Livret-guide du Jardin du Lautaret

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Sommaire 1. Présentation • Le site du Lautaret • Le jardin en 10 questions • Les cultures du jardin 2. La flore alpine • Qu’est ce qu’une plante alpine? • Histoire de la flore alpine • Diversité des plantes alpines 3. Quelques éléments de botanique • La fleur • Les relations entre espèces • Les adaptations à la vie alpine 4. Des milieux remarquables • La mégaphorbiaie • La tourbière • La végétation et le neige 5. Les hommes au col • L’histoire du col • Vivre à la montagne • L’homme et les plantes 6. Les rocailles du jardin : sélection d’images 7. Notes 8. Bibliographie

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Rédaction:S. Aubert, A. Bignon, R. Bligny, Ph. Choler, R. Douzet, P. Fernandez Photos: S. Aubert (sauf mention particulière) Images anciennes: Archives du Jardin Botanique Alpin du Lautaret & collection A. Bignon (sauf mention particulière)

Remerciements à M. Albert, Ph. Danton,J.-L. Francou, L. Pic, F. Quetier, G. Rulfo et à l’Association d’animation et de rénovation du four de Villar d’Arène

Edition: Station Alpine Joseph Fourier (2005); Impression: Imprimerie des Ecureuils, Gières


Thème 1 : Présentation

Le site du Lautaret

PARIS

Le

col du Lautaret occupe une position privilégiée. C’est un véritable carrefour géographique, climatique, et géologique. Au croisement des Alpes du nord et du sud, des Alpes internes et externes, la diversité des influences climatiques et la diversité géologique des terrains ont favorisé une grande diversité botanique naturelle avec près de 1500 espèces végétales, soit environ 1/3 de la flore française.

LYON Grenoble Col du Lautaret

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MARSEILLE

Alpes externes humides d ne o Z

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Alpes du nord

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COL ET JARDIN DU LAUTARET Mass if de s Cer N9 ces 1

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Barre des Ecrins (4102 m)

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Alpes du sud

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10 km

Le col du Lautaret, au croisement des Alpes du nord et des Alpes du sud (ces dernières caractérisées par un fort ensoleillement et une influence méditerranéenne), à la limite entre Alpes externes humides (influence océanique entraînant de fortes précipitations) et Alpes internes sèches (influence continentale).

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Le col du Lautaret, situé à 2056 m d’altitude, sépare la source de deux rivières: la Guisane qui coule vers l’Est et la Durance dans le département des Hautes-Alpes, et la Romanche qui rejoint le Drac dans le département de l’Isère. C’est une frontière sur la voie de communication qui relie Grenoble (90 km) à Briançon (30 km), la transition entre les régions Rhône-Alpes et ProvenceAlpes-Côte d’Azur, et un carrefour touristique entre Oisans, Briançonnais (deux régions du Dauphiné) et Savoie. Massif cristallin du Combeynot

Massif sédimentaire des Cerces

La vallée de la Guisane (à l’est du col, en direction de Briançon) vue depuis le col du Lautaret.

Barre des Ecrins (4200m)

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Le col du Lautaret et le massif des Ecrins vus depuis le Grand Galibier (3229 m). La flèche blanche indique la position du jardin.

Meije (3987m)


La diversité des influences climatiques de part et d’autre du col du Lautaret se voit aisément au niveau de la végétation. Ainsi, à quelques dizaines de kilomètres de distance, on observera des forêts très différentes à l’ouest avec la présence du hêtre et de l’épicéa notamment dans la région de Bourg d’Oisans et à l’est du col où dominent les pins (pin sylvestre et pin à crochet) et le mélèze.

2 2

1

Les couleurs d’automne dans la vallée de la Romanche permettent de distinguer les forêts de hêtre (feuillage caduque, 1) et d’épicéa (résineux à aiguilles persistantes toujours vertes, 2). Ces deux arbres sont caractéristiques des Alpes externes humides; on ne les rencontre plus à l’est du col du Lautaret: ils sont remplacés respectivement par le pin sylvestre à basse altitude (étage montagnard) et par le mélèze, le pin à crochet et le pin cembro à haute altitude (étage subalpin).

La forêt de mélèze, encore appelée mélézein, est une formation caractéristique des Alpes internes car elle ne se développe qu’à la condition de connaître un climat estival sec et lumineux. A noter que le mélèze est le seul résineux en France à perdre ses aiguilles en automne.

Le pin sylvestre est très abondant dans les Alpes internes (étage montagnard de 900 à 1500 m); il se reconnaît facilement à son écorce orangée dans la partie haute du tronc.

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Stipa pennata, appelé localement «cheveux d’anges» ou «marabout» est une graminée des steppes d’Europe centrale qui signe une influence continentale dans les Alpes internes (été chaud et sec, hiver froid et sec). Il est photographié ici à 2000 m au col du Lautaret et pousse en compagnie du Dracocephalum ruyshiana, une autre espèce à affinité steppique (voir photo page 40).

Il tombe en moyenne 1200 mm d’eau par an au col du Lautaret, sous la forme de pluie ou de neige, alors que dans les Alpes externes (Vercors, Chartreuse) les précipitations moyennes sont de 2500 mm à la même altitude.

Si l’on ajoute à ce tableau déjà très contrasté, la contribution du vent, omniprésent, qui apporte sécheresse en été et en hiver, nous obtenons un climat froid et sec, caractérisé par un fort ensoleillement et par des variations thermiques souvent considérables.

Les températures sont froides. Seulement 20C de moyenne annuelle pour La Grave (1500 m) et un minimum de température enregistré au col de – 400C !

Le massif consacrée à la flore des Balkans (photographié au début du mois de juillet 1999 au jardin): la neige peut tomber en toute saison de l’année au Lautaret.

Drapeaux de glace sur les plantes des crêtes du Galibier à 2700 m, fin août 2000.

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La région du Lautaret est également réputée pour sa très grande diversité de roches. Il existe une nette opposition entre les massif sédimentaire du Galibier et des Cerces situés au nord et les massifs cristallins du Combeynot et des Ecrins situés au sud.

Pointe Nérot (3538 m)

Pic Gaspard (3881 m)

Glacier du Lautaret Grand pic

Pavé

(3983 m)

(3823 m)

Bec de l’Homme (3454 m)

Depuis le col du Lautaret (ici le long du chemin d’accès au jardin), on peut apprécier la très belle vue sur le massif cristallin de la Meije. Il appartient au massif des Ecrins (et au Parc National des Ecrins) et il est constitué de granites et de roches apparentées. Au premier plan, prairie où domine le sainfoin.

Diversité des lichens sur un granite. L’espèce de couleur verte (Rhizocarpon geographicum) ne pousse que sur ce type de roches cristallines et elle est responsable de la couleur verdâtre des rochers du massif des Ecrins.

Le massif du Galibier qui culmine à 3229 m (image de gauche) est constitué de roches sédimentaires (calcaires dolomitiques, quartzites, schistes, etc). On y rencontre également des gypses facilement reconnaissables par des formes d’érosion remarquables, les entonnoirs de dissolution.

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La combinaison de ces facteurs climatiques et édaphiques

(nature du sol) créent une grande variété d‘habitats. Elle explique la diversité floristique unique de la région du Lautaret, et fait de ce site un lieu idéal pour le développement d’un jardin botanique alpin.

La région du col du Lautaret compte quelques 1500 espèces végétales, soit près du tiers des 4200 espèces réparties sur la France entière (Métropole et Corse). Ici, les prairies naturelles du Lautaret au mois de juin avec notamment narcisses, trolles et anémones. Un haut lieu de la biodiversité végétale en Europe!

Autour du jardin : une biodiversité à cueillir… avec parcimonie Les prairies du Lautaret font le bonheur des cueilleurs de fleurs (ici, lors de la floraison des narcisses). Mais attention: • de nombreux bouquets finiront desséchés dans la voiture ou abandonnés

au bord du chemin! • pas de cueillette dans le Parc

National des Ecrins; • pas

de cueillette des espèces protégées par la loi (potentille du Dauphiné…);

• pour certaines espèces (dont le gé-

népi, le lis orangé, le lis martagon, et l’edelweiss), ne cueillez que ce que la main peut contenir.

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Thème 1 : Présentation

Le jardin en 10 questions

Pourquoi un jardin au col du Lautaret ?

Le choix du site fut intimement lié àèmesa position géographique privilégiée. D’une part il s’agissait

siècle pour sa richesse botanique (cf pages précédentes). d’une région connue depuis le XVIII D’autre part, à la fin du XIXème siècle, le Lautaret représentait l’une des rares routes permettant d’accéder à une zone de haute montagne (2000 mètres). A ce propos, un premier jardin avait été créé en 1894 à Chamrousse, mais, malgré sa proximité avec Grenoble, ce jardin a été rapidement abandonné à cause de l'absence de route d'accès (pas de station de ski à l'époque). Enfin, le col du Lautaret était déjà largement connu et fréquenté, en particulier par les alpinistes; une popularité qui était un atout supplémentaire pour assurer le succès d’un jardin botanique alpin.

Quand le jardin a-t-il été créé ?

Dès 1899 le professeur Lachmann implante le premier jardin alpin du Lautaret, avec l’aide de M. Bonnabel, hôtelier au col. Installé dans un premier temps au col même, il fut déplacé en 1919 avec l’aide financière du Touring Club de France pour respecter le tracé de la nouvelle route du Galibier. Il sera situé 100 m plus haut sur un terrain de la commune de Villar d’Arène (voir thème 5). J.-P. Lachmann, professeur à l’Université de Grenoble, créateur du Jardin Alpin du Lautaret.

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Ci-dessus, le jardin alpin du Lautaret en 1900, à l’emplacement exact du départ de l’actuelle route du Galibier.

Après le déplacement et la reconstruction sur le site actuel, l’inauguration du nouveau jardin alpin le 5 août 1919 (cliché H. Müller).

Quels sont les rôles du jardin ?

Le jardin remplit les trois missions d’un jardin botanique:

• la présentation des plantes au public, avec en particulier la sensibilisation à la biodiversité des plantes de montagne: formes, couleurs, odeurs, origines, adaptations;

• la sensibilisation du public à la vulnérabilité des plantes et de leurs habitats, et à la conservation des plantes menacées (comme le chardon bleu des Alpes) ;

• la recherche avec le chalet-laboratoire, bâtiment voisin du jardin qui abrite des études sur la biologie et l’écologie alpine. Il s’agit notamment de comprendre les stratégies développées par les plantes de montagne pour faire face aux stress multiples liés à l’altitude, et d’étudier le fonctionnement des écosystèmes alpins, sensibles aux changements globaux (réchauffement climatique).

Visites quotidiennes commentées par des étudiants, ici P. Fernandez en 2001.

Plus de 3000 étiquettes contenant noms latins, noms communs, répartition géographique, sont installées chaque année en début de saison et retirées avant l’hiver.

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Images des recherches menées au Lautaret: études de la végétation sur le terrain et analyses expérimentales au chalet-laboratoire situé à proximité du jardin.

Comment sont cultivées les plantes alpines ?

La majorité des plantes proviennent de graines qui sont mises à germer en plaine (Grenoble). Les jeunes plants sont ensuite transférés dans la nurserie du jardin, puis installés dans les rocailles. Les plantes proviennent des différentes zones montagneuses du globe et sont donc adaptées à des conditions climatiques rudes. Cependant, les conditions au Lautaret ne sont pas forcément identiques aux conditions de vie de la plante dans sa région d’origine. Ainsi, une partie des espèces ne parviennent pas à pousser au jardin malgré les efforts des jardiniers. Comment sont organisées les rocailles dans le jardin ?

Les

plantes sont présentées dans des rocailles illustrant plusieurs thèmes:

• l’origine géographique des plantes; • le milieu de vie des plantes dans le cas des plantes des Alpes: pelouses, éboulis, marais…;

• les propriétés des plantes: plantes médicinales, plantes alimentaires;

• la classification des plantes: par exemple familles des Astéracées et des Caryophyllacées.

Campanula cochlearifolia, une des espèces de la rocaille des éboulis alpins schisteux.

Rocaille avec des plantes des montagnes d’Amérique du nord.

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Comment les plantes passent-elles l’hiver ?

L’hiver et son manteau neigeux. Il en est ainsi 6 à 8 mois de l’année !

Toutes les plantes restent sur le site. Les plantes passent l’hiver sous la neige (sauf les arbres). L’épais manteau neigeux hivernal représente un isolant thermique qui protège les plantes des grands froids (voir p. 52). Souvent les parties souterraines (racines, bulbes, rhizomes) assurent la pérennité des individus d’un été à l’autre. Un ennemi naturel du jardin est le campagnol des neiges, responsable de la disparition d’espèces. En effet, l’hiver, ce rongeur vit à l’interface sol/neige en se nourrissant des parties souterraines des plantes.

Comment le jardin est-il entretenu ?

Une fois les végétaux installés dans les massifs, le travail ne fait que commencer. En effet, la pression de colonisation des plantes sauvages du Lautaret et de certaines espèces cultivées est très forte. Il faut donc procéder à un désherbage régulier et méticuleux des rocailles pour éliminer toute compétition; ce travail est effectué par des techniciens et des stagiaires horticoles. Par ailleurs, l’ensoleillement intense et l’air sec en été impliquent des arrosages quotidiens pour les plantes issues de secteurs plus humides que le Lautaret. 10

R. Hurstel, responsable horticole


Quel est le nombre de visiteurs chaque année ?

Au

début du XXe siècle peu de véhicules s’aventuraient au col du Lautaret, et le jardin se trouvait relativement isolé par rapport aux grandes villes. Mais déjà plus de 3.000 personnes le visitaient chaque été. Le développement du tourisme dans la région ainsi que les efforts du personnel du jardin, ont permis d’atteindre aujourd’hui le chiffre moyen de 25.000 entrées annuelles.

Comment le jardin est-il géré ?

Le Jardin Botanique Alpin du Lautaret est géré depuis sa création par l’Université scientifique de Grenoble (aujourd’hui Université Joseph Fourier-Grenoble I). Avec le Chalet-Laboratoire du Lautaret et avec l’Arboretum Robert Ruffier-Lanche à Grenoble, il constitue la Station Alpine Joseph Fourier. Une partie du personnel travaillant au jardin est recruté à la belle saison (employé et stagiaires horticoles, hôtesses d‘accueil, étudiants assurant des visites commentées). Les personnels permanents sont des enseignants-chercheurs ou des personnels techniques de l’Université (Unité de Formation et de Recherche de Biologie). L’hiver est consacré notamment au tri et aux échanges de graines, à la préparation de la saison suivante, à l’entretien de l’Arboretum, et aux activités d’enseignement et de recherche.

Le bâtiment qui abritent le Laboratoire d’Ecologie Alpine et la Station Alpine Joseph Fourier sur le campus de Saint-Martin-d’Hères à Grenoble, où travaille l’équipe du jardin pendant l’hiver.

L’Arboretum Robert Ruffier-Lanche sur le campus de Saint Martin d’Hères-Gières est également sous l’autorité scientifique de la Station Alpine Joseph Fourier: www.ujf-grenoble.fr/BIO/arboretum

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Quel avenir pour le jardin ?

Bien que les fleurs symbolisent le calme et le repos, la vie du jardin n’est pas figée. Les nouveaux aménagements font partie du travail de chaque année. Par exemple, de nouvelles rocailles sont en cours d’installation pour présenter les plantes alimentaires de montagne ou la flore des Andes. Par ailleurs, un arboretum d’altitude situé au dessus du jardin est en cours de réhabilitation. Le jardin va également développer ses actions de protection et la multiplication des plantes rares et menacées. Un soin particulier est apporté aux publications et à la création d’outils multimédias (site internet, CD Rom en projet) destinés à une large diffusion de la connaissance sur la flore et sur les milieux naturels d’altitude. Enfin, le jardin est impliqué dans un vaste projet de développement qui propose de construire un bâtiment d’accueil du public comprenant une salle de conférences, des salles d’expositions et des salles de démonstrations équipées de microscopes. Un projet d’envergure concerne aussi le développement de la recherche à la Station Alpine Joseph Fourier, appelée à devenir une référence française et européenne dans le domaine de la biologie et l’écologie alpine. A T

Cette vue aérienne permet de visualiser l’organisation du jardin qui intègre prairies naturelles et rocailles aménagées. Au sommet, l’arboretum (A) d’altitude en cours de réhabilitation. A noter la tufière et ses eaux ferrugineuses rouges (T) décrite plus loin (p. 62). L’étoile situe l’entrée du jardin, en bas à droite.

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La page consacrée aux montagnes du Caucase, une des étapes de la visite virtuelle du jardin, accessible sur le site internet de la Station Alpine Joseph Fourier:

www.ujf-grenoble.fr/JAL

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Thème 1 : Présentation

Les cultures du jardin Le Jardin Botanique Alpin du Lautaret compte plus de 2000 espèces végétales, représentant la flore alpine du monde entier. Pour obtenir les plantes, le jardin fait partie d’un réseau professionnel international d’échange de semences. Ainsi, le responsable botanique du jardin correspond avec près de 300 jardins répartis dans plus de 50 pays. Il récolte des graines de plantes de la région du Lautaret (espèces non protégées) et de plantes cultivées au jardin. Il édite ensuite un catalogue (« index seminum » disponible aussi sur internet) destiné aux échanges avec les jardins demandeurs et avec les scientifiques nécessitant telle ou telle espèce pour leurs recherches. En contrepartie, à partir des index des jardins botaniques du monde, il choisit les semences des espèces qu’il souhaite introduire au jardin.

Collecte de semences dans la région du col du Lautaret par R. Douzet, responsable botanique.

Origine des plantes présentées au jardin.

Aperçu de l’Index seminum du jardin. Plus de 1000 espèces sont disponibles pour les jardins botaniques français ou étrangers

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Séance de tri des semences au chalet Marcel Mirande, lors des journées pluvieuses qui empêchent le travail dans le jardin.

Préparation des sachets de semences avant envoi aux jardins botaniques du monde entier.

Semences de Crepis bocconi, une des espèces de l’index seminum du jardin (récoltée en 2000 vers 2000 m d’altitude dans la région du Lautaret

Draba hispida, une plante de la rocaille « Caucase », introduite en 2003. Les graines ont été obtenues durant l’hiver 2000 par échange avec le jardin alpin de Schachen (dépendant du jardin botanique de Munich). Elles ont été récoltées par le Dr. Gröger dans les montagnes de Géorgie.

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Collecte de semences dans les Andes chiliennes lors d’une expédition botanique organisée en janvier 2003. L’absence de jardin botanique impliqué dans la culture de plantes andines limitait les possibilités de présenter la flore andine, riche, colorée et très différente de la flore des montagnes de l’hémisphère nord.


Semis des graines d’espèces échangées. Ces semis sont effectués en plaine (collaboration avec le pépiniériste J. Sarreuil-Baron). Plusieurs centaines d’espèces sont semées chaque printemps (10 logettes de semis par espèce).

Les

graines obtenues par échanges ou collectées sur place sont semées en plaine, ce qui permet d’obtenir plus rapidement des plantules de bonne taille car la température est plus favorable à la germination et à la croissance en plaine. Ensuite, les plantules sont transférées au jardin et acclimatées aux conditions de haute altitude dans la nurserie du jardin. Une fois acclimatées, après un été ou après 1 ou 2 années, les plantes seront installées dans les rocailles.

Mimulus cupreus, une espèce dont les boutures collectées au Chili en janvier 2003 ont été multipliées et installées avec succès en 2004 au jardin.

La nurserie du jardin et ses dispositifs d’ombrage, sans lesquels les jeunes plantules seraient détériorées par l’intensité du rayonnement solaire (lumière blanche et rayonnements Ultraviolets). Dans les conditions naturelles, les jeunes plantules sont souvent protégées de l’excès de lumière par l’ombre portée de la végétation en place.

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Des graines parfois difficiles à faire germer La germination de certaines graines peut s’avérer délicate. De nombreuses graines de plantes alpines nécessitent un traitement au froid (mimant les conditions hivernales), alors que d’autres ont besoin d’une destruction partielle de leurs enveloppes externes (obtenue dans la nature par l’action des micro-organismes du sol et mimée par une abrasion). Dans le cas des Orchidées, les minuscules graines produites sont dépourvues de réserves et la germination ne peut se faire que si le sol contient le champignon avec lequel les racines de l’orchidées vont s’associer (symbiose) pour assurer la croissance de la plante. Dans le cas de nombreuses plantes bulbeuses, la germination peut ne survenir qu’une ou deux années après le semis. Enfin, pour certaines plantes, les mécanismes de contrôle de la germination demeurent inconnus.

Rocaille géographique consacrée au Caucase, magnifique devant le massif de la Meije. L’un des plus beaux panoramas à découvrir au jardin en juillet, avec notamment: Papaver lateritium (orange), Stachys grandiflora (mauve au centre), Psephelus transcaucasicus (rose à droite), Hypochaeris uniflora (jaune à gauche).

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Premières étapes de la mise en place d’une nouvelle rocaille (extension de la rocaille « Balkans » en 2003): après délimitation de la zone, des rochers sont disposés et un cheminement est mis en place. Ensuite les plantes seront installées en fonction de leurs exigences écologiques (expertise du responsable botanique) et des combinaisons de formes et de couleurs (expertise paysagère du responsable horticole). Des stagiaires de la filière horticole participent à ce travail ainsi qu’au désherbage (voir plus bas).

L’entretien

régulier des massifs est indispensable, en particulier car les espèces introduites subissent une forte concurrence de la part des plantes sauvages. Pour pallier cela, de longs et méticuleux désherbages sont effectués durant toute la saison. Par ailleurs les pelouses naturelles sont fauchées en milieu de saison pour éviter la formation et la dispersion des graines dans les rocailles. Enfin, l’arrosage intervient lors des périodes prolongées de sécheresse, mais en prenant garde de traiter différemment les plantes de zones humides, dont les besoins en eau sont importants et les végétaux de zones sèches, pour lesquels un apport minimal est suffisant.

Aspect de la rocaille « Sibérie » en début de saison (mi-mai 2003). Tiges et feuilles mortes accumulées donnent un aspect peu flatteur au jardin.

Désherbage dans les rocailles «Sibérie et Caucase humides» (début juin 2004). Voir p. 18 et p. 55 les rocailles fleuries fin juin et en juillet-août.

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Le fauchage des prairies naturelles du jardin en fin de saison est important pour maintenir la biodiversité dans ces pelouses et pour empêcher la dissémination des graines vers les rocailles aménagées.

Arrosage du jardin, le soir après les visites.

L’eau joue un rôle important dans le jardin, tant esthétique qu’écologique. Les zones humides ont été replacées autour des torrents et des lacs du jardin. Ici, la rocaille «Sibérie humide» photographiée fin juin 2004, avec trolles de Ledebour (oranges) et populages du Caucase (jaunes).

Autour du jardin: comment se procurer des plantes alpines Le visiteur trouvera à la vente à la sortie du jardin des plantes d’altitude qui peuvent pousser en plaine. Elles sont cultivées avec tout le savoir faire de pépiniéristes professionnels. Il est ainsi possible de recréer un mini jardin alpin chez soi, mais attention, la tâche n’est pas facile!

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Thème 2 : La flore alpine

Qu’est-ce qu’une plante alpine? Le terme « alpin » mérite quelques précisions. Il est parfois confondu avec le terme « alpien » qui est relatif aux Alpes au sens strict. Dans l’acception que nous retiendrons, ce terme s’applique à la zone et aux plantes situées au dessus de la limite naturelle des forêts (en absence d’intervention humaine), quelle que soit la partie du globe envisagée. Ainsi, dans les Alpes françaises, la zone alpine (ou étage alpin) commence à partir de 2300 mètres en moyenne. En zone tropicale et équatoriale, cette limite s’élève aux alentours de 4000 mètres, alors que dans les zones polaires elle s’abaisse au niveau de la mer (Arctique, Spitzberg, Terre de Feu, etc.) et on parle alors de végétation arctique. Ces variations d’altitude en fonction de la latitude sont largement conditionnées par la température.

Arctique

Sibérie Asie centrale

Amérique du Nord Himalaya

es And

Afrique de l’Est

Nouvelle Zélande Représentation (en noir) à la surface du globe des zones alpines et arctiques, c’est à dire situées au dessus de la limite potentielle des arbres (d’après Körner 1999). Les massifs montagneux situés dans le rectangle sont détaillés p. 22.

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La

végétation des montagnes est divisée en étages qui abritent des t yp es de v é gét at io n caractéristiques. La limite supérieure de l’étage subalpin, en rouge sur le schéma, marque la limite naturelle (sans intervention de l’homme) des arbres et des forêts. Elle est située au dessus de 2300 m d’altitude en moyenne dans les Alpes et elle correspond souvent à une « zone de combat » où les arbres ont de plus en plus de mal à pousser (voir images plus loin).

Plus haut, on entre dans l’étage alpin où les conditions de vie deviennent plus difficiles car l’élévation en altitude provoque la baisse des températures, une augmentation des rayonnements Ultraviolets, de la force des vents, etc. Dans l’étage alpin la forme « arbre » est incompatible avec des moyennes de température trop basses et avec la brièveté de la saison de végétation. Les formations végétales dominantes de l’étage alpin sont des pelouses.

2 1 Saxifrage à feuilles opposées (col du Galibier, 2800 m), une plante que l’on retrouve au niveau de la mer en Arctique (comme au Spitzberg, à droite). Cette plante est dite arctico-alpine (voir p. 29).

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Exemples de plantes alpines (Silène acaule - 1 et Saxifrage à feuilles opposées - 2) poussant au niveau de la mer au Spitzberg (archipel norvégien situé à près de 80° de latitude Nord).


C B A

A

Le schéma indique les limites altitudinales des zones alpines en fonction de leurs positions latitudinales. On remarque qu’au delà de 700 Nord et 550 Sud, les plantes alpines poussent au niveau de la mer. Ci-dessous, trois exemples représentatifs de végétation alpine sous plusieurs latitudes. Noter les différences d’altitude.

Pelouses arctiques du Spitzberg en Norvège (alt: 50 m - lat: 80°N)

B

Pelouse alpine à élyne queue de souris au Galibier (alt: 2800 m - lat: 45°N)

C

Végétation alpine (séneçons géants et graminées) au Mont Kenya (alt: 4200 m - lat: 5°N)

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Vents dominants

Les conifères ci-contre montrent les effets de l’agression incessante du vent en altitude qui a imposé aux branches un développement unilatéral. Ces arbres ont adopté le port dit « en drapeau » (ici les vents dominants viennent de la droite). Cependant, la majorité de la végétation arborée n’a eu d’autre choix que celui de rester prostrée au sol (ci-dessous). Il s’agit de paysages typiques de la zone de combat (limite entre étages subalpin et alpin).

Le génévrier nain, Juniperus sibirica au premier plan (ci-contre), constitue des landes subalpines souvent en mélange avec des Ericacées telles que la myrtille, ici aux feuilles rouges l’automne. Il est complètement prostré et peut atteindre les niveaux inférieurs de l’étage alpin.

Localisation de quelques massifs alpins représentés au jardin (détail de la carte p. 19): Atlas, Sierra Nevada, Pyrénées, Alpes, Appenins, Balkans, Carpates, Caucase, montagnes pontiques.

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Les saules nains, une adaptation à l’étage alpin Certaines espèces de saules se sont adaptées aux conditions de vie des zones alpines et arctiques: elles sont complètement plaquées au sol. En raison de la durée de la saison de végétation, elles ne grandissent que de quelques millimètres par an, si bien que certains individus, comme ici un saule à feuille de serpolet ou Salix serpillyfolia sont pluri centenaires quand leur diamètre dépasse 1 m. De véritables bonsai plaqués au sol: on ne parle plus d’arbre mais de ligneux rampants de type chaméphyte (voir aussi Salix reticulata p. 29).

Salix serpillyfolia, au premier plan, photographié au jardin.

Salix herbacea (Galibier, 2700m)

Salix retusa (Galibier, 2600m)

Salix polaris (Spitzberg, 50m)

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De nombreux arbres ont été installés avec succès au jardin alpin à partir de 1918, date du déplacement du jardin alpin vers son emplacement actuel. Leur croissance montre que le jardin est situé à l’étage subalpin, c’est à dire en dessous de la limite potentielle de croissance des arbres.

Il n’y avait pas d’arbre à la création du jardin.

Autour du jardin : pourquoi n’y a-t-il pas d’arbre au col du Lautaret ? Le paysage au col du Lautaret est quasiment asylvatique (sans forêt) alors qu’il n’est situé qu’à 2056 m d’altitude. Ici, ce n’est donc probablement pas l’action du climat qui est responsable de l’absence de forêts mais plutôt celle de l’homme qui a déboisé de façon intensive les zones entourant le col pour étendre ses pâturages et pour ses besoins en bois de c on s t ru c t i on et d e chauffage. On trouve d’ailleurs des empreintes d’arbres fossilisés au niveau du col (voir p. 62). Par ailleurs, les nombreux arbres plantés au jardin s’y développent très bien.

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Thème 2 : La flore alpine

Histoire de la flore alpine L’origine de la flore de nos Alpes est récente par rapport à l’âge de la planète: quelques dizaines de millions d’années. Cette histoire débute à l’ère tertiaire avec les premières surrections des reliefs: à cette époque, le climat était globalement chaud et la végétation, luxuriante, de type subtropical. Des forêts à base de lauriers et de magnolias recouvraient une partie de l’Europe.

Précambrien

Primaire

Apparition de la vie

-4500

Origine de la terre

Secondaire

Grande diversification des êtres vivants

-540

-245

Tertiaire

Quaternaire

Période marquée par les grandes glaciations, et par l’apparition de l’homme

Domination des plantes à fleurs (Angiospermes). Évolution des flores d’altitude

Âge d’or des reptiles, et des Conifères (Gymnospermes)

-65

Temps en millions d’années

-2

0

De nos jours

Les primevères (ci-dessous Primula warshenewskiana) et les gentianes (ci-contre Gentiana septemfida) sont originaires d’Asie centrale. Ces deux espèces sont à découvrir au jardin dans la rocaille « Asie centrale ».

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Soldanelle des Alpes, une espèce des combes à neige (zones concaves déneigées tardivement). Les analyses génétiques récentes montrent que les soldanelles sont originaires de l’Himalaya.

Le genre Campanula (ici Campanula alpestris, dans les éboulis calcaires de l’étage alpin) est un exemple de plante originaire de la région méditerranéenne.

La surrection des principaux reliefs tels que nous les connaissons aujourd'hui est relativement récente (environ 5 millions d’années, dans la dernière partie de l’ère tertiaire). Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer l’installation de la flore alpine: 1/ une différentiation locale à partir de la flore de plaine; 2/ la colonisation de la nouvelle chaîne par des plantes originaires d’autres régions montagneuses. L’étude de la distribution géographique des espèces suggère que la colonisation s’est faite selon trois influences: méditerranéenne (ex : campanules et silènes), centre-asiatique (ex : primevères et gentianes) et arctique (ex : saules). Par exemple, le centre de distribution des rhododendrons (près de 1000 espèces) est situé en Asie du sud-est (plusieurs centaines d’espèces en Chine, dans l’Himalaya, à Bornéo et au Japon). Le nombre d’espèces rencontrées diminue lorsque l’on se rapproche des Alpes (5 espèces dans le Caucase et uniquement 2 espèces dans les Alpes françaises). Un refroidissement global du climat terrestre se fit ressentir à la fin de l’ère tertiaire et la végétation à affinité sub-tropicale a alors complètement disparu, à quelques exceptions près (voir p. 27 et p. 30). Rhododendron stenophyllum (mont Kinabalu, 3000 m), l’une des 25 espèces de rhododendrons des montagnes de Bornéo.

Les voies de colonisation de l’arc alpin (en rouge) par trois cortèges: méditerranéen (1), centreasiatique (2) et arctique (3). En vert, les principaux massifs montagneux en dehors des Alpes.

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Aspect de la France durant les glaciations Au plus fort des glaciations, l’énorme quantité d’eau accumulée sous forme de glace dans les régions polaires avait considérablement abaissé le niveau des mers et des océans. Le niveau se trouvait quelques 120 m plus bas qu’à l’origine, avec, par endroits un recul des plages de 150 km. A cette époque, on aurait pu parler de « pont sur » la Manche plutôt que de « tunnel sous » , car ce n’était qu’un fleuve.

Ramonda pyrenaica, Gesnériacée endémique des montagnes pyrénéennes. Les plantes de cette famille poussent essentiellement sous les tropiques. La ramondie est en fait une relique qui rappelle qu’à l’ère tertiaire le climat tropical atteignait le sud de l’Europe (voir les variations de température sur la page suivante). Cette espèce a réussi à s’adapter au refroidissement du quaternaire.

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L’Europe

a connu plusieurs grands cycles glaciaires au cours du Quaternaire. Les vallées alpines étaient alors recouvertes de plusieurs centaines de mètres de glace. Pour les plantes d’altitude, le froid généralisé laissa peu de possibilité de survie sur p l a c e . L o rs d es ma x i ma glaciaires, la flore des montagnes des Alpes et la flore arctique toutes deux repoussées par l’avancée des glaciers ont dû se côtoyer dans les plaines d’Europe centrale. Ces contacts répétés ont probablement favorisé des échanges entre les flores arctiques et alpines.

Températures

Temps (Millions d’années)

Ci-dessus, variations des températures au cours de ces 65 derniers millions d’années. L’agrandissement en partie inférieure permet de visualiser les quatre grandes glaciations: Günz, Mindel, Riss et Würm, dernière vague glaciaire achevée il y a seulement 10.000 ans !

Flore Arctique

Flore Alpine

Avancée des glaciers et mélange des flores.

Cheminement inverse lors des retraits glaciaires. Ci-contre, cette série de schémas fait apparaître le scénario selon lequel les plantes alpines (au sens strict, alpiennes) et les plantes des zones arctiques ont pu être mises en contact et se mélanger lors des maxima glaciaires.

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Ces mouvements de flore lors des épisodes glaciaires pourraient expliquer les distributions disjointes ou arctico-alpines de plusieurs espèces (présence des mêmes espèces dans les Alpes et en Arctique).

Cl. R. Douzet

Exemples de plantes arctico-alpines à découvrir dans la région du col du Lautaret et au jardin

Cl. R. Douzet

Saxifraga oppositifolia (Saxifragacée, Galibier, 2800 m)

Dryas octopetala (Astéracée), la dryade à huit pétales (Lautaret, 2200 m)

Silene acaulis (Caryophyllacée), un silène en coussin (ici à Roche-Noire près du col du Galibier à 2600 m)

Oxyria digyna (Polygonacée), dans les éboulis acides du Combeynot (2500 m)

Salix reticulata (Salicacée), un saule nain de l’étage alpin (col du Galibier, 2600 m)

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Autour du jardin : les espèces reliques de la flore tertiaire dans les Alpes

Cl. R. Douzet

Ces espèces occupent une position très isolée dans la flore alpine car elles sont apparentées à des groupes de plantes qui constituaient la flore chaude et humide de l’Europe au tertiaire. Elles sont à ce titre de véritables témoins des oscillations climatiques qu’à connu notre continent. La bérardie sans tige et le genévrier thurifère en sont des exemples dans les Alpes. La ramondie (cf p. 27) en est un exemple dans les Pyrénées.

France

Espagne

Le genévrier thurifère (Juniperus thurifera) peut être observé dans la région de St Crépin (Hautes-Alpes, cidessus) ainsi que dans les falaises calcaires ensoleillées autour de Grenoble. Ces stations sont probablement des vestiges de l’expansion passée d’une forêt de climat chaud et sec (xérothermophile) à l’ère tertiaire, que l’on retrouve actuellement en Espagne et dans l’Atlas marocain.

Berardia subacaulis, la bérardie sans tige, exemple de relique tertiaire qui colonise les éboulis calcaires de l’étage alpin dans les Alpes du Sud (ici au col de l’Isoard). A voir au jardin dans la rocaille «Eboulis calcaires des Alpes ». Cidessus, dessin de C. Gesner (1563).

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At l

as

Aire de répartition actuelle du genévrier thurifère (Juniperus thurifera). In Ozenda (1985).


Thème 2 : Flore alpine

Diversité des plantes alpines Comme tous les êtres vivants, les plantes alpines sont le fruit d’une évolution biologique. Des formes, des modes de fonctionnement et de croissance adaptés aux conditions de l’altitude ont été sélectionnés au cours des temps. Comme chaque habitat ou niche écologique constitue une combinaison originale de contraintes, les « solutions » retenues pour coloniser ces habitats seront elles aussi très variées. Les éboulis, les vires rocheuses, les pelouses et les prairies, les combes à neige et les marais constituent autant de milieux dans lesquels la vie végétale s‘est installée. La diversité de la flore alpine est, dans une large mesure, déterminée par la diversité de ces habitats.

Pour coloniser des milieux aussi instables que les éboulis alpins, Geum reptans, la benoîte rampante (à gauche, au col du Galibier, à près de 3000 m), est capable de résister aux déchaussements provoqués par les mouvements de pierres. Comme le fraisier, elle produit des stolons (tiges à croissance horizontale, voir p. 51) qui courent à la surface des éboulis et donnent de nouvelles plantes par reproduction clonale. Ce mode de propagation complète la reproduction sexuée (par les fleurs) aléatoire à haute altitude à cause notamment de la rareté des pollinisateurs et de la brièveté de la saison de végétation. Elle est aussi capable d’explorer le sol en profondeur, sous plusieurs dizaines de centimètres de cailloux, pour y puiser l’eau et les éléments minéraux indispensables à sa croissance. A droite, Sempervivum arachnoideum, la joubarbe toile d’araignée qui, en colonisant un rocher nu, montre une remarquable résistance au manque d‘eau et de nutriments. Elle fait partie de la famille des Crassulacées qui regroupe un grand nombre de plantes grasses.

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L’androsace helvétique (Androsace helvetica) est une Primulacée qui se présente sous la forme d’une boule lui permettant de limiter les pertes de chaleur et d’eau (voir p. 52). Elle colonise les rochers jusqu’à plus de 3000 m.

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La gentiane de Clusius, Gentiana clusii

Cl. R. Douzet

Un des mécanismes à l’origine de l’apparition de nouvelles espèces peut être expliquée de la façon suivante : à la faveur d‘une séparation (d’origine géographique ou écologique), deux ensembles de populations peuvent se constituer. Si les possibilités de croisement entre les individus de ces deux groupes se réduisent, alors chaque ensemble peut « dériver », c’est à dire acquérir des caractéristiques morphologiques et physiologiques qui lui sont prop res. Ce méc anisme est probablement à l’origine de la vicariance (existence d’espèces apparentées dans des endroits différents d’un point de vue géographique ou écologique). Cicontre, il serait bien difficile, pour un oeil non avisé, de distinguer Gentiana acaulis, la gentiane sans tige (des pelouses siliceuses), de Gentiana clusii, la gentiane de Clusius (des pelouses calcaires). Ces deux espèces proches parentes constituent un exemple de vicariance écologique. Elles dérivent probablement d’une même population mère ancestrale à partir de laquelle deux ensembles de populations ont divergé : un ensemble adapté aux pelouses acides et un autre aux pelouses calcaires.

La gentiane sans tige, Gentiana acaulis


Espèce : Ensemble d’individus qui présentent des caractéristiques morphologiques particulières et capables de se croiser entre eux avec une descendance fertile.

B

Cl. R. Douzet

A

Au centre Eryngium x zabelli (Apiacée ou Ombellifère) est un hybride entre les deux espèces : Eryngium alpinum, espèce des Alpes (A) et Eryngium bourgatii, espèce des Pyrénées (B). Cet hybride ne se rencontre que dans les jardins où sont cultivées les deux espèces qui d’habitude sont séparées géographiquement. Il ne produit pas de graines: il est stérile, ce qui atteste de l’identité des deux espèces parentes.

Barrière d’isolement et spéciation Ce sont des barrières d’isolement géographique qui contribuent également à éclater un groupe originel en plusieurs sous-ensembles. Les mouvements des plaques tectoniques ont ainsi été à l’origine de grandes séparations qui ont affecté l’histoire des faunes et des flores. L’ouverture de l’Atlantique sud qui a isolé l’Afrique de l’Amérique du sud en est un très bel exemple. Ainsi, les botanistes ont décrit plusieurs espèces « cousines » qui se trouvent actuellement de part et d’autre de l’océan atlantique. Temps t0

Temps t1

Temps t2

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Pourtant, si l’évolution conduit à de telles différenciations, il existe aussi le phénomène inverse, où des plantes qui n’ont aucun lien de parenté vont acquérir des caractères communs lorsqu’elles sont exposés à des conditions environnementales similaires. C’est le phénomène évolutif de convergence morphologique ou physiologique. Les plantes en coussin en sont un cas particulier que l’on retrouve dans diverses familles de végétaux telles que les Ombellifères ou Apiacées (azorelles), les Primulacées (androsace, voir p. 32), les Légumineuses ou Fabacées, les Composées ou Astéracées, les Caryophyllacées, les Oxalidacées, les Scrophulariacées, etc. Cidessous quelques exemples dans les Andes et en Nouvelle-Zélande (voir les exemples dans les Alpes p. 54).

Anarthrophyllum desideratum (Fabacée) en Patagonie chilienne (Torres del Paine, 400 m).

Azorella monantha (Apiacée) dans les Andes chiliennes (Valle Nevado, 3000 m)

Oxalis compacta (Oxalidacée) dans les Andes chiliennes (Valle Nevado, 3000 m)

Chionohebe pulvinaris (Scrophulariacée) en NouvelleZélande (Old Man Range, 1500 m)

Raoulia eximia (Astéracée) en Nouvelle-Zélande (Mt Hutt, 1500 m)

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Un autre exemple de convergence: des plantes aux feuilles imbriquées ressemblant à des thuyas. Cette disposition permet une réduction des pertes d’eau (adaptation à la sécheresse). En dehors de la période de floraison même un botaniste averti peut se faire piéger! Citons enfin le cas des plantes « grasses » qui poussent dans des milieux très secs (plantes xérophiles). L’évolution a sélectionné des feuilles succulentes qui stockent de l’eau, comme chez la joubarbe toile d’araignée (p. 31). Loricaria thuyoides, une Astéracée des Andes (Equateur, 4000 m). Les capitules de fleurs correspondent aux chapelets blancs (flèches ci-contre). Hebe ochracea, une Scrophulariacée de Nouvelle-Zélande photographiée au jardin.

Xérophile

Très secs

Mésoxérophile

Secs

Végétation Mésophile

Milieux Moyens

Mésohygrophile

Humides

Hygrophile

Très humides

Classification des plantes vis à vis de leurs exigences en eau.

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A l’inverse, d’autres plantes ne se développent que dans des milieux saturés en eau, comme les marais d’altitude, les suintements et les bords de ruisseaux. Ce sont des plantes dites hygrophiles. Entre ces deux extrêmes, il existe tous les cas intermédiaires. L’exigence en eau est l’un des critères permettant de caractériser l’écologie d’une espèce.

1 2

Deux linaigrettes (Eriophorum vaginatum, 1, et E. angustifolium, 2) qui s’épanouissent uniquement dans les endroits marécageux où le sol est inondé en permanence (ici dans les sources de la Guisane près du col du Lautaret). Etymologiquement, Eriophorum veut dire «qui porte la laine», une aide à la dissémination des graines.

Carex davalliana (cidessus, une espèce dioïque, c’est à dire possédant des pieds mâle et femelle différents) et l’Orchidée Dactylorhiza alpestris (à droite): deux espèces de la tufière située en haut du jardin (voir p. 62).

Autour du jardin: le dôme de Serre-Orel Le dôme de Serre-Orel permet de visualiser différentes adaptations écologiques. Situé en face du jardin, c’est une montagne en miniature constituée de roches dures qui ont été épargnées par l’érosion glaciaire. Il offre toutes les expositions possibles. Par exemple, sur les replats au pied du dôme, sont localisés plusieurs sites marécageux, colonisés par un cortège typiquement hygrophile. En orientation sud, le promeneur pourra découvrir des stations plus sèches recouvertes d’une prairie maigre. D’ailleurs, les marmottes ne s’y sont pas trompées car c’est là qu’elles s’installent.

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Thème 3 : Éléments de botanique

La fleur Au delà de toute la symbolique qui lui est rattachée, la fleur est pour le biologiste la partie d’une plante dont la fonction principale est d’assurer la reproduction sexuée. Les fleurs des plantes alpines se singularisent souvent par des tailles, des formes et des couleurs spectaculaires, en relation avec leur fonction reproductrice dans des conditions environnementales difficiles (durée de végétation courte et rareté des pollinisateurs notamment). Comme chez les animaux, les parties fertiles mâles (étamines produisant le pollen) et femelles (ovaires) produisent des cellules reproductrices ou gamètes, appelés respectivement anthérozoïdes et oosphères (chez les animaux, on parle de spermatozoïdes et d’ovules). La fécondation ou fusion des gamètes est toujours précédée de la pollinisation, une étape au cours de laquelle le pollen contenant les gamètes mâles est transporté jusqu’aux parties réceptrices femelles (pistil), le plus souvent sur une fleur différente. Les agents de cette pollinisation sont généralement le vent ou les insectes. Dans ce dernier cas on observe une évolution parallèle tant chez les fleurs (couleurs attrayantes, production de nectar) que chez les insectes (acquisition de pièces buccales spécialisées pour tel ou tel type de fleur). Après fécondation il se forme un embryon qui évolue en une graine qui doit accumuler des réserves avant d’être transportée (dissémination) vers un site nouveau que la plante tentera de coloniser.

Pulsatilla alpina, la pulsatille alpine, très belle plante alpine qui fleurit en juin dans les prairies du Lautaret. Elle fait partie de la grande famille des Renonculacées, une famille primitive qui se caractérise notamment par des pétales libres entre eux, des étamines très nombreuses (couronne jaune sur la photo) et disposées en spirale.

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L’étude botanique d’une plante passe par une description précise des pièces florales (stériles et fertiles) et notamment une coupe longitudinale de la fleur, telle qu’elle peut être visualisée cicontre. L’exemple est ici Linum alpinum, le lin des Alpes. Les fleurs se distinguent en particulier par le nombre de pièces florales, leur symétrie, et leur disposition.

Pièces fertiles Etamine: Partie mâle contenant les grains de pollen

Ovaire et pistil: Partie femelle contenant les ovules

Pièces stériles Pétales: Ils forment la corolle

Sépales: Ils forment le calice

Le lin des Alpes fait partie des fleurs présentant une symétrie rayonnante. Pour cela, elle est dite actinomorphe, comme l’indique le schéma ci-dessus.

Etymologie: Le mot actinomorphe se divise en deux mots d’origine grecque: aktis, rayon (de lumière) et morphè, forme. Campanula speciosa, la campanule remarquable, est une des nouvelles espèces présentées au jardin depuis 2004 (rocaille «Pyrénées») : un autre exemple de fleur actinomorphe. A noter que les fleurs sont regroupées en une inflorescence (plusieurs fleurs sur une tige) et que les pétales des fleurs sont soudés.

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Grain de pollen Stigmate Pistil

Tube pollinique

Enveloppe de la future graine

Le schéma ci-contre illustre les étapes suivant la pollinisation. Le grain de pollen déposé sur le stigmate (partie réceptrice femelle) germe et donne un tube pollinique qui est chargé de mener le gamète mâle jusqu’au gamète femelle (situé au cœur de l’ovaire). Il s’ensuit une fécondation donnant une cellule œuf qui formera un embryon contenu dans la graine. L’ovaire quant à lui se transformera en fruit contenant les graines.

Embryon

Ovaire

Plusieurs systèmes sont utilisés pour assurer le transport du pollen. Ainsi, les fleurs de nombreux arbres et les fleurs des Graminées, utilisent le vent, mode de transport très aléatoire qui nécessite de produire d’énormes quantités de pollen, dont la plus grande partie est perdue (voir page suivante). Ce pollen est responsable de nombreuses allergies. Une autre stratégie de pollinisation est la prise en charge du pollen par les insectes. Ce mode de pollinisation est très répandu chez les familles de plantes apparues les plus récemment au cours de l’évolution. Les fleurs « chargées » d’attirer les insectes ont les formes et les couleurs les plus spectaculaires. Ce signalement visuel est renforcé par l’odeur et par le nectar, substance sucrée produite par la plante et stratégiquement logée au cœur de la fleur. La pollinisation est presque toujours à bénéfice réciproque, l’insecte assurant la reproduction de la plante en échange de nourriture.

Les pollinisateurs sont nombreux et divers. Ici une abeille visite une fleur d’épervière orangée. La pelote de pollen qui s’accumule sur la patte de l’insecte sera ramenée à la ruche.

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Certaines fleurs ont particulièrement soigné l’attraction et l’accueil du pollinisateur. C’est le cas des fleurs dites zygomorphes. Elles possèdent un plan de symétrie bilatérale (plan passant par le centre de la fleur) donnant l’impression que la fleur est formée de deux moitiés jumelles accolées. Les couleurs très vives permettent quant à elles de pallier le faible nombre d’insectes pollinisateurs en altitude. Dracocephalum ruyshiana possède des fleurs très nettement zygomorphes. Pour chacune d’entre elles, les 5 pétales forment deux lèvres. La lèvre supérieure sert de protection des pièces fertiles (4 étamines et pistil) et la lèvre inférieure constitue une piste d’atterrissage pour les pollinisateurs. Cette organisation se retrouve chez la plupart des fleurs de la famille des Lamiacées ou Labiées. A noter que le dracocéphale de Ruysh est une espèce caractéristique des pelouses à affinité steppiques (cf p. 4).

Cl. R. Douzet

Etymologie: Le mot zygomorphe se divise en deux mots d’origine grecque: zugon, joug ou couple, et morphè, forme.

Deux autres exemples de zygomorphie chez les familles des Scrophulariacées (linaire des Alpes, des éboulis alpins schisteux, à gauche) et des Violacées (Viola tricolor ssp subalpina, à droite).

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Les végétaux et le vent Le vent est responsable de dommages mécaniques

et

source

de

dessèchement pour les plantes (voir p. 22). Mais il est aussi utilisé par certaines plantes comme vecteur du pollen

ou

comme

agent

de

dissémination des semences. Dans

geography.berkeley.edu

les deux cas une grande quantité de pollen ou de semences est produite

E

pour pallier le caractère aléatoire du transport,

et

des

adaptations

S

particulières facilitent le transport. Ainsi, le grain de pollen de pin est muni de deux ballonnets aérifères qui réduisent la densité du grain et lui permettent d’être emporté facilement (en haut). Chez la flouve ci-contre (une

Graminée

des

prairies

du

Lautaret), les étamines (E) en forme de X sont agitées au vent pour libérer le pollen et les longs stigmates plumeux

(S)

le

réceptionnent.

L’épilobe à feuilles étroites est un exemple de plante qui est dotée de graines plumeuses, ce qui facilite leur transport par le vent (la photo ci-contre montre

l’ouverture

des

capsules

allongées qui libèrent les graines).

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Un sphinx utilise sa longue trompe pour récolter le nectar logé au fond d’une fleur d’œillet dans la rocaille « Pyrénées » du jardin. Attention, il s’agit d’un papillon dont le vol stationnaire rappelle celui des colibris.

Autour du jardin: Le trolle d’Europe, le paradoxe d’une fleur fermée (à observer début juillet dans les pelouses naturelles du Lautaret)

Cl. P.Goetgheluck

Trollius europaeus, le trolle d’Europe (famille des Renonculacées) présente la particularité de ne jamais s’ouvrir. En fait, l’écartement infime des sétales permet à une petite mouche nommée Chiastocheta de s’introduire dans la fleur. C’est un pollinisateur d’un type bien particulier car certaines espèces profitent de ce refuge floral pour pondre des œufs dans les ovules. Bien que pollinisées par ces petites mouches, les trolles doivent donc aussi subir les méfaits du parasitisme des larves de Chiastocheta qui se développent en se nourrissant d’une partie des graines de la plante.

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Thème 3 : Éléments de botanique

Les relations entre espèces Les végétaux sont des êtres vivants incapables de mouvement. Fixés au sol (ou sur d’autres plantes), ils vivent en puisant dans leur environnement proche les éléments nécessaires: l’eau et les nutriments dans le sol, le CO2 de l’air, et la lumière source d’énergie pour la photosynthèse. Mais une plante n’est que très rarement seule dans son milieu et la présence de voisins peut modifier considérablement (en bien ou en mal) les performances d’un individu. Lorsqu’un milieu comporte un nombre important d’êtres vivants ayant des exigences voisines, certains facteurs peuvent alors devenir limitants. Par exemple, si certains végétaux présentent un développement en hauteur très important, la lumière peut devenir limitante pour les individus de taille plus modeste. Cependant les plantes de grande taille peuvent aussi protéger les plantes plus petites des effets nocifs de l’excès de lumière.

La

compétition désigne une « lutte » entre espèces pour l’utilisation d’une res source essentielle à la croissance. Paradoxalement, c’est un phénomène que l’on constate le plus souvent dans les milieux riches où les ressources disponibles sont importantes. Dans ces conditions, quelques espèces dominantes (les graminées schématisées en vert cidessous) sont souvent capables d’ ac c a pa re r l‘es s en t i el d es ressources. Elles exercent une forte compétition vis à vis des autres espèces (en rouge sur le schéma).

Sous le couvert de la prairie à fétuque paniculée (Festuca paniculata), la compétition entre végétaux est acharnée pour les nutriments du sol mais aussi pour la lumière qui a du mal à traverser la canopée. Cette prairie, bien développée au col du Lautaret, est une végétation semi naturelle qui a remplacé la forêt originelle (photo cidessus et schéma ci-contre).

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Mais à l’inverse, dans les habitats plus difficiles (pentes fortes par exemple), la colonisation est impossible pour beaucoup d’espèces. Cependant, l’installation d’une espèce dite structurante peut préparer le terrain et offrir un refuge pour d’autres espèces plus fragiles. C’est le phénomène de facilitation, c’est-à-dire de relations positives entre plantes.

Cl. R. Douzet

Sesleria caerulea, la seslerie bleue, une Graminée qui colonise les pentes raides (en particulier au dessus du jardin sur les pentes de Chaillol) et facilite l’implantation d‘autres espèces.

On observe ici une organisation du terrain en terrasses suite à l’installation d’une espèce structurante (en vert). Localement, l’inclinaison est moins forte et d’autres plantes, dites facilitées, peuvent alors coloniser la pente (en rose).

La fétuque violette (Festuca violacea) est une autre Graminée au système racinaire développé qui lui permet de s’installer dans les pentes raides, donnant un paysage de mini-terrasses. De nombreuses petites espèces peuvent ensuite profiter de ce sol stabilisé, comme par exemple Senecio incanus (jaune), Cerastium arvense ssp strictum (blanc), Campanula scheuchzeri (encart au dessus).

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Compétition et applications La compétition pour l’absorption des sels minéraux et de l’eau au niveau des racines, pousse souvent les plantes à développer des racines à différents étages dans le sol. Depuis fort longtemps les agriculteurs exploitent cet avantage puisque dans les vergers, les rangées d’arbres fruitiers sont très souvent alternées avec des plantations de graminées. Et tandis que leurs racines prolifèrent en surface, elles obligent celles des pommiers, par exemple, à s’implanter beaucoup plus profondément. Ils résistent ainsi mieux au déracinement et leur absorption racinaire est meilleure.

La forte compétition exercée par la fétuque paniculée dans les pelouses naturelles qui environnent

Cl. R. Douzet

Cl. R. Douzet

le jardin permet d’expliquer pourquoi peu d’espèces ont réussi à s’échapper du jardin. Avec un siècle de recul et avec plus de 2000 espèces exotiques, seulement une dizaine d’espèces se retrouvent dans les environs proches du jardin. Un suivi régulier de ces plantes voyageuses est effectué par le botaniste du jardin.

Quelques unes des plantes qui s’échappent du jardin. De gauche à droite: Polemonium caeruleum (Polémoniacée), Mimulus gutatus (Scrophulariacée), Ranunculus caucasicus (Renonculacée).

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Mais les relations entre les végétaux vont souvent plus loin qu’une simple lutte pour accaparer les éléments indispensables. Ainsi, il existe une lutte chimique, dite allélopathique, où les plantes libèrent dans le milieu qui les entoure des substances inhibitrices, qui intoxiquent les graines ou même les individus bien développés d’autres espèces.

La lutte allélopathique est une notion dont le botaniste de Candolle faisait déjà mention en 1834. Parfois, certaines espèces comme ici Hieracium pilosella, l’épervière piloselle, ont une toxicité telle qu’elles s’éliminent d’elles-mêmes et empêchent le développement de leurs propres descendants, tant elles ont rendu le sol impropre à la vie végétale. On parle alors d’autotoxicité.

Cette réponse chimique est également en jeu dans les relations entre plantes et herbivores. Des substances nocives sont fréquemment concentrées dans les feuilles ou dans les parties souterraines des plantes pour dissuader les herbivores et limiter les dommages. Certaines de ces substances ont des propriétés pharmaceutiques reconnues. Mais quelques unes sont également très toxiques pour l’homme.

Aconitum lycoctonum subsp vulparia, l’aconit tue-loup répond à la prédation des herbivores par une toxicité très forte. C’est l’une des plantes des plus toxiques d’Europe (quelques grammes de rhizome tige souterraine suffisent à tuer un homme, ou un loup!). Cette espèce se trouve dans les mégaphorbiaies (voir plus loin) et dans les éboulis humides (ici dans le Combeynot, en face du jardin).

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Les

relations de compétition et de facilitation précédemment évoquées sont plus ou moins développés selon les espèces. Pour la compétition par exemple, certaines plantes s’implantent sur un hôte et captent ses nutriments sans renvoyer le moindre élément en échange. Elles ne font qu’affaiblir leur hôte, ce sont les plantes parasites. Mais tous les végétaux n’ont pas suivi les mêmes chemins et certains ont su approfondir les relations de bon voisinage. Il existe ainsi des coopérations où les bénéfices sont partagés entre chaque partenaire de l’association. Les espèces s’allient le plus souvent par deux et deviennent interdépendantes, on parle alors de symbiose.

Rhinanthe crête de coq (pelouses naturelles du jardin, ci-dessus) et Castilleja rexifolia (Pinceau d’indien, Amérique du Nord, à droite), deux Scrophulariacées semiparasites. Elles parasitent les racines d’une plante hôte pour assurer leur nutrition en eau et en minéraux. Néanmoins, leurs feuilles vertes assurent la photosynthèse.

Les lichens sont le résultat d’une association symbiotique entre une algue et un champignon. Ici deux espèces, Xanthoria elegans (orange) et Rhizocarpon geographicum (petites taches jaune-vert) photographiés sur un bloc granitique du monument Scott. Voir aussi p. 57 la symbiose entre les racines de l’aulne vert et les bactéries fixatrices d’azote atmosphérique du genre Frankia.

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Autour du jardin : le Monument de l’explorateur Scott et les lichens Dans la partie supérieure du jardin, le visiteur pourra découvrir le monument érigé à la mémoire de l’explorateur Scott en 1913. Durant l’hiver 1908 Scott testa son matériel au Lautaret en compagnie de l’explorateur français Charcot avant de partir en expédition au pôle Sud (photo ci-dessous, collection Rouillon et Bignon). Il ne reviendra malheureusement jamais de ce périple car il trouva la mort sur le chemin du retour en 1912. Au fil des années la surface de ce monument a été colonisée par une quantité de lichens qui, même sur un substrat aussi peu fertile, trouvent le moyen de proliférer. Les lichens détiennent les records pour la colonisation des milieux extrêmes: les plus hauts sommets, les déserts froids ou chauds, etc.

Le capitaine RF Scott avec ses traîneaux à moteur au col du Lautaret en février 1908 et la pyramide observable au sommet du jardin.

La Meije vue depuis les crêtes de Roche-Noire. Le lichen orangé Xanthoria elegans fait partie des espèces qui colonisent les plus hauts sommets.

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Thème 3 : Éléments de botanique

Adaptations à la vie alpine

Cl. R. Douzet

A la différence des animaux qui peuvent se déplacer à la recherche de conditions plus favorables, les plantes vivent fixées dans le sol, ce qui les expose directement aux conditions de leur milieu : facteurs climatiques (température, précipitations, lumière, vent et humidité), facteurs édaphiques (caractéristiques du sol), facteurs biotiques (influence des autres plantes et des animaux herbivores) et facteurs anthropiques (action de l’homme). En zone alpine ces facteurs sont soit limitants (basse température, faible disponibilité en azote) soit en excès (lumière, en particulier les rayonnements Ultraviolets). Parmi les contraintes de l’altitude, le froid est la plus évidente. La chute des températures avec l’altitude (0,6 à 0,7°C pour 100 m) a pour conséquence de raccourcir la durée de la saison de végétation. Boucler son cycle de développement est alors un des problèmes majeurs de la vie végétale.

Gentiana nivalis, la gentiane des neiges (bleue), est l’une des rares représentantes des plantes annuelles à l’étage alpin. En jaune, Helianthemum grandiflorum, l’hélianthème à grandes fleurs, est une espèce pérenne.

Les

végétaux annuels, qui germent chaque printemps à partir de nouvelles graines, n’ont en général pas le temps d’accomplir un cycle végétatif complet en altitude et sont largement supplantés par les plantes vivaces qui représentent environ 95% des espèces. Ces dernières ont le pouvoir de repousser chaque année à partir du même pied. L’appareil aérien peut être persistant au ras du sols sous forme de rosettes de feuilles (on parle de plantes hémicryptophytes), de plante en coussin ou de touffe de feuilles. En début de saison, de jeunes feuilles se développent au centre des anciennes pousses séchées de l’année précédente.

49


Certaines plantes alpines gardent toute l’année des tiges ligneuses basses, ce sont les chaméphytes. D’autres s’enfouissent complètement sous terre; c’est la stratégie des plantes géophytes. Les organes souterrains sont alors des bulbes ou des rhizomes (tiges souterraines).

a

b

c

e f Les principaux types d’appareils végétatifs d des plantes alpines. De gauche à droite: une chaméphyte, arbuste nain, ici un saule nain (a); une plante en coussinet, ici une androsace (b); et différentes types d’hémicryptophytes, comme la benoîte à tige rampante (c); le doronic (d); la joubarbe (e) et le type plante en touffe, ici une laîche courbée (f).

Crepis pygmea (Composée des éboulis schisteux, Galibier à 2700 m) conserve une rosette de feuilles qui lui permet de commencer sa saison de végétation plus tôt, dès que la neige a fondu.

50


Pour

éviter les aléas de la reproduction sexuée, de nombreuses plantes alpines ont souvent recours à la reproduction dite végétative ou clonale. Dans ce cas, il y a formation de clones, copies conformes de l’individu initial, comme chez les vrais jumeaux. Au départ, c’est souvent une tige horizontale sur laquelle se différencient de nouveaux clones qui s’individualisent ensuite. Pour de nombreux arbustes, un marcottage se fait à partir de branches couchées dont les bourgeons se développent au contact du sol (rhododendron, aulne vert). Les deux types de reproduction sexuée et clonale sont utilisés par les plantes alpines: deux méthodes valent mieux qu’une seule en conditions difficiles!

Plantes vivaces et colonisation Ci contre, Rhododendron ferrugineum (le rhododendron ferrugineux) et Alnus viridis (l’aulne vert ici déraciné, voir aussi p. 56) pratiquent ce genre de multiplication: ce sont des arbustes très flexibles qui « profitent » de l’écrasement de ses tiges au sol par le poids de la neige pour s’enraciner avant individualisation du clone (flèches). Chez la benoîte rampante (voir les fleurs p. 31), des stolons - tiges aériennes rampantes (S) - permettent la multiplication clonale de l’espèce et la colonisation des éboulis schisteux. Après destruction du stolon, le nouveau pied (2) va s’individualiser du pied mère (1).

1

S 2

51


Le port en coussinet

est probablement l’adaptation la plus emblématique de la flore alpine (voir p. 34 et 54). L’évolution vers ce type d’appareil végétatif est particulièrement remarquable chez les plantes de rochers, souvent en situation très exposée. Il est bien démontré que ce type d’appareil végétatif améliore considérablement le bilan thermique au niveau des feuilles. En effet, le coussin est un piège pour la chaleur apportée par les rayons du soleil (figure ci-dessous), mais il permet également de limiter les pertes d’eau, ce qui explique que l’on retrouve cette forme chez des espèces de milieux arides montagneux ou non.

Le silène acaule (Caryophyllacées): coussin poussant dans les environs du col du Galibier à 2500 m (en l’absence des fleurs, on peut confondre la plante avec une mousse) et diagramme de la température à la surface du coussin comparée à la température de l’air mesurée à 2 m du sol (en bas à droite). Le coussin fonctionne comme un piège à chaleur, permettant à la plante d’atteindre des températures plus favorables pour la photosynthèse et la croissance (modifié d’après Körner 1999).

Détail des fleurs du silène acaule

52


Les

feuilles des plantes alpines sont très souvent de petite taille et dotées d’une forte pilosité. Ce qui p e r met , à la manière d’un pullover, d’emprisonner une mince couche d’air qui sert d’isolant thermique et préserve du dessèchement par les vents.

Plante de plaine

Cette succession de schémas met en évidence les différences morphologiques que l’on observe en général entre les feuilles de plaine (en haut) et celles des zones alpines (en bas). La plupart des feuilles d’altitude sont de taille modeste, épaisses, et ont une forte pilosité. Elles possèdent notamment un revêtement de protection, appelé cuticule (en rouge sur les deux coupes de droite), bien plus important qu’en plaine.

Plante alpine

De plus, cette forte pilosité ainsi que la cuticule épaisse sont aussi efficaces pour réfléchir à la manière d’un miroir une partie du rayonnement (lumière blanche et Ultraviolets) très intense en altitude. Le propre des végétaux est d’utiliser la lumière au cours du processus de photosynthèse, mécanisme complexe qui permet de fabriquer des sucres. Cependant, en quantité excessive comme c’est souvent le cas à l’étage alpin, la lumière peut se révéler nocive pour les feuilles. Les 53 plantes alpines utilisent des moyens très sophistiqués pour dissiper cet excès de lumière: protections « en amont » assurées notamment par les épidermes qui peuvent réfléchir une partie de l’énergie incidente ou l’absorber grâce à des pigments comme les flavonoïdes; dissipation de l’énergie incidente sous forme de chaleur; ou synthèse de molécules qui neutralisent les composés toxiques générés par les fortes lumières. Dans cette dernière catégorie, une mention spéciale doit être accordée aux molécules dites antioxydantes, comme l’acide ascorbique ou vitamine C, dont la teneur très élevée dans les feuilles de plantes alpines est particulièrement remarquable. A noter qu’il a été montré assez récemment que ces composés sont impliqués dans les mécanismes de lutte contre le vieillissement cellulaire chez l’homme.

Teneurs en vitamine C chez des espèces voisines, de montagne et de plaine. Cette molécule antioxydante utilisée dans l’industrie agroalimentaire est synthétisée naturellement et accumulée par les plantes alpines pour lutter contre le stress oxydatif induit par l’excès de lumière et par les rayonnements Ultraviolets.

53


Les plantes alpines sont souvent plus colorées que leurs cousines de plaine: leurs pigments permettent d’une part de piéger les rayonnements Ultraviolets en excès, d’autre part d’optimiser l’attraction du peu de pollinisateurs présents en altitude. Ici, Lilium bulbiferum (lis orangé), Iris palens (iris pâle), Genista radiata (genêt rayonnant), dans la rocaille « Balkans ».

Autour du jardin : exemples de plantes en coussins Cl. R. Douzet

Cl. R. Douzet

Quelques exemples de plantes en coussins de la région du col du Lautaret. De gauche à droite: Saxifraga valdensis, le saxifrage des Vaudois (Saxifragacée, rochers schisteux, Queyras), Minuartia sedoides, la minuartie faux-orpin (Caryophyllacée, pelouses alpines), Saxifraga exarata, le saxifrage sillonnée (Saxifragacée, rochers calcaires, Galibier), Eritrichium nanum, l’éritriche nain ou roi des Alpes (Borraginacée, rochers acides du Combeynot). Voir aussi Androsace helvetica (p. 32).

54

Cl. R. Douzet


Thème 4 : Des milieux remarquables

La mégaphorbiaie Le

col du Lautaret, en tant que zone de transition, présente de multiples visages. Parmi les milieux rencontrés ici, il en est un qui illustre la diversité et la luxuriance du couvert végétal en altitude: la mégaphorbiaie. Les mégaphorbiaies désignent les formations de l’étage subalpin constituées de hautes herbes et de plantes à grandes feuilles. Le feuillage forme une canopée sous laquelle règne un microclimat humide et ombragé. La végétation y est dense et témoigne des conditions de développement optimales, avec un sol riche, et une humidité forte même en été.

La mégaphorbiaie du Caucase est l’une zones aménagées les plus spectaculaires du jardin (à gauche, avec pivoines bélier et lis monadelphe). Certaines plantes y atteignent plus de 2 mètres de hauteur. En hiver, malgré la taille impressionnante de ses individus, cette même zone du Caucase disparaît complètement sous le manteau neigeux. Au printemps (mai) les parties mortes doivent être éliminées et en quelques semaines c’est le renouveau à partir des parties souterraines des plantes (voir p. 17).

Les chemins sont bien tracés: heureusement car de loin, les visiteurs semblent perdus au milieu des grandes plantes du Caucase (fin juillet-août)

Géranium à pétales plats (Geranium platypetalum)

55


Dans le secteur du Lautaret les mégaphorbiaies occupent principalement les zones fraîches et humides des versants d’ubac (versants exposés au nord, voir schéma p. 20). Elles affectionnent particulièrement les zones perturbées, rajeunies régulièrement par les avalanches. Elles sont associées le plus souvent à des aulnaies à aulne vert (localement appelés vernes). Lorsque les conditions deviennent moins perturbées, une forêt de mélèzes peut s’installer.

Etymologie: Le terme ‘mégaphorbiaie’ désigne simplement les grandes herbes. Du grec méga : grande et phorbè : pâturage.

La photo ci-contre montre la mégaphorbiaie installée sur les pentes du massif du Combeynot, en face du jardin. On distingue une mosaïque constituée de groupements à hautes herbes, de « brousses » à aulnes verts et de quelques mélèzes (voir p. 58 les espèces caractéristiques). L’arrêt du pâturage (réserve naturelle depuis 1974, une année après la création du Parc National des Ecrins) a favorisé cette recolonisation.

L’aulne vert : un arbre monoïque Les fleurs de cet arbre sont discrètes. En effet,

c’est

le

vent

qui

assure

la

pollinisation: nul besoin de couleurs pour

+

attirer des insectes. A noter que sur le même pied les fleurs femelles et les fleurs mâles (chatons) sont séparées dans l’espace. On parle ici de plante monoïque (du grec: mono, un et oikos, maison). Chez la plupart des plantes, les fleurs sont hermaphrodites;

elles

contiennent

parties mâle et femelle (voir p. 38).

56

les


L’aulne vert (Alnus viridis) est un arbuste subalpin des situations d’ubac. C’est une espèce très bien adaptée à la fois aux situations fortement enneigées et aux milieux instables (couloirs d’avalanches). En effet, ses branches flexibles peuvent ployer sous le poids de la neige, donnant à l’arbre son architecture caractéristique (voir aussi p. 51). La mégaphorbiaie sous aulne vert a été reconstituée au sein du jardin. On y retrouve les plantes qui poussent naturellement sur les pentes du Combeynot. Au premier plan, la tourbière (voir plus loin).

Les

racines de l’aulne vert portent de nombreuses nodosités qui abritent des colonies de bactéries (Frankia) qui fixent l’azote atmosphérique (N2) qu’elles transfèrent à l’aulne en échange du logis. Ainsi, l’aulne n’a pas besoin de puiser l’azote minéral (nitrates) dans les sols, des sols généralement pauvres en azote en montagne car le froid réduit l’activité des microorganismes impliqués dans le recyclage de la matière. La symbiose (association à bénéfice réciproque, voir aussi les lichens p. 47) fonctionne tellement bien que l’aulne ne peut utiliser tout l’azote fixé par Frankia. L’engrais naturel en excès peut alors profiter aux plantes de la mégaphorbiaie, ce qui explique leur grande taille. Nodosités des racines de l’aulne: elles abritent des colonies de bactéries du genre Frankia, nom attribué en l’honneur du chercheur qui a découvert leur existence.

Cl. R. Douzet

Les Légumineuses (Fabacées) possèdent aussi des bactéries symbiotiques et fixatrices d’azote (Rhizobium) dans des nodosités racinaires.

Deux Légumineuses alpines (sainfoin à gauche et trèfle des Alpes à droite) qui participent à l’enrichissement du sol en azote disponible pour les autres plantes.

57


Autour du jardin: le sentier des crevasses une invitation à découvrir la mégaphorbiaie (réserve du Combeynot, Parc National des Ecrins)

Cl. R. Douzet

Les feuilles de l’adénostyle à feuilles d’alliaire (Adenostyles alliariae, Astéracée) sont d’une très grande taille, inattendue à cette altitude. A droite, détail de l’inflorescence.

Le cortège floral de la mégaphorbiaie est très riche. On y retrouve par exemple (de haut en bas et de gauche à droite): Rosa pendulina (la rose des Alpes), Geranium sylvaticum (le géranium des bois), Cicerbita alpina (le laiteron des Alpes), Astrantia major (la grande astrance), Lilium martagon (le lis martagon), Aconitum lycoctonum subsp vulparia (l’aconit tue-loup).

58


Thème 4 : Des milieux remarquables

La tourbière La formation d’une tourbière est un phénomène complexe, relativement peu fréquent sous nos latitudes. Il nécessite la concordance de plusieurs éléments, climatologiques, édaphiques (en relation avec la nature du sol) et biologiques. Plusieurs catégories de tourbières existent. Parmi elles la tourbière acide se forme à partir d’une zone humide en permanence, voire aquatique, colonisée par un cortège de végétation très caractéristique, dominé par les sphaignes (mousses du genre Sphagnum) capables de se gorger d’eau. L’accumulation des sphaignes mortes non décomposées conduit à l’élaboration d’un sol que l’on nomme la tourbe.

D.R.

Les tourbières sont des milieux relativement rares dans les Alpes, souvent protégés en raison de leur vulnérabilité face aux interventions anthropiques. Ici la tourbière du Luitel, réserve naturelle du massif de Belledonne au dessus de Grenoble.

Dans les zones arctiques les tourbières occupent des surfaces considérables. Ci-dessus à gauche en Terre de Feu (tourbière au premier plan et forêt de Nothofagus au second plan); à droite tapis spongieux de sphaignes en Arctique (Norvège).

59


Dans les tourbières, plusieurs facteurs tendent à rendre le milieu peu propice à la dégradation et au recyclage des matières organiques. En premier lieu l’acidité élimine la majorité des bactéries. Par ailleurs, l’eau stagnante réduit l’oxygénation de la microflore et les basses températures limitent son l’activité. Enfin, les sphaignes présentent des parois cellulaires très épaisses et difficilement attaquées par la microflore. On comprend ainsi que l’absence de recyclage des matières organiques entraîne en quelques milliers d’années l’accumulation de grandes quantités de tourbe, parfois plusieurs mètres, qui ont pu être exploitées comme combustible. Cl. R. Douzet

Pinguicula leptoceras, la grassette à éperon étroit (à gauche) peut faire partie du cortège floral des tourbières. Comme Drosera rotundifolia (feuilles rouges au milieu des sphaignes sur l’image cicontre) il s’agit d’une plante insectivore, c’est à dire qu’elle est capable d’engluer et de digérer des petits insectes utilisés comme source d’azote dans ce milieu où la rareté des microorganisme du sol empêche le recyclage de la matière et le régénération de l’azote minéral (nitrates). S, sphaigne.

S

La somme de facteurs nécessaires à la formation d’une tourbière sous nos latitudes en fait un écosystème rare et nombre de plantes de ces milieux sont protégées. La moindre variation d’un des éléments environnementaux constitue une menace. Les activités humaines sont souvent responsables de la disparition de ces milieux originaux et fragiles.

Les tourbières, archives du passé Les tourbières actives collectent chaque année à leur surface les grains de pollen qui sont alors conservés pendant

analysant chaque niveau du dépôt tourbeux, les palynologues (spécialistes de l’étude des pollens)

peuvent

alors

reconstituer

les

différents types de végétations qui se sont succédé,

ainsi

que

les

changements

climatiques de la région étudiée. Ici, pollen de différentes espèces.

60

www.vancouver.wsu.edu/fac/weber/paleoslides/images/pollen.jpg

des milliers d’années dans la tourbe. En


Le scénario le plus classique de formation d’une tourbière trouve son origine autour d’un lac, situé en zone climatique froide et humide. La flore caractéristique gagne alors les berges et entame le processus de prolifération et d’accumulation. Lentement mais inexorablement, le lac voit la bordure tourbeuse l’enserrer comme un étau en se refermant sur lui. Ce sont les lacs – tourbières. Puis

cette tourbière peut évoluer. Dans un stade plus avancé, le lac est complètement recouvert, et les végétaux n’ont plus la place de se développer latéralement mais continuent tout de même de croître en hauteur. Si bien qu’ils arrivent, en s’accumulant, à créer au centre de l’ancien lac un dôme, que l’on qualifie alors de tourbière-bombée.

Epicéa

Bouleau

Installation des sphaignes Lac d’origine

Pin ...car ils évoluent souvent vers les tourbières bombées. C’est au stade de tourbière bombée que les conditions de pauvreté du sol et d’acidité sont les plus contraignantes.

bouleau

Les lacs-tourbières sont considérés comme des tourbières à part entière (voir photo en bas de la p. 59). Mais souvent leur différenciation est relativement récente et leur évolution ne fait que commencer...

Formation de la tourbière bombée

Bouleau

Callune

Pin

Boisement de la tourbière

Enfin,

le stade ultime est atteint lorsque la surface de la tourbière s’assèche. Les c o n d i t i o ns c h a n g e nt , notamment en ce qui concerne le recyclage de la matière organique et les sols, plus minéralisés, sont colonisés par des arbres tels que les Bouleaux ou les Pins. On aboutit alors à une forêt tourbeuse.

61


Autour du jardin : tourbière et tufière du col Les tourbières naturelles sont rares et la région du col du Lautaret peut s’enorgueillir d’en compter une située face au jardin, aux sources de la Guisane. Le ruissellement issu du massif du Combeynot trouve au pied de Serre-Orel (voir p. 36) une zone propice à la formation d’un marais tourbeux acide. Une autre formation dominée par la présence de l’eau est la tufière, située dans le périmètre du jardin (en haut, près du kiosque). Il s’agit d’une source pétrifiante où précipitent sous forme de calcaire les bicarbonates dont les eaux se sont chargées en traversant les calcaires du Galibier. Le schéma détaille la formation de ce marais de pente caractérisé par un pH basique et une flore spécifique. Cette tufière, dont le tuf alimenta jadis la construction de l’église de Villar d’Arène (photo p. 80), est désormais protégée à l’échelle européenne (programme Natura 2000 géré par le Parc National des Ecrins). Roches sédimentaires (calcaires du Galibier)

Source pétrifiante Dépôt tourbeux Fond de vallon marécageux

Cl. R. Douzet

Schéma et aspect de la tufière: le fer colore en rouge le calcaire qui précipite au niveau des sources pétrifiantes.

Quelques plantes de la tufière. De gauche à droite, Gentiana asclepiadea (gentiane à feuilles d’asclépiade), Schoenus ferrugineus (choin ferrugineux), Primula farinosa (primevère farineuse) et Pinguicula alpina (grassette des Alpes, blanche). A droite des empreintes de cônes et d’aiguilles de pin à crochet fossilisées dans les tufs attestent que des forêts ont recouvert le col du Lautaret (voir aussi p. 24).

62


Thème 4 : Des milieux remarquables

Cl. R. Hurstel

La végétation et la neige

Le poids de la neige est variable. Les plus légères ont une densité inférieure à 80 kg/ m3, mais on peut atteindre des valeurs supérieures à 200 kg/m3 pour des neiges humides.

Nous avons vu que l’une des principales contraintes de l’étage alpin était le froid. Les précipitations neigeuses sont une des conséquences de ces basses températures. La neige est un élément déterminant de l’organisation des communautés végétales en altitude. La neige est responsable de dommages sévères pendant l’hiver, en particulier sur les arbres et les arbustes (voir ci-contre).

L’image ci-contre a été prise au jardin au mois de février. Au premier plan un mélèze a vu sa flèche coupée par la neige lors d’un hiver précédent et c’est une branche latérale (coudée) qui a pris le relais. Au second plan les branches souples du pin mugho lui permettent de plier sans casser.

63


La durée d’enneigement est un paramètre déterminant qui conditionne la durée de la saison de végétation et les possibilités de croissance des plantes. L’enneigement varie fortement non seulement en fonction de l’altitude, mais aussi en fonction de l’exposition.

Sud

Nord

22 mai 2004

adret

ubac

adret Prairies à fétuque paniculée (Festuca paniculata) dans les parties basses, et pelouse à seslérie bleue (Sesleria caerulea) dans les parties hautes.

ubac

15 octobre 2003

Landes à Ericacées: rhododendron ferrugineux (R. ferrugineum) et myrtilles (Vaccinium myrtillus). Les feuilles des myrtilles sont rouges en automne.

Un exemple d’opposition de versant au niveau de la montagne de Chaillol (qui domine le jardin au nord). L’adret (exposé au sud) est déneigé plusieurs semaines avant l’ubac. Le temps de végétation y sera supérieur, mais les végétaux doivent être adaptés à des excès de lumière. Les types de végétation sont respectivement des pelouses et des landes sur les versants à l’adret et à l’ubac.

Le massif des Cerces en hiver (à gauche, le Grand Galibier, 3229 m)

64


La neige détruit, mais elle peut aussi protéger. En effet, la neige est un très mauvais conducteur thermique. Sous le manteau neigeux, les températures ne s’abaissent pas en dessous de zéro même au plus fort de l’hiver. L’effet isolant du manteau neigeux tient au fait qu’il contient de l’air emprisonné.

- 150 C

Température extérieure

Des observations ont montré que les feuilles de nombreuses plantes alpines sont capables de verdir sous la neige ! De quoi préparer une courte saison de végétation.

Couche de neige (épaisseur 40 cm) 00 C Température du sol

Le schéma ci-dessus indique qu’une couche de neige de 40 cm est suffisante pour isoler le sol des températures négatives. Un véritable manteau de neige qui protège les plantes et certains animaux comme les campagnols des neiges qui vivent à l’interface sol/neige.

Silene acaulis, le silène sans tige, est photographié à la fin du mois d’août dans le secteur du Galibier. Cette floraison tardive s’explique par la fonte et le retrait tardifs du névé.

Les

combes à neige sont des milieux remarquables. Ce sont des dépressions de terrain où s’accumulent des épaisseurs de neige considérables et où se rencontrent des plantes aux dimensions lilliputiennes. Et pour cause, le temps nécessaire à la fonte ne laisse qu’une saison de végétation très courte, de 2 à 3 mois seulement pour les bonnes années, ce qui signifie un temps très court pour la croissance des tissus. C’est à quatre pattes et le nez dans la pelouse que l’on pourra faire connaissance avec ces communautés de plantes naines. Sur la photo ci-contre, on observe notamment Alchemilla pentaphyllea (1), Salix herbacea (2), Omalotheca supina (3).

Les plantes des combes à neige sont capables de survivre une, voire deux années sous la neige! Elles retentent alors leur chance de pousser et de fleurir l’année suivante.

2

2 cm

3 2 1 65


66


Quelques exemples de plantes du jardin qui fleurissent très tôt après la fonte de la neige (mai-juin). • Page 66. De haut en bas et de gauche à droite: Tulipa praestans (Asie centrale), Tulipa turkestaniska (Asie centrale); Erythronium grandiflorum (Amérique du nord), Caltha leptospala (Amérique du Nord). • Page 67. De haut en bas et de gauche à droite: Adonis pyrenaica (Pyrénées), Primula rosea (Asie centrale), Primula pseudodenticulata (Himalaya), Fritillaria michailovskyi (Turquie).

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La neige, engrais du pauvre Les hivers neigeux sont suivis de récoltes généreuses, dit-on. Cela tient à l’effet protecteur de la couche neigeuse sur les plantules, mais aussi à l’apport d’azote minéral emprisonné dans les flocons de neige. Protégées du gel hivernal et fertilisées, les plantes s e r a i en t a ins i be a uc o u p p l u s vigoureuses au printemps. Chapelle des pénitents à Villar d’Arène

Autour du jardin : la vie végétale dans la neige

La neige peut constituer un milieu de vie pour certains végétaux appartenant aux Algues. Ces organismes des milieux hostiles sont appelés des extrémophiles. Ci-contre, Chlamydomonas nivalis, une algue unicellulaire microscopique qui synthétise des pigments protecteurs rouges (caroténoïdes) et qui colore la surface de la neige sur laquelle elle prolifère. Elle a été décrite et dessinée par le botaniste suisse Robert Chodat en 1896 (dessins issus de la publication d’époque - archives du jardin).

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Thème 5 : Les hommes au col

L’histoire du col du Lautaret Depuis toujours le col du Lautaret a été un lieu de passage fréquenté. Les plus anciennes traces d’activités humaines remontent à la fin de l’âge du bronze, soit aux environs de 900 ans avant J.C.: bracelets, haches, couteaux et divers objets découverts à 1900 m d’altitude à « Casse Rousse » dans la région du Lautaret. La voie qui relie Grenoble à Briançon (et à l’Italie) était déjà empruntée et entretenue par les Romains (voir carte ci-dessous) et c’est aux alentours du XIIIème siècle que le col est doté d’un hospice delphinal destiné à accueillir les pèlerins et les voyageurs. D’autres hospices aujourd’hui disparus ou en ruines sont situés de part et d’autre du col du Lautaret (Loche et La Madeleine). Des indigents de passage y sont nourris et logés gratuitement. De tels hospices sont construits également sur les principaux cols alpins (Montgenèvre, Petit St Bernard, Mont Cenis, etc). Ils sont tenus par des religieux ou par des gérants choisis par la commune.

Partie de la carte de Peutinger. Il s’agit de la reproduction d’un document datant du début de l’ère chrétienne et représentant le réseau de routes de l’Empire romain (l’original du document est un rouleau de près de 7m de long conservé à Vienne en Autriche). En rouge, la route Briançon - Grenoble. En haut et en bas, nom actuel des villes et villages.

Extrait de la carte de France de Cassini (fin 18ème) montrant l’existence de deux hospices royaux: au Lautaret et à La Madeleine.

69


Pour trouver son chemin en hiver, des jalons en bois étaient installés (voir sur la gravure ci-contre). Ces piquets, aujourd’hui métalliques (ou en bois sur la route du col du Galibier) sont encore utilisés comme repères pour le déneigement. Gravure du col du Lautaret avec son hospice (Sabatier, vers 1850). La légende d’une autre gravure de l’époque indique qu’il est situé à 175 lieues de Paris.

Coll. A. Bignon

Entre 1859 et 1862 on construit au col du Lautaret un nouveau bâtiment, le refuge-hospice Napoléon. La construction a été permise grâce à un leg de Napoléon Ier et elle accompagne la création d’une nouvelle route nationale (commencée en Isère au début des années 1800 sous l’impulsion du préfet Joseph Fourier). Ce bâtiment complètera l’ancien hospice pour l’accueil des gens de passage et pour le logement d’un cantonnier chargé de l’entretien de la route.

2

A partir des années 1890, le cantonnier Alexandre Bonnabel commence à développer l’accueil des touristes au col. Il va faire construire des dépendances tout autour du refugehospice Napoléon, puis un chalet de type suisse (ci-contre), rapidement agrandi et accompagné d’un deuxième chalet (voir p. 71). En quelques années il devient un hôtelier disposant de 200 chambres pour accueillir des touristes chaque année plus nombreux avec le développement des transports motorisés. 70

Une des premières photos du col du Lautaret vers 1890. L’ancien hospice (1) est maintenant accompagné du refugehospice Napoléon (2). Cliché Michaud.

Coll. A. Bignon

1


Coll. A. Bignon

«Cars» de touristes au col du Lautaret, devant les chalets de l’Hôtel des Glaciers (Bonnabel), au début des années 1900. L’un des chalets sera détruit vers 1930, l’autre a brûlé en 2000. Un nouvel Hôtel des Glaciers a été reconstruit récemment.

Coll. A. Bignon

Au premier plan, ci-dessus, le premier jardin alpin du Lautaret (crée en 1899 par le Pr Lachmann, voir p. 7). Il est situé au bord de la route, à côté du refuge-hospice Napoléon, et à l’emplacement actuel du départ de la route du Galibier. La construction de cette route en 1918 obligera à recréer le jardin sur son emplacement actuel.

Une collaboration exemplaire est à l’origine du premier jardin. L’hôtelier A. Bonnabel avait compris l’intérêt d’un jardin au col; il prit en charge les terrassements et logea gratuitement le jardinier.

Le plan du premier jardin alpin du Lautaret (dessin du Pr Marcel Mirande, d’après une photo prise depuis le chalet de l’Hôtel des Glaciers (Bonnabel).

71


En

1914 la compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) ouvre un chaletrestaurant au col du Lautaret. Des compagnies de cars assurent le transport des voyageurs entre Grenoble, Briançon et St Michel de Maurienne. Rapidement le bâtiment s’agrandit et devient un hôtel-restaurant de luxe, étape de la Route des Grandes Alpes qui traverse les grands cols depuis Menton jusqu’au lac Leman. Il fonctionnera en interaction avec le jardin jusqu’à sa destruction (incendie) en 1944 par l’armée allemande et ses prisonniers russes.

PLM

1 2 3 Le Lautaret en hiver, dans les années 1930. Au fond, les bâtiments du PLM. Au premier plan, l’ancien hospice (1), l’hospice-refuge Napoléon (2) et l’hôtel des Glaciers (3). Le passage du col se fait en traîneaux.

72

Coll. A. Bignon

Coll. A. Bignon

Coll. A. Bignon

Le chalet-restaurant lors de son ouverture (dessin ci-contre) et à son apogée (années 1930, cidessous). Il est devenu un hôtelrestaurant de luxe qui occupe alors 900 m2 au sol, avec 3 niveaux. Un bâtiment supplémentaire (au premier plan à droite) sert de garage pour les cars et d’hébergement pour le personnel.


Coll. A. Bignon

Le

nouveau jardin alpin du Lautaret est inauguré en 1919 (photo p. 8). Il est situé sur son emplacement actuel, à proximité du chalet-restaurant PLM. Le Touring Club de France, avec l’aide de la compagnie PLM et de l’Université de Grenoble, a financé ce déplacement et la construction du chalet du jardin qui abrite un logement pour les jardiniers, un petit laboratoire ainsi qu’un musée ethnographique (créé par Hippolyte Müller, le fondateur du Musée Dauphinois à Grenoble) et un musée minéralogique (crée par les Prs Killian et Lory de l’Université de Grenoble).

Le jardin a été dessiné par J. Ginet, paysagiste renommé de Gières (près de Grenoble), et le Pr. Marcel Mirande (à droite dans les locaux de l’Université à Grenoble) assure la direction du jardin jusqu’en 1930. Le Pr. R. de Litardière prendra sa succession et restera en fonction jusqu’en 1944.

Après le déclin du jardin dû à la guerre et à la mort du chef de culture A. Prével fusillé en 1944, le nouveau chef de culture R. Ruffier-Lanche (à gauche), donne au jardin un développement formidable entre les années 1950 et 1970 (plus de 5.000 espèces de plantes). Son décès tragique en 1974 entraînera le déclin du jardin jusqu’au début des années 1980, lorsque l’Université Joseph Fourier de Grenoble nomme un nouveau directeur, G. Cadel, et embauche un nouveau chef de culture, J. Lestani. Avec le soutien d’une association à qui l’Université a délégué la gestion, ils réorganisent et redonnent tout son éclat au jardin. L’équipe actuelle, en charge du jardin depuis 2002, poursuit cet effort, en combinant les atouts touristiques et scientifiques du jardin, aujourd’hui associé au chalet-laboratoire (construit en 1989) au sein de la Station Alpine Joseph Fourier. Cet ensemble en fait une station biologique d’altitude unique en Europe.

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Coll. L. Pic

Cl. Francou

Deux aspects du déneigement de la route du col du Lautaret. Ci-dessous, le déneigement manuel avec des pelles appelées «sapes»; ci-contre, les premiers déneigements avec des engins modernes (fraiseuses) dans les années 1950.

Autour du jardin : les restes du PLM et la table d’orientation A la sortie du jardin, le visiteur pourra accéder aisément à une superbe table d’orientation, construite en 1929 par le Touring Club de France et par la compagnie PLM (Paris Lyon Méditerranée). A cette époque cette compagnie de chemin de fer disposait d’un hôtel-restaurant de luxe à proximité du jardin (voir p. 72), aujourd’hui en ruines. Un projet de développement propose en remplacement de cette ruine inesthétique et dangereuse la construction d’un bâtiment d’accueil comprenant une salle de conférences, des salles d’expositions et de démonstrations équipées de microscopes.

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Thème 5 : Les hommes au col

Vivre à la montagne Coll. G. Rulfo

Le col du Lautaret vers 1925. Les activités agricoles (pelouses fauchées), touristiques (hôtels, restaurants) et scientifiques (jardin alpin) se côtoyaient déjà. Au fond, les massifs de la Meije (à gauche), de Chaillol (au centre) et du Galibier (à droite) (cliché Mollaret).

L’occupation

de la région du Lautaret par l’homme se traduit fortement dans le paysage, en particulier sur les versants exposés au sud (adrets) qui ont été déforestés (voir p. 24 et 62) et aménagés en terrasses pour permettre les labours et la culture de céréales jusqu’à 1800-2000 m selon les endroits. Les pelouses situées plus haut étaient fauchées (parfois jusqu’à près de 2400 m) et pâturées (jusqu’à plus de 2600 m). Les versants exposés au nord (ubacs) fournissaient le bois de construction et de chauffage, des pâturages pour bovins dans les forêts claires de mélèze, et des prairies de fauches au delà de 2200 m. Coll. A. Bignon

Adret Ubac

Image du début du 20ème siècle montrant les deux versants de la vallée de la Haute Romanche: adret de Villar d’Arène à gauche (importance des terrasses) et ubac à droite (forêt de mélèzes). Au fond, le col du Lautaret et le massif du Combeynot (Cliché Oddoux).

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Coll. A. Bignon

Les prairies du Lautaret, même les plus pentues, ont été fauchées jusque dans les années 1950. Les bandes parallèles visualisent un découpage cadastral complexe. Chaque bande correspond à quelques passages avec la faux (carte postale de la fin du 19ème siècle). Voir aussi les alentours du jardin p. 24. Au fond, les crêtes et le col du Galibier (cliché Neurdein).

Aujourd’hui, à quelques exceptions près, les terrasses ne sont plus ni labourées ni plantées de céréales. Néanmoins, une grande partie d’entre elles sont été converties en prairies fauchables avec des engins (tracteurs ou motofaucheuses). Le maintien de cette agriculture de haute montagne est un enjeu important, tant pour l’entretien de ces paysages témoins du passé que pour le maintien de la biodiversité associée aux prairies fauchées. En effet, le fauchage permet de réduire l’extension des espèces de grande taille (dont la fétuque paniculée, cf p. 43) et donc de préserver la richesse des prairies. L’arrêt de l’entretien des prairies entraînerait la disparition de nombreuses espèces de fleurs et un embroussaillement progressif.

Les terrasses, hier cultivées en céréales, sont aujourd’hui des prairies de fauche qui abritent une biodiversité exceptionnelle.

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Les céréales cultivées à la fin du 18ème siècle Le bilan des productions de céréales en 1793 dans la commune de Villar d’Arène montre que le seigle occupait une place prépondérante (avec près de 50%), suivi par l’avoine (30%), l’orge (12%) et le blé ou froment (8%) (d’après un inventaire des grains conservé aux Archives Départementales des Hautes-Alpes). Le seigle était notamment utilisé pour la fabrication du

«Grenier» utilisé au Chazelet, pour le stockage des biens et des denrées précieuses (dont le grain). Cliché Cl. Martin, vers 1965. D.R.

quantités récoltées (exprimées en sestiers)

pain (voir p. 81).

1400

1793

1200 1000 800 600 400 200 0 f roment

seigle

or ge

avoine

type de céréales

Coll. A. Bignon

Cultures de seigle, en gerbiers après les moissons, au hameau des Cours (Villar d’Arène)

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Les balles de foin ont fait leur apparition jusqu’au Lautaret, dans les rares prairies peu pentues et permettant l’accès des tracteurs et des machines agricoles. Ovins et bovins se partagent les pâturages.

L’élevage, ovin et bovin, joue un rôle important dans la région du Lautaret. Côté bovin l’essentiel des troupeaux est constitué de jeunes bêtes élevées avant d’être vendues en Savoie pour la production de lait et de fromages. Des troupeaux issus du sud des Alpes sont également pris en estive par des éleveurs; on les retrouve jusqu’au col du Galibier. Côté ovin, les troupeaux de Provence accueillis en transhumance côtoient les troupeaux des éleveurs de la région.

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L’habitat

de la région se caractérisait par des villages aux maisons regroupées, ce qui permettait de limiter l’emprise sur les zones cultivées, et de faciliter les déplacements durant les longs hivers synonymes de froid et de grandes quantités de neige. La pierre était privilégiée dans la construction, le bois étant rare. Les intérieurs de maisons associaient les pièces pour les hommes et les pièces destinées aux animaux et au stockage du foin, avec une proximité qui permettait de bénéficier de la chaleur animale. Les balcons avaient une grande importance: ils permettaient d’entreposer le foin et les excréments pour leur séchage.

Le village de La Grave au début du 20ème siècle.

Faute de bois, les habitants du canton de La Grave (ici à Ventelon) utilisaient les excréments des herbivores. Une fois séchés devant les maisons, ils constituaient un bon combustible (appelé « blettes »), comme dans certaines montagnes d’Asie centrale.

Miniatures représentant quelques uns des outils utilisés autrefois dans le canton de La Grave. Réalisation de M. Maurice Albert.

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Villar d’Arène: des habitants libres depuis longtemps… Le col du Lautaret, frontière géographique évidente, n’est pas la limite administrative entre les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes. En effet, le canton de La Grave, qui faisait partie du mandement de l’Uissans (Oisans), appartient aux Hautes-Alpes, alors que l’essentiel de l’Oisans est en Isère. Après la Révolution Française en 1790 les habitants du canton ont en effet demandé leur rattachement à Briançon et aux Hautes-Alpes (espérant notamment des conditions fiscales plus favorables). Peu après ils changèrent d’avis, mais il était trop tard… et le canton de La Grave demeure une enclave des Hautes-Alpes dans la vallée iséroise de la Romanche. Rappelons qu’au 14ème siècle, la région de Briançon connut un essor sans précédent. Enrichie, elle parvint à acheter son indépendance au Roi et fonda la République des Escartons (Briançon en était la capitale). Les habitants du canton de la Grave rachetèrent également leur indépendance et firent leur entrée dans la petite république. Ainsi, les habitants du village de Villar d’Arène sont encore appelés « Les Faranchins », un nom qui dérive de l’appellation « Les Affranchis ». L’église de Villar d’Arène.

Autour du jardin: un programme européen de recherche sur l’adret de Villar d’Arène Le projet européen VISTA* comprend 11 sites répartis dans 9 pays qui étudient pendant 3 ans (2003-2005) l’avenir possible de zones agricoles à gestion extensive. L'alpage de Villar d'Arène constitue le site de référence pour l’agro-pastoralisme de montagne. Il s’agit d’appréhender la vulnérabilité du paysage en fonction de scénarios représentant différentes évolutions possibles du contexte socioéconomique de l’agriculture au cours les cinquante prochaines années. *Vulnerability of ecosystem services to land use change in traditional agricultural landscapes

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Les sites d'étude du projet


Thème 5 : les hommes au col

L’homme et les plantes De tous temps, les plantes ont été utilisées par les hommes tant pour leur alimentation (plantes sauvages et plantes cultivées), que pour leur médecine (plantes médicinales). Elles ont également une valeur esthétique et une dimension irrationnelle (plantes magiques). Les plantes ont aussi été à l’origine d’un commerce pour les colporteurs.

Le seigle, le pain et le pô buli Le seigle occupait une place centrale dans l’alimentation puisqu’il permettait de fabriquer le pain pour l’année. Dans les villages, le pain était fabriqué une fois par an, en novembre. Tout le monde se rassemblait alors autour du four banal, ce qui donnait lieu à une véritable fête. A Villar d’Arène, cette tradition se perpétue et le pain y possède une particularité:

il est pétri

uniquement avec de la farine de seigle et de l’eau chaude, sans ferment. C’est le « Pô buli », ou pain bouilli.

Façonnage des pains à Villar d’Arène (Lucienne Mathonnet en 1990). Coll. Association d’animation et de rénovation du four de Villar d’Arène.

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Un jardin potager au cœur de Villar d’Arène, à une altitude de 1600 m. Malgré la courte saison de végétation de nombreux légumes ont une belle taille: salades, choux, poireaux, betteraves, pommes de terre, haricots, etc. Dans les années 1930 le jardin de J. Berthet à l’hospice du Lautaret faisait même l’admiration des touristes, avec notamment de superbes salades!

Les pommes de terre ont fait leur apparition en Oisans à la fin du 18ème siècle, un peu après leur popularisation en France par Parmentier. Ces plantes issues des montagnes andines en Amérique du sud ont un excellent rendement en montagne.

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Les plantes alimentaires et condimentaires prélevées dans la nature sont nombreuses. Dans le

Chenopodium bonushenricus, le chenopode bon-Henri, ou épinard sauvage (à gauche) est encore cuisiné localement. Campanula thyrsoïdes, la campanule en thyrse ou « cornet » (à droite) n’entre plus souvent dans les repas, et heureusement car la plante est assez rare.

Cl. R. Douzet

passé ce sont des dizaines de plantes qui étaient utilisées. Aujourd’hui seules quelques espèces sont encore récoltées.

Le cerfeuil musqué (Myrrhis odorata) était utilisé comme condiment.

Les myrtilles (à droite) sont très abondantes dans la région du Lautaret. En automne elles se repèrent de loin avec la couleur rouge de leurs feuilles (page suivante). A gauche, ces prunes au goût acidulé poussent sur le prunier de Briançon (Prunus brigantina), un arbre qui ne pousse que dans la région briançonnaise.

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Les

plantes médicinales avaient une importance capitale dans des régions où les médecins étaient rares et leurs tarifs souvent prohibitifs pour la population rurale. Quelques plantes sont encore célèbres pour leurs vertus, comme l’arnica pour les coups et blessures, la sauge pour les maladies du foie, et un panel de plantes aux vertus apéritives ou digestives: génépi, gentiane, menthe...

Cl. R. Douzet

Arnica montana, l’arnica des montagnes dont on extrait une pommade bien connue pour soigner les coups et les blessures.

La cueillette du genépi est aujourd’hui réglementée: on ne prélève plus que ce que la main peut contenir. Attention tout de même: les espèces de génépi poussent dans des milieux souvent dangereux (rochers, éboulis).

A droite, deux des trois espèces de génépi à découvrir au jardin et dans les environs. En haut, Artemisia genipi ; en bas, Artemisia glacialis.

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Les difficultés de vie ont toujours obligé les hommes à exercer des métiers autres que celui d’agriculteur-éleveur, en particulier durant le long hiver, comme cela est le cas aujourd’hui avec le travail dans les stations de ski. Pendant des siècles, certaines familles ont vécu du commerce, à travers l’activité de colportage. Cette activité était développée dans de nombreux villages du haut Oisans: les colporteurs, marchands itinérants, avaient plusieurs spécialités, telles que la mercerie, la quincaillerie ou la lunetterie. On comptait par exemple une centaine de colporteurs dans le secteur de La Grave au début du 19ème siècle. Un des derniers colporteurs des Hautes-Alpes (la BâtieNeuve en 1910). Photo Abbé Aye, cliché Musée Dauphinois, Grenoble (inv.A75.30.). DR.

Une planche d’un colporteur fleuriste, Albert du hameau de Bons. Ces pensées aux couleurs tigrées n’ont existé que dans l’imagination du dessinateur. Coll. Musée Dauphinois, Grenoble (Inv.29.4.1.). D.R.

Parmi ces colporteurs, certains étaient aussi spécialisés dans les plantes: vendeurs de semences, herboristes spécialisés dans les plantes médicinales, fleuristes proposant des plantes emblématiques de la montagne (lis martagon, edelweiss, etc). Les fleuristes les plus hardis sont partis jusqu’au bout du monde (Russie, Argentine) vendre bulbes, racines ou graines de ces plantes les plus rares. Jusqu’à devenir parfois des charlatans qui avaient fait éditer des planches de fleurs imaginaires vendues à des prix exorbitants (voir ci-dessus).

Une nouvelle rocaille crée en 2004 est consacrée aux plantes alimentaires et condimentaires utilisées dans la région. Elle va compléter la rocaille dédiée aux plantes médicinales.

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Gentiane et vérâtre: attention! Les rhizomes (tiges souterraines) de la gentiane jaune permettent de fabriquer une liqueur appréciée. Mais attention car cette plante, lorsqu’elle n’est pas en fleurs, ressemble beaucoup au vératre blanc, une plante extrêmement toxique, voire mortelle. Pour les différencier, il faut observer la disposition des feuilles sur la tige: chez la gentiane, les feuilles se regardent l’une en face de l’autre sur la tige (insertion dite opposée), alors que chez le vératre les feuilles sont alternées. Cl. R. Douzet

Cl. R. Douzet

Vérâtre

Gentiane

Maurice Mathonnet, agriculteuraubergiste retraité de Villar d’Arène a rassemblé avec passion les outils utilisés autrefois pour l’agriculture de montagne. Cette collection unique est abritée dans l’ancien moulin Gonnet qui servait notamment à moudre le seigle (voir p. 77 et p. 81). A découvrir au bord de la Romanche, au hameau d’Arsine, près de Villar d ’ A rè n e. Re n s e ig nem e nt s auprès de l’Office de Tourisme du Pays de La Meije.

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Coll. Association d’animation et de rénovation du four de Villar d’Arène

Autour du jardin : un moulin-écomusée


Thème 6 : les rocailles du jardin

Sélection d’images

Circuit de visite

1 2 3 4 5 6 7 8 9 11 12 13 14 15 16

Sierra Nevada Pyrénées Massif-Central Cembraie Sibérie Atlas Moyen-Orient Caucase Chardons Asie-Centrale Japon Himalaya Terres Australes Alpes Centrales Balkans

17 18 19 20 21 22 24 25 26 27 28 29 30 31 32

Carpathes Alpes Orientales Arctique Montagnes de Grèce Graminées Pessière-Sapinière Jardin blanc Marécage Mégaphorbiaie Tourbière Rhodoraie Campanules Eboulis alpins Pinède sylvestre Oxytropis et Astragales

33 34 35 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49

Pelouse alpine Alchemilles et Potentilles Pelouse à Fétuque Plantes médicinales Alpes italiennes Alpes du Sud Combe à neige Pinède à crochets Plantes de rochers Eboulis subalpins Queyras Amérique du Nord Caryophyllacées Montagnes de Corse Apennins Alpes du Sud

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Atlas, Moyen-Orient, Pyrénées, Sierra Nevada

Catananche cespitosa (Atlas)

Antirrhinum sempervirens (Pyrénées)

Anemone pavoniana (Sierra Nevada)

Geranium ibericum et Verbascum olympicum (Moyen Orient)

Leucanthemopsis radicans (Sierra Nevada)

Erodium absinthoides (Moyen Orient)

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Festuca airoides (Pyrénées)

Plantago nivalis (Sierra Nevada)

Chaenorhinum glareosum (Sierra Nevada)


Sibérie, Caucase

Paeonia wittmanniana (Caucase)

Dracocephalum grandiflorum, Papaver nudicaule, Iris bloudowi (Sibérie) Lilium monadelphum (Caucase)

Ligularia siberica (Sibérie)

Psephelus transcaucasicus (Caucase)

Anthemis biebersteinii (Caucase)

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Himalaya et Asie centrale

Potentilla atrosanguinea

Trollius chinensis

Paeonia delavayi

Aquilegia fragrans

Allium farreri

Androsace sempervivoides

Leontopodium strackeyi

Trollius pumilus

Incarvillea olgae

Salvia hians

Gentiana tibetica

Gypsophylla cerastioides

Meconopsis grandis

Erigeron aurantiacus

90

Codonopsis clematidea


Balkans et Carpates

Lilium carniolicum (Balkans)

Geum bulgaricum (Balkans)

Asperula nitida (Balkans)

Papaver corona-sanctistaphani (Balkans)

Haberlea rhodopensis (Balkans)

Jurinea glycacantha (Carpates)

Geum coccineum (Balkans)

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AmĂŠrique du Nord

Clematis hirsutissima

Dodecatheon redolens

Geranium maculatum

Penstemon ellipticus

Aquilegia chrysantha

Phlox subulata

Telesonix jamesii

92

Heuchera sanguinea

Eriogonum umbellatum


Montagnes de l’hémisphère sud

Craspedia sp (Australie)

Calceolaria biflora (Andes)

Felicia natalensis (Afrique du sud)

Oxalis adenophylla (Andes)

Acaena fissistipula (N. Zélande)

Helichrysum milfordiae (Afrique du sud)

Tropaeolum polyphyllum (Andes)

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Alpes

CuivrĂŠ sur Achillea millefolium

Hieracium lanatum

Iris pseudacorus

Senecio aurantiacum

Erica carnea

Androsace vitaliana

Sempervivum montanum

Astragalus centralpinus

Machaon sur Circium heterophyllum

Zygène sur Aster alpinus

Carlina vulgaris

Ononis cristata

Lilium martagon (forme albinos)

Saponaria lutea

Senecio incanus

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Alpes

CuivrĂŠ sur Achillea millefolium

Hieracium lanatum

Iris pseudacorus

Senecio aurantiacum

Erica carnea

Androsace vitaliana

Sempervivum montanum

Astragalus centralpinus

Machaon sur Circium heterophyllum

Zygène sur Aster alpinus

Carlina vulgaris

Ononis cristata

Lilium martagon (forme albinos)

Saponaria lutea

Senecio incanus

94


Alpes

Tulipa sylvestris

Androsace alpina

Dianthus pavonius

Anemone narcissiflora

Stemmacantha rhapontica

Geum heterocarpum

Jeunes cônes de mélèze

Epimedium alpinum

Campanula glomerata

Linaria alpina

Petrocallis pyrenaica

Apollon sur Centaurea leucophaea

Fritillaria tubiformis

Narcissus poeticus

Paederota lutea

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Notes

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Retrouvez le Jardin Botanique Alpin du Lautaret sur internet:

www.ujf-grenoble.fr/JAL 96


Bibliographie •

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S. Aubert, R. Bligny, Ph. Choler, R. Douzet (2003) « Les plantes alpines, une vie en milieu extrême » In La Montagne & Alpinisme, la revue de la fédération des clubs alpins français et du groupe de haute montagne N° 2/2003 Collectif (2002) Guide de la Réserve Naturelle des Aiguilles Rouges. Découverte des mille et un secrets de la nature dans la région de Chamonix, 2ème édition. Ed. Gap editions Ph. Danton, M. Baffray (1995) Inventaire des plantes protégées en France. Ed. Nathan & AFCEV D. Delcour (2004) Plantes et Gens des Hauts - Usage et raison de la flore populaire et médicinale hautalpine. Ed. Les cahiers de Salagon J. Debelmas, L. Richard, A. Bocquet, A. Garcin, L. Genest, L. Leseigneur, J.-F. Lyon-Caen, J.-F. Noblet, G. Pautou, J.-P. Zuanon (1999) Les Alpes ; la géologie, les milieux, la faune et la flore, les hommes. Ed. Delachaux et Niestlé E. De Anchisi (2001) 200 randonnées botaniques dans les Alpes. Ed. Delachaux et Niestlé R. Delarze, Y. Gonseth, P. Galland (1998) Guide des milieux naturels de Suisse. Ed. Delachaux et Niestlé Cl. Faverger, P.-A. Robert (1956, 1995) Flore et végétation des Alpes, 3ème édition. Ed. Delachaux et Niestlé B. Flischesser (1982) La vie de la montagne. Ed. Chêne/Hachette P. Gensac (1999) Guide écologique de la Vanoise; itinéraires de randonnée et initiation à l’écologie de montagne. Ed. Gap, Collection Nature 2000 D. Grillet (2000) Le pays de la Meije. Ed. SIVOM La Grave - Villar d’Arène M.-P. Mallé (1999) L’habitat du nord des Hautes-Alpes - Patrimoine architectural et mobilier. Ed. Cahiers du patrimoine B. Nicollet, coordinateur (2002) A la découverte des fleurs des Alpes (Les Ecrins, Parc National). Ed. Libris P. Ozenda (1985) La végétation de la chaîne alpine, dans l’espace montagnard européen. Ed. Masson R. Ruffier-Lanche (1964) Les plantes en coussinets. Bulletin de la Société des Amateurs de Jardins Alpins; 49: 3-13

Plus spécialisé: •

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A. Chaix, R. Lavagne, R. Molinier, A. Pons (1955) Carte des groupements végétaux du col du Lautaret et du versant sud du Grand Galibier au 1/ 20 000ème et notice de 7p. - CNRS - Toulouse J. Gobert, P. Ozenda, A. Tonnel (1966) Carte de Végétation de la France - Gap 1/250.000 (CNRS - Toulouse) C. Körner (1999) Alpine plant life; Functional plant ecology of high mountain ecosystems. Ed. SpringerVerlag O. Manneville, coordinateur (1999) Le monde des tourbières et des marais. Ed. Delachaux et Niestlé. R. Molinier, A. Pons (1955) Contribution à l'étude des groupements végétaux du Lautaret et du versant sud du Galibier. Bull. Soc. Scient. du Dauphiné 69 H. Reisigl, R. Keller (1987) Alpenpflanzen im Lebensraum. Ed. Gustav Fischer verlag P.-L. Rousset (1992) Au pays de la Meije, 3ème edition, Ed. Curandera

Sites internet: • • • •

Station Alpine du Lautaret (Jardin Botanique Alpin et Chalet-laboratoire): www.ujf-grenoble.fr/JAL Parcs Nationaux (Corse, Ecrins, Mercantour, Pyrénées, Vanoise…): www.parcsnationaux-fr.com/portail/ Global Mountain Biodiversity Assessment: www.unibas.ch/gmba/ The Global Observation Research Initiative in Alpine Environments: www.gloria.ac.at/res/gloria_home/

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