTTBODF BO KF WBJT GBJSF ĂśHVSFS M ÉHF EF BOT EF BOT FU FO IBVU EF MB pyramide environ 100 ans.

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Figure

62

Dividende dĂŠmographique Population 15-65 ans/population dĂŠpendante

Source : Construction de l’auteur.

1BS MF KFV EFT FOUSĂ?FT FU EFT TPSUJFT EF population (naissances et dĂŠcès), cette pyramide se dĂŠforme d’annĂŠe en annĂŠe. -F HSBQIJRVF RVF KF QSPKFUUF SFOWPJF aux consĂŠquences de ces modifications de la pyramide. Ce graphique montre le rapport entre la population de 15-65 ans et la population dĂŠpendante, en faisant l’hypothèse que la population de 15-65 ans est productive par rapport aux dĂŠpendants MFT FOGBOUT KVTRV Ă‹ BOT FU MFT QFSTPOOFT ÉHĂ?FT BV EFMĂ‹ EF BOT 6O SBQQPSU EF EFVY induit deux actifs pour un dĂŠpendant. Si ce rapport tombe Ă 1,4, nous aurons 1,4 actif pour un dĂŠpendant. On parle de dividende dĂŠmographique. En 2010, l’Europe est entrĂŠe dans la fin de son dividende dĂŠmographique alors que pour le continent asiatique il sera optimum de 2010 Ă 2030 – Ă partir de 2030 la population va vieillir, la charge pour les actifs sera plus importante. En Europe, par le double

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effet de la baisse rapide de la fĂŠconditĂŠ et de l’allongement de la durĂŠe de vie du fait des progrès en matière de santĂŠ, la charge des QFSTPOOFT JOBDUJWFT FU ÉHĂ?FT QĂ’TFSB EF QMVT en plus. Le continent africain rentrera dans une phase de dividende dĂŠmographique en 2050. 7PVT QFSDFWF[ JDJ MF MJFO FOUSF EJWJEFOEF dĂŠmographique et ÂŤ boom Âť ĂŠconomique actuel – bien que d’autres facteurs sont Ă prendre en compte. Cela souligne ĂŠgalement l’importance des dĂŠbats que l’on connaĂŽt en Europe sur les questions des retraites – pourtant les prĂŠvisions dĂŠmographiques BWBJFOU EĂ?KĂ‹ Ă?UĂ? GBJUFT BQSĂ’T MB TFDPOEF guerre mondiale ; dès les annĂŠes 1950, on soulignait les ĂŠvolutions dĂŠmographiques qui allaient toucher l’Europe. Les tendances dĂŠmographiques concernent le temps long et, souvent, le temps politique est bien plus court que le temps dĂŠmographique.


[Martine Segalen] Je voudrais poser une question par rapport Ă ce dĂŠcalage entre le temps long des dĂŠmographes et le temps court des politiques. Sans excuser les politiques, est-ce que les dĂŠmographes n’ont pas fait parfois de fausses prĂŠvisions ? On comprendrait alors qu’il y ait une certaine rĂŠpugnance Ă agir rapidement – tout en se disant qu’il y a bien sĂťr toutes sortes d’autres raisons qui font que l’on recule les dĂŠcisions. Ă€ un moment les dĂŠmographes QBSMBJFOU EF MB j CPNCF 1 x DF O FTU QPVSUBOU pas arrivĂŠ. La dĂŠmographie, malgrĂŠ tout, n’apparaĂŽt pas comme une science sĂťre. [Philippe Antoine] %BOT MF KFV EFT QFSTQFDUJWFT EĂ?NPHSBQIJ ques, il y a gĂŠnĂŠralement des scĂŠnarios IBVUT NPZFOT FU CBT 6OF FTUJNBUJPO EF quelques millièmes de pourcent prolongĂŠe sur une cinquantaine d’annĂŠes peut effectivement entraĂŽner des variations importantes. Incontestablement, dans beaucoup de pays la baisse de la fĂŠconditĂŠ a ĂŠtĂŠ bien plus rapide

que les prĂŠvisions avancĂŠes. Des revirements importants peuvent s’opĂŠrer, par exemple de nouveaux virus qui viendraient accroĂŽtre fortement la mortalitĂŠ. On a du mal Ă imagiOFS BVTTJ KVTRV PĂĄ JSB MB CBJTTF EF MB GĂ?DPOEJUĂ? EBOT DFSUBJOT QBZT FU PO QFVU UPVKPVST penser qu’il peut y avoir des remontĂŠes de la fĂŠconditĂŠ dans d’autres pays. Ce sont des scĂŠnarios probables, qui peuvent alerter les politiques, notamment sur les questions du vieillissement dĂŠmographique dans les annĂŠes futures, annoncĂŠ dès les annĂŠes 1950 FU RVJ TF SĂ?BMJTF BDUVFMMFNFOU 1MVT PO GBJU EFT prĂŠvisions Ă une ĂŠchelle large, Ă l’Êchelle d’un continent, plus la probabilitĂŠ d’erreur est faible. Dans les domaines de l’urbanisation et des migrations internationales, les prĂŠvisions TPOU QBSUJDVMJĂ’SFNFOU BMĂ?BUPJSFT 1BS FYFNQMF on a longtemps prĂŠsentĂŠ Mexico comme la plus grande ville du monde, elle ne l’a QPVSUBOU KBNBJT Ă?UĂ? "WBOU E FO WFOJS BV DPOUJOFOU BTJBUJRVF KF vais illustrer la transition dans quelques pays africains.

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Figure

63

Évolution de l’indice synthétique de fécondité en Afrique entre 1960-64 et 2000-04

64

Deux modèles-types de transition en Afrique subsaharienne

Source : Ined 2004.

Figure

Source : Ined 2004.

[308] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


Au Mali, la natalitĂŠ n’a presque pas bougĂŠ des annĂŠes 1960 Ă 2005 ; la mortalitĂŠ a commencĂŠ Ă baisser au tout dĂŠbut de la transition EĂ?NPHSBQIJRVF -F (IBOB QBZT VO QFV plus dĂŠveloppĂŠ, connaĂŽt un certain ÂŤ boom Âť ĂŠconomique depuis une dizaine d’annĂŠes : la fĂŠconditĂŠ baisse Ă partir des annĂŠes 1980, la mortalitĂŠ a commencĂŠ Ă baisser rĂŠgulièrement depuis les annĂŠes 1950.

Figure

65

Dans un cas comme le Mali, l’Êcart entre natalitÊ et mortalitÊ – taux de croissance de la population – est important (3,4 % en 2005) QBS BO BV (IBOB JM QBTTF EF FO Ë WFST QPVS EJNJOVFS FOTVJUF en 2005) . Il peut y avoir des scÊnarios plus inattendus.

Deux modèles  perturbÊs  de transition

Source : Ined 2004.

Ainsi, la remontĂŠe de la mortalitĂŠ au Liberia qui a souffert de la guerre dans les annĂŠes 1990 ou encore le Zimbabwe, contreexemple de transition. La prĂŠvalence du Sida est dans ce pays particulièrement ĂŠlevĂŠe, au milieu des annĂŠes 1980 la remontĂŠe de la mortalitĂŠ a ĂŠtĂŠ très nette ; la baisse de la natalitĂŠ est aussi due au fait que les femmes FO ÉHF EF QSPDSĂ?FS TPOU QBSUJDVMJĂ’SFNFOU UPVDIĂ?FT QBS MF 4JEB 7PJMĂ‹ VO TDĂ?OBSJP QPVS en revenir Ă la question de Martine, qui n’Êtait effectivement pas dans les prĂŠvisions

dÊmographiques, la croissance pourrait peutêtre devenir nÊgative puisque les pouvoirs publics ont tardÊ à mettre en place des programmes de lutte contre la maladie. 1PVS FO WFOJS BV DPOUJOFOU BTJBUJRVF notamment à l’Asie de l’Est et du Sud-Est, FU DPNNF KF OF TVJT QBT VO TQ�DJBMJTUF EF MB S�HJPO K BJNFSBJT QSPKFUFS MFT EJBQPTJUJWFT FU vous laissez les commenter.

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

[309]


Figure

66

Schéma de la transition Asie de l’Est

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Schéma de la transition en Asie du Sud-Est

Source : Ined 2009.

Figure

Source : Ined 2009.

[310] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


Rosakon Siriyuktanont Je peux donner l’exemple de la ThaĂŻlande. Depuis une vingtaine d’annĂŠes, on considère RVF MF DPOUSĂ™MF EFT OBJTTBODFT FTU VOF stratĂŠgie de lutte contre la pauvretĂŠ. C’est la raison pour laquelle il y a une diminution des naissances. Souvent, les notions ÂŤ traditionnelle Âť et ÂŤ moderne Âť s’opposent, cela fait-il sens en dĂŠmographie ? [Philippe Antoine] Cela renvoie Ă la première figure prĂŠsentĂŠe. Le schĂŠma de prĂŠ-transition est ÂŤ traditionnel Âť, le Mali serait par exemple au dĂŠbut de la phase de transition. C’est le schĂŠma de transition ÂŤ classique Âť. [Martine Segalen] Le schĂŠma traditionnel/classique n’estil pas europĂŠo-centrĂŠ puisque la science dĂŠmographique s’est dĂŠveloppĂŠe d’abord en Europe et que ce continent a ĂŠtĂŠ le premier Ă‹ DPOOBĂ”USF DFT DIBOHFNFOUT 1FVU Ă?USF RVF dans 50 ans, on s’apercevra que le schĂŠma europĂŠen ĂŠtait un schĂŠma particulier et les termes de ÂŤ classiques Âť, ÂŤ traditionnels Âť et ÂŤ modernes Âť seront dĂŠpassĂŠs. [Bernard Formoso] Je me demande si cette opposition classique/ moderne ne renvoie pas Ă une vision très positiviste. On opposerait une situation marquĂŠe par la pauvretĂŠ et des taux de natalitĂŠ et de mortalitĂŠ très importants Ă une situation marquĂŠe par une certaine interprĂŠtation du progrès qui corrèlerait ĂŠtroitement la baisse du taux de mortalitĂŠ et de natalitĂŠ et la croissance ĂŠconomique.

dans ce cas particulier. C’est Ă ce moment RVF M Ă?QJEĂ?NJF EF 4JEB WB KPVFS TVS MF taux de mortalitĂŠ. Avant, ce taux dĂŠclinait progressivement, Ă un degrĂŠ moindre que le taux de natalitĂŠ ; Ă partir des annĂŠes 1986, il commence Ă remonter. 1BS BJMMFVST MB USBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVF FO ThaĂŻlande s’avance en 1960-65, puis a tendance Ă se tasser après les annĂŠes 1995 : les annĂŠes 1960 sont le dĂŠbut d’une croissance ĂŠconomique très forte. Il y a ici corrĂŠlation entre la croissance ĂŠconomique et le taux de natalitĂŠ. En revanche, les annĂŠes 1995-2000 sont marquĂŠes par le crash financier, le taux de natalitĂŠ a tendance Ă se stabiliser. Rosakon Siriyuktanont Les deux premières causes de dĂŠcès restent avant tout le cancer et les accidents, et non le Sida. [Bernard Formoso] Cela est exact, mais le cancer et les accidents EF DJSDVMBUJPO QBS FYFNQMF Ă?UBJFOU EĂ?KĂ‹ prĂŠsents avant 1986 ; le Sida est venu alourdir les taux. Supaluck Taechapongstorn +F WPVESBJT BKPVUFS RVF MF QMBOOJOH GBNJMJBM B Ă?UĂ? DSĂ?Ă? FO Ă‹ QBSUJS EF DFUUF EBUF EFT campagnes de distribution de prĂŠservatifs aux familles ont ĂŠtĂŠ proposĂŠes. [Philippe Antoine] Les donnĂŠes concernent la situation de la transition en Asie, ils sont extraits d’un UFYUF EF .BHBMJ #BSCJFSJ FU E *TBCFMMF "UUBOĂ? (cf. texte de lecture).

1PVS MB 5IBĂ•MBOEF MB NPSUBMJUĂ? SFNPOUF lĂŠgèrement Ă partir des annĂŠes 1985-1990

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

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Figure

68

Schéma de la transition en Thaïlande

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Schéma de la transition aux Philippines

Source : Ined 2009.

Figure

Source : Ined 2009.

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Ces pays sont dans des phases diffĂŠrentes de la transition : en ThaĂŻlande on peut noter que la transition s’achève et la croissance naturelle B GPSUFNFOU EJNJOVĂ? QPVS BUUFJOESF FO "VY 1IJMJQQJOFT OPVT TPNNFT EBOT une situation intermĂŠdiaire de la transition,

Figure

70

il n’y a que peu d’impacts sur la croissance naturelle puisque mortalitĂŠ et natalitĂŠ baissent Ă peu près au mĂŞme rythme. Ce pays avait une fĂŠconditĂŠ particulièrement ĂŠlevĂŠe dans les annĂŠes 1950-1960.

SchĂŠma de la transition en Chine

Source : Ined 2009.

La Chine a une natalitÊ dirigÊe avec des consignes politiques fortes, mais il existe quelques variations dans l’application de ces politiques. Il faut cependant garder à l’esprit que ces schÊmas sont parfois faits avec beaucoup de donnÊes rÊelles (Thaïlande) oÚ Ë QBSUJS E FTUJNBUJPOT $IJOF 1PVS DF EFSOJFS

pays, vous pouvez imaginer que, puisqu’il y a des contraintes politiques pour rester à un enfant par femme (même si les statistiques ne le traduisent pas, il y a plus d’un enfant par femme), on peut imaginer, par des renversements de tendance, des remontÊes de natalitÊ.

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

[313]


Figure

71

Évolution des taux de croissance annuels moyens de la population de 1960-1965 à 2000-2005 en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est

Source : Ined 2009.

Des annĂŠes 1960 Ă 2000, quasiment tous les pays ont enregistrĂŠ une baisse du taux de croissance, en particulier le Japon – croissance de 1 % par an dans les annĂŠes 1960 et RVBTJNFOU OVM BQSĂ’T "V 7JĚ?U /BN PO passe d’à peu près 2,2 Ă 1,4 %.

[314] Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

*M Z B UPVU VO E�CBU TVS MF SÙMF EV NBSJBHF dans la baisse de la fÊconditÊ. Dans des sociÊtÊs oÚ le mariage formalisÊ a une importance DPOTJE�SBCMF JM Z B UPVKPVST VO MJFO FOUSF MF SFDVM EF M ÉHF BV NBSJBHF FU MB CBJTTF EV niveau de fÊconditÊ.


Figure

72

Évolution de l’âge au premier marriage en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est

Source : Ined 2009.

1MVT M ÉHF BV NBSJBHF FTU Ă?MFWĂ? QMVT MB fĂŠconditĂŠ est basse quand il n’y a que très peu de naissances en dehors du mariage. Ce n’est pas le seul facteur explicatif, mais il contribue Ă la baisse de la fĂŠconditĂŠ. Dans la plupart des QBZT PO PCTFSWF VO SFDVM EF M ÉHF BV NBSJBHF ce que l’on constate dans certains pays africains est beaucoup moins marquĂŠ qu’en Asie ou sur les autres continents. En gĂŠnĂŠral, PO BUUSJCVF DF SFDVM EF M ÉHF BV NBSJBHF Ă‹ VOF amĂŠlioration du statut des femmes, Ă une progression de la scolarisation fĂŠminine, et plus gĂŠnĂŠralement, au passage d’un mariage BSSBOHĂ? Ă‹ VO NBSJBHF PĂĄ MFT DPOKPJOUT TF choisissent. Supaluck Taechapongstorn $PNNFOU FYQMJRVFS MB USBKFDUPJSF DIJOPJTF

[Bernard Formoso] Je crois qu’il faudrait mettre en perspective ces variations considÊrables avec les politiques qui ont ÊtÊ conduites en Chine dans ces annÊes-là . Il faudrait mettre en perspective les retours à la campagne par exemple, ou bien les pÊriodes de rÊpression pendant la rÊvolution culturelle des annÊes 1960. [Martine Segalen] Il me semble que l’analyse mÊriterait un lien avec le taux de nuptialitÊ, c’est-à -dire le nombre de mariages pour 1 000 habitants. 4J M PO TF NBSJF QMVT KFVOF DFMB JNQMJRVF VO encouragement au mariage, il faudrait voir si le taux de nuptialitÊ augmente à ce momentMË 1BS FYFNQMF QPVS M &VSPQF FU MB 'SBODF FO particulier, les corrÊlations sont fortes entre l’augmentation du nombre de mariages

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

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FU MB DIVUF EF M ÉHF BQSÒT MFT EFVY HVFSSFT mondiales : il existe des « rattrapages » après une période où l’on n’a pas le temps de se marier.

La baisse de fécondité peut également s’expliquer par la prévalence contraceptive. Les pays à forte fécondité auraient peu de prévalence contraceptive – c’est-à-dire l’utilisation de méthodes contraceptives modernes –, et au contraire les pays à forte prévalence contraceptive auraient un faible taux de fécondité.

73

L’avortement est-il compris dans méthodes contraceptives modernes ?

ces

[Philippe Antoine]

[Philippe Antoine]

Figure

[Martine Segalen]

Ce sont les méthodes contraceptives liées à la pilule, au préservatif. Ordinairement, l’avortement est comptabilisé différemment.

Évolution de l’indice synthétique de fécondité entre 1960-65 et 2000-2005 en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est

Source : Ined 2009.

[316] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


La corrélation n’est très marquée. Il y a EFT FYDFQUJPOT DPNNF BV 7J̏U /BN Pá MB prévalence contraceptive est relativement ÏMFWÏF FU M *4' FTU UPVKPVST EF EFVY FOGBOUT

Figure

74

par femme ; en Corée du Sud, qui a à peu près la même prévalence contraceptive, la fécondité est bien plus basse.

Relation entre l’indice synthétique de fécondité et l’indice de développement humain (IDH) en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est

Source : Ined 2009.

Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD

[ ]


Figure

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Indice synthétique de fécondité et prévalence contraceptive en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est

Source : Ined 2009.

Dans quasiment tous les continents, il y a un net recul de la mortalité, non plus en termes de taux de mortalité, mais en termes d’espérance de vie. C’est un progrès très largement partagé par toutes les régions du monde, à l’exception notoire de l’Afrique.

[318] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD


Figure

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Évolution des espÊrances de vie par sous-rÊgion (1950-1955 à 2000-2005)

Source : Ined 2009.

L’indicateur considĂŠrĂŠ est ÂŤ l’espĂŠrance de vie Âť, c’est-Ă -dire le nombre moyen d’annĂŠes vĂŠcues par une personne. Cette espĂŠrance de vie Ă la naissance est une moyenne. Elle est très faible en Afrique puisque l’on meurt souvent au cours de la première annĂŠe de WJF 1PVS VOF FTQĂ?SBODF EF WJF EF BOT VOF QFSTPOOF TVS DJOR FOWJSPO NFVSU BWBOU M ÉHF de cinq ans.

De mĂŞme, si l’on regarde l’Êvolution de l’espĂŠrance de vie sur l’ensemble de la rĂŠgion, il y a des pays qui ont fait des progrès TQFDUBDVMBJSFT FU FO QBSUJDVMJFS MF 7JĚ?U /BN avec une amĂŠlioration de près de 50 % QBTTBOU EF BOT Ă‹ BOT E FTQĂ?SBODF EF WJF FOUSF MFT BOOĂ?FT FU

Juillet 2011 / Les JournĂŠes de Tam Ä?ảo 2010 / Š AFD

[319]


Figure

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Évolution de l’espérance de vie entre 1970-1975 et 2000-2005 par pays (Asie du Sud-Est et Asie de l’Est)

Source : Ined 2009.

1PVS UPVT MFT QPJOUT RVJ TFSBJFOU TVS MB MJHOF continue en diagonale, il n’y aurait pas de différence d’espérance de vie entre les BOOÏFT FU DFVY RVJ TPOU QSÒT EF la ligne intermédiaire en pointillé ont un gain d’espérance de vie de 25 %, et pour ceux qui sont près de la ligne en haut à gauche

[320] Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD

l’amélioration est de 50 %. Cette espérance de vie est fonction des conditions dans le pays à un moment donné ; des pays comme MF 7J̏U /BN PV MF $BNCPEHF POU DPOOV des événements entraînant des mortalités importantes (guerres) puis des progrès bien plus sensibles par la suite.


Figure

78

Évolution du taux de mortalité infantile par sous-région (1950-1955 à 2000-2005)

79

Évolution du taux de mortalité infantile entre 1970-1975 et 2000-2005 par pays

Source : Ined 2009.

Figure

Source : Ined 2009.

Juillet 2011 / Les Journées de Tam Đảo 2010 / © AFD

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6O BVUSF JOEJDBUFVS EF NPSUBMJUĂ? FTU MB NPSUB litĂŠ infantile. L’Asie de l’Est et du Sud-Est ont aussi connu des progrès considĂŠrables. La mortalitĂŠ infantile touche les enfants entre 0 et un an. Elle est surtout fonction des conditions de suivi de la grossesse, de l’accouchement, du suivi de l’enfant dans la première annĂŠe de vie. Elle est très sensible Ă l’Êtat sanitaire du

Figure

80

pays et Ă l’existence, ou non, d’infrastructures sanitaires. Dans ces domaines, les progrès TPOU DPOTJEĂ?SBCMFT #FBVDPVQ EF QBZT POU rĂŠduit de moitiĂŠ leur mortalitĂŠ infantile. 1PVS Ă?WPRVFS MF WJFJMMJTTFNFOU EĂ?NPHSB phique, prenons l’exemple chinois.

Évolution de la structure par âge en Chine : vieillissement de la population

Source : Ined 2009.

Dans les annĂŠes 1950, la population est SFMBUJWFNFOU KFVOF BWFD VOF CBTF EF MB pyramide assez large. En 2000, l’effet de la baisse de la fĂŠconditĂŠ rĂŠduit fortement la base de la pyramide. On passe en dessous de deux enfants par femme. Ă€ partir de 2030, MF QPJET EFT QFSTPOOFT ÉHĂ?FT WB OFUUFNFOU s’accentuer. Avec plus de 30 % de la population mondiale, l’Asie de l’Est et du Sud-Est pèsent d’un poids considĂŠrable sur l’Êvolution dĂŠmographique de la planète. Le ralentissement de la croissance dĂŠmographique mondiale est en grande partie Ă mettre au crĂŠdit de

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la transition dĂŠmographique dans cette SĂ?HJPO -B TFDPOEF NPJUJĂ? EV 99e siècle aura connu une accĂŠlĂŠration considĂŠrable de la croissance dĂŠmographique, qui a entraĂŽnĂŠ des transformations extraordinaires dans tous les domaines de la sociĂŠtĂŠ. MalgrĂŠ le ralentissement du rythme de croissance PCTFSWĂ? EĂ’T MF NJMJFV EFT BOOĂ?FT FU la dĂŠcĂŠlĂŠration rapide qui a suivi (avec un UBVY BOOVFM NPZFO BVKPVSE IVJ JOGĂ?SJFVS Ă 1 %), l’augmentation de la population se poursuivra. La fĂŠconditĂŠ, qui ĂŠtait encore proche de 6 enfants par femme WFST FTU BVKPVS E IVJ JOGĂ?SJFVSF BV


seuil de remplacement des gĂŠnĂŠrations et significativement moins ĂŠlevĂŠe que dans les autres rĂŠgions en dĂŠveloppement, soit 1,9 enfant par femme en 2005, contre une moyenne de 3,2 dans le reste du continent asiatique, de 2,5 en AmĂŠrique latine et CaraĂŻbes, de 3,1 en Afrique du Nord et de 5,5 en Afrique subsaharienne. "V EĂ?CVU EV 99*e siècle, un nouveau dĂŠfi dĂŠmographique se pose : le vieillissement de la population. Tandis que vers 2000, une QFSTPOOF TVS EJY Ă?UBJU ÉHĂ?F EF BOT PV QMVT ce sera le cas d’une sur six en 2020 et d’une sur quatre en 2040. Cette ĂŠvolution quasi inĂŠluctable, compte tenu des niveaux très GBJCMFT EF GĂ?DPOEJUĂ? EĂ?KĂ‹ BUUFJOUT FU EF MB CBJTTF DPOUJOVF EF MB NPSUBMJUĂ? BVY HSBOET ÉHFT nĂŠcessitera une adaptation considĂŠrable des structures sociales et institutionnelles dans les pays de la rĂŠgion.

Bibliographie CHESNAIS J.-Cl., (2003),  La transition dÊmographique : 35 ans de bouleversements (1965-2000) , in : Jean-Claude CHASTELAND et Jean-Claude CHESNAIS (Êd.), La population du monde : gÊants dÊmographiques et dÊfis internationaux, Q o 1BSJT */&% 16' Q -FT Cahiers de l’INED, n˚ 149, seconde Êdition revue et augmentÊe).

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) ATTANÉ, I. et #"3#*&3* . š Ÿ, La dĂŠmographie de l’Asie de l’Est et du Sud-Est des annĂŠes 1950 aux annĂŠes 2000. Synthèse des changements et bilan statistique. Extrait : Population ' QQ

Philippe Antoine a animĂŠ au cours de la semaine deux autres sĂŠances portant sur l’analyse biographique de la nuptialitĂŠ – interventions des 20 et 22 juillet. En accord avec l’intervenant, la retranscription n’a cependant pas ĂŠtĂŠ insĂŠrĂŠe dans le prĂŠsent ouvrage ; la cinquième ĂŠdition des JTD proposera en effet l’atelier ÂŤ Les biographies : de l’enquĂŞte quantitative Ă l’analyse Âť. Cette formation pratique aux enquĂŞtes biographiques par sondage et Ă leur analyse sera menĂŠe Ă l’ÊtĂŠ 2011 par Philippe Antoine, Donatien Beguy et Andonirina Rakotonarivo ; elle fera l’objet d’une publication Ă part entière. Par ailleurs, nous informons nos lecteurs que les thĂŠmatiques dĂŠveloppĂŠes ci-dessous sont issues de textes transmis par Martine Segalen et Bernard Formoso.

2.4.2. Transition dĂŠmographique. Variables locales et facteurs culturels : exemples thaĂŻlandais et vietnamiens, par Bernard Formoso La ÂŤ transition dĂŠmographique Âť est un processus gĂŠnĂŠral. Il a en effet ĂŠtĂŠ observĂŠ Ă des ĂŠpoques, selon des amplitudes, des durĂŠes et des modalitĂŠs variables dans la plupart des pays du monde. L’interprĂŠtation du phĂŠnomène se satisfait le plus souvent de causes elles-mĂŞmes gĂŠnĂŠrales. On l’associe tout d’abord Ă la modernitĂŠ et notamment Ă la notion très flottante de dĂŠveloppement. Ainsi, selon la dĂŠfinition fournie par l’INED la transition dĂŠmographique ÂŤ dĂŠsigne le passage d’un rĂŠgime dĂŠmographique traditionnel oĂš la fĂŠconditĂŠ et la mortalitĂŠ sont ĂŠlevĂŠes et s’Êquilibrent Ă peu près Ă un rĂŠgime moderne

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oĂš la natalitĂŠ et la mortalitĂŠ sont faibles et s’Êquilibrent ĂŠgalementÂť[19]. Les facteurs de QSPHSĂ’T RVF M PO NFU FO BWBOU QPVS KVTUJĂśFS MB USBOTJUJPO TPOU UPVKPVST MFT NĂ?NFT *M T BHJU EF l’exode rural, de l’amĂŠlioration des conditions sanitaires d’une population qui s’urbanise, de l’ÊlĂŠvation du niveau d’instruction qui BHJSBJU JOEJSFDUFNFOU TVS MF DPOUSĂ™MF EFT naissances par un usage plus poussĂŠ des NPZFOT DPOUSBDFQUJGT EV SFDVM EF M ÉHF BV NBSJBHF FU EV SFMÉDIFNFOU EFT TUSVDUVSFT familiales en rapport avec les progrès de l’individualisme, ou bien encore de l’ÊlĂŠvation du degrĂŠ d’activitĂŠ professionnelle des femmes : plus elles seraient engagĂŠes dans le salariat et moins elles mettraient d’enfants au monde. Ces tendances sont identifiĂŠes par recours Ă l’instrument statistique et l’analyse porte d’ordinaire sur des corrĂŠlations d’ordre macroĂŠconomique et macrosociologique. Ces explications ÂŤ passe partout Âť sans ĂŞtre erronĂŠes n’en sont pas moins frustrantes du point de vue ĂŠpistĂŠmologique. Elles expriment certes des phĂŠnomènes dont les effets convergents peuvent se corrĂŠler pour rendre compte du processus de transition dans ses grandes lignes, mais du fait mĂŞme du niveau de rĂŠsolution très global qu’elles adoptent, elles sont incapables de passer du stade des corrĂŠlations possibles Ă celui des causalitĂŠs effectives. En effet, comme le SBQQFMMF USĂ’T KVTUFNFOU 3PZ &MMFO &MMFO le problème mĂŠthodologique du passage de la corrĂŠlation simple Ă la relation de causalitĂŠ dĂŠpend pour sa solution de l’Êchelle choisie, car celle-ci dĂŠtermine le nombre de variables qui peuvent ĂŞtre impliquĂŠes. Lorsque l’on se place Ă l’Êchelle d’un pays, comme le font

la plupart des chercheurs qui traitent des phĂŠnomènes de transition dĂŠmographique, le nombre de variables impliquĂŠes est tellement grand que la mise en ĂŠvidence d’une relation de causalitĂŠ directe s’avère impossible. Sur le plan mĂŠthodologique, ce qu’il faut retenir, c’est que plus on dĂŠcompose les facteurs sociaux, ĂŠconomiques ou autres en variables et plus on restreint par le choix d’une ĂŠchelle sociologique relativement petite le nombre de ces variables, plus on a de chance de saisir la nature des facteurs qui JOGĂ’SFOU MB QSBUJRVF TPDJBMF 1MVT M Ă?DIFMMF FTU petite et plus les dĂŠmographes ont tendance Ă se tromper dans leurs prĂŠdictions et c’est ĂŠvidemment Ă ce niveau que la contribution des ethnologues travaillant sur les aspects qualitatifs peut ĂŞtre la plus utile. Le deuxième problème soulevĂŠ par l’approche macrosociologique de la transition dĂŠmographique tient au fait qu’elle se rĂŠsume très souvent Ă un schĂŠma explicatif univoque et matĂŠrialiste. Selon le raisonnement qui sous-tend cette approche, toutes les sociĂŠtĂŠs nationales suivraient le mĂŞme processus global de dĂŠveloppement ĂŠconomique FU E BKVTUFNFOU EĂ?NPHSBQIJRVF BVY caractĂŠristiques de la modernisation, Ă quelques nuances près qui tiennent moins Ă la nature des facteurs impliquĂŠs qu’à leur amplitude. Ce faisant, elle minimise l’importance du paramètre culturel. Or, certains dĂŠmographes l’admettent (Charbit, 1980 et Chesnais, 1986), il faut s’extraire de quelques agrĂŠgats dĂŠmographiques et ĂŠconomiques d’ordinaire utilisĂŠs comme clefs interprĂŠtatives et rĂŠhabiliter par des Ă?UVEFT NPOPHSBQIJRVFT MF SĂ™MF DSVDJBM RVF

[19] Citation extraite du site http://www.ined.fr/fr/lexique/bdd/mot/transition+d%C3%A9mographique/motid/9/

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KPVFOU FO MB NBUJĂ’SF MFT GBDUFVST TPDJPDVMUVSFMT Seuls ceux-ci permettraient de comprendre dans le dĂŠtail les ĂŠvolutions observĂŠes. Dans le cadre de la prĂŠsente sĂŠance, mon propos n’est pas de remettre en cause l’interprĂŠtation gĂŠnĂŠrale des phĂŠnomènes EF USBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVFT NBJT QMVUĂ™U de la nuancer. En ce sens, il s’agit de montrer la fĂŠconditĂŠ d’une prise en compte Ă la fois des situations locales et des facteurs culturels Ă travers deux ĂŠtudes de cas. La première ĂŠtude porte sur deux villages du nord-est EF MB 5IBĂ•MBOEF PĂĄ K BJ USBWBJMMĂ? BV NJMJFV des annĂŠes 1980 ; la seconde a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠe par la dĂŠmographe canadienne Danièle #Ă?MBOHFS FO BTTPDJBUJPO BWFD MFT DIFSDIFVST Thi Hai Oanh Khuat, Liu Jianye, Le Thanh 5IVZ FU 7JFU 5IBOI 1IBN BV EĂ?CVU EFT annĂŠes 2000. Cette ĂŠtude traite du rapport de masculinitĂŠ ĂŠlevĂŠ Ă la naissance qui reste PCTFSWBCMF BVKPVSE IVJ BV 7JĚ?U /BN DPNNF dans d’autres pays d’Asie orientale de culture confucĂŠenne et empreints d’une puissante idĂŠologie patrilinĂŠaire. La transition dĂŠmographique dans deux villages du nord-est thaĂŻlandais Après la plaine centrale, le Nord-Est est l’autre grand bassin rizicole de la ThaĂŻlande. Cette rĂŠgion, la plus vaste du pays (1/3 du territoire) est marquĂŠe par des conditions topographiques et pĂŠdologiques peu favorables. Elle est en effet dominĂŠe par des terrasses alluviales hautes, anciennes et latĂŠrisĂŠes qui ne peuvent ĂŞtre irriguĂŠes par gravitation. Les problèmes relatifs Ă la dĂŠficience des ressources naturelles sont amplifiĂŠs par une densitĂŠ de population qui situe le Nord-Est au second rang national, mais aussi par un taux d’urbanisation et un niveau d’industrialisation qui sont les plus

faibles de la ThaĂŻlande. Le Nord-Est est, Ă vrai dire, le cĹ“ur rural du royaume. Il regroupe plus de 40 % de ses exploitations agricoles, NBJT BVTTJ MB NBKPSJUĂ? EF DFMMFT EF QFUJUF taille (moins de 5 ha), directement travaillĂŠes par leurs propriĂŠtaires (Formoso, 2000). En bref, la rĂŠgion est un bastion de la petite paysannerie pauvre du pays. Ă€ ce titre, elle a fourni les gros bataillons des manifestants appelĂŠs ÂŤ Chemises rouges Âť qui, il y a peu, se sont engagĂŠs dans une ĂŠpreuve de force avec le gouvernement thaĂŻlandais pour demander des ĂŠlections et le retour de l’ex1SFNJFS NJOJTUSF 5IBLTJO 4IJOBXBUSB DIBTTĂ? du pouvoir en 2006 et qui conduisait une politique leur ĂŠtant favorable. Ces ĂŠvĂŠnements rĂŠcents sont les derniers soubresauts en date de tensions rĂŠcurrentes FOUSF MB QPQVMBUJPO SĂ?HJPOBMF FU #BOHLPL Dès les annĂŠes 1960, dans un contexte gĂŠopolitique marquĂŠ par la seconde guerre d’Indochine, le gouvernement fournit quelques efforts pour rĂŠduire ces tensions. Avec le soutien des amĂŠricains qui avaient ĂŠtabli des bases aĂŠriennes dans la rĂŠgion, il la dĂŠsenclava par la construction d’axes routiers. %F QMVT M 64"*% DPOUSJCVB Ă‹ MB DPOTUSVDUJPO de grands pĂŠrimètres irriguĂŠs. Les efforts FO DF TFOT BZBOU Ă?UĂ? QPVSTVJWJT HSÉDF Ă‹ EFT ĂśOBODFNFOUT EF MB #BORVF NPOEJBMF FU EF MB #BORVF BTJBUJRVF EF EĂ?WFMPQQFNFOU PO DPNQUF BVKPVSE IVJ EJY QĂ?SJNĂ’USFT JSSJHVĂ?T Ils ne desservent cependant que 10 % des terres rizicoles. Il faudrait des investissements ĂŠnormes que le gouvernement ne peut consentir pour accroĂŽtre significativement ce pourcentage. 4J KF NF TVJT BUUBSEĂ? TVS MB RVFTUJPO EF l’irrigation, c’est que l’un des deux villages RVF K BWBJT Ă?UVEJĂ?T EBOT MFT BOOĂ?FT Ă?UBJU KVTUFNFOU TJUVĂ? EBOT M VO EF DFT QĂ?SJNĂ’USFT

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irriguĂŠs amĂŠnagĂŠs par l’État. Ce pĂŠrimètre, celui de Non WaĂŻ qui est desservi par la SFUFOVF E FBV 6CPO 3BUIBOB GVU NJT FO chantier en 1965, mais il ne devint pleinement opĂŠrationnel qu’en 1981 après que les TVSGBDFT SJ[JDPMFT BJFOU GBJU M PCKFU EF USBWBVY de nivellement et que des canaux tertiaires d’alimentation et de drainage aient ĂŠtĂŠ creusĂŠs. Entre-temps, cependant, et depuis MF EĂ?CVU EFT BOOĂ?FT MFT IBCJUBOUT EV village avaient pu dĂŠvelopper une ĂŠconomie de berge en pompant en saison sèche l’eau des canaux primaires et secondaires. Cette eau ĂŠtait utilisĂŠe pour cultiver des fruits et lĂŠgumes ou procĂŠder Ă deux rĂŠcoltes de riz par an dans les zones attenantes aux canaux. Les nouvelles possibilitĂŠs offertes par l’irrigation ĂŠtaient l’une des principales variables prises FO DPNQUF EBOT M Ă?UVEF RVF K BWBJT DPOEVJUF en 1984-1986 dans le cadre d’une ĂŠquipe pluridisciplinaire associant des chercheurs GSBOĂŽBJT FU UIBĂ•MBOEBJT 'PSNPTP - BVUSF grande variable ĂŠtant la distance par rapport BVY DFOUSFT VSCBJOT 1MVT QSĂ?DJTĂ?NFOU M Ă?UVEF portait sur la comparaison de deux villages rizicoles de la province de Khon Kaen. Le QSFNJFS EF DFT WJMMBHFT #BO "NQIBXBO ĂŠtait non seulement situĂŠ Ă l’intĂŠrieur du pĂŠrimètre irriguĂŠ de Nong WaĂŻ, mais en plus il ĂŠtait localisĂŠ Ă 13 km seulement de la ville de Khon Kaen, capitale de la province du mĂŞme nom et ville choisie dans les annĂŠes 1960 QPVS EFWFOJS MF QSJODJQBM QĂ™MF EF DSPJTTBODF de tout le nord-est. Au moment de l’Êtude, Khon Kaen comptait 140 000 habitants (400 000 Ă la fin des annĂŠes 1990, 500 000 en 2010) et disposait, du fait de son statut, d’infrastructures modernes et diversifiĂŠes dans les domaines notamment de la santĂŠ et de l’Êducation. Dans les annĂŠes 1980, le pouvoir d’attraction exercĂŠ par cette ville sur les populations rurales vivant Ă

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QSPYJNJUĂ? JNNĂ?EJBUF TF GBJTBJU EĂ?KĂ‹ TFOUJS Ainsi la proportion de salariĂŠs du public et du privĂŠ ĂŠtait deux fois plus importante Ă #BO "NQIBXBO RV FMMF OF M Ă?UBJU EBOT M BVUSF village retenu pour l’Êtude. Ce second village, OPNNĂ? #BO )BO Ă?UBJU MPDBMJTĂ? EBOT VO NJMJFV ĂŠcologique en tous points comparable Ă DFMVJ EF #BO "NQIBXBO 1BS DPOUSF JM Ă?UBJU totalement soumis Ă des conditions pluviales d’alimentation de ses rizières et ses habitants ne pouvaient rĂŠaliser qu’une rĂŠcolte de riz par an contre deux dans l’autre localitĂŠ. De plus, JM Ă?UBJU CJFO QMVT JTPMĂ? RVF #BO "NQIBXBO car situĂŠ Ă 6 km d’un petit centre de district de 3 500 habitants et surtout Ă 84 km de ,IPO ,BFO "KPVUPOT QPVS DMPSF DFUUF CSĂ’WF prĂŠsentation, que notre ĂŠquipe, regroupant des gĂŠographes, ethnologues, sociologues et historiens, avait choisi ces deux villages car ils BWBJFOU EĂ?KĂ‹ GBJU M PCKFU E VOF FORVĂ?UF TPDJP ĂŠconomique dĂŠtaillĂŠe quinze ans auparavant et que nous disposions ainsi d’une base de comparaison non seulement synchronique, mais aussi diachronique, qui permettait d’analyser de manière très dĂŠtaillĂŠe leur ĂŠvolution depuis les annĂŠes 1960. Compte tenu de tous ces ĂŠlĂŠments, comment s’est opĂŠrĂŠe la transition dĂŠmographique dans les deux villages ? Notons tout d’abord que la ThaĂŻlande a pour l’essentiel rĂŠalisĂŠ TB USBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVF FOUSF FU TPJU FO M FTQBDF EF USPJT EĂ?DFOOJFT Tous les observateurs s’accordent sur ce constat, les annĂŠes 1960 correspondent au EĂ?DPMMBHF Ă?DPOPNJRVF EV QBZT %F TPO DĂ™UĂ? GVU M BOOĂ?F EF MB DSJTF ĂśOBODJĂ’SF EPOU la ThaĂŻlande fut l’Êpicentre et qui gagna par contagion l’ensemble des nations de la rĂŠgion. Dans les annĂŠes qui suivirent le crash, le pays connut une stagnation ĂŠconomique. Ă€ compter de cette date, une


stabilisation du taux de natalitĂŠ s’est opĂŠrĂŠe. 4J FO MF UBVY EF OBUBMJUĂ? CSVU Ă?UBJU EF z JM T FTU TUBCJMJTĂ? BVUPVS EF z Ă‹ QBSUJS EF -B CBJTTF EF MB NPSUBMJUĂ? fut pour sa part plus modeste en rapport avec le faible niveau de dĂŠveloppement du système de santĂŠ publique dans le pays et le manque de couverture sociale. Le taux EF NPSUBMJUĂ? Ă?UBJU EF z FO JM FTU QBTTĂ? Ă‹ z FO [20] 1PVS FYQMJRVFS cette faible progression, il faut aussi invoquer l’impact local de la pandĂŠmie du Sida qui fit ressentir ses effets sur le plan statistique Ă partir de 1986 (lĂŠgère recrudescence du taux de mortalitĂŠ depuis, car depuis 1984 environ un million de personnes ont ĂŠtĂŠ infectĂŠes par le virus dans le pays). Si l’on s’en tient aux taux de natalitĂŠ et de mortalitĂŠ, les deux villages prĂŠsentaient en 1985 des donnĂŠes proches de la moyenne OBUJPOBMF ÂŽ #BO "NQIBXBO MF UBVY EF OBUBMJUĂ? Ă?UBJU EF z Ă‹ #BO )BO JM Ă?UBJU EF z MB NPZFOOF OBUJPOBMF Ă?UBOU BMPST EF z -F GBJCMF OJWFBV EF OBJTTBODFT FOSFHJTUSĂ? DFUUF BOOĂ?F MĂ‹ Ă‹ #BO "NQIBXBO doit ĂŞtre interprĂŠtĂŠ comme un accident dĂŠmographique car en 1984, l’annĂŠe prĂŠcĂŠdente, le taux de natalitĂŠ ĂŠtait dans ce WJMMBHF EF z $PODFSOBOU Ă‹ QSĂ?TFOU MF UBVY EF NPSUBMJUĂ? JM Ă?UBJU FO EF z Ă‹ #BO "NQIBXBO FU EF z EBOT MF WJMMBHF situĂŠ hors pĂŠrimètre, la moyenne nationale Ă?UBOU DFUUF BOOĂ?F MĂ‹ EF z "V WV EF DFT chiffres, on peut en conclure que l’Êvolution dĂŠmographique des deux villages ĂŠtait en phase avec le processus de transition global, observable Ă l’Êchelle de l’ensemble du pays. Quant aux dĂŠviations constatĂŠes par

rapport Ă la moyenne nationale, notamment dans le village du pĂŠrimètre irriguĂŠ, elles sont difficilement interprĂŠtables autrement que sur le mode des variations microlocales FU DPOKPODUVSFMMFT DFDJ QPVS EFVY SBJTPOT mĂŠthodologiques essentielles. La première tient Ă la taille des populations prises en DPNQUF #BO "NQIBXBO OF DPNQUBJU RVF IBCJUBOUT FO FU GFNNFT EBOT MB USBODIF E ÉHF EFT BOT PĂĄ M PO TJUVF E PSEJOBJSF MB QIBTF EF QSPDSĂ?BUJPO #BO )BO BWBJU IBCJUBOUT FU GFNNFT FO ÉHF de procrĂŠer. La taille de ces populations est trop restreinte pour amortir les variations dans la natalitĂŠ et la mortalitĂŠ qui se produisent inĂŠvitablement Ă l’Êchelon microlocal. Ces variations ressortent d’autant plus que le cadre temporel de l’analyse est ĂŠtroit. En effet, les taux de natalitĂŠ et de mortalitĂŠ sont calculĂŠs d’une annĂŠe sur l’autre. De ces considĂŠrations mĂŠthodologiques, il ressort que le taux de natalitĂŠ et de mortalitĂŠ sont des outils plus adaptĂŠs aux grandes masses statistiques qu’aux petits ĂŠchantillons de populations. Ă€ ces ĂŠchelles restreintes, le taux de fĂŠconditĂŠ, qui dĂŠtermine le nombre moyen d’enfants qu’ont les femmes au cours de leur vie, s’avère bien plus utile pour discerner les tendances Ă l’œuvre et l’incidence dĂŠmographique des facteurs locaux, qu’ils soient d’ordre ĂŠconomique, sociologique ou environnemental. Dans le village du pĂŠrimètre JSSJHVĂ? #BO "NQIBXBO MF UBVY EF GĂ?DPOEJUĂ? enregistrĂŠ en 1985 ĂŠtait de 3,4 enfants/femme TJ M PO UJFOU DPNQUF EFT FOGBOUT NPSUT FO CBT ÉHF EBOT MF WJMMBHF TJUVĂ? IPST QĂ?SJNĂ’USF #BO )BO JM Ă?UBJU QBS DPOUSF CFBVDPVQ QMVT proche de la moyenne nationale qui ĂŠtait

[20] 4PVSDF IUUQ QFSTQFDUJWF VTIFSCSPPLF DB CJMBO TFSWMFU #.5FOEBODF4UBU1BZT MBOHVF GS DPEF1BZT 5)" DPEF5MB OF DPEF4UBU 41 :/ 5'35 */

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en 1985 de 2,55 enfants/femme, puisqu’il s’Êtablissait Ă 2,9 enfants/femme (3,1 si l’on UJFOU DPNQUF EFT FOGBOUT NPSUT FO CBT ÉHF Comment interprĂŠter cet ĂŠcart significatif du point de vue du taux de fĂŠconditĂŠ entre les deux villages ? Si l’on s’en ĂŠtait tenu au raisonnement prĂŠdictif qu’induit le schĂŠma interprĂŠtatif courant en matière de transition EĂ?NPHSBQIJRVF #BO "NQIBXBO MF WJMMBHF le plus proche d’une grande ville, et donc thĂŠoriquement le plus influencĂŠ par les modes de vie, les valeurs et les modèles de consommation urbains (en matière de recours aux moyens contraceptifs notamment), aurait dĂť logiquement coller au plus près de la moyenne nationale, voire se situer lĂŠgèrement en dessous comme c’Êtait le cas de la ville de Khon Kaen qui, au SFDFOTFNFOU EF QSĂ?TFOUBJU EĂ?KĂ‹ VO UBVY de fĂŠconditĂŠ de 2,3 enfants/femme[21]. Or, on FTU MPJO EV DPNQUF QVJTRVF MFT GFNNFT EF #BO Amphawan ont en moyenne de 3 Ă 4 enfants, DPOUSF Ă‹ TVS MF QMBO OBUJPOBM FU Ă‹ #BO )BO En fait, pour interprĂŠter correctement cet ĂŠcart par rapport Ă la norme, il faut se reporter au facteur local que constitue la mise en service du pĂŠrimètre irriguĂŠ.

Tableau

30

D’autres auteurs l’ont mis en ĂŠvidence (Taillard, VOF JODJEFODF EĂ?NPHSBQIJRVF OPUPJSF de la mise en place de ce genre d’infrastructure est le surcroĂŽt de main-d’œuvre qu’elle requiert. LĂ oĂš dans un système rizicole pluvial on ne procède qu’à une rĂŠcolte par an – celle de saison des pluies, conduisant au sousemploi local en saison sèche – dans les zones irriguĂŠes, les riziculteurs enchaĂŽnent deux Ă trois rĂŠcoltes par an et, compte tenu des contraintes de mise en eau des champs, ne QFVWFOU QMVT GBJSF KPVFS MFT Ă?DIBOHFT HSBUVJUT de service entre villageois pour assurer les UÉDIFT FTTFOUJFMMFT DPNNF MF SFQJRVBHF FU MB moisson. D’oĂš un problème de main-d’œuvre, qu’ils s’efforcent de compenser de plusieurs manières. $FSUFT EBOT MF DBT EF #BO "NQIBXBO MF pĂŠrimètre ne fut pleinement opĂŠrationnel qu’en 1981, donc quatre ans seulement avant l’Êtude. Cependant, tout au long des annĂŠes MFT BHSJDVMUFVST MPDBVY QVSFOU QSFOESF la mesure des nouveaux besoins en matière de main-d’œuvre par l’Êconomie de berge qu’ils dĂŠveloppèrent Ă proximitĂŠ des canaux d’irrigation principaux.

Taux de natalitĂŠ, taux de mortalitĂŠ et accroissement naturel de la population en Ban Amphawan et Ban Han Taux de natalitĂŠ (a)

Taux de mortalitĂŠ (b)

Ban Amphawan

17,9 ‰

5,4 ‰

Taux d’accroissement naturel (a) – (b) 12,5 ‰

Ban Han

23,9 ‰

6,4 %

17,5 ‰

Village

Source : Construction de l’auteur.

[21] Source : Population and Housing Census Changwat Khon Kaen #BOHLPL /BUJPOBM 4UBUJTUJDBM 0ĂłDF 0ĂłDF PG UIF 1SJNF Minister, 1980.

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Tableau

Village Ban Amphawan Ban Han

31

Taux de fĂŠconditĂŠ des femmes de la tranche d’âge 15-50 ans Ă Ban Amphawan et Ban Han

Nombre de mères

Nombre de naissances

Nombre de dÊcès (-1 an)

Nombre moyen d’enfants vivants/mère

Nombre moyen d’enfants/ mère

‰ d’enfants morts en bas-âge

115

426

31

3,4

3,7

7,3

181

449

54

2,9

3,1

8,6

Source : Construction de l’auteur.

Dès ces annĂŠes, ils mirent en Ĺ“uvre des stratĂŠgies pour faire face Ă la nouvelle demande en termes de main-d’œuvre. La première de ces stratĂŠgies fut de rĂŠduire l’Êmigration, saisonnière ou non, vers les QĂ™MFT VSCBJOT WFST E BVUSFT SĂ?HJPOT SVSBMFT du pays ou vers l’Êtranger (pays du MoyenOrient ou puissances industrielles asiatiques). %BOT MF NĂ?NF UFNQT JMT JODJUĂ’SFOU EFT KFVOFT gens de leur parentèle Ă quitter leurs villages pauvres, confrontĂŠs au sous-emploi, pour venir s’agrĂŠger Ă leurs maisonnĂŠes et renforcer leur potentiel de main-d’œuvre. Ainsi, lorsque l’on compare l’accroissement de la population des deux villages en l’espace de 15 ans, on PCTFSWF RVF MF OPNCSF E IBCJUBOUT EF #BO Amphawan a augmentĂŠ de 50 % de 1969 Ă QBTTBOU EF Ă‹ QFSTPOOFT BMPST que dans l’intervalle la population du village situĂŠ hors pĂŠrimètre n’augmentait que de 22 %. Le nombre total de maisonnĂŠes ayant connu durant ces quinze ans une croissance Ă peu près ĂŠquivalente dans les deux villages Ă‹ #BO "NQIBXBO Ă‹ #BO

Han), la diminution de la taille moyenne EFT NBJTPOOĂ?FT RVF M PO DPOTUBUF Ă‹ #BO "NQIBXBO DPNNF Ă‹ #BO )BO FU RVJ T JOTDSJU dans un mouvement affectant l’ensemble de la province de Khon Kaen[22], a ĂŠtĂŠ plus marquĂŠe dans le village situĂŠ hors pĂŠrimètre. ÂŽ #BO )BO PO FTU BJOTJ QBTTĂ? EF QFSTPOOFT QBS NBJTPOOĂ?F FO Ă‹ QFSTPOOFT FO BMPST RV Ă‹ #BO "NQIBXBO MB CBJTTF B ĂŠtĂŠ très faible : 6,5 personnes en 1969 contre QFSTPOOFT FO 'PSNPTP Mis Ă part la fixation de la main-d’œuvre locale et son renforcement par des parents venus d’ailleurs, l’autre stratĂŠgie qui est allĂŠe dans le mĂŞme sens et qui explique aussi que la taille des maisonnĂŠes ait peu ĂŠvoluĂŠ dans le village a ĂŠtĂŠ le taux de fĂŠconditĂŠ que les GFNNFT EF #BO "NQIBXBO POU NBJOUFOV Ă‹ un niveau supĂŠrieur Ă la moyenne nationale. 1MVT QSPTBĂ•RVFNFOU OPNCSF EF DPVQMFT EF ce village ont rĂŠsistĂŠ aux sirènes du planning familial, pourtant très actif dans le pays[23], et se sont dit qu’il fallait continuer Ă faire des

[22] En comparant les rÊsultats du Population and Housing Census RVF MB /BUJPOBM 4UBUJTUJDBM 0óDF B S�BMJT� FO FU 1980 dans la province de Khon Kaen, on constate en effet qu’en zone rurale la taille moyenne des maisonnÊes est QBTT�F FO M FTQBDF EF BOT EF Ë QFSTPOOFT [23] +PIO ,OPEFM " $IBNSBUSJUIJSPOH / %FCBWBMZB Thailand’s Reproductive Revolution: Rapid Fertility Decline in a Third World Setting .BEJTPO 6OJWFSTJUZ PG 8JTDPOTJO 1SFTT 7PJS �HBMFNFOU MF 4VSWFZ PG 1PQVMBUJPO $IBOHF #BOHLPL /BUJPOBM 4UBUJTUJDBM 0óDF 0óDF PG UIF 1SJNF .JOJTUFS 4FMPO DF SBQQPSU EFT DPVQMFT NBSJ�T EBOT lesquels l’Êpouse avait entre 15 et 50 ans avait eu recours à la stÊrilisation.

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enfants pour faire face Ă l’accroissement de travail qu’occasionnerait, ou qu’occasionnait EĂ?KĂ‹ MF SFEPVCMFNFOU EV DZDMF SJ[JDPMF Finalement, par cet exemple, on saisit l’incidence non nĂŠgligeable que peuvent avoir des facteurs socio-ĂŠconomiques locaux, en l’occurrence ici le rĂŠamĂŠnagement du système de production, sur le processus gĂŠnĂŠral de transition dĂŠmographique. Le paramètre culturel : les rapports de masculinitĂŠ Ă la naissance au Viᝇt Nam Après avoir traitĂŠ des facteurs sociaux et ĂŠconomiques susceptibles d’informer le processus de transition dĂŠmographique BV OJWFBV NJDSPMPDBM KF WBJT Ă‹ QSĂ?TFOU NF replacer Ă l’Êchelon global de la nation pour examiner l’incidence possible des facteurs DVMUVSFMT - FYFNQMF RVF K BCPSEFSBJ QPVS ĂŠtayer mon propos est celui du rapport de NBTDVMJOJUĂ? Ă‹ MB OBJTTBODF BV 7JĚ?U /BN UFM RV JM B Ă?UĂ? Ă?UVEJĂ? QBS %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS ,IVBU Thi Hai Oanh, Liu Jianye, Le Thanh Thuy et 1IBN 7JFU 5IBOI #Ă?MBOHFS et al., 2003). Cette ĂŠtude part du constat gĂŠnĂŠral suivant : le phĂŠnomène de transition dĂŠmographique est marquĂŠ dans de nombreux pays asiatiques, parmi lesquels l’Inde, la Chine, TaĂŻwan, MB $PSĂ?F EV 4VE FU MF 7JĚ?U /BN QBS VO UBVY EF masculinitĂŠ ĂŠlevĂŠ Ă la naissance. Autrement dit, dans ces pays, il naĂŽt sensiblement plus EF HBSĂŽPOT RVF EF ĂśMMFT 1PVS FYQMJRVFS MF phĂŠnomène, les dĂŠmographes invoquent des causes intermĂŠdiaires ayant trait aux pratiques sociales. Ces causes seraient : 1) un sous-dĂŠnombrement des filles Ă la naissance (on ne les enregistre pas car elles comptent peu en vertu de l’idĂŠologie patrilinĂŠaire de ces pays) ; 2) le recours Ă des techniques d’avortement sĂŠlectif des fĹ“tus fĂŠminins ou un dĂŠfaut de prise en charge des enfants de TFYF GĂ?NJOJO QPVWBOU BMMFS KVTRV Ă‹ M JOGBOUJDJEF

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et qui, en tout ĂŠtat, se solde par une mortalitĂŠ QMVT Ă?MFWĂ?F EFT ĂśMMFT FO CBT ÉHF %F DFT EFVY causes, l’avortement sĂŠlectif serait le plus important, favorisĂŠ par le dĂŠveloppement de l’imagerie mĂŠdicale (ĂŠchographie prĂŠnatale). Ces deux causes intermĂŠdiaires renvoient toutefois Ă une cause plus fondamentale, qui est d’ordre culturel. En effet, ces sociĂŠtĂŠs asiatiques ont en commun une structure sociale patrilinĂŠaire et une puissante idĂŠologie de la patrifiliation dont le confucianisme offre une expression particulièrement dogmatique dans les pays oĂš il s’est rĂŠpandu (Chine, $PSĂ?F 7JĚ?U /BN %BOT DFT DPOEJUJPOT BWPJS des fils est vĂŠcu comme une nĂŠcessitĂŠ tant ĂŠconomique, que sociale (prestige de la famille) et cultuelle, dans la mesure oĂš dans les sociĂŠtĂŠs imprĂŠgnĂŠes de l’hĂŠritage confucĂŠen, il revient aux fils de mĂŠdiatiser la relation spirituelle avec les ancĂŞtres dont dĂŠpend au premier chef l’Êquilibre et le bienĂŞtre familial. Si donc, dans les pays de culture DPOGVDĂ?FOOF MFT QSPKFUT QBSFOUBVY Ă?UBJFOU traditionnellement tendus vers la quĂŞte d’un ou plusieurs fils, cette prĂŠoccupation a pris une tournure particulière dans le cadre de la transition dĂŠmographique et notamment dans les contextes politiques oĂš cette USBOTJUJPO B Ă?UĂ? SFOGPSDĂ?F QBS VO TUSJDU DPOUSĂ™MF des naissances, comme ce fut le cas en Chine (politique de l’enfant unique). -F 7JĚ?U /BN DPNNF MFT BVUSFT QBZT EF DVMUVSF confucĂŠenne, a connu l’une des transitions dĂŠmographiques les plus rapides parmi les pays en dĂŠveloppement (Rele et al., 1993). De plus, comme son homologue chinois, le gouvernement vietnamien s’est engagĂŠ dans une voie dirigiste. Depuis la fin des annĂŠes JM QSĂ™OF VOF MJNJUBUJPO EFT OBJTTBODFT Ă un ou deux enfants par couple. La mesure est cependant très inĂŠgalement appliquĂŠe


d’une province Ă l’autre et touche surtout les fonctionnaires et les militaires qui, en cas de non-respect, s’exposent Ă des amendes ou EFT USBWBVY E JOUĂ?SĂ?U HĂ?OĂ?SBM (PPELJOE Ce volontarisme et les effets du mouvement de rĂŠforme Ä‘áť•i máť›i font qu’au milieu des annĂŠes 1990, le taux de fĂŠconditĂŠ moyen ĂŠtait tombĂŠ Ă 2,6 enfants par femme et qu’il est mĂŞme passĂŠ Ă 2,2 enfants par femme Ă la fin de cette dĂŠcennie, soit un chiffre très proche du seuil de remplacement des gĂŠnĂŠrations #Ă?MBOHFS et al., op. cit.). MalgrĂŠ cet indice de fĂŠconditĂŠ très faible et malgrĂŠ aussi quarante ans de promotion gouvernementale en faveur de l’ÊgalitĂŠ des sexes, la prĂŠfĂŠrence pour les fils reste très ancrĂŠe dans les pratiques au 7JĚ?U /BN FU TF USBEVJU QBS EJWFSTFT TUSBUĂ?HJFT prĂŠ et post-natales. - Ă?UVEF EF #Ă?MBOHFS et al. met en ĂŠvidence DFT TUSBUĂ?HJFT HSÉDF Ă‹ VOF BOBMZTF EFT SFDFO sements de 1989 et 1999, et notamment de leur ĂŠchantillonnage au 1/20e qui est statistiquement reprĂŠsentatif de l’ensemble de la population nationale. Elle prend en compte aussi l’enquĂŞte sur les niveaux de vie de l’Office gĂŠnĂŠral de statistique qui fournit des donnĂŠes familiales rĂŠtrospectives obtenues auprès d’un ĂŠchantillon de 5 823 femmes NBSJĂ?FT FO ÉHF EF QSPDSĂ?FS[24]. Enfin, elle traite de l’ensemble des naissances et avortements JOUFSWFOVT EBOT MFT QSJODJQBVY IĂ™QJUBVY EF )Ă‹ /Ě˜J FU )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF et 2001). Avant d’entrer dans le dĂŠtail des rĂŠsultats de l’Êtude, il faut rappeler que le rapport de masculinitĂŠ Ă la naissance est le rapport entre les enfants vivants de sexe masculin et de

sexe fĂŠminin. La norme pour les populations IVNBJOF TF TJUVF FOUSF FU BWFD une moyenne de 105, c’est-Ă -dire qu’il naĂŽt 105 garçons environ pour 100 filles. Selon M Ă?UVEF EF #Ă?MBOHFS et al., en 1989 le rapport de masculinitĂŠ Ă la naissance s’Êtablissait Ă BV 7JĚ?U /BN BWFD DFQFOEBOU EF GPSUFT disparitĂŠs selon les provinces et les rĂŠgions du pays. Ainsi, les provinces du Sud affichaient un rapport compris entre 110 et 115 (Long "O ĂĽĚ•OH 5IĂˆQ "O (JBOH 5JĚŒO (JBOH #Ě‹O 5SF $̢V -POH )Ě‚V (JBOH #Ă?MBOHFS FU al., op. cit.). En 1999, si l’on s’en tient au donnĂŠes de l’Êchantillon au 1/20e qui paraissent les plus proches de la rĂŠalitĂŠ, le rapport de masculiOJUĂ? OBUJPOBM T Ă?UBCMJU Ă‹ BWFD MĂ‹ FODPSF des disparitĂŠs importantes. Ainsi 18 provinces prĂŠsentent un rapport supĂŠrieur Ă 110, avec VO NBYJNVN EF Ă‹ 5IĂˆJ #Ă–OI - FORVĂ?UF fait ĂŠgalement ressortir que le rapport de masculinitĂŠ des derniers nĂŠs augmente avec M ÉHF EF MB NĂ’SF QBTTBOU EF MPSTRVF la mère a entre 20 et 24 ans Ă 110 pour les NĂ’SFT EF Ă‹ BOT #Ă?MBOHFS FU al., op. cit.). Les donnĂŠes recueillies en milieu hospitalier confirment le phĂŠnomène et montrent que le rapport de masculinitĂŠ augmente très fortement avec le rang de naissance. Ainsi aux rangs 3 et 4 (3e et 4e enfant) on obtient EFT UBVY EF NBTDVMJOJUĂ? RVJ WPOU EF Ă‹ On est alors dans la configuration de femmes qui lors des prĂŠcĂŠdentes naissances ont eu EFT ĂśMMFT FU GPOU KPVFS EJWFSTFT TUSBUĂ?HJFT QPVS PCUFOJS VO HBSĂŽPO 1BSNJ DFT TUSBUĂ?HJFT JM Z B l’avortement lorsque l’Êchographie rĂŠvèle un enfant de sexe fĂŠminin. L’avortement est MĂ?HBM BV 7JĚ?U /BN EFQVJT FU B DPOOV un essor considĂŠrable Ă partir de 1989 avec

[24] (FOFSBM 4UBUJTUJDBM 0ĂłDF Vietnam Living Standards Survey 1997-1998 )BOPĂ• 4UBUJTUJDBM 1VCMJTIJOH )PVTF

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MB MĂ?HBMJTBUJPO EFT DMJOJRVFT QSJWĂ?FT 6OF autre stratĂŠgie en vogue est le retrait discret du stĂŠrilet lorsque l’on veut procrĂŠer de nouveau dans l’espoir d’un garçon. Les cadres et fonctionnaires qui subissent une plus forte pression que les autres parents pour SFTQFD UFS MFT JOKPODUJPOT HPVWFSOFNFOUBMFT FO NBUJĂ’SF EF DPOUSĂ™MF EFT OBJTTBODFT POU davantage tendance Ă sĂŠlectionner leur enfant en fonction du sexe dès le premier ou le second enfant. On constate ĂŠgalement que les familles, dans les zones rurales du OPSE OPUBNNFOU RVJ POU EĂ?KĂ‹ EFVY ĂśMT OF cherchent pas Ă avoir d’autres enfants, car elles redoutent de devoir partager leur exploitation en trois lopins trop exigus et qu’elles veulent aussi ĂŠviter d’avoir des problèmes avec les autoritĂŠs. Conscientes du problème de la masculinitĂŠ dissymĂŠtrique et de ses lourdes rĂŠpercussions sur le plan dĂŠmographique, les autoritĂŠs ont GBJU WPUFS FO KBOWJFS VOF PSEPOOBODF interdisant dorĂŠnavant de dĂŠterminer le sexe du fĹ“tus par quelque moyen que ce soit. Le texte prĂŠvoit des amendes et des poursuites pĂŠnales Ă l’encontre des contrevenants #Ă?MBOHFS FU al., op. cit.). Finalement, cette ĂŠtude est intĂŠressante en ce qu’elle dĂŠmontre le poids des conditionnements culturels sur les pratiques de procrĂŠation. Certes, le rapport de masculinitĂŠ Ă la naissance très favorable aux garçons n’affecte pas le cours du processus de transition dĂŠmographique. Il s’y adapte. $FQFOEBOU FO DPOKPODUJPO BWFD MVJ JM restreint significativement le nombre de filles disponibles Ă terme sur le marchĂŠ matrimonial, et est susceptible d’avoir de lourdes consĂŠquences dĂŠmographiques.

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Bibliographie #&-"/(&3 % ,)6"5 5IJ )BJ 0BOI -*6 +JBOZF -& 5IBOI 5IVZ FU 1)". 7JFU 5IBOI ÂŤ Les rapports de masculinitĂŠ Ă la naissance BVHNFOUFOU JM BV 7JFUOBN x Population-F, OÂĄ QQ $)"3#*5 : j 5SBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVF FU NPEFSOJTBUJPO FO (VBEFMPVQF FU Martinique Âť, Population, 1980, vol. 35-6, pp. 1145-1150. , ou encore Jean-Claude Chesnais, La transition dĂŠmographique : ĂŠtapes, formes, implications ĂŠconomiques. Etude des sĂŠries temporelles (1720-1984) relatives Ă 67 pays 1BSJT $BIJFS EF M */&% n° 113 , 582 p. ELLEN, R. (1982), Environment, Subsistence and System. The Ecology of Small-Scale Formations $BNCSJEHF $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT QQ '03.040 # ThaĂŻlande, Bouddhisme renonçant, capitalisme triomphant 1BSJT La Documentation française, coll. ÂŤ Asie QMVSJFMMF x Q Q '03.040 # EJS Ban Amphawan et Ban Han. Le devenir de deux villages rizicoles du Nord-Est thaĂŻlandais 1BSJT &EJUJPOT Recherche sur les Civilisations/CNRS &EJUJPOT Q '03.040 # j &WPMVUJPO EĂ?NPHSB QIJRVF x JO # 'PSNPTP EJS Ban Amphawan et Ban Han, le devenir de deux villages rizicoles du Nord-Est thaĂŻlandais 1BSJT &3$ $/34 QQ Q (00%,*/% % . Vietnam’s one-ortwo-child policy in action Âť, Population and Development Review, 21, pp. 85-111.


RELE, J. R., I. ALAM, (1993), ÂŤ Fertility Transition in Asia: the Statistical Evidence Âť, in R. Leete * "MBN FET The Revolution in Asian Fertility. Dimensions, Causes and Implications, Oxford: $MBSFOEPO 1SFTT 5"*--"3% $ j 4ZTUĂ’NFT Ă?DPOPNJRVFT villageois : une mĂŠthode pour la planificaUJPO QVJT M Ă?WPMVUJPO E VO QSPKFU E JSSJHBUJPO l’exemple du pĂŠrimètre de Tha Mgon au Laos Âť, Espace gĂŠographique, n° 2-4, pp. 255 Q

JournĂŠe 2, mardi 20 juillet 2.4.3. Les transformations de la condition fĂŠminine au regard des changements dĂŠmographiques, culturels et sociaux, par Martine Segalen 1BSMFS EF j USBOTJUJPO EĂ?NPHSBQIJRVF x BV niveau d’une population entière revient Ă occulter qu’une partie des ĂŠlĂŠments de

cette transition concerne exclusivement le DPSQT GĂ?NJOJO FO UBOU RVF KFVOF ĂśMMF QVCĂ’SF femme enceinte et mère. L’exposĂŠ part de la comparaison des calendriers fĂŠminins du 97***e TJĂ’DMF Ă‹ OPT KPVST QPVS NPOUSFS DF RVF rĂŠvèlent les donnĂŠes dĂŠmographiques, puis s’orientera vers l’Êtude des causes multiples qui ont, plus que celle des hommes, profondĂŠment transformĂŠ la condition fĂŠminine et par contrecoup l’institution familiale en Europe contemporaine. Il insistera enfin sur le SĂ™MF EFT QPMJUJRVFT QVCMJRVFT UFOEVFT FOUSF les questions de fĂŠconditĂŠ dĂŠclinante et de vieillissement gĂŠnĂŠralisĂŠ partout en Europe et la montĂŠe de l’ÊgalitĂŠ du statut masculinfĂŠminin. %BOT MF DBESF EF DFU FYQPTĂ? KF NBOJF EFT donnĂŠes et des sources de natures diverses, dĂŠmographiques, comme historiques. L’exposĂŠ commence par comparer les carrières de fĂŠconditĂŠ des femmes en deux gĂŠnĂŠrations, qui nous montrent l ‘extraordinaire changement dans la condition fĂŠminine.

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Tableau

32

MortalitĂŠ, nuptialitĂŠ et fĂŠconditĂŠ lĂŠgitime de deux gĂŠnĂŠrations fĂŠminines : 1750 et 1950 en France GĂŠnĂŠration 1750

GĂŠnĂŠration 1950 ÂŤfĂŠconditĂŠ maximaleÂť (a)

histoire probable (b)

1 Pour 100 filles vivantes, proportion de survivantes : Ă 15 ans

48 %

94 %

94 %

Ă 50 ans

30 %

90 %

90 %

2 Ă‚ge moyen Ă la pubertĂŠ

16 ans

13 ans

13 ans

3 Ă‚ge moyen au premier mariage

26 ans

23 ans

23 ans

Proportion de cĂŠlibataires Ă 50 ans

11 %

8%

8%

4 Ă‚ge moyen Ă la première naissance

27 ans

24 ans

25 ans

Ă‚ge moyen Ă la dernière naissance

37 ans

38 ans

30 ans

Nombre moyen d’enfants : Par femme mariÊe à 20 ans, union subsistante à 50 ans Par femme mariÊe

8,7

12,3

2,8

5,3

10,1

2,2

Par femme vivante Ă 15 ans

4,2

9,3

2,0

Dans la gĂŠnĂŠration

2,0

8,7

1,9

(a) FÊconditÊ thÊorique en l’absence de toute pratique de rÊgulation des naissances (contraception ou avortement). (b) Estimation ne tenant pas compte des naissances illÊgitimes (+ 0,15 enfant par femme) ni du divorce (effets sur la fÊconditÊ difficiles à Êvaluer). Source : Henry Leridon,  La MaÎtrise de la fÊconditÊ : ses motifs et ses moyens , p. 51.

Mais l’histoire ne s’arrĂŞte pas en 1960 et si l’on prend la gĂŠnĂŠration des femmes nĂŠes en 1990, on peut comparer ces chiffres Ă ceux E BVKPVSE IVJ ÉHF NPZFO BV NBSJBHF ans ; Ă la première naissance : 30 ans ; taux de fĂŠconditĂŠ pour la France : 2,0 en 2008 ; BVHNFOUBUJPO TFOTJCMF EF M ÉHF Ă‹ MB EFSOJĂ’SF maternitĂŠ autour de 42 ans. Ces quelques chiffres nous montrent que derrière le concept de transition dĂŠmographique qui concerne toute une population, nous avons des transformations NBKFVSFT RVJ DPODFSOFOU MB DPOEJUJPO fĂŠminine

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La condition fĂŠminine dans les sociĂŠtĂŠs d’autrefois Dans les sociĂŠtĂŠs paysannes, les femmes travaillent très dur dans le cadre d’une rĂŠparUJUJPO USĂ’T TUSJDUF EFT UÉDIFT FU EFT SĂ™MFT FMMFT DPOUSĂ™MFOU MB WJF EPNFTUJRVF MB TBOUĂ? EFT hommes et de la famille, et les travaux des champs tout en menant Ă bien grossesses et accouchements. Le couple est fondĂŠ par des stratĂŠgies patrimoniales : la notion de couple n’existe pas, les lieux d’activitĂŠ masculins et fĂŠminins sont sĂŠparĂŠs, les hommes ĂŠtant dehors, dans les champs ou au cafĂŠ, les femmes restant Ă la maison ou dans leurs propres lieux de sociabilitĂŠ, que sont le four


PV MF MBWPJS %BOT DFUUF TPDJĂ?UĂ? MFT SĂ™MFT TPOU sĂŠparĂŠs et les statuts hiĂŠrarchisĂŠs. En ville, Ă l’usine, les dĂŠbuts du capitalisme, et particulièrement du capitalisme textile, dĂŠsorganisent sĂŠrieusement la vie familiale en mettant la femme Ă l’usine, et secondairement les enfants. La faiblesse des salaires masculins exige le travail de tous Ă l’usine. Ă€ Lille, en 1856, les filatures de coton et de lin emploient 12 939 hommes FU GFNNFT USBWBJMMBOU EV MVOEJ BV samedi de 5 h 30 Ă 20 heures, trois cents KPVST QBS BO -F TBMBJSF GĂ?NJOJO FTU JOGĂ?SJFVS Ă celui des hommes, et le salaire des enfants encore moindre. La petite taille de l’enfant est apprĂŠciĂŠe dans les usines textiles car il peut se glisser sous le mĂŠtier pour rattacher les fils brisĂŠs, nettoyer les bobines de fil, ramasser le coton de dĂŠchet (Segalen, 1994). Se produit une prolĂŠtarisation maternelle : harassĂŠes par les conditions de travail, les femmes ouvrières sont accusĂŠes d’avoir perdu leurs savoirs domestiques. Le dĂŠclin du statut masculin au sein du groupe domestique ouvrier n’entraĂŽne d’ailleurs pas une revalorisation nĂŠcessaire du statut de la femme. Les observateurs soulignent les effets destructeurs de l’industrialisation sur leurs savoirs traditionnels : ÂŤ L’industrialisation va produire, par groupes entiers, un nouveau type de mères, qui travaillent hors de chez elles de douze Ă quatorze heures par jour et reviennent au logis extĂŠnuĂŠes, hagardes, exaspĂŠrĂŠes, parfois incapables d’assumer les tâches maternelles et mĂŠnagères les plus fondamentales. Ce qui est nouveau, ce n’est pas que le travail dispute la mère Ă ses petits (il en ĂŠtait souvent ainsi Ă la campagne), c’est le caractère massif, collectif, aveuglant du phĂŠnomène. Les paysannes, les fermières

trimaient parfois autant, mais chacune chez elle, et peu de tĂŠmoins, Ă l’exception de quelques mĂŠdecins, prenaient conscience de leur commune fatigue. Maintenant, l’usine et les taudis rassemblent ces malheureuses et donnent Ă leur misère une dimension scandaleuse. Âť (Knibielher et Fouquet, 1980, p. 245). La sociabilitĂŠ fĂŠminine traditionnelle, par laquelle transitaient les savoirs fĂŠminins, se trouve dĂŠtruite. Or ceux-ci concernaient le domaine du foyer : cuisine, entretien du linge, soins aux enfants, etc. Si ces pratiques Ă?UBJFOU QBSGPJT KVHĂ?FT j TVQFSTUJUJFVTFT x FO milieu paysan, elles n’en continuaient pas moins de se transmettre, s’imposant d’ellesNĂ?NFT DPNNF WFOBOU EV GPOE EFT ÉHFT La situation change en ville, oĂš l’opposition entre comportement fĂŠminin ouvrier et savoir savant et bourgeois est trop voyant. Les observateurs sont franchement hostiles Ă l’Êgard des façons de faire ouvrières. Ils sont forcĂŠs de constater que les femmes sont dĂŠculturĂŠes. Ă€ la fin du siècle, les critiques s’accumulent : ÂŤ Les ouvrières ne savent ni coudre, ni raccommoder, ni cuire un bouillon, ni ĂŠlever leurs enfants. Que le travail industriel, accablant comme il l’Êtait, ait dĂŠtruit les anciens savoirs fĂŠminins et les vertus mĂŠnagères, cela n’a rien de bien surprenant. Âť Lorsqu’elle ne travaille pas Ă l’usine, la femme cherche quelque autre complĂŠment de revenu : par exemple, Ă Londres, le retrait de la main-d’œuvre fĂŠminine correspond Ă l’augmentation du nombre des pensionnaires. Dans d’autres villes ouvrières, les femmes mariĂŠes s’employaient dans les secteurs non industrialisĂŠs : elles ĂŠtaient laveuses, tenanDJĂ’SFT EF DBGĂ? FMMFT GBJTBJFOU EFT KPVSOĂ?FT EF mĂŠnage ou bien elles prenaient du travail Ă domicile. On observe une montĂŠe de DF UZQF EF USBWBJM WFST MB ĂśO EV 9*9e siècle,

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notamment par le biais de la machine Ă coudre. Si cette mĂŠcanique apparaĂŽt l’alliĂŠe EF MB GFNNF CPVSHFPJTF EBOT TFT UÉDIFT traditionnelles, ÂŤ la couturière en fer Âť est l’instrument du capitalisme extĂŠrieur au sein EV GPZFS 1PVS VO NBJHSF TBMBJSF E BQQPJOU attachĂŠe Ă sa machine, la femme retrouve sa posture et sa fonction traditionnelles, fixe l’image symbolique de la femme disciplinĂŠe BVKPVSE IVJ MB NĂ?NF JNBHF TF QSPMPOHF dans celle de la dactylo rivĂŠe d’abord Ă sa machine Ă ĂŠcrire, et dans les annĂŠes 1990 Ă son ÂŤ micro Âť avec traitement de texte). Avec le dĂŠveloppement de l’industrie du vĂŞtement, nombre de femmes tirent de leur machine l’argent nĂŠcessaire au remboursement de l’instrument de leur domination et de quoi DPNQMĂ?UFS MF TBMBJSF EV NBSJ 1PVS BSSJWFS Ă‹ DF NBJHSF SFWFOV JM GBVU USBWBJMMFS EFT KPVSOĂ?FT entières, parfois tard dans la nuit. C’est QPVSRVPJ Ă‹ M BVCF EV 99e siècle, on voit les femmes retourner Ă l’usine qui leur apparaĂŽt prĂŠfĂŠrable aux tourments qu’impose le travail Ă domicile – ces femmes s’engouffreront FOTVJUF EBOT MFT VTJOFT EF HVFSSF 1FSSPU Quelle que soit l’implication de la femme EBOT VO USBWBJM TBMBSJĂ? TPO SĂ™MF QSJODJQBM est d’assurer la survie de la famille malgrĂŠ les conditions de pauvretĂŠ extrĂŞme qui caractĂŠrisent toute l’Europe industrielle EV 9*9e siècle. La naissance de nombreux enfants alourdissait ĂŠvidemment les charges de la famille. Leur abandon a crĂť de façon dramatique avec l’industrialisation, ce qui a incitĂŠ les autoritĂŠs publiques Ă mettre en place des structures d’aide pour ceux que l’on a dĂŠnommĂŠs ÂŤ enfants trouvĂŠs Âť ou ÂŤ enfants abandonnĂŠs Âť ou ÂŤ enfants assistĂŠs Âť – en anglais foundlings (Fuchs, 2002). Souvent, ces mères, qu’elles soient cĂŠlibataires ou mariĂŠes,

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sont des nouvelles arrivĂŠes en ville, sans rĂŠseau de parentĂŠ ou de voisinage pour les soutenir dans leur dĂŠtresse. Travail et soin aux enfants ĂŠtaient incompatibles, notamment pour les femmes qui s’employaient comme domestiques, un mĂŠtier en expansion au 9*9e TJĂ’DMF ÂŽ 1BSJT BV NPJOT VO UJFST EFT femmes qui abandonnèrent leur enfant ĂŠtaient des domestiques dont l’emploi ĂŠtait JODPODJMJBCMF BWFD MF SĂ™MF NBUFSOFM VO BVUSF tiers ĂŠtait composĂŠ de couturières, d’ouvrières E VTJOF 'VDIT Q Jusqu’aux annĂŠes 1930, certaines familles ouvrières ont dĂŠveloppĂŠ des stratĂŠgies de fĂŠconditĂŠ, produisant de nombreux enfants RVJ EBOT MFVS KFVOF ÉHF DPĂ&#x;UBJFOU NBJT ensuite rapportaient un salaire Ă la famille. Cependant, dans l’ensemble de la sociĂŠtĂŠ française, on observe une chute globale EF MB GĂ?DPOEJUĂ? MF DPOUSĂ™MF EFT OBJTTBODFT s’effectuant par le recours Ă l’avortement ou le retrait masculin. Il ĂŠtait utile de faire ce rappel sur les conditions historiques de vie des femmes et pour mesurer les changements qui se sont produits dans sa condition. IdĂŠologies sur la femme et la famille Il faut savoir que les changements du statut de la femme dont nous allons ĂŠtudier les DBVTFT TPOU M PCKFU EF EĂ?CBUT EFQVJT QMVTJFVST dizaines d’annĂŠes. C’est autour de la critique de la famille ÂŤ bourgeoise Âť et de la question EF MB SĂ?QBSUJUJPO EFT SĂ™MFT FU EFT UÉDIFT RVF les discussions scientifiques ont ouvert le vaste mouvement populaire qu’on a nommĂŠ en France, le ÂŤ mouvement de libĂŠration des femmes Âť dit MLF, mouvement radical issu des BOOĂ?FT -F SFKFU EV NBSJBHF FU EV DPVQMF est alors issu d’une position idĂŠologique.


Dans l’immĂŠdiat après-guerre, le pĂŠril familial prend la figure nouvelle d’un pĂŠril interne qui surgit de relations nĂŠvrotiques : l’Êtouffement familial, la destruction de ses membres par la pression intolĂŠrable que lui font subir les interdits familiaux. La condition de la femme semble très dominĂŠe, celle-ci ĂŠtant dĂŠpendante des ressources de son ĂŠpoux, ce qui limite le nombre de divorces. L’influence de Freud et des dĂŠcouvertes de la psychanalyse ont contribuĂŠ Ă la radicalisation des prises de position contre la famille. Les ouvrages EF 4JNPOF EF #FBVWPJS TPVMJHOFOU MB GBJMMJUF de la morale bourgeoise traditionnelle et du mariage, lieu de l’aliĂŠnation de la femme, et c’est lĂ un courant qui influencera fortement la critique familiale produite par les fĂŠministes EBOT MFT BOOĂ?FT La rĂŠĂŠmergence du travail domestique comme champ d’Êtude scientifique, est EVF Ă‹ MB DSJUJRVF NBSYJTUF EFT BOOĂ?FT L’oppression dont ĂŠtaient victimes les femmes dans le cadre d’une exploitation patriarcale est alors dĂŠnoncĂŠe. Le mode de production capitaliste aurait induit une division sexuelle du travail, et il s’agissait pour les fĂŠministes ÂŤ de montrer et faire reconnaĂŽtre les activitĂŠs des femmes au sein de la famille en tant que travail et comme travail exploitĂŠ. En prĂŠsentant le travail domestique en termes de production, les mouvements fĂŠministes obligeaient Ă repenser Ă la fois les fonctions attribuĂŠes Ă la famille et le fonctionnement gĂŠnĂŠral de l’Êconomie Âť (Chabaud-Rychter et al., 1985). $ISJTUJOF %VQPOU QPTBJU MB RVFTUJPO du caractère public de la famille en affirmant que le travail domestique produit de la valeur. Certains ĂŠconomistes rĂŠcusaient cette position, estimant qu’il s’agissait de productions immĂŠdiates Ă valeur d’usage et non de marchandises qui entraient dans

le rĂŠseau des ĂŠchanges marchands. Les fĂŠministes rĂŠtorquaient que la plupart des services fournis au sein du foyer pouvaient ĂŞtre trouvĂŠs sur le marchĂŠ. La nature du travail domestique relèverait donc du domaine du public, mĂŞme si la comptabilitĂŠ OBUJPOBMF M JHOPSF UPVKPVST EF NĂ?NF RV FMMF DMBTTF EV DĂ™UĂ? EF M BVUPQSPEVDUJPO GBNJMJBMF la contribution de la femme Ă la production de biens et services vendus sur le marchĂŠ. Ces polĂŠmiques en liaison avec la lutte pour la libĂŠralisation de la contraception et de l’avortement ont occupĂŠ l’espace public EFT EĂ?CBUT EBOT MFT BOOĂ?FT QPVS SFUPNCFS BWBOU EF SFTTVSHJS BVKPVSE IVJ TVS MB RVFTUJPO UPVKPVST EĂ?CBUUVF EF M JOĂ?HBMJUĂ? homme-femme. -F UPVSOBOU FOUSF MF 99e FU MF 99*e siècle a vu la reprise de champs ouverts dans les annĂŠes USFOUF BOOĂ?FT BQSĂ’T TPO EĂ?NBSSBHF la sociologie du genre s’est rĂŠconciliĂŠe avec la famille. Le fĂŠminisme Ă la française, d’inspiration marxiste, dĂŠnonciateur de la condition de la femme au sein du mariage a libĂŠrĂŠ les ĂŠnergies de recherche ; après une pĂŠriode de militantisme qui tournait le dos Ă une institution apparaissant comme le creuset des inĂŠgalitĂŠs homme-femme, la sociologie fĂŠministe, qui a beaucoup fait pour dĂŠcloisonner les champs de la sociologie, dĂŠnonce les inĂŠgalitĂŠs entre les sexes, qui sont souvent des inĂŠgalitĂŠs sociales. Les causes du changement de statut de la femme Il faut d’abord ĂŠvoquer les progrès mĂŠdicaux ĂśO EV 9*9e concernant l’accouchement, MB NPSUJ OBUBMJUĂ? 1MVT CFTPJO EF NFUUSF au monde dix enfants pour en voir deux survivre. La sociĂŠtĂŠ de consommation a ĂŠtĂŠ doublement favorable Ă l’amĂŠlioration de la

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condition fĂŠminine : plus besoin de coudre ses vĂŞtements, de faire ses confitures, mieux vaut les acheter sur le marchĂŠ que de les faire chez soi. De plus, le niveau de scolarisation des femmes augmente tandis que le marchĂŠ du travail s’ouvre avec de nouvelles professions. Enfin, la libĂŠralisation des mĹ“urs permet une libertĂŠ sexuelle plus grande aux filles. Les nouvelles attitudes Ă l’Êgard de la WJSHJOJUĂ? FU EF MB TFYVBMJUĂ? EFT KFVOFT ĂśMMFT TPOU maintenant acceptĂŠes depuis plus de vingt ans dans notre sociĂŠtĂŠ : c’est l’espace d’une gĂŠnĂŠration. Ces changements de son statut font de la femme le moteur et promoteur d’un nouveau modèle social. Mais, parmi les causes les plus importantes, il convient de parler des deux rĂŠvolutions contraceptives. Contraception naturelle et contraception chimique dessinent des relations avec la sociĂŠtĂŠ très diffĂŠrentes : si elles ont les mĂŞmes effets, – limiter les naissances –, elles n’empruntent pas les mĂŞmes moyens, et elles n’ont pas les mĂŞmes motifs. 4FMPO MFT UIĂ’TFT EĂ?WFMPQQĂ?FT QBS 1IJMJQQF Ariès, la contraception dite ÂŤ naturelle Âť qui TF NFU FO QMBDF Ă‹ MB ĂśO EV 97***e siècle en France est une contraception masculine, contraception de l’ascèse oĂš l’homme conUSĂ™MF TB QVMTJPO TFYVFMMF QPVS TF SFUJSFS BV moment le plus fort du plaisir. Autrefois, on n’imaginait mĂŞme pas qu’on pĂťt agir sur l’acte sexuel, acte de la nature. C’est lĂ que se situe l’attitude rĂŠvolutionnaire, dans ce changement Ă l’Êgard du corps. Les historiens repèrent lĂ un bouleversement des consciences. Ariès souligne que ÂŤ les pratiques contraceptives sont impensables dans les sociĂŠtĂŠs anciennes parce qu’elles sont ĂŠtrangères Ă leur univers mental Âť. L’attitude Ă

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l’Êgard de la sexualitĂŠ ĂŠtait d’ailleurs soutenue par la doctrine ecclĂŠsiastique qui considĂŠrait la chastetĂŠ comme le meilleur des ĂŠtats ; le mariage ĂŠtait un moindre mal, mais tout acte sexuel devait avoir la procrĂŠation pour finalitĂŠ. La sexualitĂŠ Ă visĂŠes stĂŠriles ĂŠtait condamnĂŠe. $FQFOEBOU EĂ’T MB ĂśO EV 97***e siècle, dans ce pays catholique qu’est la France, la pratique du coitus interruptus touche des couches sociales diverses, bourgeoises, paysannes. AssurĂŠment cette technique ĂŠtait connue de certains milieux comme celui de la prostitution ou des salons mondains ; ce qui est nouveau, c’est la rapiditĂŠ de la diffusion des ÂŤ funestes secrets Âť. Les effets s’en font immĂŠdiatement sentir sur les courbes de fĂŠconditĂŠ. D’un point de vue statistique, l’efficacitĂŠ de cette contraception est grande, puisqu’elle rĂŠduit le nombre des naissances ; au niveau de chaque couple, elle est moins sĂťre : mĂŞme ÂŤ en ayant fait attention Âť, euphĂŠmisme qui dĂŠsigne la dissociation entre plaisir et risque de fĂŠcondation, plus d’enfants naissent qu’il n’en est souhaitĂŠ. C’est d’ailleurs cette marge de sĂŠcuritĂŠ qui distingue les mĂŠthodes modernes de contraception des mĂŠthodes anciennes. Le souhait de limiter sa descendance tĂŠmoigne d’un nouveau regard sur l’enfant qu’il s’agit d’entourer de soins et d’Êduquer : ÂŤ C’est quand les Français se sont mis Ă s’intĂŠresser aux enfants qu’ils ont commencĂŠ Ă ne plus en avoir beaucoup Âť, ĂŠcrit le docteur Jean Sutter pour rĂŠsumer la pensĂŠe de 1IJMJQQF "SJĂ’T #VSHVJĂ’SF Q %FQVJT MFT BOOĂ?FT D FTU VOF TFDPOEF rĂŠvolution contraceptive qui a eu lieu avec l’entrĂŠe dans les mĹ“urs des techniques modernes (notamment chimiques). Sur bien


des points, elles s’opposent aux techniques contraceptives classiques. Les dĂŠtracteurs de l’emploi de ces nouvelles mĂŠthodes les qualifiaient alors en termes passionnĂŠs et idĂŠologiques : ÂŤ contraception du plaisir Âť, ÂŤ enfants du calcul Âť – discours qui a totalement disparu avec leur diffusion et leur acceptation, partout en Europe. La limitation volontaire des naissances correspond Ă une OPVWFMMF Ă?DPOPNJF EFT SFMBUJPOT DPOKVHBMFT centrĂŠes sur le couple. Cette volontĂŠ, manifestĂŠe dans la chute rapide de la fĂŠconditĂŠ, est antĂŠrieure Ă l’adoption massive des techniques modernes de contraception. C’est Ă partir de 1964-1965 que s’observe en effet une baisse accentuĂŠe de la fĂŠconditĂŠ, alors que l’emploi massif de la pilule et du stĂŠrilet ne s’est rĂŠellement rĂŠpandu qu’à partir EF $F QIĂ?OPNĂ’OF FTU E BVUBOU QMVT remarquable qu’il touche de façon analogue MFT BVUSFT QBZT FVSPQĂ?FOT "VKPVSE IVJ DF n’est plus un enfant qui arrive et qu’on accepte, l’enfant est planifiĂŠ, programmĂŠ, dĂŠsirĂŠ. Selon une enquĂŞte rĂŠalisĂŠe en 1988, M ÉHF BVY QSFNJFST SBQQPSUT TFYVFMT T FTU considĂŠrablement abaissĂŠ entre 1960 et 1980. Ă€ la fin des annĂŠes 1960, un tiers des femmes ĂŠtaient vierges lorsqu’elles aborEBJFOU MB WJF DPOKVHBMF BV NJMJFV EFT BOOĂ?FT 1980, ce n’est plus le cas que pour une femme TVS EJY - ÉHF NĂ?EJBO BVY QSFNJFST SBQQPSUT semble s’être stabilisĂŠ autour de 18 ans 5PVMFNPO FU -Ă?SJEPO #P[PO Cette libĂŠration des mĹ“urs a ĂŠtĂŠ soutenue par la parfaite maĂŽtrise de la contraception, impensable il y a seulement une trentaine d’annĂŠes. La première pĂŠriode de cohabitaUJPO KVWĂ?OJMF DFMMF RVF MFT EĂ?NPHSBQIFT BOBMZTBJFOU BV NJMJFV EFT BOOĂ?FT comme une pĂŠriode de mariage Ă l’essai, se caractĂŠrisait d’ailleurs comme stĂŠrile. Les

KFVOFT DPIBCJUBOUT TF NBSJBJFOU MPSTRV VOF grossesse s’annonçait ou bien en vue de mettre au monde un enfant. Il n’en va plus de mĂŞme dix ans après, puisqu’on observe une augmentation forte des naissances hors mariage. L’extension de la pĂŠriode d’Êtudes supĂŠrieures chez les femmes, ainsi que celle du salariat fĂŠminin, expliquent ĂŠgalement le dĂŠveloppement de cette pratique, le mariage apparaissant contradictoire avec les aspirations des femmes Ă une autonomie personnelle et Ă une ouverture sur l’extĂŠrieur. L’entrĂŠe dans le monde des adultes autrefois marquĂŠe par le mariage, qui ouvrait tout Ă la fois les portes de la sexualitĂŠ, du logement indĂŠpendant et du travail salariĂŠ, est BVKPVSE IVJ CSPVJMMĂ?F % VO DĂ™UĂ? PO PCTFSWF VO BCBJTTFNFOU EF M ÉHF EF MB NBKPSJUĂ? MĂ?HBMF Ă‹ BOT EFQVJT MB MPJ EF EF M ÉHF BVY premières relations sexuelles, mais de l’autre, VO BMMPOHFNFOU EFT Ă?UVEFT FU VO ÉHF EF plus en plus ĂŠlevĂŠ Ă l’entrĂŠe dans la vie active. -B DPIBCJUBUJPO KVWĂ?OJMF PòSF VO TBT TPDJBM pour articuler ces exigences contradictoires. "VKPVSE IVJ DFUUF DPIBCJUBUJPO FTU MĂ?HJUJNĂ?F par l’instauration du pacte civil de solidaritĂŠ 1"$4 RVJ DPOOBĂ”U VO TVDDĂ’T SFNBSRVBCMF BVQSĂ’T EFT KFVOFT DPVQMFT La situation ĂŠconomique depuis les annĂŠes 1990, caractĂŠrisĂŠe par la difficultĂŠ d’accès BV NBSDIĂ? EF M FNQMPJ FU MF DIĂ™NBHF EFT KFVOFT FTU SFOEVF Ă?HBMFNFOU SFTQPOTBCMF par certains observateurs, du dĂŠveloppement de l’union libre, la rĂŠgularisation matrimoniale ĂŠtant supposĂŠe s’effectuer avec la stabilitĂŠ de l’emploi. Ă€ cette hypothèse ĂŠconomique, qui KPVF DFSUBJOFNFOU QPVS DFSUBJOT DPVQMFT on ne peut cependant accorder une portĂŠe universelle. D’une part, la crise ĂŠconomique NBJOUJFOU MFT KFVOFT QMVT MPOHUFNQT BV GPZFS

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de leurs parents. Depuis les annĂŠes 1980, MFT KFVOFT EF Ă‹ BOT SFTUFOU EF QMVT FO plus longtemps chez eux au lieu de s’installer de façon autonome comme ils en avaient pris l’habitude depuis les annĂŠes 1950. L’argument ĂŠconomique, d’autre part, ne KPVF QBT QPVS DFSUBJOFT DBUĂ?HPSJFT QSPUĂ?HĂ?FT comme les fonctionnaires chez lesquels s’observe ĂŠgalement un dĂŠveloppement de cette pratique. La loi et les politiques publiques La loi a suivi les changements des mĹ“urs et fait rapidement advenir l’ÊgalitĂŠ hommefemme, mĂŞme si celle-ci est loin d’être achevĂŠe. Si l’on observe les changements lĂŠgislatifs qui se sont produits au cours des trente dernières annĂŠes, on constate une redĂŠfinition importante de l’institution familiale telle que dĂŠfinie par le Code civil : dĂŠboulonnage du père et de la sociĂŠtĂŠ patriarcale. N’oublions pas que ces changements s’inscrivent dans le cadre d’une sociĂŠtĂŠ d’Etat-providence, qui a ĂŠtĂŠ de plus en plus gĂŠnĂŠreuse au cours des 5SFOUF (MPSJFVTFT 4FHBMFO Principales mesures en France concernant la famille dans le domaine du droit civil, des politiques publiques et des politiques sociales 1939. Code de la famille 1944. Droit de vote accordĂŠ aux femmes (ordonnance du 21 avril) 1945. Instauration du quotient familial 1946. #SBODIF GBNJMMF EF MB 4Ă?DVSJUĂ? TPDJBMF (allocations familiales, allocation de salaire unique, allocations prĂŠnatales, allocation de maternitĂŠ) 1948. Allocation logement 1965. RĂŠforme des rĂŠgimes matrimoniaux instaurant l’ÊgalitĂŠ et la solidaritĂŠ DPOKVHBMFT

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1967. Loi Neuwirth sur la contraception 1970. Loi substituant au principe de puissance paternelle celui de l’autoritĂŠ parentale conjointe. La notion de chef de famille disparaĂŽt du Code civil 1970. Allocation orphelin 1972. Allocation pour frais de garde des enfants - Loi posant l’ÊgalitĂŠ des filiations (naturelle, lĂŠgitime ou adultĂŠrine) ; vĂŠritĂŠ de la filiation biologique : la filiation devient une rĂŠalitĂŠ dĂŠmontrable (empreintes gĂŠnĂŠtiques de paternitĂŠ) 1974. Deuxième loi Neuwirth instaurant le remboursement des contraceptifs 1975. -PJ 7FJM TVS M JOUFSSVQUJPO WPMPOUBJSF EF HSPTTFTTF *7(

- La loi institue un divorce par consenteNFOU NVUVFM Ë DÙU� EFT QSPD�EVSFT contentieuses 1976. "MMPDBUJPO EF QBSFOU JTPM� "1*

1982. Allocation parentale d’Êducation "1&

1987. Loi Êtablissant l’autoritÊ parentale DPOKPJOUF 1989. Convention internationale des droits EF M FOGBOU WPU�F QBS M 0/6 1994. Allocation de garde d’enfant à EPNJDJMF "(&%

1999. La loi institue un pacte civil de TPMJEBSJU� 1"$4 DPOUSBU DPODMV QPVS organiser la vie commune entre deux personnes de même sexe ou de sexe diffÊrent. Le concubinage est reconnu par le Code civil 2000. Les enfants sont aussi des personnes au même titre que les adultes : instauration E VOF BVUPSJU� KVSJEJRVF TVQ�SJFVSF FU indÊpendante ; le dÊfenseur des enfants. 2001. -F E�MBJ M�HBM QPVS FòFDUVFS VOF *7( est portÊ à douze semaines


- Loi supprimant la discrimination successorale Ă l’Êgard des enfants adultĂŠrins et SFOGPSĂŽBOU MFT ESPJUT EV DPOKPJOU TVSWJWBOU 2002. Instauration d’un congĂŠ de paternitĂŠ lors de la naissance d’un enfant : les pères QFVWFOU CĂ?OĂ?ĂśDJFS EF PO[F KPVST EF DPOHĂ? lors de la naissance d’un de leurs enfants - Loi gĂŠnĂŠralisant le principe de l’autoritĂŠ parentale partagĂŠe, ouvrant la possibilitĂŠ d’une rĂŠsidence alternĂŠe pour l’enfant, faisant entrer la mĂŠdiation familiale dans le Code civil et prĂŠvoyant la possibilitĂŠ d’une dĂŠlĂŠgation de l’autoritĂŠ parentale Ă un tiers sans dĂŠpossession de l’un ou l’autre parent - Loi relative Ă l’accès aux origines des personnes adoptĂŠes et crĂŠation d’un Conseil national pour l’accès aux origines -PJ (PV[FT SFMBUJWF BV OPN EF GBNJMMF - Renforcement de la coparentalitĂŠ (en cas de sĂŠparation du couple, qu’il ait ĂŠtĂŠ mariĂŠ ou non, les parents ont un statut rigoureusement semblable en ce qui concerne l’autoritĂŠ parentale) 2004. Substitution et fusion des anciennes mesures d’aide Ă la garde des enfants dans MB 1SFTUBUJPO E BDDVFJM EV KFVOF FOGBOU 1"+&

- RĂŠforme du divorce, supprimant dans certains cas la notion de faute 2005. 6OF PSEPOOBODF QSĂ?TFOUĂ?F FO Conseil des ministres conduit Ă supprimer du Code civil les termes de filiation ÂŤ naturelle Âť et ÂŤ lĂŠgitime Âť. La mère – mĂŞme non mariĂŠe – n’aura plus Ă faire ĂŠtablir un acte de reconnaissance de son enfant : la filiation s’Êtablit pour elle par la naissance, NBJT MF QĂ’SF OPO NBSJĂ? EFWSB UPVKPVST accomplir cette dĂŠmarche. Sources : $PNNBJMMF 4USPCFM 7JMMBD Q .POUBMFNCFSU

%F UPVUFT DFT NFTVSFT RVF K BJ Ă?OVNĂ?SĂ?FT on trouve quelques grandes dispositions concernant les politiques publiques Ă l’Êgard de la famille. Les mesures qui touchent l’institution ont d’abord ĂŠtĂŠ attachĂŠes aux gouvernements de droite, en raison de l’anciennetĂŠ des prĂŠoccupations natalistes, mais ce n’est plus MF DBT BVKPVSE IVJ %FQVJT MPOHUFNQT M ²UBU français pense ne pouvoir se dĂŠsintĂŠresser de la chute de la fĂŠconditĂŠ, porteuse de consĂŠquences sur le vieillissement de la population. 6OF MPOHVF USBEJUJPO GBNJMJBMJTUF FO 'SBODF fait que, quelle que soit leur coloration politique, les gouvernements s’intĂŠressent Ă l’avenir dĂŠmographique du pays. Cependant, depuis la fin des annĂŠes 1980, l’intervention dans le domaine de la vie privĂŠe ne va plus de soi pour toutes les sensibilitĂŠs politiques. Le maĂŽtre mot des politiques est neutralitĂŠ et libre choix – un leurre, on l’a dit. L’État a bien enregistrĂŠ les transformations de la famille, admet et intègre dans ses schĂŠmas MB QMVSBMJUĂ? EFT NPEĂ’MFT DPOKVHBVY MFT processus de recomposition familiale, le travail professionnel fĂŠminin, les relations intergĂŠnĂŠrationnelles. Et dans ce paysage complexe et changeant, les discours des politiques disent rechercher Ă favoriser le bien-ĂŞtre et l’Êquilibre harmonieux des individus. Les politiques publiques contemporaines sont soumises Ă des tensions 1PMJUJRVFT GBNJMJBMFT FU USBOTGPSNBUJPOT EV droit sont en ĂŠtroite rĂŠsonance, articulĂŠes autour d’un triple mouvement caractĂŠristique de l’institution familiale contemporaine : – la reconnaissance de la fragilitĂŠ des unions ;

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– la nĂŠcessaire protection de l’enfant face Ă la prĂŠcaritĂŠ du lien filial en assurant le lien avec le père ; – la montĂŠe de la demande d’ÊquitĂŠ dans le traitement des hommes et des femmes tant dans le domaine de la vie privĂŠe que dans celui de la vie professionnelle. Le droit a accompagnĂŠ ces ĂŠvolutions, s’adaptant Ă l’instabilitĂŠ des unions – qu’elles soient institutionnalisĂŠes ou pas dans le mariage –, cherchant Ă protĂŠger les mères seules, comme les enfants. De mĂŞme, les politiques familiales ont suivi, passant d’un PCKFDUJG OBUBMJTUF DJCMBOU UPVUFT MFT GBNJMMFT Ă‹ VO PCKFDUJG TPDJBM WJTBOU MFT QMVT EĂ?NVOJFT ces familles monoparentales, consĂŠcutives Ă des ruptures d’union : ce que les spĂŠcialistes nomment ÂŤ socialisation de la politique familiale Âť. Les politiques dites familiales, comme les NFTVSFT KVSJEJRVFT POU QSJT VO UPVSOBOU notable depuis la fin des annĂŠes 1990, prenant pour cible principalement : – les femmes/mères en situation de prĂŠcaritĂŠ ĂŠconomique ; – les enfants Ă travers l’appel Ă la responsabilitĂŠ des parents. Le thème de la ÂŤ parentalitĂŠ Âť ou capacitĂŠ Ă remplir ses obligations de parents fait suite aux inquiĂŠtudes liĂŠes au thème de l’insĂŠcuritĂŠ. Certains y voient une volontĂŠ de ÂŤ rĂŠarmement moral Âť par le biais de formules de mĂŠdiation pour le ÂŤ soutien Ă la parentalitĂŠ Âť qui permettent de revaloriser la fonction parentale en douceur, sans porter atteinte aux libertĂŠs individuelles ; – et, depuis quelques annĂŠes, le ÂŤ risque Âť liĂŠ Ă‹ MB EĂ?QFOEBODF EFT QFSTPOOFT ÉHĂ?FT EPOU le poids dĂŠmographique va croissant dans la sociĂŠtĂŠ.

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Ces actions publiques sont donc de moins en moins familialistes au sens ancien du terme. Elles ne cherchent plus Ă rectifier, au nom de l’intĂŠrĂŞt supĂŠrieur de la nation, les erreurs ou les insuffisances des familles. Elles revĂŞtent bien davantage des formes de gestion des ensembles sociaux les plus fragiles de la sociĂŠtĂŠ. Mais, dans son souci d’allĂŠgement des budgets publics, l’État est souvent pris par la tentation de reporter soit sur des institutions locales, soit sur les solidaritĂŠs familiales le poids des plus fragiles, enfants et vieux. Or, comme les enquĂŞtes le montrent, les solidaritĂŠs familiales sont d’autant plus fortes qu’elles sont complĂŠmentaires des solidaritĂŠs publiques ; affaiblir les secondes menacerait gravement les premières. "V UPUBM TJ MFT KFVOFT EFT EFVY TFYFT SFKFU tent l’idĂŠe d’une femme au foyer, les KFVOFT GFNNFT DPOTJEĂ’SFOU RVF M BDUJWJUĂ? ĂŠconomique est pour elles un moyen d’accĂŠder Ă l’indĂŠpendance, alors que pour MFT KFVOFT IPNNFT MFVS TBMBJSF SFMĂ’WFSBJU davantage d’une participation aux ressources EV NĂ?OBHF -FT BUUJUVEFT TPVT KBDFOUFT NPOUSFOU RVF MFT KFVOFT IPNNFT POU EFT attitudes plus conservatrices sur la question EF MB SĂ?QBSUJUJPO EFT SĂ™MFT EBOT MF GPZFS MĂŞme s’ils adhèrent au modèle de la femme indĂŠpendante, et se sentent solidaires des KFVOFT GFNNFT DFSUBJOT E FOUSF FVY TFNCMFOU rĂŠticents Ă abandonner leurs avantages BDUVFMT EBOT MB SĂ?QBSUJUJPO EFT UÉDIFT domestiques. Les politiques insistent donc sur la nĂŠcessitĂŠ de concilier vie familiale et vie QSPGFTTJPOOFMMF DPODJMJBUJPO UPVKPVST QFOTĂ?F BV GĂ?NJOJO QVJTRVF MB SĂ?QBSUJUJPO EFT UÉDIFT a la vie dure.


Bibliographie #63(6*&3& " j %F .BMUIVT Ë .BY Weber ; le mariage tardif et l’esprit d’entreprise , Annales ESC KVJMMFU PDUPCSF p. 128-1138. #0;0/ . j - FOUS�F EBOT MB TFYVBMJU� adulte : le premier rapport et ses suites. Du calendrier aux attitudes, Population, 5, Q $)"#"6% 3:$)5&3 % % '06(&:30--"4 4$)8&#&- FU 'S 40/5)0//"9 Espace et temps du travail domestique 1BSJT MÊridiens.

1&3305 . EJS j 5SBWBVY EF GFNNFT EBOT MB 'SBODF EV 9*9e siècle Âť, Le mouvement social, 105. 4&("-&/ . j -B SĂ?WPMVUJPO JOEVT trielle : du prolĂŠtaire au bourgeois Âť, in #VSHVJĂ’SF "OESĂ? ,MBQJTDI ;VCFS $ISJTUJBOF Segalen Martine, Zonabend Françoise (dirs), Histoire de la famille 1BSJT -F -JWSF EF 1PDIF Q 4&("-&/ . Sociologie de la famille, 1BSJT "SNBOE $PMJO F Ă?EJUJPO 506-&.0/ - FU ) -&3*%0/ j 7JOHU annĂŠes de contraception en France : 19681988 Âť, Population, 4, p. 800.

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JournĂŠe 3, mercredi 21 juillet 2.4.4. Évolutions et continuitĂŠ dans le choix du conjoint : approche croisĂŠe de cas vietnamiens et thaĂŻlandais, par Bernard Formoso Le dĂŠveloppement, ces trente dernières annĂŠes, des ĂŠtudes consacrĂŠes au choix du DPOKPJOU FU BVY DPOEJUJPOT EF NBSJBHF FO Asie du Sud-Est montre, Ă l’encontre des thĂŠories de la convergence des comportements familiaux, qu’il ne s’opère pas dans cette partie du monde de transition linĂŠaire du mariage arrangĂŠ au mariage d’amour, ou de l’union formelle Ă l’union informelle (Cauquelin, /HVZĚŽO .BMIPUSB Certes, un processus gĂŠnĂŠral d’individuation est Ă l’œuvre un peu partout. Il trouve des conditions favorables dans les qualifications acquises par les ĂŠtudes qui offrent aux individus la possibilitĂŠ d’une ĂŠmancipation ĂŠconomique prĂŠcoce par rapport au milieu familial. L’Êventuelle mobilitĂŠ pour les ĂŠtu-

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des, puis pour le travail, contribue aussi au processus en permettant aux individus mariables de se soustraire plus facilement aux prescriptions parentales et ainsi mieux faire valoir leurs choix. Sur le plan idĂŠologique, une plus grande place est confĂŠrĂŠe Ă l’individu, Ă son bien-ĂŞtre, Ă sa rĂŠalisation personnelle, Ă ses sentiments amoureux, alors que sur le plan politique les droits reconnus aux femmes progressent, mĂŞme si leur mise en pratique se heurte Ă de multiples rĂŠsistances et, dans la pratique, de fortes inĂŠgalitĂŠs subsistent. Le contrecoup de ces mutations est un recul EF M ÉHF BV NBSJBHF VO SFUSBJU OPUPJSF EF MB parentĂŠ dans la conclusion de celui-ci, une dĂŠsaffection croissante envers l’institution matrimoniale au profit d’autres modes d’appariements, une moindre stabilitĂŠ des unions DPOKVHBMFT FU VOF QSPQPSUJPO DSPJTTBOUF EF personnes qui ne parviennent pas Ă fonder un foyer, dont notamment les femmes de niveau d’Êtude ĂŠlevĂŠ. Ainsi, il y a encore de cela une trentaine d’annĂŠes, on ĂŠtait proche du mariage universel dans la plupart des pays d’Asie, tant la proportion d’adultes cĂŠlibataires ĂŠtait faible. Or, depuis deux dĂŠcennies, on observe un changement très significatif dans les grandes villes asiatiques. Ainsi, en EFT GFNNFT ÉHĂ?FT EF Ă‹ BOT SFTUBJFOU DĂ?MJCBUBJSFT Ă‹ #BOHLPL FU Ă‹ Singapour (Jones, 2005). Ces tendances gĂŠnĂŠrales ĂŠtant donnĂŠes, il faut nĂŠanmoins rappeler que les adaptations familiales face aux ĂŠvolutions ĂŠconomiques, politiques et idĂŠologiques du monde moderne varient beaucoup d’un contexte culturel et social Ă un autre. Ainsi, Ă paramètre culturel constant, l’attitude envers le mariage varie significativement si l’on est urbain ou rural, si l’on a un haut ou un faible niveau d’Êtude ou encore si l’on est riche ou pauvre.

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Quelles que soient les variables considĂŠrĂŠes cependant, les adaptations sont marquĂŠes par des continuitĂŠs et des changements dont la nature et le poids relatif doivent ĂŞtre FYBNJOĂ?T BV DBT QBS DBT 1PVS JMMVTUSFS MF QSPQPT KF NFUUSBJ FO QFSTQFDUJWF BV DPVST EF cette sĂŠance deux exemples aux ĂŠvolutions partiellement convergentes : l’un relatif BVY DIBOHFNFOUT RV B DPOOV MF 7JFUOBN FO NBUJĂ’SF EF DIPJY EV DPOKPJOU EFQVJT 1954, et l’autre qui concerne les mutations ayant caractĂŠrisĂŠ, Ă partir des annĂŠes 1960, les entrĂŠes en union dans certaines zones rurales du Nord-Est thaĂŻlandais. Les analogies sont nombreuses entre ces deux exemples : on est Ă chaque fois passĂŠ de mariages arrangĂŠs par la famille mais oĂš les DPOKPJOUT QPUFOUJFMT Ă?UBJFOU DPOTVMUĂ?T Ă‹ VOF tendance inverse oĂš l’initiative individuelle prime, mais l’assentiment des parents est recherchĂŠ. En dĂŠpit de ce renversement, le souci demeure de prĂŠserver la cohĂŠsion familiale et de constituer des unions durables. En ce sens, on cherche dans les deux cas Ă ĂŠtablir des compatibilitĂŠs par l’homogamie et une prĂŠfĂŠrence pour l’endogamie, sinon de WJMMBHF EV NPJOT EF MJFV E PSJHJOF 1BS DPOUSF le calendrier de la nuptialitĂŠ a peu ĂŠvoluĂŠ BV 7JĚ?U /BN FO M FTQBDF EF BOT BMPST RV JM a changĂŠ dans les zones rurales du nord-est de la ThaĂŻlande les plus proches des centres urbains. Le cas vietnamien est aussi instructif en ce qu’il montre que l’intervention de l’État sur les mariages, pourtant forte Ă l’Êpoque communiste, a eu une incidence faible sur la structure des choix matrimoniaux et sur son ĂŠvolution. Changements et continuitĂŠ concernant le mariage au Viᝇt Nam depuis 1960 1PVS DF RVJ DPODFSOF MF DBT WJFUOBNJFO KF m’appuierai sur deux ĂŠtudes. La première est


DFMMF RVF MB EĂ?NPHSBQIF %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS a rĂŠalisĂŠe auprès d’un ĂŠchantillon d’une centaine de personnes de la rĂŠgion de HĂ Náť™i s’Êtant mariĂŠes entre 1960 et 1990. $FUUF Ă?UVEF B Ă?UĂ? QVCMJĂ?F FO EBOT MB revue Autrepart #Ă?MBOHFS -B TFDPOEF ĂŠtude, Ă caractère plus monographique, a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠe par l’ethnologue Nelly Krowolski FOUSF FU EBOT MF WJMMBHF EF .Ă™OH 1IĚž VOF MPDBMJUĂ? EV EFMUB EV øFVWF 3PVHF situĂŠe Ă 45 km de HĂ Náť™i (commune de šË?ĚšOH -ÉN QSPWJODF EF )Ă‹ 5ÉZ %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS QBSU E VO BQQBSFOU QBSB doxe. On est en effet en prĂŠsence d’un pays oĂš la population urbaine est parvenue Ă un stade avancĂŠ de transition dĂŠmographique, QVJTRVF FO M JOEJDF TZOUIĂ?UJRVF EF GĂ?DPOEJUĂ? Ă?UBJU EĂ?KĂ‹ EF FOGBOUT QBS GFNNF contre 4,6 dans les campagnes, et qu’il n’a cessĂŠ de baisser depuis pour passer en 2008 Ă 1,86 enfant/femme pour l’ensemble du pays et Ă moins de 1 enfant/femme en zone urbaine[25] 1PVSUBOU MF DBMFOESJFS EF MB OVQUJBMJUĂ? B QPVS TB QBSU USĂ’T QFV Ă?WPMVĂ? M ÉHF mĂŠdian au premier mariage ayant seulement progressĂŠ d’une demi-annĂŠe entre les GFNNFT EF MB USBODIF E ÉHF EF < BOT> Ă celle des [25-30 ans] au milieu des annĂŠes 1990. Cette quasi-inertie paraĂŽt d’autant plus TVSQSFOBOUF Ă‹ %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS RVF EBOT les autres pays de tradition confucĂŠenne, la transition dĂŠmographique est allĂŠe de paire BWFD VO SFDVM USĂ’T NBSRVĂ? EF M ÉHF E FOUSĂ?F au mariage (Coale et al. #Ă?MBOHFS op. cit.). Du coup, l’auteur s’interroge sur les changements familiaux qui ont accompagnĂŠ MB GBJCMF BVHNFOUBUJPO EF M ÉHF BV NBSJBHF

FU MB CBJTTF TJNVMUBOĂ?F EF MB GĂ?DPOEJUĂ? 1PVS pouvoir traiter cette question, il lui faut des points de repère culturels qu’elle cherche dans la manière dont se rĂŠalisait le mariage FU T PSHBOJTBJU MB WJF EFT DPVQMFT BV 7JĚ?U /BN avant 1945. Avant la seconde guerre mondiale, la famille vietnamienne ĂŠtait patrilinĂŠaire et virilocale. -B QPMZHBNJF MĂ?HBMF KVTRV FO BWBJU pour finalitĂŠ essentielle de s’assurer une EFTDFOEBODF NÉMF OĂ?DFTTBJSF Ă‹ MB DPOEVJUF EFT DVMUFT BODFTUSBVY #Ă?MBOHFS op. cit. ; Krowolski, 2000). MalgrĂŠ cela, la femme WJFUOBNJFOOF KPVJTTBJU E VOF DPOEJUJPO relativement avantageuse par rapport Ă sa consĹ“ur chinoise. Elle disposait de biens propres par sa dot et parce qu’elle avait droit Ă une part de l’hĂŠritage de ses parents. De plus, elle avait la haute main sur les cordons de la bourse, supervisait l’Êducation des enfants au quotidien et ĂŠtait de ce fait qualifiĂŠe de ÂŤ gĂŠnĂŠral de l’intĂŠrieur Âť. MĂŞme si le couple SĂ?TJEBJU E PSEJOBJSF BV DĂ™UĂ? EFT QBSFOUT EV garçon, il ĂŠtait admis qu’un mari vive chez sa femme lorsqu’il ĂŠtait orphelin ou bien lorsque la famille de l’Êpouse n’avait pas EF EFTDFOEBOU NÉMF FU RVF MFT QBSFOUT EV HBSĂŽPO BWBJFOU QMVTJFVST ĂśMT %BOT MF 7JĚ?U /BN d’avant 1945, le mariage procĂŠdait d’accords entre familles, mĂŞme si les enfants Ă marier ĂŠtaient gĂŠnĂŠralement consultĂŠs avant qu’une EĂ?DJTJPO TPJU BSSĂ?UĂ?F 1BSNJ MFT DSJUĂ’SFT EF DIPJY qui intervenaient dans les tractations entre familles, il y avait la proximitĂŠ gĂŠographique – on privilĂŠgiait l’endogamie villageoise −, l’homogamie socio-ĂŠconomique − on se mariait de prĂŠfĂŠrence entre gens de mĂŞme

[25] 4PVSDF IUUQ XXX QPQVMBUJPOEBUB OFU JOEFY QIQ PQUJPO QBZT QJE OPN WJFUOBN

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condition −, et l’exogamie lignagère. Au terme de ce bref panorama des conditions EF NBSJBHF KVTRV FO %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS note que dès les annĂŠes 1920 s’amorce un processus d’individuation, dont dĂŠnote le GBJU RVF EF QMVT FO QMVT EF KFVOFT EF )Ă‹ /Ě˜J ayant reçu une ĂŠducation Ă la française remettent en cause l’ordre familial confucĂŠen et revendiquent un pouvoir accru sur leur NBSJBHF #Ă?MBOHFS op. cit.). Cette remise en cause de l’ordre traditionnel trouvera un puissant soutien politique après l’indĂŠpendance. En 1959, en effet, le gouvernement communiste promulgue une loi qui DPOTBDSF MB GBNJMMF DPOKVHBMF NPOPHBNF FU ĂŠgalitaire. Cette loi condamne ĂŠgalement la polygamie, les mariages arrangĂŠs par les parents et les unions prĂŠcoces entre enfants #Ă?MBOHFS op. cit. ,SPXPMTLJ - ÉHF lĂŠgal au mariage est alors fixĂŠ Ă 20 ans pour les hommes et 18 ans pour les femmes. De plus, la loi dĂŠfinit avec prĂŠcision les mariages prohibĂŠs, notamment entre cousins parallèles et croisĂŠs sur trois gĂŠnĂŠrations. Comme le remarque Nelly Krowolski, les registres d’Êtat civil tels qu’ils sont tenus ne peuvent cependant fournir les informations permettant le respect de cet interdit (Krowolski, 2000). Des campagnes idĂŠologiques sont ĂŠgalement menĂŠes pour ĂŠtablir le mariage comme l’union volontaire entre individus consentants. La question est bien sĂťr de savoir quel fut l’impact rĂŠel de DFUUF QPMJUJRVF % BVUBOU RV FO MF 1BSUJ communiste vietnamien dĂŠcida d’engager le pays dans la transition vers l’Êconomie de marchĂŠ par la dĂŠcollectivisation des terres et la libĂŠralisation du commerce privĂŠ. Or ce mouvement de rĂŠformes semble avoir eu des effets sur la famille vietnamienne ; des effets

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notamment perceptibles dans la rĂŠsurgence des rituels de mariages prĂŠsocialistes. 5SBJUBOU EF DFUUF RVFTUJPO %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS constate tout d’abord un changement NBKFVS RVJ FTU JOUFSWFOV FOUSF MFT BOOĂ?FT 1960 et 1990 dans la manière dont les futurs DPOKPJOUT GPOU DPOOBJTTBODF 4J EBOT VOF phase transitoire correspondant aux annĂŠes MB GBNJMMF DPOUJOVF Ă‹ BHJS TVS MFT choix matrimoniaux en introduisant dans TPO DFSDMF SFMBUJPOOFM EFT KFVOFT HFOT RV FMMF aimerait bien voir ses enfants choisir, au cours de cette pĂŠriode les rencontres hors du cadre familial se popularisent et gagnent tous les milieux sociaux. Cette deuxième option finira par s’affirmer comme le mode dominant Ă partir des annĂŠes 1980, c’est-Ă dire au moment oĂš le mouvement de rĂŠformes Ä‘áť•i máť›i T FODMFODIF 1PVS BVUBOU FU D FTU Ă ce niveau qu’un ĂŠlĂŠment de continuitĂŠ demeure, ÂŤ l’entrĂŠe du conjoint potentiel dans sa belle-famille demeure (‌) une ĂŠtape centrale dans le processus, mĂŞme si les parents n’en sont plus les initiateurs Âť #Ă?MBOHFS op. cit.). Autrement dit, si le mariage est dĂŠsormais conçu principalement comme l’union de EFVY JOEJWJEVT JM TVCTJTUF UPVKPVST EBOT MB NFOUBMJUĂ? EFT KFVOFT HĂ?OĂ?SBUJPOT M JEĂ?F RV JM est aussi l’alliance de deux familles et qu’à ce titre l’avis des parents reste dĂŠterminant. 6O SFOWFSTFNFOU EBOT M PSESF EFT JOJUJBUJWFT s’est donc opĂŠrĂŠ, puisque la dĂŠmarche est dorĂŠnavant le fait des enfants. Cependant, l’agrĂŠment de ces derniers est dĂŠsormais remplacĂŠ par celui des parents. Ces derniers s’opposent parfois au choix de leur progĂŠniture, notamment lorsque le principe d’homogamie n’est pas respectĂŠ. Dans ce cas, la plupart des enfants ne vont pas Ă l’encontre de l’avis de leurs parents et ceux qui s’y


risquent sont essentiellement des garçons, OPUF %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS La tendance gĂŠnĂŠrale ayant ĂŠtĂŠ dĂŠgagĂŠe, il faut lui apporter quelques nuances. D’abord, Ă l’Êpoque socialiste, et notamment au cours des annĂŠes de guerre, l’introduction EF DPOKPJOUT QPUFOUJFMT DBSBDUĂ?SJTF UPVT MFT milieux socio-ĂŠconomiques. Au cours de cette pĂŠriode, en effet, nombre de parents ĂŠtaient hantĂŠs par la peur de ne pouvoir marier leur fille avant qu’elle soit ÂŤ pĂŠrimĂŠe Âť (ÂŤ áşż cháť“ng ráť“i Âť D FTU Ă‹ EJSF USPQ ÉHĂ?F FU EPOD moins attractive, d’autant que les pertes masculines causĂŠes par la guerre ĂŠtaient Ă?OPSNFT 1BS DPOTĂ?RVFOU JMT FYFSĂŽBJFOU VOF forte pression sur leur progĂŠniture pour qu’elle TF EĂ?UFSNJOF SBQJEFNFOU 4FVMT MFT KFVOFT qui quittaient leur village pour exercer un emploi en ville pouvaient se soustraire Ă cette QSFTTJPO FU DIPJTJS MJCSFNFOU MFVS DPOKPJOU #Ă?MBOHFS op. cit.). Autre nuance Ă apporter Ă la tendance gĂŠnĂŠrale, les fils aĂŽnĂŠs sont plus soumis que les autres enfants Ă la pression familiale et aux mariages arrangĂŠs, car leurs parents entendent ainsi veiller Ă la continuitĂŠ du lignage. Dernier aspect Ă souligner, mĂŞme MPSTRVF MFT KFVOFT POU M JOJUJBUJWF EV DIPJY EV DPOKPJOU MB SFODPOUSF TF GBJU MF QMVT TPVWFOU par l’entremise d’une tierce personne, un parent, un ami, un camarade d’Êtude ou un collègue de travail. C’est la modalitĂŠ la plus apprĂŠciĂŠe, car on imagine difficilement entrer directement en relation avec une personne pour le mariage #Ă?MBOHFS op. cit.). De plus, passer par le relais des affinitĂŠs ĂŠlectives qui se tissent surtout dans le cadre de son milieu TPDJBM QFSNFU E BKVTUFS QMVT GBDJ MFNFOU MFT possibles choix matrimoniaux au principe EF M IPNPHBNJF %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS SFNBSRVF que la règle homogamique est intĂŠriorisĂŠe par les nouvelles gĂŠnĂŠrations au point qu’avant

NĂ?NF EF TPOHFS BV NBSJBHF MFT KFVOFT s’enquièrent de l’histoire et du statut de la GBNJMMF EV QPTTJCMF DPOKPJOU FO QSFOBOU QPVS critères le lieu d’origine (souci de l’endogamie), M Ă?EVDBUJPO M ÉHF MF TFDUFVS E FNQMPJ MB situation ĂŠconomique et la manière d’Êduquer les enfants. L’idĂŠe ĂŠtant qu’il faut trouver des gens ĂŠgaux Ă soi-mĂŞme pour atteindre un ĂŠquilibre entre familles, sans lequel le couple ne peut vivre harmonieusement. Cette règle d’homogamie s’est d’autant plus facilement QFSQĂ?UVĂ?F DIF[ MFT KFVOFT RV Ă‹ M Ă?QPRVF socialiste, antĂŠrieure au Ä‘áť•i máť›i MF 1BSUJ communiste avait fait sienne cette règle en s’impliquant fortement dans la rencontre de cĂŠlibataires pour constituer des couples ayant de bons antĂŠcĂŠdents rĂŠvolutionnaires. -F 1BSUJ FORVĂ?UBJU BMPST TVS MF QBTTĂ? QPMJUJRVF des aspirants au mariage et de leur famille par l’entremise des organes locaux auxquels chaque citoyen de HĂ Náť™i devait ĂŞtre rattachĂŠ selon son lieu de travail. Afin de pouvoir lĂŠgaliser la cohabitation, prĂŠalable nĂŠcessaire au mariage, tout citoyen devait se faire dĂŠlivrer un document de l’organe du 1BSUJ M BVUPSJTBOU Ă‹ TF NBSJFS BWFD MB QFSTPOOF dĂŠsirĂŠe. Ce qui dĂŠclenchait une enquĂŞte de pĂŠdigrĂŠe qui tenait compte du passĂŠ moral et politique de la famille sur trois gĂŠnĂŠrations. Ce passĂŠ ĂŠtait contenu dans un document, le lĂ˝ láť‹ch qui conditionnait aussi les ĂŠtudes et les chances de promotion professionnelle. #JFO RV BQQMJRVĂ? EF NBOJĂ’SF QMVT PV NPJOT sĂŠvère selon les endroits, cette procĂŠdure eut pour effet de crĂŠer une caste de citoyens de ÂŤ première classe Âť, opposĂŠe Ă une autre de second ordre composĂŠe de gens politiqueNFOU EPVUFVY #JFO TPVWFOU MFT GBNJMMFT EFWBOĂŽBJFOU MF DPOUSĂ™MF NBUSJNPOJBM FYFSDĂ? par l’État en choisissant des prĂŠtendants qui correspondaient tout Ă la fois aux critères traditionnels et Ă ceux ĂŠdictĂŠs par les autoritĂŠs.

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Notons encore qu’occasionnellement, le parti servait d’agence matrimoniale en proposant EFT DPOKPJOUT BVY DBESFT GĂ?NJOJOT ÉHĂ?T EF plus de 30 ans #Ă?MBOHFS op. cit.). L’enquĂŞte monographique de Nelly Krowolski NPOUSF EF TPO DĂ™UĂ? RVF MF DPOUSĂ™MF QPMJUJRVF sur les mariages semblait ĂŞtre moins strict en zone rurale. Ainsi, dans la commune oĂš elle a travaillĂŠ, elle a pu relever quelques cas de NBSJBHFT DPOUSBDUĂ?T FOUSF FU PĂĄ M VO EFT DPOKPJOUT Ă?UBJU QMVT KFVOF RVF M ÉHF minimum lĂŠgal fixĂŠ par la loi. Cette ĂŠtude est intĂŠressante aussi en ce qu’elle montre que le principe de l’endogamie locale reste BVKPVSE IVJ FODPSF MBSHFNFOU QSBUJRVĂ? FU que les stratĂŠgies familiales en ce sens sont UPVKPVST PQĂ?SBUPJSFT "JOTJ Ă‹ .Ă™OH 1IĚž QSĂ’T de 85 % des hommes s’Êtant mariĂŠs entre FU BWBJFOU USPVWĂ? MFVS DPOKPJOU dans leur commune d’appartenance (et plus de 60 % au sein du mĂŞme village). De leur DĂ™UĂ? EFT GFNNFT BWBJFOU USPVWĂ? NBSJ BV sein de la commune et 43 % dans le mĂŞme village (Krowolski, op. cit.). Dans la configuration ancienne, l’homogamie familiale se combinait Ă une hĂŠtĂŠrogamie statutaire entre le mari et sa femme. Il fallait dans l’idĂŠal que l’homme ait un niveau d’Êducation et des revenus plus ĂŠlevĂŠs que l’Êpouse pour que la hiĂŠrarchie et l’harmonie DPOKVHBMFT TPJFOU BTTVSĂ?FT FO WFSUV EF M Ă?UIJRVF DPOGVDĂ?FOOF %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS GBJU observer qu’après 1986 et la mise en Ĺ“uvre des rĂŠformes Ä‘áť•i máť›i, la stabilitĂŠ du futur couple ne repose plus sur cette hiĂŠrarchie mais sur l’expĂŠrience, concluante ou non, E VOF SFMBUJPO QSĂ?DPOKVHBMF "VUSFNFOU EJU les sentiments amoureux et leur longĂŠvitĂŠ priment dĂŠsormais, mĂŞme si les critères dĂŠcisionnels mis en avant pour soutenir la relation par les hommes et les femmes sont

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diffĂŠrents. Les premiers mettent l’accent sur les critères physiques lĂ ou les secondes privilĂŠgient les critères d’insertion sociale. %F QMVT MF EFTUJO DPOKVHBM FTU JOUFSQSĂ?UĂ? diffĂŠremment selon que l’on considère le point de vue des hommes et celui des femmes. Si dans l’optique des premiers, la femme se devait certes d’être salariĂŠe du gouvernement Ă l’Êpoque socialiste, mais QFVU UPVU BVTTJ CJFO BTTVNFS MF SĂ™MF EF mère au foyer dans le contexte capitaliste DPOUFNQPSBJO MFT GFNNFT EF MFVS DĂ™UĂ? SFT tent fermement attachĂŠes Ă leur autonomie ĂŠconomique traditionnelle et souhaitent continuer Ă travailler pour l’État ou ouvrir des commerces #Ă?MBOHFS op. cit.). Au final, les observations conduites dans la rĂŠgion de HĂ Náť™i mettent en ĂŠvidence trois types d’Êvolutions familiales selon %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS #Ă?MBOHFS op. cit.). Des ruptures tout d’abord. Celles-ci ressortent notamment de la dynamique entre parents et enfants pour ce qui concerne le choix du DPOKPJOU -F NBSJBHF EFWJFOU VOF JOJUJBUJWF individuelle et non plus familiale. Ces ruptures n’aboutissent pas, nĂŠanmoins, Ă une dissolution des liens hiĂŠrarchiques entre parents et enfants. Ceux-ci sont maintenus, comme en tĂŠmoigne la nĂŠcessitĂŠ d’obtenir l’assentiment des ascendants quant au DPOKPJOU Ă?MV ÂŤ Du principe de l’accord entre deux familles, nous passons Ă celui du consensus entre parents et enfants Âť, note %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS #Ă?MBOHFS op. cit.). En plus des ruptures et des continuitĂŠs on observe ĂŠgalement des rĂŠsurgences. C’est le cas des rituels de fiançailles et de mariage qui avaient ĂŠtĂŠ rĂŠduits Ă une formule minimale Ă l’Êpoque socialiste et qui retrouvent leur faste d’antan. La rĂŠsurgence du modèle confucĂŠen de la femme au foyer participe


ĂŠgalement de ce mouvement de retour. Dès MPST VO DPOTUBU T JNQPTF MF DIPJY EV DPOKPJOU en pĂŠriode socialiste relève plus du modèle traditionnel que de celui, ĂŠgalitariste, mis en avant par la loi de 1959. D’autre part, explique %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS MFT Ă?WPMVUJPOT DPOTUBUĂ?FT ne sont pas exclusivement imputables aux changements ĂŠconomiques des annĂŠes 1980, mais s’inscrivent dans un continuum amorcĂŠ dès le dĂŠbut du 20e TJĂ’DMF 1BS DPOUSF le passage d’une ĂŠconomie de type socialiste Ă une autre de type capitaliste semble se traduire par une revalorisation des liens familiaux #Ă?MBOHFS op. cit.). Évolution de la procĂŠdure de mariage dans la ThaĂŻlande rurale 1PVS SFOESF DPNQUF EFT Ă?WPMVUJPOT RVF connaĂŽt le mariage dans les zones rurales EF MB 5IBĂ•MBOEF DPOUFNQPSBJOF KF NF baserai sur une ĂŠtude comparative que K BWBJT DPOTBDSĂ?F Ă‹ DF UIĂ’NF EBOT MF DBESF E VO QSPKFU QMVSJEJTDJQMJOBJSF BTTPDJBOU EFT chercheurs français et thaĂŻlandais et qui avait ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠ au milieu des annĂŠes 1980. Ce QSPKFU QPSUBJU TVS EFVY WJMMBHFT EV OPSE FTU EV QBZT EPOU K BJ QSĂ?DĂ?EFNNFOU EĂ?DSJU MFT caractĂŠristiques contrastĂŠes, mais dont il faut SBQQFMFS RVF M VO o #BO "NQIBXBO ÂŚ FTU insĂŠrĂŠ dans un pĂŠrimètre irriguĂŠ et est localisĂŠ QSĂ’T EV QSJODJQBM QĂ™MF EF EĂ?WFMPQQFNFOU VSCBJO EV /PSE FTU UBOEJT RVF M BVUSF o #BO Han − est soumis Ă un rĂŠgime de riziculture pluviale et est localisĂŠ Ă l’Êcart des grands axes de communication et d’une grande ville 'PSNPTP Sur un plan gĂŠnĂŠral, le système de parentĂŠ et les règles liĂŠes au mariage diffèrent en 5IBĂ•MBOEF QBS SBQQPSU BV 7JĚ?U /BN &O ThaĂŻlande, on est en prĂŠsence d’un mode de filiation cognatique et non pas patrilinĂŠaire :

les filles et les fils hĂŠritent Ă paritĂŠ du patrimoine parental, avec cependant une part plus importante accordĂŠe Ă la dernière des filles, dès lors que celle-ci prend en charge TFT QBSFOUT EBOT MFVS WJFJMMFTTF FU KVTRV Ă‹ MFVS NPSU -B SĂ?TJEFODF EV KFVOF DPVQMF FTU uxorilocale, selon une règle qui s’appliquait encore Ă plus de 80 % des mĂŠnages dans les deux villages au milieu des annĂŠes 1980. Le mari vient donc vivre chez les parents de l’Êpouse pour une pĂŠriode qui peut aller de quelques mois Ă plusieurs annĂŠes, voire KVTRV Ă‹ MB NPSU EFT QBSFOUT EF MB GFNNF EBOT le cas spĂŠcifique de la dernière des filles, celleci hĂŠritant en contrepartie de la maison de ses parents. Hors ce cas particulier, le couple se construit dès qu’il en a les moyens une maison et accède Ă l’autonomie ĂŠconomique par attribution d’une part des terres des parents EF M Ă?QPVTF FU BDDFTTPJSFNFOU EV DĂ™UĂ? EV NBSJ $PNNF BV 7JĚ?U /BN EFT BKVTUFNFOUT FYJTUFOU DFQFOEBOU MPSTRVF MF DĂ™UĂ? EV NBSJ n’a pas assez de bras masculins pour travailler les terres. Dans ce dernier cas, des tractations prĂŠalables au mariage entre familles peuvent aboutir Ă une rĂŠsidence virilocale. $PNNF BV 7JĚ?U /BN Ă?HBMFNFOU PO B USB ditionnellement affaire Ă des mariages BSSBOHĂ?T FOUSF GBNJMMFT NĂ?NF TJ KVTRV BVY changements intervenus dans le choix du DPOKPJOU Ă‹ QBSUJS EFT BOOĂ?FT MFT FOGBOUT Ă‹ marier ĂŠtaient consultĂŠs et pouvaient refuser la personne pressentie. Ce n’est qu’avec leur assentiment que des nĂŠgociations formelles ĂŠtaient engagĂŠes entre les deux familles, ceci sous la supervision d’un notable reconnu pour sa sagesse et choisi d’un commun accord. Les nĂŠgociations portaient sur le mode de rĂŠsidence, le montant de la prestation NBUSJNPOJBMF WFSTĂ?F QBS MF DĂ™UĂ? EV HBSĂŽPO FU les activitĂŠs du futur couple.

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En amont de ces tractations, d’autres critères ĂŠtaient pris en compte par les parents dans le cadre des mariages arrangĂŠs. D’abord, en contexte bouddhique thaĂŻ, il fallait que le HBSĂŽPO BJU TĂ?KPVSOĂ? EBOT M PSESF NPOBTUJRVF prĂŠalablement au mariage. L’ordination le faisait en effet passer, selon le système de reprĂŠsentation local, de la condition d’homme ÂŤ cru Âť (khon dip) Ă celle d’homme ÂŤ cuit Âť (khon suk), c’est-Ă -dire mature et civilisĂŠ. Si, EPOD JMT O BWBJFOU QBT EĂ?KĂ‹ Ă?UĂ? PSEPOOĂ?T MB perspective d’un mariage prochain conduisait MFT KFVOFT IPNNFT Ă‹ BDDPNQMJS DF EFWPJS BV moins la durĂŠe d’un phansa, d’une pĂŠriode de retraite bouddhique (3 mois environ). Des filles prĂŠtendantes au mariage on attendait en retour qu’elles soient de ferventes bouddhistes et des mĂŠnagères accomplies, avec pour indicateur premier de leur bonne ĂŠducation le fait qu’elles participent activement aux dons de nourriture aux bonzes et qu’elles maĂŽtrisent les techniques de l’artisanat fĂŠminin EPOU MF UJTTBHF 6OF BVUSF DPOEJUJPO SFTUSJDUJWF Ă?UBJU M ÉHF SFMBUJG EFT GVUVST DPOKPJOUT -B SĂ’HMF en vigueur chez les thaĂŻs est que l’homme soit en position d’aĂŽnĂŠ, c’est-Ă -dire qu’il soit QMVT ÉHĂ? OF TFSBJU DF RVF EF RVFMRVFT NPJT QBS SBQQPSU Ă‹ TPO Ă?QPVTF 1PVS QMBDFS MB WJF du mĂŠnage sous les meilleurs auspices, les thaĂŻs considèrent en effet que la femme doit Ă son mari toutes les marques de respect, d’obĂŠissance et de soumission qui rĂŠgissent normalement la conduite du cadet envers l’aĂŽnĂŠ. En retour le mari est tenu par un devoir de protection bienveillante envers sa femme (Formoso, 1990). En troisième lieu, il fallait que le mariage respecte les règles d’exogamie propres Ă la sociĂŠtĂŠ thaĂŻe, c’est-Ă EJSF RVF MFT DPOKPJOUT OF QSĂ?TFOUFOU QBT VO lien de parentĂŠ trop proche et notamment qu’ils ne soient pas cousins au premier ou BV TFDPOE EFHSĂ? "KPVUPOT FODPSF RVF MFT

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mariages homogames ĂŠtaient privilĂŠgiĂŠs DPNNF BV 7JĚ?U /BN MF GBDUFVS SĂ?HVMBUFVS FO ce sens ĂŠtant le montant de la compensation NBUSJNPOJBMF RVF MF DĂ™UĂ? EV HBSĂŽPO EFWBJU WFSTFS FU RVJ Ă?UBJU BKVTUĂ? FO GPODUJPO EV TUBUVU socio-ĂŠconomique de la famille de la fille. ÂŽ MB SJHVFVS VO NBSJBHF IZQPHBNF DĂ™UĂ? EV garçon plus riche que celui de la fille) ĂŠtait admis. En milieu rural, une variante du principe d’homogamie ĂŠtait une nette prĂŠfĂŠrence pour les alliances entre familles d’agriculteurs, cette solution permettant de doter les nouveaux mĂŠnages en terres par les deux DĂ™UĂ?T FU EF NBJOUFOJS MB UBJMMF EFT FYQMPJUBUJPOT Ă un niveau viable malgrĂŠ la fragmentation EV GPODJFS SĂ?TVMUBOU EFT SĂ’HMFT E IĂ?SJUBHF 6OF nette inclination en faveur de l’endogamie locale ĂŠtait fonctionnellement liĂŠe Ă cette volontĂŠ de se marier entre agriculteurs, puisqu’elle permettait de travailler des terres proches les unes des autres. Ainsi, le village EF MB QSPWJODF E 6EPO 5IBOJ RVF 4UBOMFZ J. Tambiah a ĂŠtudiĂŠ au dĂŠbut des annĂŠes DPNQUBJU JM EF NBSJT PSJHJOBJSFT du mĂŞme village ou canton, tandis qu’à la fin des annĂŠes 1960 les deux villages de la province de Khon Kaen dans lesquels nous avons enquĂŞtĂŠ comptaient respectivement #BO "NQIBXBO FU #BO )BO EF maris originaires du mĂŞme village ou canton 5BNCJBI 'PSNPTP Les annĂŠes 1960, qui correspondent au dĂŠcollage ĂŠconomique de la ThaĂŻlande, sont aussi une pĂŠriode oĂš s’amorcent des changements significatifs dans le choix du DPOKPJOU BVTTJ CJFO FO WJMMF RV Ă‹ MB DBNQBHOF Dans le cadre d’un processus d’individuation DPNQBSBCMF Ă‹ DFMVJ PCTFSWĂ? BV 7JĚ?U /BN MFT KFVOFT UIBĂ•T QSFOOFOU EF QMVT FO QMVT M JOJUJB UJWF EF USPVWFS VO DPOKPJOU RVJ MFVS QMBJTF QVJT ils s’efforcent de persuader leurs parents que


ce choix est le bon. Si ces derniers ne sont pas d’accord, le mariage n’a pas lieu. Si par contre ils donnent leur agrĂŠment, les tractations entre familles pour fixer le mode de rĂŠsidence et le montant de la prestation matrimoniale TPOU BMPST FOHBHĂ?FT FO QBTTBOU DPNNF KBEJT par l’intermĂŠdiaire d’un notable. Comme on QFVU FO KVHFS MF TPVDJ EV DPOTFOTVT FOUSF parents et enfants reste de mise. De ce fait, le renversement de la relation parents-enfants DPODFSOBOU MF DIPJY EV DPOKPJOU T PQĂ’SF TBOT RVF MFT DSJUĂ’SFT KVTRV BMPST QSJT FO DPNQUF pour dĂŠfinir les possibles matrimoniaux ne DIBOHFOU &O [POF SVSBMF JM GBVU UPVKPVST RVF MF garçon ait prĂŠalablement ĂŠtĂŠ ordonnĂŠ bonze, NĂ?NF TJ MB QĂ?SJPEF EF TĂ?KPVS EBOT MFT PSESFT tend Ă ĂŞtre raccourcie au strict minimum pour ne durer parfois que quelques semaines. D’autre part, la règle suivant laquelle l’homme doit ĂŞtre aĂŽnĂŠ par rapport Ă sa femme reste largement appliquĂŠe. Ainsi, en 1984 seuls EFT DPVQMFT EF #BO "NQIBXBO FU EF DFVY EF #BO )BO USBOTHSFTTBJFOU MB règle 'PSNPTP &ODPSF GBVU JM QSĂ?DJTFS RVF MFT Ă?QPVTFT QMVT ÉHĂ?FT DPOUJOVBJFOU Ă‹ faire comme si leur mari ĂŠtait l’aĂŽnĂŠ, c’est-Ă dire qu’elles lui appliquaient les termes de rĂŠfĂŠrence et d’adresse qui dĂŠsignent l’aĂŽnĂŠ et adoptaient les attitudes de dĂŠfĂŠrence caractĂŠrisant le rapport du cadet Ă l’aĂŽnĂŠ. 5PVKPVST BV SFHJTUSF EFT DPOUJOVJUĂ?T M FOEP gamie locale reste dominante dans les deux WJMMBHFT FO QVJTRVF EFT IPNNFT EF #BO "NQIBXBO T Ă?UBJFOU NBSJĂ?T BWFD VOF GFNNF EF MFVS WJMMBHF PV DBOUPO FU Ă‹ #BO Han 'PSNPTP #JFO RVF EBOT MF WJMMBHF situĂŠ hors pĂŠrimètre la proportion de mariages locaux ait reculĂŠe entre 1969 et 1984, passant de 64,5 % Ă 48 %, ce genre d’Êvolution, observĂŠe ailleurs en ThaĂŻlande Ă des ĂŠpoques diffĂŠrentes, est difficile Ă interprĂŠter. Comme

le fait remarquer Jeremy Kemp, il relève plus EF GBJUT EF DPOKPODUVSF RVF EF DIBOHFNFOUT structuraux (Kemp, 1982). Le fait est qu’au milieu des annĂŠes 1980, les mariages entre familles d’agriculteurs restaient la norme dans les deux villages. Seuls deux hommes ou femmes mariĂŠs sur 500 ĂŠtaient originaires EF MB WJMMF BV NPNFOU EF M Ă?UVEF Ă‹ #BO )BO FU TVS Ă‹ #BO "NQIBXBO &ODPSF faut-il prĂŠciser que dans ce dernier village, les 14 personnes concernĂŠes ĂŠtaient des citadins de la première gĂŠnĂŠration dont les parents, d’origine rurale, avaient migrĂŠ en ville pour y occuper des emplois non qualifiĂŠs. On observe ĂŠgalement que les mĂŠnages des deux villages dont l’un des deux ĂŠpoux ĂŠtait employĂŠ dans le privĂŠ ou le public, continuaient Ă gĂŠrer une exploitation agricole en complĂŠment des revenus issus de salaires. En fait, hormis le primat dĂŠsormais accordĂŠ BV DIPJY JOEJWJEVFM EV DPOKPJOU MF TFVM BVUSF changement notable intervenu dans ces deux villages ruraux est le recul que l’on PCTFSWF EBOT M ÉHF E BDDĂ’T Ă‹ MB OVQUJBMJUĂ? $ FTU ĂŠgalement le principal point de divergence avec l’Êvolution du processus matrimonial au 7JĚ?U /BN %BOT MFT BOOĂ?FT MFT GFNNFT des deux villages du nord-est thaĂŻlandais se mariaient entre 15 et 30 ans, avec le plus grand nombre d’occurrences entre 20 et 25 ans, alors que les hommes se mariaient entre 20 FU BOT BWFD MB USBODIF E ÉHF BOT comme pĂŠriode privilĂŠgiĂŠe. De manière tout Ă fait significative, 6 Ă 8 hommes sur 10 de la USBODIF E ÉHF EFT BOT Ă?UBJFOU FODPSF cĂŠlibataires au milieu des annĂŠes 1980 dans ces villages, alors que 5 Ă 6 hommes sur 10 EF DFUUF USBODIF E ÉHF Ă?UBJFOU EĂ?KĂ‹ NBSJĂ?T dans les annĂŠes 1960. De mĂŞme, plus de MB NPJUJĂ? EFT GFNNFT ÉHĂ?FT EF Ă‹ BOT ĂŠtaient mariĂŠes en 1984 contre 6 Ă 8 sur 10

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dans les annĂŠes 1960 'PSNPTP "VUSF constat, c’est dans le village le plus proche EF MB WJMMF RVF MF SFDVM EF M ÉHF BV NBSJBHF FTU MF QMVT NBSRVĂ? 6OF UFMMF BDDFOUVBUJPO EV phĂŠnomène, perceptible chez les hommes comme chez les femmes, est principalement due Ă la position pĂŠriurbaine du village irriguĂŠ. ConditionnĂŠs, Ă travers notamment la frĂŠquentation des collèges de Khon Kaen, une mentalitĂŠ citadine qui valorise libertĂŠ individuelle, sorties et divertissements ; attirĂŠs par la ville et les opportunitĂŠs d’emploi RV FMMF PòSF MFT KFVOFT EF #BO "NQIBXBO UFOEFOU Ă‹ EJòĂ?SFS MFVS QSPKFU NBUSJNPOJBM Ă‹ la manière des urbains. Le Population and Housing Census Changwat Khon Kaen 1980 SĂ?WĂ’MF BJOTJ RVF EFT IPNNFT FU EFT GFNNFT EF MB USBODIF E ÉHF EFT ans rĂŠsidant Ă Khon Kaen ĂŠtaient cĂŠlibataires Ă‹ MB ĂśO EFT BOOĂ?FT 0S BV NJMJFV EFT annĂŠes 1980, on ĂŠtait très proche de ces QPVSDFOUBHFT Ă‹ #BO "NQIBXBO BWFD d’hommes et 45,5 % de femmes cĂŠlibataires EBOT DFUUF USBODIF E ÉHF 'PSNPTP Finalement, du point de vue mĂŠthodologique, les deux exemples traitĂŠs dans le cadre de cette sĂŠance rĂŠvèlent qu’il est dangereux d’interprĂŠter les ĂŠvolutions matrimoniales sur un mode linĂŠaire, en rĂŠfĂŠrence Ă des modèles passe-partout et sans nuances. Contrairement Ă l’image que l’on s’en fait gĂŠnĂŠralement, le j NBSJBHF BSSBOHĂ? x BV 7JĚ?U /BN DPNNF FO 5IBĂ•MBOEF O B KBNBJT QSJT MB GPSNF E VO choix que les parents imposeraient sur un mode arbitraire et unilatĂŠral aux enfants. D’oĂš le fait que la transition d’un choix prescrit par la famille Ă l’individu vers un choix suggĂŠrĂŠ par l’individu Ă sa famille se soit accompagnĂŠe d’une remarquable continuitĂŠ en matière de critères sociaux FU DVMUVSFMT JOGPSNBOU MF DIPJY EV DPOKPJOU

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%F QMVT FO 5IBĂ•MBOEF DPNNF BV 7JĚ?U /BN M JOEJWJEVBUJPO EBOT MF DIPJY EV DPOKPJOU O FTU QBT BMMĂ?F EF QBJSF BWFD VO SFMÉDIFNFOU EFT liens intergĂŠnĂŠrationnels. Ceux-ci conservent l’essentiel de leur pouvoir de structuration des rapports sociaux. Enfin, le cas vietnamien, par les rĂŠsurgences qu’il rĂŠvèle, tĂŠmoigne du fait que le modèle de l’Êvolution linĂŠaire des comportements familiaux est loin d’être universel. En fin de compte, ces deux ĂŠtudes de cas rappellent, si besoin est, l’importance que l’analyse dĂŠmographique doit confĂŠrer aux particularitĂŠs locales.

Bibliographie #&-"/(&3 % j $IBOHFNFOUT GBNJ MJBVY BV 7JFUOBN EFQVJT USFOUF annÊes de formation des couples à Hanoï , Autrepart QQ $"626&-*/ + EJS L’Ênigme conjugale. Femmes et mariage en Asie, Clermont'FSSBOE 1SFTTFT VOJWFSTJUBJSFT #MBJTF 1BTDBM COALE, A, R. FREEDMAN (1993),  Similarities in the Fertility Transition in China and Three 0UIFS &BTU "TJBO 1PQVMBUJPOT x JO 3 -FFUF I. Adams eds., The Revolution in Asian Fertility, Dimensions, Causes and Implications, Oxford : 0YGPSE 6OJWFSTJUZ 1SFTT QQ '03.040 # EJS Ban Amphawan et Ban Han, le devenir de deux villages du nordest thaïlandais, 1BSJT &3$ $/34 '03.040 # j "MMJBODF FU T�OJPSJU� MF cas des Lao du Nord-est de la Thaïlande , L’Homme QQ +0/&4 ( 8 j 5IF 'MJHIU GSPN .BSSJBHF in Southeast and East Asia , Journal of


Comparative Family Studies 7PM QQ 120, pp. 93-4. ,&.1 + j 5PXBSET B $PNQBSBUJWF "OB MZTJT PG 5IBJ ,JOTIJQ x JO & & #PFTDI FE Thai Culture, Report on the Second Thai-European Research Seminar 4BBSCSVFDLFO 6OJWFSTJUZ PG UIF 4BBS QQ Q KROWOLSKI, N. (2000)  Mariage et statut de la femme vietnamienne à travers le code de la dynastie Lê , in J. Cauquelin (dir.), L’Ênigme conjugale, femmes et mariage en Asie .POUQFMMJFS 1SFTTFT VOJWFSTJUBJSFT #MBJTF 1BTDBM QQ Q ."-)053" " j (FOEFS BOE $IBOHJOH (FOFSBUJPOBM 3FMBUJPOT 4QPVTF $IPJDF in Indonesia , Demography 7PM QQ /(6:&/ 1IVPOH "O j 3FMBUJPOTIJQT CBTFE PO -PWF BOE 3FMBUJPOTIJQT #BTFE PO /FFET 5SFOET JO :PVUI 4FY $VMUVSF JO $POUFNQPSBSZ 7JFUOBN x Modern Asian Studies QQ 5".#*") 4 + Buddhism and the Spirit Cults in North-east Thailand, Cambridge : $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT Q

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) %BOJĂ’MF #Ă?MBOHFS Changements familiaux au Vietnam depuis 1960 : trente annĂŠes de formation des couples Ă Hanoi, Autrepart (2),

JournĂŠe 4, jeudi 22 juillet 2.4.5. Les ĂŠtudes sociodĂŠmographiques relatives au choix du conjoint et les transformations sociales du mariage contemporain, ou comment on est passĂŠ, en France, d’une famille fondĂŠe sur le mariage Ă une famille fondĂŠe sur l’enfant, par Martine Segalen Quatre thèmes seront abordĂŠs dans cet exposĂŠ : les enquĂŞtes concernant le choix du DPOKPJOU MFT DIBOHFNFOUT RVJ NĂ’OFOU EV mariage dit traditionnel au ÂŤ non mariage Âť actuel ; les nouveaux rituels qui accompagnent le nouveau mariage ; la famille sans NBSJBHF MF SĂ™MF EF M FOGBOU DPNNF GPOEBUFVS de la famille. Le choix du conjoint et le choix du compagnon La sociologie des annĂŠes 1960 s’est penchĂŠe sur ce nouveau modèle matrimonial que QFSNFUUBJU M FYQBOTJPO EV TBMBSJBU -FT KFVOFT entrant rapidement sur un marchĂŠ du travail très actif, n’avaient plus besoin d’attendre la mort rĂŠelle ou symbolique de leur père pour s’installer et fonder leur foyer. Cette ÂŤ libertĂŠ Âť faisait alors peur, n’Êtait-elle pas porteuse de dĂŠsordres pour la reproduction sociale ? L’Êtude du Choix du conjoint est l’œuvre NBKFVSF EF MB TPDJPMPHJF EF MB GBNJMMF EF DFUUF pĂŠriode, qu’il faut saluer comme un modèle EV HFOSF "MBJO (JSBSE Z B NJT en lumière le poids formidable des rĂŠgulariUĂ?T PCKFDUJWFT EPOU M FOUFOEFNFOU DPNNVO n’avait aucune conscience, en l’occurrence le poids de l’homogamie. ThĂŠoriquement, chacun peut ĂŠpouser chaDVOF -F DIPJY EV DPOKPJOU O FTU UPVUFGPJT

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pas libre. Les milieux sociaux continuent Ă se reproduire Ă l’intĂŠrieur d’eux-mĂŞmes. Les multiples enquĂŞtes amĂŠricaines et une grande enquĂŞte nationale française donnent des rĂŠsultats concordants. Les mariages unissent EFT DPOKPJOUT EF NĂ?NF PSJHJOF HĂ?PHSBQIJ que pour la plupart d’entre eux, malgrĂŠ la mobilitĂŠ qui a caractĂŠrisĂŠ l’industrialisation. &O 'SBODF M FORVĂ?UF OBUJPOBMF E "MBJO (JSBSE Le Choix du conjoint, datant de 1958 parvient aux mĂŞmes conclusions : ÂŤ La majoritĂŠ des mariages, sept sur dix, sont contractĂŠs entre personnes ayant les mĂŞmes origines : dans deux mĂŠnages sur dix, les deux conjoints sont nĂŠs dans la mĂŞme commune, trois sur dix dans le mĂŞme canton, plus de cinq sur dix dans le mĂŞme arrondissement Âť (p. 188). Nombre d’auteurs amĂŠricains de l’aprèsguerre avaient soulignĂŠ les facteurs sociaux d’attirance : race, groupe ethnique, religion, ĂŠducation, classe sociale, ayant les mĂŞmes WBMFVST -B HSBOEF FORVĂ?UF E "MBJO (JSBSE avait mesurĂŠ finement ces phĂŠnomènes pour la sociĂŠtĂŠ française. ÂŤ La frĂŠquence de l’homogamie sociale est deux fois plus forte que si les mariages se concluaient indĂŠpendamment des origines sociales des partenaires [‌]. Elle est dominante parmi les cultivateurs, les ouvriers; dans les milieux tertiaires au contraire, les origines sociales des conjoints sont beaucoup plus variĂŠes, les brassages sociaux se rencontrent surtout dans les groupes de petite bourgeoisie Âť Q Avec des origines sociales comparables, SJFO E Ă?UPOOBOU Ă‹ DF RVF MB NBKPSJUĂ? EFT DPOKPJOUT BJU VO OJWFBV E JOTUSVDUJPO JEFOUJRVF 1MVT NBSRVĂ?F FODPSF FTU l’homogamie religieuse : dans 92 % des NĂ?OBHFT MFT DPOKPJOUT BQQBSUJFOOFOU Ă‹ MB mĂŞme religion, ou bien sont l’un et l’autre

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sans religion. La frĂŠquence de l’homogamie socioprofessionnelle après 1960 n’a nullement diminuĂŠ pour les mariages contractĂŠs FOUSF FU "MBJO (JSBSE PCTFSWF dans la prĂŠface Ă la seconde ĂŠdition du Choix du conjoint, qu’elle semble mĂŞme s’être renforcĂŠe dans la catĂŠgorie supĂŠrieure pour les mariages postĂŠrieurs Ă 1960. Dans chaque milieu social existent des lieux, institutions, pratiques qui permettent aux KFVOFT HFOT EF TF SFODPOUSFS EF TF DPOOBĂ”USF de se choisir, d’oĂš l’importance d’Êtudier les lieux de rencontre et de formation des couples. "OBMZTBOU MF SĂ™MF GPOEBNFOUBM EV CBM EBOT MB GPSNBUJPO EFT VOJPOT "MBJO (JSBSE NPOUSF que sous ce vocable se cachent le bal de campagne oĂš se retrouveront les agriculteurs et les ouvriers, les bals de grandes ĂŠcoles, les surprises-parties et les rallyes bourgeois, etc. Ă€ chaque catĂŠgorie sociale correspond son type de rencontre dansante. Ainsi, lorsque les personnes interrogĂŠes expliquent qu’elles se sont connues par ÂŤ hasard Âť, celuici semble le plus souvent un processus social qui met en position de rencontre des individus appartenant au mĂŞme milieu. Il est remarquable de constater la concordance entre les faits et l’enquĂŞte d’opinion qui suggère un accord sur une norme collective : ÂŤ MalgrĂŠ un libĂŠralisme de principe qui se fait jour dans la conscience collective, un sentiment très profond demeure, qui rejoint et sanctionne l’Êtat de fait. Les structures et les formes de la vie sociale mettent en prĂŠsence des individus de mĂŞme milieu. C’est finalement parmi les personnes de mĂŞme milieu que l’on a plus de chance et qu’il convient de choisir son conjoint et les possibilitĂŠs de choix diminuent peu Ă peu,


s’il faut rencontrer dans son entourage une personne ‘‘appariĂŠe’’ Âť "MBJO (JSBSE Q "MBJO (JSBSE B SĂ?TVNĂ? DFUUF TJUVBUJPO BWFD VO proverbe populaire : ÂŤ on n’apparie pas un geai avec une agace Âť. 6OF FORVĂ?UF B SĂ?BDUVBMJTĂ? DFMMF E "MBJO (JSBSE en s’intĂŠressant, non seulement au choix du DPOKPJOU NBJT Ă‹ DFMVJ EV j DPNQBHOPO x dans une perspective sociologique ouverte qui prend en compte les nouveaux comportements marquĂŠs par une relative EĂ?TBòFDUJPO QPVS MF NBSJBHF .JDIFM #P[PO FU 'SBOĂŽPJT )Ă?SBO -B SĂ?HSFTTJPO EF l’homogamie gĂŠographique est sensible, en raison de la mobilitĂŠ rĂŠsidentielle croissante. Ce sont les groupes sociaux les plus stables (et en relatif recul) comme les agriculteurs et les ouvriers qui se marient le plus souvent dans les lieux oĂš ils sont nĂŠs et travaillent. Les cadres (groupes sociaux très mobiles) sont les plus exogames. Mais l’exogamie gĂŠographique ne met en rien en danger l’homogamie sociale, le mariage entre soi, qui continue de caractĂŠriser les unions contemporaines. - FORVĂ?UF EF #P[PO FU )Ă?SBO DPOĂśSNF MF QPJET de l’homogamie sociale, pratique sociale qui peut sembler extraordinaire en raison (i) des grands changements socio-ĂŠconomiques qu’a connus la France depuis les annĂŠes 1950 (mobilitĂŠ sociale et gĂŠographique, tertiarisation de la sociĂŠtĂŠ, disparition rapide des agriculteurs, puis plus rĂŠcente des ouvriers) ; (ii) des nouvelles attitudes qui se sont dĂŠgagĂŠes Ă l’Êgard du mariage depuis MFT BOOĂ?FT Les Français continuent de choisir massiveNFOU MFVS DPOKPJOU PV MFVS DPNQBHOPO (concubin, cohabitant‌), dans les mĂŞmes groupes sociaux qu’eux. C’est encore dans les groupes socioprofessionels supĂŠrieurs

et chez les agriculteurs qu’on observe, DPNNF BV 9*9e siècle, les comportements homogames les plus marquĂŠs ; les employĂŠs, groupe social au profil hĂŠtĂŠrogène, apparaissent plus mobiles dans leurs choix matrimoniaux. Comment expliquer cette dominance de l’homogamie sociale dans une sociĂŠtĂŠ oĂš se dĂŠveloppe la cohabitation, et dans laquelle les relations sociales sont marquĂŠes par une informalitĂŠ et un dĂŠveloppement de la sociĂŠtĂŠ de loisirs ? Reprenant les questionnements EF M FORVĂ?UF E "MBJO (JSBSE TVS MFT MJFVY EF SFODPOUSF E VO DPOKPJOU .JDIFM #P[PO FU François HĂŠran s’intĂŠressent aux lieux et aux styles des rencontres. Comparant les rĂŠsultats de leurs enquĂŞtes avec ceux de M FORVĂ?UF E "MBJO (JSBSE JMT PCTFSWFOU RVF MF voisinage, le travail, le bal, les visites chez les particuliers ne concernent plus qu’un tiers des mariages contre deux tiers avant les BOOĂ?FT %JTQBSJUJPO EFT SFODPOUSFT EF voisinage et augmentation des circonstances de rencontres sous l’œil de ses pairs (soirĂŠes entre amis, associations, sorties en ÂŤ boĂŽte Âť qui se substituent aux classiques ÂŤ bals Âť). -F DPOUSĂ™MF TPDJBM OF T FYFSDF QMVT QBS MF biais des parents, mais par les circonstances sociologiques des lieux de sociabilitĂŠ qui sont très socialement marquĂŠs. Sorties en ÂŤ bande Âť entre ĂŠlèves des grandes ĂŠcoles, ÂŤ boĂŽtes Âť QPVS MFT KFVOFT PVWSJFST PV FNQMPZĂ?T -FT chances de mixage social, malgrĂŠ la montĂŠe des ÂŤ classes moyennes Âť, restent plus faibles RVF KBNBJT Aux patientes stratĂŠgies parentales d’autrefois se sont substituĂŠs des choix individuels, fondĂŠs sur des critères privĂŠs. Il n’en reste pas moins que de puissants mĂŠcanismes sociaux continuent de faire de l’union (mariage ou

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cohabitation) un lieu de reproduction des diversitĂŠs sociales. 6OF OPVWFMMF FORVĂ?UF FTU FO DPVST RVJ JOUSPEVJU NBJOUFOBOU MF SĂ™MF EFT SĂ?TFBVY de rencontres sur Internet pour voir si ces nouveaux modes de relations changent la donnĂŠe homogamique. La concurrence entre mariage et union libre Les annĂŠes 1980 et la naissance d’un nouvel amour Le nouveau statut de la femme, moteur et promoteur d’un nouveau modèle social a CPVMFWFSTĂ? MF NPEĂ’MF EĂ?DSJU QBS "MBJO (JSBSE Nous avons dĂŠcrit dans la confĂŠrence n° 1 de Tam Ä?ảo ces caractĂŠristiques : le travail fĂŠminin, l’autonomie sexuelle donnĂŠe par la contraception efficace. Cette libĂŠralisation se marque notamment dans les nouvelles BUUJUVEFT Ă‹ M Ă?HBSE EF MB WJSHJOJUĂ? EFT KFVOFT ĂśMMFT FU EF MB TFYVBMJUĂ? EFT KFVOFT RVJ TPOU maintenant acceptĂŠes depuis plus de trente ans dans notre sociĂŠtĂŠ : c’est l’espace d’une gĂŠnĂŠration. Le mariage est Ă situer dans un horizon lointain, voire pas du tout Ă l’horizon du couple, mais au contraire tous les couples se GPSNFOU KFVOFT %Ă’T MFT BOOĂ?FT BQQBSBĂ”U une idĂŠe nouvelle : au mariage fondĂŠ sur l’amour, l’amour qui mène au mariage (cf. les films amĂŠricains d’après-guerre : on s’aime et on se marie), succède l’idĂŠe que les exigences de l’amour sont devenues incompatibles avec le mariage, (Commaille, 1982 ; Roussel, 1983). Ce nouvel amour a deux caractĂŠristiques : il est absolu et comme vouĂŠ Ă l’ÊphĂŠmère. Le refus du mariage est alors le refus de soumettre la relation de couple Ă d’autres forces qu’à celle des sentiments. L’amour est essentiellement

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de l’ordre du privĂŠ, dans lequel l’ingĂŠrence de l’État apparaĂŽt insupportable. Les attentes qui pèsent sur le couple sont multiples : affectives, sexuelles, matĂŠrielles. Elles ne laissent pas de place Ă la transaction, ce qui explique aussi bien le nombre de divorces que de ruptures des unions libres. Ă€ la notion de couple GVTJPOOFM EFT BOOĂ?FT EPOU MF QSPKFU ĂŠtait inscrit dans la durĂŠe, se substituerait le choix du temporaire. Le mariage apparaĂŽtrait de plus en plus comme une simple formalitĂŠ, une ÂŤ commoditĂŠ sociale Âť. Le mariage Ă l’essai semblerait une pratique raisonnable, et l’union libre serait vue comme une bonne chose : la rupture du lien de mariage ou de concubinage serait envisagĂŠe dès la fondation de l’union, comme le meilleur moyen de prĂŠserver l’amour et l’autonomie des ĂŠpoux. 6O CJMBO EF M Ă?UBU EV NBSJBHF BVY EĂ?CVUT EV 99*e siècle conduit Ă nuancer ces hypothèses dĂŠveloppĂŠes il y a vingt ans. Le mariage n’est plus l’institution fondatrice des couples, mais il n’en est pas pour autant refusĂŠ. S’il rĂŠsiste, Ă des niveaux certes très infĂŠrieurs de sa pĂŠriode EF HMPJSF FOUSF FU QBS BO JM prend cependant un sens nouveau avec le SFDVM EF M ÉHF NPZFO BV QSFNJFS NBSJBHF (en 2003, 30,6 ans pour les hommes et 28,5 pour les femmes). Le mariage ne constitue plus l’acte fondateur de la famille, mais le DPVQMF SFTUF Ă‹ M IPSJ[PO EFT EĂ?TJST EFT KFVOFT Et rien, sociologiquement, ne distingue ceux qui sont mariĂŠs de ceux qui ne le sont pas. La sociologie, dès lors, s’intĂŠresse davantage Ă ce qui se passe au sein du couple qu’à sa morphologie. Elle cherche Ă comprendre la mystĂŠrieuse alchimie du couple qui conduit Ă sa rupture ou explique sa durĂŠe.


L’union libre ne ÂŤ dĂŠsinstitue Âť pas la famille et le PACS Concubinage, cohabitation, union libre, mariage Ă l’essai ? L’augmentation du nombre de couples non mariĂŠs a surpris les observateurs par sa brutalitĂŠ et son ampleur. On en recensait 300 000 en 1960, 1 500 000 en 1990, 2 400 000 en 1999, 2 680 000 en 2002, 3 000 000 en 2010, soit une multiplication par dix en cinquante ans. -F 1"$4 PòSF EFQVJT MF OPWFNCSF un statut lĂŠgal aux unions, auquel sont attachĂŠs certains droits, enregistrĂŠs au greffe du tribunal. Les partenaires s’engagent Ă s’apporter ÂŤ une aide mutuelle et matĂŠrielle Âť ; ils bĂŠnĂŠficient d’avantages fiscaux (imposition commune), successoraux (abattements sur les successions) et sociaux (droit au bail, droit Ă la sĂŠcuritĂŠ sociale du partenaire). Leur dissolution est relativement aisĂŠe et ne OĂ?DFTTJUF QBT MF USVDIFNFOU E VO KVHF %FQVJT TB DSĂ?BUJPO MF OPNCSF EF 1"$4 OF cesse d’augmenter de façon foudroyante : TPOU DPODMVT FO FO et en 2008, 144 000, dont 94 % concernent des couples hĂŠtĂŠrosexuels. Le nombre des NBSJBHFT DĂ?MĂ?CSĂ?T FO M BO EPJU donc se lire dĂŠsormais en regard de la forte BVHNFOUBUJPO EV OPNCSF EF 1"$4 FU EF l’Êvolution lĂŠgislative qui tend Ă rapprocher les deux contrats, le mariage se rompant plus facilement tandis que les protections PòFSUFT QBS MF 1"$4 TF SBQQSPDIFOU EF DFMMFT du mariage. (Depuis 2005, le gouvernement a aussi optĂŠ pour un ĂŠlargissement des droits des pacsĂŠs, notamment dans leurs effets QVCMJDT MF 1"$4 TFSB JOTDSJU FO NBSHF EF l’acte de naissance ; il implique dĂŠsormais un ÂŤ devoir d’assistance Âť).

Conçu initialement pour rĂŠpondre Ă la EĂ?USFTTF EFT IPNPTFYVFMT MF 1"$4 B Ă?UĂ? dĂŠtournĂŠ de sa fonction, offrant au couple une sorte de mariage ÂŤ light Âť, avec protection fiscale et garantie d’une sĂŠparation facile. Figure intermĂŠdiaire. Entre le concubinage et le mariage, il est plus proche de l’union libre que de ce dernier puisque, Ă la naissance d’un enfant (ou avant), le compagnon de la mère doit faire une dĂŠclaration particulière : comme dans l’union libre, la filiation est divise. Les pacsĂŠs ne se voient pas remettre de ÂŤ livret de famille Âť, celui-ci comportant les articles du Code civil qui sont lus lors de la cĂŠrĂŠmonie du mariage. En 2008, 13 % des 1"$4 POU Ă?UĂ? EJTTPVT Il faut mettre en parallèle la nouvelle loi sur le divorce de 2005 qui autorise un divorce sans motif, qui rapproche donc le mariage du 1"$4 RVJ BVUPSJTF VOF TĂ?QBSBUJPO GBDJMFNFOU TBOT SFDPVST Ă‹ VO KVHF $FSUBJOT DPVQMFT DPOTJEĂ’SFOU MF 1"$4 DPNNF un acte purement privĂŠ et administratif ; d’autres au contraire l’entourent de formes rituelles qui l’apparentent Ă un mariage (Rault, 2009). Depuis 2009, le Salon du mariage est NĂ?NF EFWFOV 4BMPO EV NBSJBHF FU EV 1"$4 Ă€ nouveau mariage, nouveaux rites 1BSNJ MFT DIPJY PòFSUT BVY DPVQMFT FO SBJTPO de ses aspects sociaux et symboliques, en raison de la publicitĂŠ donnĂŠe Ă l’ÊvĂŠnement, le mariage se situe toutefois encore en haut de la pyramide, mais pour combien de temps ? Si le mariage existe, des rites nouveaux traduisent les changements. En l’an 2000, la barre des 300 000 mariages fut franchie et les mĂŠdias n’hĂŠsitèrent pas Ă titrer que le ÂŤ mariage suscite Ă nouveau un fort engouement Âť, tout relatif cependant.

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Après un minimum historique en 1994 de 254 000 mariages, on a enregistrĂŠ une reprise, RVJ USBEVJU TVSUPVU MF EĂ?DBMBHF E ÉHF BV mariage, les ĂŠpoux ĂŠtant de plus en plus en ÉHĂ?T 6OF TPDJPMPHJF EFT SJUVFMT EF NBSJBHF montre combien ceux-ci sont rĂŠvĂŠlateurs des changements sociaux (Segalen, 2003). -FT NBSJBHFT E BVKPVSE IVJ DĂ?MĂ’CSFOU UPVU autre chose que des ÂŤ passages Âť, puisque les ĂŠpoux ont respectivement 30 ans pour les hommes et 28 pour les femmes. Les rites matrimoniaux ne peuvent ĂŞtre investis des sens qui ĂŠtaient les leurs lorsque les ĂŠpoux, par le mariage, obtenaient le statut E BEVMUF *TTVFT EF MB WPMPOUĂ? EFT KFVOFT protagonistes qui ont depuis longtemps accĂŠdĂŠ aux nouveaux stades autrefois acquis uniquement par le mariage – rĂŠsidence, sexualitĂŠ, procrĂŠation – ces noces sont l’expression d’un compromis entre le couple et la constellation familiale. Inventions et inflations rituelles, ĂŠmergence de nouveaux acteurs sociaux, dĂŠveloppement de la dimension festive qui apparente de plus en plus le mariage Ă un spectacle qu’il faut ÂŤ rĂŠussir Âť, telles sont les caractĂŠristiques saillantes des rites de mariage au tournant du 99*e siècle. Les mariĂŠs prĂŠparent, des mois, voire un an Ă l’avance, une fĂŞte qui se veut Ă leur image, oĂš les amis interviennent avec des crĂŠations musicales ou spectaculaires. Tout concourt Ă cette inventivitĂŠ, alors mĂŞme que le mariage devient un secteur ĂŠconomique d’importance, dont l’expression s’incarne dans le Salon du mariage qui propose toutes sortes de formules, y compris le mariage clĂŠs en main. De nouvelles sĂŠquences se sont inventĂŠes au cours des vingt dernières annĂŠes : le vin d’honneur qui rassemble un maximum d’invitĂŠs, l’enterrement de WJF EF KFVOF ĂśMMF o OPVWFMMF Ă?UBQF RVJ

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cĂŠlèbre le passage d’un vagabondage BNPVSFVY GĂ?NJOJO Ă‹ MB ĂśEĂ?MJUĂ? DPOKVHBMF o la photographie, l’enregistrement en vidĂŠo FU BVKPVSE IVJ TVS TVQQPSU %7% E VOF GĂ?UF dont il faudra conserver la mĂŠmoire, etc. Le coĂťt des mariages est très ĂŠlevĂŠ, aussi les KFVOFT DPVQMFT QSĂ?GĂ’SFOU JMT Z SFOPODFS RVF de faire un petit mariage, si leurs prioritĂŠs ĂŠconomiques sont autres. C’est aussi souvent la lourdeur des prĂŠparatifs qui les inquiètent et qui dĂŠtournent les couples du mariage. En effet, contrairement aux annĂŠes 1960, les mariĂŠs organisent leur fĂŞte, choisissent les parents et amis qu’ils souhaitent voir Ă leurs DĂ™UĂ?T DBS EBOT CJFO EFT DBT DF TPOU FVY RVJ assument les charges financières. Le mariage unit des adultes, souvent parents, qui ont fait ce libre choix de confĂŠrer de la publicitĂŠ Ă leur union. Les mariĂŠs tiennent des discours ĂŠlaborĂŠs sur leurs choix cĂŠrĂŠmoniels et invoquent souvent la ÂŤ tradition Âť, comme inscription dans la durĂŠe et la normalitĂŠ sociale. Les nouveaux modèles familiaux En France, en Scandinavie, plus de 50 % des enfants naissent hors mariage. Il y a trente ans, ils ne reprĂŠsentaient que 6 % du total des naissances. Ce qui ĂŠtait autrefois contraire BVY OPSNFT TPDJBMFT FTU EFWFOV BVKPVSE IVJ banal, en liaison avec le dĂŠveloppement considĂŠrable des unions de fait. En 2009, dans plus de 65 % des mĂŠnages, la mère est active et, seule ou avec son mari/ compagnon, elle a dĂŠcidĂŠ du moment et du nombre des enfants qu’elle souhaitait mettre au monde. Cet enfant, les couples le programment et le mettent au monde dĂŠsormais près de dix ans plus tard que ne l’ont fait leurs propres parents


KVTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT -B NĂ’SF FTU ÉHĂ?F de 29 ans en moyenne, et parfois bien plus, avec l’allongement de la vie, l’amĂŠlioration du suivi des grossesses, le dĂŠveloppement des recompositions familiales qui font que des femmes ayant dĂŠpassĂŠ 40 ans n’hĂŠsitent pas Ă devenir ou redevenir mères. La mĂŠdecine est d’ailleurs interpellĂŠe lorsque l’enfant ÂŤ programmĂŠ Âť n’est pas au rendez-vous. L’enfant doit arriver lorsqu’on le souhaite, et ne pas se faire attendre trop longtemps ; et cette impatience conduit Ă une augmentation de la demande des techniques d’assistance NĂ?EJDBMF Ă‹ MB QSPDSĂ?BUJPO ".1 DotĂŠs encore d’une valeur productive KVTRV BV NJMJFV EV 99e siècle, ils n’ont plus BVKPVSE IVJ RV VOF WBMFVS BòFDUJWF EF MB famille. Enfants de la Nation, du dĂŠsir parenUBM BVKPVSE IVJ JMT TF DSPJFOU PV TPOU QPSUĂ?T Ă se croire propriĂŠtaires d’eux-mĂŞmes, Ă la fois TVKFUT EF ESPJU NBJT BVTTJ PCKFUT NBOJQVMĂ?T par la sociĂŠtĂŠ de consommation. En l’espace d’un siècle, ils sont devenus mĂŠconnaissables et leurs parents aussi. DĂŠsir d’enfant, droit Ă l’enfant. Le nouvel enfant est celui de nouveaux couples dont le mode de formation a radicalement changĂŠ en l’espace de trente ans. +VTRVF EBOT MFT BOOĂ?FT MB DPIBCJUBUJPO EJUF KVWĂ?OJMF T BDIFWBJU TVS VO NBSJBHF RVJ annonçait l’enfant. Le modèle est tout BVUSF BVKPVSE IVJ -B SFODPOUSF FOUSF EFVY KFVOFT FTU TVJWJF SBQJEFNFOU EF SFMBUJPOT sexuelles qui dĂŠboucheront, peut-ĂŞtre, sur une installation commune (s’ils sont assez ÉHĂ?T FU POU MFT NPZFOT E VOF SĂ?TJEFODF JOEĂ?QFOEBOUF TBOT QSPKFU QSĂ?DJT TJOPO d’Êprouver la nature et la qualitĂŠ de cette SFMBUJPO 1BSNJ MFT KFVOFT RVJ O B QBT E j BNJ x ou ÂŤ amie Âť, terme dont le sens premier est

d’ailleurs dĂŠvoyĂŠ ? Selon la dĂŠfinition du Robert, l’amitiĂŠ est en effet ÂŤ un sentiment rĂŠciproque d’affection ou de sympathie qui ne se fonde ni sur les liens du sang, ni sur l’attrait sexuel Âť 1PVSUBOU D FTU BVKPVSE IVJ MF UFSNF consacrĂŠ, et la notion d’amitiĂŠ s’incarne dans le terme ÂŤ copain Âť, ÂŤ copine Âť, qui implique une certaine familiaritĂŠ, au contraire d’ amitiĂŠ Âť qui associe affection et distance. Si la liaison amoureuse se prolonge, s’inscrit dans un cadre familial et social ĂŠlargi, d’ami ou amie, on deviendra alors ÂŤ compagne Âť et ÂŤ compagnon Âť, terme qui servira, par exemple, aux grands-parents pour dĂŠsigner le père de l’enfant de leur propre enfant (Segalen, 2010). %F DFUUF QSFNJĂ’SF NJTF FO DPVQMF MF QSPKFU de fĂŠconditĂŠ est absent. Il s’agit d’abord de voir comment se constituent les relations interpersonnelles, si chacun et chacune y trouvent leur compte. Ensuite peut-ĂŞtre, quelques mois ou quelques annĂŠes plus tard, se formera le dĂŠsir d’un enfant signe de stabilisation affective et professionnelle du couple, ou pensĂŠ comme stabilisateur de la relation. Le mariage suivra, ou pas. C’est optionnel. Avant l’enfant, il faut d’abord ÂŤ vivre sa vie Âť, QSPĂśUFS EF TPO TUBUVU EF j KFVOF x JM GBVU ÂŤ construire Âť la relation amoureuse, s’assurer que celle-ci est suffisamment gratifiante et qu’en mĂŞme temps, l’autre sera bien le père ou la mère dont on rĂŞve pour son enfant. Tout ce qui ĂŠtait acquis par le contrat du mariage, qui invite Ă ne plus se poser de question, est, dans la relation de couple informel, examinĂŠ, soumis Ă des choix, sources d’hĂŠsitations et d’incertitudes. Avant la contraception chimique, les couples essayaient tant bien que mal de limiter

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les naissances. Depuis, c’est de tout autre manière que prend forme le dĂŠsir d’enfant, dans un geste volontariste : la protection contraceptive est arrĂŞtĂŠe, le couple se dĂŠcide Ă tenter de donner la vie. Il examine d’abord les paramètres socio-ĂŠconomiques liĂŠs Ă la naissance de l’enfant, qui sont ĂŠvidemment sans rapport avec les calculs ĂŠconomiques d’autrefois. Mais des interrogations demeurent. Est-ce le bon moment par rapport Ă la carrière de l’un et l’autre ? Le logement permettra-t-il d’accueillir l’enfant comme il le faut en fonction des exigences contemporaines, avec une chambre pour chacun ? Le couple s’emploie Ă ÂŤ crĂŠer les conditions Âť de l’accueil avant de se mettre Ă la fabrication du bĂŠbĂŠ, si les exigences matĂŠrielles pour accueillir un enfant qui sont BVKPVSE IVJ DPOTJEĂ?SBCMFT TFNCMFOU SFNQMJFT Evidemment, la dimension ĂŠconomique n’est pas la seule Ă intervenir dans cette dĂŠcision NBKFVSF "JOTJ EFNFVSF VOF DFSUBJOF BNCJ valence : l’usage de la contraception est devenu si naturel, comme allant de soi, que MFT DPVQMFT O POU QBT UPVKPVST MF TFOUJNFOU d’adopter une stratĂŠgie. La rĂŠalitĂŠ de l’enfant programmĂŠe, planifiĂŠ va Ă l’encontre de la perception qu’ils se font de ce que doit ĂŞtre la reproduction, acte naturel et dĂŠsintĂŠressĂŠ 3Ă?HOJFS -PJMJFS Selon les psychanalystes, ÂŤ la dĂŠcision d’enfanter Âť est fomentĂŠe par l’inconscient, le dĂŠsir d’enfant ĂŠchappant par consĂŠquent largement aux souhaits rationnels des gĂŠniteurs. Ainsi le subconscient explique les oublis de la contraception, les conceptions Ă une date telle que la naissance aura lieu Ă un moment symbolique dans l’histoire de la famille, ou pour ÂŤ remplir un vide Âť après le dĂŠcès d’un de ses membres. Le dĂŠsir d’enfant rĂŠpondrait donc Ă des aspirations

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non rationnelles (mĂŞme si les considĂŠrations matĂŠrielles comptent) : s’inscrire dans la normalitĂŠ et la conformitĂŠ du groupe, porter une aspiration Ă la filiation, qui ne se rabat pas nĂŠcessairement sur la continuation de la lignĂŠe. Le nouveau-nĂŠ aide l’autre, le gĂŠniteur, Ă‹ BDDĂ?EFS BV TUBEF E BEVMUF 1PSUFVS EFT EĂ?TJST de ses parents, ce que les psychanalystes nomment le ÂŤ contrat narcissique Âť, l’enfant doit rĂŠaliser les aspirations de ses parents en ĂŠchange de leurs soins et de leur amour. $POUSF 4JNPOF EF #FBVWPJS FU MFT NPVWF NFOUT GĂ?NJOJTUFT EFT BOOĂ?FT JM FTU BVKPVSE IVJ FOUFOEV RVF MB NBUFSOJUĂ? FTU une des composantes centrales de l’identitĂŠ fĂŠminine. Dans les sociĂŠtĂŠs rurales d’autrefois, MB TUĂ?SJMJUĂ? UPVKPVST BUUSJCVĂ?F BVY GFNNFT Ă?UBJU VO HSBOE NBMIFVS "VKPVSE IVJ TVS VOF femme qui n’a pas d’enfants, on s’apitoie, et on s’Êtonne encore plus si elle affirme (et ose le faire) que c’est un choix mĂťrement rĂŠflĂŠchi. Elle en a d’autant plus de mĂŠrite que la sociĂŠtĂŠ est ÂŤ bĂŠbĂŠphile Âť, tout au moins dans ses discours et ses reprĂŠsentations. Le modèle français comporte une incitation Ă ÂŤ faire un enfant Âť : ÂŤ la femme qui veut mais ne peut pas procrĂŠer se considère comme mise au ban de la sociĂŠtĂŠ, qu’elle se place elle-mĂŞme en retrait du groupe ou que celui-ci l’exclue de ses rangs. Les femmes elles-mĂŞmes, leur famille et leur groupe d’appartenance vivent la stĂŠrilitĂŠ comme une malĂŠdiction Âť. Etre enceinte est Ă la mode. 1PVS T FO DPOWBJODSF JM TVĂłU E PCTFSWFS le changement radical intervenu dans la garde-robe pour future maman. Jusque dans les annĂŠes 1960, toutes sortes de sacs tentaient, sans succès, de cacher ce que l’on nommait encore par euphĂŠmisme ÂŤ le doux secret Âť, protubĂŠrance qu’on ne souhaitait pas exhiber. Des couleurs ternes, des vĂŞtements


amples n’incitaient guère Ă sortir de chez soi, ce qui ĂŠtait une façon de se protĂŠger contre les dangers censĂŠs guetter les futures mères. "VKPVSE IVJ DFMMFT DJ DFJHOFOU MFVST WFOUSFT d’Êcharpes multicolores qui en soulignent les rondeurs ; elles s’exhibent en maillot de bain deux pièces, arborant fièrement leur rotonditĂŠ, Ă l’instar de toutes les vedettes dites ÂŤ people Âť qui peuplent les magazines du mĂŞme nom. Les psychanalystes s’inquiètent d’ailleurs de la ÂŤ fĂŠtichisation Âť de la grossesse, de la cĂŠlĂŠbration d’une sorte de ÂŤ maternel ĂŠrotique Âť dont le premier signe fut la photo prise par Annie Leibovitz, en 1991, de Demi Moore posant enceinte de sept mois, avec pour unique parure une bague en diamants, en couverture du magazine amĂŠricain Vanity Fair. Si la photo dĂŠclare de façon fracassante la fiertĂŠ et la beautĂŠ du corps gravide, la ÂŤ bĂŠbĂŠ attitude Âť n’est toutefois pas sans dangers lorsque l’enfant rĂŠel, avec ses pleurs nocturnes et ses coliques, sera lĂ pour de CPO *M FYJTUF BVKPVSE IVJ E BJMMFVST EFT VOJUĂ?T psychiatriques pour soigner le ÂŤ mal de mère Âť, TPVWFOU GSĂ?RVFOU DIF[ EF KFVOFT GFNNFT USĂ’T angoissĂŠes face Ă leur nouveau-nĂŠ, comme des spĂŠcialistes qui tentent de comprendre les pleurs redoublĂŠs des nouveaux-nĂŠs. Depuis le dĂŠveloppement des ĂŠchographies, EBOT MF DPVSBOU EFT BOOĂ?FT M FOGBOU est lĂ , bien avant la naissance. Initialement conçue comme une technique mĂŠdicale destinĂŠe Ă dĂŠpister les anomalies de l’embryon et du fĹ“tus, l’Êchographie est devenue un des principaux rites de passage de la sociĂŠtĂŠ contemporaine. On ne se marie plus, mais on prĂŠsente la photo de l’embryon aux futurs grands-parents, leur annonçant ainsi leur proche changement dans la place des gĂŠnĂŠrations, tout en socialisant la relation de couple.

Avec le dĂŠveloppement de cette technique, y compris l’imagerie en trois dimensions, le ventre maternel ne renferme plus de secret. Les psychanalystes parlent de l’inquiĂŠtante ĂŠtrangetĂŠ de la ÂŤ transparence actuelle de la grossesse Âť. Du nouveau ÂŤ hĂŠros moderne Âť, on connaĂŽt toutes les activitĂŠs dès trois mois de grossesse, comme le sexe. Ă€ la fois rĂŠel et fantasmĂŠ, souvent nommĂŠ alors que l’arrondi du ventre maternel se remarque Ă peine, le foetus est prĂŠsent dans la vie du couple, au point de faire croire que l’accouchement n’est qu’une formalitĂŠ sans importance, et non plus ce passage de vie et de mort qu’il ĂŠtait autrefois - qu’il reste encore dans bien des sociĂŠtĂŠs du monde. Le dĂŠbut de la vie se dĂŠplace vers l’amont dans le temps. -PSTRVF GVU EĂ?CBUUV MF QSPKFU EF MPJ /FVXJSUI FO DFSUBJOT EĂ?QVUĂ?T QPVS le repousser, ont dĂŠveloppĂŠ des arguments particulièrement intĂŠressants. Jean Coumaros, un mĂŠdecin d’origine grecque 6%3 .PTFMMF T FYDMBNB ÂŤ Les maris ontils songĂŠ que dĂŠsormais c’est la femme qui dĂŠtiendra le pouvoir absolu d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants, en absorbant la pilule, mĂŞme Ă leur insu ? Les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilitĂŠ fĂŠconde et les femmes ne seront plus qu’un objet de voluptĂŠ stĂŠrile Âť. Jean Coumaros n’avait pas tort : avec la ÂŤ pilule Âť, la femme a eu droit au plaisir sexuel, comme les hommes, et elle leur a Ă™UĂ? VOF QBSU FTTFOUJFMMF EFT GPOEFNFOUT de leur domination. C’est une innovation TPDJ BMF FU TZNCPMJRVF NBKFVSF FO QBTTF EF remettre enfin en cause le principe universel de la ÂŤ valence diffĂŠrentielle des sexes Âť qui s’appuyait notamment sur l’accaparement par les hommes du pouvoir de procrĂŠation des femmes.

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Les hommes occidentaux ont – bon grĂŠ, mal grĂŠ – acceptĂŠ le dĂŠboulonnage de leur QPTJUJPO TUBUVUBJSF FU EF TUBUVF -FVS SĂ™MF T FO est trouvĂŠ fondamentalement transformĂŠ. De MFVS DĂ™UĂ? MFT GFNNFT O POU SJFO MÉDIĂ? EF MFVS maternitĂŠ, tout en mordant sur le champ du masculin, en entrant sur le marchĂŠ du travail. Le phĂŠnomène irrĂŠversible du travail fĂŠminin rend ces nouvelles maternitĂŠs et paternitĂŠs plus conscientes et responsables, ce qui se USBEVJU EBOT MF SFDVM EF M ÉHF Ă‹ MB QSFNJĂ’SF OBJTTBODF RVJ DBSBDUĂ?SJTF OPUSF Ă?QPRVF 6O enfant se fait Ă deux finalement, et il faut que la mère, comme le futur père s’y sentent QSĂ?UT $ FTU BV OJWFBV EV DPVQMF RVF TF KPVF la nĂŠgociation. Le fait de ÂŤ faire Âť, dans le sens de ÂŤ fabriquer Âť l’enfant conduit les nouveaux pères Ă s’impliquer de très près dans la grossesse de leur femme. Avec ÂŤ la pilule Âť, la toute puissance du gĂŠniteur fait place, dans la NBKPSJUĂ? EFT DBT Ă‹ VOF BDUJPO DPODFSUĂ?F NBJT dont la dĂŠcision finale dĂŠpend de la femme. Si les femmes sont ainsi les maĂŽtresses de la procrĂŠation, les hommes - et c’est heureux n’y sont pas moins prĂŠsents. Si leur place a changĂŠ, leur engagement est finalement plus mĂťri et pensĂŠ qu’il ne l’Êtait autrefois quand ils dĂŠtenaient seuls le pouvoir de vie. Qu’il s’agisse d’une grossesse sans intervention NĂ?EJDBMF PV EFT SFRVĂ?UFT Ă‹ M Ă?HBSE EF M ".1 chacun veut se rassurer sur son pouvoir procrĂŠatif. Les hommes se sentent aussi concernĂŠs que les femmes par la conception de l’enfant, prenant avec elle la dĂŠcision d’arrĂŞter de se protĂŠger. 1PVS SĂ?TVNFS PO QFVU EJSF RVF MFT OPVWFBVY pères ont une place Ă trouver, ils subissent Ă MB GPJT M JOKPODUJPO E Ă?USF IPNNF FU FO NĂ?NF UFNQT EF QBSUBHFS MFT UÉDIFT Ă‹ Ă?HBMJUĂ? BWFD MB mère. Ils ont aussi du mal Ă endosser la figure d’autoritĂŠ qui ĂŠtait la leur autrefois, alors

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que les relations entre parents et enfants se dĂŠroulent sous le sceau de la dĂŠmocratie. 1PVS DPODMVSF PO QFVU EJSF RVF MF NBSJBHF FTU d’autant moins utile que le concubinage ou MF 1"$4 PòSFOU TUBUVU FU QSPUFDUJPO TBOT RVF l’État ait davantage Ă entrer dans la vie privĂŠe. Ă€ la diffĂŠrence de l’enfant nĂŠ d’un couple mariĂŠ, pour lequel la filiation est ĂŠtablie automatiquement dès la dĂŠclaration de sa naissance, celle de l’enfant nĂŠ hors mariage rĂŠsulte d’un acte volontaire. Dans le mariage, la mère s’engage en effet sur un principe de fidĂŠlitĂŠ, d’oĂš dĂŠcoule l’automaticitĂŠ de la QBUFSOJUĂ? D FTU E BJMMFVST MB KVTUJĂśDBUJPO EV mariage – pater ist quem nuptiae demonstrant. Ă€ l’inverse, chez les concubins, nul engagement public Ă la fidĂŠlitĂŠ et donc aucune prĂŠsomption automatique de paternitĂŠ. C’est pourquoi cette reconnaissance EFWBJU Ă?USF GBJUF KVTRV Ă‹ JM Z B QFV TĂ?QBSĂ?NFOU par les deux parents. La dĂŠclaration de paternitĂŠ Ă l’Êtat civil peut ĂŞtre effectuĂŠe avec la dĂŠclaration de naissance, ou par acte sĂŠparĂŠ avant ou après la naissance, une ordonnance de 2005 a supprimĂŠ l’obligation faite Ă la mère d’Êtablir cet acte, seul le père non mariĂŠ sera dĂŠsormais astreint Ă cette dĂŠmarche - dĂŠmarche d’importance, malgrĂŠ son caractère anodin, et sans rituel (ce que l’on peut regretter). Ce geste, qui peut sembler banal, est en effet porteur au contraire d’une haute signification symbolique. Il donne une filiation Ă l’enfant et l’inscrit dans une continuitĂŠ familiale ; il fait de lui un citoyen avec les droits et les EFWPJST RVJ TPOU BUUBDIĂ?T Ă‹ DF TUBUVU 1PVS MFT couples non mariĂŠs, l’institutionnalisation de leur famille commence avec son inscription Ă l’Êtat civil. C’est par cet acte que l’enfant s’inscrit dans sa lignĂŠe, et il faut souligner Ă nouveau


l’importance du lien intergĂŠnĂŠrationnel de OPT KPVST RVJ DPNQFOTF MB GSBHJMJUĂ? EV MJFO DPOKVHBM -F SĂ™MF EFT HSBOET QBSFOUT FO Europe contemporaine est très important (Attias-Donfut et Segalen, 1998).

JournĂŠe 5, vendredi 23 juillet

Bibliographie

Dans cet exposĂŠ, sont prĂŠsentĂŠes les diverses formes matrimoniales analysĂŠes dans les sociĂŠtĂŠs rurales, et dans une seconde partie, l’utilisation d’une autre source pour analyser le changement, Ă savoir les dĂŠnombrements ou recensements de la population, documents utiles pour l’histoire de la sociologie de la famille. Je m’appuierai Ă cette occasion notamment sur un travail de terrain effectuĂŠ FOUSF FU FO #SFUBHOF EBOT VOF rĂŠgion qui se nomme le pays bigouden oĂš se situe le village de Saint-Jean Trolimon (Segalen, 1985). On y compte tout au long du 9*9e siècle environ 1 500 habitants et, au cours EF NPO UFSSBJO K BJ WV MB DPNNVOF Ă‹ WPDBUJPO BHSJDPMF TF USBOTGPSNFS CSVUBMFNFOU &O PO DPNQUBJU FYQMPJUBUJPOT BVKPVSE IVJ 2 seulement. C’est une ville rĂŠsidentielle oĂš vivent des habitants qui travaillent dans la ville distante de 18 km, Quimper ; on y compte aussi beaucoup de rĂŠsidences secondaires.

"55*"4 %0/'65 $M FU 4&("-&/ . EJST (1998), Grands-parents. La famille à travers les gÊnÊrations 1BSJT 0EJMF +BDPC #0;0/ . 'S )&3"/ j -B E�DPVWFSUF EV DPOKPJOU * FU ** x Population p. 943-986 ; (1988), 1, p. 121-150. COMMAILLE, J. (1982), Familles sans justice ? Le droit et la justice face aux transformations de la famille 1BSJT -F $FOUVSJPO (*3"3% " Le Choix du conjoint 1BSJT 1SFTTFT VOJWFSTJUBJSFT EF 'SBODF */&% j 5SBWBVY FU %PDVNFOUT x $BIJFS O¥ – 2e �E 3"6-5 8 L’invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, 4DJFODFT 1P 3&(/*&3 -0*-*&3 " Avoir des enfants en France. DÊsirs et rÊalitÊs 1BSJT */&% -FT cahiers de l’INED, 159. 30644&- - La famille incertaine 1BSJT Odile Jacob. 4&("-&/ . Éloge du mariage 1BSJT (BMMJNBSE %�DPVWFSUFT 4&("-&/ . Sociologie de la famille, 1BSJT "SNBOE $PMJO e edition. 4&("-&/ . A qui appartiennent les enfants ? 1BSJT 5BJMMBOEJFS

2.4.6. Les stratÊgies matrimoniales en milieu rural. Une autre source pour l’Êtude du changement familial : les recensements de la population, par Martine Segalen

StratÊgies patrimoniales et stratÊgies matrimoniales Ce fil de recherches s’inscrit dans une vaste comparaison anthropologique des sociÊtÊs Ë USBWFST MF NPOEF +BDL (PPEZ B notamment dÊveloppÊ une comparaison entre sociÊtÊs eurasiennes et sociÊtÊs africaines. Entre les sociÊtÊs non europÊennes (et encore pas toutes) et les sociÊtÊs rurales europÊennes, il existe une diffÊrence

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fondamentale. Dans les premières, les droits sur un espace sont collectivement appropriĂŠs par un lignage qui le met en valeur ; de plus le territoire occupĂŠ par les groupes humains rarement fixe, ou plein d’hommes. Dans les vieilles paysanneries d’Europe, depuis MF 9*7e siècle la pression dĂŠmographique a fixĂŠ les populations sur des territoires aux limites Ă peu près stables et qui se sont saturĂŠs lentement. MĂŞme si la propriĂŠtĂŠ collective de terroirs spĂŠcifiques (forĂŞts, QÉUVSBHFT E BMUJUVEF UFSSBJOT DPNNVOBVY de dĂŠpaissance) est attestĂŠe, la plupart des terres mises en culture, ou servant Ă l’Êlevage, sont appropriĂŠes individuellement et mises en valeur dans le cadre restreint du groupe domestique. Si dans les sociĂŠtĂŠs non europĂŠennes, la reproduction sociale se pose en termes collectifs – c’est le groupe qui doit lutter (ĂŞtre physiquement en guerre au besoin) contre un autre groupe pour protĂŠger ses espaces de chasse, cueillette ou culture – dans les sociĂŠtĂŠs europĂŠennes, la question cruciale est celle de la reproduction de groupes domestiques individualisĂŠs, propriĂŠtaires ou occupants des biens aux contours finis. Dans la mesure oĂš groupe domestique et exploitation agricole sont solidement identifiĂŠs l’un Ă l’autre, la parentĂŠ est doublement prĂŠsente au cĹ“ur du système villageois : elle règle les droits d’accès au sol (et bien d’autres qui en dĂŠcoulent, au sein de la communautĂŠ villageoise), et les modes de dĂŠvolution de ces biens. SociĂŠtĂŠs africaines et sociĂŠtĂŠs eurasiennes se distinguent par leur mode de dĂŠvolution des biens. Dans les premières, unilinĂŠaires, le processus de transmission est associĂŠ au sexe : les hommes hĂŠritent des hommes, les femmes hĂŠritent des femmes. En Europe et

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en Asie, les femmes hĂŠritent des hommes et vice versa, ce qui a pour effet de dissĂŠminer la propriĂŠtĂŠ en dehors du groupe de filiation unilinĂŠaire ; c’est Ă cet ensemble que Jack (PPEZ B EPOOĂ? MF OPN EF ÂŤ dĂŠvolution divergente Âť. Si le rapprochement de la thĂŠorie de l’hĂŠritage, comme celle de la parentĂŠ entre sociĂŠtĂŠs non europĂŠennes et sociĂŠtĂŠs paysannes, apparaĂŽt ĂŠclairant, il a cependant des limites. Les spĂŠcificitĂŠs europĂŠennes doivent ĂŞtre prises en compte. Outre l’appropriation individuelle d’un bien (par opposition Ă la propriĂŠtĂŠ collective du clan ou du lignage), c’est la grande diversitĂŠ des modes de dĂŠvolution qui caractĂŠrise ces sociĂŠtĂŠs et invite Ă un essai de systĂŠmatisation. On peut ainsi observer qu’il existe vis-Ă -vis de l’hĂŠritage des sociĂŠtĂŠs ĂŠgalitaires, et d’autres inĂŠgalitaires, et c’est en ĂŠtudiant la transformation des groupes domestiques sur de longues pĂŠriodes que l’on peut comprendre la logique interne des systèmes. Les systèmes inĂŠgalitaires interdisent la division du patrimoine et celui-ci est transmis de gĂŠnĂŠration en gĂŠnĂŠration Ă un seul des enfants, gĂŠnĂŠralement l’aĂŽnĂŠ. Les cadets restent comme ouvriers dans la maison ou ĂŠmigrent. On connaĂŽt par exemple les cadets basques qui sont partis faire fortune FO "VTUSBMJF PV BVY ²UBUT 6OJT E BVUSFT s’engagent dans l’armĂŠe ou dans les ordres. Ce patrimoine s’incarne dans la maison et dans une forme de groupe domestique caractĂŠristique qui comprend les parents propriĂŠtaires, leur fils aĂŽnĂŠ et sa femme et les enfants de ce couple, et ĂŠventuellement les autres enfants restĂŠs cĂŠlibataires Ă la ferme. On donne Ă cette configuration le nom de ÂŤ famille souche Âť ou ÂŤ système Ă maison Âť.


On rencontre ce système dans le sud de la France, le nord de l’Espagne et de l’Italie, mais aussi en Autriche ou Allemagne. On parle en France, en langue occitane de ÂŤ l’oustal Âť ou de ÂŤ l’oustau Âť, maison qui comporte un nom et qui est en fait propriĂŠtaire des champs mais BVTTJ E FTQBDFT EBOT MFT QÉUVSBHFT DPMMFDUJGT et possède des droits politiques comme une place au cimetière. Dans ce système, du point de vue matrimonial, le système prĂŠfĂŠrĂŠ est celui du mariage de l’hĂŠritier de la maison A Ă la cadette de la NBJTPO # UBOEJT RVF M IĂ?SJUJĂ’SF EF MB NBJTPO # ĂŠpousera le cadet de la maison A : c’est donc un double mariage frère-sĹ“ur, sĹ“ur-frère ; une dot est estimĂŠe devant notaire pour chaque maison. En rĂŠalitĂŠ, l’argent ne sortait pas des maisons. Ce système a fonctionnĂŠ KVTRVF EBOT MFT EĂ?CVUT EV 99e siècle ; puis les femmes abandonnèrent les maisons et les hĂŠritiers, prĂŠfĂŠrant se marier en ville avec un employĂŠ oĂš elles avaient une vie domestique plus facile. A l’opposĂŠ de ce système existe le modèle ĂŠgalitaire, gĂŠnĂŠralement parmi des paysans qui sont seulement fermiers et non propriĂŠtaires, et qui donnent Ă chaque enfant une part ĂŠgale de leur biens, gĂŠnĂŠralement sous forme d’argent. Le modèle de la famille bretonne incarne dans sa puretĂŠ le QĂ™MF Ă?HBMJUBJSF $POUSBJSFNFOU BVY HSPVQFT domestiques des systèmes Ă maison, que la propriĂŠtĂŠ du sol enracine en un mĂŞme lieu au fil des gĂŠnĂŠrations, les paysans bretons ne sont gĂŠnĂŠralement pas propriĂŠtaires de leurs exploitations, et de ce fait connaissent de nombreux dĂŠplacements au cours de leur existence, qu’ils soient expulsĂŠs par leurs propriĂŠtaires ou qu’ils recherchent une exploitation dont la taille sera capable de nourrir une famille qui reste nombreuse tout

BV MPOH EV 9*9e siècle, du fait de l’importance du taux de fĂŠconditĂŠ. Les groupes rĂŠsidentiels n’ont donc guère d’attachement symbolique Ă un lieu et circulent au sein de microrĂŠgions qui constituent des aires d’appartenance culturelle homogènes. La règle de dĂŠvolution des biens coĂŻncide sans difficultĂŠ avec les prescriptions du Code civil (contrairement au système prĂŠcĂŠdent). C’est une règle ĂŠgalitaire qui est mise en Ĺ“uvre entre tous les enfants, les garçons comme les filles. Apparemment celle-ci devrait conduire Ă la non-viabilitĂŠ des exploitations, mais dans une rĂŠgion dominĂŠe par le fermage, la règle ĂŠgalitaire n’affecte que les biens meubles. Lorsque les paysans deviendront propriĂŠtaires, ils essaieront de concilier deux principes en apparence contradictoires : la nĂŠcessitĂŠ de maintenir Ă l’exploitation une dimension qui lui assure une viabilitĂŠ ĂŠconomique, et le souci de ne dĂŠsavantager aucun des enfants. Dans la pratique, le père dĂŠsignera un TVDDFTTFVS RVJ O FTU QBT UPVKPVST M BĂ”OĂ? NBJT souvent le dernier, qui a charge d’entretenir TFT QBSFOUT TVS MFVST WJFVY KPVST FO GBJTBOU obligation aux frères et sĹ“urs de revendre au successeur les terres qui leur ont ĂŠtĂŠ attribuĂŠes en hĂŠritage afin que celui-ci puisse reconstituer l’exploitation. Les paysanneries ĂŠgalitaires contraignent souvent leurs membres Ă rechercher des ressources en dehors de l’agriculture, ou Ă modifier leur système de production. J’ai donc personnellement conduit une longue enquĂŞte ethnohistorique pour suivre l’Êvolution de la sociĂŠtĂŠ Ă Saint-Jean Trolimon, FU PVUSF MFT FORVĂ?UFT EF UFSSBJO K BJ USBWBJMMĂ? Ă‹ la fois sur les recensements, les donnĂŠes d’Êtat civil et les actes notariĂŠs pour suivre le mode de dĂŠvolution des biens et la continuitĂŠ

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des groupes domestiques, dans un système profondĂŠment ĂŠgalitaire. En ce qui concerne le mariage, on observe une endogamie marquĂŠe Ă l’intĂŠrieur des cinq communes qui composent le pays bigouden sud et l’application du principe de renchaĂŽnement d’alliance qui consiste Ă ce que les mariĂŠs aient des parents des deux DĂ™UĂ?T TBOT Ă?USF BQQBSFOUĂ?T EJSFDUFNFOU Ă‹ VO mĂŞme ancĂŞtre : on ĂŠpouse un consanguin d’alliĂŠ ou un alliĂŠ de consanguin. Cette forme ĂŠtait extrĂŞmement frĂŠquente HSÉDF Ă‹ M FYJTUFODF EF USĂ’T MBSHFT GSBUSJFT Dans ces parentèles, et notamment au moment des mariages, circulaient toutes les informations sur les fermages qui allaient se MJCĂ?SFS DPNNF MFT KFVOFT HFOT FO ÉHF EF TF marier. On remarquera que, pour les noces, les rituels associaient de très grands cortèges d’une vingtaine de couples parfois, et c’Êtaient souvent aux noces que se formaient ces nouvelles unions qui ÂŤ renchainaient Âť les couples. Le recensement, une source pour l’Êtude des transformations familiales ÂŽ 4BJOU +FBO 5SPMJNPO DPNNF KF M BJ EJU QMVT IBVU KF NF TVJT TFSWJF EF DFUUF TPVSDF QPVS suivre l’Êvolution des groupes domestiques, en couplant ces informations Ă celles de l’Êtat civil. Les historiens dĂŠmographes français ont beaucoup travaillĂŠ sur les registres paroissiaux rendus obligatoires par l’ordonnance EF 7JMMFST $PUUFSĂ?UT EF TJHOĂ? QBS François Ier. Ă€ partir de lĂ , on peut ĂŠtablir des taux de fĂŠconditĂŠ, nuptialitĂŠ et mortalitĂŠ. Les Anglais disposent depuis longtemps d’autres sources (qui existent aussi chez nous) que sont les recensements de la population

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Ă des fins diverses, fiscales, militaires, censitaires. Les recensements des siècles passĂŠs sont erratiques, mais ils permettent de photographier Ă un instant T la taille et la structure des mĂŠnages. L’intĂŠrĂŞt est de pouvoir disposer de ces recensements sur une longue pĂŠriode Ă intervalles rĂŠguliers pour pouvoir suivre les changements intervenus au sein des mĂŠnages dans leur taille et leur composition. "WBOU EF QBSMFS EF M VTBHF RVF K FO BJ GBJU EBOT NPO UFSSBJO EF SFDIFSDIF KF WFVY TJHOBMFS RVF ces documents ont ĂŠtĂŠ la source de dĂŠbats importants thĂŠoriques concernant l’Êvolution de la famille. La sociologie de la famille dans les annĂŠes 1950 voyait la ÂŤ modernitĂŠ Âť de la famille dans l’industrialisation qui aurait, selon MB UIĂ’TF EF 5 1BSTPOT OVDMĂ?BSJTĂ? MB GBNJMMF 0S les historiens anglais ont montrĂŠ, Ă l’appui des SFDFOTFNFOUT EFT 97**e FU 97***e siècles, que la GBNJMMF Ă?UBJU OVDMĂ?BJSF EFQVJT MPOHUFNQT EĂ?KĂ‹ et ils ont inversĂŠ la proposition, mettant en EBOHFS MB HSBOEF UIĂ’TF EF 1BSTPOT Les sociologues pensaient aussi que, dans les sociĂŠtĂŠs prĂŠindustrielles, la forme dominante du groupe domestique ĂŠtait la famille ĂŠtendue avec trois gĂŠnĂŠrations. Or il n’en est rien. Des recherches portant sur la structure des groupes domestiques, sous l’impulsion EF 1FUFS -BTMFUU FU EV $BNCSJEHF (SPVQ GPS UIF )JTUPSZ PG 1PQVMBUJPO BOE 4PDJBM 4USVDUVSF POU NPOUSĂ? RVF EBOT VOF WBTUF QBSUJF de l’Europe, les groupes domestiques avaient une configuration identique Ă celle des annĂŠes 1950 et 1960. L’industrialisation n’a donc pas ÂŤ nuclĂŠarisĂŠ Âť la famille parce que la famille ĂŠtait nuclĂŠaire depuis longtemps. Certains auteurs ont mĂŞme avancĂŠ la proposition inverse, Ă savoir que c’Êtait l’existence d’une famille nuclĂŠaire qui avait favorisĂŠ l’Êmergence de l’industrialisation.


"JOTJ EBOT MFT BOOĂ?FT MFT IJTUPSJFOT dĂŠmographes s’emparent de la question des recensements et se mettent Ă ĂŠtudier la taille et la structure des groupes domestiques. D’oĂš il ressort la typologie Laslett : – les groupes domestiques dits ÂŤ sans structure familiale Âť dont on ne voit pas très bien Ă quoi ils correspondent sinon Ă de vieux amis partageant le mĂŞme foyer. Dans cette catĂŠgorie sont comptĂŠes le plus souvent les personnes seules ; – les groupes domestiques ÂŤ simples Âť qui correspondent au mĂŠnage, Ă la cellule familiale contemporaine : ils sont composĂŠs soit du père, de la mère et des enfants, soit d’un veuf ou d’une veuve avec ses enfants, Ă l’exclusion de tout autre parent ; – les groupes domestiques ÂŤ ĂŠtendus Âť composĂŠs, en plus des membres du mĂŠnage simple, de parents ascendants, descendants ou collatĂŠraux, c’est-Ă -dire du père ou de la mère du chef de mĂŠnage ou de sa femme, d’un petit-fils ou d’une petite-fille du chef de mĂŠnage ou de sa femme, d’un frère ou d’une sĹ“ur, d’un neveu ou petit-neveu. L’extension correspond Ă une addition Ă un OPZBV DFOUSBM DPOKVHBM E VO QBSFOU QMVT PV moins proche, en quelque sorte satellisĂŠ ; – les groupes domestiques ÂŤ multiples Âť qui font cohabiter plusieurs mĂŠnages apparentĂŠs, d’oĂš leur nom de ÂŤ polynuclĂŠaires Âť. Ă€ l’intĂŠrieur de cette catĂŠgorie, on introduit une distinction complĂŠmentaire selon l’attribution de la direction du groupe domestique. Si c’est le couple EF QBSFOUT ÉHĂ?T RVJ EJSJHF MF DPVQMF EFT enfants mariĂŠs subissant cette autoritĂŠ, on se trouve dans le cas de figure de la ÂŤ famillesouche Âť dĂŠcrite Ă propos du système dit ÂŤ Ă maison Âť. S’il n’y a que des mĂŠnages de frères

et sĹ“urs mariĂŠs de mĂŞme gĂŠnĂŠration, on observe une configuration de ÂŤ frĂŠrèche Âť. Ă€ tous ces groupes domestiques, peuvent, PV OPO T BEKPJOESF Ă‹ DIBRVF GPJT EFT domestiques, serviteurs, compagnons, donc EFT QFSTPOOFT OPO BQQBSFOUĂ?FT 6O EFT critères du classement se fonde sur l’attribution de la direction du groupe domestique, ce qui introduit parfois des distinctions plus formelles que rĂŠelles. - Le cas de Saint-Jean Trolimon /PO QSPQSJĂ?UBJSFT JM Z B EPOD E VO DĂ™UĂ? MB transmission de la propriĂŠtĂŠ, de l’autre la transmission familiale, transmission du bail et non de la propriĂŠtĂŠ. (Suivre les recensements de cinq ans en cinq ans.) -FT KFVOFT NĂ?OBHFT QBTTFOU QBS VOF QIBTF EF DPIBCJUBUJPO BWFD MFVST QBSFOUT KVTRV Ă‹ temps qu’ils trouvent un fermage pour eux, FU D FTU TPVWFOU MF QMVT KFVOF PV M BWBOU dernier des enfants qui hĂŠrite du bail Ă la mort du dernier des deux parents. Mariage et installation individuelle ne coĂŻncident pas. J’ai donc proposĂŠ, dans mon exposĂŠ, l’Êtude d’une ferme sur plusieurs gĂŠnĂŠrations en suivant la taille et la forme du mĂŠnage et en suivant les transmissions JOUFSHĂ?OĂ?SBUJPOOFMMFT 6O EFT UBCMFBVY GBJU BQQBSBĂ”USF RVF M FYQMPJUBUJPO B UPVKPVST besoin d’un nombre fixe de bras de sorte que MPSTRVF MFT FOGBOUT TPOU KFVOFT MF HSPVQF domestique inclut des valets et des servantes, qui disparaissent lorsque les enfants sont assez ÉHĂ?T QPVS USBWBJMMFS TVS M FYQMPJUBUJPO $FUUF ĂŠtude montre aussi les limites de la typologie Laslett, car selon les recensements, la forme du groupe domestique change ; mĂŞme si le principe est un mĂŠnage simple, du fait de la pression dĂŠmographique, on voit le groupe

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domestique prendre des formes ĂŠtendues ou complexes. L’intĂŠrĂŞt thĂŠorique de l’Êtude des systèmes d’hĂŠritage est finalement de montrer comment on se pense en famille, quelles sont les relations familiales, de rivalitĂŠs ou d’entente (entre aĂŽnĂŠs et cadets).

Bibliographie (00%: + j *OUSPEVDUJPO x JO (00%: +BDL 5IJSTL +PBO 5IPNQTPO &EXBSE 1 (eds), Family and Inheritance. Rural society in Western Europe 1200-1800, Cambridge, $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT (00%: + The Oriental, the Ancient, and the Primitive: systems of marriage and the family in the Pre-industrial societies of Eurasia, $BNCSJEHF $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT USBE GS Familles et mariage en Eurasie, 1BSJT 1SFTTFT VOJWFSTJUBJSFT EF 'SBODF DPMM ÂŤ Ethnologies Âť, 2000. -"4-&55 1 3 8"-- FET Household and family in past time, Cambridge, $BNCSJEHF 6OJWFSTJUZ 1SFTT 4&("-&/ . Quinze gĂŠnĂŠrations de bas Bretons. ParentĂŠ et sociĂŠtĂŠ dans le pays bigouden Sud 1BSJT 1SFTTFT universitaires de France.

Texte de lecture (www.tamdaoconf.com) Martine Segalen, L’invention d’une nouvelle sÊquence rituelle de mariage, HERMES 43, 2005, pp. 159-168.

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2.4.7. Filiation et migration, le cas des Minangkabau de Sumatra (IndonĂŠsie), par Bernard Formoso Quel type de rapport dialectique peut s’instaurer entre mode de filiation et QSBUJRVFT NJHSBUPJSFT 1PVSRVPJ VO certain mode de filiation peut-il impulser ou favoriser des mouvements migratoires de grande ampleur ? En quoi ce mode de filiation peut-il ĂŞtre en retour modifiĂŠ par ces mouvements en liaison avec d’autres facteurs ? Telles sont les questions qui seront abordĂŠes au cours de cette sĂŠance, Ă travers l’exemple particulièrement bien documentĂŠ des Minangkabau. N’ayant moi-mĂŞme pas fait de terrain chez les Minangkabau, KF CBTFSBJ NPO QSPQPT TVS MFT USBWBVY EF diffĂŠrents ethnographes, notamment ceux EF M FUIOP MPHVF IPMMBOEBJT 1BUSJDL &EXBSE +PTTFMJO EF +POH EF M FUIOPMPHVF KBQPOBJT Tsuyoshi Kato et de l’ethnologue australien Richard J. Chadwick (Josselin de Jong, 1980 ; Kato, 1982 ; Chadwick, 1991). Du point de vue mĂŠthodologique, ces trois ĂŠtudes sont DPNQMĂ?NFOUBJSFT $FMMF EF 1 & +PTTFMJO de Jong, la plus ancienne car initialement soutenue en 1951 sous la forme d’une thèse QPVS M PCUFOUJPO E VO 1I % FTU FYDMVTJWFNFOU basĂŠe sur des sources documentaires de seconde main qui datent pour la plupart de l’Êpoque coloniale hollandaise. Quoique datĂŠe, cette ĂŠtude est utile, d’une part car elle offre de prĂŠcieux ĂŠclairages historiques sur l’organisation sociopolitique des Minangkabau et, croisĂŠe avec des travaux plus rĂŠcents, elle fournit des clefs interprĂŠtatives pour comprendre l’Êvolution contemporaine de cette organisation sociale. D’autre part, elle analyse la manière dont la structure sociale des Minangkabau a ĂŠtĂŠ transposĂŠe en contexte migratoire, Ă travers l’exemple


des Negeri Sembilan, un État de la FĂŠdĂŠration de Malaisie oĂš les Minangkabau ont migrĂŠ en masse entre les 16e FU e siècles. L’Êtude de Tsuyoshi Kato repose pour sa part sur des donnĂŠes extensives de première main SFDVFJMMJFT FO BVTTJ CJFO FO QBZT Minangkabau que dans une ville, nommĂŠe 1FLBO #BSV VO DFOUSF JNQPSUBOU EF QSPEVD tion d’huile de palme du centre de Sumatra, qui s’avère ĂŞtre un haut lieu de destination de migrants de cette sociĂŠtĂŠ. L’ethnographie de Kato traite directement du rapport entre mode de filiation et phĂŠnomène migratoire. De ce fait, elle sera notre principale source d’information. Enfin, Richard Chadwick a FòFDUVĂ? TFT SFDIFSDIFT FOUSF FU dans la communautĂŠ de Koto Anu, au cĹ“ur du darek, le territoire historique de cette population. Son ethnographie prĂŠsente certes un caractère plus monographique que celle de Tsuyoshi Kato, mais elle est aussi plus prĂŠcise concernant les stratĂŠgies que les migrants mettent en Ĺ“uvre. "WBOU E FOUSFS EBOT MF WJG EV TVKFU JM GBVU prĂŠciser que le choix des Minangkabau pour illustrer la thĂŠmatique du lien entre mode de ĂśMJBUJPO FU NJHSBUJPO TF KVTUJĂśF Ă‹ VO EPVCMF titre. D’abord, parce que l’organisation sociale de ce peuple indonĂŠsien est placĂŠe sous le signe d’une tension structurale forte, dont 1 & +PTTFMJO EF +POH BWBJU CJFO BOBMZTĂ? MB nature (Josselin de Jong, op. cit.), entre deux idĂŠologies apparemment antinomiques, mais que les Minangkabau ont su concilier TVS MF QMBO JOTUJUVUJPOOFM FU KVSJEJRVF % VO DĂ™UĂ? JMT GPSNFOU MB QMVT JNQPSUBOUF TPDJĂ?UĂ? matrilinĂŠaire au monde (l’identitĂŠ sociale, l’essentiel du patrimoine et des charges rituelles se transmettent en ligne maternelle dans cette sociĂŠtĂŠ), de l’autre, leur structure sociale intègre dans certains domaines

le principe de la patrilinĂŠaritĂŠ (trace de catĂŠgories sociales fondĂŠes sur la patrifiliation, transmission de certains biens de père en fils). De plus, les Minangkabau ont adhĂŠrĂŠ depuis le 16e TJĂ’DMF Ă‹ M JTMBN EPOU MF SĂ?HJNF KVSJEJRVF et l’idĂŠologie sont puissamment empreints de patrilinĂŠaritĂŠ. Du coup, l’articulation de l’adat (le droit coutumier) matrilinĂŠaire et de la charria, la loi coranique, a soulevĂŠ de nombreuses questions chez certains spĂŠcialistes de l’Islam qui la pensaient a priori impossible et qui considĂŠraient, Ă tort, que les progrès de l’islam radical Ă Sumatra mettrait Ă mal le système de filiation matrilinĂŠaire minangkabau. La seconde raison qui motive le choix de cette sociĂŠtĂŠ comme exemple est qu’elle prĂŠsente un taux de migrants exceptionnel. En effet, sur une population estimĂŠe en 2010 Ă quelques 8 millions de personnes, plus de la moitiĂŠ vit hors de la province de Sumatra ouest qui est le foyer de peuplement initial des Minangkabau. Ainsi près de 550 000 Minang vivent dans l’archipel indonĂŠsien de Riau, dans le dĂŠtroit de Malacca, Ă la frontière avec la Malaisie ; 540 000 vivent dans l’État malaisien de Negeri Sembilan et trois millions environ dans diverses villes d’IndonĂŠsie et de Malaisie, oĂš ils forment des communautĂŠs NBSDIBOEFT JOøVFOUFT 3JFO RV Ă‹ %KBLBSUB la capitale de l’IndonĂŠsie, vivaient 400 000 .JOBOHLBCBV BV EĂ?CVU EFT BOOĂ?FT soit 10 % de la population de la ville, selon une estimation fournie par T. Kato (Kato, op. cit.). Leur facultĂŠ migratoire est d’ailleurs devenue lĂŠgendaire en IndonĂŠsie. En dĂŠnote une blague locale selon laquelle lorsque le premier astronaute amĂŠricain, Neil Armstrong, BUUFSSJU TVS MB MVOF FO JM Z USPVWB EĂ?KĂ‹ ĂŠtabli sur place un restaurant minangkabau. Nous le verrons dans un instant, ce fort taux

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de migration est, selon l’argument de Kato repris par Chadwick, un facteur important en faveur de l’adaptabilitĂŠ du système de filiation matrilinĂŠaire (Kato, op. cit.). Les donnĂŠes historiques rĂŠvèlent que la migration est un processus très ancien chez les Minangkabau et que c’est l’une des pratiques les plus dĂŠterminantes de leur dynamique sociale. Le système de reprĂŠsentations minang est ĂŠdifiant Ă cet ĂŠgard. On a affaire Ă une sociĂŠtĂŠ qui se perçoit en perpĂŠtuelle extension depuis le temps des origines. Ainsi, selon la lĂŠgende, les Minangkabau seraient issus du volcan Merapi et, une fois crachĂŠs par celui-ci, se seraient rĂŠpandus sur ses flancs et dans les vallĂŠes BEKBDFOUFT $IBEXJDL op. cit.). Ce foyer initial de peuplement, appelĂŠ darek (ÂŤ haute terre au dessus de l’eau Âť), est composĂŠ de trois districts centraux, les luhak nan tigo, qui formaient par leur complĂŠmentaritĂŠ structurale la matrice sociale et l’Êpicentre du système de gouvernance traditionnel (Josselin de Jong, op. cit. #JFO RVF DFUUF SĂ?HJPO TPJU QBSNJ MFT plus fertiles de l’archipel indonĂŠsien, son surpeuplement ancien, son enclavement montagneux et la pratique d’une agriculture extensive sont Ă l’origine de plusieurs vagues migratoires que la structure sociale matrilinĂŠaire a amplifiĂŠes. Ces migrations sont dirigĂŠes vers le rantau, notion qui signifie selon les contextes le rivage, le cours de la rivière ou les pays ĂŠtrangers (Kato, op. cit.). En langue minangkabau ÂŤ ĂŠmigrer Âť se dit merantau, que l’on peut traduire littĂŠralement par ÂŤ quitter son pays natal pour aller, selon les cas, en direction du rivage, suivre le cours de la rivière, oĂš se rendre Ă l’Êtranger Âť. Historiquement, la plus ancienne migration a consistĂŠ Ă ouvrir de nouvelles terres agricoles en pĂŠriphĂŠrie immĂŠdiate des trois luha, ceci

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par segmentation villageoise. Furent crĂŠĂŠs de la sorte trois rantau dont chacun ĂŠtait pensĂŠ comme l’extension spatiale d’un luhak 1SPHSFTTJWFNFOU FU TVS MF NĂ?NF NPEF de la colonisation de fronts pionniers par segmentation villageoise, les Minangkabau poursuivirent leur expansion pour atteindre au 19e TJĂ’DMF MB DĂ™UF PDDJEFOUBMF EF 4VNBUSB Ce type de migration opĂŠrant de proche en proche pour gagner des terres agricoles est appelĂŠ rantau pasisir (ÂŤ migration vers MF SJWBHF x -FT .JOBOHLBCBV MVJ BKPVUĂ’SFOU USĂ’T UĂ™U EĂ’T MF e ou le 16e TJĂ’DMF FU KVTRV Ă‹ BVKPVSE IVJ BWFD VO OPUBCMF øĂ?DIJTTFNFOU après 1930) une autre dĂŠmarche migratoire, appelĂŠe rantau hilir (ÂŤ migration vers l’aval Âť) UPVSOĂ?F DFUUF GPJT WFST MB DĂ™UF PSJFOUBMF EF Sumatra et la zone de commerce du dĂŠtroit de Malacca. Ce type de migration ne trouve pas sa raison d’être dans le dĂŠfrichement de nouvelles terres agricoles, mais dans la pratique du commerce (historiquement commerce de l’or, du cafĂŠ, puis du caoutchouc, de l’huile de palme et du tabac), de l’artisanat et, plus rĂŠcemment, des emplois dans la fonction publique ou le privĂŠ. Elle est le fait E JOEJWJEVT NÉMFT DĂ?MJCBUBJSFT PV NBSJĂ?T RVJ sont motivĂŠs par des opportunitĂŠs de travail Ă l’extĂŠrieur et par l’ambition personnelle. Elle est dirigĂŠe vers les villes, petites ou grandes, localisĂŠes Ă faible ou moyenne distance du pays Minangkabau. Cette migration prĂŠsente un caractère circulaire. MĂŞme si l’homme est mariĂŠ, sa femme et ses enfants restent au village et il maintient des contacts rĂŠguliers avec eux. Il leur rend visite une ou deux fois l’an au moment des grandes fĂŞtes. La mobilitĂŠ gĂŠographique est alors temporaire, car une fois que l’homme a accumulĂŠ suffisamment d’Êpargne, il revient vivre dans son village.


Enfin, une troisième dĂŠmarche migratoire, qui se dĂŠveloppa dans les annĂŠes 1950 et T BNQMJĂśB GPSUFNFOU Ă‹ QBSUJS EFT BOOĂ?FT au point de devenir largement dominante, est appelĂŠe merantau cino (ÂŤ migration Ă la chinoise Âť). Il s’agit d’une migration lointaine, tournĂŠe vers les villes de Malaisie ou des autres ĂŽles de l’IndonĂŠsie. Elle entraĂŽne le dĂŠplacement soit d’hommes cĂŠlibataires, soit de familles nuclĂŠaires, voire plus rarement de familles ĂŠtendues. Il arrive aussi qu’un homme initialement cĂŠlibataire, retourne au pays pour se marier puis amène avec lui son ĂŠpouse dans son lieu de migration. Les occupations poursuivies ne sont guère diffĂŠrentes de celles RVJ DBSBDUĂ?SJTBJFOU EĂ?KĂ‹ MFT NPVWFNFOUT circulaires (commerce, artisanats, emplois EBOT MF QVCMJD FU MF QSJWĂ? 1BS DPOUSF MFT migrants entretiennent des relations moins suivies, plus ĂŠpisodiques avec le lieu d’origine. Certains finissent par revenir au village, mais VOF NBKPSJUĂ? E FOUSF FVY NJHSF TVS VO NPEF permanent (Kato, op. cit.). 6OF GPJT DF DBESF HĂ?OĂ?SBM QPTĂ? PO QFVU fournir quelques indications sur la structure des migrations au niveau local Ă travers l’exemple du village de Koto Anu ĂŠtudiĂŠ par Richard Chadwick. Dans ce village, plus de la moitiĂŠ des 5 000 habitants vivaient en EBOT MF rantau et la population restĂŠe TVS QMBDF Ă?UBJU NBKPSJUBJSFNFOU GĂ?NJOJOF FU ÉHĂ?F 1BSNJ MFT Ă?NJHSĂ?T WJWBJFOU EBOT le rantau dakek, c’est-Ă -dire dans la province de Sumatra Ouest, principalement, dans la DBQJUBMF QSPWJODJBMF EF 1BEBOH WJWBJFOU dans le rantau hilir, c’est-Ă -dire dans d’autres villes de Sumatra ; enfin 15 % avaient ĂŠmigrĂŠ sur mode rantau cino, dans d’autres grandes WJMMFT EF M BSDIJQFM JOEPOĂ?TJFO EPOU %KBLBSUB (5 %) (Chadwick, op. cit.). Richard Chadwick fait remarquer que la dispersion des ĂŠmigrĂŠs

est très grande. Les femmes ne sont pas totalement exclues du processus, mais lorsqu’elles migrent en tant que cĂŠlibataires, FMMFT TVJWFOU UPVKPVST EBOT TPO QĂ?SJQMF VOF T”VS QMVT ÉHĂ?F FU NBSJĂ?F 4PVWFOU MF NBSJBHF de la sĹ“ur accompagnatrice est arrangĂŠ avec VO KFVOF .JOBOH EV MJFV EF NJHSBUJPO 1BS voie de consĂŠquence, l’auteur constate un lien ĂŠtroit entre le lieu de rĂŠsidence des sĹ“urs dans le rantau 1PVS TB QBSU MB NJHSBUJPO EFT garçons cĂŠlibataires est moins directement dĂŠterminĂŠe par la prĂŠsence de proches QBSFOUT /Ă?BONPJOT MF QSPKFU NJHSBUPJSF Ă‹ partir de leur village rĂŠsulte bien souvent des opportunitĂŠs d’emploi dont ils sont tenus informĂŠs par un rĂŠseau plus large de parents ĂŠmigrĂŠs. De ce fait ils tendent Ă rallier dans le rantau des rĂŠseaux de membres du NĂ?NF MJHOBHF EĂ?KĂ‹ Ă?UBCMJT TVS QMBDF NĂ?NF s’ils procèdent parfois, selon les opportunitĂŠs ĂŠconomiques, Ă des mouvements secondaires ou tertiaires. De ces remarques R. Chadwick tire trois conclusions : 1) les hommes du groupe matrilinĂŠaire sont plus dispersĂŠs dans le rantau que les femmes ; 2) Les rĂŠseaux de parentĂŠ reconstituĂŠs en terre d’immigration ont une forte coloration matrilinĂŠaire ; 3) au bout du compte, les principes fondamentaux de l’organisation sociale village, notamment le centrage de la vie sociale autour d’un noyau de femmes, tend Ă ĂŞtre reproduit dans le rantau (Chadwick, op. cit.). La structure sociale Minangkabau Avant d’examiner le rapport qui existe entre filiation matrilinĂŠaire et migration, il faut brièvement dĂŠcrire la structure sociale NJOBOHLBCBV 1SĂ?DJTPOT UPVU E BCPSE RVF MF pays Minangkabau est composĂŠ d’environ 500 nagari, ou communautĂŠs villageoises, qui TPOU MBSHFNFOU FOEPHBNFT FU RVJ KPVJTTBJFOU traditionnellement d’une grande autonomie

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politique (Kato, op. cit. ; Chadwick, op. cit.). La population de chaque nagari se rĂŠpartit entre plusieurs matriclans, les suku (ÂŤ quartiers Âť), qui sont strictement exogames. Chaque clan se divise Ă son tour en sous-clans, les payuang (ÂŤ ombrelles Âť) dont chacun est dirigĂŠ par un chef ĂŠlu, le penghulu. Les membres d’un mĂŞme sous-clan se disent ĂŠtroitement apparentĂŠs, mĂŞme si la plupart ne sont pas capables de prĂŠciser la nature exacte de leur lien gĂŠnĂŠalogique (Chadwick, op. cit.). Le sousclan comprend plusieurs lignages, euxmĂŞmes composĂŠs de segments lignagers, les sabuah paruik (ÂŤ une mĂŞme matrice Âť). Il s’agit en l’occurrence du groupement le plus important dans l’optique des Minangkabau, d’abord parce qu’il est clairement circonscrit. En effet, la nature des liens gĂŠnĂŠalogiques y est cruciale pour ĂŠtablir les droits d’usage des terres. Ensuite parce que ce groupement influe directement sur le statut social des individus et sur le dĂŠroulement de leur vie. Les membres de ce segment lignager sont traditionnellement corĂŠsidents d’une ou plusieurs longues ÂŤ maisons coutumières Âť (rumah adat). Ils sont dirigĂŠs par un chef, le mamak rumah (ÂŤ aĂŽnĂŠ de la maison Âť). Ce chef rĂŠpartit entre les membres du sabuah paruik les terres cultivables qui, avec le cheptel, les biens cĂŠrĂŠmoniels et les titres coutumiers forment le patrimoine commun et inaliĂŠnable du groupe. C’est lui aussi qui protège ce patrimoine, appelĂŠ harta pusaka ; c’est lui aussi qui veille au respect du droit coutumier, qui arbitre les disputes et consacre les mariages. Enfin, le sabuah paruik comprend plusieurs samandai. Chacune de ces unitĂŠs minimales est formĂŠe d’une mère et de ses enfants. En vertu de l’adat minangkabau, le père des enfants reste largement extĂŠrieur au samandai de son ĂŠpouse. Certes il est d’usage qu’il visite

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celle-ci le soir, mais il continue d’appartenir Ă la maison coutumière de sa mère qu’il GSĂ?RVFOUF EBOT MB KPVSOĂ?F 4FT PCMJHBUJPOT envers l’entretien et l’Êducation de ses propres enfants sont minimales. Il n’est tenu qu’à quelques offrandes pour leur circoncision et MFVS NBSJBHF 1BS DPOUSF MB USBEJUJPO WFVU RV JM soutienne matĂŠriellement les semandai de ses sĹ“urs, qu’il travaille les terres de celles-ci et qu’il s’implique en qualitĂŠ de mamak, oncle maternel, dans l’Êducation de ses kemanakan, de ses neveux utĂŠrins (Kato, op. cit.). Comme c’est la règle dans la plupart des sociĂŠtĂŠs matrilinĂŠaires, l’oncle maternel minangkabau KPVF FO GBJU MF SĂ™MF EF QĂ’SF TPDJBM 1BS MB GPSDF EF TPO USBWBJM M IPNNF EBOT cette sociĂŠtĂŠ peut acquĂŠrir du prestige et mĂŞme s’enrichir. Toutefois cet enrichissement personnel est largement subordonnĂŠ Ă l’intĂŠrĂŞt supĂŠrieur du groupe de filiation matrilinĂŠaire. Les modes d’acquisition et de transmission des terres arables sont ĂŠdifiants Ă cet ĂŠgard. Il y a quatre moyens reconnus d’acquĂŠrir un lopin de terre : (i) par attribution temporaire d’une parcelle appartenant au patrimoine du segment lignager ; (ii) par ÂŤ la bĂŞche de fer Âť, c’est-Ă -dire par dĂŠfrichage (mais alors la terre intègrera le patrimoine collectif Ă la gĂŠnĂŠration suivante) ; (iii) par la ÂŤ bĂŞche d’or Âť, c’est-Ă -dire par achat (mais dans ce cas la parcelle reviendra au segment lignager au bout de deux gĂŠnĂŠrations) ; enfin (iv) selon un principe de donation du vivant (hibah) qui est une concession au droit musulman. Dans ce dernier cas les enfants d’un homme reçoivent un don de terre de celui-ci. Encore faut-il cependant que ses neveux utĂŠrins, indirectement lĂŠsĂŠs par l’opĂŠration, donnent leur assentiment (Josselin de Jong, op. cit. ; Kato, op. cit. ; Chadwick, op. cit.).


"KPVUPOT QPVS DPODMVSF TVS MB DPOEJUJPO masculine dans cette sociĂŠtĂŠ, que l’homme n’est nulle part vraiment chez lui. Il est un visiteur dans la maison de son ĂŠpouse, sans pour autant avoir un chez soi dans la maison coutumière de son groupe lignager. Ainsi, EĂ’T M ÉHF EF BOT JM OF EPSU QMVT DIF[ TB NĂ’SF NBJT BWFD MFT BVUSFT KFVOFT EBOT MF hall de prière de la mosquĂŠe. Ainsi que le remarque T. Kato, le monde des hommes Minang se rĂŠsume Ă la mosquĂŠe, au cafĂŠ, au hall du conseil villageois et Ă l’abri de SJ[JĂ’SF - BVUFVS BKPVUF RVF ÂŤ les uns et les autres paraissent transitoires et amorphes par rapport Ă la soliditĂŠ et la sĂŠcuritĂŠ de la maison coutumière Âť (Kato, op. cit. 1Ă?SJQIĂ?SJRVF dans sa communautĂŠ, en perpĂŠtuel transit d’un lieu de sociabilitĂŠ Ă l’autre, l’homme Minangkabau est logiquement prĂŠdisposĂŠ Ă‹ MB NPCJMJUĂ? FU FODMJO Ă‹ MB NJHSBUJPO 1PVS autant le système matrilinĂŠaire Minangkabau ne soumet pas que les hommes Ă une dynamique centrifuge. Richard Chadwick l’a montrĂŠ (Chadwick, op. cit.), il peut aussi pousser des femmes Ă migrer dès lors que celles-ci appartiennent Ă des sabuah paruik pauvres et qu’elles font les frais d’une inĂŠgale rĂŠpartition de ressources rares. Rapport entre structure sociale et migration Nous venons de le voir, l’organisation matrilinĂŠaire des Minangkabau, en plaçant les hommes Ă la pĂŠriphĂŠrie du système social, a largement contribuĂŠ Ă la dynamique migratoire d’ampleur exceptionnelle que M PO PCTFSWF EBOT DFUUF TPDJĂ?UĂ? 6O BVUSF GBDUFVS RVJ B KPVĂ? FO DF TFOT TFMPO 5 ,BUP est l’agriculture extensive que pratiquent les Minangkabau depuis une ĂŠpoque ancienne. #JFO RVF MFT DPOEJUJPOT BHSPĂ?DPMPHJRVFT EF Sumatra Ouest aient ĂŠtĂŠ très favorables Ă

l’intensification agricole, les Minangkabau ne se sont pas engagĂŠs dans cette voie Ă MB EJòĂ?SFODF EFT #BMJOBJT PV EFT +BWBOBJT Ils ont prĂŠfĂŠrĂŠ rĂŠpondre Ă la pression dĂŠmographique et aux risques de dĂŠsĂŠquilibre qu’elle faisait peser sur la structure sociale par l’expansion gĂŠographique. Ce faisant, explique l’auteur, la mobilitĂŠ ou la migration fut fondamentale pour la persistance et la vitalitĂŠ du système matrilinĂŠaire lui-mĂŞme (Kato, op. cit.). Selon T. Kato, les migrations tournĂŠes vers le rantau hilir MB DĂ™UF FTU EF 4VNBUSB OF modifièrent pas dans un premier temps les structures matrilinĂŠaires dans la mesure oĂš le devoir d’assistance du mamak envers ses neveux utĂŠrins, les kemanakan, resta de mise dans ce contexte migratoire particulier plusieurs siècles durant. L’oncle continua Ă aider ses neveux concernant leur ĂŠducation, MFVS WJF DPVSBOUF MFVS QSPKFU NJHSBUPJSF PV leur mariage (Kato, op. cit.). Cependant, le fort dĂŠveloppement, dès le 19e siècle, des ĂŠchanges monĂŠtaires et de l’individualisme en rapport avec les progrès locaux d’une ĂŠconomie de marchĂŠ dans laquelle les commerçants minangkabau ĂŠtaient directement plongĂŠs, eut des effets significatifs sur la logique communautariste et sur les rapports mamak/ kemanakan qui avaient longtemps prĂŠvalu. Dans ce contexte, le harta pencarian, la propriĂŠtĂŠ individuelle, prit une importance croissante, tandis que s’opĂŠrait un glissement de la relation d’assistance entre oncle maternel et neveux utĂŠrins vers celle entre père et enfants. De plus en plus de pères ĂśSFOU KPVFS MB DMBVTF USBEJUJPOOFMMF EF M hibah pour transmettre Ă leurs enfants l’essentiel du patrimoine qu’ils avaient personnellement amassĂŠ. Selon Kato, une raison possible de ce glissement tient au fait qu’en qualitĂŠ d’oncle

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maternel l’homme avait gĂŠnĂŠralement plus d’hĂŠritiers qu’en qualitĂŠ de père, et que cela compliquait significativement la transmission d’un patrimoine diversifiĂŠ et rare composĂŠ de terres, de biens meubles et d’argent. Les JOTUBODFT KVSJEJRVFT EF MB TPDJĂ?UĂ? BTTPVQMJSFOU d’ailleurs dès 1951 les règles de transmission pour faciliter le transfert des biens du père aux enfants (Kato, op. cit.). A ĂŠgalement contribuĂŠ Ă ce rĂŠĂŠquilibrage en faveur du père biologique le dĂŠclin de la maison coutumière au profit de maisons individuelles. Depuis les annĂŠes 1950, les diffĂŠrents ethnologues ayant travaillĂŠ en pays minangkabau observent une tendance croissante des noyaux matrilinĂŠaires ou des couples Ă former une unitĂŠ rĂŠsidentielle indĂŠpendante (Josselin de Jong, op. cit. ; Kato, op. cit. ; Chadwick, op. cit.). Selon un recensement partiel effectuĂŠ par 5 ,BUP EBOT MFT BOOĂ?FT MFT rumah adat ne reprĂŠsentaient plus Ă l’Êpoque que 9 Ă 13 % des maisons des villages et celles qui subsistaient ĂŠtaient souvent dĂŠsertĂŠes au profit de maisons occupĂŠes par des familles Ă?UFOEVFT PV EFT KFVOFT NĂ?OBHFT FO EĂ?CVU de cycle (Kato, op. cit.). Dans le cas des familles ĂŠtendues, celles-ci n’Êtaient plus seulement organisĂŠes autour d’un noyau de femmes, mais intĂŠgraient de plus en plus les maris, ceux-ci choisissant de vivre sur un NPEF QFSNBOFOU BV DĂ™UĂ? EF MFVS Ă?QPVTF 1SPHSFTTJWFNFOU OPUF 3JDIBSE $IBEXJDL (Chadwick, op. cit.), on est passĂŠ du semenda bertandang (ÂŤ mari visiteur Âť) au semenda menetap (ÂŤ mari qui se fixe Âť dans le samandai de sa femme) et de lĂ au semenda bebas (ÂŤ mari libre Âť) qui, avec l’argent qu’il a ramenĂŠ du rantau, construit une maison autonome pour s’y ĂŠtablir avec femme et enfants. %BOT DFT DPOEJUJPOT MFT MJFOT DPOKVHBVY TF sont logiquement renforcĂŠs, d’autant que MF EJWPSDF FU MB QPMZHBNJF KVTRV BMPST GSĂ?

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RVFOUT ĂśSFOU M PCKFU E BUUBRVFT WJSVMFOUFT de la part de rĂŠformistes musulmans dès les annĂŠes 1960. Dans le cadre de ce recentrage sur le couple, les pères ont largement pris le relais des oncles maternels dans l’Êducation et la prise en charge matĂŠrielle de leurs enfants (Josselin de Jong, op. cit. ; Kato, op. cit.). Ces diffĂŠrentes mutations rĂŠvèlent la nature du rapport dialectique qui existe entre l’organisation sociale minangkabau et le phĂŠOPNĂ’OF NJHSBUPJSF % VO DĂ™UĂ? OPVT M BWPOT vu, le système de filiation matrilinĂŠaire, en DPOKPODUJPO BWFD MB QSBUJRVF FYUFOTJWF EF l’agriculture, a portĂŠ les migrations Ă un niveau très ĂŠlevĂŠ dans cette sociĂŠtĂŠ ; en retour les migrations motivĂŠes par des activitĂŠs non agricoles ont amplifiĂŠ et accĂŠlĂŠrĂŠ au niveau local les effets que le processus de monĂŠtarisation de l’Êconomie et de montĂŠe en puissance des valeurs individualistes a d’ordinaire sur les formes d’organisation USBEJUJPOOFMMFT 6O BVUSF GBDUFVS RVJ B KPVĂ? dans le sens de cette amplification est l’Êpuisement progressif des fronts pionniers. Dès le 19e siècle, les Minangkabau furent confrontĂŠs Ă un manque de terres dans le rantau pasisir. La pression foncière s’accrut avec pour consĂŠquence des revenus de moins en moins importants tirĂŠs de M BHSJDVMUVSF 6O QSPDFTTVT EF EĂ?WPMVUJPO agricole s’amorça alors et prit progressivement de l’ampleur (Chadwick, op. cit.). 6O OPNCSF DSPJTTBOU EF .JOBOHLBCBV TF dĂŠtourna des travaux des champs et opta pour l’Êmigration de type hilir et cino 1BS voie de consĂŠquence les revenus tirĂŠs de l’Êmigration devinrent dominants dans la seconde moitiĂŠ du 20e siècle, ce qui plaça en position de force les ĂŠmigrĂŠs, principalement des hommes, et leur permit de rĂŠamĂŠnager l’adat et les usages sociaux en leur faveur,


dans un sens qui les plaçait dĂŠsormais non plus aux marges mais au centre de la cellule familiale. Doit-on dĂŠduire de tous ces changements que le système matrilinĂŠaire des Minangkabau est en voie de disparition ? Certains auteurs hollandais de l’Êpoque coloniale l’avaient prĂŠdit, l’imaginant comme inĂŠluctable (Schrieke, 1955 ; Maretin, 1961). Cependant T. Kato montre que tel n’est pas le cas. Il fait tout d’abord observer que le mode de filiation matrilinĂŠaire reste la règle et que la rĂŠfĂŠrence au clan d’appartenance FTU UPVKPVST VO Ă?MĂ?NFOU GPOEBNFOUBM EF l’identitĂŠ individuelle. D’autre part, le harta pusaka, le patrimoine ancestral, reste rĂŠparti comme avant entre les membres du segment lignager et prĂŠserve le caractère corporĂŠ du matrilignage. MĂŞme si l’essor de la propriĂŠtĂŠ individuelle a compliquĂŠ significativement les modalitĂŠs d’hĂŠritage, celle-ci se dissout UPVKPVST EBOT MF QBUSJNPJOF DPMMFDUJG EV segment lignager au bout d’une ou deux gĂŠnĂŠrations, sauf dans le cas des dons hibab aux enfants, qui demeurent cependant une pratique secondaire. Certes le mode de SĂ?TJEFODF EVPMPDBM EF KBEJT RVJ DPOEVJTBJU l’homme Ă de constants mouvements pendulaires entre la maison de sa femme et celle de sa mère, est pratiquement rĂŠvolu, mais il a ĂŠtĂŠ remplacĂŠ par l’uxorilocalitĂŠ. &OĂśO MFT QĂ’SFT KPVFOU CJFO VO SĂ™MF EĂ?TPSNBJT prĂŠpondĂŠrant dans l’Êducation de leurs FOGBOUT NBJT D FTU UPVKPVST M PODMF NBUFSOFM qui confère un statut social Ă ces derniers en leur attribuant un titre coutumier et une part du patrimoine ancestral (Kato, op. cit.). Au final donc, la morphologie sociale des Minangkabau a changĂŠ sans pour autant que MF SĂ?HJNF EF QBSFOUĂ? MB TUSVDUVSF KVSJEJRVF FU

le système statutaire de cette sociĂŠtĂŠ n’aient vraiment ĂŠvoluĂŠ.

Bibliographie CHADWICK, R.J. (1991),  Matrilineal Inheritance and Migration in a Minangkabau Community , Indonesia 7PM QQ +044&-*/ %& +0/( 1 & Minangkabau and Negeri Sembilan. Socio-Political Structure in Indonesia %FO )BBH .BSUJOVT /JKIPò KATO, T. (1982), Matriliny and Migration. Evolving Minangkabau Traditions in Indonesia, *UIBDB $PSOFMM 6OJWFSTJUZ 1SFTT ."3&5*/ + 7 j %JTBQQFBSBODF PG .BUSJ clan Survivals in Minangkabau Family and Marriage , Bijdragen tot de Taal-, Land- en Volkenkunde O¥ QQ 4$)3*&,& # j 5IF $BVTFT BOE &òFDUT of Communism on the West Coast of Sumatra , in Indonesian Sociological Studies : Selected Writings of B. Schrieke, The )BHVF 8 7BO )PFWF Q

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Liste des stagiaires Nom et prénom

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Université royale de Les organismes de droit et de sciences Sciences placements collectifs en Chea Bullika économiques juridiques droit camdogien (Cambodge) Université des sciences Sciences Genre, famille et Đào Bích Hà sociales et humaines de sociales migration Hồ Chí Minh Ville Institut de vietnamologie et Histoire, anthro- Espace culturel de Mô Đặng Ngọc Hà des sciences du pologie Xoài développement Les handicaps physiques Eriksen Viviane Université AixAnthropologie au Việt Nam (rapporteur) Marseille 1 Insertion professionnelle, Sciences de éducation supérieure Iacopini Luna Université de Genève l’éducation et inégalités sociales au (auditeur libre) Việt Nam Université royale de Environnement et droit et de sciences Environnement Kom Udom société économiques (Cambodge) Rites familiaux des Thái Lê Hải Đăng Institut d’anthropologie Famille au Centre du Việt Nam Lê Hoàng Anh Université de Hoa Sen Sociologie Sociologie urbaine Thư Positions et rôles des femmes dans Université ouverte de Développement Lê Thị Hạnh un contexte de Hồ Chí Minh Ville et genre mondialisation Rôle du père dans la Institut de la famille et Famille Lê Thị Hồng Hải famille du genre, ASSV Participation des ethnies minoritaires dans le Nguyễn Đỗ Université de Thái Sociologie développement du Hương Giang Nguyên modèle économique des ménages Centre de recherche Urbanisation et Nguyễn Quang d’urbanisme et de Sociologie développement Giải développement Transformation Transformation École supérieure de la démogradémographique ruraleNguyễn Tấn Tự santé de Bình Thuận phique ruraleurbaine urbaine

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Courriel bullika_chea@yahoo. com hadaobich@hcmussh. edu.vn

hadangngoc@gmail.com viviane_eriksen@hotmail. com luna.iacopini@unige.ch

udomkom@yahoo.com

ledangvme@yahoo.com anhthulehoang@gmail. com hannahle2000@yahoo. com honghai.ifg@gmail.com

giangndh@gmail.com

nguyenquanggiai@ yahoo.com ngtantu1979@yahoo. com.vn


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Discipline

Thème de recherche

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Genres et droit de propriété foncière des Université des sciences Sociologie de la Nguyễn Xuân femmes (études de xuananh@hcm.fpt.vn sociales et humaines de famille Anh cas dans le delta du Hồ Chí Minh Ville Mékong) Anthropologie Siriyuktanont Culture asiatique rosakonth@yahoo.com EFEO culturelle Rosakon Transformation de Économie de l’économie des ménages taducvdt@yahoo.com Tạ Hữu Dực Institut d'anthropologie la famille des Tày (Lạng Sơn) après le đổi mới Dialectique des Utilisation des TIC dans TaechapongUniversité de langues et des l’enseignement des tp_supaluck@yahoo.fr storn Supaluck Thammasat cultures langues étrangères Trần Thanh Institut de Sociologie Migration et emploi lantran2@gmail.com Hồng Lan développement du Sud

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#JPHSBQIJFT des intervenants

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1IJMJQQF "/50*/& Courriel : ppelo34@orange.fr TITRE ET DIPLĂ”MES %JSFDUFVS EF SFDIFSDIFT *3% 6.3 $&1&% *3% */&% VOJWFSTJUĂ? 1BSJT %FTDBSUFT SITUATION PROFESSIONNELLE 1IJMJQQF "OUPJOF FTU DIFSDIFVS EĂ?NP HSBQIF Ă‹ M *3% EFQVJT EJSFDUFVS de recherche depuis 1989. ExpĂŠrience professionnelle dans diffĂŠrents pays : "MHĂ?SJF $BNFSPVO $Ă™UF E *WPJSF .BEB gascar, Mali, Mauritanie, SĂŠnĂŠgal, Togo. RÉSUMÉ DES TRAVAUX Mes travaux de recherche se sont essentiellement focalisĂŠs sur les transformations sociales et dĂŠmographiques en milieu VSCBJO "CJEKBO %BLBS #BNBLP :BPVOEĂ? Antananarivo et LomĂŠ constituent en ce domaine des lieux d’observations privilĂŠgiĂŠs. J’ai tout d’abord ĂŠtudiĂŠ la dynamique du QFVQMFNFOU E "CJEKBO FU NPOUSĂ? MB EJWFSTJUĂ? des ĂŠvolutions dĂŠmographiques selon les DBUĂ?HPSJFT TPDJBMFT EBOT DFUUF WJMMF Ă 1982 avec la direction de la Statistique EF $Ă™UF E *WPJSF + BJ Ă?UVEJĂ? FOTVJUF MFT diffĂŠrences intra-urbaines importantes FYJTUBOUFT Ă‹ 1JLJOF CBOMJFVF EF %BLBS EVFT en partie Ă l’insuffisance des infrastructures et au faible niveau d’instruction des mères dans les quartiers les plus pauvres (en collaboration avec la Direction statistique, 4Ă?OĂ?HBM - PCKFDUJG DFOUSBM EF l’Êtude pluridisciplinaire entreprise par la suite Ă Dakar (en collaboration avec l’IFAN 6OJWFSTJUĂ? %BLBS FO DPOTJTUBJU Ă voir comment, dans un contexte

d’aggravation de la crise ĂŠconomique, ont ĂŠvoluĂŠ les conditions et les modalitĂŠs de l’insertion urbaine. Ă€ l’aide d’enquĂŞtes biographiques, trois composantes de l’insertion en ville ont ĂŠtĂŠ ĂŠtudiĂŠes : l’accès au travail, l’accès au logement, la constitution et l’Êvolution du mĂŠnage. La comparaison des processus d’insertion Ă Dakar et #BNBLP B NPOUSĂ? MF SĂ™MF GPOEBNFOUBM EF l’emploi et de l’instruction dans l’Êvolution des dynamiques familiales et rĂŠsidentielles (1991-93, en collaboration avec l’IFAN, le $&310% Ă‹ #BNBLP FU MF %Ă?QBSUFNFOU EF dĂŠmographie de l’universitĂŠ de MontrĂŠal). "V $&1&% K BJ JOJUJĂ? VO USBWBJM comparatif avec plusieurs ĂŠquipes africaines ayant adoptĂŠ notre approche biographique EF M JOTFSUJPO VSCBJOF Ă‹ :BPVOEĂ? *'03% 1996), Ă Antananarivo (Madio, 1998) et -PNĂ? 63% FO &OWJSPO VOF dizaine de thèses ont ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠes Ă partir de ces enquĂŞtes, ainsi que de nombreuses publications. Dans le cadre du groupe de recherche sur l’analyse biographique (3"# K BJ DPĂ?EJUĂ? BWFD &WB -FMJĂ’WSF EFVY manuels mĂŠthodologiques concernant les enquĂŞtes biographiques aux ĂŠditions de l’INED. %F Ă‹ K BJ BOJNĂ? Ă‹ %BLBS VOF ĂŠquipe (IRD-DIAL et IFAN) qui ĂŠtudiait, d’une part, les dynamiques familiales et, d’autre part, le passage de l’adolescence Ă la vie adulte pour les diffĂŠrentes catĂŠgories sociales. La crise entraĂŽne des recompositions des catĂŠgories socioĂŠconomiques, gĂŠnère un processus de restructuration de l’organisation familiale et entraĂŽne une redistribution des statuts et

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SĂ™MFT FOUSF MFT TFYFT FU MFT HĂ?OĂ?SBUJPOT -FT recherches abordaient ĂŠgalement l’analyse comparative des interrelations entre vie professionnelle et vie familiale Ă Dakar et LomĂŠ. Depuis 2008, mes travaux, longtemps focalisĂŠs sur les ĂŠvĂŠnements affectant l’entrĂŠe en vie adulte (premier mariage, premier emploi, etc.) se portent maintenant sur la sortie de la vie adulte et la transition WFST MB WJFJMMFTTF 6OF USBOTJUJPO EJòĂ?SĂ?F WFST la vieillesse rĂŠpond-elle au recul constatĂŠ de l’entrĂŠe en vie adulte dans les sociĂŠtĂŠs

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urbaines ouest-africaines ? J’aborde cette question, d’une part Ă partir de l’analyse de donnĂŠes au SĂŠnĂŠgal, et d’autre part en animant un rĂŠseau de chercheurs africains TVS DF TVKFU SĂ?TFBV ĂśOBODĂ? QBS M "6' FU MF $&1&% +F DPOEVJT DFT SFDIFSDIFT au Laboratoire de recherche sur les transformations ĂŠconomiques et sociales Ă l’universitĂŠ de Dakar. %FQVJT BPĂ&#x;U KF TVJT Ă?HBMFNFOU secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral de l’Association internationale des dĂŠmographes de langue française (AIDELF).


1BTDBM #063%&"69 Courriel : pascal.bourdeaux@ephe.sorbonne.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 2003 : doctorat d’histoire : Emergence et constitution de la communautĂŠ du bouddhisme Hòa Hảo. Une contribution Ă l’histoire sociale du delta du MĂŠkong (19351955) TPVT MB EJSFDUJPO EF /HVZĚŽO 5IĚ‹ "OI ²DPMF QSBUJRVF EFT IBVUFT Ă?UVEFT *7e 4FDUJPO 1BSJT 4PSCPOOF SITUATION PROFESSIONNELLE MaĂŽtre de confĂŠrences Ă l’Ecole pratique des hautes ĂŠtudes, section des sciences SFMJHJFVTFT EFQVJT TFQUFNCSF

Enseignements : Cours de master ÂŤ Initiation aux religions de l’Asie du Sud-Est : approches historiographiques et ĂŠpistĂŠmologiques Âť. SĂŠminaire ÂŤ Religions de l’Asie du Sud-Est Âť : approches sociohistoriques des nouveaux NPVWFNFOUT SFMJHJFVY BV 4VE EV 7JĚ?U /BN 9*9 99e siècles). RÉSUMÉ DES TRAVAUX 1BTDBM #PVSEFBVY B BYĂ? TFT QSFNJFST travaux d’histoire sur l’une des expressions contemporaines de la modernitĂŠ religieuse BV 4VE EV 7JĚ?U /BN CPVEEIJTNF )Ă›B Hảo) en replongeant dans les croyances millĂŠnaristes locales, en s’intĂŠressant Ă l’environnement culturel de la rĂŠgion d’Êmergence et de rayonnement de ce nouveau mouvement religieux ainsi qu’aux ĂŠvolutions socio-ĂŠconomiques des confins occidentaux du delta du .Ă?LPOH - Ă?UVEF DPOKPJOUF EFT GPOEFNFOUT

religieux de la croyance, du charisme de son fondateur, de l’institutionnalisation de son culte, des expressions locales d’engagement dans le monde (actions sociales, politiques, militaires) a cherchĂŠ Ă distinguer la cristallisation d’un communautarisme contextualisĂŠ d’un sentiment religieux pĂŠrenne exprimant une volontĂŠ d’intĂŠgration sociale et culturelle au sein d’une nation moderne en dĂŠfinissant pour cela une chronologie transversale et un continuum des situations coloniale et postcoloniale. Les recherches postdoctorales ont pris deux orientations distinctes et complĂŠmentaires : la poursuite d’Êtudes de terrain QSPWJODF EF ,JĂ?O (JBOH OPUBNNFOU QPVS approfondir certaines facettes (croyances populaires, pluralitĂŠ religieuse, mobilitĂŠ et NJHSBUJPO EF DF RVF 4ËŒO /BN BQQFMMF MB ÂŤ civilisation fluviale Âť lorsqu’il parle du delta du MĂŠkong ; la dĂŠfinition d’une mission de recherche au Cambodge pour y ĂŠtudier les sources d’Êpoque coloniale (Archives nationales du Cambodge) relatives Ă la prĂŠsence vietnamienne et aux phĂŠnomènes modernes d’hybridation religieuse. En complĂŠment de ses recherches personOFMMFT JM B QBSUJDJQĂ? BV QSPKFU j 7BMĂ?BTF x 7BMPSJTBUJPO EF M Ă?DSJU FO "TJF EV 4VE &TU x Ă‹ )Ě• $IĂ“ .JOI 7JMMF )Ă‹ /Ě˜J 1IOPN 1FOI et surtout assistĂŠ Ă l’Êlaboration et Ă la DPPSEJOBUJPO QBSUJF GSBOĂŽBJTF EV QSPKFU EF DPPQĂ?SBUJPO '41 j NPEFSOJUĂ? SFMJHJFVTF et Ä‘áť•i máť›i : de la reconfiguration des paysages bouddhistes et chrĂŠtiens au 7JĚ?U /BN x ²DPMF QSBUJRVF EFT IBVUFT

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ĂŠtudes, Institut de recherches sur les religions, AcadĂŠmie des Sciences Sociales EV 7JĚ?U /BN %FQVJT 1BTDBM #PVSEFBVY B EĂ?ĂśOJ VO QSPKFU E FOTFJHOFNFOU FU EF SFDIFSDIF replaçant dans le cadre ĂŠlargi des ÂŤ religions de l’Asie du Sud-Est Âť les phĂŠnomènes religieux vietnamiens. Outre la poursuite de ses recherches socio-historiques sur les SFMJHJPTJUĂ?T DPOUFNQPSBJOFT EV 7JĚ?U /BN mĂŠridional, il porte ĂŠgalement un intĂŠrĂŞt

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Ă l’Êtude comparĂŠe des millĂŠnarismes et des nouveaux mouvements religieux, en prolongement des phĂŠnomènes d’institutionnalisation et de rĂŠgulation religieuses en redonnant une profondeur historique aux reconfigurations actuelles et en cherchant des contrepoints Ă la vision officielle des rapports État-religion. Il s’intĂŠresse enfin Ă l’histoire des ÂŤ sciences religieuses Âť considĂŠrĂŠes depuis et appliquĂŠes Ă l’Asie du Sud-Est.


+FBO 1JFSSF $-*/( Courriel : cling@dial.prd.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 2005 : thèse de doctorat d’Êconomie, VOJWFSTJUĂ? 1BSJT %BVQIJOF GĂ?MJDJUBUJPOT EV KVSZ JOTDSJQUJPO FO QSJY EF UIĂ’TF FU subvention pour publication. 1983 : admis au concours d’administrateur de l’INSEE (Institut national de la statistique et des ĂŠtudes ĂŠconomiques). EJQMĂ™NF EF TUBUJTUJDJFO Ă?DPOPNJTUF Ecole nationale de la statistique et de l’adNJOJTUSBUJPO Ă?DPOPNJRVF &/4"& 1BSJT SITUATION PROFESSIONNELLE Administrateur de l’INSEE, accueilli en tant que directeur de recherche Ă l’IRD, %*"- )Ă‹ /Ě˜J 1SPHSBNNF EF recherche sur la transition ĂŠconomique et TPDJBMF BV 7JĚ?U /BN NFOĂ? FO QBSUFOBSJBU avec l’Institut de sciences statistiques. RÉSUMÉ DES TRAVAUX D’une manière gĂŠnĂŠrale, ma problĂŠmatique de recherche s’articule autour de la relation entre le processus de dĂŠveloppement ĂŠconomique, la rĂŠpartition des ressources (donc les questions de distribution) et les politiques publiques. Mon travail actuel s’inscrit dans le cadre du programme de recherche sur la transition ĂŠconomique et TPDJBMF BV 7JĚ?U /BN NFOĂ? QBS M Ă?RVJQF *3% DIAL dans ce pays.

Trois axes de recherche complĂŠmentaires sont poursuivis : - analyse du fonctionnement du marchĂŠ du travail et des caractĂŠristiques et du SĂ™MF EV TFDUFVS JOGPSNFM TBDIBOU RVF MB connaissance de ce secteur est très limitĂŠe BV 7JĚ?U /BN PO T JOUFSSPHF OPUBNNFOU sur les caractĂŠristiques de ce secteur et sur son impact sur les conditions de vie des mĂŠnages ; - suivi et ĂŠvaluation de l’impact des politiques, dans le but d’identifier les moteurs de la croissance et leurs caractĂŠristiques distributives ; l’impact de l’adhĂŠsion du 7JĚ?U /BN Ă‹ M 0SHBOJTBUJPO NPOEJBMF EV DPNNFSDF JOUFSWFOVF EĂ?CVU FTU plus particulièrement ĂŠtudiĂŠ dans ce cadre (ĂŠvaluation ex ante Ă l’aide de modèles micro-macro) ; Ă?UVEF EV SĂ™MF FU EF MB QFSGPSNBODF EFT institutions dans le processus de transition ; VOF Ă?UVEF EV SĂ™MF EF MB #BORVF NPOEJBMF BV 7JĚ?U /BN FU EF TPO JOUFSBDUJPO BWFD MFT politiques publiques menĂŠes par ce pays est notamment en cours selon cet axe. ConformĂŠment aux missions de l’IRD, mon travail comprend trois dimensions de recherche, de formation et d’expertise en appui Ă la rĂŠflexion sur les politiques de dĂŠveloppement. Ce travail s’effectue en partenariat avec des chercheurs vietnamiens et comprend une importante activitĂŠ d’appui statistique dans le cadre de l’accueil en cours au sein de l’Office gĂŠnĂŠral EF MB TUBUJTUJRVF EV 7JĚ?U /BN *OTUJUVU EF science statistique).

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$ISJTUJBO $6-"4 Courriel : christianculas@yahoo.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 1998 – thèse de doctorat en anthropologie, VOJWFSTJUĂ? EF 1SPWFODF "JY FO 1SPWFODF sous la direction de M. Charles Macdonald. 5JUSF i-F NFTTJBOJTNF INPOHw 1VCMJĂ?F FO BVY Ă?EJUJPOT EV $/34 1BSJT SITUATION PROFESSIONNELLE ChargĂŠ de recherche en anthropologie au CNRS Ă l’Institut de recherche sur l’Asie du 4VE &TU DPOUFNQPSBJOF *3"4&$ #BOHLPL o $/34 o ."&& &O QPTUF BV 7JĚ?U /BN depuis 2008 : programme de recherche sur l’anthropologie du dĂŠveloppement en zone ethnique et l’Êtude des formes d’ÊmerHFODF EF MB TPDJĂ?UĂ? DJWJMF BV 7JĚ?U /BN en partenariat avec le dĂŠpartement de la Culture, du Tourisme et du Sport de la province de Lao Cai et le dĂŠpartement d’Anthropologie, universitĂŠ nationale de Hanoi. Ce programme de recherche francovietnamien (2010-2012) est soutenu par l’Agence Française de DĂŠveloppement "'% )BOPJ 1BSJT RÉSUMÉ DES TRAVAUX Dans les annĂŠes 1990, mes recherches portaient principalement sur les diffĂŠrentes formes de la religion traditionnelle hmong (chamanisme, rituels), sur leurs mouvements politiques et religieux (messianiques, influences bouddhiques et taoĂŻques), sur les migrations transnationales en Asie, sur les changements sociaux Ă travers la production d’opium et le dĂŠveloppement EFT NBSDIĂ?T BV -BPT FU BV 7JĚ?U /BN

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Depuis les annĂŠes 2000, mes recherches se sont orientĂŠes vers les voies d’Êmergence EF MB TPDJĂ?UĂ? DJWJMF BV 7JĚ?U /BN VO MJWSF et des articles collectifs sont en cours), sur l’Êtude ĂŠpistĂŠmologique des savoirs locaux et des pratiques de gestion des milieux OBUVSFMT EBOT MFT NPOUBHOFT EV 7JĚ?U /BN Depuis 2008, nous avons lancĂŠ un programme de recherche sur l’anthropologie du dĂŠveloppement et du changement social en zone ethnique. Il comprend un volet de formation Ă la recherche en anthropologie (mĂŠthodes d’enquĂŞte de terrain, mĂŠthodes d’analyse de texte, mĂŠthodes interprĂŠtatives et d’Êcriture EF UFYUFT FO TDJFODFT TPDJBMFT - PCKFDUJG est de pouvoir associer une profonde connaissance des rĂŠalitĂŠs du terrain (enquĂŞtes collectives, longues enquĂŞtes extensives) et les outils de la recherche les plus performants (approche de socioanthropologie inspirĂŠe des mĂŠthodes de +FBO 1JFSSF 0MJWJFS EF 4BSEBO Mon travail comprend trois dimensions : les recherches individuelles et collectives (franco-vietnamiennes) en socio-anthropologie ; les formations (thĂŠoriques et pratiques) Ă la recherche par la recherche BV TFJO EFT QSPKFUT EF DPPQĂ?SBUJPO thĂŠmatiques et la collaboration-conseil auprès des institutions vietnamiennes dans le domaine du dĂŠveloppement du tourisme ethnique, de la protection du patrimoine culturel des groupes ethniques du Nord EV 7JĚ?U /BN FU EF M JOUĂ?HSBUJPO EFT TBWPJST locaux ethniques sur les forĂŞts Ă la gestion des espaces naturels.


+JN %&-"/&: Courriel : K EFMBOFZ!VUPSPOUP DB TITRE ET DIPLÔMES 1I % "#% H�PHSBQIJF VOJWFSTJU� de Toronto 2003 : M.A., sciences politiques, universitÊ EF MB $PMPNCJF #SJUBOOJRVF $BOBEB SITUATION PROFESSIONNELLE Candidat au doctorat, universitÊ de Toronto Consultant : dÊveloppement et pauvretÊ

RÉSUMÉ DES TRAVAUX Ma recherche examine l’Êmergence d’un marchĂŠ mondialisĂŠ pour le bambou au 7JĚ?U /BN 4 BQQVZBOU TVS EFT BQQSPDIFT commodity chians FU j ĂśMJĂ’SF x KF USBWBJMMF sur l’Êvolution des produits en bambou Ă diffĂŠrentes ĂŠchelles et la reconfiguration des domaines sociaux, ĂŠconomiques et politiques des rĂŠseaux de producteurs QBVWSFT BV 7JĚ?U /BN "WBOU DFT Ă?UVEFT EPDUPSBMFT K BJ USBWBJMMĂ? QFOEBOU EJY BOT pour des organismes de dĂŠveloppement BV 7JĚ?U /BN BV -BPT FU BV $BOBEB + BJ travaillĂŠ pour l’universitĂŠ de Colombie#SJUBOOJRVF MF $PBEZ *OUFSOBUJPOBM *OTUJUVUF entraide universitaire mondiale du Canada. J’ai ĂŠgalement ĂŠtĂŠ consultant pour le FIDA, MB #BORVF NPOEJBMF FU MB #BORVF BTJBUJRVF de dĂŠveloppement.

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#FSOBSE '03.040 Courriel : bernard.formoso@mae.u-paris10.fr TITRE ET DIPLÔMES )3% 1�S�HSJOBUJPO BV TFJO EF HSPVQFT NJOPSJUBJSFT 6OJWFSTJU� 1BSJT 9 Nanterre, Dir. O. Herrenschmidt 1984 : doctorat de 3e cycle en anthropologie sociale, Tsiganes et sÊdentaires SITUATION PROFESSIONNELLE 1SPGFTTFVS E�QBSUFNFOU E &UIOPMPHJF EF 4PDJPMPHJF DPNQBSBUJWF EF 1S�IJTUPJSF FU E &UIOPNVTJDPMPHJF VOJWFSTJU� 1BSJT 0VFTU – Nanterre-La DÊfense. Responsable des Êtudes sud-est asiatiques, E�QBSUFNFOU E FUIOPMPHJF VOJWFSTJU� 1BSJT Ouest. Membre du Laboratoire d’ethnologie et de TPDJPMPHJF DPNQBSBUJWF -&4$ o 6.3

RÉSUMÉ DES TRAVAUX Après avoir, dans un premier temps, travaillĂŠ auprès des populations tsiganes sĂŠdentarisĂŠes en France dont il a ĂŠtudiĂŠ les constructions identitaires dans leurs SBQQPSUT BVY OPO UTJHBOFT #FSOBSE 'PSNPTP T FTU FOTVJUF UPVSOĂ? WFST l’Asie du Sud-Est. Il a alors successivement ĂŠtudiĂŠ : - le dĂŠveloppement des zones rurales du Nord-Est thaĂŻlandais et leurs dynamiques BHSBJSFT - les droits du sol et la question de l’autochtonie en Asie du Sud-Est ; - les minoritĂŠs ethniques du sud-ouest EF MB $IJOF FU EV OPSE EF MB 1Ă?OJOTVMF indochinoise dans leurs relations Ă l’État Ă‹ BVKPVSE IVJ - la minoritĂŠ chinoise dans ses relations avec les pays d’accueil et le pays d’origine (1993 Ă‹ BVKPVSE IVJ - l’Êtude des institutions religieuses des Chinois d’Asie du Sud-Est. Sur le plan des orientations thĂŠmatiques et de la rĂŠflexion thĂŠorique plus gĂŠnĂŠrale, MFT SFDIFSDIFT EF # 'PSNPTP QPSUFOU principalement sur les constructions identitaires et la problĂŠmatique des relations interethniques.

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$ISJTUPQIF (*30/%& Courriel : christophe.gironde@graduateinstitute.ch TITRE ET DIPLÔMES 2001 : doctorat en Êtudes du dÊveloppement, Institut universitaire d’Êtudes EV E�WFMPQQFNFOU *6&% VOJWFSTJU� EF (FOÒWF UIÒTF JOUJUVM�F j 3�IBCJMJUBUJPO et transformations de l’Êconomie familiale BV /PSE 7JFUOBN o 4ZTUÒNFT E BDUJWJU�T villageois et rÊseaux de relations dans le delta du fleuve Rouge  SITUATION PROFESSIONNELLE MaÎtre de confÊrence / chercheur à Institut de hautes Êtudes internationales et du E�WFMPQQFNFOU *)&*% EF (FOÒWF

RÉSUMÉ DES TRAVAUX Mes recherches portent pour l’essentiel sur les processus de transformations des ĂŠconomies et sociĂŠtĂŠs rurales. Elles s’inscrivent dans le domaine de l’Êconomie politique, et sont basĂŠes sur la recherche de terrain auprès des populations et des reprĂŠsentants des autoritĂŠs locales. .PO USBWBJM T FTU DPODFOUSĂ? TVS MF 7JĚ?U /BN Ă partir d’une recherche de doctorat effectuĂŠe Ă la fin des annĂŠes 1990. Je me suis intĂŠressĂŠ en particulier aux ĂŠvolutions des systèmes d’activitĂŠs productives des populations, Ă la diffĂŠrenciation sociale, au processus de transition institutionnelle vers M Ă?DPOPNJF EJUF EF NBSDIĂ? FU BV SĂ™MF EFT autoritĂŠs locales dans ces transformations. 1MVT SĂ?DFNNFOU K BJ FV M PDDBTJPO EF travailler comme consultant, dans le cadre de programmes de lutte contre la pauvretĂŠ BV 7JĚ?U /BN FU BV .BMJ TVS MFT RVFTUJPOT de la participation des populations Ă la dĂŠfinition et Ă la mise en Ĺ“uvre de ces programmes.

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Rodolphe DE KONINCK Courriel : rodolphe.de.koninck@umontreal.ca TITRE ET DIPLÔMES Depuis 2002 : titulaire de la Chaire de recherches du Canada en Êtudes asiatiques et professeur titulaire au dÊpartement de (�PHSBQIJF EF M VOJWFSTJU� EF .POUS�BM EPDUPSBU H�PHSBQIJF VOJWFSTJU� EF Singapour. SITUATION PROFESSIONNELLE Depuis 2002, titulaire, de la Chaire de recherches du Canada en Êtudes asiatiques et professeur titulaire au dÊpartement de gÊographie de l’universitÊ de MontrÊal. 3�DJQJFOEBJSF EV 1SJY *OOJT (�SJO TDJFODFT humaines), SociÊtÊ royale du Canada, 1999 3�DJQJFOEBJSF EV 1SJY +BDRVFT 3PVTTFBV (interdisciplinaritÊ) de l’ACFAS, 1998. #PVSTJFS ,JMMBN EV $POTFJM EFT BSUT EV Canada, 1991 et 1992. Membre de la SociÊtÊ royale du Canada depuis 1990. EXPÉRIENCE D’ENSEIGNEMENT 1SPGFTTFVS UJUVMBJSF VOJWFSTJU� EF .POUS�BM depuis 2002. 1SPGFTTFVS BEKPJOU BHS�H� UJUVMBJSF 6OJWFSTJU� -BWBM Ë Ë à 2002. 1SPGFTTFVS 4U -FP T $PMMFHF 'PSU 1PSUBM Ouganda, 1962-63. Professeur invitÊ /BUJPOBM 6OJWFSTJUZ PG 4JOHBQPSF KBOWJFS Ë KVJO

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&)&44 1BSJT EJSFDUFVS E Ă?UVEFT BTTPDJĂ? printemps 1988. 6OJWFSTJUĂ? EF (FOĂ’WF QSJOUFNQT 6OJWFSTJUĂ? JOUFSOBUJPOBMF EF 4IBOHIBJ automne 1983. Enseignement tĂŠlĂŠvisuel Le monde Ă la carte, diffusĂŠ de 1990 Ă TVS $BOBM 4BWPJS 5Ă?MĂ? 2VĂ?CFD FU 57 Monde. EXPÉRIENCE DE RECHERCHE Chercheur invitĂŠ "TJB 3FTFBSDI *OTUJUVUF /BUJPOBM 6OJWFSTJUZ PG 4JOHBQPSF KVJO Ă‹ PDUPCSF Centre d’Êtudes de gĂŠographie tropicale, #PSEFBVY QSJOUFNQT Institute of Southeast Asian Studies, Singapour, ĂŠtĂŠs 1990, 92, 93. 6OJWFSTJUBT 4KJBI ,VBMB #BOEB "DFI *OEPOĂ?TJF Ă?UĂ?T $FOUSF GPS 1PMJDZ 3FTFBSDI 6OJW 4BJOT .BMBJTJF Ă?UĂ?T Direction ou codirection de projets de recherche subventionnĂŠs : 28 depuis 1970, dont 3e) Progrès technique et progrès social de la paysannerie en Malaysia et en IndonĂŠsie - Centre de recherches pour MF EĂ?WFMPQQFNFOU JOUFSOBUJPOBM Ă‹ 21e et 22e) Le dĂŠfi forestier au Vietnam (I et II).


Centre de recherches pour le dÊvelopQFNFOU JOUFSOBUJPOBM FU 2001). 23e) Le modèle de dÊveloppement agricole sud-est asiatique : atouts et vulnÊrabilitÊs devant la crise. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (2000-2004).

F Les dÊfis de la transition agraire en Asie du Sud-Est. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (2005-2011). 28e) Expansion agricole, dÊforestation, biocarburants, marchÊ mondial : BornÊo au cœur de la tourmente. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (2008-2011).

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%BOJFMMF -"##² Courriel : dlabbe@interchange.ubc.ca TITRE ET DIPLĂ”MES 2004 : maĂŽtrise en Sciences de l’architecture, universitĂŠ Laval, QuĂŠbec. #BDDBMBVSĂ?BU FO BSDIJUFDUVSF EJQMĂ™NF DPOKPJOU VOJWFSTJUĂ? -BWBM 2VĂ?CFD et École supĂŠrieure de gĂŠnie civil de HĂ Náť™i. SITUATION PROFESSIONNELLE Doctorante en urbanisme Ă la School of $PNNVOJUZ BOE 3FHJPOBM 1MBOOJOH EF M VOJWFSTJUĂ? EF $PMPNCJF #SJUBOOJRVF 7BO couver (Canada). Chercheuse associĂŠe EV QSPKFU i6SCBOJ[BUJPO 1SPDFTTFT BU Work: Mobility and Local Development in HĂ Náť™i,â€? de l’Institut national de recherche TDJFOUJĂśRVF EV 2VĂ?CFD o 6SCBOJTBUJPO culture et sociĂŠtĂŠ (INRS) et de l’Institut de recherche en dĂŠveloppement durable de l’AcadĂŠmie des Sciences Sociales du 7JĚ?U /BN $POTVMUBOUF FO EFTJHO VSCBJO 7JĚ?U /BN FU QSPUFDUJPO EV QBUSJNPJOF CÉUJ et des paysages (MontrĂŠal).

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RÉSUMÉ DES TRAVAUX Mes travaux de recherche portent actuellement sur les processus d’urbanisation et de transformation de l’espace et des activitĂŠs humaines Ă la pĂŠriphĂŠrie de villes du sud-est asiatique en gĂŠnĂŠral et du 7JĚ?U /BN FO QBSUJDVMJFS %BOT MF DBESF EF NB UIĂ’TF K Ă?UVEJF MFT USBOTGPSNBUJPOT TPDJP spatiales qui ont pris place dans un village situĂŠ Ă la proche pĂŠriphĂŠrie de HĂ Náť™i depuis l’Êpoque coloniale. Au cours des dix dernières annĂŠes, mes recherches ont QPSUĂ? TVS MB QSĂ?TFSWBUJPO EV QBUSJNPJOF CÉUJ et sur les transformations de l’habitat dans les quartiers centraux de HĂ Náť™i.


&NNBOVFM 1"//*&3 Courriel : manuelpannier@yahoo.fr

RÉSUMÉ DES TRAVAUX

TITRE ET DIPLÔMES

.FT SFDIFSDIFT BV 7JĚ?U /BN POU commencĂŠ en 2005 par une ĂŠtude appliquĂŠe au dĂŠveloppement dans le cadre EV 1SPKFU *3% JOUJUVMĂ? j 5SBOTGFSUT EF GFSUJ MJUĂ? gestion de l’eau et approche intĂŠgrĂŠe de modĂŠlisation des ĂŠcosystèmes agricoles en zone de collines et de petites montagnes en Asie du Sud-Est Âť. Il s’agissait d’effectuer une ĂŠtude portant sur les dynamiques sociales et culturelles et les stratĂŠgies paysannes liĂŠes Ă l’usage des terres agricoles dans VOF DPNNVOF .Ë?ĚšOH EF MB QSPWJODF EF )Ă›B #Ă–OI

2006-2010 : thèse de doctorat en anthSPQPMPHJF VOJWFSTJUĂ? EF 1SPWFODF o "JY Marseille 1. EJQMĂ™NF EF WJFUOBNJFO EV $FOUSF EF formation continu en langues de l’Institut polytechnique de HĂ Náť™i. 2005 : DESS (master) ÂŤ Anthropologie du dĂŠveloppement Âť option : dimensions locales et sectorielles des actions de dĂŠveloppement en milieu urbain et rural, Institut d’Êtudes du dĂŠveloppement ĂŠconomique et social (IEDES) de l’universitĂŠ 1BSJT * 1BOUIĂ?PO 4PSCPOOF SITUATION PROFESSIONNELLE - Doctorant en 4e annĂŠe de thèse en anthropologie attachĂŠ Ă l’Institut de recherche sur le sud-est asiatique (IRSEA – CNRS – Marseille) $IFSDIFVS BTTPDJĂ? EBOT VO QSPKFU de recherche et de dĂŠveloppement financĂŠ par l’AFD intitulĂŠ ÂŤ Étude socioBOUISPQPMPHJRVF EF QSPKFUT EF EĂ?WF MPQQFNFOU BV 7JĚ?U /BN x $PPQĂ?SBUJPO entre le dĂŠpartement d’anthropologie de l’universitĂŠ nationale de HĂ Náť™i, Le dĂŠpartement de la Culture, du Tourisme et du Sport de la province de LĂ o Cai, l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud&TU DPOUFNQPSBJOF *3"4&$ #BOHLPL FU l’Institut de hautes ĂŠtudes internationales FU EV EĂ?WFMPQQFNFOU (FOĂ’WF

Mes travaux se sont par la suite orientĂŠs vers la recherche acadĂŠmique dans le cadre des NFT USBWBVY EF UIĂ’TF FU EV QSPKFU '41 4 j 3Ă?TFBVY TPDJBVY BV OPSE EV 7JĚ?U /BN x *34&" *OTUJUVU EF 4PDJPMPHJF 7"44 FO 2006. Ma problĂŠmatique de recherche gĂŠnĂŠrale porte sur les formes, les fonctions et les ĂŠvolutions du lien social en milieu rural au OPSE EV 7JĚ?U /BN Ă‹ M Ă?QPRVF DPOUFNQP SBJOF - PCKFDUJG FTU E JEFOUJĂśFS MFT QSJODJQFT et les mĂŠcanismes qui prĂŠsident Ă la gĂŠnĂŠration de la cohĂŠsion sociale telle qu’elle se dĂŠfinit et redĂŠfinit dans les villages WJFUOBNJFOT EV OPSE EV 7JĚ?U /BN Mes travaux s’articulent autour de trois axes de recherche complĂŠmentaires : - les manifestations contemporaines du système de circulation non marchande (don et contre-don, ĂŠchanges rituels ou symboliques, ĂŠchanges non marchands).

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*M T BHJU EF NFTVSFS MF SĂ™MF RVF DFT USBOTGFSUT TPDJBVY KPVFOU EBOT M Ă?EJĂśDBUJPO MF renforcement et la manifestation du lien social interpersonnel. - les modalitĂŠs de construction et les fonctions des rĂŠseaux sociaux en milieu rural Ă travers l’Êtude de groupes informels et de pratiques de sociabilitĂŠ. Cet axe permet de cerner les modalitĂŠs concrètes de tissage et d’expression du lien social.

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- les ĂŠvolutions des systèmes de rĂŠgulations de la sociĂŠtĂŠ locale. Ă€ travers une approche RVJ B QPVS PCKFDUJG EF DFSOFS MFT DPOUJ nuitĂŠs et les ruptures des reconfigurations sociales actuelles, cette analyse vise Ă montrer la variabilitĂŠ des normes et des principes qui favorisent la cohĂŠsion sociale au niveau local dans un contexte de transformations socio-ĂŠconomiques globales.


1)Ë?. 7ÇŠO $̤ Courriel : pvchanoi@vnn.vn, cu.phamvan@gmail.com, phamvancu@vnu.edu.vn TITRE ET DIPLĂ”MES 1991-1992 : post doctorat au CARTEL, universitĂŠ de Sherbrooke QuĂŠbec Canada 1I% FO HĂ?PNPSNPMPHJF FU QBMĂ?PHĂ?P graphie AcadĂŠmie de science et de UFDIOPMPHJF EV 7JĚ?U /BN %&44 (%5" FU 6OJWFSTJUĂ? EF 1BSJT 7* SITUATION PROFESSIONNELLE $PPSEJOBUFVS EV QSPKFU j 4ZTUĂ’NF E JOGPS mation du delta du fleuve Rouge Âť, coopĂŠration avec le Centre d’applications et de recherches en tĂŠlĂŠdĂŠtection (CARTEL), universitĂŠ de Sherbrooke, QuĂŠbec, Canada, $PPSEJOBUFVS EV QSPKFU j 0CTFSWBUPJSF EV øFVWF 3PVHF x DPPQĂ?SBUJPO FOUSF MF 75(&0 FU 3&("3%4 $/34 #PSEFBVY 'SBODF 2001. 3. Consultant en matière de systèmes E JOGPSNBUJPO HĂ?PHSBQIJRVF 4*( FU UĂ?MĂ?EĂ?UFDUJPO EV QSPKFU j 3FGPSFTUBUJPO JO 7JĚ?U /BN x "%# $PPSEJOBUFVS EV QSPKFU j3JDF .POJUPSJOH JO .FLPOH %FMUB 6TJOH 3BEBSTBU 4ZTUFN x coopĂŠration avec Radarsat International, Centre canadien de tĂŠlĂŠdĂŠtection, Canada, 1999-2000. $PPSEJOBUFVS EV QSPKFU j (Ă?PNBUJRVF appliquĂŠe Ă l’environnement et Ă la santĂŠ (&0.&/4" x DPPQĂ?SBUJPO FOUSF M VOJWFSTJUĂ? des sciences naturelles et l’universitĂŠ

de mĂŠdecine de Hanoi et universitĂŠ de Sherbrooke, QuĂŠbec, Canada, 1999-2005. %JSFDUFVS BEKPJOU EV 1SPHSBNNF EF tĂŠlĂŠdĂŠtection du CNST, 1999-2002, responsable du secteur Radar. 3FTQPOTBCMF EV WPMFU &OWJSPOOFNFOU EBOT MB DPPQĂ?SBUJPO $/45 EV 7JĚ?U /BN FU $/34 France, 1999-2002. 8. Évaluateur externe de l’Agence canadienne pour le dĂŠveloppement international "$%* QPVS MF QSPKFU j8BUFS BOE 4PJM $PO TFSWBUJPOx DPPQĂ?SBUJPO FOUSF M 6OJWFSTJUĂ? ThĂĄi NguyĂŞn, Institut de gĂŠotechnique EV 7JĚ?U /BN FU M VOJWFSTJUĂ? 4BTLBDIXBO Sakatoon, Canada 1998. ²WBMVBUFVS JOEĂ?QFOEBOU EF (5; QPVS MF QSPKFU j$BUDINFOU .BOBHFNFOU JO .FLPOH #BTJO JO -BPTx 10. Membre du Conseil scientifique de la ville EF )BOPJ EFQVJT TFDUFVS (Ă?PTDJFODFT appliquĂŠes Enseignement 1. Enseignant sĂŠnior de formation en UĂ?MĂ?EĂ?UFDUJPO FU 4*( BQQMJRVĂ?FT Ă‹ MB gĂŠographie Ă l’universitĂŠ des sciences naturelles de Hanoi depuis 1990. 1SPGFTTFVS BTTPDJĂ? EV EĂ?QBSUFNFOU EF (Ă?PHSBQIJF Ă‹ M VOJWFSTJUĂ? EFT TDJFODFT OBUVSFMMFT EF )BOPJ EFQVJT 1SPGFTTFVS BTTPDJĂ? EV $"35&- VOJWFSTJUĂ? EF 4IFSCSPPLF 2VĂ?CFD $BOBEB EFQVJT 4. Codirecteur des matrises, DEA et thèses auprès de l’universitĂŠ de Sherbrooke et M VOJWFSTJUĂ? -PVJT 1BTUFVS * EF 4USBTCPVSH 1SPGFTTFVS JOWJUĂ? EF M VOJWFSTJUĂ? 5PVMPVTF -F Mirail de 2004 Ă 2006

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6. Cours et conférences données : a. détection et analyse de changement des états de surface ; b. les indices physiques et l’extraction d’information à partir des images optiques ; c. approche multiscalaire appliquée à la télédétection ;

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d. modélisation spatiale de l’érosion hydrique du sol ; e. géomatique et développement durable ; f. géomatique appliquée à l’aménagement urbain.


Mireille RAZAFINDRAKOTO Courriel : razafindrakoto@dial.prd.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 2010 : habilitation Ă diriger des recherches, VOJWFSTJUĂ? 1BSJT %BVQIJOF 1996 : docteur en sciences ĂŠconomiques, Ecole des hautes ĂŠtudes en sciences sociales, 1BSJT &)&44 .FOUJPO USĂ’T IPOPSBCMF BWFD MFT GĂ?MJDJUBUJPOT EV KVSZ 1991 : ingĂŠnieur statisticien ĂŠconomiste, EJQMĂ™NĂ?F EF M &DPMF OBUJPOBMF EF MB TUBUJT tique et de l’administration ĂŠconomique, Centre europĂŠen de formation des statisticiens ĂŠconomistes des pays en EĂ?WFMPQQFNFOU &/4"& $&4% 1BSJT .BKPS de la promotion. SITUATION PROFESSIONNELLE ChargĂŠe de recherche 1ère classe, Institut de recherche pour le dĂŠveloppement (IRD), unitĂŠ de recherche DIAL (DĂŠveloppement, institutions et analyse de long terme) "òFDUĂ?F BV 7JĚ?U /BN BV (FOFSBM 4UBUJTUJDBM 0ĂłDF (40 EFQVJT KVJMMFU 3FTQPO sable de la mise en Ĺ“uvre du programme EF SFDIFSDIF EF %*"- BV 7JĚ?U /BN

RÉSUMÉ DES TRAVAUX Mes travaux actuels portent en particulier sur : les liens entre le bien-ĂŞtre et les conditions de vie des mĂŠnages, les inĂŠgalitĂŠs et la gouvernance ; la satisfaction dans l’emploi ; la corruption et la pauvretĂŠ, ainsi que l’Êvaluation de l’impact des politiques publiques. Les recherches sur le 7JĚ?U /BN T JOTDSJWFOU EBOT VO QSPHSBNNF TVS j MFT FOKFVY FU MFT DPOUSBJOUFT EF MB transition ĂŠconomique amorcĂŠe depuis le Ä‘áť•i máť›i Âť. Elles sont menĂŠes suivant trois axes complĂŠmentaires : MF SĂ™MF EV TFDUFVS JOGPSNFM TVS MF NBSDIĂ? du travail et son impact sur les conditions EF WJF EFT NĂ?OBHFT 1BSUBOU EF M BOBMZTF des caractĂŠristiques de ce secteur, on s’interrogera dans quelle mesure il contribue Ă l’amĂŠlioration des niveaux de vie et Ă la rĂŠduction des inĂŠgalitĂŠs. Quelles sont les spĂŠcificitĂŠs du secteur informel qui doivent ĂŞtre prises en compte dans les politiques publiques? ; 2- suivi et ĂŠvaluation de l’impact des politiques publiques, en particulier en termes distributifs. D’une part, il s’agit d’analyser l’influence de l’ouverture DPNNFSDJBMF EV 7JĚ?U /BN OPUBNNFOU MFT consĂŠquences sociales de l’adhĂŠsion du pays Ă l’OMC (approche ex ante en recourant aux modèles micro-macro). D’autre QBSU M PCKFDUJG FTU EF NFTVSFS M FĂłDBDJUĂ? EFT politiques de lutte contre la pauvretĂŠ mises en Ĺ“uvre dans les zones montagneuses oĂš vivent les minoritĂŠs ethniques (ĂŠvaluation

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ex post : analyse des causalitĂŠs, mĂŠthodes spĂŠcifiques d’Êvaluation d’impact) ; MF SĂ™MF FU MB QFSGPSNBODF EFT JOTUJUVUJPOT dans le processus de transition. Il s’agit d’explorer les liens entre la gouvernance SĂ™MF FU NPEF EF GPODUJPOOFNFOU EFT institutions publiques), le système de valeurs de la sociĂŠtĂŠ, la dynamique

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ĂŠconomique et les conditions de vie de la population. Les analyses porteront entre autres sur les multiples dimensions de la QBVWSFUĂ? CJFO Ă?USF TVCKFDUJG DPOEJUJPOT d’emploi, participation et exclusion sociale, conditions d’accès aux services publics, etc.).


'SBOĂŽPJT 306#"6% Courriel : roubaud@dial.prd.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 1991 : doctorat en ĂŠconomie, universitĂŠ 1BSJT 9* /BOUFSSF .FOUJPO USĂ’T IPOPSBCMF BWFD MFT GĂ?MJDJUBUJPOT EV KVSZ JOTDSJQUJPO en prix de thèse et subvention pour publication EJQMĂ™NF EF TUBUJTUJDJFO Ă?DPOPNJTUF Ecole nationale de la statistique et de M BENJOJTUSBUJPO Ă?DPOPNJRVF &/4"& 1BSJT SITUATION PROFESSIONNELLE Directeur de recherche, Institut de recherche pour le dĂŠveloppement (IRD), 6OJUĂ? EF SFDIFSDIF %*"- "òFDUĂ? BV 7JĚ?U /BN 0ĂłDF HĂ?OĂ?SBM EF MB TUBUJTUJRVF 0(4 *44 EFQVJT TFQUFNCSF 1SPHSBNNF EF SFDIFSDIF TVS MB transition ĂŠconomique et sociale au 7JĚ?U /BN

RÉSUMÉ DES TRAVAUX Économiste du dÊveloppement, mes travaux sont orientÊs suivant deux lignes de recherche. Statistique (mÊthodologie d’enquêtes, traitement des donnÊes) : - dÊveloppement de la mÊthode des enquêtes mixtes (mÊnages/entreprises) et concepteur des enquêtes 1-2-3 pour la mesure statistique et l’analyse du secteur informel (rÊalisations en Afrique, AmÊrique latine et en Asie) ; - dÊveloppement des modules  Multiples dimensions de la pauvretÊ , j (PVWFS nance  et  DÊmocratie  (rÊalisations en Afrique et en AmÊrique latine) ; - appui aux instituts nationaux de statistique dans la mise en place et l’analyse des rÊsultats d’enquêtes. Économique : - fonctionnement du marchÊ du travail, secteur informel, dynamiques urbaines et impact sur les conditions de vie ; - liens entre gouvernance, dÊmocratie, nouvelles dimensions de la pauvretÊ et processus de dÊveloppement Êconomique ; - analyse des politiques publiques dans les pays en dÊveloppement : programmes E BKVTUFNFOU TUSVDUVSFM TUSBU�HJFT EF MVUUF contre la pauvretÊ, suivi et Êvaluation d’impact.

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.BSUJOF 4&("-&/ Courriel : msegalen@u-paris10.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 1984 : thèse d’État, "Quinze gĂŠnĂŠrations de CBT #SFUPOT .BSJBHF QBSFOUĂ’MF FU TPDJĂ?UĂ? EBOT MF QBZT CJHPVEFO TVE M M 1BSJT 7 3FOĂ? %FTDBSUFT TPVT MB EJSFDUJPO EF Jean Cuisenier UIĂ’TF EF TPDJPMPHJF EF e cycle, ÂŤ Le DIPJY EV DPOKPJOU EBOT VOF DPNNVOF EF M &VSF x 1BSJT 7 TPVT MB EJSFDUJPO E "MBJO (JSBSE EJQMĂ™NĂ?F EF M *OTUJUVU E Ă?UVEFT QPMJ UJRVFT EF 1BSJT TFDUJPO Ă?DPOPNJRVF FU financière privĂŠe Carrière professionnelle au CNRS Toute la carrière s’est faite au Centre d’ethnologie française, laboratoire associĂŠ au MusĂŠe national des arts et traditions QPQVMBJSFT Janvier 1986-fĂŠvrier 1996 : directeur du Centre d’ethnologie française. Carrière Ă l’UniversitĂŠ - 1er octobre 1995 - 30 septembre 1998 : professeur au dĂŠpartement de Sociologie, uniWFSTJUĂ? EF 1BSJT 9 /BOUFSSF FO EĂ?UBDIFNFOU du CNRS. - Directeur du DESS ÂŤ Consultant culturel. 1SPKFU DVMUVSFM FU FOWJSPOOFNFOU TPDJBM x depuis 1996, devenu Master 2 pro ÂŤ ConEVJUF EF QSPKFUT DVMUVSFMT $POOBJTTBODF des publics Âť. KBOWJFS KBOWJFS NFNCSF Ă?MV EV conseil d’administration.

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- mai 1999- mai 2003 : directeur ĂŠlu du dĂŠparUFNFOU EF 4PDJPMPHJF VOJWFSTJUĂ? EF 1BSJT 9 Nanterre. - 3 fĂŠvrier 2003-dĂŠcembre 2005 : première WJDF QSĂ?TJEFOUF EF M VOJWFSTJUĂ? EF 1BSJT 9 /BOUFSSF DIBSHĂ?F EV DPOTFJM E BENJOJT tration. - Chercheur Ă L’Institut parisien de recherche : architecture, urbanistique et sociĂŠtĂŠs *13"64 TFHNFOU EF M 6.3 - Ă€ compter du 1er septembre 2006 : directeur de la revue Ethnologie française, une revue EF M 6.4 EF MB .BJTPO EF M BSDIĂ?PMPHJF FU EF M FUIOPMPHJF EF /BOUFSSF 1BSJT 9 Actuellement, membre du Laboratoire d’analyses socioanthropologiques du conUFNQPSBJO -"4$0 EF M VOJWFSTJUĂ? EF 1BSJT Ouest Nanterre La DĂŠfense. CHAMP DE RECHERCHES Les travaux ont portĂŠ sur la plupart des champs relatifs Ă la famille, dans une perspective interdisciplinaire, associant sociologie, ethnologie et histoire : couple, famille, mariage, rituels, relations intergĂŠnĂŠrationnelles, parentĂŠ ont ainsi ĂŠtĂŠ abordĂŠs au fil du temps, dans la sociĂŠtĂŠ rurale, industrielle et contemporaine. Les travaux portent ĂŠgalement sur la question des patrimoines, de leur mise en valeur dans les musĂŠes.


Recherches en cours : - participation à une enquête collective, internationale de la Caisse nationale E BTTVSBODF WJFJMMFTTF $/"7 QPSUBOU TVS deux gÊnÊrations de familles immigrÊes de l’Afrique subsaharienne en France (transitions et transformations familiales) ; FTTBJ E FHP H�O�BMPHJF DIPJY EV DPOKPJOU et parentÊ dans un double contexte de migration.

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#SVOP 5)*#&35 Courriel : bruno.thibert@umontreal.ca TITRE ET DIPLĂ”MES EJQMĂ™NF E Ă?UVEFT TVQĂ?SJFVSFT TQĂ?DJB lisĂŠes, Système d’information gĂŠographique, universitĂŠ du QuĂŠbec Ă MontrĂŠal. SITUATION PROFESSIONNELLE "HFOU EF SFDIFSDIF FU BEKPJOU BV EJSFDUFVS de la Chaire de recherche du Canada en ĂŠtudes asiatiques Ă l’universitĂŠ de MontrĂŠal EFQVJT $PPSEPOOBUFVS EV QSPKFU Les dĂŠfis de la transition agraire en Asie du SudEst (The Challenges of the Agrarian Transition in Southeast Asia – ChATSEA ; 2005-2011) subventionnĂŠ par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada dans le DBESF EV QSPHSBNNF EFT (SBOET USBWBVY de recherche concertĂŠe. RÉSUMÉ DES TRAVAUX La transition agraire reprĂŠsente probablement le plus important processus de changements sociaux des trois derniers siècles. Dans les pays les plus fortunĂŠs du Nord, cette transformation est pratiquement BDIFWĂ?F BMPST RV FMMF TF QPVSTVJU UPVKPVST chez les sociĂŠtĂŠs en dĂŠveloppement du Sud. Nous dĂŠfinissons la transition agraire comme la transformation des sociĂŠtĂŠs constituĂŠes essentiellement de populations rurales dĂŠpendantes de la production agricole et organisĂŠes selon des structures rurales, Ă des populations principalement urbaines, industrielles et ĂŠtroitement soumises aux règles des marchĂŠs.

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-F QSPKFU DIFSDIF BJOTJ Ă‹ BDUVBMJTFS MB comprĂŠhension des mĂŠcanismes de la transition agraire en dĂŠveloppant un cadre de travail reflĂŠtant Ă la fois les nouvelles circonstances et les nouvelles conditions rencontrĂŠes par les sociĂŠtĂŠs aux prises avec cette transition, toutes choses devant contribuer au dĂŠveloppement d’une nouvelle approche de la thĂŠorie sociale. Quatre perspectives ont ĂŠtĂŠ retenues pour remettre en contexte les conditions de la transition agraire en cours. Ces fenĂŞtres conceptuelles fournissent l’approche thĂŠorique intĂŠgrĂŠe Ă la base du QSPKFU EF SFDIFSDIF &MMFT TPOU BJOTJ MJĂ?FT Ă (i) l’intensification du processus de la mondialisation Ă travers lequel les processus sociaux sont eux-mĂŞmes intĂŠgrĂŠs Ă l’espace global ; (ii) un partage plus complexe des ressources dĂŠterminant les conditions et les moyens de subsistance des populations, ce qui inclut la reconnaissance des caractères durables et ĂŠquitables des formes d’activitĂŠs proposĂŠes ; (iii) un remaniement de la territorialitĂŠ, ĂŠtant donnĂŠ que les processus Ă l’Êtude ne se rĂŠpartissent pas uniformĂŠment dans l’espace et que les catĂŠgories spatiales gĂŠnĂŠralement acceptĂŠes sont en cours de reconstitution ; et (iv) la reconnaissance que la façon dont se redĂŠploient les institutions et les acteurs influence les changements sociaux, ces mĂŞmes acteurs subissant au mĂŞme moment une importante mutation identitaire. L’Êquipe de recherche assemblĂŠe pour SĂ?BMJTFS MF QSPKFU DPNQSFOE DIFSDIFVST


provenant surtout des domaines de la gÊographie Êconomique, culturelle et environnementale, mais aussi d’autres disciplines telles l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, l’Êconomie, les Êtudes fÊministes ainsi que des Êtudes urbaines. Regroupant trois gÊnÊrations de chercheurs, l’Êquipe est composÊe de NFNCSFT QSPWFOBOU EF VOJWFSTJU�T et centres de recherches diffÊrents : 9 au $BOBEB V EF .POUS�BM .D(JMM 6 :PSL 6 6

PG 5PSPOUP 6 PG #SJUJTI $PMVNCJB 62". V -BWBM 8JMGSJE -BVSJFS 6 FU 6 PG 8BUFSMPP FO "TJF EV 4VE &TU 6 EV 7JĚ?U /BN )BOPJ $IJBOH .BJ 6 6 PG UIF 1IJMMJQJOFT %JMJNBO 6 (BEKBI .BEB 6 .BMBTZB 4BCBI FU /BUJPOBM 6 PG 4JOHBQPSF FO &VSPQF 6 PG %VSIBN FU V .JDIFM EF .POUBJHOF FU VOF FO "VTUSBMJF 6 PG 4ZEOFZ "V QMBO EF MB QSPEVDUJPO BDBEĂ?NJRVF MF QSPKFU permettra la rĂŠalisation de 65 thèses d’Êtudiants graduĂŠs.

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Olivier TESSIER Courriel : otessier2002@yahoo.fr TITRE ET DIPLĂ”MES 1995-2003 : docteur en anthropologie, universitĂŠ d’Aix - Marseille I, ÂŤ Le pays natal est un carambole sucrĂŠ Âť. Ancrage social et mobilitĂŠ spatiale : essai de dĂŠfinition d’un espace social local au nord du Vietnam. "DBEĂ?NJF E "JY .BSTFJMMF 6OJWFSTJUĂ? EF 1SPWFODF "JY .BSTFJMMF * EĂ?QBSUFNFOU d’Anthropologie secteur Lettres et sciences humaines, dĂŠcembre 2003, 658 p. + 150 p. d’annexes. 1991-1993 : ingĂŠnieur des techniques agronomiques des rĂŠgions chaudes, spĂŠciaMJTBUJPO (FT UJPO TPDJBMF EF M FBV $FOUSF national des ĂŠtudes agronomiques en rĂŠgions chaudes (CNEARC), Montpellier. RÉSUMÉ DES TRAVAUX Après une formation d’ingĂŠnieur en agronomie tropicale et une expĂŠrience de quatre annĂŠes comme responsable de QSPHSBNNFT EF EĂ?WFMPQQFNFOU #VSLJOB Faso, HaĂŻti), Olivier Tessier a dĂŠbutĂŠ en 1995 un doctorat d’anthropologie (universitĂŠ d’Aix-Marseille) dont le terrain se situait au OPSE EV 7JĚ?U /BN QSPWJODF EF 1IĂž 5IĚ’ "V fil de sa thèse, soutenue en 2003, il s’attache Ă montrer que l’espace rural kinh (ou viᝇt), gĂŠnĂŠralement conçu et dĂŠcrit comme l’agrĂŠgation d’unitĂŠs totales et exclusives que sont les villages, prĂŠsente un tout autre aspect lorsqu’il est envisagĂŠ sous l’angle des ĂŠchanges, de la dynamique de constitution et de transformation des espaces sociaux et politiques. Ă€ l’enracinement lĂŠgendaire des paysans ÂŤ Ă la terre de leurs ancĂŞtres Âť

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se substitue une rĂŠalitĂŠ plus complexe et foisonnante, celle d’une population mobile se dĂŠplaçant aisĂŠment au grĂŠ des opportunitĂŠs. CoĂŠditeur de l’ouvrage Le village en question qui finalisa un programme de recherche pluridisciplinaire menĂŠ DPOKPJOUFNFOU EF Ă‹ QBS MF centre de l’ÉFEO de HĂ Náť™i et l’AcadĂŠmie EFT 4DJFO DFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN 0MJWJFS Tessier a coordonnĂŠ, parallèlement Ă ses propres travaux de recherche, deux programmes de coopĂŠration scientifique (1999-2004) pour le compte de l’universitĂŠ catholique de Louvain dans les provinces NPOUBHOFVTFT EF 4ËŒO -B FU )Ă›B #Ă–OI 1FOEBOU MB NĂ?NF QĂ?SJPEF JM B QBSUJDJQĂ? Ă diffĂŠrentes missions d’expertise pour EFT PSHBOJTBUJPOT JOUFSOBUJPOBMFT 6OJPO FVSPQĂ?FOOF #BORVF NPOEJBMF &OĂśO JM B EJSJHĂ? EF KBOWJFS Ă‹ TFQUFNCSF MF QSPKFU '41 ÂŤ Appui Ă la recherche sur les enjeux de la transition ĂŠconomique et sociale au Viᝇt Nam Âť financĂŠ par le ministère des Affaires ĂŠtrangères et mis en Ĺ“uvre par le centre de l’ÉFEO de HĂ Náť™i. Dans le cadre de son recrutement Ă l’ÉFEO en qualitĂŠ de maĂŽtre de confĂŠrence (septembre 2006), il poursuit ses travaux de recherche consacrĂŠs Ă la question centrale de l’Êvolution des rapports ÂŤ État – collectivitĂŠs paysannes Âť au cours EFT 9*9e FU 99e siècles en les envisageant sous l’angle de la gestion de l’eau et de l’hydraulique, dont l’omniprĂŠsence ordonne le paysage et imprègne la culture des hommes. Concrètement, il convient


de s’interroger sur les conditions sociales, politiques et économiques de la mise en place d’une hydraulique à grande échelle dans les deltas du fleuve Rouge et du Mékong, d’envisager les possibilités de DPOUSÙMF EF MB UFSSF FU EFT IPNNFT PòFSUFT par un tel quadrillage de l’espace, de s’intéresser aux techniques de construction

qui ont progressivement abouti au remodelage du territoire, d’analyser les modalités d’intendance de l’eau mises en œuvre par les collectivités paysannes E VO DÙUÏ FU QBS M ²UBU BV USBWFST EF TFT corporations spécialisées, véritables services techniques, de l’autre.

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/JDPMBT ;6''&3&: Courriel : nico.zufferey@unige.ch

RÉSUMÉ DES TRAVAUX

TITRE ET DIPLÔMES

.PO QSJODJQBM TVKFU EF SFDIFSDIF FTU MF DPOGVDJBOJTNF RVF K BCPSEF TFMPO EJWFSTFT perspectives : - dans une perspective d’histoire intellectuelle, principalement le confucianisme durant la dynastie Han, 206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C. (ĂŠtudes et traduction du penseur 8BOH $IPOH BQS + $ - dans une perspective contemporaine (renouveau du confucianisme au 20e siècle, confucianisme et droits de l’homme, confucianisme et valeurs asiatiques, DPOGVDJBOJTNF FU EĂ?NPDSBUJF FO 31$ - dans une perspective littĂŠraire et culturelle, notamment dans la littĂŠrature contemporaine, principalement les romans E BSU NBSUJBVY +JO :POH FUD Je me suis par ailleurs intĂŠressĂŠ au statut de la femme en Chine ancienne (gender studies KF QBSUJDJQF Ă‹ VO QSPKFU EF SFDIFS che sur les reprĂŠsentations intellectuelles Chine-Japon-CorĂŠe.

1992 : thèse de doctorat en sinologie Ă M VOJWFSTJUĂ? EF (FOĂ’WF GBDVMUĂ? EFT MFUUSFT Wang Chong (27-97?) : Connaissance, politique et vĂŠritĂŠ en Chine ancienne. SITUATION PROFESSIONNELLE - Depuis 2002 : professeur, unitĂŠ des ĂŠtudes chinoises, facultĂŠ des lettres, universitĂŠ de (FOĂ’WF - Depuis 2002 : responsable de l’unitĂŠ des ĂŠtudes chinoises 7JDF EJSFDUFVS EV NBTUFS QMVSJEJTDJQMBJOF en ĂŠtudes asiatiques - De 2005 Ă 2008 : vice-doyen de la facultĂŠ des lettres

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Sigles et abrĂŠviations ACDI AFD "(&% AIDELF ".1 "1& "1* "447 "6' CARTEL $&'63%4 $&1&% $&310% CHATSEA $/"7 CNEARC CNRS DIAL EFEO EHESS ENSAE &1)& FELDA FIDA '41 4 (3"# (3&5 (40 IDH IEDES IFAN IFORD IHEID *)51 INED INSEE *13"64 IRASEC

Agence canadienne pour le dĂŠveloppement international Agence Française de DĂŠveloppement "MMPDBUJPO EF HBSEF E FOGBOU Ă‹ EPNJDJMF Association internationale des dĂŠmographes de langue française "TTJTUBODF NĂ?EJDBMF Ă‹ MB QSPDSĂ?BUJPO "MMPDBUJPO QBSFOUBMF E Ă?EVDBUJPO "MMPDBUJPO EF QBSFOU JTPMĂ? "DBEĂ?NJF EFT 4DJFODFT 4PDJBMFT EV 7JĚ?U /BN "HFODF VOJWFSTJUBJSF EF MB 'SBODPQIPOJF Centre d’applications et de recherches en tĂŠlĂŠdĂŠtection $FOUSF EF SFDIFSDIF TVS MF EĂ?WFMPQQFNFOU FU M VSCBOJTBUJPO $FOUSF GSBOĂŽBJT TVS MB QPQVMBUJPO FU MF EĂ?WFMPQQFNFOU $FOUSF E Ă?UVEFT FU EF SFDIFSDIF TVS MB QPQVMBUJPO QPVS MF EĂ?WFMPQQFNFOU Challenges of the Agrarian Transition in Southeast Asia $BJTTF OBUJPOBMF E BTTVSBODF WJFJMMFTTF Centre national d’Êtudes agronomiques des rĂŠgions chaudes Centre national de la recherche scientifique DĂŠveloppement, institutions et analyse de long terme École française d’ExtrĂŞme-Orient Ecole des hautes ĂŠtudes en sciences sociales Ecole nationale de la statistique et de l’administration ĂŠconomique &DPMF QSBUJRVF EFT IBVUFT Ă?UVEFT Federal Land Authority Fonds international de dĂŠveloppement agricole 'POET EF TPMJEBSJUĂ? QSJPSJUBJSF FO TDJFODFT TPDJBMFT (SPVQF EF SFDIFSDIF TVS M BOBMZTF CJPHSBQIJRVF (SPVQF EF SFDIFSDIFT FU E Ă?DIBOHFT UFDIOPMPHJRVFT (FOFSBM 4UBUJTUJDBM 0ĂłDF Indice de dĂŠveloppement humain Institut d’Êtudes du dĂŠveloppement ĂŠconomique et social Institut fondamental d’Afrique noire Institut de formation et de recherche dĂŠmographiques Institut de hautes ĂŠtudes internationales et du dĂŠveloppement *OTUJUVU E IJTUPJSF EV UFNQT QSĂ?TFOU Institut national d’Êtudes dĂŠmographiques Institut national de la statistique et des ĂŠtudes ĂŠconomiques *OTUJUVU QBSJTJFO EF SFDIFSDIF BSDIJUFDUVSF VSCBOJTUJRVF FU TPDJĂ?UĂ?T Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine

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IRD *31" IRSEA ISF *6&% *61 *7( JTD LARTES

LASCO LASDEL LESC LFS MAEE MLF MOLISA 0(. 0(4 OMC 1"$4 1"+& 4*( 6.3 64"*% 645)

Institut de recherche pour le développement *OTUJUVU SÏHJPOBM EV QBUSJNPJOF Institut de recherche sur le sud-est asiatique Indice synthétique de fécondité *OTUJUVU VOJWFSTJUBJSF E ÏUVEFT EV EÏWFMPQQFNFOU *OTUJUVU VOJWFSTJUBJSF QSPGFTTJPOOBMJTÏ *OUFSSVQUJPO WPMPOUBJSF EF HSPTTFTTF Journées de Tam Đảo Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (IFAN) Laboratoire d’analyses socioanthropologiques du contemporain laboratoire d’études et recherches sur les dynamiques sociales et le développement local Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative Labor Force Survey Ministère des Affaires étrangères et européennes Mouvement de libération des femmes Ministry of Labor, Invalids and Social Affairs 7J̏U /BN

0SHBOJTNF HÏOÏUJRVFNFOU NPEJöÏ 0óDF HÏOÏSBM EFT TUBUJTUJRVFT EV 7J̏U /BN Organisation mondiale du commerce 1BDUF DJWJM EF TPMJEBSJUÏ 1SFTUBUJPO E BDDVFJM EV KFVOF FOGBOU 4ZTUÒNF E JOGPSNBUJPO HÏPHSBQIJRVF 6OJUÏ NJYUF EF SFDIFSDIF 6OJUFE 4UBUFT "HFODZ GPS *OUFSOBUJPOBM %FWFMPQNFOU 6OJWFSTJUÏ EFT TDJFODFT FU UFDIOPMPHJFT EF )Ë /̘J

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Qu’est-ce que l’AFD ? Etablissement public, l’Agence Française de DĂŠveloppement (AFD) agit depuis soixantedix ans pour combattre la pauvretĂŠ et favoriser le dĂŠveloppement dans les pays du Sud et EBOT M 0VUSF NFS &MMF NFU FO ”VWSF MB QPMJUJRVF EĂ?ĂśOJF QBS MF (PVWFSOFNFOU GSBOĂŽBJT 1SĂ?TFOUF TVS MF UFSSBJO EBOT QMVT EF QBZT FU EBOT EĂ?QBSUFNFOUT FU DPMMFDUJWJUĂ?T E 0VUSF NFS M "'% ĂśOBODF FU BDDPNQBHOF EFT QSPKFUT RVJ BNĂ?MJPSFOU MFT DPOEJUJPOT de vie des populations, soutiennent la croissance ĂŠconomique et protègent la planète : scolarisation, santĂŠ maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, prĂŠservation de la forĂŞt tropicale, lutte contre le rĂŠchauffement climatique‌ En 2010, l’AFD a consacrĂŠ plus de 6,8 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en dĂŠveloppement et en faveur de l’Outre-mer. Ils contribueront notamment Ă la scolarisation de 13 millions d’enfants, l’amĂŠlioration de l’approvisionnement en eau potable pour 33 millions de personnes et l’octroi de microcrĂŠdits bĂŠnĂŠficiant Ă un QFV QMVT EF QFSTPOOFT -FT QSPKFUT E FĂłDBDJUĂ? Ă?OFSHĂ?UJRVF TVS MB NĂ?NF BOOĂ?F permettront d’Êconomiser près de 5 millions de tonnes de CO2 par an.

www.afd.fr

Agence Française de DĂŠveloppement SVF 3PMBOE #BSUIFT o 1BSJT $FEFY TĂŠl : 33 (1) 35 44 31 31 – www.afd.fr %Ă?QĂ™U MĂ?HBM ème trimestre 2011 ISSN : en cours

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MAISON D’ÉDITION TRI THỨC 53 Nguyễn Du - Hà Nội - Việt Nam Tél : (844) 3945 4661 ; Fax : (844) 3945 4660 Courriel : lienhe@nxbtrithuc.com.vn

Auteurs collectifs Transitions décrétées, transitions vécues Du global au local : approches méthodologiques, transversales et critiques. « Les Journées de Tam Đảo » (Việt Nam)

Responsable de la publication CHU HẢO Editeur : Nguyễn Bích Thủy Conception et mise en page : Tomorrow Media Couverture : Tomorrow Media

En partenariat avec Académie des Sciences Sociales du Việt Nam (ASSV) Agence Française de Développement (AFD)

Imprimé en 600 exemplaires, format 17 x 25,5 cm au SARL Hà Vĩnh. Licence numéro 6672011/CXB/7-24/TrT. Décision de publication 26/QĐLK - NXB TrT par le Directeur de la Maison d’Édition Tri Thức, signée le 30 juin2011. Dépôt légal : 3e trimestre 2011.


Transitions décrétées, transitions vécues Du global au local : approches méthodologiques, transversales et critiques L’Académie des Sciences Sociales du Việt Nam (ASSV), l’Agence Française de Développement (AFD), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’université de Nantes, l’École française d’Extrême-Orient (ÉFEO) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) ont décidé de soutenir l’université d’été en sciences sociales intitulée « Les Journées de Tam Đảo » dans le cadre d’un accord de partenariat 20102013. Ce partenariat a pour objectifs de développer une formation pluridisciplinaire d’excellence, de constituer une plate-forme de discussion sur les politiques et de drainer un large public académique et non académique à travers l’Asie du Sud-Est. Cet ouvrage présente un verbatim des interventions présentées et des débats tenus lors des séances plénières et des ateliers qui se sont déroulés du 16 au 24 juillet 2010 à Hà Nôi et à la station d’altidude de Tam Đảo sur la problématique de la transition. Le concept, et la variabilité des situations qu’il recouvre, ont été abordés selon quatre principaux axes d’étude : la transition agraire, la transition économique par le prisme de l’analyse quantitative et qualitative, les méthodes d’enquêtes de terrain en socioanthropologie du développement, la transition démographique et les transformations familiales.

CONTACTS Stéphane LAGRÉE École française d’Extrême-Orient, ÉFEO fsp2s@yahoo.fr Virginie DIAZ Département de la recherche, AFD diazv@afd.fr


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