36 L A R E V U E D E P R O PA R C O
Q U AT R I È M E T R I M E S T R E 2 0 2 1
AC C OM PAG N E M E N T TECHNIQUE ÉLARGIR LE CHAMP DES POSSIBLES
R E N F O R C E M E N T D E C A PA C I T É S PERFORMANCE
ENJEUX RSE
I M PA C T S I N N O VAT I O N INCLUSION FINANCIÈRE
Une publication de Proparco, Groupe Agence française de développement, société au capital de 693 079 200 €
151, rue Saint-Honoré, 75001 Paris - France Tél. (+33) 1 53 44 31 07 Courriel : revue_spd@afd.fr Site web : www.proparco.fr Blog : blog.secteur-prive-developpement.fr
Directeur de publication Grégory Clemente
S O M MA IR E 04 C O N T R I B U T R I C E S ET CONTRIBUTEURS
Fondateur Julien Lefilleur
Directrice de la rédaction et rédactrice en chef Laurence Rouget-Le Clech
Rédacteur en chef exécutif Pierre Tiessen
Chef d'édition Olivier Jules Jaubert
Comité éditorial Axelle Bergeret-Cassagne, Christel Bourbon-Seclet, Laure Bourgeois, Myriam Brigui, Marianne Cessac, Fariza Chalal, Johann Choux, Christophe Cottet, Xavier Echasseriau, Pierre Forestier, Djalal Khimdjee, Olivier Luc, Elodie Martinez, Gonzague Monreal, Gregor Quiniou, Françoise Rivière, Laurence Rouget-Le Clech, Bertrand Savoye, Camille Severac, Samuel Touboul, Baptiste Tournemolle, Hélène Verrue
Advisory board Jean-Claude Berthélemy, Paul Collier, Kemal Dervis, Mohamed Ibrahim, Pierre Jacquet, Michael Klein, Nanno Kleiterp, Ngozi Okonjo-Iweala, Jean-Michel Severino, Bruno Wenn, Michel Wormser
Conception et réalisation LUCIOLE
Crédit photo (couverture) iStock / Getty Images
Traduction Jean-Marc Agostini, Neil O’Brien/Nollez Ink, Sam O’Connell
Impression sur papier certifié PEFC 70 % Pure Impression – ISSN 2103 3315 Dépôt légal 23 juin 2009
08 C A D R A G E L’accompagnement technique, un outil stratégique au service du développement Par Andrew Shaw
12
A N A LY S E
32 A N A L Y S E Investissement et AT au féminin : duo gagnant pour maximiser l’impact social et les rendements financiers Par Christina Juhasz et Harsha Rodrigues
36 F O C U S Les incubateurs et accélérateurs de start-up renouvellent l’accompagnement technique Par Dahlia Hawili et Aïda Ndiaye
Comment libérer tout le potentiel de l’accompagnement technique
38 F O C U S
16
Accompagner les acteurs privés et publics pour favoriser l’émergence d’écosystèmes innovants
Par Marnix Mulder
ENTRETIEN
Témoignages de trois organisations bénéficiaires
Entretien avec Ravi Shankar, Michelle Espinach et Patrick Joseph
20 F O C U S Financement et AT, terreau fertile pour la croissance des entités agricoles en Afrique Par Gabrielle Orliange
22 É T U D E D E C A S Les IFD se réinventent pour monter en puissance en tant qu’investisseurs à impact Par Tori Hellrung et Sarah Marchand
26 C H I F F R E S - C L É S
30 O P I N I O N Dix règles incontournables pour réussir un programme d’accompagnement technique Par Peter Hinton et Lynn Pikholz
Par Amance Bustreau et Ariane Philis
40 O P I N I O N L’accompagnement technique diffuse une forte culture des enjeux E&S – et de leurs solutions Par Teddy Deroy
42 E N T R E T I E N « Avec l’AT, l’Union européenne soutient la croissance durable et l’emploi décent dans les pays en développement » Entretien avec Erica Gerretsen
46 É T U D E D E C A S Concrétiser tout le potentiel énergétique de la RDC grâce à l’accompagnement technique ar Stephen Berson, Stéphane Woerther P et Guillaume Estager
50 D E R N I E R S N U M É R O S
ÉDITO
Camille Severac Responsable de la cellule Accompagnement technique et mixage des ressources, Proparco
L’
accompagnement technique (AT) est un accélérateur de performance, de pratiques responsables et d’impact. Il est un moyen pour les institutions financières de développement (IFD) d’encourager la prise en compte et la diffusion d’enjeux stratégiques pour leurs partenaires et bénéficiaires grâce au renforcement de leurs compétences via l’apport d’expertise externe. Il y a dix ans, la revue Secteur privé & Développement consacrait un numéro spécial à l’accompagnement technique alors que celui-ci était encore un moyen d’action peu développé dans les projets en appui au secteur privé. Aujourd’hui, c’est devenu un instrument au service du développement communément utilisé par l’ensemble des acteurs (organisations internationales, bailleurs de fonds, investisseurs d’impact, etc.). Ce nouveau numéro consacré à l’AT est l’occasion de se pencher sur les multiples facettes de cet instrument, d’en dresser le bilan afin d’améliorer son efficacité et ses impacts, mais aussi de présenter et d’imaginer ses nouvelles formes et usages qui permettront de répondre aux enjeux du monde de demain : climat, résilience aux crises, justice sociale, réduction des inégalités femmes-hommes, capacité d’adaptation aux grandes transitions. Les volumes financiers consacrés à l’accompagnement technique par les institutions européennes de financement du développement (IEFD – EDFI en anglais) témoignent de la montée en puissance de cette offre : on a assisté à un doublement de son montant sur les six dernières années. Des bailleurs comme l’Union européenne (UE) ont par ailleurs renforcé leur collaboration avec les EDFI en leur déléguant des financements et des subventions d’AT, ce qui a permis aux institutions européennes d’augmenter l’appui qu’elles apportent au développement du secteur privé. D’un accompagnement initialement centré sur le renforcement des capacités de ses clients, l’offre d’AT proposée par les IFD s’est petit à petit, et assez naturellement, positionnée vers un accompagnement plus large dont peuvent bénéficier un ensemble d’acteurs qui interviennent dans l’environnement des affaires du secteur privé, et par extension des écosystèmes locaux ou régionaux. L’amélioration des pratiques des entreprises permet ainsi d’avoir plus globalement un effet d’entraînement sur le secteur ou la filière en général et, à plus long terme, de contribuer à leur structuration. Si l’appui au développement des affaires dans un nouveau marché au niveau de l’entreprise était déjà proposé avec l’AT (étude de marché, étude d’opportunité, adaptation de business model), il s’agit désormais avec cet instrument d’aller plus loin en se positionnant en amont de la demande afin de démontrer aux acteurs le potentiel de marché ou les conditions d’intervention, et de le rendre favorable à l’émergence d’acteurs. L’AT permet alors d’explorer de nouveaux marchés dans des environnements plus risqués, moins matures. D’élargir le champ des possibles.
03
CONTRIBUTRICES ET CONTRIBUTEURS
Stephen Berson
Amance Bustreau
Responsable monitoring & évaluation, Programme Essor
Chargée de projet, Expertise France
Spécialiste de l’évaluation et du suivi, Stephen Berson dispose de plus de dix ans d’expérience dans la coopération internationale en faveur du développement. Il est intervenu sur le terrain en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. Actuellement basé en République démocratique du Congo (RDC), il est responsable du suivi et de l’évaluation (Monitoring & Evaluation) du programme Essor.
Titulaire d’un magistère en économie du développement (Cerdi), Amance Bustreau a travaillé pendant deux ans dans le domaine de la microfinance en France. En novembre 2020, elle a intégré Expertise France comme chargée de projet sur le secteur privé en Libye, avant de prendre en charge le suivi et l’évaluation du projet Innov’i-EU4 Innovation en Tunisie.
Teddy Deroy
Guillaume Estager
Directeur Europe, Afrique de l’Est et du Nord, IBIS Consulting
Associé, Philae Advisory
Ingénieur chimiste de formation (ESPCI Paris) et titulaire d’un MSc en sciences de l’environnement (Imperial College London), Teddy Deroy est devenu un expert des standards internationaux et des enjeux globaux (sociaux, sociétaux, fonciers et éthiques) dans le contexte africain. Il est l’un des associés et fondateurs d’IBIS Consulting et dirige les agences IBIS Afrique de l’Est (Kenya), Afrique du Nord (Maroc) et Europe (France).
Guillaume Estager est associé chez Philae Advisory. Il travaille depuis vingt-cinq ans dans les domaines du private equity et du financement de projets dans l’énergie, les infrastructures et le secteur des hydrocarbures sur le continent africain, notamment en tant que responsable M&A pour les activités aval de la major Shell. Guillaume Estager est diplômé d’HEC (programme Grandes Écoles).
Dahlia Hawili
Tori Hellrung
Cheffe de projet entrepreneuriat et économie inclusive, AFD
Responsable Impact, CDC Plus
Dahlia Hawili est cheffe de projet entrepreneuriat et économie inclusive au sein du département Transition économique et financière à l’Agence française de développement (AFD). Spécialisée dans l’appui aux TPE/PME et aux entreprises sociales, elle participe au financement de programmes publics d’appui à l’entrepreneuriat, permettant le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux inclusifs, principalement en Afrique.
Cadre de direction au sein de CDC Group, Tori Hellrung est spécialisée dans la mesure d’impact et la gestion de portefeuille pour les investisseurs d’impact. Avant de rejoindre l’institution britannique, elle était consultante chez Universalia, où elle était chargée d’évaluer la performance de clients parmi lesquels la Banque mondiale, l’ONU et des fondations internationales. Tori Hellrung est titulaire d’un MBA de l’université d’Oxford et d’un BA obtenu à l’université McGill.
04
CONTRIBUTRICES ET CONTRIBUTEURS
Peter Hinton
Christina Juhasz
Banquier conseil et chercheur associé à la Saïd Business School, Université d’Oxford
Responsable des investissements, Women’s World Banking Asset Management
Le parcours de Peter Hinton passe par le private equity, la banque, la distribution, le corporate finance et la comptabilité. Il enseigne aujourd'hui à la Saïd Business School dans le cadre de deux programmes de l’université d’Oxford et exerce un rôle de conseil auprès de CapitalPlus Exchange (CapPlus). Peter Hinton a par ailleurs contribué au premier numéro de Secteur privé & Développement consacré à l’accompagnement technique, paru en 2011.
Christina Juhasz est responsable des investissements chez Women’s World Banking Asset Management. Elle pilote la gestion des fonds d’investissement à impact WWB Capital Partners I et II. Son rôle consiste à orienter les investissements en capital vers des prestataires de services financiers inclusifs, afin d’accroître leur portée auprès des femmes, qu’elles soient clientes, salariées ou dirigeantes d’entreprise.
Sarah Marchand
Marnix Mulder
Directrice, CDC Plus
Directeur pour le développement des marchés, Triple Jump
Sarah Marchand, qui a rejoint CDC Group en 2017, est responsable du programme Impact. Disposant de quinze ans d’expérience, tant dans le secteur privé que dans celui du développement, elle travaille depuis une dizaine d’années aux côtés d’équipes d’investissement, se spécialisant dans la création de valeur post-investissement. Sarah Marchand a ainsi mis en place et piloté des programmes d’accompagnement technique liés aux fonds de capitalinvestissement appuyés par CDC, mais indépendants de ces derniers.
Avec plus de vingt ans d’expérience dans le financement du développement et le conseil sur les marchés naissants, Marnix Mulder est un spécialiste de l’inclusion financière dans les stratégies de développement des marchés. Chargé de la conception et de la mise en œuvre de ce type de programmes chez Triple Jump, il a incubé de nombreuses initiatives financières innovantes, renforcé les capacités de prestataires de services financiers et structuré des écosystèmes.
Aïda Ndiaye
Cheffe de projet numérique, AFD Aïda Ndiaye est cheffe de projet numérique à l’Agence française de développement (AFD). Spécialisée dans les enjeux d’entrepreneuriat numérique, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi, elle intervient sur le financement de programmes d’innovation pour le secteur public, mais aussi de start-up du numérique à impact, d’universités et d’ONG, en Afrique comme au Proche-Orient.
Gabrielle Orliange
Responsable de la performance sociale et environnementale, SIDI/Fefisol Gabrielle Orliange a rejoint en novembre 2016 la SIDI. Après avoir été responsable de l’accompagnement technique du Fonds européen de financement solidaire pour l'Afrique (Fefisol), puis chargée d’investissement pour l’Amérique latine et Madagascar, elle est aujourd’hui responsable de la performance sociale et environnementale de la SIDI et du fonds Fefisol.
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CONTRIBUTRICES ET CONTRIBUTEURS
Ariane Philis
Lynn Pikholz
Cheffe de projet, Expertise France
Fondatrice et CEO, CapitalPlus Exchange
Depuis qu’elle a rejoint Expertise France en 2019, Ariane Philis pilote des projets de soutien à l’entrepreneuriat et à l’innovation en Tunisie. Elle a été auparavant chargée de la mise en œuvre d’un projet de développement des systèmes de marchés en République démocratique du Congo (RDC), financé par le DfID britannique.
La fondatrice et CEO de CapitalPlus Exchange (CapPlus), Lynn Pikholz, est une experte du développement des économies émergentes et du financement des PME. Elle est notamment spécialisée dans les stratégies de réduction de la pauvreté adossées au marché. CapPlus stimule notamment l’investissement d’impact par le renforcement des institutions financières dans les économies émergentes.
Harsha Rodrigues
Vice-présidente exécutive chargée des services clients régionaux, Women’s World Banking Harsha Rodrigues est vice-présidente exécutive chargée des services clients régionaux chez Women’s World Banking. À ce titre, elle chapeaute l’ensemble des activités pour les régions Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Afrique et Amérique latine. Les implantations régionales proposent des services de conseil destinés à favoriser l’inclusion financière des femmes et leur autonomisation économique.
Andrew Shaw
Responsable Accompagnement technique et subventions, FMO Andrew Shaw dirige les activités Accompagnement technique et subventions de la FMO (Société néerlandaise de financement du développement). Il cumule plus de vingt années d’expérience dans la conception et la mise en œuvre de projets et programmes d’accompagnement technique destinés à favoriser le développement du secteur privé et la contribution de ce dernier à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
Stéphane Woerther
Associé gérant et chef de l’équipe A2E, Philae Advisory Stéphane Woerther est fondateur et associé gérant de Philae Advisory, cabinet de conseil financier spécialisé sur l’Afrique et le secteur de l’énergie. Il enseigne par ailleurs le financement de projets à l’École des mines de Paris et à l’École des mines de Saint-Étienne, ainsi qu’à l’IFP School. Stéphane Woerther est ingénieur civil du corps des mines et titulaire d’un master en économie de l’université Paris 2 Panthéon-Assas/IFP.
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COORDINATRICES ET COORDINATEURS
Philippe Baudez
Chef de projets pédagogiques secteur privé et entrepreneuriat, Campus du développement, AFD Philippe Baudez est ingénieur en énergie et environnement. Depuis dix ans, il développe son expertise sur l’appui à l’entrepreneuriat et au développement de marchés en Asie et en Afrique. Il a rejoint le Groupe AFD en 2019 pour mettre en place des projets d’accompagnement technique de Proparco et FISEA au bénéfice de gestionnaires de fonds et de TPE-PME. Philippe Baudez coordonne depuis 2021 des programmes de renforcement de compétences pour le secteur privé et les entrepreneurs (comme le SIBC) au Campus du développement de l’AFD.
Marion Calloch
Chargée d’affaires, Proparco Au sein de la cellule Accompagnement technique et mixage des ressources, Marion Calloch pilote depuis six ans la mise en œuvre de projets d’accompagnement technique dans le secteur de l’inclusion financière, ainsi que de programmes financés par l’Union européenne. Elle est également chargée des problématiques de réduction des inégalités femmes-hommes. Marion Calloch est diplômée de la NEOMA Business School (Rouen), avec une spécialité entrepreneuriat, et est titulaire d’un master 2 en relations internationales et économie du développement.
Sébastien Fleury
Delphine Moreau
Directeur Investir en environnement complexe, Proparco
Chargée d’affaires, Proparco
Sébastien Fleury a rejoint l’Agence française de développement (AFD) en 2003, d’abord à la direction financière, puis à la direction des risques où il suivait le portefeuille non souverain de l’AFD. De 2013 à 2016, il a été représentant de Proparco en Asie du Sud. Puis, à son retour à Paris, il a pris la direction du réseau international de Proparco et des partenariats avec les institutions financières de développement (IFD) européennes. Depuis 2019, il anime et coordonne les activités de Proparco dans les pays fragiles et les environnements complexes.
Au sein de la division Industrie, agriculture et services (MAS) de Proparco, Delphine Moreau est plus particulièrement chargée de projets agricoles et agro-industriels. Elle a rejoint le Groupe AFD en 2016, après avoir travaillé pour la Société financière internationale (SFI) en Turquie sur les secteurs sociaux (santé, éducation) et l’industrie. Auparavant, Delphine Moreau a évolué dans les équipes financements structurés de BNP Paribas en Asie. Elle est diplômée de Sciences Po Paris.
Soline Praloran
Chargée d’affaires, Proparco Soline Praloran accompagne les clients et partenaires de Proparco dans l’évolution de leurs stratégies et de leurs pratiques, avec l’objectif de maximiser leurs impacts sur le développement. Elle a auparavant exercé durant douze ans au sein d’une agence de coopération bilatérale, au service de l’économie sociale et solidaire et comme consultante pour un cabinet de conseil en organisation et stratégie. Soline Praloran est titulaire d’un Master’s Degree in Management de l’EDHEC Business School.
07
CADRAGE
L’accompagnement technique, un outil stratégique au service du développement Andrew Shaw, Responsable Accompagnement technique et subventions, FMO
L’accompagnement technique (AT) figure au cœur de l’aide au développement. Dans le contexte de crise sanitaire actuel, il joue un rôle encore plus crucial dans le renforcement des capacités des entreprises et la transformation du secteur privé. Si l’AT peut revêtir plusieurs formes, ses deux principaux leviers demeurent les subventions et les prestations de conseil. Déployé par les institutions financières de développement (IFD), il intervient en complément des financements commerciaux afin de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) fixés par les Nations unies.
UN ARTICLE DE ANDREW SHAW Andrew Shaw dirige les activités Accompagnement technique et subventions de la FMO (Société néerlandaise de financement du développement). Il cumule plus de vingt années d’expérience dans la conception et la mise en œuvre de projets et programmes d’accompagnement technique destinés à favoriser le développement du secteur privé et la contribution de ce dernier à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
08
D
ans le contexte de la pandémie de Covid-19, une récente étude de la FMO (Société néerlandaise de financement du développement), conduite sur plus de 900 micro, petites et moyennes entreprises (MPME) en Europe de l’Est et en Afrique, a montré que moins de 10 % d’entre elles ont pu réagir face à la crise et engager des changements structurels. Or c’est justement dans ce type de processus de transformation que l’accompagnement technique (AT) peut jouer un rôle essentiel. L’AT est consubstantiel à l’aide au développement qui regroupe les programmes financés par les États et les organisations internationales. Du point de vue des institutions de financement du développement (IFD), cet accompagnement complète les financements commerciaux et mixtes pour maximiser leur impact sur le développement. C’est aussi l’instrument le plus concessionnel des
IFD, lequel peut parfois constituer un élément différentiateur sur le marché, les acteurs commerciaux n’y ayant pas nécessairement accès. En matière de développement du secteur privé, les IFD offrent une excellente vision du marché et sont en mesure de déployer un accompagnement technique en complément – voire même en amont – des investissements ou des prêts, avec un effet de catalyseur, l’objectif étant d’attirer d’autres parties prenantes pour accroître les flux de financement. L’accompagnement technique est généralement financé à la fois par les États (actionnaires des IFD), par les ressources propres des IFD et par d’autres bailleurs (comme la Commission européenne). La définition et les mandats de l’AT dépendent de la stratégie de l’IFD, des critères du bailleur partenaire et des équilibres de marché. Le bon alignement de ces différents facteurs détermine souvent la réussite d’un programme d’accompagnement.
CADRAGE
DES PROGRAMMES INNOVANTS À FORT IMPACT ADDITIONNEL L’objectif des IFD est que cet accompagnement soit déployé avec la plus grande efficacité possible. C’est pourquoi la question de « l’additionnalité » est essentielle : le projet – et son financement – pourrait-il ne pas voir le jour en l’absence d’AT ? L’approche ad hoc de l’accompagnement technique est la plus répandue parmi les IFD, mettant l’accent sur un impact additionnel pour atténuer certains risques. Mais les IFD recourent aussi de plus en plus à des méthodologies avancées de conception des programmes d’AT, s’appuyant sur la recherche et sur la connaissance du marché pour mieux comprendre les besoins et identifier les domaines où l’additionnalité sera la plus significative – c’est-à-dire là où les synergies entre accompagnement technique et instruments commerciaux seront les plus fortes. L’accompagnement technique peut revêtir plusieurs formes. Il est souvent synonyme de subvention ou de services de conseil. La subvention a traditionnellement été l’instrument privilégié par la plupart des IFD. Son montant est en général fixé pour aboutir au partage des coûts avec le client ou le partenaire, afin que chacune des parties ait des intérêts en jeu. Le but est d’amener une évolution dans les pratiques, les politiques et la performance du client – par exemple soutenir une agro-industrie pour qu’elle aborde plus efficacement l’aide aux petits exploitants. En général, le savoir-faire proposé n’existe pas au sein de l’organisation concernée – pas plus que le matériel ou les coûts opérationnels correspondants. Le partage des coûts reste important pour les IFD, et donne des résultats probants au niveau du client ou de l’entreprise bénéficiaire de l’investissement. Il fait d’ailleurs partie intégrante du processus d’investissement des IFD, l’estimation des besoins étant souvent réalisée pendant la phase de due diligence par une équipe pluridisciplinaire de l’IFD. Les mêmes principes peuvent s’appliquer à la prestation de services de conseil. Dans ce cas, un consultant engagé par l’IFD fournit le service au client et son coût est en général partagé. Par rapport à une subvention, les moyens
employés sont différents mais le résultat est peu ou prou le même. Les IFD se montrent de plus en plus innovantes en matière de déploiement de l’accompagnement technique et d’utilisation de ressources en subvention. Elles recourent notamment à certaines approches à fort potentiel, avec des instruments fondés sur les résultats (comme les DIB, « obligations à impact sur le développement ») ou par le recours à la subvention comme « tampon » permettant d’absorber les premières pertes. Pour aller au-delà du renforcement des capacités au sein d’une seule organisation dans le cadre d’une transaction donnée, nous évoquerons ici deux autres approches de l’accompagnement technique : les subventions recouvrables et la démarche qui, à l’échelle d’un marché, s’efforce de remodeler entièrement celui-ci pour maximiser l’impact. Les subventions recouvrables, qu’elles soient remboursables ou convertibles, se situent quelque part entre les subventions non recouvrables et des instruments plus commerciaux comme les prêts ou les fonds propres. Une subvention recouvrable peut être octroyée dans le cadre d’un projet où le financement doit couvrir des coûts pouvant être considérés comme des dépenses d’exploitation – et, à ce titre, impossibles à financer par une subvention classique. Les événements déclencheurs du remboursement (ou de la conversion) sont fixés dans la convention de subvention. Une entreprise peut ainsi obtenir une subvention recouvrable pour financer des recherches ou des mesures destinées à mettre en place une nouvelle activité inclusive touchant des populations exclues, comme par exemple les réfugiés. L’IFD et le bénéficiaire de la subvention partagent une partie des coûts et des risques afférents au nouveau dispositif, et la subvention sert à établir son bien-fondé et sa pertinence économique. Le déclencheur du remboursement sera défini avec le bénéficiaire – par exemple le remboursement des 100 premiers prêts que ce dernier aura accordés à des entreprises détenues par des réfugiés.
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L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE, UN OUTIL STRATÉGIQUE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT
L'approche de marché répond quant à elle aux appels de plus en plus nombreux lancés aux IFD pour que celles-ci redoublent d’efforts dans le contexte de la pandémie – voir notamment à ce sujet le rapport rédigé en avril 2021 par Samantha Attridge et Matthew Gouett, « DFI: The need for bold action to invest better ». Pour permettre la réussite d’investissements transformateurs, les IFD doivent absolument
améliorer leur offre d’accompagnement technique avec une approche plus sophistiquée des portefeuilles ou des chaînes de valeur, associée à une programmation au niveau des écosystèmes ou des marchés dans leur globalité. Cette démarche permet aux IFD de tirer parti de leur position de partenaires financiers pour accéder au financement de l’accompagnement technique, sans aucune contrepartie de rendement commercial.
DES INTERVENTIONS MULTIPLES EN FAVEUR DU SECTEUR PRIVÉ Dans une optique de développement du secteur privé, l’accompagnement technique peut intervenir à cinq niveaux. Le premier est celui de l’entreprise dans laquelle l’IFD investit, ou qu’elle finance. Le deuxième niveau concerne le bénéficiaire final ou le groupe cible du financement – par exemple des entrepreneurs financés par une institution de microcrédit cliente de l’IFD, là où l’IFD cherche à produire des effets directs. Cela peut passer par la création ou le renforcement de mécanismes existants de soutien aux entrepreneurs.
À un troisième niveau, l’AT peut être utilisé comme un moyen pour faire naître de meilleures opportunités de financement pour les IFD. Cela peut par exemple prendre la forme d’AT de « préinvestissement » via un programme d’incubation ou d’accélération, ou passer par le financement d’études de faisabilité. L’AT peut intervenir à un quatrième niveau pour améliorer des écosystèmes clés ou des marchés entiers. Son champ d’application varie alors en fonction des priorités propres au marché
L’AT joue un rôle de catalyseur dans le développement du secteur privé Préparation du terrain CONNAISSANCE AMONT, APPRENTISSAGES ET INTERVENTIONS EN RÉSEAU INTERVENTIONS AU NIVEAU DES ÉCOSYSTÈMES/ DU MARCHÉ
INTERVENTIONS AU NIVEAU DES CLIENTS ET PROSPECTS DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS DU BÉNÉFICIAIRE FINAL (ENTREPRENEUR, EXPLOITANT AGRICOLE, ETC.)
Source : FMO
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Démonstration de l’opportunité
Développement des compétences du client/de l’intermédiaire Développement des compétences du bénéficiaire
Amélioration de l’écosystème
Construction d’un réservoir d’opportunités rentables et finançables
L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE, UN OUTIL STRATÉGIQUE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT
considéré. C’est ainsi que des IFD ont par exemple collaboré à la mise en place d’initiatives sectorielles destinées à relever les normes sociales et environnementales sur certains marchés. À un cinquième niveau, enfin, le recours à l’AT peut bénéficier à toute la sphère de financement du développement : effet de démonstration et partage des enseignements, ce qui permet des effets de réseaux. Il contribue aussi à assurer la coordination et le partage des études de marché, à tirer les leçons de programmes d’accompagnement antérieurs, dans le but de permettre aux IFD et aux autres intervenants
d’optimiser leur efficacité, leur efficience et leur coordination. Les IFD occupent une position clé dans ce réseau global, disposant à la fois des financements commerciaux et non commerciaux et, bien souvent aussi, des relations permettant de faire bouger les lignes. Parmi les autres facteurs déterminants, citons les modalités d’une coordination qui doit assurer que chaque intervention réunit le bon groupe de partenaires, mais aussi garantir leur convergence sur les moyens nécessaires pour réussir et réaliser la synthèse des positions de tous les participants.
REPÈRES FMO La FMO (Société néerlandaise de financement du développement) est la banque internationale de l’État néerlandais pour le financement du développement. Elle s’appuie sur plus de cinquante ans d’expertise en matière d’investissement durable dans le secteur privé, d’intégration de l’accompagnement technique aux instruments commerciaux et de soutien aux critères ESG (pour « environnementaux, sociaux et de gouvernance ») dans les pays en développement et les économies émergentes.
UNE CONTRIBUTION DIRECTE À LA RÉALISATION DES ODD L’univers de l’accompagnement technique se développe rapidement, à mesure que les IFD prennent conscience de son importance stratégique dans la réalisation de leurs ambitieux objectifs. De ce qui précède, on peut conclure que les défis liés à la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba (« AAAA ») et au financement du développement durable ont pris de l’ampleur. Nous mesurons aujourd’hui l’étendue des conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le financement du développement, et le besoin de combler un déficit de financement qui ne cesse de se creuser. Le secteur du financement du développement doit réagir pour retrouver son équilibre et regagner une partie du terrain perdu. Il doit collectivement s’adapter, collaborer et innover afin de progresser plus rapidement vers la réalisation des ODD. Les IFD peuvent y contribuer grâce à l’accompagnement technique. L’accompagnement technique est donc un soutien non commercial apporté par une IFD, ou un autre organisme, et destiné à développer l’efficacité ou les compétences d’un client, d’une entreprise bénéficiaire d’investissements, d’un partenaire ou encore d’un écosystème ou d’un marché. Un autre de ses objectifs est de réduire ou d’atténuer les risques inhérents à un projet ou investissement, afin d’améliorer et
de préserver les conditions de l’impact. Enfin, l’impact induit par l’accompagnement technique peut se matérialiser par la création d’emplois (ou l’amélioration des emplois existants), par le développement de modèles économiques plus inclusifs ou plus résilients au changement climatique, ou encore par de meilleurs résultats environnementaux. En substance, l’avènement d’un monde plus inclusif et plus durable.
L’univers de l’accompagnement technique se développe rapidement, à mesure que les IFD prennent conscience de son importance stratégique dans la réalisation des objectifs de développement durable.
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A N A LY S E
Comment libérer tout le potentiel de l’accompagnement technique Marnix Mulder, Directeur pour le développement des marchés, Triple Jump
Étoffer la boîte à outils de l’accompagnement technique (AT) constitue une opportunité extraordinaire de contribuer, avec un impact déterminant, à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Le potentiel de création de valeur de l’AT peut être concrétisé par l’adoption d’une approche systémique du développement des marchés, mais aussi en investissant dans la gestion des talents et des résultats et, plus particulièrement, dans la collaboration sectorielle et l’apprentissage collectif.
UN ARTICLE DE MARNIX MULDER Avec plus de vingt ans d’expérience dans le financement du développement et le conseil sur les marchés naissants, Marnix Mulder est un spécialiste de l’inclusion financière dans les stratégies de développement des marchés. Chargé de la conception et de la mise en œuvre de ce type de programmes chez Triple Jump, il a incubé de nombreuses initiatives financières innovantes, renforcé les capacités de prestataires de services financiers et structuré des écosystèmes.
D
évelopper le potentiel de transformation propre à l’entrepreneuriat représente une stratégie essentielle pour contribuer à l’atteinte des ODD dans les pays en développement. L’investissement d’impact apparaît à cet égard comme le plus à même d’impulser cette transformation. Ses promoteurs – dont le réseau GIIN (Global Impact Investing Network) – rêvent d’un monde où les considérations d’impact seraient profondément ancrées dans le secteur financier. Ils militent en faveur de produits plus attractifs pour les investisseurs, mais aussi pour davantage de standardisation et de transparence afin de permettre au marché de l’investissement d’impact de monter en puissance1. Un facteur décisif est trop souvent négligé : les entreprises axées sur l’impact ont besoin de marchés dynamiques et inclusifs, porteurs de projets dans lesquels il leur soit possible d’investir. En l’absence de capacités d’absorption du capital
disponible pour l’investissement d’impact, on pourrait vite en arriver à des situations d’impact washing (comme on parle de green washing). L’investissement d’impact a gagné en popularité et connaît une croissance régulière2. Pour autant, la base d’actifs sous-jacents pour ce type d’investissements est encore relativement peu étoffée sur les marchés émergents, et très orientée vers des secteurs comme les services financiers (29 %), l’énergie (23 %) et la microfinance (12 %). Il a fallu plus de trente ans et des subventions d’un montant global significatif pour amener le secteur de la microfinance à son niveau de maturité actuel3. Nous n’avons pas trente années de plus devant nous pour développer les marchés de l’investissement à impact, et notamment dans les mini-réseaux électriques, l’accès à l’eau, l’assainissement ou encore la biodiversité. Comment, dès lors, amplifier la création de valeur qui caractérise l’accompagnement technique pour accélérer la montée en puissance de nouveaux marchés de l’investissement d’impact ?
1 Voir la feuille de route 2018 du GIIN, Roadmap for the Future of Impact Investing: Reshaping Financial Markets - https://cutt.ly/dTybA0J. 2 Voir notamment le rapport 2020 de l’enquête du GIIN auprès des investisseurs d’impact, 2020 Annual Impact Investor Survey – https://cutt.ly/ lTynFB5. 3 The impact investor’s handbook: Lessons from the World of Microfinance, sous la direction de Paul Cheng, Charities Aid Foundation CAF Venturesome: Market Insight Series, 2011 – https://cutt.ly/0Tyn5Rj
12
A N A LY S E
Figure 1 : Type de bénéficiaires (prestataires d’AT)
12
Institutions financières
9
Entrepreneurs
8
Gestionnaires de fonds
7
Prestataire de services
4
Incubateur/Accélérateur
3
Association Institutions publiques et parapubliques
1
Coopératives de petits exploitants agricoles
1
Promoteurs d’infrastructures
1
Source : Triple Jump
NOUVEAUX OUTILS, USAGES ET STRATÉGIES Pour appréhender la capacité de création de valeur de l’accompagnement technique dans le développement et la montée en puissance de nouveaux marchés d’investissement d’impact, il est indispensable de bien comprendre les récentes évolutions du recours à l’AT dans ce secteur de l’impact investing. L’offre d’AT a considérablement évolué au fil du temps. En 2006, Triple Jump était l’une des rares sociétés d’investissement d’impact privées à offrir un accompagnement technique aux entreprises de son portefeuille. Aujourd’hui, les gestionnaires d’investissement d’impact réputés proposent presque tous un ou plusieurs programmes d’AT, en complément de leur offre financière. Si l’AT proposé aux entreprises faisant l’objet d’investissements (le « soutien aux transactions ») constitue encore une part importante de l’offre d’accompagnement technique, les professionnels du secteur ont introduit de nouveaux instruments, usages et stratégies. Une enquête menée pour un récent webinaire consacré à l’AT4 en restitue une vue d’ensemble, présentée ci-dessus (voir figure 1). Les prestataires de services financiers sont toujours au cœur des programmes d’AT, mais d’autres acteurs commencent également à être ciblés. Cette tendance coïncide avec le passage d’un appui purement transactionnel à une approche
plus globale du développement des marchés. Au départ, Triple Jump réinvestissait une partie de ses revenus dans l’accompagnement technique de « soutien aux transactions ». Cet appui était clairement en adéquation avec sa mission, mais il correspondait aussi à une logique commerciale. L’intégralité de l’AT visait à renforcer les capacités des entreprises dans lesquelles Triple Jump investissait ou envisageait d’investir – avec à la clé la constitution d’un flux de transactions et la réduction du risque relatif aux investissements. Le programme d’AT qui accompagne le Dutch Good Growth Fund5 (DGGF), un fonds en partie géré par Triple Jump, conserve cette composante de transaction support, mais déploie aussi d’autres instruments et d’autres stratégies de market shaping (ou « évolution/façonnage du marché »). Par exemple, l’incitation au financement mezzanine, pour laquelle une stratégie d’influence6 a été développée et mise en œuvre en complément de l’appui habituel. Celle-ci comprend le partage de connaissances entre pairs, des études, des conférences et des programmes de formation. Cette approche a considérablement accru, pour le DGGF, les opportunités d’investissement en mezzanine, avec une création de valeur qui dépasse largement la transaction en elle-même.
4 Webinaire There is no such thing as a free lunch: the nature of the TA Instrument, organisé par FMO, CDC et Triple Jump, 16 avril 2021. 5 Voir Financing local SMEs – https://cutt.ly/mTyQHss 6 Voir Mezzanine finance for dynamic enterprises: Knowledge development and sharing – https://cutt.ly/0TyWqo
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COMMENT LIBÉRER TOUT LE POTENTIEL DE L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE
Figure 2 : Type d’instruments (prestataires d’AT)
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AT non remboursable
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Subventions remboursables/renouvelables Subventions/financements payés par les résultats
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Subventions convertibles
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Capital d’amorçage
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Source : Triple Jump
PROGRESSION DES INSTRUMENTS FINANCIERS RENOUVELABLES La nature elle-même des instruments a également évolué. La figure 2 présente un aperçu du type d’instruments utilisés par les prestataires d’AT qui ont participé au webinaire évoqué plus haut. Elle montre clairement que, si les subventions non remboursables restent l’instrument le plus courant, beaucoup d’intervenants déploient aussi des instruments financiers renouvelables (revolving instruments), voire de l’investissement en capital-amorçage. Parmi les principaux avantages des instruments renouvelables, on peut noter la baisse des risques de distorsion potentielle du marché, ainsi que la hausse de la produc-
tivité du budget d’AT – et, possiblement, de sa rentabilité. Les instruments alternatifs d'accompagnement technique se distinguent des investissements concessionnels sur deux points. Le premier correspond à un « objectif global ». Ainsi, pour déployer l’instrument d’AT, on valorise davantage l’impact effectif en termes de développement qu’un éventuel retour financier. Le second point concerne les « attentes » : en l’absence d’obligation de préservation du capital sur le long terme, il devient possible d’absorber un niveau de risque qui rebuterait même les investisseurs concessionnels.
DES DÉFIS À LA HAUTEUR DES NOUVELLES OPPORTUNITÉS L’élargissement de la palette des outils et des pratiques évoqué ci-dessus crée de nombreuses opportunités, mais s’accompagne aussi de nouveaux défis. Comment cette boîte à outils peut-elle être utilisée au mieux pour stimuler le développement de nouveaux marchés pour l’investissement d’impact nécessaires à la réalisation des ODD, par exemple dans l’accès à l’eau et l’assainissement, ou l’énergie hors réseaux ? ADAPTER LA STRATÉGIE AU STADE DE DÉVELOPPEMENT ET À SON POTENTIEL DE CROISSANCE
Il existe deux déterminants essentiels pour concevoir ces stratégies de développement sectoriel.
L’un est le stade de développement déjà atteint, tandis que l’autre porte sur le potentiel d’évolution inhérent au marché. Un cadre simple d’analyse du développement d’un marché et de son potentiel de croissance retient essentiellement trois stades de développement, chacun possédant sa propre logique, sa dynamique et ses stratégies d’intervention : 1. innovation, 2. réplication, 3. intensification7. Lorsque le potentiel de croissance est lui-même subdivisé en trois catégories – faible, moyen, élevé –, on obtient neuf stratégies spécifiques de développement sectoriel. Ce niveau de granularité est indispensable non seulement à l’adaptation de la stratégie d’AT, mais aussi à une utilisation
7 Voir également Marnix Mulder, Julia Kho et Davide Loriggiola, Scaling Missing Middle Finance Discussion Paper: Developing comprehensive and smart scaling strategies – https://cutt.ly/OTyU7su.
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COMMENT LIBÉRER TOUT LE POTENTIEL DE L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE
systématique – et appropriée – des enseignements et éclairages tirés de succès ou d’échecs passés dans des secteurs connexes tels que la finance verte ou la microfinance. ADOPTER UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE ADAPTABLE
L’élargissement de la boîte à outils conduit nécessairement à se poser les questions de « quand faire quoi », « par où commencer » et « comment ne pas s’y perdre ». Une approche systémique peut permettre de comprendre les dynamiques et interactions entre les systèmes, et d’identifier la meilleure stratégie d’intervention possible. Une telle approche est par définition plus souple et s’adapte mieux aux dynamiques d’un système qu’une approche conçue selon un schéma planifié. Cela signifie que la gestion de l’AT devient elle aussi plus dynamique, les politiques d’accompagnement et la gouvernance devant par conséquent autoriser suffisamment de souplesse pour l’adaptation des stratégies. Un suivi étroit de la dynamique et des résultats du système doit également faire partie intégrante des opérations. TOUJOURS ÉVALUER L’IMPACT DE L’AT
Le suivi des résultats a toujours été important. Au fil des années, la plupart des prestataires d’AT ont construit leurs propres systèmes de pilotage et d’évaluation. La mesure d’impact n’a toutefois jamais vraiment décollé en matière d’AT, parce que l’accompagnement technique est souvent intégré à des mandats d’investissement plus larges, ce qui rend difficile la détermination de la part spécifiquement attribuable à l’AT dans l’impact total. Mais avec le changement de vision de l’AT sur les systèmes de marché – et le besoin d’une stratégie plus dynamique et plus réactive –, la pression monte : seule une mesure systématique de l’impact de l’AT lui-même pourra permettre l’adaptation de la stratégie d’accompagnement.
INVESTIR DANS LA GESTION DES TALENTS
Non seulement le recours à des stratégies systémiques, réactives, complètes et dotées d’une boîte à outils de plus en plus diversifiée augmente l’efficacité de l’AT, mais il implique aussi que les équipes renforcent leurs propres compétences en devenant multidisciplinaires. Chez Triple Jump, l’équipe d’accompagnement technique comprend différents techniciens, qui vont des experts en capital-amorçage aux spécialistes sectoriels de l’AT, en passant par des professionnels de la gestion des savoirs. Et cette multidisciplinarité ne doit pas se limiter aux équipes opérationnelles : elle concerne tout autant les comités de validation de l’accompagnement technique. METTRE EN COMMUN LES RESSOURCES, COORDONNER ET APPRENDRE ENSEMBLE
Dernier aspect, et non des moindres, l’adoption d’une approche systémique ne peut réussir que si elle s’accompagne d’une collaboration interne à l’organisation, entre les départements d’investissement et celui consacré aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais aussi et surtout avec les parties prenantes externes sur les marchés concernés. Les efforts déployés ces dernières années par FMO, CDC et Triple Jump pour développer un réseau de praticiens de l’accompagnement technique parmi les investisseurs d’impact – aussi bien au niveau des institutions financières de développement (IFD) que des gestionnaires privés – doivent aussi être envisagés sous cet angle. Échanger régulièrement sur les acquis de l’expérience et sur les stratégies permet de raccourcir les courbes d’apprentissage et de développer conjointement des normes de pratiques communes. Cela permet aussi d’explorer des opportunités de co-construction et de mise en œuvre conjointe des stratégies d’AT. Collaboration active et apprentissage mutuel sont tous deux indispensables, parce que le défi de mise en forme des marchés d’investissement à impact, qui doit être relevé pour permettre d’atteindre les ODD, va bien au-delà des situations individuelles.
REPÈRES TRIPLE JUMP Société d’investissement axée sur l’impact, Triple Jump propose des opportunités d’investissement responsables et porteuses de sens sur les marchés émergents. À travers son soutien et ses financements, la société néerlandaise vise à donner aux entrepreneurs les moyens de libérer leur potentiel et de relever les défis mondiaux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat et à la nature.
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ENTRETIEN
Comment l’AT impacte les entreprises ? Témoignages de trois organisations bénéficiaires E ntretien avec Ravi Shankar, Directeur, Africure Pharmaceuticals Michelle Espinach, Responsable « Sustainable Bank », Banco Promerica Patrick Joseph, Contrôleur auditeur régional, Mission laïque française
Africure Pharmaceuticals, groupe indien actif en Afrique subsaharienne, Banco Promerica, banque costaricaine présente en Amérique latine, et la Mission laïque française, dont le réseau d’écoles couvre près de 40 pays, ont en commun d’avoir bénéficié d’un programme d’accompagnement technique fourni par Proparco. Ces acteurs de la santé, de la banque et de l’éducation analysent dans cet entretien les bénéfices qu’ils en ont tiré en termes de renforcement de capacités, de valorisation de leur offre, d’amélioration de processus ou encore de bonnes pratiques E&S.
SP&D : QUEL EST LE DOMAINE D’ACTIVITÉ DE VOTRE ORGANISATION ? Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : Africure Pharmaceuticals a été créée autour d’une vision, celle de proposer aux citoyens africains une offre de santé accessible et de qualité. Nous sommes convaincus que la fabrication locale est l’avenir de l’industrie pharmaceutique dans la région. De ce fait, notre première préoccupation est la mise en place de capacités de production sur le continent africain, conformément à notre devise « Fabriqué en Afrique, par des Africains, pour l’Afrique ». Chez Africure, notre engagement est d’apporter des réponses aux problèmes qui concernent l’Afrique, à savoir la dépendance aux importations, l’accessibilité des prix, le chômage, les enjeux technologiques et les médicaments contrefaits. Michelle Espinach (Banco Promerica) : Banco Promerica a été fondée par quatorze personnes dans un petit immeuble de San José, la capitale du Costa Rica. C’était alors la définition
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même d’une PME. Trente ans plus tard, nous sommes la quatrième banque du secteur privé du pays. Nous croyons aux PME et à l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’économie costaricaine. Dans notre portefeuille d’activités, nos clients sont à 70 % des PME et à 30 % des grandes entreprises. Patrick Joseph (Mission laïque française) : La Mission laïque française (MLF) est une association à but non lucratif créée en 1902 et reconnue d’utilité publique. Elle a pour objet la diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde, par un enseignement laïque, plurilingue et interculturel. Implantées dans 37 pays, les 108 écoles du réseau de l’association scolarisent, de la maternelle à la terminale, plus de 61 000 élèves. En Afrique, MLF est implantée dans plusieurs pays dont le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, l’Égypte, la République démocratique du Congo (RDC) et l’Éthiopie.
ENTRETIEN
DE QUELLE FAÇON BÉNÉFICIEZ-VOUS D’UN ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE (AT) ? Michelle Espinach (Banco Promerica) : L’ensemble des unités opérationnelles de la banque comprennent tout l’intérêt à travailler avec les institutions de financement du développement (IFD) et autres fonds d’investissement ayant recours à l’accompagnement technique. Nos clients eux-mêmes sont conscients de ces avantages, dans la mesure où la plupart des projets d’AT leur bénéficient également. Récemment, nous avons orienté directement vers eux une partie de l’accompagnement reçu. Nous avons une vraie culture de l’apprentissage permanent, et l’AT nous permet de renforcer nos capacités, d’améliorer nos processus, de développer de nouvelles expériences client et de communiquer de façon durable sur nos actions. Avec Proparco, nous avons reçu un accompagnement technique pour le renforcement et la valorisation de notre offre à destination des PME. Les recommandations de la société de conseil ont été particulièrement utiles. Patrick Joseph (MLF) : Nous sommes accompagnés par Proparco sur des projets d’implantation ou de restructuration d’établissements
scolaires ainsi que de centres de formation. Nous avons actuellement deux centres qui font l’objet de cet appui, au Maroc et en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, Proparco nous appuie sur les projets d’efficacité énergétiques au Maroc, en Éthiopie et en Égypte. Sur des aspects environnementaux et sociaux (E&S), l’AT permet de monter en compétence et de bénéficier d’expertises extérieures. Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : Proparco nous a accordé une subvention technique étalée sur une période de trois ans. Celle-ci a permis de soutenir l’amélioration de la qualité de notre infrastructure, la formation de nos salariés et d’autres intervenants du secteur, ainsi que la transmission aux différentes équipes d’Africure des connaissances relatives à la qualité des systèmes de gestion. Pour une entreprise en croissance comme la nôtre, il arrive un moment où il faut décider de l’allocation du capital, et le fait d’avoir un financement dédié et un budget consacré à une constante amélioration, à la fois interne et externe, nous a permis de nous concentrer sur cet aspect fonctionnel en particulier.
REPÈRES AFRICURE PHARMACEUTICALS Africure est un fabricant et distributeur de produits pharmaceutiques génériques essentiels (paracétamol, antibiotiques de base, antimalaria…) dont le siège social est basé en Inde. Actif dans toute l’Afrique subsaharienne, le groupe a inauguré au Cameroun, en 2018, sa première usine de fabrication de génériques sur le continent africain. Cette opération lui permet de se positionner comme l’un des rares acteurs présents sur toute la chaîne de valeur pharmaceutique en Afrique.
BANCO PROMERICA
QUEL EST L’IMPACT DE CE SOUTIEN SUR VOTRE ORGANISATION ET SUR VOS NORMES ? Michelle Espinach (Banco Promerica) : L’accompagnement technique crée de la valeur au sein de l’organisation, et c’est l’un des avantages que nous retirons de notre travail avec les IFD et les fonds d’investissement. Ces derniers procurent à l’organisation des ressources lui permettant de mettre en avant des domaines qui, en général, manquaient jusque-là d’appui. L’AT nous aide donc à avancer plus vite et à structurer des projets qui apportent de nouveaux volumes d’affaires, assurent le développement des compétences dans les équipes et transmettent les meilleures pratiques, venues d’autres régions du monde. Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : Nous sommes en mesure de superviser en continu la mise en œuvre effective de notre
démarche qualité à travers des audits programmés, et de suivre les plans d’action qui en découlent. Nous sommes fiers d’être, à tout moment, prêts à accueillir un audit dans nos unités de production. Cette priorité à la qualité a infusé toute la culture de notre organisation, et de celles et ceux qui y travaillent. La subvention d’accompagnement technique accordée par Proparco nous a aidés dans notre démarche de mise en conformité avec les normes en vigueur et dans nos objectifs de responsabilité sociétale, en lien avec notre démarche qualité. Dans le cadre des livrables du programme d’AT, ces initiatives nous ont mis en contact avec les organismes de réglementation, qui nous considèrent comme un partenaire fiable et très exigeant sur la qualité.
Banco Promerica est une banque universelle qui propose des services financiers aux entreprises et aux particuliers. La quatrième banque privée du Costa Rica, membre du groupe régional Promerica Financial Corporation (PFC), est présente dans neuf pays d’Amérique latine. À la suite d’une participation croissante dans le segment des PME, Banco Promerica propose des produits innovants adaptés aux besoins des petites entreprises qui, depuis le début de la crise, doivent faire face à de nouvelles difficultés.
MISSION LAÏQUE FRANÇAISE Association française à but non lucratif reconnue d’utilité publique, la Mission laïque française (MLF) est à la tête d’un réseau de 108 établissements d’enseignement français à l’étranger scolarisant plus de 60 000 élèves dans 37 pays. La MLF agit par ailleurs en tant qu'opérateur de l'État et/ou d'entreprises dans le cadre d'actions de coopération éducative.
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COMMENT L’AT IMPACTE LES ENTREPRISES ? TÉMOIGNAGES DE TROIS ORGANISATIONS BÉNÉFICIAIRES
Patrick Joseph (MLF) : À partir du moment où nous définissons des critères, par exemple environnementaux et sociaux, cela suppose d’être en capacité de les prendre en compte sur la durée, ce qu’offre l’accompagnement technique.
Plus globalement, l’AT permet de répondre aux exigences financières et techniques que nous fixent nos bailleurs. L’AT a donc un impact sur la définition et l’exigence de nos actions et, in fine, sur notre stratégie et nos résultats.
COMMENT L’APPUI DE L’AT VOUS PERMET-IL DE MIEUX CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT DES PME DANS LES PAYS OÙ VOUS ÊTES PRÉSENTS ? Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : Parce que nous opérons en Afrique, nous achetons beaucoup de produits et de services localement, c’est pourquoi de nombreuses PME figurent parmi nos fournisseurs. Il nous serait impossible de mettre en place des processus de qualité si ce qui nous vient de nos fournisseurs n’était pas du même calibre. Nous avons dispensé des formations à beaucoup d’entre eux, grâce aux subventions d’AT dont nous avons bénéficié. Nous les avons aidés, notamment à travers des audits, à établir une traçabilité et des processus standardisés, ce qui leur a permis de faire évoluer leurs systèmes et de nous fournir des produits et des services de tout premier ordre. Patrick Joseph (MLF) : Nous n’avons pas toujours les capacités suffisantes pour développer de nouveaux marchés dans nos pays d’interven-
tion. Nous sommes toutefois pilotes sur certains enjeux E&S. C’est le cas par exemple en Éthiopie, où nous avons installé une station d’épuration que nous souhaitons mettre à disposition d’autres acteurs économiques locaux. De la même façon, en Égypte et au Maroc, nous visons, via une offre d’accompagnement technique, la norme haute qualité environnementale (HQE). Michelle Espinach (Banco Promerica) : Grâce à l’accompagnement technique que nous a fourni Proparco, nous avons pu adopter une nouvelle approche dans notre processus d’octroi de crédit pour les PME, en réduisant le nombre des critères requis, en accélérant les démarches et en inaugurant des canaux inédits pour atteindre de nouveaux clients. Cet accompagnement de Proparco nous a globalement permis d’améliorer notre offre et sa valeur ajoutée.
DANS QUELLE MESURE L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE PERMET-IL DE DÉVELOPPER DE NOUVELLES CIBLES COMMERCIALES ? Patrick Joseph (MLF) : L’éducation est un marché mondial, qui est aussi un marqueur social dans certains pays. À partir du moment où notre offre est reconnue, avec des critères E&S forts, cela stimule le marché et impacte nos concurrents – anglo-saxons le plus souvent – qui sont sur le même créneau que nous. Michelle Espinach (Banco Promerica) : L’accompagnement technique fourni par Proparco nous a aidés à identifier une opportunité majeure, à savoir l’utilisation de nos agences pour l’octroi de prêts, mais aussi à créer des postes de chargés d’affaires polyvalents, susceptibles de fournir au client l’ensemble des services dont il a besoin. 18
Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : En tant qu’organisation privilégiant les enjeux de qualité, nous sommes bien positionnés pour initier des partenariats avec des organismes gouvernementaux ou de grandes entreprises pharmaceutiques. Nonobstant notre taille, nos systèmes et nos dispositifs de contrôle sont comparables à ceux de ces grands établissements. L’AT nous a permis de rester attractifs pour nos clients, lesquels nous perçoivent comme un fabricant digne de confiance. Cela nous permet de prospecter pour établir de nouvelles relations commerciales, les développer et les transformer en relations à long terme. Nos concurrents et nos pairs nous considèrent comme l’une des meilleures entreprises du secteur.
COMMENT L’AT IMPACTE LES ENTREPRISES ? TÉMOIGNAGES DE TROIS ORGANISATIONS BÉNÉFICIAIRES
AVEC LA COVID, QUELS SONT LES NOUVEAUX BESOINS EN MATIÈRE D’AT ? Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : La pandémie a affecté nos activités en réduisant nos marges, en raison des dépenses importantes engagées pour la gestion de la crise, mais aussi d’une augmentation du coût des matières premières et des frais de transport. Il est donc important de revisiter son modèle économique – et de rectifier le tir si nécessaire. Nous avons fait preuve de résilience et en sommes ressortis plus forts. En outre, nous pensons que le périmètre de l’AT peut être élargi au développement de nouveaux produits ou nouvelles technologies.
Michelle Espinach (Banco Promerica) : Ce sont les PME qui ont été les plus touchées par la crise liée à la pandémie de Covid-19. Elles ont donc besoin de moyens supplémentaires pour adapter leur activité à cette « nouvelle normalité ». Banco Promerica leur a accordé un répit en étalant les maturités de prêts, mais elle leur a aussi fourni des boîtes à outils pour améliorer leurs activités. Nous avons par exemple développé un dispositif de ce type pour le secteur du tourisme grâce à l’accompagnement technique du fonds d’investissement allemand eco.business Fund.
QUELLES SONT, À CE STADE, VOS PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT ? Ravi Shankar (Africure Pharmaceuticals) : Les opportunités de croissance sont illimitées. Je crois que tous les pays d’Afrique subsaharienne engagés sur la voie de l’autosuffisance ont la capacité d’héberger une usine de fabrication. La situation à laquelle nous avons été confrontés pendant l’épidémie de Covid a provoqué une prise de conscience chez beaucoup de gouvernements. Ceux-ci ont remis l’accent sur la nécessité de commencer à bâtir des capacités locales de fabrication, et Africure est là pour les soutenir dans la mesure du possible. Nous poursuivons notre objectif de mettre en place une nouvelle unité de production tous les deux ans, et de gérer aux mieux les usines qui rencontrent des difficultés, pour en faire des exemples de réussite. Il ne serait pas étonnant qu’Africure dispose d’une dizaine d’usines dans les cinq ans à venir. Michelle Espinach (Banco Promerica) : Nous espérons que la crise sanitaire sera bientôt derrière nous. Malheureusement, la crise climatique est là, elle aussi. Nous devons donc accompagner les entreprises qui sont dans nos portefeuilles, mais aussi nos futurs clients, vers une économie bas carbone. Ce sera l’une de nos priorités à l’avenir, une autre consistant à soutenir l’émergence et la réussite d’un nombre croissant d’entreprises dirigées par des femmes. Patrick Joseph (MLF) : Ces perspectives sont étroitement liées au développement des
classes moyennes des pays émergents dans lesquels nous sommes implantés. Dans ces pays, les familles sont très sensibles au fait que nous garantissons un accompagnement dans l’enseignement et de bonnes conditions d’accueil. Ce sont des enjeux très importants.
Au Cameroun, le patronat élabore le premier code de bonne gouvernance d’Afrique centrale En 2019, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) a décidé de proposer aux entreprises – publiques et privées – un cadre de référence en matière de gouvernance. Le Groupe AFD, via une action conjointe de l’AFD et de Proparco, accompagne techniquement et financièrement cette initiative qui s’inscrit pleinement dans son objectif d’appui aux transitions économiques et financières. Concrètement, en plus de la mise à disposition de ses experts internes, le Groupe AFD permet la mobilisation auprès du Gicam d’un cabinet international spécialisé en bonne gouvernance, Nestor Advisors, pour l’élaboration et la promotion de ce code. Premier dispositif de ce type en Afrique centrale, celui-ci viendra doter le Cameroun de référentiels de gouvernance à jour, reflétant les contraintes et besoins locaux tout autant que les bonnes pratiques internationales de gouvernance. Ce nouveau code permettra par ailleurs de renforcer la confiance des actionnaires et autres parties prenantes dans les entreprises locales.
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FOCUS
Financement et AT, terreau fertile pour la croissance des entités agricoles en Afrique Gabrielle Orliange, Responsable de la performance sociale et environnementale, SIDI/Fefisol
Créé en 2011 par la SIDI et ses partenaires, le fonds Fefisol propose, en complément de son appui financier, une facilité d’accompagnement technique (AT) aux acteurs ruraux africains. Après avoir conduit près de 140 projets d’AT sur le continent, la SIDI et Alterfin doivent lancer un second fonds en 2022, avec l’ambition d’approfondir toujours plus son approche sociale et environnementale des entreprises financées.
REPÈRES SIDI Pour répondre aux défis de l’inclusion financière en Afrique, notamment en milieu rural, la SIDI (Solidarité internationale pour le développement et l'investissement) et deux investisseurs européens, Alterfin et Etimos, ont créé en 2011 le Fonds européen de financement solidaire pour l'Afrique (Fefisol). Leur objectif : proposer des services financiers adaptés aux structures agricoles et aux institutions de microfinance actives en milieu rural. Pour renforcer son impact et garantir son additionnalité1, Fefisol cible en priorité les petites institutions en consolidation et les entités à forte innovation sociale. Proparco est entrée au capital du fonds dès sa création.
E
n Afrique, la microfinance et le secteur rural intéressent peu le système bancaire classique. Un accompagnement technique (AT) des entités agricoles, combiné à une offre financière adaptée jouent pourtant un rôle essentiel dans le développement durable du continent. C’est pourquoi le fonds Fefisol, en complément de son appui financier, propose une facilité d’accompagnement technique aux acteurs ruraux. Dans ce cadre, il met au service de ses clients des prestataires spécialisés qui les aident à renforcer leur viabilité et à améliorer leur productivité, tout en veillant à préserver les conditions d’existence des petits producteurs agricoles. Depuis sa création il y a tout juste dix ans, Fefisol a ainsi financé 139 projets d’accompagnement technique auprès de 51 clients dans 22 pays africains. Plus de deux tiers des bénéficiaires sont des petites institutions de microfinance (IMF) en consolidation2 ou des entités agricoles. Un quart des projets d’accompagnement technique soutenus par le fonds sont par ailleurs liés aux
thématiques financières, notamment au suivi comptable et au renforcement du contrôle interne. Le programme d’accompagnement technique accentue l’impact de l’appui financier. Au niveau du bénéficiaire, les deux leviers d’action se révèlent complémentaires : les prêts de Fefisol permettent aux entreprises d’accroître leur activité, tandis que l’expertise technique les aide à sécuriser cette croissance en améliorant leur efficacité. Au niveau du pilotage du fonds, l’accompagnement technique permet en retour aux chargés d’investissement d'affiner leur compréhension du fonctionnement des entreprises bénéficiaires, ce qui garantit une meilleure efficience opérationnelle. L’offre d'accompagnement technique que propose Fefisol se distingue surtout en apportant une réponse sur mesure aux besoins du client. Ce qui signifie aussi que celui-ci est largement impliqué dans l’ensemble du processus, y compris dans la sélection du prestataire. Cette bonne appropriation est également renforcée par la contribution financière directe que chaque client doit apporter au projet.3
1 Le caractère additionnel d’un financement réside notamment dans le fait que les ressources mobilisées doivent être entièrement dédiées au financement d’actions pérennes dont l’impact de développement n’aurait pas été atteint par l’opérateur privé sans la mobilisation de ces ressources. 2 IMF Tier 3, dont le total des actifs est inférieur à 5 millions USD. 3 Cette contribution obligatoire - au moins 15 % de chaque mission - explique le montant moyen relativement faible des projets d’AT.
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FOCUS
IMPLIQUER LE CLIENT DANS TOUTES LES PHASES DU PROCESSUS Au cours de la décennie, les besoins des clients de Fefisol ont largement évolué. Depuis près de deux ans, en raison de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, les demandes adressées au fonds ont principalement porté sur la couverture d’équipements non prévue dans leur budget annuel. Les IMF ont pour leur part demandé à être accompagnées sur la gestion de la liquidité dans un contexte de crise. Fefisol a répondu à ce besoin en organisant, avec des partenaires, une formation en ligne sur cette thématique. L’évaluation indépendante de la facilité menée en 2019 permet de dresser le bilan de l’impact de l’accompagnement technique au niveau des bénéficiaires. Beaucoup de missions d’AT répondent à des opportunités et besoins de changements fondamentaux au sein des ins-
titutions bénéficiaires. Dans de nombreux cas, les projets d’AT ont permis de démarrer un processus de transformation en profondeur. En offrant la possibilité aux clients de tester plus rapidement et facilement des innovations, ils contribuent à accélérer la mise en place de solutions optimales. Plusieurs leçons peuvent être tirées de ces dix années d’activité. La principale demeure la nécessité de l’appropriation par le client du projet d’accompagnement technique. À ce titre, son implication dans le processus est cruciale, depuis la définition de ses besoins pour une solution sur mesure jusqu’au pilotage du consultant. Il convient par ailleurs de conserver une certaine agilité tout au long de la mise en œuvre des projets d’AT pour garantir une réponse la plus efficace possible.
UN ARTICLE DE GABRIELLE ORLIANGE Gabrielle Orliange a rejoint en novembre 2016 la SIDI. Après avoir été responsable de l’accompagnement technique du Fonds européen de financement solidaire pour l'Afrique (Fefisol), puis chargée d’investissement pour l’Amérique latine et Madagascar, elle est aujourd’hui responsable de la performance sociale et environnementale de la SIDI et du fonds Fefisol. Avant d’intégrer l’investisseur social, Gabrielle Orliange a travaillé pour la Banque mondiale au sein du département de recherche en économie du développement.
RELEVER LE DÉFI DE L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES PROJETS En aval, le défi majeur de ce type de dispositif reste celui de l’évaluation de l’impact des programmes d’AT sur les bénéficiaires. Grâce à la possibilité d’octroyer des financements successifs et à ses processus de suivi de la performance de ses clients, Fefisol dispose néanmoins d’outils performants pour caractériser et documenter cet impact dans la durée. Pour accompagner cette montée en puissance, un fonds Fefisol 2 doit être lancé en mars 2022. Placé dans la continuité de Fefisol 1, il proposera toujours des services financiers et techniques à des IMF rurales et à des entités agricoles, avec l’ambition d’approfondir son approche sociale et environnementale des projets. À ce titre, la facilité AT comprendra un compartiment dédié à l’amélioration des pratiques agricoles durables et au financement de l’agriculture, tout en conservant son approche « sur mesure » de façon à répondre à l’ensemble des besoins de ses clients.
Fintech : le fonds Accion Venture Lab favorise l'inclusion financière En 2019, Proparco a investi dans le fonds de capital-amorçage Accion Venture Lab (AVL). Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes fintech en Afrique, en Asie et en Amérique latine, AVL appuie l'émergence de start-up structurantes pour le développement de l'inclusion financière dans ces régions. Le fonds cible en particulier les jeunes pousses innovantes qui cherchent à améliorer la qualité des services financiers, tout en réduisant leurs coûts afin de les rendre accessibles aux populations aujourd’hui éloignées du système bancaire. La création de valeur d’AVL englobe trois catégories : l’accompagnement technique, la gouvernance et le partage de connaissances. Plus qu’un apporteur de capital, AVL propose un accompagnement sur mesure aux start-up, mettant à leur disposition son expertise et son réseau. Au sein du fonds de capital-amorçage, une équipe est tout particulièrement chargée de l’accompagnement stratégique sur une variété de sujets opérationnels tels que la stratégie commerciale, l’efficacité des processus, le développement des produits et la segmentation-client.
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ÉTUDE DE CAS
Les IFD se réinventent pour monter en puissance en tant qu’investisseurs à impact Tori Hellrung, Responsable Impact, CDC Plus Sarah Marchand, Directrice, CDC Plus
Pour faire face au changement climatique et à des défis sociétaux toujours plus nombreux, les gouvernements attendent désormais de leurs IFD qu’elles s’engagent au-delà du seul rôle de bailleurs de fonds. Dans cette perspective, la plupart des institutions européennes ont adopté une approche de « valeur ajoutée », incluant le recours à l’accompagnement technique (AT) en plus de l’investissement en capital. À cet égard, les leçons tirées de l’expérience de CDC Plus révèlent qu’un AT efficace requiert une approche sur mesure, tournée vers les partenariats et avec des objectifs d’impact clairs.
UN ARTICLE DE TORI HELLRUNG Cadre de direction au sein de CDC Group, Tori Hellrung est spécialisée dans la mesure d’impact et la gestion de portefeuille pour les investisseurs d’impact. Avant de rejoindre l’institution britannique, elle était consultante chez Universalia, où elle était chargée d’évaluer la performance de clients parmi lesquels la Banque mondiale, l’ONU et des fondations internationales. Tori Hellrung est titulaire d’un MBA de l’université d’Oxford et d’un BA obtenu à l’université McGill.
SARAH MARCHAND Sarah Marchand, qui a rejoint CDC Group en 2017, est responsable du programme Impact. Disposant de quinze ans d’expérience, tant dans le secteur privé que dans celui du développement, elle travaille depuis une dizaine d’années aux côtés d’équipes d’investissement, se spécialisant dans la création de valeur post-investissement. En une décennie, Sarah Marchand a ainsi mis en place et piloté avec succès des programmes d’accompagnement technique liés aux fonds de capitalinvestissement appuyés par CDC, mais indépendants de ces derniers.
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À
mesure que des investisseurs désireux de prendre davantage de risques sur les marchés émergents viennent accroître la quantité de capital disponible, l’espace traditionnellement occupé par les institutions de financement du développement (IFD) est de plus en plus encombré. Disposant d’une meilleure compréhension de la crise climatique et confrontés à des inégalités sociales croissantes, les gouvernements attendent de leurs IFD qu’elles aillent au-delà du rôle de fournisseurs de capitaux, ce qui les amène à un tournant de leur évolution. Il y a donc de plus en plus de place pour l’accompagnement du secteur privé, ce qui nécessite de l’expertise, du capital et des liens étroits avec les acteurs de marché. Cela se situe quelque part entre les traditionnelles subventions ou prêts en faveur du développement et les investissements à prix de marché. À ce tournant de leur histoire, comment les IFD vont-elles conserver un rôle additionnel sur les marchés de capitaux ? L’une des oppor-
tunités consiste à accroître leur valeur ajoutée en tant qu’investisseurs, en approfondissant leur expertise en matière de développement du secteur privé, à la fois directement dans leurs portefeuilles et au niveau du marché. En 2018, CDC Group, l’institution de financement du développement du Royaume-Uni, a officiellement lancé un nouveau véhicule, CDC Plus, destiné à assurer sa montée en puissance en tant qu’investisseur à impact. Depuis, CDC Plus a engagé 50 millions de dollars dans plus de 250 projets. Son but est d’apporter une amélioration pérenne aux conditions de vie des populations en multipliant les opportunités économiques, en augmentant le niveau de vie et en créant un environnement plus durable. Les quatre enseignements qui suivent – tirés d’ateliers animés au sein de CDC Plus – constituent une réflexion stratégique visant à proposer un accompagnement technique (AT) de qualité. Ce qui ressort de ces enseignements, c’est une réflexion approfondie non seulement de ce que nous finançons, mais aussi de la manière dont nous le faisons et avec qui.
ÉTUDE DE CAS
QUATRE RECOMMANDATIONS POUR DÉPLOYER UNE OFFRE D'AT 1/ DÉFINIR PRÉCISÉMENT LES OBJECTIFS D’IMPACT
Dès le début, il est essentiel de formuler clairement et succinctement la finalité globale d’un projet en termes d’impact, et de s’assurer que toutes les parties s’accordent sur cet objectif. Celui-ci peut être formulé par le bénéficiaire de l’AT ou défini avec l’ensemble des partenaires, y compris les utilisateurs finals. Sur ces bases, le bénéficiaire de l’AT doit expliciter sa vision du projet, les résultats et impacts attendus au terme de celui-ci. Une démarche de mesure d’impact doit ensuite être établie pour le programme, en intégrant des outils comme la théorie du changement ou des indicateurs d’impact quantifiables. Cette démarche répond au besoin de disposer de jalons clairs signalant qu’au fur et à mesure de la mise en œuvre du projet, on avance bien vers l’objectif d’impact fixé. Lorsqu’un projet est piloté dans une optique d’impact, il doit être conçu avec souplesse afin de pouvoir être adapté au fil du temps. Cette agilité peut résulter d’une structuration du projet en plusieurs « phases », de l’allocation d’une enveloppe globale de financement du projet plutôt qu’un budget détaillé par activités. La flexibilité peut aussi découler d’une méthode de gestion adaptative permettant de la souplesse dans les actions et les livrables tout au long du projet devant conduire à l’impact initialement fixé. Ces approches faisant la part belle à la flexibilité rendent les projets plus résistants aux changements, cependant elles ne sont pas toujours adaptées, et la souplesse peut parfois se révéler compliquée à gérer pour les novices en matière d'accompagnement technique. 2/ PRIVILÉGIER UNE APPROCHE AXÉE SUR LES PROBLÈMES
Beaucoup de projets d’AT se concentrent sur l’accompagnement du changement au niveau de la direction, des salariés, des clients ou des fournisseurs d’une entreprise. Cependant, au démarrage du projet, les freins aux changements
La formation des salariés est souvent présentée comme étant « la » solution, sans comprendre les causes profondes de leur incapacité à modifier leurs comportements. Il manque alors toute la nuance du contexte « hyper local » comportementaux sont souvent insuffisamment étudiés ou mal compris. Les bailleurs de fonds sont fréquemment sollicités avec des solutions pré-packagées, que les prestataires de services cherchent à tester sur le marché en vantant leur capacité à induire les évolutions comportementales souhaitées. CDC Plus a pu observer que les interventions solution-driven (axées sur les solutions, par opposition à l’identification par l’entreprise elle-même des problèmes à résoudre) sont moins efficaces et ont un effet moins durable. La formation des salariés, par exemple, est souvent proposée comme étant « la » solution, sans comprendre les causes profondes de l’incapacité des collaborateurs à modifier leurs comportements. Lorsque ces causes profondes sont incomprises, la nuance du contexte « hyper local » fait défaut. CDC Plus a testé deux méthodes efficaces pour conduire les projets selon une approche « axée sur les problèmes » (problem-driven). La première consiste à structurer le projet autour de plusieurs phases, en commençant par un diagnostic du problème de l’entreprise. Cela comprend la collecte de données provenant des principales parties prenantes (entretiens, enquêtes et groupes de discussion) et une recherche documentaire. Le projet est ensuite conçu sur la base de ces données en temps réel. La phase de conception peut aussi révéler (par exemple via des études de faisabilité) qu’un projet n’est pas nécessaire dans sa totalité, ou pas adapté – ce qui est aussi un résultat recevable.
23
LES IFD SE RÉINVENTENT POUR MONTER EN PUISSANCE EN TANT QU’INVESTISSEURS À IMPACT
Dans la mesure où les IFD investissent dans une optique de réduction de la pauvreté, il est essentiel d’identifier des moyens d’orienter le capital vers des entreprises de secteurs inclusifs en situation de fragilité ou en phase de démarrage. La seconde méthode consiste à s’appuyer sur des « conseillers de confiance » et sur les équipes locales de CDC (Country Coverage) qui, ainsi intégrés au projet, peuvent apporter leur expertise sectorielle ou géographique approfondie. Par exemple, dans la réponse d’urgence de CDC Plus à l’épidémie de Covid-19, un expert en soins de santé du secteur privé, spécialisé dans les chaînes d’approvisionnement sanitaire en Afrique, a participé à l’examen du projet. Pour gagner du temps, la pression peut parfois conduire à vouloir faire l’économie d’une consultation des parties prenantes, mais la pratique confirme que ces consultations débouchent presque toujours sur des ajustements dans la conception du projet. 3/ LEVER LES FREINS SYSTÉMIQUES POUR DOPER L’IMPACT
Dans la mesure où les IFD investissent dans une optique de réduction de la pauvreté, il est essentiel d’identifier des moyens d’orienter le capital vers des entreprises des États fragiles, de secteurs naissants et inclusifs, comme par exemple le secteur de l’énergie hors réseaux. Comme leurs mandats d’investissement s’étendent à des marchés et secteurs qui sont plus difficiles pour l’investissement commercial, les IFD cherchent à collaborer entre elles et avec d’autres acteurs du marché. L’accompagnement technique peut ainsi être utilisé de diverses manières, notamment pour mettre en place des actions concertées entre les acteurs du marché, ainsi que pour réduire les risques dans ces environnements plus difficiles. Les initiatives de « façonnage de marché » (market shaping) visent à influencer les marchés commerciaux et d’investissement de façon à permettre à des acteurs locaux du secteur privé 24
d’être plus efficaces, tout en atténuant le risque perçu par les investisseurs. Le market shaping peut remédier aux lacunes systémiques, comme l’absence d’industries de soutien, le manque de talents locaux ou un environnement réglementaire inefficient. Le fait de corriger ces défauts systémiques peut élargir le potentiel d’impact, mais représente souvent des coûts ou des risques trop importants pour pouvoir être assumés individuellement par une entreprise ou des investisseurs. CDC Plus a piloté le financement de plusieurs démarches de market shaping, notamment en Asie du Sud, avec Nepal Invests et la Myanmar Private Equity and Venture Capital Association, ou encore en Afrique auprès de la Global Off-Grid Lighting Association, un organisme industriel axé sur le secteur de l’énergie solaire hors réseaux. À travers ces initiatives, CDC et d’autres IFD ont pu tirer parti de leur forte capacité de mobilisation pour faire converger les pouvoirs publics nationaux et internationaux, le secteur privé local, les organisations philanthropiques et les investisseurs internationaux. Réunir ces différents acteurs autour d’un dialogue commun ou de partenariats structurés a permis à CDC Plus et d’autres de piloter des solutions en amont des goulots d’étranglement en matière d’investissement. CDC Plus a par ailleurs observé que le market shaping nécessite un financement souple et de long terme, car la démarche collaborative est inévitablement plus lente et plus complexe. Des budgets doivent aussi être alloués pour des partenariats externes, ainsi que pour la formation et la recherche. 4/ ÉTABLIR UNE STRATÉGIE COMMERCIALE PÉRENNE
CDC Plus a financé diverses nouvelles entreprises ou initiatives, pouvant aller de structures entièrement nouvelles à vocation sociale (comme The Boardroom Africa) à des offres venant combler une lacune du marché (comme Atlas, plateforme indépendante de données de microfinance). Ces nouvelles initiatives étaient en phase de démarrage, offrant des produits ou services n’ayant pas encore fait leurs preuves, et donc relativement risqués – d’où l’impératif
LES IFD SE RÉINVENTENT POUR MONTER EN PUISSANCE EN TANT QU’INVESTISSEURS À IMPACT
d’une subvention. Pour CDC Plus comme pour celles et ceux qui lançaient ces initiatives, faire coïncider un modèle de financement subventionné avec un business model naissant a représenté quelques défis majeurs. Parmi eux, figurent le fait d’accorder à l’entreprise suffisamment de souplesse pour qu’elle fasse évoluer son business model, souvent de manière très significative ; l’adoption par CDC d’une démarche de suivi adaptive, en lieu et place d’une approche classique fondée sur les indicateurs clé de performance (KPI) ; mais aussi le fait que certaines entreprises mettent trop longtemps à identifier leur cible de consommateurs pour tester leur volonté de payer pour les produits ou services envisagés. Si la majorité de ces initiatives naissantes sont parvenues à identifier un business model ou des schémas de financement adaptés, les méthodes habituelles de gestion de projet ne
permettaient pas assez de souplesse dans les processus. Pour que les IFD puissent apporter un financement opérationnel à ces nouvelles initiatives, il faut modifier structurellement la méthode de gestion de ces projets, et se montrer réaliste quant à l’allongement de la durée pour obtenir des résultats. En outre, il ne faut pas présumer que toutes les initiatives financées par des subventions trouveront leur modèle commercial – certains problèmes sociaux et environnementaux restent en dehors du champ d’action de l’investissement, et nécessiteront peut-être des subventions ou un modèle concessionnel hybride dans les prochaines années. À l’avenir, les IFD devront explorer en quoi d’autres outils de financement, comme les subventions remboursables ou les financements concessionnels, pourraient s’avérer mieux adaptés pour soutenir des initiatives nouvelles.
REPÈRES CDC PLUS En 2018, CDC Group a mis en place CDC Plus, sa facilité d’accompagnement technique. Celle-ci vise à améliorer durablement les conditions des populations des pays en développement, en multipliant les opportunités économiques, en améliorant le niveau de vie et en créant un environnement plus durable. Tirant parti de son expérience d’investisseur sur les marchés émergents, CDC identifie et concrétise des opportunités qui dépassent le seul cadre du capital remboursable.
MAXIMISER L’IMPACT ET LA RENTABILITÉ DES FINANCEMENTS Avec seulement trois ans d’existence, CDC Plus est l’une des dernières nées parmi les unités d’accompagnement technique au sein d’une IFD. À ce jour, elle a été bien financée et dotée d’un large mandat. Le déploiement des subventions n’est pas une tâche facile. CDC Plus cherche toutefois à limiter le recours aux subventions et le risque de mauvaise utilisation des fonds, tout en s’efforçant de maximiser l’impact et la rentabilité des financements. La tentation est parfois grande de recourir à des solutions prévisibles, comme des produits d’AT à l’emporte-pièce, des budgets prescriptifs et des KPI, ainsi que des processus de financement de subventions onéreux. Les enseignements tirés ici montrent
que le recours à l’AT implique une approche nuancée de ce qui est requis, de la façon de le structurer et de le financer. C’est un processus qui demande du temps (et des ressources) mais s’avère payant. En contrepartie de l’accès à ces ressources, il est impératif d’être en constante phase d’apprentissage et de partage des découvertes. L’intégration d’une culture de l’apprentissage et de diffusion des connaissances dans le mode de fonctionnement de CDC Plus a demandé un important travail, qui va se poursuivre. Les autres acteurs sont encouragés à en faire autant, pour que les IFD et les investisseurs puissent continuer d’innover et de se compléter sur les marchés afin d’être meilleurs ensemble.
À l’avenir, les IFD devront explorer en quoi d’autres outils de financement, notamment les subventions remboursables ou les financements concessionnels, pourraient s’avérer mieux adaptés pour soutenir les nouvelles initiatives.
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CHIFFRES-CLÉS
Forte montée en puissance des programmes européens d’accompagnement technique Chaque année, l’association des Institutions européennes de financement du développement (IEFD, EDFI en anglais) produit une analyse consolidée de l’activité de ses membres. Nous vous présentons ici les résultats de l’étude sur l’accompagnement technique, à laquelle ont contribué dix institutions. Il s’agit de BIO (Belgique), CDC (Royaume-Uni), Cofides (Espagne), DEG (Allemagne), FMO (Pays-Bas), IFU (Danemark), Norfund (Norvège), OeEB (Autriche), Proparco (France) et Swedfund (Suède). Source : EDFI, Comparative Analysis 2020, Juillet 2021
Le budget dédié à l’accompagnement technique a doublé en Europe depuis 2014 En 2020, le budget consolidé consacré à l’accompagnement technique des dix IFD européennes a atteint 48 millions d’euros, soit une augmentation de 17 millions d’euros par rapport à 2019.
24
28
27
27
29
31
48
17 M€
+
PAR RAPPORT À 2019
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Une année 2020 riche en projets La dynamique engagée il y a quelques années s’est encore accélérée l’année dernière. Le montant global des projets d’accompagnement technique (AT) en 2020, y compris les engagements non décaissés, s’est élevé à 38,4 millions d’euros et a porté sur 419 projets.
22M€ 292
21M€ 369 projets
projets
2014
26
20M€ 319
21M€ 390
2016
335
27M€
92 000
419
C’EST LE TICKET MOYEN DES
projets
339
projets
projets
projets
2017
2018
2019
projets
2015
24
M€
38M€
2020
euros
prestations d’AT en 2020
CHIFFRES-CLÉS
L’Afrique, premier bénéficiaire des programmes d’accompagnement technique L’année dernière, 153 projets d’accompagnement technique ont concerné l'Afrique, pour un montant global de 16 millions d’euros. Vient ensuite le continent asiatique, avec 9 millions d’euros et 104 projets.
4 10
PROJETS ASIE
P 15
ROJETS
MOYENORIENT
6%
2 M€
51
PROJETS
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES
6%
2 M€
15
O 3 PR J E T
23%
P 96
9 M€
ROJET S
AUTRES
24%
S
9 M€
AFRIQUE
42%
16 M€ Le secteur financier consolide sa pole position
Des dispositifs sur mesure pour répondre aux besoins des entreprises
En 2020, 152 projets ont concerné le secteur financier, pour un montant de 16 millions d’euros. Les infrastructures et les services complètent ce podium sectoriel, avec respectivement 73 et 44 projets.
41%
SECTEUR FINANCIER 152 PROJETS • 16 M€
23%
21%
20%
RENFORCEMENT DE L’ACTIVITÉ DU CLIENT
AMÉLIORATION ESG AVEC LE CLIENT
ACCOMPAGNEMENT D’UN MARCHÉ OU D’UN SECTEUR
98 PROJETS
116 PROJETS
73 PROJETS
9 M€
8 M€
8 M€
15 % INFRASTRUCTURES 73 PROJETS • 6 M€ 14 % SERVICES 44 PROJETS • 6 M€
7% AGRO-INDUSTRIE 41 PROJETS • 3 M€
5% INDUSTRIE
30 PROJETS • 2 M€
18 %
AUTRES 79 PROJETS • 7 M€
7%
1%
AMÉLIORATION DES CRITÈRES ESG AVEC LA COMMUNAUTÉ
DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
25 PROJETS
1 M€
3 M€
28%
7 PROJETS AUTRES
100 PROJETS
11 M€
27
CHIFFRES-CLÉS
Avec Propulse, Proparco muscle son offre d’accompagnement technique Dans les pays en développement, les entreprises et les institutions financières ont souvent besoin d’être accompagnées dans la mise en œuvre de leurs projets et l’amélioration de leurs pratiques, notamment environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Depuis plus de dix ans, Proparco propose à ses clients, en complément de ses appuis financiers, une offre d’accompagnement technique. En 2020, elle a regroupé l’ensemble de ses programmes sous un label unique : Propulse. Source : Proparco
Produire plus d’impacts positifs sur le développement L’offre d’accompagnement technique Propulse vise à soutenir les pratiques responsables et les initiatives innovantes du secteur privé, ce qui permet notamment de renforcer l’impact des investissements de Proparco sur le développement local.
4
régions couvertes EUROPE DE L’EST ET CAUCASE
Lutte contre le changement climatique
8
4
priorités
ASIE
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES
Égalité femmeshommes
AFRIQUE
Appui à l’innovation
Gestion des risques environnementaux et sociaux (E&S)
secteurs clés d’intervention
Institutions financières
Agriculture/ Agro-industrie
Santé
Fonds d’investissement
Éducation
Infrastructures
Start-up
Secteur manufacturier
Rendre les entreprises plus vertes, inclusives et performantes Proparco vise à apporter une expertise et un savoir-faire adaptés aux besoins de ses clients. Grâce à son offre Propulse, elle accompagne l’évolution de leurs stratégies et de leurs pratiques et soutient leur volonté d’innovation et de performance.
28
+ 200 395 8 M€ En 10 ans
ENTREPRISES ACCOMPAGNÉES
PROJETS DÉPLOYÉS
DE FONDS ENGAGÉS
CHIFFRES-CLÉS
Avec Propulse lancé en 2020, l’offre d’AT de Proparco monte encore en puissance Pour toujours mieux répondre aux besoins de renforcement de capacités de ses clients, Proparco a affecté de nouvelles ressources à son offre d’accompagnement technique, avec comme objectif de diversifier encore davantage ses modes d’intervention. Appui à des
Appui global à un
programmes
Apport direct
écosystème
de plus grande envergure
Développement de
d’expertise
formations
Propulse en 2020
16
PROJETS D’AT CLASSIQUE
3
2,64 M€
POUR UN MONTANT DE
ENVELOPPES D’AT THÉMATIQUE
4,5 M€
POUR UN MONTANT DE
Le déploiement de l’offre Propulse par zone géographique Signé en 2020 (en valeur)
13 %
5 %
35 000 €
100 000 €
ASIE MOYEN-ORIENT
64 %
18 % 140 000 €
480 000 €
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES
AFRIQUE
Les projets d’accompagnement technique signés en 2020 sont exclusivement de type « Impact »
EN 2020 RESPONSABILITÉ
340 000 € 4 PROJETS
IMPACT 100 %
RÉSILIENCE FACE À LA CRISE LIÉE À LA COVID-19
AT IMPACT, C’EST :
1 PROJET
• Lutte contre le changement climatique
INNOVATION
• Égalité femmes-hommes
60 000 €
335 000 € 3 PROJETS
•R esponsabilité environnementale et sociale
•A ccessibilité aux biens et services de base •R éponse à des crises (Covid-19), etc.
29
OPINION
Dix règles incontournables pour réussir un programme d’accompagnement technique
P eter Hinton, Banquier conseil et chercheur associé à la Saïd Business School, Université d’Oxford Lynn Pikholz, Fondatrice et CEO, CapitalPlus Exchange
Quels sont les facteurs clés de succès d’un programme d’accompagnement technique ? Comment continuer à innover pour produire plus d’impact ? Éléments de réponse à partir de vingt entretiens menés auprès de bénéficiaires et de prestataires d’AT.
UN ARTICLE DE PETER HINTON Le parcours de Peter Hinton passe par le private equity, la banque, la distribution, le corporate finance et la comptabilité. Il dispose de trente années d’expérience commerciale, dont vingt-cinq consacrées au développement des PME en Afrique. Il enseigne à la Saïd Business School dans le cadre de deux programmes de l’université d’Oxford, l’Oxford Impact Investment Programme et l’Oxford Social Finance Programme, et exerce un rôle de conseil auprès de CapitalPlus Exchange (CapPlus), en tant que senior advisor. Peter Hinton a par ailleurs contribué au premier numéro de Secteur privé & Développement consacré à l’accompagnement technique, paru en 2011.
LYNN PIKHOLZ La fondatrice et CEO de CapitalPlus Exchange (CapPlus), Lynn Pikholz, est une experte du développement des économies émergentes et du financement des petites entreprises. Elle est notamment spécialisée dans les stratégies de réduction de la pauvreté adossées au marché. CapPlus stimule notamment l’investissement d’impact par le renforcement des institutions financières dans les économies émergentes.
30
1/ Cibler les besoins du bénéficiaire. L’AT a de bons résultats lorsqu’il part du besoin exprimé par le bénéficiaire – et non par l’investisseur ou le bailleur. Tout autre objectif aura nettement moins de chances de succès. Paul Jackson, CEO de TUHF, un bailleur immobilier sud-africain, témoigne par exemple « qu’un récent programme d’AT a remarquablement résolu la question du niveau d’adéquation des fonds propres des institutions hypothécaires qui financent les promoteurs immobiliers. Le programme en question a également apporté des solutions à nombre de problèmes rencontrés dans le cadre de levées de fonds. Ce type d’accompagnement ciblé et pertinent demeure précieux. » 2/ Prendre le temps d’innover. Paul Jackson note aussi que l’adoption d’initiatives entièrement nouvelles est beaucoup plus compliquée à gérer pour les bénéficiaires : « Les initiatives novatrices demandent du temps. Les choix s’avèrent rarement judicieux lorsque les bailleurs d’AT mettent sous pression les bénéficiaires, sans saisir toutes les nuances de leur situation. » 3/ Impliquer le conseil d’administration. Les initiatives d’AT de grande ampleur doivent impliquer le conseil d’administration car les projets doivent être soutenus au plus haut niveau de l’entreprise. « C’est particulièrement important lorsque quelque chose se passe mal », souligne Ghalib Nishtar, CEO de Khushhali Microfinance
Bank – cette banque pour les PME affiche actuellement une très forte croissance au Pakistan. 4/ Engager financièrement les bénéficiaires. Toujours selon Ghalib Nishtar, les institutions financières bénéficiaires de l’AT doivent assumer une partie des coûts : « Les membres du conseil d’administration sont beaucoup plus attentifs lorsque je leur dis qu’il s’agit aussi de dépenser nos propres deniers ». Pour les institutions financières dont les ressources seraient plus limitées, il faut insister pour qu’elles mettent à disposition des équipes dédiées et/ou investissent dans l’amélioration des activités opérationnelles, à défaut d’assumer le partage des coûts. 5/ Bien sélectionner les consultants. Le succès d’un projet d’AT est souvent conditionné par l’alchimie entre le bénéficiaire et les experts qui vont effectuer la prestation de service. Les consultants doivent non seulement disposer de l’expertise technique requise, mais aussi de solides compétences interpersonnelles et d’une bonne sensibilité culturelle. 6/ Recruter des prestataires locaux ou régionaux. La majeure partie de l’AT doit être confiée de préférence à des sociétés et à des experts locaux ou régionaux. De telles initiatives permettront de renforcer les ressources humaines au service du développement, de consolider les liens de confiance à long terme et de susciter un soutien local, mais aussi de prévenir les
OPINION
éventuels malentendus d’ordre culturel. Paul Jackson, de TUHF, avertit toutefois que « les bailleurs de fonds devront veiller à maintenir une collaboration bien équilibrée entre experts locaux et experts internationaux ». 7/ S’adapter au changement. « Il est essentiel que les donateurs cessent de se focaliser exclusivement sur leurs propres stratégies. Il faut s’assurer qu’ils sont aussi en adéquation avec les priorités du bénéficiaire », estime Natasha Quist, directrice déléguée pour l’Afrique centrale et occidentale à la Bill & Melinda Gates Foundation. De son côté, Nicholas Colloff, directeur exécutif de la fondation Argidius, rappelle que « les organisations doivent être financées parce qu’elles ont du talent et du potentiel, sans oublier les petites organisations locales qui peuvent apporter de la valeur. » Ce transfert du contrôle impose aux parties impliquées de faire preuve de souplesse et de capacités d’adaptation au changement. 8/ Privilégier le temps long. « L’approche au niveau d’un écosystème implique la mise en relation de différents acteurs interdépendants et intégrés au sein d’un même système, plutôt que venus de l’extérieur », explique Klaus Niederländer, directeur de l’association Ambient Assisted Living. Il ajoute que les projets d’AT sont particulièrement utiles quand il s’agit de « mobiliser un investissement, des ressources humaines et techniques sur des périodes de dix à quinze ans, pour atteindre un réel impact économique, social et sociétal ». Selon lui, l’accent doit être mis sur le développement du capital humain et social plutôt que sur le capital économique et financier. 9/ Produire plus d’impact. Les investisseurs en capital-risque savent que l’argent n’est qu’une « marchandise ». Selon Hans Perk, directeur
Une innovation constante est la clé d’un impact plus important. Les prestataires d’AT peuvent créer des partenariats innovants et des solutions qui répondent aux besoins des organisations locales ou des gouvernements concernés. régional pour l’Afrique d’Oikocredit, un fonds d’investissement à impact doté d’un milliard de dollars, « ce qui conditionne le succès d’une entreprise, c’est l’accès aux individus, à la connaissance et aux marchés ». Nicholas Colloff partage la même analyse, prenant exemple sur la fondation Argidius pour démontrer que l'accompagnement technique est bien le moteur de l’impact. Dans une évaluation conduite par une autre organisation, quinze bénéficiaires ont ainsi attribué leur succès à parts égales à l’AT et au capital injecté. Bien que nécessaires, les subventions visant à compenser les premières pertes, les pertes de change ou des rendements plus faibles ne doivent pas être confondues avec la prestation de services d’AT, qui permet aux bénéficiaires de produire davantage d’impact. 10/ Soutenir l’innovation. Une innovation constante est la clé d’un impact plus important, mais elle exige des ressources. Par un soutien adapté, les prestataires d’AT peuvent créer des partenariats innovants et des solutions qui répondent aux besoins des organisations locales ou des gouvernements concernés. Ils peuvent aussi expérimenter de nouveaux mécanismes ou dispositifs de financement, par exemple des entités dédiées par secteur, le soutien en phase de démarrage ou encore des agences de financement pour la recherche et l’innovation.
REPÈRES SAÏD BUSINESS SCHOOL La Saïd Business School est l’établissement de l’université d’Oxford destiné aux étudiants de troisième cycle en commerce, gestion et finance. L’école occupe cette année le 17e rang mondial au classement Global MBA du Financial Times.
CAPITALPLUS EXCHANGE Présente en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est, CapitalPlus Exchange (CapPlus) a été fondée en 2003 par ShoreBank Corporation. Cette dernière est une organisation à but non lucratif spécialisée dans les services de renforcement des capacités à destination des entreprises dans lesquelles investit ShoreCap, son fonds d’investissement à impact.
31
A N A LY S E
Investissement et AT au féminin : duo gagnant pour maximiser l’impact social et les rendements financiers C hristina Juhasz, Responsable des investissements, Women’s World Banking Asset Management Harsha Rodrigues, Vice-présidente exécutive chargée des services clients régionaux, Women’s World Banking
Dans de nombreux pays, Women’s World Banking cherche à promouvoir la contribution des femmes à l’économie. Pour cela, l’organisation associe l’investissement d’impact et l’accompagnement technique pour obtenir à la fois des avancées sociales et une meilleure rentabilité, avec comme objectif la valorisation professionnelle des femmes.
UN ARTICLE DE CHRISTINA JUHASZ Christina Juhasz est responsable des investissements chez Women’s World Banking Asset Management. Elle pilote la gestion des fonds d’investissement à impact WWB Capital Partners I et II. Son rôle consiste à orienter les investissements en capital vers des prestataires de services financiers inclusifs, afin d’accroître leur portée auprès des femmes, qu’elles soient clientes, salariées ou dirigeantes d’entreprise.
E
n dépit de leur contribution de plus en plus clairement démontrée aux économies et aux sociétés locales, près d’un milliard de femmes restent aujourd’hui à l’écart des systèmes financiers formels. Women’s World Banking s’efforce de permettre à davantage de femmes d’accéder aux services financiers et à des solutions d’accompagnement technique qui leur soient spécifiquement destinés.
Women’s World Banking poursuit cet objectif à la fois via un accompagnement technique et un financement axés sur l’impact1, tirant parti du puissant potentiel de combinaison de ces deux éléments. Cette approche par les synergies est vertueuse : les investisseurs se concentrent davantage sur le renforcement des capacités permis par l’accompagnement technique, ce dernier accroissant par là-même les rendements financiers et sociaux.
HARSHA RODRIGUES Harsha Rodrigues est vice-présidente exécutive chargée des services clients régionaux chez Women’s World Banking. À ce titre, elle chapeaute l’ensemble des activités pour les régions Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Afrique et Amérique latine, ainsi que sur plusieurs marchés prioritaires. Les implantations régionales proposent des services de conseil aux intermédiaires financiers, aux décideurs politiques et aux autorités réglementaires, destinés à favoriser l’inclusion financière des femmes et leur autonomisation économique.
AU SERVICE DE L’INCLUSION FINANCIÈRE DES FEMMES Pour faire progresser l’inclusion financière, l’investissement d’impact et l’accompagnement technique sont souvent abordés en silos, ce qui aboutit à des opportunités manquées d’accroissement des rendements et de l’impact. Plusieurs facteurs expliquent pourquoi ceux-ci sont généralement proposés séparément. Tout d’abord, les investisseurs manquent souvent des ressources techniques ou financières nécessaires pour apporter eux-mêmes un accompagnement technique. Ensuite, l’accompagnement technique axé sur
l’impact – en particulier lorsqu’il est financé par des subventions – n’est généralement pas pris en compte au niveau des investisseurs à but lucratif, même lorsqu’il s’agit d’investisseurs à impact. Enfin, même si les bailleurs de subventions ou les organisations à but social proposent en général un accompagnement technique visant des objectifs d’impact, ils travaillent principalement avec les équipes dirigeantes et n’ont que très peu de rapports avec les investisseurs des entités concernées.
1 Les termes « services de conseil » et « accompagnement technique » renvoient ici au soutien apporté à des prestataires de services financiers en matière de stratégie, de recherche et de déploiement, afin de les aider à développer leurs compétences pour mieux répondre aux besoins du marché que constituent les femmes.
32
A N A LY S E
Ce cloisonnement conduit les investisseurs d’impact à ne pas profiter pleinement des savoir-faire opérationnels pour optimiser les résultats attendus, tandis que les fournisseurs d’accompagnement technique se privent d’un accès aux actionnaires, lequel leur permettrait de
hiérarchiser et d’exploiter au mieux les nouvelles compétences sur le long terme. Une fois réunis, l’accompagnement technique et l’investissement d’impact doivent aboutir à une stratégie de bénéfices mutuels et de renforcement réciproque, pour toujours plus d’impact.
CAPTER LE « DIVIDENDE DU GENRE » L’investissement qui tient compte de la dimension du genre (gender-lens investing) est un très bon exemple de symbiose entre investissement d’impact et accompagnement technique, les investisseurs prenant alors conscience que l’investissement en faveur des femmes peut produire à la fois des avancées sociales et une meilleure rentabilité financière. Ainsi, pour capturer ce « dividende du genre », ils vont investir dans des entreprises proposant des produits ou des services destinés à répondre spécifiquement aux besoins des femmes, ou dans des sociétés dont les conseils d’administration et les équipes dirigeantes reflètent la diversité, ou encore dans des entreprises détenues par des femmes. Cependant, une fois l’opération financière réalisée, les investisseurs ne peuvent ou ne souhaitent généralement pas proposer un accompagnement opérationnel destiné à améliorer la situation sociale résultant de leur investissement (par exemple au niveau du genre), se reposant plutôt sur les équipes dirigeantes et les ressources existantes pour produire l’impact et les résultats financiers attendus. Or c’est précisément à ce moment-là qu’un accompagnement technique axé sur l’impact peut constituer un facteur décisif de valeur ajoutée.
Lancé en 2012, le premier fonds de private equity de Women’s World Banking prenant en compte le genre investit dans des sociétés financières inclusives pour que celles-ci touchent davantage de femmes, en tant que clientes, salariées ou dirigeantes. Sa collecte rigoureuse de données ventilées selon le sexe et ses analyses tendancielles ont permis de démontrer aux équipes dirigeantes – à partir de leurs propres données – en quoi l’accent mis sur l’acquisition et la fidélisation d’une clientèle féminine, mais aussi sur le recrutement et la fidélisation des collaboratrices talentueuses pouvaient doper les performances globales. Mais une fois convaincues des avantages de cette double féminisation, les équipes dirigeantes n’ont souvent pas l’expertise leur permettant de déterminer comment atteindre ces femmes. Women’s World Banking a donc lancé dans un deuxième temps un fonds de suivi à financement mixte. Celui-ci apporte à la fois des fonds propres à long terme et des subventions destinées à assurer le financement d’un accompagnement technique permettant aux entreprises bénéficiaires d’aborder la question du « comment » : comment impliquer et engager davantage de femmes, afin d’assurer la pérennité et la longévité de cette question essentielle.
DES SOLUTIONS CENTRÉES SUR LES BESOINS DES FEMMES L’un des principaux services d’accompagnement technique que Women’s World Banking met à la disposition des entreprises de son portefeuille pour les aider à résoudre cette question du « comment » est une approche développée en interne, permettant de concevoir des solutions financières adaptées aux besoins des femmes.
La démarche débute par une recherche sur les comportements de la clientèle, fondée sur des données chiffrées, afin d’identifier les besoins des femmes, leurs attitudes et les freins éventuels. Un processus de conceptualisation, de prototypage et de tests utilisateurs permet ensuite de développer des solutions commercialement viables 33
INVESTISSEMENT ET AT AU FÉMININ : DUO GAGNANT POUR MAXIMISER L’IMPACT SOCIAL ET LES RENDEMENTS FINANCIERS
Mise en œuvre d’une évaluation organisationnelle liée au genre DÉFINIR
Pré-évaluation • Évaluation en ligne • Définir le problème – coïncidence avec un espace d’opportunités à explorer • Obtenir des données auprès de l’institution à des fins d’analyse quantitative
ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC
Analyse du marché du travail • Comprendre le contexte global par des recherches de second niveau sur les tendances de l’emploi et du marché du travail, les normes culturelles, l’éducation, l’environnement juridique.
DÉVELOPPER
Diagnostic institutionnel
Recherche auprès des • Acquérir une vision salariés à 360 degrés de l’organisation et de ses activités opérationnelles.
Analyse
• Recueillir les points de vue, les attitudes et les expériences vécues par les salariés
• Comprendre les données et établir des liens de causalité
Plan d’action lié au genre
Source : Women’s World Banking
qui répondent à ces besoins, à ces préférences et à ces obstacles. Au cœur de cette démarche, centrée sur les femmes, on trouve une méthode systémique et itérative de résolution des problèmes, intégrant à la fois le client et l’entreprise dans la prise de décision. L’implication d’un investisseur dans
ce processus peut aider la direction à fixer des priorités et à faire en sorte que les solutions soient mises en œuvre avec succès. Cela conduit par voie de conséquence à l’issue recherchée, à savoir impliquer et engager davantage de femmes, conférant ainsi à l’entreprise un avantage comparatif qui se traduira dans ses résultats financiers.
CONSTRUIRE LA DIVERSITÉ DES GENRES DANS LES ORGANISATIONS Women’s World Banking s’attache aussi à bâtir des organisations reflétant la diversité des genres, capables d’accroître leur résilience, de réduire leurs risques et de surperformer les indicateurs financiers. En interne, certains biais culturels peuvent cependant créer des barrières invisibles pour les femmes dans le déroulement de leur carrière. Lancé en 2008 par Women’s World Banking, l’outil « Évaluation organisationnelle liée au genre » (Organizational Gender Assessment – voir ci-dessus) permet aux institutions financières d’analyser la parité homme-femme dans leurs équipes, de comprendre les expériences professionnelles de chacune et chacun, et de mesurer la capacité de l’organisation, son 34
engagement et ses politiques en matière de recrutement, de fidélisation, de promotion et de récompense des collaboratrices. Des experts en accompagnement technique mandatés par Women’s World Bank travaillent auprès de ces institutions pour développer des plans d’action sur mesure. Grâce aux comités de surveillance et de supervision du conseil d’administration et au suivi de la performance mesurée par rapport aux objectifs, les investisseurs de l’institution concernée peuvent s’assurer que les plans d’action portent leurs fruits. Ils bénéficient en retour d’une réduction du risque et de l’amélioration des performances commerciales qui résultent d’une plus grande diversité de genre.
INVESTISSEMENT ET AT AU FÉMININ : DUO GAGNANT POUR MAXIMISER L’IMPACT SOCIAL ET LES RENDEMENTS FINANCIERS
Les atouts d’un AT orienté vers la recherche d’impact : étude du cas de l’institution de microfinance indienne Ujjivan En 2012, le fonds WWB Capital Partners souhaitait investir dans Ujjivan (aujourd’hui Ujjivan Small Finance Bank), une institution de microfinance indienne dont l’objectif est de permettre une meilleure couverture de la clientèle constituée par les femmes, avec de nouveaux produits et services. Dans le même temps, l’équipe d’accompagnement technique du fonds conduisait des études de comportements consommateurs, pour identifier les besoins et préférences des clientes ciblées par Ujjivan. Cette enquête a révélé que, pour les femmes, le principal point d’achoppement était le délai d’exécution : il fallait trop de temps pour obtenir un prêt. Sur la base de cette étude, Ujjivan a mis au point une stratégie globale de réduction de son temps de réaction. Devenu investisseur, WWB Capital Partners a ensuite été en mesure de piloter le déploiement de ce plan d’action. Concrètement, Ujjivan a mis en place un système de gestion numérique des documents, décentralisé la prise de décision, équipé ses chargés de crédit de terminaux portables pour la saisie de données sur le terrain, et investi dans une connexion en temps réel avec les agences de crédit indiennes – faisant ainsi passer les délais de réponse de quatorze à trois jours. Un an seulement après l’étude de Women’s World Banking, Ujjivan est devenu leader sur son marché. Son taux d’acquisition de nouveaux clients s’est envolé, multipliant par deux en moins d’un an l’encours de son portefeuille de crédits.
REPÈRES WOMEN’S WORLD BANKING Women’s World Banking est une organisation à but non lucratif qui apporte un soutien stratégique, un accompagnement technique et des informations à un réseau mondial de 55 institutions de microfinance (IMF) ou banques indépendantes, lesquelles fournissent du crédit et des services financiers à des entrepreneurs à faibles revenus dans les pays en développement, avec une attention particulière à la situation des femmes. Le réseau Women’s World Banking pourvoit aux besoins de 24 millions de micro-entrepreneurs, dont 80 % de femmes, dans 32 pays.
FAVORISER L’INCLUSION FINANCIÈRE D’UN MILLION DE FEMMES En 2014, WWB Capital Partners décide de réaliser un investissement supplémentaire dans Ujjivan, à un multiple de la valeur comptable de 10 % plus élevé, doublant presque le prix par action. Women’s World Banking conduit alors une nouvelle étude clientèle, qui identifie cette fois un fort intérêt des clientes pour des prêts destinés à des individus ou à de petites entreprises, ce qui permet à Ujjivan de développer un plan stratégique d’introduction des prêts personnels. Ayant approuvé ce plan avec d’autres actionnaires, WWB Capital Partners peut alors s’assurer du bon déploiement du programme. En un an, Ujjivan a ainsi pu mettre en place la plus importante levée de fonds jamais réalisée (à cette date) par une institution de microfinance indienne, sur la base d’un multiple de valeur comptable désormais supérieur de 20 % à la valorisation de l’investissement initial de WWB Capital Partners, soit un triplement du prix par action. Par la suite, Ujjivan fera partie du premier groupe d’institutions de microfinance sélectionnées par la Reserve Bank of India pour obtenir une licence bancaire dans la catégorie small banks. En 2016, Ujjivan est devenue une société cotée, au terme d’une offre publique initiale (IPO) sursouscrite 41 fois sur les places boursières indiennes. Grâce à l’alliance de l’impact investing et d’une stratégie ciblée d’accompagnement technique, l’investissement a représenté pour le fonds et pour Women’s World Banking un TRI (taux de rentabilité interne) net de 30 %, tout en rendant possible l’inclusion financière de près d’un million supplémentaire de femmes indiennes, leur donnant accès à de nouveaux produits bancaires – prêts individuels et prêts aux petites entreprises. Cette approche hybride de l’investissement capitalistique à impact et d’un accompagnement technique axé sur les résultats a prouvé qu’elle était une stratégie gagnante. Elle a démontré ses bénéfices mutuels, maximisant pour toutes les parties prenantes les résultats, tant financiers que sociétaux. Adopter la dimension d’impact social sans sacrifier le rendement financier constitue un puissant levier de création de valeur, pour les investisseurs comme pour les institutions qui bénéficient de leurs investissements.
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FOCUS
Les incubateurs et accélérateurs de start-up renouvellent l’accompagnement technique Dahlia Hawili, Cheffe de projet entrepreneuriat et économie inclusive, AFD Aïda Ndiaye, Cheffe de projet numérique, AFD
Alors que l’Afrique du numérique est en pleine effervescence, l’accompagnement technique (AT) et financier joue un rôle clé dans le développement d’une jeune pousse. Dans ce contexte d’innovation, les accélérateurs et les incubateurs sont des laboratoires d’expérimentation de l’AT. Quant au Groupe AFD, il intervient à la fois par le financement de ces structures et par l’accompagnement de l’ensemble des acteurs de l’écosystème entrepreneurial.
UN ARTICLE DE DAHLIA HAWILI Dahlia Hawili est cheffe de projet entrepreneuriat et économie inclusive au sein du département Transition économique et financière à l’Agence française de développement (AFD). Spécialisée dans l’appui aux TPE/ PME et aux entreprises sociales, elle participe au financement de programmes publics d’appui à l’entrepreneuriat, permettant le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux inclusifs, principalement en Afrique.
AÏDA NDIAYE Aïda Ndiaye est cheffe de projet numérique à l’Agence française de développement (AFD). Spécialisée dans les enjeux d’entrepreneuriat numérique, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi, elle intervient sur le financement de programmes d’innovation pour le secteur public, mais aussi de start-up du numérique à impact, d’universités et d’ONG, en Afrique comme au Proche-Orient.
L’
Afrique est le continent qui compte le plus d’entrepreneurs parmi sa population (20 %), dont plus d’un quart sont des femmes.1 Une nouvelle génération d'entreprises y émerge : les start-up, ces jeunes pousses à fort potentiel de croissance qui s’appuient le plus souvent sur des technologies innovantes, en lien avec l'essor du mobile et des usages connectés. Dans ce contexte d’une Afrique du numérique en pleine effervescence, l’accompagnement technique (AT) et financier joue un rôle prépondérant dans l’émergence, la croissance et le passage à l’échelle d’une start-up. Les accélérateurs et les incubateurs, parfois regroupés sous le terme de structures d’accompagnement à
l’entrepreneuriat (SAE), sont en ce sens des acteurs majeurs de l’écosystème entrepreneurial. Alors que leurs missions tendent à se confondre, l’incubateur est par essence le lieu de soutien à la création de l’entreprise innovante. S’inscrivant dans la durée, sa mission est d’aider l’entrepreneur à passer d’une idée à la concrétisation de son projet. Il fournit pour cela un appui en formation, ainsi qu’en recherche de financements ou de partenariats. De son côté, l’accélérateur propose généralement un programme limité dans le temps. À travers une approche privilégiant le sur mesure, celui-ci peut inclure des dispositifs de mentorat ou de formation, avec parfois des volets plus spécifiques tournant autour de la levée de fonds.
LES SAE, PIERRE ANGULAIRE DE L’ÉCOSYSTÈME ENTREPRENEURIAL Si les SAE sont considérées comme la pierre angulaire de l’écosystème entrepreneurial, c’est avant tout parce qu’elles ont pour vocation de condenser l’ensemble de l’offre non pourvue par les autres acteurs. Elles accompagnent l’entrepreneur dans
son développement professionnel via le mentorat, lui permettent d’acquérir les compétences requises à travers des formations spécifiques (management, marketing, développement commercial, droit des affaires, finance, administratif, etc.), tout en lui
1 Proparco, revue Secteur privé & Développement, Financement des PME en Afrique, Quoi de neuf septembre 2019
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FOCUS
fournissant un espace de coworking doté d’un accès internet haut débit. Elles permettent aussi à l’entrepreneur de constituer son réseau professionnel grâce à l’accompagnement en cohorte. Cette approche collective permet par ailleurs de réaliser des économies d’échelle significatives en mutualisant les besoins similaires de participants. Si le champ d’action des SAE est extrêmement large sur le continent africain, les disparités dans l’offre le sont tout autant car celle-ci dépend fortement de la capacité de ces structures à obtenir des financements, leur rentabilité n’étant jamais assurée avec une clientèle de start-up. Au-delà des compétences traditionnelles visant la performance des entreprises, les méthodologies d’expérimentation itératives doivent être considé-
rées comme un socle pour favoriser l’autonomisation des jeunes entrepreneurs dans des marchés dynamiques. Le concept de « lean start-up » invite par exemple les jeunes pousses à faire une force de la frugalité de leurs ressources en expérimentant chaque hypothèse auprès de leur cible et de pivoter au gré des retours des utilisateurs du produit ou service proposé. L’accent est également mis sur les compétences comportementales nécessaires dans un monde en transition. En s’appuyant davantage sur ces méthodologies, les incubateurs et les accélérateurs deviennent alors de véritables laboratoires d’expérimentation et des observatoires rigoureux de l’innovation sur le continent, portés par de nouveaux modèles comme les incubateurs virtuels et les start-up studios.
REPÈRES AFD Institution financière publique et solidaire, l’Agence française de développement (AFD) est l’acteur central de l’aide au développement de la France. Elle s’engage sur des projets qui contribuent à améliorer le quotidien des populations dans les pays en développement, émergents et dans l’Outre-Mer. Intervenant dans de nombreux secteurs – énergie, santé, biodiversité, eau, numérique, formation… –, l’AFD accompagne la transition vers un monde plus équitable et plus durable, un monde en commun. Son action s’inscrit pleinement dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD). L’AFD, présente dans 115 pays via un réseau de 85 agences accompagne plus de 4 000 projets de développement.
L’AFD SOUTIENT UN ACCOMPAGNEMENT INNOVANT Le Groupe AFD est un partenaire engagé auprès des incubateurs et des accélérateurs. Il intervient à la fois par le financement de ces structures et par l’AT pour soutenir l’ensemble des acteurs de l’écosystème entrepreneurial, lesquels fournissent ensuite de l’accompagnement technique aux entrepreneurs. À titre d’exemple, le projet AFIDBA (AFD for Inclusive and Digital Business in Africa), qui s’appuie sur un consortium de dix acteurs dont cinq incubateurs bénéficiaires, vise à développer l’entrepreneuriat inclusif dans le domaine du numérique. Ce projet se concentre sur l’incubation de 60 start-up et le financement en amorçage de 28 autres, ainsi que sur la mise en place d’une méthodologie d’accompagnement entraînant le renforcement des capacités des incubateurs. Cette nouvelle approche permet un meilleur ciblage des start-up sélectionnées ainsi qu’une montée en compétences au niveau de l’accompagnement proposé. Dans une démarche similaire, le fonds d’amorçage Digital Africa, via les opérateurs AfriLabs et Afric’innov, se mobilise pour améliorer les synergies entre les différentes SAE à travers des ateliers de formation, des labellisations pour les hubs d’excellence ou encore le partage des meilleures pratiques à l’échelle du continent.
À travers son soutien à des SAE, le Groupe AFD est en mesure de toucher un plus grand nombre d’entrepreneurs organisés en communauté, d’expérimenter de nouvelles méthodologies d’appui et de développer les compétences locales en accompagnement technique.
Le SIBC appuie les entreprises à impact en Afrique Le Social & Inclusive Business Camp (SIBC), lancé en 2017 par le Campus AFD (ex-CEFEB), s’inscrit dans le continuum des accompagnements non financiers du Groupe AFD. Structuré autour de trois mois de formation à distance, d’une semaine de bootcamp en présentiel et d’un programme de mentorat, le SIBC accompagne le passage à l’échelle des entrepreneurs produisant des impacts positifs en Afrique. Son approche pédagogique innovante vise le développement des compétences (techniques et comportementales) pour mieux répondre aux enjeux des transitions, ainsi que la mise en relation avec des investisseurs. Avec ce financement de l’AFD, le SIBC offre une forte visibilité internationale, tout en faisant émerger une communauté de mentors et d’alumni ayant à cœur de partager leur expérience et d’inspirer des entrepreneurs en devenir. Plus de 200 entrepreneurs de 30 nationalités ont ainsi été accompagnés, dont environ 30 % de femmes.
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FOCUS
Accompagner les acteurs privés et publics pour favoriser l’émergence d’écosystèmes innovants Amance Bustreau, Chargée de projet, Expertise France Ariane Philis, Cheffe de projet, Expertise France
L’accompagnement technique et financier de l’entrepreneuriat innovant demeure un rouage essentiel du développement durable. Il permet notamment la réorientation de l'économie vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée. En adoptant une approche transversale de soutien aux initiatives publiques et privées dans ses pays d’intervention, l’agence Expertise France contribue à l’instauration d’un climat des affaires favorable et à la mise en place d’un cadre réglementaire propice à la création d’entreprises.
UN ARTICLE DE ARIANE PHILIS Depuis qu’elle a rejoint Expertise France en 2019, Ariane Philis pilote des projets de soutien à l’entrepreneuriat et à l’innovation en Tunisie. Elle a été auparavant chargée de la mise en œuvre d’un projet de développement des systèmes de marchés en République démocratique du Congo (RDC), financé par le DfID britannique.
AMANCE BUSTREAU Titulaire d’un magistère en économie du développement (Cerdi), Amance Bustreau a travaillé pendant deux ans dans le domaine de la microfinance en France. En novembre 2020, elle a intégré Expertise France comme chargée de projet sur le secteur privé en Libye, avant de prendre en charge le suivi et l’évaluation du projet Innov’i-EU4 Innovation en Tunisie.
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ans la centaine de pays où elle intervient, Expertise France (EF) soutient l’entrepreneuriat innovant. Elle combine appui aux projets portés par les acteurs économiques de la société civile (incubateurs, accélérateurs et hubs entrepreneuriaux) et accompagnement technique (AT) aux gouvernements. Concrètement, l’agence renforce d’un côté les capacités des institutions publiques et accompagne les gouvernements ou
structures publiques lors de la mise en place de partenariats public-privé (PPP). Et de l’autre, elle soutient l’écosystème de l’entrepreneuriat innovant et participe au déploiement de mécanismes d’accès au financement. Cette approche transversale lui permet de prendre en compte le volet institutionnel pour favoriser l’émergence et la structuration d’écosystèmes entrepreneuriaux innovants. Avec, à la clé, une cohérence renforcée entre les politiques publiques et les initiatives privées.
CONTRIBUER À LA MISE EN PLACE DE CADRES RÉGLEMENTAIRES Pour faire de l’innovation un moteur majeur de la croissance économique et de la création d’emplois, Expertise France contribue à développer des outils réglementaires et financiers pour faire émerger un écosystème entrepreneurial et de l’innovation. En Tunisie, dans le cadre du programme Innov’i financé par l’Union européenne, l’agence appuie la mise en œuvre de l’initiative publique Startup Tunisia en renforçant les capacités de l’opérateur national Smart Capital. En parallèle, Expertise France participe à la mise en
place d’un cadre règlementaire pour favoriser le développement du crowdfunding dans le pays. Cet accompagnement a permis de sensibiliser les acteurs publics et d’assurer l’adoption de la loi en juillet 2020. Les équipes du projet Innov’i collaborent par ailleurs avec le ministère tunisien de l’Industrie afin de promouvoir la prise en compte de l’innovation dans les critères des achats publics, levier indispensable pour que les start-up et PME aient accès aux marchés publics, ce qui ne peut qu’accélérer leur développement.
FOCUS
CONSTRUIRE UN CONTINUUM DE FINANCEMENT Une fois le cadre réglementaire posé, un continuum de financement doit être garanti de l’amorçage du projet jusqu’à son accélération. C’est pourquoi Expertise France participe au financement et à l’accompagnement technique des initiatives portées par les acteurs économiques privés. En Tunisie, le programme Innov’i alloue ainsi une enveloppe de 8 millions d’euros aux structures d’accompagnement. Autre exemple au Monténégro où le programme pilote « Vouchers de compétitivité », mis en place dans le cadre du projet BeSME1, permet de financer directement des prestations. Dix-sept PME ont d’ores et déjà pu bénéficier
d’un appui pour soutenir leur transformation digitale et technologique. Dans le cadre de la composante Startup Invest de l’initiative Startup Tunisia, Innov’i accompagne Smart Capital dans la structuration d’Anava, le tout premier fonds de fonds de ce type en Afrique, d’une taille cible de 200 millions d’euros. Anava doit investir dans au moins seize fonds sous-jacents qui doivent à leur tour financer plus de 350 start-up. L’accompagnement d’Expertise France se concentre aujourd’hui sur le prochain closing, la cartographie des risques et l’examen poussé des premières candidatures des fonds sous-jacents.
REPÈRES EXPERTISE FRANCE L’agence publique Expertise France est l’acteur interministériel de la coopération technique internationale. Deuxième agence par sa taille en Europe, elle conçoit et met en œuvre des projets qui renforcent durablement les politiques publiques dans les pays en développement et émergents. Gouvernance, sécurité, climat, santé, éducation…, Expertise France intervient sur des domaines clés du développement et contribue aux côtés de ses partenaires à la concrétisation des objectifs de développement durable (ODD). Pour renforcer l’efficacité de la politique française de coopération au développement, Expertise France rejoint le Groupe AFD.
VALORISER L’ÉCOSYSTÈME ENTREPRENEURIAL Pour soutenir le développement du secteur privé, l’animation de l’écosystème de l’entrepreneuriat et de l’innovation demeure essentielle. Les partenariats public-privé en sont un bon exemple. Le projet Innov’i a contribué à la création du premier espace en Tunisie dédié à l’innovation et aux start-up. Baptisé The Dot, ce lieu a vocation à devenir la figure de proue de l’écosystème entrepreneurial tunisien, en plus d’être un tremplin pour l’émergence de start-up. Pour améliorer la visibilité des entreprises auprès des investisseurs locaux et internationaux, Expertise France appuie l’animation de la communauté tunisienne Invest’i sur la plateforme internationale de match-making EuroQuity. Ce service de Bpifrance met en relation les jeunes pousses tunisiennes avec les partenaires de leur développement, en particulier les investisseurs. Au Monténégro, Expertise France a appuyé le gouvernement dans la création du Technology Transfer Office permettant d’organiser le transfert de technologies avec les start-up et PME axées sur la recherche et l'innovation. En adoptant cette approche transversale de soutien aux initiatives privées et publiques, Expertise France contribue à la création de conditions réglementaires propices au développement d’un écosystème dynamique.
L’agence tente aussi de pallier l'absence ou l'inadéquation des mécanismes de financement des start-up, un axe fort pour faire émerger les futurs champions de l’innovation.
Premier bilan encourageant des Startup Acts en Afrique Dix-neuf gouvernements africains ont promulgué des lois spécifiques visant à stimuler la création et le développement des MPME sous la forme de Small Business Acts (SBA) et de Startup Acts. Bien qu’étant des instruments récents manquant encore d’évaluations externes, les SBA et Startup Acts semblent avoir un impact significatif sur le développement du secteur privé s’ils sont bien conçus et correctement mis en œuvre, comme en témoigne l’évaluation réalisée en 2020 par le Groupe AFD. À titre d’exemple, les Startup Acts tunisien et sénégalais présentent un ensemble d’incitations fiscales et d’appuis financiers et non financiers aux entrepreneurs pour soutenir la création et la croissance des start-up et PME innovantes. Les premiers impacts sont déjà notables dans leurs écosystèmes respectifs. Adopté il y a deux ans en Tunisie, le Startup Act a ainsi permis de labéliser plus de 500 start-up. Celles-ci ont participé à la création de 3 222 emplois. Et les start-up tunisiennes labellisées ayant plus d’un an d’existence ont enregistré une croissance moyenne de 47,6 % de leur chiffre d’affaires en 2020.
1 Projet d’amélioration du climat des affaires et de la compétitivité du secteur privé au Monténégro, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France.
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OPINION
L’accompagnement technique diffuse une forte culture des enjeux E&S – et de leurs solutions Teddy Deroy, Directeur Europe, Afrique de l’Est et du Nord, IBIS Consulting
Dans les marchés émergents, les investisseurs réalisent systématiquement des évaluations environnementales et sociales (E&S) des projets ou entreprises qu’ils ciblent. L’accompagnement technique s’avère alors précieux pour appréhender de tels enjeux, parfois méconnus et souvent complexes. Le conseil, la formation, la mise en place d’outils pour encadrer les bonnes pratiques sont autant de moyens de maîtriser les risques E&S, en particulier sur les questions climatiques, de biodiversité et de genre.
UN ARTICLE DE TEDDY DEROY Ingénieur chimiste de formation (ESPCI Paris) et titulaire d’un MSc en sciences de l’environnement (Imperial College London), Teddy Deroy est devenu un expert des standards internationaux et des enjeux globaux (sociaux, sociétaux, fonciers et éthiques) dans le contexte africain. Il est l’un des associés et fondateurs d’IBIS Consulting et dirige les agences IBIS Afrique de l’Est (Kenya), Afrique du Nord (Maroc) et Europe (France). Avant de cofonder le cabinet IBIS, Teddy Deroy occupait le poste de directeur HSE de la compagnie Perenco en République démocratique du Congo (RDC) et a été associé chez ERM France où il dirigeait les services fusions-acquisitions et amélioration des performances HSE.
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vant d’envisager toute opération, en particulier dans les marchés émergents, les investisseurs institutionnels (banques de développement, agences multilatérales, etc.), fonds d’investissement et autres acteurs bancaires réalisent des évaluations environnementales et sociales (E&S) des projets ou entreprises dans lesquels ils songent à investir. Ces évaluations, appelées « Due Diligence E&S » (DD E&S), servent à déterminer si des améliorations sont nécessaires en matière d’environnement, de santé, de sécurité au travail, d’emploi, de foncier, de biodiversité, etc., afin de se conformer à la réglementation locale mais aussi aux standards internationaux. Rappelons que ces derniers comprennent les normes de performance E&S de la SFI, les conventions de l’Organisation internationale du travail, les
principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, les principes de l’Équateur, ainsi que des standards plus thématiques tels que l’accord de Paris sur le climat ou le 2X Challenge consacré à l’égalité femmes-hommes. Côté opérationnel, les DD E&S permettent d’établir un plan d’action environnemental et social (PAES) qui doit corriger les éventuels écarts avec ces standards. Bien que très utiles, ces évaluations se limitent toutefois à un exercice d’audit rapide des entreprises car elles se focalisent sur les risques principaux. Ce qui implique que les DD E&S ne proposent pas aux clients de volet pédagogique vis-à-vis des standards E&S, ni d’assistance lors de la mise en œuvre d’un plan d’action environnemental et social. C’est donc là que l’accompagnement technique (AT) devient incontournable.
APPROCHE PÉDAGOGIQUE ET OUTILS OPÉRATIONNELS L’AT permet de mobiliser des experts E&S pour assister les entreprises à un coût particulièrement attractif. Des consultants peuvent dispenser des formations approfondies sur les enjeux E&S et leur gestion : formation aux standards E&S de 40
la SFI, formation à la conduite d’audits E&S, sensibilisation aux enjeux du genre et du changement climatique, etc. Cette approche pédagogique concerne aussi bien le personnel chargé de l’E&S que la direction. D’ailleurs, investir
OPINION
sur ces femmes et ces hommes qui tiennent les commandes opérationnelles est sans doute la plus grande transformation E&S à laquelle l’AT contribue. Parmi les autres points forts de l’accompagnement technique figure le développement d’un système de gestion E&S (SGES) pour structurer les bonnes pratiques d’un client. Concrètement, un SGES est un ensemble de politiques et de procédures E&S qui encadrent les analyses de risques, les ressources et les compétences, le suivi ou encore la gestion des incidents et des plaintes. Il permet aussi de piloter certains aspects opérationnels tels que les consommations d’énergie, la gestion du personnel ou encore la sécurité routière. Dans les marchés émergents où la culture des procédures documentées n’est pas complètement ancrée, il est essentiel que ces SGES soient accompagnés de boîtes à outils
comprenant registres, questionnaires et tableaux de bord illustrés. Quand la situation l’exige, l’accompagnement technique peut aussi offrir une expertise additionnelle. Ainsi, pour des problématiques E&S complexes, pour lesquelles une formation pointue ou des procédures ne seraient pas suffisantes, des experts spécialistes de ces questions peuvent être mobilisés. Ils vont par exemple aider à mener des accords avec des peuples autochtones au sujet de la préservation de leurs lieux sacrés, aider à trouver des solutions d’élimination de déchets en zone reculée ou encore préparer un programme de restauration d’une mangrove. En cette période de pandémie, de nombreuses banques de développement ont déployé des AT d’urgence sur la Covid-19 (conseil sur la protection de la santé des travailleurs, sur la réduction des plans de licenciements, etc.).
REPÈRES IBIS CONSULTING IBIS Consulting est un cabinet de conseil en finance durable spécialisé sur les questions environnementales, sociales et d’impact dans les marchés émergents (Afrique et Asie), avec un fort intérêt pour le secteur privé. Créé en 2015 par un groupe d’experts en finance durable, il dispose de bureaux permanents en Afrique du Sud, au Kenya, au Maroc, à Singapour, à Hongkong et en France. Le cabinet, qui s’appuie sur une équipe d’une soixantaine de consultants, mène chaque année plus de 250 missions E&S pour des agences multilatérales de développement, des institutions de financement du développement, des banques commerciales, des fonds d’investissement ou encore des fonds d’impact. Depuis sa création, IBIS Consulting est intervenu dans plus de 50 pays d’Afrique et d’Asie.
LEVER TOUS LES OBSTACLES ADMINISTRATIFS Si l’AT aide les entreprises à mettre en place des outils opérationnels et à mieux appréhender les risques E&S auxquels elles sont confrontées, rappelons que cet accompagnement ne se substitue en aucun cas à leur propre obligation de mise en conformité avec les exigences réglementaires (obtenir un permis d’environnement par exemple). Face à la multiplicité des mécanismes de mobilisation de l’AT proposés par les différents investisseurs et à la relative lenteur des démarches administratives pour l’obtenir, l’AT peut s’avérer être un outil mal compris des entreprises qui pourraient en bénéficier. Lever ces freins pour faciliter le recours à l’AT constitue donc le premier axe de développement de ce type de programme, dont les promoteurs souhaitent participer encore d’avantage à un développement responsable du secteur privé dans les marchés émergents, en particulier sur les questions climatiques, de biodiversité et de genre encore insuffisamment appuyées.
Des ateliers en Afrique francophone pour former aux standards de la SFI Un projet qui respecte les meilleures pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) est un projet plus résilient, plus durable et plus rentable. C’est pourquoi les institutions financières de développement œuvrent à la diffusion des critères ESG. La crise liée à la pandémie de Covid-19 a accentué la nécessité de développer les capacités locales pour l'intégration de ces pratiques. C’est dans ce cadre que l’association française RSE Développement – avec notamment l’appui de Proparco et de la société de conseil en environnement Ramboll Management Consulting – a proposé une série d’ateliers de formation en présentiel (et à distance) au Maroc, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, entre décembre 2020 et mai 2021. Ces rendez-vous sur plusieurs jours, qui mêlent théorie et pratique, visent à former les entrepreneurs, consultants et investisseurs actifs dans les pays d’intervention de Proparco aux standards de performance de la Société financière internationale (SFI). Ces ateliers permettent par ailleurs de constituer un réseau dynamique de « praticiens » en Afrique francophone. Proparco travaille actuellement avec ses homologues européennes au passage à l’échelle de ce type d’initiative.
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ENTRETIEN
« Avec l’AT, l’Union européenne soutient la croissance durable et l’emploi décent dans les pays en développement »
E ntretien avec Erica Gerretsen, Directrice par intérim pour la finance durable à la direction générale des partenariats internationaux, Commission européenne
Erica Gerretsen évoque dans cet entretien la nécessité de mobiliser des fonds privés pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) dans les pays en développement. Les pays partenaires de l’Union européenne, en particulier en Afrique, aspirent à créer de façon massive des emplois décents. Ils souhaitent également évoluer vers des économies plus vertes et plus inclusives. Ce sont aussi des priorités pour l’Union européenne (UE). Dans la mise en œuvre de ces objectifs communs, le recours à des instruments financiers innovants et à l’accompagnement technique s’avère déterminant pour contribuer au dynamisme du secteur privé.
ERICA GERRETSEN Erica Gerretsen a rejoint en 2003 la Commission européenne au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DG DEVCO). En 2016, elle est nommée chef d’unité à la DEVCO A4, « Appui budgétaire, gestion des finances publiques et mobilisation des revenus domestiques ». Depuis le 16 janvier 2021, elle est directrice par intérim de la direction Sustainable finance, jobs and growth, an economy that works for the People (« Finance durable, emplois et croissance : une économie au service des citoyens »), nouvellement créée au sein de la DG INTPA (pour les partenariats internationaux).
SP&D : COMMENT ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE (ODD) DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT, ET QUELLES SONT, À CET ÉGARD, LES PRIORITÉS DE L’UE ? Erica Gerretsen : Il y a un décalage énorme entre l’aide au développement nécessaire dans le monde et les montants actuellement disponibles. En 2019, le secrétariat général des Nations unies estimait le déficit des financements requis pour atteindre les ODD dans les pays en développement à un montant compris entre 2 500 et 3 000 milliards de dollars par an. Or en 2020, l’aide publique au développement (APD) apportée par les pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE s’élevait à « seulement » 161 milliards de dollars. Pour
mobiliser des fonds, il nous faut encourager les partenariats et « reconstruire en mieux ». Nos pays partenaires, particulièrement en Afrique, aspirent à créer de façon massive des emplois décents et à garantir à leurs citoyens des moyens de subsistance durables, notamment dans le sillage de la pandémie de Covid-19. Ces pays veulent également évoluer vers des économies vertes, inclusives, avec une forte composante numérique. Ce sont aussi nos priorités. Nous devons donc soutenir nos partenaires dans un effort commun.
DANS QUELLE MESURE L’AIDE EXTÉRIEURE DE L’UE EST-ELLE IMPORTANTE POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVÉ DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ? Ce n’est qu’avec les ressources mobilisables par le secteur privé que nous parviendrons à combler le déficit d’investissement et de financement, 42
en particulier dans le contexte actuel de reprise post-Covid. C’est pourquoi l’un des principaux objectifs de l’aide extérieure de l’UE dans les pays
ENTRETIEN
en développement est de permettre au secteur privé de prospérer. Nous avons tous besoin de « reconstruire en mieux ». Encourager les partenariats nous rapproche de cet objectif. Pour l’UE, cela signifie mieux travailler ensemble dans les pays partenaires, en tant que « Team Europe », avec nos États membres et avec les institutions européennes de financement du développement. C’est à cette condition seulement, avec l’ensemble des partenaires à bord, que nous parviendrons à créer davantage de coopération et de synergies entre les différents acteurs, à rendre nos efforts plus efficaces et à maximiser notre impact en termes de développement. Les microentreprises, coopératives et autres acteurs économiques de l’inclusion, ainsi que les petites et moyennes entreprises en général, ont un rôle important à jouer dans ces efforts, en particulier via l’innovation et les investissements
Pour l’UE, encourager les partenariats, cela signifie mieux travailler ensemble dans les pays partenaires en tant que « Team Europe », avec nos États membres et avec les institutions européennes de financement du développement. qu’elles mobilisent. Notre récente stratégie pour l’Afrique met en lumière une réalité : la transformation et la croissance du continent dans son ensemble ne pourront se faire qu’avec un secteur privé dynamique, susceptible d’attirer à lui la créativité et l’esprit d’entreprendre de toute la population africaine – notamment des femmes, des jeunes et des populations vulnérables.
COMMENT L’OFFRE D’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE (AT) DE L’UE BÉNÉFICIE-T-ELLE AU SECTEUR PRIVÉ DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ? Avec l’AT, l’UE soutient de six manières différentes la croissance durable et la création d’emplois décents dans les pays en développement : stimulation des échanges et de l’investissement durable ; amélioration de l’environnement des affaires et du climat de l’investissement ; accès élargi à une éducation et des compétences de qualité ; progression de l’intégration régionale ; évolution vers des chaînes de valeur plus durables et, enfin, promotion du travail décent et prévention du travail forcé et du travail des enfants. Nous nous concentrons plus particulièrement sur l’Afrique, les pays les moins avancés (PMA) et les États dits fragiles.
L’UE recourt dans ce contexte à des instruments financiers innovants, tels que le Fonds européen pour le développement durable (FEDD) – qui fournit des garanties financières et du financement mixte en même temps que de l’AT. L’objectif est de réduire le risque et de mobiliser les capitaux privés, d’améliorer le climat de l’investissement et de faire avancer l’intégration économique en faveur des PME et des start-up et, ce faisant, d’apporter des bénéfices concrets aux communautés locales. En 2020, l’UE a ainsi apporté près de 500 millions d’euros pour accompagner des réformes visant à améliorer l’environnement des affaires en Afrique subsaharienne.
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« AVEC L’AT, L’UNION EUROPÉENNE SOUTIENT LA CROISSANCE DURABLE ET L’EMPLOI DÉCENT DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT »
QU’EN EST-IL DU DIALOGUE ENTRE SECTEUR PRIVÉ ET SECTEUR PUBLIC, ET DES PLATEFORMES PARTENAIRES ? COMMENT L'UNION EUROPÉENNE LES SOUTIENT-ELLE ? L’UE encourage bien entendu le dialogue entre secteur public et secteur privé. Nous aidons ce dernier à s’engager en faveur du développement et nous facilitons le dialogue entre le monde des affaires et les institutions financières internationales. Nous organisons par exemple le Forum des affaires UE-Afrique (EABF), conçu comme un événement de haut niveau pour le dialogue et la constitution de réseaux. Celui-ci se déroule en marge des sommets UE-Afrique,
mais existe aussi dans des formats spécifiques à un secteur, dans ce cas sous forme de structure permanente. Il réunit des dirigeants d’entreprise et des responsables publics issus de toute l’Union européenne et de l’ensemble du continent africain, pour discuter des moyens d’amélioration du climat de l’investissement et pour multiplier les opportunités de coopération économique durable. La septième édition de l’EABF est prévue au premier trimestre 2022.
POURRIEZ-VOUS NOUS DONNER UN EXEMPLE CONCRET D’INITIATIVES DE L’UE FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVÉ ? Laissez-moi vous donner l’exemple récent d’une initiative phare de l'Union européenne. Celle-ci concerne la Fondation Tony Elumelu et a été mise en place par l’agence de coopération allemande GIZ. Cette initiative vise la création d’emplois décents grâce au soutien apporté à 2 500 femmes entrepreneures dans des pays africains, par le biais d’une formation et d’un accompagnement à la création de leur activité. Le programme en cours, d’un montant de 20 millions d’euros, a débuté récemment et comporte également une composante de financement, offrant des subventions aux entrepreneures. Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une initiative de la « Team Europe » intitulée « Investir dans les jeunes entreprises
en Afrique » (ou IYBA – Investing in Young Businesses in Africa). La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé IYBA lors du Sommet sur le financement des économies africaines organisé en mai 2021 à Paris. L’initiative va mobiliser des financements significatifs et une importante expertise technique de la part de l’Union européenne et de ses États membres. Elle s’attaquera aux principaux goulots d’étranglement qui, dans toute l’Afrique, empêchent les jeunes entrepreneurs ou les propriétaires de petites entreprises – et en particulier les femmes – de démarrer ou de développer leur activité. Le programme se concentrera notamment sur les entreprises numériques, vertes et inclusives.
POURRIEZ-VOUS CITER UN AUTRE EXEMPLE ? Un deuxième exemple de ce type, c’est l’annonce de l’initiative MAV+ par la présidente Ursula von der Leyen lors du Sommet mondial du G20 sur la santé, qui s’est tenu en mai dernier à Rome. Portée par la « Team Europe », l’initiative MAV+ concerne la fabrication et l’accès aux vaccins, aux médicaments et aux technologies médicales en Afrique. Elle permettra de créer un environnement favorable à une fabrication locale et de surmonter les obstacles du côté de l’offre comme de la demande. Elle sera 44
adossée à un budget d’un milliard d’euros, mis à disposition par l’UE et des IFD européennes, dont la Banque européenne d’investissement (BEI). Les États membres de l’UE apporteront en outre des financements supplémentaires. Ces deux exemples portent sur des enjeux importants pour les pays africains, et notamment pour leur secteur privé. Notre approche est à chaque fois coopérative, collaborative et inclusive, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux femmes.
« AVEC L’AT, L’UNION EUROPÉENNE SOUTIENT LA CROISSANCE DURABLE ET L’EMPLOI DÉCENT DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT »
COMMENT CET ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE FAVORABLE AU SECTEUR PRIVÉ SERA-T-IL INTÉGRÉ OU CONÇU DANS LES FUTURS PROJETS MIS EN ŒUVRE OU FINANCÉS PAR L’UE ? Le nouvel instrument financier utilisé par l’UE pour son action extérieure est le NDICI (Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument) – Global Europe. Il est intégré à l’actuel budget à long terme de l’UE à l’horizon 2027, c’est-à-dire le cadre financier pluriannuel. Grâce à cet instrument, nous allons étendre le recours à une approche « Team Europe », dans le cadre de laquelle l’UE, ses États membres et des IFD européennes comme la BEI, la KfW ou l’AFD travaillent en étroite collaboration sur des initiatives communes du type de celles évoquées ci-dessus. Dans le cadre du NDICI-Global Europe, le Fonds européen pour le développement durable « plus » (FEDD+) se montrera plus audacieux encore que son prédécesseur (le FEDD). Le FEDD+ offre en effet une capacité de garantie de 53 milliards d’euros pour l’action extérieure. D’une portée mondiale (pays voisins de l’Europe, Afrique, Amérique latine, Caraïbes, Asie et Pacifique), il
proposera une gamme complète d’instruments financiers couvrant, au travers de la garantie pour l’action extérieure de l’UE, les crédits des États et collectivités, ainsi que les risques politiques des opérations de la BEI – à hauteur de 26,7 milliards d’euros sur les sept prochaines années. Le FEDD+ aura environ dix fois la capacité du précédent FEDD en matière de partage des risques. En outre, les garanties budgétaires de l’EU fourniront jusqu’à 14 millions d’euros de capacités de garantie, pour mobiliser des financements privés dans nos pays partenaires. L’accompagnement technique de l’UE va fortement bénéficier de cet accroissement des ressources et de ces instruments d’atténuation du risque. Il sera associé aux secteurs (ou aux fenêtres d’investissement) ciblés par la garantie FEDD+. Ceux-ci concernent l’agriculture, l’énergie et l’eau « durables », les MPME, le numérique, les villes durables, le développement humain et la finance durable.
QUELS SONT LES GRANDS PRINCIPES DIRECTEURS DE L’INSTRUMENT NDICI-GLOBAL EUROPE ? Nous élaborons notre programmation sur la base de deux principes fondateurs, afin de nous aligner plus précisément que jamais sur les besoins de nos pays partenaires. Avec le principe Policy first, nous assurons une direction politique forte de l’UE et permettons à nos partenaires financiers de mieux s’aligner sur les objectifs fixés par les politiques européennes. C’est ainsi que nous pouvons notamment mettre l’accent sur les objectifs de développement durable. Avec le second principe, Country-driven and Geographic, nous reconnaissons en outre que l’efficacité de notre soutien ne peut excéder celle de nos stratégies telles que mises en œuvre au niveau des pays. En matière de réformes, l’existence d’une vision et d’un leadership dans le pays lui-même est en effet essentielle pour s’adapter aux évolutions du marché et saisir les
nouvelles opportunités. Avec une expérience et une présence sur le terrain dans plus de 140 pays, notre réseau de délégations est à cet égard un atout fondamental pour l’Europe. Plus largement, la refonte de l’architecture financière européenne pour le développement contribuera aussi à relever les défis de nos pays partenaires avec davantage de souplesse, en tirant parti des expertises complémentaires de tous les acteurs concernés. Nous continuerons également à renforcer notre dialogue public-privé avec les représentants du secteur privé européen et du secteur privé chez nos partenaires. Grâce à une étroite collaboration avec le monde des affaires, les institutions financières et les décideurs politiques, nous pouvons donner à nos pays partenaires les moyens de « reconstruire en mieux ».
REPÈRES INTPA (PARTENARIATS INTERNATIONAUX) L’INTPA a pour mission de contribuer au développement durable, à l’éradication de la pauvreté, à la paix et à la protection des droits humains, au moyen de partenariats internationaux qui portent et défendent les valeurs et les intérêts européens.
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ÉTUDE DE CAS
Concrétiser tout le potentiel énergétique de la RDC grâce à l’accompagnement technique Stephen Berson, Responsable monitoring & évaluation, Programme Essor Stéphane Woerther, Associé gérant et chef de l’équipe A2E, Philae Advisory Guillaume Estager, Associé, Philae Advisory
Financé par le FCDO britannique, l’accompagnement technique du programme Essor contribue à installer en République démocratique du Congo, à l’horizon 2023, les plus grands mini-réseaux solaires du monde, ce qui va radicalement y changer le paradigme du secteur de l’électricité. Ce projet est le premier du genre en RDC alors que le pays souffre de l’un des taux d’accès à l’électricité les plus faibles au monde.
UN ARTICLE DE STEPHEN BERSON Spécialiste de l’évaluation et du suivi, Stephen Berson dispose de plus de dix ans d’expérience dans la coopération internationale en faveur du développement. Il est intervenu sur le terrain en Asie, au MoyenOrient et en Afrique. Actuellement basé en République démocratique du Congo (RDC), il est responsable du suivi et de l’évaluation (Monitoring & Evaluation) du programme Essor.
STÉPHANE WOERTHER Stéphane Woerther est fondateur et associé gérant de Philae Advisory, cabinet de conseil financier spécialisé sur l’Afrique et le secteur de l’énergie. Il enseigne par ailleurs le financement de projets à l’École des mines de Paris et à l’École des mines de Saint-Étienne, ainsi qu’à l’IFP School. Stéphane Woerther est ingénieur civil du corps des mines et titulaire d’un master en économie de l’université Paris 2 Panthéon-Assas/IFP.
GUILLAUME ESTAGER Guillaume Estager est associé chez Philae Advisory. Il travaille depuis vingt-cinq ans dans les domaines du private equity et du financement de projets dans l’énergie, les infrastructures et le secteur des hydrocarbures sur le continent africain, notamment en tant que responsable M&A pour les activités aval de la major Shell. Guillaume Estager est diplômé d’HEC (programme Grandes Écoles).
L
e 6 juin 2021, le ministère congolais des Ressources hydrauliques et de l’électricité (MRHE) a signé, avec un consortium international constitué de CDC GridWorks, Eranove et AEE Power, trois contrats de concession visant à développer, financer, construire et exploiter les plus grands mini-réseaux solaires du monde, dans les villes de Bumba, Gemena et Isiro, situées au nord du pays. Les installations, dont le coût total est estimé à 100 millions de dollars, devraient être mises en service en 2023 et desserviront environ un demi-million de personnes. La signature de ces contrats constitue un tournant pour le marché de l’électricité en RDC car elle ouvre la voie à la montée en puissance de l’investissement privé dans ce secteur stratégique. Le projet est né en réponse au besoin pressant d’infrastructures électriques en RDC. Malgré la réforme de 2014, qui visait à libéraliser le marché de l’électricité, le pays n’est pas parvenu à attirer l’investissement privé dans des proportions suffisantes pour améliorer la situation désastreuse du secteur. En 2018, seulement
14 %1 de la population congolaise avait accès à l’électricité, contre une moyenne de 48 % en Afrique subsaharienne. La réglementation mise en place par le gouvernement était alors encore balbutiante et les quelques initiatives engagées par le secteur privé dans les mini-réseaux enregistraient des résultats décevants, ainsi qu’un manque de robustesse et de capacités d’évolution. L’insuffisance des solutions proposées était en partie due au fait que celles-ci recourraient à des modèles contractuels et financiers insuffisants et difficiles à faire monter en puissance, manquant clairement d’une capacité à mobiliser efficacement un afflux important de capitaux privés dans le secteur électrique en RDC. C’est pourquoi il était devenu nécessaire de s’intéresser à des modèles alternatifs prenant en compte les ressources financières et humaines limitées auxquelles le gouvernement avait accès. Dans ce contexte, un soutien ponctuel à des entreprises ou projets spécifiques se serait avéré inefficace. Ce qu’il fallait, c’était une approche harmonisée, intervenant en amont. Le programme Essor a donc mis en place un accompagnement technique flexible et de long terme à destination du
1 Increasing Access to Electricity in the Democratic Republic of Congo: Opportunities and Challenges, Banque mondiale (2020).
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ÉTUDE DE CAS
gouvernement congolais, permettant de piloter le processus global et d’améliorer l’environnement d’investissement, tout en protégeant les intérêts de l’État.
Cet accompagnement a permis l’optimisation et la standardisation du marché, pour accroître sa liquidité et l’alimenter en opportunités finançables par le secteur privé.
AMÉLIORER L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES EN RDC Essor est intégré au portefeuille « Développement du secteur privé » (PSD) mis en place pour la RDC par le FCDO britannique (Foreign, Commonwealth & Development Office). Il s’agit d’une facilité flexible de 35 millions de livres (41 millions d’euros). Lancée en janvier 2015 par le cabinet PwC en tant que partenaire opérationnel du FCDO, elle vise à améliorer l’environnement des affaires dans le pays et doit s’achever en janvier 2022. Concrètement, Essor comporte deux axes de travail. Le premier accompagne la « réforme de l’environnement des affaires », qui contribue à formaliser l’économie, à lutter contre la corruption et à faciliter l’accès au crédit par l’intermédiaire de réformes gouvernementales. Le deuxième axe, intitulé Access to Electricity (A2E), fournit un accompagnement technique au ministère des Ressources hydrauliques et de l’électricité2. Lancé en 2016, le programme est piloté par Philae Advisory, avec l’appui juridique du cabinet international Linklaters LLP et l’appui technique d’IED. Le projet de mini-réseaux fait partie du chantier A2E, pour lequel l’intégralité des financements affectés porte sur des prestations de conseil.
Les principaux objectifs de départ de la mission Essor A2E étaient les suivants : - Les barrières à l’entrée devaient être abaissées et les conditions rendues plus attractives pour l’investissement privé, afin d’attirer des acteurs importants du marché dans un pays considéré comme compliqué. - Il fallait concevoir un modèle standardisé, susceptible d’être reproduit et déployé à l’identique pour d’autres projets d’électricité en République démocratique du Congo. - Il s’agissait de faire émerger et de multiplier les opportunités susceptibles d’être financées par le secteur privé. - Il fallait mettre en place une structure contractuelle solide, équilibrée mais souple, dotée d’une capacité à lever des financements sans recours, de type financements de projets. Elle devait en outre être spécifiquement adaptée aux incertitudes et aux risques inhérents au secteur des mini-réseaux. - Un seuil critique devait être atteint dans le dimensionnement et le regroupement des actifs sous-jacents, pour justifier les engagements pris en amont par les soumissionnaires et financiers du projet.
Le programme Essor a mis en place un AT flexible et de long terme à destination du gouvernement congolais, permettant de piloter le processus global et d’améliorer l’environnement d’investissement, tout en protégeant les intérêts de l’État.
2 Pour le programme Essor, le total des dépenses engagées sur A2E est d’environ 7,5 millions de livres sterling.
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CONCRÉTISER TOUT LE POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE DE LA RDC GRÂCE À L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE
LES FACTEURS CLÉS DE LA RÉUSSITE DE LA MISSION ESSOR Les consultants du programme Essor attribuent le succès du projet à plusieurs facteurs. Le premier tient au fait qu’Essor soit une facilité flexible, dotée d’un budget conséquent sur une longue durée. Le temps et les ressources ont donc été suffisants pour mettre en œuvre une approche adaptative de la gestion. Le projet de mini-réseaux présentait en effet des enjeux élevés et un risque significatif. Il nécessitait d’importantes ressources et impliquait un grand nombre de parties prenantes. Sans la possibilité de tester et de corriger la trajectoire sur la base de l’expérience, il aurait sans doute été impossible de faire aboutir ce projet. Celui-ci s’inscrivait en effet dans un environnement hautement incertain, nécessitant de pouvoir mettre en place les différentes phases du projet sur un temps long. Un autre facteur relève de l’approche adaptative du dispositif, ce qui a permis de relever les nombreux défis auxquels le projet était confronté, comme l’absence d’une autorité opérationnelle de réglementation de l’énergie, les incertitudes concernant la capacité du projet à attirer des investisseurs privés crédibles, les difficultés inhérentes aux opérations de mini-réseaux, sans oublier d’importants risques politiques, macroéconomiques et de sécurité. L’échelle du projet et la sélection des sites ont également joué un rôle de premier plan. Essor a réuni trois grands sites sous une seule adjudication. Ces trois projets disposent ensemble d’une capacité électrique combinée estimée à 35 MW et devraient représenter 23 100 raccordements au bout de cinq ans – un chiffre très supérieur à la moyenne en Afrique subsaharienne. Les trois sites pilotes ont été choisis sur une liste de 27 emplacements potentiels, sur la base de critères tels que leur dynamisme économique, la sécurité, le rayonnement solaire et la présence active sur le terrain de la Société nationale d’électricité (SNEL). La combinaison des trois sites choisis permettait aussi d’atteindre une taille critique susceptible de justifier le recours à des ressources suffisantes pour mener des enquêtes
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poussées de due diligence en amont du projet. En parallèle, pour réduire le risque lié à l’investissement, Essor a proposé en amont, pendant le processus d’appel d’offres, un montage attractif de financement de projet. Ce « package » incluait des produits innovants en matière de financement et de garanties, notamment une composante à base de subventions, indispensable pour rendre le tarif accessible. Des institutions de financement du développement (IFD) comme le Fonds vert pour le climat (ONU), la Banque africaine de développement (BAD), Proparco, le Private Infrastructure Development Group (PIDG) et la Fondation Rockefeller ont manifesté leur intérêt et mobilisé des ressources en amont, ce qui a permis d’attirer des investisseurs privés. Une structure contractuelle robuste, équilibrée mais flexible a également été développée pendant le processus d’appel d’offres, au fil d’interactions itératives avec les soumissionnaires privés et les institutions financières (BAD et EAIF/PIDG). Ces échanges ont permis d’aboutir à une allocation du risque équilibrée entre toutes les parties prenantes. Afin d’atténuer les risques inhérents au développement du projet et de raccourcir cette phase de développement, des études de préfaisabilité technique et relative à la demande avaient été conduites en amont et mises à la disposition de l’ensemble des soumissionnaires. De précédentes initiatives d’accompagnement technique n’étaient pas parvenues à attirer en RDC de nouveaux investissements dans les infrastructures énergétiques. C’était en partie lié au fait que les réformes nécessaires à la conduite du projet n’avaient pas été rendues pleinement opérationnelles, et que le secteur privé avait été insuffisamment consulté. La démarche adoptée par Essor pour le projet de mini-réseaux a consisté au contraire à apporter un appui transactionnel au gouvernement de République démocratique du Congo, pour tester des solutions en temps réel grâce à une mise en œuvre au niveau du projet lui-même.
CONCRÉTISER TOUT LE POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE DE LA RDC GRÂCE À L’ACCOMPAGNEMENT TECHNIQUE
UN PROJET À HAUTE VALEUR SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE
REPÈRES PROGRAMME ESSOR
Sur les vingt ans que durera la concession, les mini-réseaux solaires devraient réduire les émissions de dioxyde de carbone de plus d’un demi-million de tonnes, la production d’électricité à énergie solaire venant remplacer les générateurs diesel. Au maximum de leurs capacités, les trois réseaux devraient desservir environ 46 000 ménages et 3 100 entreprises ou institutions à vocation sociale (écoles, hôpitaux, institutions gouvernementales et organisations issues de la société civile). Outre les impacts positifs globaux qui seront constatés sur la santé, l’éducation, la qualité de vie, la croissance des entreprises et la création d’emplois, il a également été démontré qu’une électrification accrue présente aussi un fort
Le programme Essor s’inscrit dans le cadre du portefeuille Développement du secteur privé du FCDO britannique (Foreign, Commonwealth & Development Office) en République démocratique du Congo (RDC), dont l’objectif est de réduire la pauvreté dans ce pays d’Afrique centrale. Essor est une facilité flexible d’accompagnement technique d’un montant de 35 millions de livres sterling (41 millions d’euros), qui vise à accompagner les initiatives sur les politiques d’amélioration de l’environnement des affaires pour les microentreprises et les PME, afin de créer des emplois et des services à destination des plus défavorisés.
impact sur les ménages pauvres, les femmes et les filles3. Celui-ci sera encore renforcé par l’introduction d’un tarif à visées sociales, avec une remise de 25 % sur les quinze premiers KWh consommés chaque mois. Cela rendra l’électricité nettement plus accessible pour les foyers pauvres. En collaboration avec le ministère congolais des Ressources hydrauliques et de l’électricité, Essor a également œuvré à l’intégration de critères de genre dans le processus de sélection, exigeant des candidats qu’ils incluent dans leurs propositions une stratégie relative à ce sujet. Les projets auront également un impact bénéfique au niveau local, avec le recrutement, la formation et l’amélioration des compétences d’une main-d’œuvre de proximité.
UN MODÈLE REPRODUCTIBLE POUR ACCÉLÉRER L’ÉLECTRIFICATION Le principal partenaire d’Essor pour ce projet a été l’Unité de coordination de projets (UCM), organe ministériel mis en place par le MRHE. L’UCM a été créée en 2015 en tant qu’agence fiduciaire et d’exécution pour les projets conduits par des IFD. Le réel engagement de l’UCM a constitué un facteur de succès essentiel dans cette intervention. Le gouvernement de RDC place aujourd’hui les concessions privées pour mini-réseaux au cœur de la stratégie du pays en matière d’électrification. Essor a servi de modèle de référence – un modèle à reproduire pour d’autres projets, à travers tout le pays. Partenaire de confiance du gouvernement congolais, Essor a développé deux autres interventions liées au secteur de l’électricité. La première est un soutien aux pouvoirs publics du pays afin de débloquer des projets à l’arrêt de
producteurs indépendants d’énergies renouvelables (RE IPP), tandis que la seconde porte sur l’accompagnement du gouvernement dans l’élaboration d’une feuille de route concernant sa politique climatique, dans la perspective de la COP26 organisée en novembre 2021 à Glasgow. L’objectif principal du programme Essor A2E a toujours été d’établir un cadre reproductible pour accélérer l’électrification des centres urbains sur tout le territoire de la RDC, par le biais de concessions privées pour des mini-réseaux. Avec le soutien de la BAD et de la SFI/Banque mondiale, le MRHE, par l’intermédiaire de l’UCM, s’apprête actuellement à lancer des appels d’offres pour plusieurs lots supplémentaires de concessions de mini-réseaux. Ce résultat démontre que le programme est parvenu à provoquer un changement à un niveau systémique.
3 Women, energy, and economic empowerment – Applying a gender lens to amplify the impact of energy access, Deloitte University Press.
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DERNIERS NUMÉROS
LA REVUE Secteur privé & Développement (SP&D) est la revue de Proparco destinée à confronter les opinions d’experts sur des problématiques liées au rôle du secteur privé dans le développement des pays du Sud, et notamment d’Afrique subsaharienne. La revue sollicite l’expertise d’acteurs du développement dans ces géographies, et plus particulièrement des décideurs du secteur privé, des bailleurs de fonds, d’organisations internationales, d’ONG ainsi que des universitaires et des experts d’instituts de recherche sur le développement. À chaque numéro, la revue SP&D se focalise sur une thématique qui est abordée à travers une douzaine d’articles. Depuis sa création en 2009, Secteur privé & Développement s’est ainsi imposée comme une publication de référence sur le rôle du secteur privé.
SP&D #HORS-SÉRIE LES NOUVELLES DYNAMIQUES ENTREPRENEURIALES EN AFRIQUE L’objectif de ce numéro hors-série, paru à l’occasion du Sommet Afrique-France organisé en octobre 2021, est de rendre compte de la révolution entrepreneuriale africaine et de montrer comment cette dynamique stimule les relations d’affaires entre l’Afrique et la France.
LE SITE Le site de SP&D est un espace dédié au débat. Il réunit les contributions qui paraissent dans la revue, ainsi que les interviews vidéo d’acteurs du développement réalisées au sein de Proparco par l’équipe chargée de la coordination éditoriale de la revue. Blog.secteur-prive-developpement.fr
SP&D #34 LE SECTEUR INDUSTRIEL À L’HEURE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE : QUELS ENJEUX ? La question de l’industrialisation constitue un enjeu fondamental du développement économique de nos sociétés. Le soutien de projets privés industriels, soigneusement sélectionnés dans certains secteurs et connus pour leurs bonnes pratiques, figure au cœur de la stratégie de Proparco.
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DERNIERS NUMÉROS
SP&D #35 PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ : LE SECTEUR PRIVÉ EN ACTION Ce numéro donne la parole à une vingtaine de chercheurs et de dirigeants d’entreprise, de fondation et d’ONG qui présentent, cas concrets et chiffres clés à l’appui, quelques-unes des initiatives inspirantes du secteur privé pour la préservation de la biodiversité.
SP&D #HORS-SÉRIE LES BANQUES PUBLIQUES DE DÉVELOPPEMENT EN RÉPONSE AUX ENJEUX GLOBAUX Paru en novembre 2020 à l’occasion du sommet mondial Finance en commun (FiCS), ce numéro met en avant le rôle de plus en plus important joué par les institutions financières de développement européennes et aborde quelques-uns des sujets majeurs en matière de développement.
SP&D #33 MOBILISER LE SECTEUR PRIVÉ POUR RÉDUIRE LES INÉGALITÉS DE GENRE
SP&D #32 FINANCEMENT DES PME EN AFRIQUE : QUOI DE NEUF ?
Même si des avancées ont vu le jour depuis 1995 et la déclaration de Pékin, il reste encore beaucoup à faire en matière d’égalité femmes-hommes. Les éclairages qu’apportent les auteurs de ce numéro, qu’ils ou elles soient chefs d’entreprise, économistes ou investisseurs, permettent d’entrevoir les efforts qu’il reste à fournir.
Cette édition de SP&D propose de porter un regard à la fois neuf et rétrospectif sur le financement des PME africaines. Ce sujet avait justement été défriché dix ans auparavant, dans le tout premier numéro de la revue.
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2021 4E TRIMESTRE
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Secteur privé & Développement (SP&D) est une revue trimestrielle destinée à analyser les mécanismes par lesquels le secteur privé peut contribuer au développement des pays du Sud, et particulièrement d’Afrique subsaharienne. SP&D confronte, à chaque numéro, les idées d’auteurs issus d'horizons variés, provenant du secteur privé, du monde de la recherche, d’institutions de développement ou encore de la société civile. Un blog a été lancé dans la continuité de la revue afin d’offrir un espace de réflexion et de débats sur le secteur privé et le développement.
blog.secteur-prive-developpement.fr