1. La démocratie électorale : un modèle universel ? 1.1
Diversité et complexité de la démocratie
1.1.1
La procédure électorale comme socle des régimes démocratiques nationaux
Il n’existe pas de définition consensuelle et stabilisée de la démocratie ni au niveau des sciences politiques, ni au niveau institutionnel. Si certains de ses éléments constitutifs sont abordés par exemple dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 1, il n’y a pas à proprement parler de définition explicite de ce que serait « une » démocratie ou un régime démocratique. La démocratie est un concept abstrait, multidimensionnel et contesté :
Concept abstrait du « gouvernement de tous » ou du « pouvoir du peuple », selon les racines étymologiques du mot « démocratie », que certains caractérisent comme « gouvernement par la discussion » 2, parfois étendu au « gouvernement par la discussion publique rationnelle et libre entre citoyens juridiquement égaux » (Schudson & Girard, 2012) ou sous une autre forme d’ « expérience collective conduite par les citoyens à travers un dialogue informé » 3 ;
Concept multidimensionnel d’une part parce qu’aucun critère ne peut définir à lui seul la démocratie et d’autre part parce qu’elle s’applique à des champs et à des échelles multiples : on parle ainsi de démocratie locale, de démocratie des communs, de démocratie numérique ou sanitaire, de démocratie sociale ou encore d’entreprise, de plus en plus de démocratie climatique, etc. Le concept de « démocratie » a cela de caractéristique qu’il est très souvent adossé à un qualificatif, permettant de multiples de variations dessinant autant de modèles (Collier & Levitsky, 1997; Hidalgo, 2008).
Enfin, concept « essentiellement contesté », « un concept dont la bonne utilisation entraîne inévitablement des différends sans fin sur leur utilisation appropriée de la part de leur utilisateur » selon Gallie (1955, p. 169), notamment quant à la variété de ses formes, de sa déclinaison d’un modèle occidental 4 et de l’interrogation autour de portée universelle comme l’a montré par exemple le débat sur les « Asian values ».
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L’article 29 mentionne à ce titre que « (…) chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (Assemblée Générale des Nations Unies, 1948). L’expression « Government by discussion » a été popularisée par Walter Bagehot, journaliste et économiste anglais du XIXème siècle (Bagehot, 1873). Elle semble devoir être attribuée à l’origine à John Stuart Mill (Ford, 1970). Amartya Sen l’a reprise sous la forme de « Government through discussion » dans son ouvrage Collective Choice and Social Welfare (A. Sen, 2018). Définition attribuée au psychologue et philosophe John Dewey (Dewey, 1916). On peut à ce sujet se demander si la démocratie moderne est définie à partir d’un ensemble culturel et géographique occidental ou si à l’inverse ce ne serait pas la démocratie elle-même qui donnerait corps au concept d’Occident, dans lequel on inclut généralement le Japon et la Corée du sud et de plus en plus souvent Israël voire le Chili.
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