Au sud du Sahara - Energie : fracture multiple

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au du SudSahara N°03

juillet-septembre 2013

L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD

l’Editorial

Energie : fracture multiple «

L’

électricité, c’est la lumière qui permet aux écoliers d’étudier, l’énergie qui permet de transformer une simple idée en entreprise, et la connexion qui permet de brancher l’Afrique sur le réseau de l’économie mondiale. » Ces mots sont ceux du Président américain Barack Obama. Ils ont été prononcés lors d’une très récente tournée africaine, en guise d’introduction à l’annonce d’une initiative américaine (Power Africa) pour le doublement de l’accès à l’électricité en Afrique au sud du Sahara. Ils font naturellement écho à l’initiative Energie durable pour tous lancée par le secrétaire général des Nations Unies il y a moins d’un an. Bien avant les déclarations récentes du président américain, les ménages et citoyens des pays africains, les sociétés civiles, les entrepreneurs, les politiques publiques et les bailleurs de fonds notamment avaient identifié le déficit d’accès à l’énergie comme principal frein au développement du continent et fait de l’accès universel à l’électricité un objectif prioritaire. Le diagnostic est donc aujourd’hui largement partagé ; la fracture énergétique entre l’Afrique subsaharienne et le reste du monde ne fait plus débat. Cette fracture peut encore s’accroître, puisque la croissance annuelle des capacités de production électrique suffit à peine à compenser la croissance démographique. Elle a aujourd’hui des effets sur les conditions de vie de 600 millions de personnes privées d’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne et impacte le développement de l’activité des entreprises et de l’économie de ces régions. Si l’initiative américaine de consacrer 7 milliards de fonds publics et 9 milliards de fonds privés au cours des cinq prochaines années est à saluer, elle ne représente malheureusement pas grand-chose au regard des 280 milliards de dollars nécessaires au financement d’un accès universel à l’électricité au sud du Sahara d’ici 2030. A cette première fracture, il convient d’en ajouter au moins deux autres. Les chiffres globaux masquent des réalités très diverses entre les pays et entre les territoires. La richesse des sous-sols ou des réseaux hydrographiques varie d’un pays à l’autre, et le déficit d’infrastructures de production à vocation régionale combiné au caractère lacunaire des réseaux d’interconnexions, ne permettent pas aux pays les moins favorisés de bénéficier des atouts de leurs voisins. Le niveau de dépendance externe, notamment à l’égard des importations d’hydrocarbures, se traduit par des écarts de coût du kWh d’un pays à l’autre. Par ailleurs, au sein même des pays, les déséquilibres territoriaux sont forts. Les populations des régions suburbaines et rurales ont un accès à l’électricité bien plus faible que les populations des villes principales et secondaires. Alors que 31 % de la population bénéficie d’un service d’électricité au sud du Sahara, cette proportion tombe à 12 % de la population en zones rurales. L’Afrique au sud du Sahara est pourtant riche de sources d’énergie diverses, abondantes et sous exploitées. Son réseau hydrographique, son ensoleillement et sa biomasse, ses ressources gazières et pétrolières sont l’objet de découvertes, de potentialités et d’attentions croissantes. Les modèles choisis aujourd’hui pour le rattrapage des fractures énergétiques de l’Afrique au sud du Sahara doivent permettre d’augmenter rapidement le niveau de production et l’accès des populations à un service d’électricité. Mais, la durabilité économique, sociale et environnementale des modèles énergétiques choisis est au cœur des enjeux locaux, régionaux et globaux. Ce numéro d’Au sud du Sahara fait le point sur les défis de l’accès à une énergie durable. Yves boudot Directeur du département Afrique de l’AFD

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DOSSIER

FOCUS ACTIVITÉ

agenda africain

Energie durable et accès à l’électricité

L’AFD et l’énergie

3ème trimestre 2013


le ledossier dossier

produire une énergie durable et accéder à un service fiable d’électricité au sud du sahara

produire une énergie durable et accéder à un service fiable d’électricité au sud du sahara Pour assurer un accès universel à l’électricité, les pays d’Afrique subsaharienne doivent massivement investir dans l’exploitation durable et maîtrisée des ressources disponibles. Cet objectif passe par des politiques publiques volontaires et des initiatives privées innovantes.

L’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne Dans son rapport World Energy Outlook de 2012, l’Agence Internationale de l’énergie (AIE) estime à 1,3 milliard le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité. En Afrique subsaharienne, ce sont deux habitants sur trois qui n’ont pas accès à l’électricité.

P

rès de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Si le taux d’accès moyen en Afrique subsaharienne atteint 58 % en zones urbaines, il n’est que de 12 % en zones rurales.

Etat des lieux pour l’Afrique au sud du Sahara Les disparités de situation entre les pays sont fortes, allant de 70 % en Afrique du Sud, à 10 % au Burkina Faso, en Tanzanie ou en Ouganda, avec moins de 5 % dans les zones rurales de ces pays. La capacité de production totale d’électricité des 48 pays de l’Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud atteint 28 gigawatts (GW), soit la capacité de l’Argentine. Le coût moyen de l’énergie produite atteint 0,18 USD/kWh et est près de deux fois supérieur à celui d’autres régions en développement. Ce contexte explique le faible niveau de consommation d’électricité par habitant qui n’atteint que 460 kWh par an en moyenne, et tombe même à 125 kWh sans l’Afrique du Sud, contre 1155 kWh dans le monde en développement, et 10200 kWh dans les pays à revenu élevé. Pour les populations non raccordées, les sources d’énergie disponibles sont essentiellement le bois, le charbon de bois et les résidus végétaux pour la cuisson. La biomasse traditionnelle représente encore en effet 60 à 90 % des bilans énergétiques en Afrique subsaharienne, avec dans certaines régions des impacts environnementaux préoccupants liés à la surexploitation forestière. Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et le pétrole lampant pour la cuisine et l’éclairage, les piles pour le petit appareillage électrique, les batteries pour la télévision et quelques modules solaires photovoltaïques isolés complètent ces sources d’énergie, et contraignent ces populations à payer leur énergie à un équivalent du prix du kWh plusieurs fois supérieur à celui payé par les populations raccordées au réseau. Pour réduire cette fracture énergétique, il faut à la fois mettre en place une électrification globale et moderniser les filières de biomasse énergie.

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Vers un accès universel, mais à quels coûts ? Lancée début 2012, l’Initiative du Secrétaire général des Nations Unies « Energie durable pour tous » (SE4All) souligne l’urgence de traiter conjointement les enjeux croisés de l’accès à l’énergie, du développement et de la lutte contre le changement climatique. Pour l’Afrique subsaharienne, l’effort se concentrera sur l’objectif d’accès à l’énergie pour tous avec deux cibles : l’accès à l’électricité et l’accès durable aux combustibles domestiques. Le continent ne représente que 3 % à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, pour 15 % de la population mondiale. Étant donné la consommation faible des ménages, l’électrification en Afrique aura un impact modéré en matière d’augmentation d’émissions. En revanche, les montants en jeu pour engager la transition énergétique et atteindre un accès universel à l’électricité sont considérables. La Banque Mondiale les estime à 860 Md$ d’ici 2030. Pour l’Afrique subsaharienne ils s’élèvent à 280 Md$ dont 193 pour la distribution, et 87 pour la production et le transport. Ces besoins sont largement supérieurs aux niveaux actuels d’investissements du secteur. Les ressources budgétaires publiques traditionnelles, l’aide publique au développement et les investissements privés dans le secteur n’y suffiront pas. L’initiative SE4All devra ainsi s’appuyer sur des contributions volontaires nouvelles et massives. Les bailleurs peuvent apporter une aide permettant de viabiliser certains investissements non rentables et financer l’assistance technique notamment en matière de renforcement de capacités des acteurs du secteur et d’aménagement des cadres institutionnels et réglementaires.

Et à quelles conditions ? Au-delà des ressources financières disponibles, une politique d’électrification durable et globale doit reposer sur quatre principes clés.

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Il faut avant tout assainir le secteur de l’électricité des pays d’Afrique subsaharienne en traitant les dysfonctionnements actuels, notamment en matière de tarifications, de faibles performances des opérateurs, et des pertes techniques et non techniques élevées avoisinant 30 à 35 %. Il faut également garantir un engagement politique pérenne et de haut niveau, pour planifier, prioriser et optimiser les solutions. Il faut prendre en compte la prédominance d’un habitat « hors réseau », essentiellement localisé dans les zones rurales et périurbaines peu densifiées. Cela induit un coût de connexion par foyer élevé, rendant indispensable un subventionnement initial pour le financement des investissements en milieu rural en Afrique subsaharienne. Et il faut enfin adapter le modèle institutionnel et les solutions techniques selon les contextes locaux avec pour critère essentiel la mise en place d’entités ayant la capacité financière, les compétences et l’autorité nécessaires pour assurer la réussite des programmes.

Rima Le Coguic responsable adjointe de la division Transport et énergie durable de l’AFD

280 Md$

pour financer l’accès universel à l’électricité au sud du Sahara Electrification de l’Afrique à l’horizon 2030

+1.3%

des émissions globales de CO2

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produire une énergie durable et accéder à un service fiable d’électricité au sud du sahara

L’hydroélectricité en Afrique ; potentiels avérés et risques à maîtriser L’hydroélectricité constitue un moyen de production très compétitif d’énergie. Au sud du Sahara, en maitrisant les effets sociaux et environnementaux de son exploitation, elle est en mesure d’apporter une réponse significative aux enjeux de l’accès des pays, des populations et des entreprises à une fourniture fiable d’électricité.

L

’hydroélectricité est actuellement de loin la première source d’électricité renouvelable dans le monde et sa part dans la production électrique dépasse celle du nucléaire.

Un potentiel largement sous exploité Les ressources non exploitées dans les pays en développement ou émergents restent considérables, notamment en Afrique, où les besoins en énergie sont largement non satisfaits. Le continent africain dispose pourtant à lui seul de 10 % des réserves hydrauliques mondiales économiquement exploitables. Or, à l’heure actuelle, 92 % de ce potentiel n’est pas valorisé. La capacité future restant à installer en Afrique représenterait 283 GW selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE). Derrière ces indicateurs globaux se cachent en réalité des situations très diverses. Dans la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) par exemple, plus de 60 % de l’énergie produite est d’origine hydraulique. Cette proportion atteint même près de 100 % en République centrafricaine. Dans la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en revanche, cette source d’énergie représente moins du 1/3 de la production électrique. Enfin, le prix du kWh d’origine hydroélectrique produit en Afrique subsaharienne est en moyenne de 0.01$, contre 0.04$ pour le charbon et près de 0.30$ pour les groupes électrogènes. L’hydroélectricité est ainsi susceptible de contribuer significativement à la fourniture de l’électricité au sud du Sahara, à des prix maîtrisés sur une base durable. Dans cette région, l’enjeu du développement des projets de barrages hydroélectriques trouve toute sa place. Il n’est pas sans soulever un certain nombre de risques, révélés au grand jour par certains projets aux impacts environnementaux et sociaux mal maîtrisés.

Maîtriser et gérer les risques environnementaux et sociaux En matière environnementale et sociale, la question de la réduction des impacts négatifs et du partage des bénéfices des barrages se pose depuis la conception, jusqu’à la construction et l’exploitation des ouvrages. La réduction des impacts sur la biodiversité et les écosystèmes reste un défi, notamment parce que ces impacts sont souvent irréversibles, et qu’ils

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peuvent avoir des incidences sur des territoires très vastes, parfois jusqu’aux embouchures des fleuves. Les impacts sociaux peuvent concerner les déplacements de populations, mais représenter aussi une perte d’accès à des activités économiques, aux terres, aux ressources naturelles ou au patrimoine culturel. Pour s’assurer que les populations concernées bénéficieront de ces grands ouvrages structurants, il faut que les projets intègrent dès leur mise en place de véritables composantes de développement local, y compris au plan environnemental. Dans le cadre du forum sur les grands barrages, les principaux bailleurs ont pris en compte ces impératifs et mettent en place des sauvegardes répondant à ce double enjeu environnemental et social.

Adapter les approches aux contextes Ce potentiel développable en Afrique et la prise en compte et la gestion des risques environnementaux et sociaux invitent à proposer des approches adaptées aux diversités des situations et des enjeux. La réhabilitation des ouvrages hydroélectriques existants vétustes, s’impose maintenant dans de nombreux pays, et peut représenter un premier effort de mise à niveau. L’hydroélectricité de moyenne et petite puissance reste sous valorisée dans de nombreux pays africains. Or, elle offre l’opportunité de développer des projets à forts impacts locaux, dont les effets négatifs sur les écosystèmes et les populations sont plus facilement maîtrisés. Elle nécessite des modes d’action spécifiques, dans lesquels le secteur privé peut être impliqué, et pour lesquels les bailleurs bilatéraux peuvent proposer des financements adaptés. Placés sur les grands fleuves transfrontaliers, les ouvrages hydroélectriques de grande taille favorisent quant à eux l’intégration régionale. La grande hydroélectricité fournit la puissance électrique dont les métropoles ou les entreprises africaines ont besoin, et permettent à certains Etats dépendants d’importations d’hydrocarbures, de mixer leurs ressources par l’achat d’une énergie renouvelable meilleur marché. La structuration financière et le montage institutionnel de ces investissements restent cependant complexes. Compte tenu de l’importance des montants financiers requis, la plupart des grands projets hydroélectriques africains ne pourront se faire qu’en cofinancement, en associant les bailleurs multilaté-

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raux et bilatéraux. C’est aujourd’hui également un moyen d’assurer la prise en compte systématique des sauvegardes environnementales et sociales de ces grands projets.

Christian de Gromard référent Energie à la division Transport et Energie Durable de l’AFD Jean-Noël Roulleau responsable de la division d’appui environnemental et social de l’AFD

Centrales hydroélectriques existantes ou en construction Nombre de centrales

Puissance (Mw)

Cameroun 44 96 36

Ethiopie 7

7 1 Ouganda 6

8

42

3 1 15

22

Côte d’Ivoire

Congo

53 Tanzanie 25 Petite (‹ 10MW) Grande (› 50MW)

Moyenne (entre 10 et 50MW)

Un très petit nombre de grandes centrales font la puissance dans certains pays. La moyenne hydro présente un intérêt en nombre d’unités (3 à 5 sites équipables dans chacun des pays listés), avec un apport en puissance qui reste significatif à l’échelle de beaucoup de pays africains. Les petites centrales enfin disposent d’un potentiel important en nombre et comptent pour le développement local des centres urbains secondaires ou des industries locales.

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produire une énergie durable et accéder à un service fiable d’électricité au sud du sahara

Vers des politiques publiques de promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ? Changement climatique et énergie sont désormais au cœur des politiques de développement durable, dans les pays développés comme dans les pays en développement. En répondant à des enjeux stratégiques différents, le Kenya et l’Afrique du Sud ont fait le choix de la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

A

vec 60 % de sa capacité installée d’origine renouvelable, le Kenya est reconnu pour sa contribution au développement des énergies renouvelables en Afrique.

Sécurité énergétique et ressources renouvelables au Kenya La forte dépendance de son système de production vis-à-vis de l’hydroélectricité (46 % de la capacité installée) rend cependant le pays particulièrement vulnérable aux aléas climatiques. Outre le potentiel hydraulique, le Kenya dispose d’un vaste potentiel géothermique, éolien, ou solaire, encore largement inexploité. Dans le domaine de la géothermie, ce potentiel est estimé à 7 000 MW, avec uniquement 200 MW installés. Au Kenya, l’exploitation d’énergies renouvelables, autres que l’hydroélectricité, est considérée comme un moyen stratégique pour renforcer la sécurité énergétique du pays et s’affranchir des coûteuses importations d’énergies fossiles tout en améliorant la résilience du système face aux sécheresses qui imposent des pénuries d’électricité récurrentes. Cela permettra au pays de répondre à la forte croissance de la demande, et de maintenir sur le long terme son indépendance d’approvisionnement face à l’émergence de la puissance hydraulique éthiopienne ou gazière de la Tanzanie, tout en répondant aux objectifs mondiaux de la lutte contre le changement climatique. Le Kenya a aujourd’hui l’objectif ambitieux d’augmenter la capacité géothermique de 5000 MW et éolienne de 2000 MW d’ici 2030. Des projets majeurs sont en cours de préparation et devraient voir le jour dans les années à venir. Les énergies renouvelables offrent aussi une option viable pour le secteur industriel à travers la cogénération, la petite hydraulique, ou pour électrifier des sites isolés à travers l’installation de systèmes hybrides associés à des mini-réseaux.

Un positionnement de marché national et régional pour l’Afrique du Sud L’Afrique australe regorge de ressources énergétiques. Elles sont fossiles comme le charbon, le pétrole ou le gaz, mais également renouvelables

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avec des cours d’eau au potentiel hydroélectrique considérable au nord, et un ensoleillement intense au sud. Mais contrairement au Kenya, les ressources renouvelables sont encore très peu exploitées à l’échelle régionale, et le charbon alimente toujours 80 % du parc du South African Power Pool (SAPP), largement dominé par l’Afrique du Sud qui produit 93 % de son électricité à partir du charbon. L’Afrique du Sud a pris des engagements internationaux sur le climat et accueilli la COP17 en 2011, affichant alors une volonté de rattrapage en matière de politiques pour le climat et l’énergie. L’Etat sud africain prévoit l’introduction massive d’énergies renouvelables exploitées par le secteur privé, le renforcement de l’efficacité énergétique et le développement de l’importation d’hydroélectricité produite par ses voisins. Ces choix faits par « la locomotive économique africaine » pourraient être de nature à créer un effet d’entraînement à l’échelle de la région. Avec près de 80 % de la capacité totale du SAPP, l’Afrique du Sud est le seul acheteur crédible d’électricité en Afrique australe. Son rôle est donc indispensable à la viabilité de grands barrages régionaux au Mozambique ou en RDC. Au plan industriel et des emplois associés, l’ouverture au secteur privé de la production d’électricité renouvelable représente un marché de taille suffisante pour le développement d’une industrie sud-africaine des renouvelables, qui aurait ensuite vocation à exporter vers les pays voisins. Cette diffusion est également possible pour le secteur de l’efficacité énergétique de l’industrie et des services pour lesquels des mécanismes de financements innovants du secteur se développent en Afrique du Sud avec un véritable potentiel de réplication. Ils accompagnent l’émergence d’un marché qui cible les entrepreneurs et industriels, mais également les particuliers et l’équipement des ménages.

muns à plusieurs pays, et la faible capacité technique et politique de la Southern African Development Community ont pour l’heure prévalu. Au Kenya le développement des énergies renouvelables à grande échelle se heurte à des obstacles techniques, financiers et politiques considérables. Ces technologies nécessitent la mobilisation de 7 Md$ d’ici 2016, la mise en place rapide de politiques et d’instruments de financement innovants, ainsi que le développement de compétences techniques et d’une main d’œuvre adaptées. Des obstacles notables que ces deux pays doivent encore franchir pour avoir les moyens de leurs ambitions. Maitane Concellon chargée de mission à l’agence AFD de Nairobi Damien Navizet chef du Bureau Changement Climatique et Maîtrise de l’Energie Direction des Affaires Européennes et Internationales au Ministère de l’Ecologie du Développement Durable et de l’Energie

60 %

au kenya

de la capacité installée est d’origine renouvelable

Le potentiel en géothermie est estimé à

7 000 Mw au kenya L’Afrique du sud représente

80%

de la capacité

installée du South African Power Pool

Un long chemin vers la soutenabilité Le chemin qui mène à un mix des ressources de production électrique en Afrique australe est encore long. Le charbon est en effet à l’origine de 53 % des projets de production à l’horizon 2016. Les difficultés à mettre en œuvre des projets com-

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“L’Etat sud-africain prévoit l’introduction massive d’énergies renouvelables exploitées par le secteur privé ”

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produire une énergie durable et accéder à un service fiable d’électricité au sud du sahara

Les banques commerciales, un levier de soutien à la transition énergétique Au-delà des infrastructures énergétiques de grande échelle, des économies d’énergie substantielles peuvent être réalisées par un grand nombre d’entreprises Sub-Sahariennes. En tant que partenaires du secteur privé, les banques commerciales africaines commencent à prendre conscience du rôle pivot qu’elles peuvent jouer dans le financement de la transition énergétique.

L

’efficacité énergétique (modernisation de l’appareil industriel, réduction des consommations d’énergie dans le résidentiel, etc.) et le développement des énergies renouvelables (biomasse, solaire, etc.) permettent aux entreprises de réduire leur facture énergétique et d’assurer un approvisionnement plus régulier en énergie.

Un marché de l’énergie durable encore peu mature Malgré un potentiel avéré, le financement d’investissements d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable par les banques reste encore limité du fait d’un ensemble d’obstacles techniques et financiers. Premièrement, les cadres règlementaires nationaux ne sont pas toujours adaptés pour financer l’énergie durable à petite échelle. Ensuite, le manque d’expertises locales pour appuyer dans la faisabilité de l’investissement (choix des technologies, études de faisabilité, audits) est également une source de difficultés. Enfin, les compétences encore limitées au sein des banques pour analyser ces projets et les risques associés à leur structuration sont également à souligner. La petite entreprise est souvent perçue comme plus risquée avec des capitaux limités et un manque de garanties réelles adossées au crédit. Néanmoins, il existe un marché intermédiaire entre les grandes entreprises déjà régulièrement financées par les banques locales et les entreprises qui ne seraient pas à même de bénéficier d’un crédit.

Mais de nombreuses opportunités d’affaires pour les banques commerciales Certaines banques commerciales africaines prennent conscience des opportunités d’affaires qu’elles pourraient retirer du financement des investissements d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable en particulier dans les secteurs économiques qu’elles financent traditionnellement (industrie, agriculture, bâtiment, tourisme, etc.). L’attractivité commerciale et le fort potentiel de

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réplication des investissements sont des gages de développement d’un marché pérenne où les banques commerciales pourraient développer de nouveaux produits. Par ailleurs, les banques commerciales peuvent également y voir l’opportunité indirecte d’améliorer la qualité de leur portefeuille en renforçant la compétitivité de leurs clients qui auraient effectué des économies substantielles d’énergie. Ces clients seront moins exposés à la volatilité des prix de l’énergie, leur trésorerie sera améliorée et leur probabilité de défaut réduite.

Une conjoncture favorable au financement des énergies propres par le secteur privé en Afrique Subsaharienne

L’utilisation d’énergie augmente de

2.7 %

entre 1990 et 2010

Des bailleurs de fonds pour catalyser cette dynamique Les bailleurs de fonds participent à la prise de conscience naissante des banques commerciales africaines et appuient ces institutions financières pour enclencher le financement des projets d’énergie durable. L’appui des bailleurs peut consister d’une part à proposer des instruments financiers de long terme (prêts, garanties en monnaie locale ou ressources financières en capital), et d’autre part à contribuer au renforcement des capacités techniques des entreprises et des banques. Les programmes de renforcement des capacités sont un élément clé. Ils consistent en particulier à appuyer les banques dans l’identification de projets énergétiques innovants et l’évaluation des dossiers de crédit correspondants. Ces programmes attachent également une importance particulière à la sensibilisation et à l’appui aux entreprises pour la conception de leurs investissements. Ainsi, une réflexion doit s’engager sur ces nouvelles opportunités de financement afin de stimuler la production d’énergie durable par les entreprises, premier pas privé d’un développement durable de l’économie.

Les émissions de CO2 augmentent de

56%

entre 1990 et 2009

La croissance démographique est de

2.6 % 57%

par an en moyenne

de l’électricité produite provient du charbon

Le crédit intérieur au secteur privé représente

61,8   %

Céline Bernadat chef de projet au département Entreprises, Banques et collectivités de l’AFD

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du produit intérieur brut en 2011

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l’activité

au sud du sahara

Les principaux modes d’intervention de l’A FD pour un accès élargi à une énergie durable au sud du Sahara En 2012, le financement de l’accès à une énergie durable au sud du Sahara a mobilisé plus du quart des engagements financiers du groupe AFD pour la région (515 M€). Le caractère prioritaire de l’accès à l’énergie dans les pays d’intervention de l’agence et la taille par nature importante des investissements nécessaires, font de l’énergie durable le premier secteur d’intervention de l’AFD wen Afrique subsaharienne.

R

épondant aux priorités des politiques de développement des pays dans lesquels elle intervient, et en partenariat avec les autres acteurs du financement de ces économies, l’AFD concentre son effort sur quatre objectifs complémentaires.

Quatre objectifs complémentaires L ’AFD accompagne depuis longtemps le nécessaire développement de l’offre énergétique en Afrique, pour contribuer financièrement à répondre au défi de la production d’électricité et mettre notamment en valeur le potentiel renouvelable, souvent hydroélectrique, de l’Afrique subsaharienne. Proparco, la filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé accompagne les opportunités de production privée d’électricité, en privilégiant les projets les moins carbonés. Les interconnexions électriques régionales ainsi que le développement de réseaux de transport et distribution performants et adaptés à la nouvelle demande sont également une priorité, pour désenclaver les régions, les pays et les hommes d’une part, et améliorer le mix énergétique des pays les plus dépendants des importations d’hydrocarbures d’autre part. Les projets d’accès à l’énergie font également l’objet d’un suivi particulier, pour les populations des zones rurales et suburbaines notamment. Enfin l’Afrique subsaharienne concentre le financement d’actions de renforcement de la capacité des acteurs et d’appui aux politiques publiques de l’énergie. L’AFD mobilise toute la diversité et la complémentarité de ses modes d’intervention pour mettre en œuvre ces orientations.

Des prêts bonifiés aux Etats et aux sociétés publiques Ainsi, les projets d’infrastructures énergétiques de production ou de transport, d’intérêt national ou régional, majoritairement portés par les Etats ou leurs opérateurs, peuvent bénéficier de financements en prêts souverains bonifiés de l’AFD. Ce mode d’intervention a récemment permis de financer la construction d’une centrale hybride solaire photovoltaïque et thermique en Mauritanie

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par un prêt de 19M€, permettant d’alimenter en électricité la seconde ville du pays et de favoriser l’émergence d’une filière alternative à l’énergie fossile. L’énergie étant un secteur rentable, et du fait de contraintes croissantes sur leur capacité d’endettement, de nombreux Etats ne souhaitent ou ne peuvent plus donner leurs garanties sur des projets énergétiques. Des prêts non souverains permettent alors de soutenir la concrétisation de projets rentables à risques maîtrisés, auprès de contreparties financièrement viables. Ainsi, un prêt non souverain de 141 M€, consenti en 2011 à l’opérateur public ghanéen de transport d’électricité (GRIDCO) a permis de financer le renforcement du réseau national et l’interconnexion avec le Burkina Faso. De même, en 2009, un prêt non souverain de 45 M€ à l’opérateur public d’électricité éthiopien a permis le financement partiel de la première ferme éolienne de 125 Mw, située dans le nord du pays, dont le marché a été remporté par la société Vergnet Eolien.

L’intermédiation auprès des banques locales L’intermédiation bancaire en prêts ou en garanties via des institutions financières locales permet de favoriser le financement de projets de montant unitaire moindre et de démultiplier l’action de l’AFD, notamment sur les investissements d’efficacité énergétique ou d’autoproduction à base d’énergie renouvelable. En 2013, l’AFD a par exemple accordé un prêt de 23 M€ à une banque ougandaise, dédié au financement de projets d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelables portés par les entreprises du pays.

Les subventions Enfin, les subventions ne sont mobilisées que pour financer de l’assistance technique, en soutien aux politiques énergétiques ou en appui à des opérateurs, notamment dans l’accompagnement de programmes de remise à niveau du secteur électrique. Les subventions restent néanmoins nécessaires dans le cadre de financements mixant prêts et dons, pour faire émerger des projets de plus faible rentabilité, notamment sur l’accès, les filières renouvelables encore insuffisamment rentables ou sur des infrastructures énergétiques structurantes au niveau régional. En 2012 en accompagnement d’un prêt de 75 M€ à la BOAD dédié au financement de projets publics de développement des énergies durables dans la zone UEMOA, une subvention de l’AFD a permis de financer le renforcement des capacités des équipes énergie de la banque régionale chargées de mettre en œuvre ces financements. Les autorisations de financement de l’AFD dans le secteur de l’énergie en Afrique subsaharienne en 2012 Par instrument financier

13 %

1 % Subventions

Proparco

43 %

43 %

Prêts non souverains

Prêts souverains

L’appui au secteur privé Les prêts aux conditions de marché de Proparco, et les outils de fonds propres ou de quasi fonds propres permettent d’accompagner les développeurs et les promoteurs des projets privés de production. L’opérateur privé chargé de la construction et de l’exploitation en concession du barrage de Bujagali en Ouganda, réalisé au fil de l’eau sur le Nil blanc, a ainsi bénéficié d’un prêt de Proparco et de l’AFD de 72,8 M$. Cette centrale de 250 Mw produira à terme à elle seule près de la moitié de l’électricité nécessaire au pays.

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Par type de projets

27 %

7 %

Appui aux politiques publiques

Production thermique

30 %

36 %

Transmission et distribution

Production solaire

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l’agenda africain

du 3 ème trimestre 2013

événements du 8 Septembre au 30 octobre 2013

J ournée internationales de l’alphabétisation 8 septembre C onférence « Education et développement » 10 au 12 septembre, Oxford, Angleterre friwater 2013 A 17 au 20 septembre, Johannesbourg, Afrique du sud Conférence des ambassadeurs 27 au 30 août, Paris, France F orum mondial Convergences 2015 17 au 19 septembre, Paris, France Réunion Zone franc 2 et 3 octobre, Paris, France onférence ID4D Agro-écologie et sécurité C alimentaire 3 octobre, Paris, France frica Power Forum A 10 et 11 octobre, Abidjan, Côte d’Ivoire ssemblées Annuelles du FMI A et de la Banque mondiale 11 et 12 octobre, Washington DC, Etats Unis

au du SudSahara

onférence ID4D L’amélioration C des conditions de travail au Sud 17 octobre, Paris, France

L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD

Publié par l’Agence Française de Développement, et édité par le département Afrique subsaharienne 5, rue Roland Barthes,75012 Paris. Téléphone : 01 53 44 37 50. www.afd.fr Directrice de la publication : Anne Paugam Directeur adjoint de la publication : Yves Boudot Rédacteur en chef : Benoît Verdeaux Comité éditorial : Philippe Chedanne, Jean-François Almanza, Vanessa Jacquelain, Estelle Mercier, Benoît Verdeaux. Ont participé à ce numéro : Rima Le Coguic, Christian de Gromard, Jean-Noël Roulleau, Maitane Concellon, Damien Navizet, Céline Bernadat. Création graphique : 15, rue Ambroise Thomas 75009 Paris , Téléphone : 01 40 34 67 09, www.noise.fr / Édition et coordination : Lionel Bluteau et Marion Pierrelée.

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Les analyses, interprétations et conclusions des articles de cette lettre sont formulées sous la responsabilité de leurs auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue des administrateurs de l’AFD

au sud du sahara - n°3

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