dans les terroirs. La même tendance a été observée dans d’autres régions du Mali notamment celles du Nord dont les flux se dirigent vers les pays du Maghreb. Pris sous cet angle, les dynamiques migratoires féminines sont aussi placées sous l’influence d’importants facteurs sociohistoriques transcendant les décisions individuelles (Wallerstein, 1974 ;
Castells, 1989). Le capitalisme global invoqué dans la théorie des systèmes mondiaux (Wallerstein, 1983), et la segmentation du marché du travail exposée dans la théorie du double marché du travail de Piore (1979) ont permis de questionner autrement le déploiement des flux concernés, en rendant le colonialisme et le néocolonialisme grandement responsables de la décomposition des
sociétés pénétrées par leurs méthodes et pratiques. Ainsi, d’après la théorie des systèmes mondiaux, la migration est davantage susceptible de se produire entre les puissances coloniales d’hier et leurs
anciennes colonies, ou tout du moins dans leurs zones d’influence. Ainsi, la France et l’espace francophone constituent les premières destinations des migrations ouest-africaines dont le courant
féminin ne cesse de se renforcer (Kamdem, 2016, 2020 ; Ba, 2018), facilitées par leurs communs aspects culturels, linguistiques, administratifs et éducatifs, ainsi que par l’efficacité des moyens de transports et de communications qui les relient (Massey et al. 1993 ; Sassen-Koob, 1984).
Au Burkina Faso, la plupart des auteurs qui ont étudié les migrations burkinabè (Songré, 1972 ; Boutillier,
1975 ; Lahuec, 1979; Coulibaly, 1986, Cordell et al., 1996) lient le phénomène à la pénétration coloniale et le situent au début des années 1890 4. Le rôle premier a été de fournir aux pays voisins, et spécialement à la Côte d’Ivoire, une main-d’œuvre abondante et peu chère. Ce processus impulsé pendant la colonisation se perpétue de nos jours mais avec des motifs différents.
S’agissant de l’émigration internationale au Sénégal, les premiers départs à l’étranger reposent sur les statuts « d’auxiliaires » de l’administration française et de maisons de commerce dans les territoires
sous domination française (Goerg, 1986).
Soldats démobilisés de la Première Guerre, marins et autres « aventuriers » ont posé les jalons de la
présence durable des Sénégalais en France à partir de Marseille (Fall, 2018 ; Lessault & Flahaux, 2013). La reconstruction de la France d’après-guerre ouvre la voie à des vagues migratoires de main-d’œuvre qui connaîtront un premier ralentissement en 1974 suivi d’une quasi fermeture du territoire français.
1.2. Prise en compte croissante des aspects sociologiques et psychologiques dans la compréhension des mobilités féminines ouest-africaines Les aspects sociologiques et psychologiques du narratif des migrations féminines en Afrique de l’Ouest s’appuient sur des travaux fondateurs postulant les principes de répulsion/attraction, le
façonnement des réseaux migratoires, le transnationalisme, les institutions et les aspects psychologiques complémentaires. Ces aspects sociologiques et psychologiques mettent la famille
au cœur des processus migratoires en tant que principale composante du projet migratoire (Zlotnik, 2003).
4
Certains auteurs (historiens comme démographes) situent les premières vagues migratoires en 1896, début de l'occupation française où "Les Mossi fuyaient leur village face à l'invasion française" (Coulibaly, 1986 :74).
11