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GIAUME Octave
DIMENSIONS VARIABLES MEMOIRE HMONP 2016 ENSAPB Sous la direction de Christine Simonin
GIAUME Octave
Dimensions Variables Dans le sens commun la notion de dimension renvoie à la mesure, la taille, l’échelle. Que l’on parle d’une pièce, d’un espace et de ses dimensions, largeur, longueur, profondeur, hauteur. Elles sont soit universelles, soit uniques et spécifiques. Ici, nous faisons référence à la notion de dimension empruntée à la science. Une dimension se compose d’un nombre d’éléments variables qui servent à définir un état, un évènement, un espace. Ce qui importe, c’est la variabilité des dimensions. Autant qu’une dimension est composée d’éléments variables, la variabilité des dimensions, offre une composition infinie d’univers dimensionnels. La variabilité est un potentiel de combinaisons entre les dimensions et entre les éléments euxmêmes. Il en résulte des situations, des configurations uniques, inattendues, surprenantes. Lorsque l’on parle de dimensions variables, on parle alors de la capacité de créer et de renouveler à travers la composition et les interactions des éléments. La matière, les matériaux, les Hommes, le végétal, les systèmes et techniques. Que l’on parle d’individus ou de collectifs, la variabilité des configurations est source d’unicité universelle. -
Les papiers marbrés de cette édition, ont été imprimés en collaboration avec l’Artiste-Artisan Mathurin installé aux Grands Voisins. Chacun reflète une cristallisation unique de la variabilité des dimensions, elles-mêmes constituées d’éléments variables. -
SOMMAIRE
ELEMENT(S) ELEMENTS VARIABLES VARIABILITE DES DIMENSIONS CONSTRUCTION DES VARIATIONS OUVERTURE DIMENSIONNELLE
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ELEMENT(S) : Voilà maintenant presque une dizaine d’années que j’ai débuté un long voyage en architecture. Un dessein dans un métier qui offre une vision à la fois globale et spécifique des éléments qui composent le monde dans lequel nous évoluons. L’architecture je l’ai toujours ressentie comme une pratique complète, touchant aux Hommes, à la politique, aux sciences et au social, au naturel et à l’esthétique. Ces composantes qui font la richesse de ce qui nous entoure, alimentent constamment mon désir de découverte et d’action. A la fois dans mes études en écoles d’architecture, en France ou au Canada, et à travers mes expériences professionnelles en agences d’architecture, j’ai cherché à puiser dans un référentiel, que certains peuvent appeler “classique”. J’y trouvais une certaine forme de stabilité, une structure établie, ou reconnue. Une manière de consolider des bases et peut être aussi une manière de se rassurer sur une pratique architecturale, ou encore une manière de vivre une expérience chez des architectes que j’estime. Il faut parfois comprendre l’origine d’une forme de fascination d’une architecture, d’un architecte. Depuis que j’ai commencé mes études d’architecture, j’ai toujours développé une pratique parallèle en collectif ou en binôme. Que l’on parle de collectif d’artistes, de collectif d’architectes, de projets de design, de scénographie ou de rénovations d’appartements, ces opportunités permettent le développement du soi et du nous. Dans ces expériences que je qualifierais même d’expérimentations, je trouve la possibilité de mettre les savoirs théoriques à l’épreuve. J’ai toujours ressenti le besoin d’expérimenter pour apprendre. Ce que l’on peut appeler le “Faire”, n’est pas opposable au “Penser”, mais plutôt dans une totale complémentarité. L’aller-retour entre conception et construction, permet de vérifier, de compléter, de réajuster ce que l’on ne pourrait imaginer, ou réaliser. Je me suis instinctivement rapproché du monde du design, qui jouit de cette proximité entre conception et fabrication grâce à un passage à
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l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle). Me permettant de consolider mes bases sur les modes et pratiques de fabrication sur différents matériaux. J’ai toujours considéré le design comme une forme de continuité de l’architecture, un prolongement du geste de la pensée, complémentaire à celui de la conception du bâtiment. Travailler dans une structure que l’on qualifierait de traditionnelle, classique et en parallèle dans un collectif d’artistes, cela peut toucher deux formes opposées de la pratique architecturale. Cette évolution en parallèle n’invite pas à faire prévaloir une pratique sur une autre, mais permet d’en dégager ce qui est indispensable pour l’exercice de notre métier dans le contexte actuel. J’ai alors choisi de faire ma mise en situation professionnelle à l’Atelier Christian de Portzamparc, aujourd’hui dénommé «2Portzamparc». Il me semblait important en effet, de profiter du temps de la HMONP, pour pratiquer, collaborer dans une agence de renommée internationale, possédant une identité forte auto-centrée autour de son architecte phare, Christian de Portzamparc, une “archi-star”. J’y ai découvert un système pyramidal, hiérarchisé, mais surtout centralisé autour d’un homme. C’est une volonté politique de l’homme lui-même, on pourrait lui donner le statut de l’image de marque, de qualité architecturale. Une agence uniquement composée d’architectes, qui portent le titre de salariés collaborateurs, l’architecte lui, est seul signataire, seul décisionnaire. Suffit-il d’un homme pour dessiner nos villes et nos bâtiments ? J’y ai trouvé un cadre de travail sein et respectueux, avec une volonté de transmission, des cours mis en place pour les jeunes architectes et des visites sur les chantiers de l’agence. Une rémunération calculée sur la convention collective, un système de déclaration de charrette rémunérée. Mais dans une agence d’une centaine de personnes, les équipes de projets ne sont pas toujours en interaction. Nous pouvons ainsi travailler dans la même structure sans se connaitre, sans savoir comment et sur quoi travaillent les autres collaborateurs. Aujourd’hui l’agence jouit de son rayonnement international, et travaille 16
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majoritairement pour des promoteurs et des commanditaires privés. Lors de mes études, il me semblait indispensable de poursuivre une pratique hors du cadre de l’enseignement de l’architecture. Dès 2010, j’intègre le collectif Manifart, me joignant à l’organisation du premier workshop du collectif destiné à des étudiants d’écoles d’art. Aujourd’hui le collectif Manifart est un collectif pluridisciplinaire, regroupant de jeunes artistes, architectes, designers, vidéastes, musiciens, performeurs et plasticiens, travaillant ensemble à l’élaboration de pièces où l’œuvre est un évènement. En 2009 le collectif se constitue en association à but non lucratif de la loi 1901. Il gardera ce statut jusqu’en 2013 où il installe son siège social à Strasbourg soumis à la loi 1908 sur les associations, donnant plus de flexibilité sur la rémunération des membres du bureau. Cette première étape témoigne d’une volonté de passer du bénévolat au salariat. Cette réunion d’artistes ayant chacun leurs pratiques et leurs expériences, nous a permis de trouver force de propos et de construction. Ainsi nous avons œuvré pour la création d’installations, de dispositifs, de scénographies, d’événements festifs, en cherchant constamment à expérimenter à travers nos médiums respectifs réunis. Ne se reconnaissant pas dans les formes et formats d’arts et d’événements proposés, Manifart s’est évertué à créer sa commande et a ainsi suscité de nouvelles demandes. La liberté de création, permet aussi l’expérimentation, bousculant alors les codes et les modes de représentation. Le temps de la HMONP est aussi une période de réflexion sur l’avenir, elle permet de faire le point sur le passé, le présent et le futur. Aujourd’hui j’ai le sentiment qu’une tendance prévaut sur une autre, celle qui se rapproche naturellement de la pratique que j’ai toujours développé personnellement en collectif. Le parallélisme s’ouvre, c’est alors la bonne période pour me questionner sur la forme à adopter de maîtrise d’oeuvre en son nom propre. Ainsi dans ce mémoire je vais principalement fonder mon propos sur les expériences et expérimentations vécues dans différentes associations ou 17
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collectifs. Il s’agit de projets que j’ai été amené à conduire ou à développer en groupe. La comparaison avec des rencontres que j’ai pu faire et ce que j’ai pu observer dans d’autres sphères, sera, nécessaire pour comprendre et comparer les expériences. Ceci amène ainsi un regard critique sur mon futur positionnement au sein de la profession architecturale. Comment choisir de nouvelles formes de pratique de l’architecture, du “penser” au “faire” ? En se basant sur le processus du projet architectural, allant du mode de regroupement à la manière de construire, ce mémoire ouvrira la porte aux nouvelles pratiques émergentes.
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ELEMENTS VARIABLES : Aujourd’hui, plus qu’avant, nous devons repenser nos modes de vie, de communication, d’interaction, de travail. Plus que de les repenser, il faut désormais les réinventer. L’écart est grand et se fait de jour en jour ressentir. Les populations migrent, les modèles économiques et sociaux explosent. Les crises économiques successives ont plongé le monde du bâtiment dans un océan brumeux, où l’architecte peine à naviguer. Aujourd’hui où en est le métier d’architecte ? Dans ce contexte économique difficile, on observe que le nombre de salariés dans les agences diminue, le marché est saturé de jeunes diplômés qui peinent à trouver un travail. Lorsque qu’ils en trouvent, la qualité de ces emplois est souvent précaire sur le plan du salaire, des horaires et des responsabilités. L’image qui est désormais donnée de l’architecture ne reflète plus ce qu’elle est. La représentation populaire du métier d’architecte n’arrange pas ces affaires, et il est souvent difficile de faire comprendre la valeur ajoutée d’un architecte dans la construction. Les architectes ont aujourd’hui une vision très pessimiste de leur métier et de son avenir. Un tiers des architectes appartient à la tranche de chiffre d’affaire annuel la plus basse, située en dessous de 50 000 euros par an. Il en est de même pour leur revenu. On observe étonnamment que la moitié des architectes inscrits à l’ordre exercent seuls et que la quasi totalité des inscrits à l’ordre ont une agence de moins de 7 salariés. Il en découle un phénomène d’isolement de l’architecte qui lui est néfaste. A la fois parce qu’il fait face seul aux responsabilités, lui donnant moins de poids et d’inertie lorsqu’il dialogue avec ses commanditaires ou collaborateurs, mais 25
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aussi parce l’isolement n’est pas vecteur de richesses et de diversité projectuelle. Par manque de gestion, perte de clients et de marchés, ces petites entreprises ou pratiquants indépendants périclitent, l’exercice solitaire ne permettant pas de pourvoir faire face à la crise. Ils ne peuvent répondre qu’à une certaine échelle de commande, ils en sont exclus par manque de référence ou de moyens. Le marché de l’architecture est alors saturé par un grand nombre de petites entreprises individuelles, ou petites agences d’architecture. Le monde de l’architecture est un monde de “l’entre-soi”. Les architectes exercent et évoluent ensemble sans nécessairement d’ouverture à des pratiques ou des métiers autres. Dans les agences d’architecture inscrites à l’Ordre on observe qu’un tiers au moins des salariés est architecte, les autres salariés sont issus de filières très proches de l’architecture : les secrétaires, les projeteurs dessinateurs, conducteurs de chantier, les paysagistes. Elles ont toutes le point commun d’être support au métier d’architecte. Mais ce qui est intéressant c’est que cet “entre-soi” ne prend pas la forme d’une union solidaire. Face à la crise, le dumping économique et social qui est parfois employé, n’arrange pas la situation des architectes au sein de leur profession. Les agences usent parfois de manière abusive, de l’auto-entrepreneuriat, des contrat à durée indéterminée, ou encore des stages. Les architectes ont régulièrement la critique facile, à l’égard de leurs confères, ce qui ne permet pas de faire face aux autres acteurs de la construction d’un bloc uni. Face à la figure patronymique et égocentrique de “l’Architecte maître” et de ses élèves, travaillant en système pyramidal, où seul le nom d’une personne compte pour le travail d’un groupe, ne devons nous pas agir sous une entité universelle ? “Peut être devrons-nous accepter de voir nos œuvres publiées sans que notre nom ne figure dessous, accepter de nous effacer, comme aux grandes époques, devant l’œuvre commune.” Pingusson Georges-Henri, dans “l’Espace et l’Architecture”. 26
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L’Architecture est décrite dans la loi de 1977, comme un exercice d’intérêt public. Peut-on prétendre pouvoir exercer l’intérêt public en exerçant isolé et à son propre nom ? De plus en plus d’initiatives, de tous domaines, font appel à la réunion, le rassemblement, peut-être est-ce une manière de combler les vides et d’enrichir notre monde. L’énergie commune, rassemblée, prévaudra toujours sur la force individuelle. L’individu sans le collectif, n’est pas à la hauteur du potentiel Humain. Travailler en collectif est un moyen de gagner en énergie, en force, la force du nombre. Celle-ci permet à la fois de faire face à de plus grandes contraintes, mais aussi de pouvoir diversifier et enrichir ce que le groupe construit. Le “vouloir” travailler en collectif se situe au delà une méthodologie. C’est une philosophie de travail, une force de conviction que l’on peut découvrir en soi, et partager. La notion de collectif justement, dans l’effet de mode, du “travailler ensemble”, est une manière de répondre par une forme de travail collaboratif. La notion de l’œuvre commune de Pingusson, soulevée précédemment, est une manière de révéler l’importance et la richesse d’un travail élaboré ensemble. Yona Friedman, écrit son dans livre “Utopies réalisables”, daté de 1975 : “Les mouvements marginaux d’aujourd’hui représentent peut-être les solutions du futur...” Travailler en collectif c’est aussi être dans le partage, qu’il s’agisse de matériels ou matériaux, de savoirs ou de réseaux, c’est l’addition de compétences et d’expériences qui permet de gagner en force de proposition et de réalisation. C’est cette notion de collectif, de collaboration choisie et égalitaire qui est génératrice de richesses de projet. C’est une façon de travailler de manière horizontale, structurée pour que les prises de décisions et les responsabilités soient partagées par tous les acteurs impliqués dans les projets du collectif. 27
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On peut alors parler d’intelligence collective, désignant ainsi la capacité cognitive d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres. On y retrouve la synergie de groupe, et la volonté commune d’agir dans une direction semblable, avec une grande inertie. Il y a tout intérêt à se regrouper en architecture, à l’image d’Ateliers 2/3/4, qui s’est formé en 2000 du regroupement de trois ateliers français d’architecture des années 80. La valeur d’Ateliers 2/3/4/ est celle de son organisation. Structurée horizontalement autour de 10 directeurs de projet d’architecture et de trois directeurs de projet d’urbanisme, elle acquiert une souplesse qui lui permet de traiter une grande variété d’échelles. Cette notion d’action multiscalaire semble aujourd’hui primordiale, c’est une manière à la fois de diversifier son activité, mais aussi de pouvoir étendre le domaine de l’architecture “hors les murs”. Aujourd’hui se regrouper c’est aussi trouver une forme d’économie de moyens. Le partage d’espaces de travail et de matériel, permet d’avoir accès à des ateliers de prototypage, d’impression. Tout ce qui peut nous être utile au niveau de l’exercice de notre métier. Une autre manière de pouvoir agir autrement est de se regrouper dans un collectif ne comprenant pas seulement des architectes, ou des métiers proches de l’architecture. C’est le collectif pluridisciplinaire, qui a la valeur supplémentaire de toucher des domaines aussi vastes que l’art, le design, le social et le politique. La pluridisciplinarité est vectrice de transversalité dans les projets. Elle permet d’offrir par le mélange des savoirs et des expériences, de nouvelles manières de composer les projets et ainsi d’y insuffler de nouveaux souffles. Le croisement des regards est souvent nécessaire pour diversifier et formuler une proposition critique et plus complète. 28
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Prenons l’exemple du studio londonien Assemble. Assemble est un collectif basé à Londres qui travaille principalement dans les domaines de l’Art, l’Architecture et le Design. Il s’est formé en 2010 et se compose de 18 membres. Dans sa pratique, Assemble cherche à répondre à la déconnexion entre le public et le processus de création de leurs espaces. Ils appliquent ainsi un travail collaboratif et participatif, cherchant à impliquer les habitants du quartier activement comme participants et collaborateurs dans la réalisation des travaux. Assemble reçoit en 2015 le prestigieux Turner Prize, grand prix d’art contemporain, devenant le premier studio d’architecture à recevoir un grand prix d’Art. Ce prix leur est décerné pour leur travail “Granby”, projet de collaboration avec les résidents d’un lotissement visant sa rénovation. Leur pratique transversale montre bien que leur méthodologie de conception et de réalisation est vecteur d’unification, par un traitement en commun et en collaboration de problématiques diverses. Comment travailler ensemble lorsque l’on ne vient pas des mêmes écoles et que l’on n’utilise pas les mêmes médiums ? C’est un système de communication à part, il faut alors trouver comment se parler, débattre et faire émerger une idée collective. Il faut une grande force de conviction pour travailler ainsi, une motivation à la fois collective et individuelle. Dans son projet d’adaptation au cinéma du livre de Frank Herbert, «Dune», Jodorowski ne cherchait pas uniquement les meilleurs éléments dans chaque domaine pour constituer son équipe, il cherchait, ce qu’il appelle des “guerriers spirituels” capables de donner une forme d’excellence supérieure, pour faire naître le plus grand film de tous les temps. Il ne s’agit pas de prétendre ici que tout membre de collectif se doit d’être possédé par une volonté spirituelle exagérée, mais de faire ressortir la puissance d’un groupe formé autour d’une entité convaincue et soudée. La manière de réaliser des projets est au cœur du collectif. Comment gérer l’émergence d’une idée, comment la développer au sein du groupe ? 29
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Doit-elle être générée collectivement ou peut-elle être individuelle et portée par le collectif ? A plus large raison, ce questionnement résonne dans un mode structurel des membres du collectif. Faut-il que tout le collectif soit présent pour un projet? Peut-il fonctionner sous la forme de pôles ? Peut-on alors parler de projet individuel collectivisé ? La forme d’un collectif doit accepter une forme modulaire, une variabilité qui en fait sa richesse. Il faut pouvoir inclure des éléments extérieurs pour un projet, ou fonctionner en comité restreint pour un autre. Au sein du collectif Manifart nous avons très souvent débattu du potentiel de modulation du groupe. Instinctivement nous avons toujours fait appel à des amis, des contacts, des connaissances professionnelles pour nous aider à construire et à animer nos dispositifs. La forme du workshop que nous avons souvent utilisée fait partie de cette volonté de rassembler en géométrie variable. Nous avons connu des formats à une trentaine de personnes comme des interventions en binômes. Il ne faut pas oublier qu’un collectif est un regroupement d’individus. L’intérêt du collectif est aussi celui de l’individu. L’épanouissement du soi permet un réel épanouissement avec les autres. C’est pourquoi nous avons toujours encouragé chaque membre à s’extirper du collectif pour développer des projets personnels ou avec d’autres collectifs. Le travail personnel est alors tout aussi important que le travail en groupe, et l’aller-retour nécessaire. Il permet un plus grand épanouissement. “La dynamique d’Ateliers 2/3/4/ est celle d’un groupe s’appuyant sur des talents individuels” Présentation d’Ateliers 2/3/4. Le collectif est une somme d’individus où chacun possède ses compétences et ses expériences qu’il partage avec le groupe. Le collectif est une manière de 30
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pouvoir confronter ses idées et ses opinions dans le cadre d’un projet commun ou personnel. Travailler en collectif c’est aussi, pouvoir répondre seul à une commande. C’est aussi pouvoir proposer de son propre chef une œuvre ou une construction, avancer ensemble, pour soi et pour les autres. Cet aller-retour entre conception collective et conception individuelle permet de consolider un groupe . Au sein du collectif Manifart nous avons toujours fonctionné sur la base d’un schéma horizontal, pour toutes les taches quelles qu’elles soient, ayant tous plus ou moins de disponibilité, nous tentions une répartition égale. C’était aussi une manière de partager les taches où nous n’avions aucune compétence, affronter “le caractère anxiogène” de la gestion, l’administration, la comptabilité, les dossiers et demandes de subventions, pourtant si nécessaires à l’élaboration de nos projets. C’est une question d’équilibre entre engagement, investissement, motivation. Ces questionnements traversent tout collectif, surtout les collectifs naissants. Comme en témoigne le collectif EXYZT : “L’investissement de chacun dans le collectif et ce que chacun y amène est variable. {...} Parfois un membre est appelé sur un projet parce qu’il fait partie d’EXYZT.{...} Alors est-ce un projet de EXYZT ou un projet personnel ?” Certaines problématiques des collectifs sont aussi les lieux d’exercice. Le collectif Manifart a été initialement formé à Bourges par trois étudiants des Beaux-arts, très vite le réseau proche d’amis s’est intégré au collectif pour participer à cette synergie collective. Par la suite une partie des membres présents à Bourges a migré à Strasbourg et à Lyon, continuant leurs études respectives. Le collectif s’est alors trouvé dispersé en trois coins de la France. Comment fonctionner, comment échanger, comment générer des projets sans pouvoir se voir physiquement ? Dans un premier temps le choix a été de travailler par temps forts. En se retrouvant pendant les vacances, un mois durant, produisant et préparant les évènements 31
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de l’année. Mais de manière plus fréquente nous ressentions le besoin de pouvoir se parler, et discuter ensemble des avancements de chacun pour le groupe. Nous avons alors mis en place les réunions hebdomadaires par skype. L’obligation de se retrouver toutes les semaines pour pouvoir simplement discuter, nous permettait tantôt d’avancer, tantôt de patauger. Nos réunions duraient plusieurs heures et durent encore plusieurs heures. La richesse des différents points de vue, les désaccords, des différences de méthodologies de projets sont génératrices de nouvelles idées. Nous avons dû progressivement trouver un équilibre, laisser les temps de parole équitables et les opinions ouvertes. Ce fut un long voyage permettant de trouver une forme de structure et de méthode propre à notre collectif. Comme le décrit le Collectif ETC, dans son livre “Détour de France”: “Travailler sans hiérarchie s’est fait par évidence {...} L’organisation du travail s’élabore quotidiennement. Au début tout devait être débattu et décidé collectivement.” Les décisions collectives sont toujours plus complexes à prendre que les décisions personnelles. Elles résultent souvent d’interminables débats. Le collectif est aussi l’occasion de pouvoir se construire, se construire ensemble autour des multiples problématiques que nous rencontrons. «(Se) Construire ensemble», premier opus de la revue du collectif Aman Iwan, collectif pluridisciplinaire. Fondé en 2015, Aman Iwan explore les questions sociales sur les territoires et leurs populations. Il cherche à partager les connaissances et la recherche sur ces territoire à travers une publication semestrielle. A travers les langues, de l’Afrique à l’Orient en passant par l’Amérique latine, Aman Iwan défend l’idée de la préservation, de la création et de l’ouverture vers une transmission pour le monde extérieur. L’omniprésence de la volonté de rassembler les cultures, postule que l’individu ne pourrait pas le défendre seul. “Il faut se réunir pour échanger, créer du lien, se comprendre pour se construire ensemble et ainsi permettre de passer d’un ensemble d’individus à des individus ensemble”. 32
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Cette nécessité de devoir se construire ensemble, nous l’avons ressentie depuis un certain temps. Depuis plusieurs années nous avons parlé de nous regrouper, de trouver un lieu commun où nous pourrions avoir une interaction et des échanges quotidiens, support à nos travaux collectifs mais aussi personnels. Trouver un lieu, un espace propice à la pratique collective, à la fabrication. Se regrouper en économie de moyens et d’espace, partageant, nos outils, nos connaissances, nos manières de vivre et de travailler. Nous avons récemment concrétisé ce désir en créant notre atelier avec d’autres entités, un collectif d’architectes G.O.A. (Groupe Optimiste d’Architecture) et la compagnie de théâtre Petit Huit, ainsi qu’une graphiste, et deux vidéastes/ artistes plasticiens. Nous en avons dégagé cette définition commune : Nous sommes six professionnels issus des mondes de la création. Composé de trois architectes, Octave, Inès et César, deux artistes plasticiens, Lucas et Erwan, une réalisatrice/metteur en scène, Anaïs, et une graphiste/illustratrice, Alice. Cette équipe pluridisciplinaire tente de mêler leurs pratiques individuelles et leurs compétences au travers de projets collaboratifs, interrogeant les manières de faire. L’aménagement du local permet d’abord de développer les projets individuels de chaque membre : - Montage vidéo, tournage, projections, pour l’association Mies FR. - Réunions de travail, grand bureau pour les associations Manifart, Petit Huit et G.O.A. - Six bureaux et espaces de rangement pour le développement de projets individuels et collectifs - la création d’un petit atelier bois/métal, pour le développement de prototypes de design, la réalisation de mobilier,… Les compétences de chacun, et les intentions de chaque groupe sont mises à profit dans ce lieu pour, à la fois développer les projets respectifs, mais également proposer une synergie collective afin d’élaborer pièces et constructions collectives. 33
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Des premières pistes émergent, et prendrons la forme de recherche-action, de suivi d’activités, d’archive vidéo, de mise en place d’événements festifs, de projections, de constructions d’espaces communs, de cours de théâtre pour les habitants du lieu. Ayant déjà travaillé sur certains projets les uns avec les autres, nous aimerions pousser encore cette collaboration en croisant les champs d’actions et les médiums. Cet atelier que nous avons nommé A+1, reprend les dispositions de variabilité du collectif. Un noyau dur de membres y travaillent quotidiennement et nous y accueillons également des résidents et collaborateurs pour l’élaboration de projets, à plus grande échelle. Cette volonté se retrouve par exemple au cœur de la pratique d’agences et d’ateliers d’architectures contemporains. Prenons l’exemple de AAA (Atelier d’Architecture Autogéré), il a une vision bien particulière de l’exercice de la maitrise d’œuvre. “A travers une plateforme à géométrie variable, évoluant autour d’un noyau permanent constitué des membres fondateurs, nous bénéficions à la fois de la dynamique d’une petite structure adaptable et ancrée dans les contextes locaux d’intervention et de compétences d’un réseau international de collaborateurs et partenaires.” Dans une pratique similaire l’atelier Coloco se définit ainsi : “Nous sommes six à travailler de façon fixe, mais en fonction de projets cela peut aller de trois à cinquante personnes. Rapidement, nous avons élargi et assoupli l’équipe, devenant un collectif à géométrie et à participation variable, avec des indépendants, des anciens stagiaires ou étudiants, des amis, voire même des gens qui nous ont directement contacté {...}Ce n’est pas une identité mais une pratique”. De la même manière le Collectif ETC, se dénomme de cette manière pour montrer que le groupe accepte sa reconfiguration permanente, et ainsi refuse de se limiter à “x” membres. Certains y rentrent, d’autres en sortent. 34
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Travailler en collectif c’est aussi choisir son lieu de pratique. Travailler en métropole, en ville moyenne, ou bien en milieu rural, c’est définir le lieu de travail et la manière de s’y implanter. Notre atelier, lui, s’installe dans le cadre des “Grands Voisins”, site de l’ancien hôpital des naissances de Saint Vincent-de-Paul. Ils se définissent ainsi : “Et si, au lieu de les murer, on utilisait avec audace et générosité les lieux temporairement inoccupés ? Les Grands voisins, c’est la démonstration qu’en plein centre de Paris, il est possible de faire exister, pendant quelques années, un espace multiple dont l’ambition centrale est le bien commun. Loger des personnes démunies, accueillir des associations et entreprises solidaires, favoriser la présence d’artisans et de créateurs, partager des outils et des espaces de travail, créer un parc public d’un genre nouveau, avec des activités pédagogiques, culturelles et sportives, ouvertes aux résidents, comme aux riverains et aux touristes. Bienvenue chez Les Grands voisins ! Dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, bientôt transformé en quartier de ville ouvert et connecté, venez faire l’expérience d’une autre manière d’habiter la ville.” En activant les zones dormantes de la ville, les friches ou bâtiments abandonné, il est possible de les faire renaître de leurs cendres. Il faut trouver comment faire naître de nouveaux projets et innover dans notre métier, se positionner au sein du monde de la construction.
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VARIABILITE DES DIMENSIONS : Nous avons évoqué dans le chapitre précédent, la situation particulière dans laquelle s’installent les Grands Voisins. Au-delà de poser la question de comment et où peut-on travailler aujourd’hui, c’est l’intervalle dans lequel s’immiscent les Grands Voisins qui est intéressant. Les Grands Voisins se situent dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, entre Port-Royal et Denfert-Rochereau dans le 14e arrondissement de Paris. C’était l’une des plus grandes maternités de Paris il y a quelques années. En 2012, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a confié l’ensemble du site à l’association Aurore, spécialisée dans l’hébergement d’urgence et l’accueil de personnes vulnérables. Le site entier acquis en 2016 par la Ville de Paris se développe en zone d’aménagement concerté, un nouveau morceau de ville, comprenant logements, ateliers, commerces, équipement sportif et centre culturels. L’enjeu est d’utiliser le temps de vacance de ce site extraordinaire en proposant ou suscitant des usages audacieux et généreux. Depuis 2015, l’association Plateau urbain vient en appui d’Aurore sur la coordination de l’occupation des lieux et accompagne les structures hébergées dans leurs projets d’installation. L’équipe de Yes We Camp, quant à elle, est sur place avec la volonté de favoriser les rencontres entre tous les résidents du site, tout en assurant le défi d’une ouverture au public. Aujourd’hui, un millier de personnes habitent et travaillent dans cet hôpital désaffecté. La mixité d’occupation, entre hébergement de personnes fragiles et occupation des locaux restants par des porteurs de projets associatifs, culturels et solidaires, fait des Grands Voisins un laboratoire urbain d’ampleur inédite. L’espace temps se définit ici par la combinaison entre un lieu et une temporalité. L’interstice ici est alors mis en valeur par son activation. Ainsi les Grand-voisins se trouvent dans un interstice spatio-temporel. 43
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Cette expérience me rappelle un passage du livre de John Steinbeck, Rue de la sardine : “En avril 1932, à l’usine Hediondo, le tube de la chaudière éclata trois fois en quinze jours. {...} La nouvelle chaudière fut donc livrée en temps voulu, la vielle chaudière fut remisée dans le terrain vague, entre la boutique de Lee Chong et le Drapeau de l’Ours, {...} La chaudière ressemblait à une vielle locomotive dépourvue de roue. Une grande porte s’ouvrait à l’avant, une porte basse pour le feu. Avec le temps, la rouille l’avait brunie, rougie, les mauvaises herbes avaient poussé autour : la rouille leur donnait un regain. Le myrte grimpait sur les flancs, l’anis sauvage embaumait ses entours. Une racine de datura avait fait sortir un gros arbre, qui faisait pendre ses cloches blanches le long de la porte” “En 1935, monsieur et madame Sam Malloy emménagèrent dans la chaudière. La tuyauterie n’existait plus : cela faisait un logis très propre, très sûr, et très sec. Il faut bien dire que si l’on entrait par la porte du four, il faillait se mettre à quatre pattes, mais une fois que vous étiez dedans, vous étiez dans un bon espace et vous ne pouviez rêver, pour y vivre d’endroit plus chaud.” Ce court passage poétique, me fait porter un regard différent sur les objets, leurs vies, mais surtout leurs réutilisations parfois surprenantes. A une autre échelle les friches et les bâtiments abandonnés, les terrains vagues, semblent revenir au cœur des débats de la ville. Dans le livre “Recycler l’urbain”, co-écrit par un collectif transdisciplinaire, l’utilisation du mot recycler dans le langage de l’urbain met en valeur des stratégies d’intervention par des actions d’adaptation, opposées aux réalisations “ex-novo” et à la “tabula-rasa”. Désormais regarder l’urbain depuis ce point de vue permet de considérer le lieu de recyclage. Il faut être à la recherche du synergisme urbain et de la rentabilité à toute échelle des éléments de la ville et de leur métabolisme. 44
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Ils représentent un engagement, une volonté propre de vouloir transformer la ville avec la ville. Au-delà de la définition du principe de regroupement en collectif, la question de son domaine d’exercice est tout aussi fondamentale. Elle nous amène plus simplement à la question, que construire ? C’est une manière en tant que maître d’œuvre de se positionner. La commande aujourd’hui en France, connait encore un fléchissement, qu’il soit question de la commande publique, ou de la commande privée. Il s’explique par la dégradation de la situation économique, mais aussi par la conjoncture politique. La baisse du marché a un impact direct sur notre profession. Les commandes se font plus rares et le nombre de postulants aux concours et aux appels d’offres est croissant. Comment aujourd’hui créer une agence ? Comment peut-on envisager, en tant que jeune architecte de pouvoir décrocher des marchés ? Une partie de la réponse se trouve dans un requestionnement de la commande. Il faut désormais, pour une agence d’architecture diversifier son domaine d’action quitte à la créer ou la déplacer. Cela peut se faire à travers la discussion, les échanges, avec tous les acteurs du projet. Souvent le glissement s’opère, de luimême. Prenons l’exemple du collectif d’architectes ETC. Pour eux le constat d’agir à plusieurs avait bien des mérites, il décident en 2011 de mettre en place un tour de France, manière de partir à la rencontre des acteurs, qui défendent ce qui leur semble être une pratique citoyenne de la fabrique de la ville. Itinérance semblable à celle du tour des compagnons, il planifient leurs rencontres mais aussi leurs interventions, créant parfois la commande là où elle n’aurait pas vu le jour spontanément. Au détour d’un chantier ouvert de Saint-Étienne, ils découvrent un lieu en mutation. “Ce type d’espace en transition pourrait permettre à des groupes d’individus de s’emparer de questions communes sur le devenir des quartiers. Ces dynamiques 45
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pourraient être suscitées par la puissance publique, accomplissant son rôle d’être au service du plus grand nombre. Dans le cas contraire comment redéfinir la commande ?» Comment négocier avec les élus locaux et les services techniques municipaux ? Chacune de leur halte est une expérimentation, un requestionnement de la pratique architecturale, de la fabrication de la ville et de sa construction. Ils questionnent la commande, les normes face aux usages, en ouvrant les chantiers et en créant plus d’interaction entre les habitants de la ville. Les premiers objectifs du collectif Manifart ont été de promouvoir les valeurs humaines par le biais d’une nouvelle forme de culture proposée comme une alternative à l’art institutionnel. Nous avons ainsi commencé par créer notre commande, nous mettre dans la posture de la proposition. La première création de Manifart a été de rénover une cave voûtée donnant directement sur cours en plein centre de Bourges. Celle-ci fut appelée “La Clandestine”, espace d’exposition gratuit où ont été programmés jeunes artistes et étudiants en art désirant profiter d’une première expérience d’exposition ouverte au public. Cette première expérience vécue en 2009 n’était que les prémices d’une volonté commune du collectif de bousculer les codes institutionnels et désormais de faire acte de propositions au sein d’événements, pour la création de dispositifs, de scénographies, de constructions ou encore d’installations. Ainsi nous sommes constamment allés au devant des demandes. A la recherche des lieux atypiques et alternatifs. Nous utilisions la construction comme élément fédérateur du collectif. Nous choisissions des lieux pour leur inactivité, cherchant ainsi à leur donner vie et prendre position dans la ville. Progressivement nous avons eu affaire à des commandes directes, de différents ordres. 46
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Dans le cadre du montage d’un festival des nouveaux arts, le propriétaire d’une ancienne usine de dynamite contacte des collectifs émergents, pour proposer des constructions servant au festival, mais aussi des cabanes pour en faire de l’hôtellerie pendant l’année. Autour de la table, nous sommes en présence d’autres collectifs, tels que Bellastock, Yes we camp, YA+K... Nous sommes de la partie, reconnus pour notre pratique transversale, entre art et architecture. Nous enregistrons cette double commande : - Dans un premier temps, c’est la réalisation d’une dizaine de cabanes champêtres qui fonctionnent en autonomie sur le principe de chambre d’hôte. De composition rustique elles peuvent accueillir des visiteurs au long de l’année. - Dans un second temps, c’est la réalisation d’une scène de concert qui servira au festival: “La Dynamiterie”. Celui-ci se déroulera à petite échelle en juin 2014 et pour la première fois pleinement en septembre 2014. Il s’agit donc de concevoir un ensemble dont les multiples fonctions sont au service les unes des autres, dans le but de faire vivre le lieu en symbiose tout au long de l’année. L’avantage indéniable d’une friche comme celle-ci est sa personnalité. Une diversité incroyable due à une architecture remarquable et une végétation sauvage envahissante. Ainsi l’enjeu est-il de respecter l’historicité du site et de jouer avec elle ? Aujourd’hui il faut porter un regard différent sur les friches industrielles, les ruines, pour révéler la valeur esthétique des constructions anciennes. Observons ce que les machines et les salles techniques proposent comme formes et potentiels d’aménagement, développons des dispositifs mettant en relief le bâti. Ces contraintes deviendront alors une possibilité de penser des rapports à l’espace originaux, liés intimement avec l’esthétique du lieu, prenant la forme de constructions appendices, prothèses ou greffes sur les architectures existantes. Le processus de construction matérielle est lié au processus de construction sociale. L’ensemble des habitations doit être pensé comme un village, notamment par les jeux de circulation qui s’y instaurent. 47
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Il y a d’autres manières de traiter la commande, en la devançant par exemple, en anticipant une attente, un désir avant même qu’il ne soit formulé par un client, une maîtrise d’ouvrage. Bien que le projet périclite, les intentions développées continueront de nous habiter lors de nombreux autres. “Ne pas attendre d’être sollicité pour répondre à un client, mais identifier ses besoins et faire des propositions de programme et d’actions. Travailler sans commande, ou se la créer soi-même, en quelque sorte.” Voilà ce que Bouchain délivre dans une interview accordée aux Échos le 22 juin 2016. Il expérimente justement cette pratique face à la commande, à l’ancienne université dentaire de Rennes. Là-bas, un bâtiment voué à la destruction, trouve un second souffle dans une proposition à l’initiative de la maitrise d’ouvrage. Ils y construiront une université foraine, un rassemblement de savoirs académiques, abstraits, et de savoirs concrets, de savoir-faire, de professionnels et usagers souhaitant conduire une démarche expérimentale et innovante. Cette occupation sera cependant éphémère, limitée dans le temps. Cette notion de limite du temps, d’éphémère est un débat fréquent dans le milieu de l’architecture. Confrontation entre pérenne et éphémère, le combat est rude. Dans notre collectif, à la fois les moyens et les contextes ont conduit nos réalisations vers l’éphémère. Dans nombres de nos réalisations les contraintes des espaces ne nous permettaient pas de pouvoir conserver les structures telles quelles. Nous tendions alors, plus vers une pratique proche de la scénographie, autant par son échelle que par sa temporalité. Certains lieux nous offraient plus de liberté d’action. Dans les squats par exemple nous pouvions transformer les espaces, modifier les cloisonnements, en créer de nouveaux, seulement des glissements peuvent parfois opérer et laisser l’éphémère subsister. 48
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En 2013 Manifart est convié à réaliser une cabane pour l’exposition des ateliers d’artistes du 10 rue du port du Rhin (La Basse-Cour des miracles) à Strasbourg. Sur ce site des anciens locaux de la COOP, réinvestis en ateliers de sculpture, peinture, architecture depuis de nombreuses années, plusieurs collectifs y sont invité à construire des cabanes. Les membres du collectif Manifart et des étudiants de la H.E.A.R Strasbourg, y présentent à cette occasion, la cabane issue de leur collaboration. Ils investissent cette dernière durant l’exposition par des interventions, vidéos, sonores et performatives. Le dialogue au sein du collectif réuni pour l’occasion a permis la transformation complète d’une ancienne maison en ruine, par la création d’un nouveau plancher et d’une toiture, une boite dans la boite. La conception a été faite dans ce parallèle entre artistes et constructeurs, architectes, menuisiers. L’optique étant de créer une structure pérenne qui puisse servir ensuite. C’est le cas puisque, plus tard, après l’événement, c’est un des artistes qui s’installe dans cette cabane pour en faire son atelier de création, moyennant quelques petites transformations. L’éphémère peut être aussi un choix de projet, une manière d’expérimenter un dispositif, une typologie de construction, ou encore un rapport à un usager. Nous le retrouvons dans notre projet marocain en 2014, «La Dame de Marrakech». À la croisée d’une construction architecturale, d’une sculpture monumentale, d’un objet sonore, d’un dispositif multimédia, d’une performance et d’un parcours dans l’espace, il s’est érigé au cœur du Dar Denise Masson de l’Institut français de Marrakech, un complexe hybride éphémère. Celui-ci était fait de bois, de cordages, de terre et de roseaux. Il prenait la forme d’une tour centrale en bois de 10m de haut, assemblée uniquement avec de la corde de chanvre et de trois modules satellites de terre crue, inspiré des méthodes traditionnelles marocaines. Le tout venait redéfinir une circulation du corps et du regard horizontal et vertical au sein du Riad. Nous avons cherché à travers ce complexe à donner une forme spatiale à notre 49
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propos et à la multitude des questionnements et des pistes de réflexion que nous avions. Contraints par les engagements pris pour la résidence nous n’avons pas pu conserver la tour au sein du Riad. L’une des autres problématiques a été l’accessibilité au public. Pouvions nous faire monter des spectateurs dans la tour ? Sachant qu’elle dépassait des murs d’enceinte du riad, elle pouvait nous permettre d’offrir un tout autre regard sur la médina. Seulement ne pouvant assumer les responsabilités d’accueil d’un public dans la tour, nous avons décidé de ne pas orienter le projet vers une tour visitable. Certaines constructions flirtent régulièrement entre installation et architecture. La limite réside dans fait que l’on peut habiter une construction. Parfois certaines œuvres doivent respecter les mêmes réglementations que les constructions classiques. Des glissements peuvent aussi se faire à travers la redéfinition de la notion d’éphémère, en pensant le projet comme élément nécessaire à un usage au long terme. Dans le cadre d’un festival de construction international EASA (Européen Association for Student in Architecture) nous avons proposé un projet de tour belvédère. Les constructions du festival sont toujours éphémères, à la fin de l’événement elles sont démontées. C’est l’objectif premier du festival, il est question de travailler sur la dimension d’expérimentation et de transmission de savoirs. Au vu de l’énergie potentielle déployée lors du festival, nous ne pouvions proposer une installation éphémère. Pour faire profiter la ville de notre énergie et de nos qualités de concepteur nous avons décidé de construire un bâtiment permanent, inscrit dans le parcours forestier existant. Le projet se situant dans une forêt en Lituanie, en partie classée au patrimoine de l’UNESCO, les réglementations pour les constructions sont très strictes. Sachant que nous souhaitions construire un bâtiment pérenne, nous avions 50
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besoin du soutien de la ville et de l’architecte local. Soutien ainsi acquis, il nous a été proposé de classer notre construction comme une œuvre d’art, car les réglementations lituaniennes de construction sont plus souples et permettent en zone non constructible de construire tout de même sous certaines conditions. Le site lui a été choisi sur les anciennes fondations d’une villa. Ce projet non construit permet aujourd’hui l’installation de notre construction. Le jeu se fait dans la terminologie, le classement de l’objet. Qu’il soit appelé tour ou sculpture cela peut avoir une incidence sur la viabilité de construction ou non. Ces projets et initiatives que l’on pourrait qualifier de projet “hors-normes”, répondent simplement au désir d’une jeune génération d’architectes qui cherche de nouveaux modes de pratique de leur métier. Elle va au devant de la commande, en se rassemblant pour penser les éléments constituant la ville. Nous pouvons désormais nous poser la question de l’économie de ces projets, de la manière de les financer. Au sein du collectif Manifart, notre volonté de s’engager dans les projets s’est toujours accompagnée d’une forme d’économie autonome. Les évènements se finançaient d’eux-mêmes, principalement par le biais de pré-ventes de billets pour les évènements et de restauration sur place. Cette autonomie nous permettait une liberté d’action, choisissant entre nos différents médiums. D’un autre côté elle nous contraignait à un certain format, qui devait trouver un équilibre entre dépenses et recettes. Dans un certain nombre de nos œuvres/évènements nous avons été amenés à travailler en partenariat avec différentes institutions comme le 104 ou Emmaüs, pour faire de la récupération de matières et de matériaux. Nous pratiquons le réemploi à la fois pour l’esthétique mais aussi pour les valeurs économiques et sémantiques qu’il véhicule. 51
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Le réemploi est un positionnement de plus en plus courant aujourd’hui, et apparait dans les travaux du Bellastock, de Encore Heureux, du Collectif Quatorze ou encore de l’agence Rotor. Ils sont une réaction aux problématiques de la provenance des matériaux, mais aussi une manière de porter un autre regard sur les matériaux, et les différentes vies qu’il peut avoir. Au-delà du travail de Collectif Manifart, j’ai pu aussi expérimenter le réemploi à travers mon projet de diplôme. : «Le théorème tangram» On assimile fréquemment à la notion de déchet tous les matériaux en fin de cycle, ceux dont on a renoncé à trouver un nouvel usage. A plus forte raison, les déchetteries ou décharges rassemblent et attirent ce type de matériaux, qui par accumulation constituent une zone sans usage, simple aire de stockage. Ces matériaux deviennent gisement au moment où ils sont considérés comme matière première ; une aire de stockage peut ainsi rapidement devenir une banque de matériaux, ressourcerie, dont la vocation serait le réinvestissement ou recyclage des matières délaissées. Nous devons parler désormais de déconstruction. La déconstruction s’effectue en simultané de la construction ainsi que de la transformation directe des ressources. Les actions des différents acteurs se chevauchent en symbiose, dans une temporalité où les échanges doivent être constants. Les éléments constitutifs d’un bâtiment existant, sont tel un Tangram que l’on peut facilement décomposer pour le recomposer ensuite en une nouvelle forme. Ces constructions prennent alors de la hauteur, en posant leurs planchers sur pilotis, sous la forme de plateformes, les activités au sol peuvent continuer et de nouvelles activités peuvent voir le jour. Il faut laisser la marge aux bâtiments de pouvoir se transformer et évoluer aux grès des besoins et des nécessités du temps. Les nouveaux bâtiments se montent, se démontent, se surélèvent, s’enracinent, respirent, s’opacifient. Cette question est au cœur des projets lorsque l’on devance ou génère la commande. Dans ces contextes il faut être apporteur de financement pour 52
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un projet. Aujourd’hui beaucoup de petits projets d’architecture naissent d’autofinancement. C’est une manière de générer une nouvelle économie, une autre économie parallèle. Mais comment trouver une forme d’économie pérenne. Comment passer du statut de collectif étudiant à un collectif avec une rentabilité stable. Ces questions nous habitent depuis longtemps et ne trouvent pas nécessairement de réponses immédiates. Il n’y a surtout pas de réponse unique. La diversification du champs d’action de l’architecte peut être une réponse. Le conseil technique par exemple, tel que peut le faire l’association Bellastock, pour le réemploi. Ils proposent aux maîtrises d’ouvrages et aux maîtrises d’œuvres des services complémentaires aux prescripteurs, qui peuvent permettre l’intégration de matériaux de réemploi dans les projets d’aménagement. Des diagnostics de gisements et des méthodologies de déconstruction. L’assistance à la maitrise d’ouvrage, permet un encadrement et un soutien sur des projets urbain ou architecturaux, vers une bonne pratique de l’intérêt général. C’est une forme d’engagement, comme peut l’être l’enseignement. Comme le dit Pablo Miguel de l’atelier Coloco, “l’enseignement est un endroit de résistance”. Il est nécessaire de transmettre les valeurs contemporaines aux nouvelles générations, qui doivent comprendre et s’intégrer au processus de mutation de la ville et de la société.
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CONSTRUCTION DE VARIATIONS : Nous avons évoqué dans le chapitre précédent, une forme différente de pratiquer l’architecture aujourd’hui, que ce soit par les moyens de se regrouper pour travailler ensemble au sens large ou de traiter une certaine forme de projet qui porte un regard différent sur la ville et leurs usagers. Mais comment construire, ce que l’on qualifie parfois d’utopique ? Comment poursuivre le geste jusqu’à la réalisation de ces architectures pensées pour l’ensemble ? De nos jours plusieurs formes émergent en vue de construire avec et pour les habitants. Au sein du collectif Manifart, nous avons expérimenté différentes formes. Le Workshop avec des étudiants d’écoles d’art et d’architecture, la résidence, l’installation collaborative, le chantier ouvert de cabanes. Dans chacune de ces formes nous avons toujours fait le choix de construire. Plus qu’une économie de moyen, la construction est une part entière de notre processus de conception et de réalisation. Mais c’est aussi une manière de pouvoir apprendre et transmettre par la suite lors de workshop que nous dirigions. Nous travaillons presque toujours sous la forme de workshop, c’est à dire avec la participation de bénévoles à la réalisation de la construction. C’est une manière de transmettre un savoir de connaissances, c’est une manière aussi de créer des rencontres, une émulation lors de la projection du projet. Nous avons toujours tenu à impliquer activement les participants de notre workshop, en postulant que ce moment collaboratif de construction est générateur d’expériences collectives uniques de conception et de réalisation. 61
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On peut retrouver cette pratique dans les projets d’autoconstruction. Mis sur le devant de la scène architecturale par l’exposition au MOMA de 1964 de Bernard Rudofsky, “Architecture without architect”, traduit en français par “Architecture sans architectes”, c’est ici la reconnaissance de l’architecture vernaculaire comme une architecture remarquable. Aujourd’hui plus qu’avant, plusieurs facteurs invitent à un retour à l’auto construction. Que ce soit la crise économique et la crise du logement, ou bien la prise de conscience du développement durable et de l’écologie, la construction doit être plus proche de l’habitant, il faut qu’elle puisse refléter son usager, la standardisation n’étant pas synonyme d’appropriation. Les bouleversements climatiques et leurs implications sur notre quotidien, posent la question de l’empreinte que nous avons par nos faits et gestes. Nous avons parlé précédemment du réemploi et de la question de la provenance des matériaux, du regard différent que nous pouvons porter sur les déchets. C’est au travers de cette démarche que certains choisissent de s’impliquer jusque dans le processus même de la construction de leur habitat, cherchant alors la personnalisation de leur lieu de vie, en le construisant. Forme d’engagement ultime ou nécessaire ? Ces projets d’auto-construction concernent actuellement une minorité d’acteurs de la construction. Ce sont majoritairement des particuliers cherchant à construire leur maison individuelle. Le mouvement prend doucement de l’ampleur, mais se frotte à une législation de la construction, à des réglementations et des normes, de plus en plus strictes et tournées vers des processus de construction industrielle. L’auto-construction questionne évidemment la place de l’architecte dans un tel processus constructif. C’est ce que Claire Guyet explore dans son livre intitulé, “Quelle place pour l’architecte dans l’autoconstruction ?” Dans ce contexte, la place de l’architecte dans l’auto-construction, pourrait tendre vers un accompagnement à la fois de la conception, mais aussi un regard technique et un support à la construction. Selon l’auteur, “Face aux difficultés, il est plus facile d’agir groupé. L’auto-construction 62
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incite à donner de l’importance au collectif, à créer du lien social et des projets communs.” Fréquemment il arrive qu’un chantier d’auto-construction soit un chantier ouvert, car la main d’œuvre est toujours la bienvenue pour construire. Ce sont alors les amis, les amis d’amis, ou encore des étrangers en quête d’expériences alternatives, avec le Woofing par exemple. Le woofing est un système d’organisation, consistant à offrir le gîte et le couvert à une personne, en échange d’heures de travail. Il existe d’autres formes de chantier ouvert, que l’on peut aussi qualifier de chantier participatif, ne se réduisant pas nécessairement à la maison individuelle. Selon Pingusson, dans son livre “L’espace et l’architecture” “L’espace construit est un élément de socialisation : ainsi un village de quelques maisons perdues dans la montagne aura un pouvoir agrégatif pour un futur constructeur. D’une façon générale, la construction déclenche un sentiment de solidarité et de confiance mutuelle {...} L’espace constructif, c’est l’espace humanisé parce que conçu par un de nos semblables auquel nous faisons confiance pour sa compétence.” La notion de socialisation et de solidarité peut être poussée lorsque les acteurs de la construction invitent les futurs usagers à s’impliquer dans la construction. Ils s’approprient alors l’espace par son usage mais surtout par son engagement dans le processus de construction. S’il n’y a pas construction participative, avec implication du futur usager, le lieu construit se doit alors d’être impersonnel. Il ne doit refléter l’image, ni du commanditaire, ni du concepteur, ni du constructeur, le lieu reste ainsi ouvert à toute appropriation par ses usagers. Pour son projet “Collective Folie”, au parc de la Villette, l’artiste Kawamata, propose une tour en bois empirique. Métaphore de la tour de Babel, elle est construite par les habitants, passants usagers du parc de la Villette. Une structure primaire en bois, pose un squelette stable et normé, pouvant 63
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accueillir des visiteurs, et donner la possibilité de contempler le parc de haut. Par la suite c’est un workshop ouvert qui va transformer ce squelette en un véritable objet architectural. De manière empirique, les planches de bois, les palettes, les objets en tout genre, se voient vissés les uns sur les autres, les uns à coté des autres, pour donner vie à la folie collective. Au delà de l’objet fini, c’est le processus qui est au cœur du projet. Impliquer des écoles, des passants, des ouvriers dans une même construction est vecteur d’interactions, d’échanges, d’uniques instants où le regard que nous portons sur la ville et ses constructions se métamorphosent. Pratique courante pour l’artiste Japonais qui exerce en France depuis plusieurs années. L’acte de construire est un acte de transmission. C’est en faisant que l’on apprend. “La matière est plus compréhensible si elle est montrée que si elle est décrite {...} il s’agit de montrer pour transmettre”, nous écrit Bouchain dans son livre “Construire autrement”. Dans chacun de nos workshops, au sein du collectif Manifart, nous avons tenu à impliquer nos participants dans la construction. Leur laisser une libre interprétation et libre action dans un cadre que nous leur proposions. En transmettant nous ne cherchons pas ainsi à exploiter une main d’œuvre, pour la réalisation de nos projets, mais plutôt à trouver une forme collective synergique de construction. Il nous est arrivé parfois d’organiser des workshops sans en savoir plus que nos participants. Dans un collectif pluridisciplinaire les connaissances en construction ne sont pas égales, un vidéaste ou un plasticien n’ayant pas nécessairement manié matières et outils régulièrement dans sa pratique. Un autre rapport s’établissait alors, un rapport éloigné de celui de maître à élève, d’enseignant à étudiant. Nous nous trouvions dans la position de Joseph Jacotot, personnage principal du roman de Jacques Rancière, “Le maître ignorant”, où il se mit à enseigner ce qu’il ignorait, proclamant ainsi l’émancipation intellectuelle de ses élèves. Ce livre offre une leçon sur l’enseignement, où l’instruction est comme la liberté, elle ne se donne pas, elle se prend. 64
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Tout réside dans la manière de mettre en place l’émancipation de l’acteur de la construction. L’émancipation de celui-ci l’amènera à l’appropriation de l’objet qu’il construit ou fabrique, qu’il lui soit destiné ou non. Le travail du maître d’œuvre définit le cadre d’intervention, l’encadrement de la libre interprétation, l’inattendu dans la réalisation du projet au cours du chantier, car c’est dans la matérialisation par la construction que l’architecture prend son sens et sa force. Il faut ainsi faire vivre le chantier avec ses acteurs, lui laisser la possibilité de s’extirper du processus immersif de construction. Faire vivre le chantier avec ses acteurs c’est aussi, instaurer des moments de convivialité, des moments de rassemblement qui ne sont pas lié à l’acte de construire. Les repas, la cantine de chantier, les évènements festifs, les conférences et présentations liées au projet, les interventions artistiques, sont autant d’instants conviviaux que ceux de la vie quotidienne. Comment retrouver de l’Humain dans un environnement qui en a perdu toute essence ? “Il suffit souvent de mettre cette personne dans une situation inhabituelle, par exemple partager un simple repas sur le chantier : un élu peut rencontrer un technicien, un entrepreneur, un riverain, un constructeur, à qui, en principe, il ne parle pas et se mettre à discuter avec eux de façon “normale”, parce qu’ils partagent un même repas, autour d’un futur équipement public commun !”,nous écrit Bouchain dans son livre “Construire autrement”. La restauration agit comme un catalyseur des individus. A notre atelier des Grands Voisins, les aménagements progressifs du site se font en chantier ouvert à tous les habitants et résidents, voir des bénévoles venus de l’extérieur. Ainsi petit à petit les bâtiments sont nettoyés, vidés, transformés, réhabilités pour que la vie puisse reprendre. Une des manières de pouvoir canaliser et rassembler toutes les énergies, a été de manière assez simple, de fabriquer très vite un barbecue. Premier objet construit 65
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en participation avec les résidents, c’est l’élément fédérateur autour duquel tout le monde se retrouve et partage. C’est une manière de parler, de discuter du chantier et de ses directions, mais aussi de créer du lien en partant de la vie en générale. C’est une manière d’habiter le chantier, de le rendre moins stérile qu’il ne l’est de manière générale. Y travailler, y transmettre, y débattre, y manger et bien d’autres sont une forme d’ouverture et donc de ponctuation, d’événement de la ville, transformant la nuisance en terrain de jeu et de convivialité. Pour Patrick Bouchain, la notion d’habiter le chantier se transforme parfois de manière encore plus radicale, et se transforme alors en habitat. “Quand je me déplace pour construire un équipement, je développe autour du chantier une activité périphérique touchant l’éducation, à la solidarité, à l’insertion, à la recherche... une activité aussi importante que celle du chantier lui même.” Se positionnant comme un forain, il soulève le potentiel nomade de l’architecte, qui aujourd’hui ne peut pas rester constamment derrière son ordinateur. Il se doit d’être présent et de prendre part à toutes les phases. Une forme d’engagement dans lequel l’architecte doit se positionner. Dans le projet “Métavilla” de Bouchain en collaboration avec le collectif EXYZT, habiter le chantier devient, occuper un palais. Prendre possession d’une programmation et y transmettre un message par l’action. La transformation d’un espace d’exposition devient alors, un lieu de vie, un lieu de travail, de débat et de plaisir. C’est une pratique que l’on retrouve dans certains travaux d’artistes qui transportent la ville et la construction au sein même des espaces d’expositions, en offrant une manière de les requestionner. Habiter le chantier, est une pratique proche de la résidence d’artiste. S’immerger dans un lieu, un contexte, générateur d’un projet qui ne voit le jour qu’à travers tous les facteurs environnementaux de celui-ci. La résidence est un espace temps en soi, elle permet l’intensification de toutes les intéractions entre les acteurs de la résidence et ceux de l’extérieur. Elle se rapproche ainsi de la pratique de la permanence architecturale. On retrouve ce détournement, ce glissement dans le travail des frères Chapuisat. 66
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Travaillant à la fabrication d’espaces contraints où les spectateurs deviennent acteurs. Artistes, leurs expériences contrastées les ont amenés à développer un intérêt pour les études d’espaces. Les constructions transforment les frontières intérieures et extérieures des espaces et jouent avec la perception d’une réalité subjective. Elles exigent la participation active des visiteurs, en les catapultant dans la position d’explorateur. Ces environnements décomposent les habitudes visuelles et intellectuelles, c’est une manière de tester les explorateurs, les obligeant à faire confiance à leurs sens. Ils provoquent des réactions émotionnelles ambiguës chez les visiteurs, comme des rêves où se mêlent curiosité, surprise et inconfort. Leurs projets sont une transposition contraignante de l’habitat. Une manière de se questionner sur le confort et les usages. Ils habitent leurs construction comme un processus immersif, se contraignant eux-mêmes à la création contrainte. L’art peut prendre place sur le chantier, autant que toute autre pratique, c’est une autre manière de pouvoir ouvrir le chantier, à d’autres regards. L’acte de construire est une phase d’expérimentation, phase expérimentale nécessaire où le soi permet le partage par l’expérience et l’expérimentation, un engagement de création et de construction. C’est ce qu’a pu entreprendre l’artiste plasticien, Stéfan Shankland, qui réalise des projets intégrés aux processus de transformation des villes et aux mutations des territoires. Il est appelé en 2006 à travailler sur un diagnostic, autant social que matériel, de la ZAC d’Ivry-sur-Seine. C’est un pari que prend la ville, faire rencontrer des acteurs de pratiques différentes dans l’espace public, qui par cette démarche cherchent à travers l’expérimentation à repousser l’uniformisation de la ville. C’est de cette expérimentation, qu’est né le projet Marbre d’ici. Il résulte d’une demande du service des espaces publics de la ville pour “laisser une trace” et d’un questionnement sur le recyclage des déchets du chantier, notamment des graviers issus de la démolition. Ces expérimentations font acte et sont regroupées dans ce qu’ils ont appelé, Atelier TRANS305, l’art intégré à la ville en transformation. On pourrait aussi citer l’atelier ACTLAB du Bellastock, qui en suivant la démolition des entrepôts du Printempsf initiée par Plaine Commune pour laisser place à un écoquartier fluvial, a pour ambition d’introduire de façon courante 67
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le réemploi dans la conception actuelle de nos villes. Il s’agit pour l’Actlab, de récupérer et stocker des matériaux issus de la démolition/déconstruction des bâtiments, puis de concevoir du mobilier urbain ou d’imaginer des techniques constructives à partir de ces matériaux afin de les réutiliser directement sur place, dans le futur écoquartier. Ce type d’intervention traite du cœur d’un cycle depuis trop longtemps interrompu, de la destruction à la reconstruction. La table rase n’est plus d’actualité, et l’on se retrouve face à de nouveaux paramètres de conception et de construction. Cette forme d’engagement est génératrice à la fois d’une nouvelle manière de transformer la ville, mais aussi de la concevoir et de la construire. La question de l’engagement dans le projet porte aussi sur la question de la responsabilité. Construire ensemble c’est aussi partager les responsabilités. C’est un appel au collectif. Une personne dans un collectif ne peut se charger d’endosser les responsabilités seul. Nous sommes tous constructeurs, engagés dans la même construction, nous partageons ainsi les mêmes responsabilités constructives. Cela dépend du cadre dans lequel on place les acteurs de la construction. Dans le cadre de nos évènements avec Manifart, ou de nos œuvres, nous avons toujours questionné ce rapport à la responsabilité et à la responsabilisation des pratiquants des constructions. Si les pratiquants sont aussi les acteurs de la construction, on y trouve une forme d’auto-responsabilisation. La responsabilité d’une maîtrise d’œuvre, pose bien évidement la question de l’assurance et des garanties, comme par exemple la «garantie décennale» qui incombe à l’architecte. Les projets présentés dans ce mémoire, dépassent bien souvent les cadres juridiques ou légaux conventionnels, à la fois par leur échelle, leur mode de fabrication, les matériaux qui sont utilisés. Si nous prenons l’exemple du réemploi, ces expérimentations de réutilisation de matériaux ne répondent pas aux normes et aux réglementations actuelles, celles-ci ne les prennant pas encore en compte. Cependant au vu des enjeux qu’il représente dans le domaine des matériaux de construction et du développement 68
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durable, le réemploi commence tout juste à trouver sa place dans la juridiction et certaines agences tel que Encore Heureux en font leur fer de lance. Si l’engagement et les responsabilités se partagent par tous les acteurs, les habitants, les politiques, les techniciens, ou bien si l’on reconsidère la dichotomie entre éphémère ou pérenne, les constructions «hors normes», trouveront peutêtre leur cadre et leurs responsabilités qui correspondent. Nous pouvons alors parler d’empowerment. Le principe de l’augmentation du pouvoir donné aux individus ou aux groupes, pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu’ils subissent. Concept né au début du XXème siècle aux Etats-Unis dans un contexte de lutte, il est conçu comme un gain de pouvoir face à un groupe dominant. Il est désormais utilisé dans des contextes proches de ceux de la participation. Un des enjeux soulevé par les démarches de projets participatifs réside dans la redéfinition que l’on peut alors faire de l’intérêt général. La codécision publique, serait une manière de démocratiser le bien commun de la ville et de la construction. Elle amène alors à une redéfinition du rôle de chaque acteur dans le processus de projet. Le rôle du commanditaire, du technicien, de l’élu, du citoyen ou encore de l’architecte et leurs modes d’interaction et d’échange. Ce processus qui est relativement nouveau à l’échelle de l’histoire de la construction, peine aujourd’hui à trouver sa place. Il renverse en effet les codes et les modes organisationnels institutionnalisés. Il invite à un nouveau mode de représentation de la fabrication de la ville et de ses constructions, une représentation commune du rôle de chacun et de ses compétences. La concertation est l’action, pour plusieurs personnes, de s’accorder en vue d’un projet commun,d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté). Elle vise a préparer une décision, pas nécessairement à la prendre. Par exemple lorsqu’une collectivité territoriale engage un processus de concertation avec la population locale, la décision finale appartiendra aux élus qui détiennent le pouvoir. Ils 69
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devront cependant intégrer les résultats de la concertation, mais à quel point ? Parfois la concertation devient plus un outil de communication politique, prenant la forme pour eux d’une étape nécessaire pour prouver leurs bonnes intentions. Dans le cas des Grands Voisins, par exemple, la concertation débutée en 2014 propose un bilan en mai 2016. Comment figer une forme urbaine alors qu’une nouvelle forme émerge sur le même site? Comment ne prendre en compte que partiellement ce qui se développe en ce moment même et qui propose déjà un renouveau de la ville ? Ici les interactions n’en sont qu’au début. Le mélange entre une population résidente, en situation sociale précaire, des artisans, des associations et des petites entreprises tournées vers la réinsertion sociale, telles que Carton plein, Culture du cœur ou encore Aurore permet une ouverture sur le quartier et Paris. On compte aussi un camping qui accueille une population internationale, surprise de dormir sur une telle planète ou encore un bar associatif qui mélange les cultures, qu’elles soient musicales, culinaires ou littéraires. Comment faire comprendre aux élus de l’arrondissement, que quelque chose d’unique naît, et qu’il lui faut du temps pour se développer ? Pourrait-on envisager de prolonger la phase de concertation, en incluant les nouveaux acteurs du site et permettant de prendre en considération ce qu’il s’y passe?
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OUVERTURE DIMENSIONNELLE : Nous assistons aujourd’hui à un changement de paradigme, dans lequel l’architecte doit trouver sa place. Un fossé existe entre les aspirations des anciennes générations et notre génération. Nous avons le sentiment de devoir pratiquer l’architecture à une autre échelle et d’une autre manière. Parfois il faut prendre un contre-pied face à ce que l’on a appris. Nous avons vu tout au long de ce mémoire, des volontés naître, des pensées être testées, des désirs se réaliser, parfois même des fantasmes se matérialiser. Chacune de ces actions porte un message de partage à travers une communauté qui transmet, échange et construit. Curieuse elle est à l’initiative d’un regard différent sur la ville et ses usages. Aujourd’hui, nous avons besoin de nous regrouper pour pouvoir exercer. Nous avons besoin de nous diversifier pour survivre. Nous avons besoin de mutualiser pour expérimenter. Nous avons besoin d’intégrer les usagers à la construction des villes et des bâtiments pour concevoir dans l’intérêt général. Il faut agir en faisant un pas de côté, sortir des méthodes traditionnelles. L’architecte a plus que jamais son rôle à jouer, pas nécessairement là où on l’attend. Etre architecte c’est revendiquer son droit à la parole. Porter le titre représente des responsabilités et des valeurs que l’on se doit de défendre. C’est une forme d’engagement qui trouve sa place au sein des institutions qui encadrent la profession, mais aussi à l’égard du monde extérieur. Il faut être acteur de son métier pour l’aider à se transformer. Aujourd’hui il y a un décalage entre la représentation que la population se fait du 77
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métier d’architecte et la réalité de celui-ci. Elle est due en grande partie à la difficulté de compréhension de la valeur ajoutée architecturale, au caractère inaccessible des agences et des architectes, et au peu de confraternité au sein de ce métier. Nous avons un devoir de transmission, d’enseignement et de communication, que nous pouvons intégrer à tout le processus du projet et au delà. Il se doit d’être destiné au monde de l’architecture, nos confrères mais aussi à la population élargie. La variabilité, qui fait l’objet de ce mémoire, représente un potentiel de combinaisons entre les acteurs d’un projet. Elle crée des situations, des configurations uniques, inattendues, surprenantes. La variabilité laisse la place à l’appropriation, la modularité, l’adaptation des éléments. La résultante des variations offrira toujours une unicité propre au contexte dans lequel elle se développe et dans lequel le plus grand nombre peut se retrouver. Elle fait confiance à l’instinct de chacun, elle permet les responsabilités partagées, elle ouvre les portes à l’audace et l’initiative spontanée. La variabilité se doit d’être une constance à travers les phases du projet. De l’équipe de concepteurs, à l’équipe de constructeurs, nous devons faire preuve d’incrémentalisme. Dans leur livre “Ordre et désordre, une architecture habitée”, Simone et Lucien Kroll, définissent le terme incrémentalisme : “L’incrémentalisme, c’est refuser que la fin soit définie dès le début, c’est décider chaque étape quand on l’aborde et en regardant en arrière, c’est ne pas figer trop tôt les étapes suivantes ni surtout la totalité de l’opération.” C’est une manière de pouvoir laisser l’imprévu enrichir le projet. Il faut alors considérer le bourgeonnement de lieux urbains tels que les Grands Voisins, qui promeut la mixité sociale, le développement de petites structures, 78
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l’agriculture urbaine, l’ouverture d’îlot urbain à la ville et aux touristes. La ville parfois se réinvente d’elle-même, elle se régénère, s’oxygène, car se sont ceux qui habitent la ville qui la créent. Nous devons, nous architectes, nous considérer comme des usagers urbains capables de construire la ville. Dans notre collectif Manifart, nous avons abordé chacune de nos expériences à la limite de ce que nous pouvions engager, qu’il s’agisse de compétences techniques, ou bien de responsabilités communes. Nous avons constamment fait confiance à notre instinct, car il est important d’agir pour avancer, autant qu’il faut penser pour agir. Le “faire” ne se défaisant pas du “penser”, c’est sur ce tandem que la route défile sous nos pieds. Je ressens la nécessité de travailler en collectif, c’est une forme contemporaine d’engagement que je souhaite continuer de défendre. J’ai pu rencontrer à différentes occasions beaucoup de collectifs qui partagent ces valeurs, et qui commencent tout juste à constituer un réseau collaboratif. Hyperville en est l’exemple. Hyperville se définit comme une : “Cabane d’édition”. Elle est portée par des personnes engagées dans des pratiques collectives qui agissent pour la transformation de la ville et des espaces publics. Elle documente, produit et transmet ces mouvements actuels, à travers son site internet, hyperville.fr. Hyperville est à l’initiative de deux cycles de rencontres, Superville #1 et #2, tables rondes et conférences, produits de la rencontre entre tous les collectifs engagés, tels que, Bellastock, Carton Plein, ETC, Quatorze, Horizome, Parenthèse et bien d’autres. Le travail et l’engagement des collectifs n’en n’est qu’à ses débuts, ces pistes de réflexions sont justement au cœur des rencontres de ceux-ci, en témoigne les 79
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thématiques soulevées lors du rassemblement Superville #2 le 1 et 2 juillet 2016 : . Posture et pratiques des architectes en collectifs : Quels cadres ? . Quelle convergence pour mettre les habitants aux commandes ? . Court terme / long terme : quelles formes de complémentarités ? . Comment pérenniser une structure collective ? . Assurance et évaluation technique de nos pratiques : nos procédés s’inscriventils dans une règle, une norme, un dispositif volontaire ? . Quelle place pour nous dans la pédagogie ? . Posture professionnelle et militantisme : enjeux et frottements ? . Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux, nouveaux commanditaires : comment inventer des cadres d’action en commun ? Ces questions restent ouvertes et pour le moment sans réponses définitives. Elles sont en étude et n’appellent qu’à rallier le plus de praticants possible aux zones de débats, pour trouver ensemble non pas une réponse universelle, mais une multitude de réponses propres à chaque contexte et chaque acteur. Elles invitent à la redéfinition même de la maîtrise d’oeuvre en son nom propre traditionnelle. Serons-nous indéfiniment «hors-normes» ?
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BIBLIOGRAPHIE -
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BIBLIOGRAPHIE
Co-écriture collective Team Fanzine, Bellastock, collectif ETC, esPASces possibles, “Superville #2”, auto édition durant le festival Superstock, 2016 Aman Iwan, “(se) Construire ensemble”, édition Aman Iwan, 2016 Obras et Collectif AJAP 2014, “Nouvelles Richesses”, édition Fourre-Tout Publichers, 2016 Hyperville, “La permanence architecturale”, édition Hyperville, 2015 Collectif Etc, “Détour de France”, édition Hyperville, 2015 Lucas Bonnel, “Subjectivité Collectif ”, auto édition, 2015 Simone et Lucien Kroll, “Ordre et désordres, une architecture habitée”, édition sens&tonka 2015 ESSE Magazine Arts+opinions, “Renovation”, Winter 2014 Claire Guyet, “Quelle place pour l’architecte dans l’Autoconstruction ?”, édition cosmographia, collection nouvelles géographies / Architecture, 2014. Julien Choppin et Nicola Delon, “Matière grise”, éditions Pavillon de l’arsenal, 2014 Sous la direction de R. d’Arienzo et de C. Younès, “Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités”, édition Métispresses, 2014 87
Ordre des Architectes, “Observatoire de la profession d’architecte”, édition Publi2m, 2014 Kawamata, “Collective Folie”, édition a.p.r.e.s, 2013 Patrick Bouchain, “Histoire de construire”, édition Actes Sud, 2012 Thierry Paquot, Yvette Masson Zanussi, Marco Stathopoulos, “Alterarchitecures Manifesto”, édition Eterotopia et Infolio, 2012 Patrick Bouchain, “Construire autrement”, édition Actes Sud, 2011 Gordon Matta-Clark, “Entretiens”, éditions Lutanie, 2011 Les frères Chapuisat, “Les frères Chapuisat”, édition Centre culturel Suisse, 2011 Georges-Henri Pingusson, “L’espace et l’architecture”, édition du Linteau 2010 Pierre-Michel Menger, “Portrait de l’artiste en travailleur”, édition La république des idées / Seuil, 2006 Jaques Rancière, “le maître ignorant”, édition 10/18, 2004 Ordre des architectes, UNSFA, “Le livre blanc des architectes”, 2004 Gilles de Bure, “Christian de Portzamparc”, éditions Terrail architecture, 2003 Paul Valéry, “Tel quel”, édition Gallimard, 1996 Bernard Rudovsky, “L’architecture sans Architecte, brève introduction à l’architecture spontanée”, édition Du chêne, 1980 Edward T. Hall, “La dimension cachée”, édition Point, 1978 88
Yona Friedman, “Utopies réalisables”, édition L’éclat/poche, 1975 John Steinbeck, “Rue de la Sardine”, Folio, 1947
CURRICULUM VITAE -
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GIAUME Octave FORMATION ET DIPLOMES Juillet 2015 . Diplômé, Architecte d’état à L’ENSAPB avec les Félicitations du jury Fév-Juillet 2013 . Semestre d’immersion au sein de l’ENSCI les ateliers Septembre 2013 . Semestre de master 2 à l’ENSAPB 2011 - 2012 . Echange international à l’Université de Montréal, Première année en Master 2008 - 2011 . Licence d’architecture (ENSAPB, Paris 19°) 2007 . Baccalauréat série S (Lycée Montaigne, Paris 6°)
EXPERIENCES ARCHITECTURE ET DESIGN Juillet 2016 . Tuteur structure bois sur le projet Highlight, en collaboration avec Cesar Bazin, Matthieu Bordreuil et Thibault Kantok, EASA Lituania 2016 Oct 2015 - Mai 2016 . Collaborateur architecte chez AECDP en MSP - Ateliers Christian de Portzamparc Juillet 2014 . Tuteur métal, sur le projet Skywalk de Matthieu Bordreuil, EASA Bulgaria 2014 Depuis 2014 . Association avec Pauline Girardot Architecte d’intérieure Conception et suivi de chantier pour la rénovation d’appartements. Octobre 2014 . Prix «éco design» au concours «Duponthon» pour la Lampe A2 97
VIE ASSOCIATIVE ET ATELIERS DE TRAVAIL Oct 2015 . Création de l’Atelier+1, aux Grands Voisins, Atelier pluridisciplinaire. Oct 2014 . Président de l’Asso B, Junior Architecte de l’ENSAPB Février 2014 . Installation aux Ateliers d’artiste Wonder à Saint Ouen Mars 2013 . Fondateur de l’association Big Wall (Initiation escalade, workshop construction) Février 2013 . Coprésident l’association Manifart (événementiel, scénographie, performance) Mai 2011 . Fondateur de la compagnie Ciné Urbain avec Anaïs Hunebelle (projection, live, structure) Juin 2009 . Membre l’association Manifart (événementiel, scénographie, performance, construction)
STAGES Janv - Juil 2014 . Stage agence AECDP - Ateliers Christian de Portzamparc Mission°: Dessin et modélisation en phase concours international, suivi de chantier. Juil-Aout 2011 . Stage agence BRS architectes-ingénieurs. Mission°: DAO, suivi de chantier, diagnostic de toiture, préparation concours Juillet 2010 . Stage Ouvrier chez Couvertex. Mission°: Réparation de Couverture et d’Étanchéité de toiture terrasse. Février 2007 . Stage agence S&V Architecture. Mission°: Préparation de concours, constitution de dossier. Février 2006 . Stage agence Ligne 7 Architecture. Mission°: Préparation de concours, constitution de dossier. 98
EXPERIENCES PROFESSIONNELLES Avril - juin 2013 . Hôte d’accueil chez Florence Doré Déc - Avril 2013 . Serveur à la cafétéria de l’Ecole d’Architecture de Paris Belleville Sept - Nov 2012 . Serveur au Bar L’Irlandais (Paris 5°) Janv - Avril 2012 . Ouvreur de voie d’escalade au Centre Sportif de l’Université de Montréal Mai - Juin 2009 . Distribution de tracts pour le compte de La Chaumière à Musique. Février 2009 . Assistant, entraineur du stage de Hockey sur glace au club des Français Volants
LANGUES ET CONNAISSANCES INFORMATIQUES Anglais, Espagnol Maîtrise des logiciels
. Courant - 845 TOEIC . Autocad 2015, Archicad 14, Artlantis studio 3D, 3DSmax Studio, Rhino 3D, Sketchup Pro, Photoshop, illustrator, Indesign, Final Cut Pro 7, Première.
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Remerciement Ă , Christine Simonin, Marie Elisabeth Nicoleau, Charlotte Van Doesburg Mathurin Maine Chrisitan Giaume Atelier +1
à ma mère ...