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PIERRE

DRIEU

LA

ROCHELLE

INTERROGATION POÈMES rm:

PARIS ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE 35

&

37,

RUE MADAME,

PARIS, 1917


IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE CENT CINQUANTE EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERGÉ DE HOLLANDE

NUMÉROTÉS

DE

EXEMPLAIRE N^

1

130.

A

/|

.]

TOUS DROITS DE TRADUCTION ET DE

REPRODUCTION

RÉSERVÉS

POUR

TOUS LES PAYS. Y COMPRIS LA RUSSIE. COPYRIGHT BY GASTON GALLIMARD 1917


I

25004,QQ


PAROLES AU DÉPART Et

le

Je

me

rêve et Taction. la monnaie du signe souverain.

payerai avec

et à pile

La

totale puissance

Point

seulement

de l'homme

l'évocation

royale frappée à croix

me

il

par

complissement du triomphe par

la faut.

l'esprit

mais

l'ac-

l'œil et l'oreille et la

main. Je ne puis

ma Si

me

situer

parmi

mon

cerveau meurt. Je tuerai ou je

les faibles.

Je dois mesurer

force. je

renonce

serai tué.

La

force est devant moi, pierre de fondation.

que

je

sente sa résistance,

— Que

je sois brisé.

Je veux

la

il

faut qu'elle heurte

Il

mes

faut os.

comprendre avec mon corps.

Nécessité

alimentaire

vie, la vie

de

ma

:

là-bas

pensée.

9

je

vais

chercher

ma


INTERROGATION Peut-être je ne suis pas fort

si

j'ai

besoin de cette

expérience corporelle.

D'autres connaissent

la

force spirituelle dans les mai-

sons qui sont loin de

la

guerre. Je hais

les

que

le

vulgaire

sente la guerre avec

mes en-

appelle lâches.

Mais moi,

il

que

faut

je

trailles.

Quand

la

colique de

la

peur

les

agrippe et les tord

d'une poigne acharnée Alors

si

encore Alors

«

je

encore

«

vive la guerre

»

je dis

suis à

mon

vive la France

affaire, je

du monde autour de moi,

je sais

»

connais

si je signifie

condition

la

ce que je vaux et ce

qu'est la valeur.

De

nouveau règne

l'action.

L'audace d'une génération

s'est levée

a séduite de jumeler par son vouloir

Non de

je

la

gageure

rêve et l'action.

ne puis être celui qui renonce à une gloire

la vie et

que confine

mon

le

que

qui se le

satisfait

par

la

magnificence secrète

rêve derrière les deux yeux.

idée, je

pousserai plus avant dans

la

saisis-

sante réalité ta rectitude. L'événement va mordre sur

10


PAROLES AU DEPART le trait

que

mon

tire

comme

vouloir,

l'eau-forte sur

l'image de cuivre. Morsure atroce déjà connue, encore cuisante dans

ma

chair.

J'ai dit.

Et

je vais être seul

troupes

les

d'hommes aux

aux désespoirs acres

sourds,

chagrins

parmi

comme

leurs

pipes mâchées dans l'angoisse. Je serai sur les terrains vagues et abstraits

où toute

végétation depuis ce lointain début fut extirpée par l'obus piocheur.

Là, toute vie est broyée au centre de l'explosion, ou

déchiquetée à l'extrême ver dans

la terre

jet

de

mouvante,

l'éclat.

Je vais

me

retrou-

oscillante, écrasée sous ses

propres masses retombantes et lapidée par ses propres cailloux, et

de

la tête

dans cet

comme

air vivant

l'épaisseur sensible d'une chair.

Brusquement, à une gare, dans

le

pays où

qu'on sent pâtir autour

reconnaîtrai

je

s'est exilée la

méditer une douleur neuve

jeunesse des et

le

que

je

suis

hommes pour

sens de son effort

inconnu. Là,

retirés

du monde

qu'ils

vivent parmi les cadavres.

n

ont créé,

les

hommes


INTERROGATION Là, toute

vie, toute vérité s*est retraite.

Fait décisif qui se pose en borne cogneuse à la frontière

de ce royaume II

n*est

:

aucune vie à

aucune

l'Arrière,

vérité.

Tout y

est

marqué par

De

ce côté-ci se manifeste l'inénarrable révélation.

Je plains

les

la totale

ignorance.

Habitants de l'Arrière, frappés de

la

mort, coupés de ce temps, précipités au néant.

Et nul miracle de Entre dans

les

ne peut

l'esprit

les transposer.

ordres

infanterie,

les

transmuer et

artillerie,

génie,

aviation.

Prends cellule dans

le

poste d'écoute ou

tu es en présence de la mort,

la

sape

menace l'abominable

souffrance liminaire.

Ou élève-toi, si tu en es digne, dans l'avion Au sommet du champ de bataille, à la clef sonore, au comble

du son humain.

12

de

la

voûte


TRYPTIQUE

DE LA MORT ï

L^ANNONCIATION DE LA MORT comme celui de la

mort, ton appel trouble

Aux

du

jours

composa

partir

quand

prologue, une,

le

volupté.

guerrier avant de

pensée décisive,

me

je

donnai

tout entier à ton exigence fatale.

En la

pompes de

cet août rempli des

citée,

parmi

la

splendeur sonore de

gloire ressus-

la la

foule, j'écoutai

voix muette de ta révélation.

Parmi ces prestiges de vre

un

la

force militaire dont s'eni-

adolescent, tu m'es apparue, ô mort

sombre d'où s'épanouit

le cri

Dès

lors, j'ai été celui

J'ai

marché ignoré parmi

la faiblesse

qui

lumineux de

la

:

bouche

trompette.

sait.

les

hommes.

J'ai

mesuré

de tout amour car nul ne m'a deviné

s'étonneront

quand tout

sera 13

consommé.

et

ils


INTERROGATION Solitude préalable de l'homme marqué, qui se tient

hommes

entre les

vivants,

j

épuiserai donc, puisque

Theure tarde, ton orgueilleuse désolation.

Quand rire

je

passe dans

la ville

je

goûte amèrement le

des femmes qui ne songent jamais à

Appel du royaume

lointain

Je m'enfoncerai vers

horreurs

du

les

la

mort.

où sont d'autres

joies.

provinces dévorées par les

feu.

femmes qui me regardent curieusement, tendrement Mais aucune ne souflre de ne pas

Pourtant

ces

!

comprendre

ma

secrète destinée.

Leur sourire me

serait très cruel si j'étais

encore de

ce monde.

Mais mes tendresses sont

ailleurs,

où sont mes amis.

14

hors de toute vue,


TRYPTIQUE DE LA MORT II

LA COMMÉMORATION DES MORTS mes frères mes tendresses Vous êtes couchés dans la terre que !

!

lai piochée et pellée, contre elle

me suis élancé de mon sang.

au jour de

je

Oui, un peu de

dans

mon

dormi

connais.

Je

de son

pli

;

l'assaut et je l'ai pénétrée

sang est déjà mêlé avec

éventrée que

la terre

j'ai

je

le

le

vôtre

temps refermera sur nos

obscures semences.

Un

mon

peu de

sang

:

mais nous savons que

gage que vous tenez de moi, je

reviendrai bientôt et nous

serons ensemble.

D'abord

me

je

deux pans de

retrouverai

dans

tranchée

la

terre avec le couvercle

du

entre

ciel

que per-

de

l'hôpital,

cent, rudes clous, les balles.

En

ce

moment

entre les draps où j'y ai souffert

je

ma

suis

dans

le

lit

lâcheté se dorlote.

des affres

comme

entre les

Tout de même deux bords du

où nous sommeillions aux pieds de la sentinelle. Plus profondément vous êtes sous terre, vous mes fossé

frères morts.

15


INTERROGATION Les uns contre

les

réchauffiez dans la cagna. Je creuserai

vous et

je

me

vous vous

vivants

ainsi

autres,

ma mine jusqu'à

coucherai entre vous au jour qui m'est

marqué.

Vous

n'êtes plus

de ce monde.

Je ne suis plus de ce monde.

Vos

visages

qui

me

regardent sont trop calmes et

empreints d'une trop sûre

pour que

joie,

je

ne m'en dé-

tourne jamais plus.

mes

tendresses

Comme déjà.

!

vous aimais mes amis

je

Nous

étions ambitieux,

toi

parmi

les

livres,

Avant

la foule indigne.

avec

lui

sous

comme

si

la

étoiles

les

nos mains se sont cherchées, au moins une quelle poignée, nouée

guerre,

la

méfiants et ironiques,

mais nous nous étions élus dans

Chez

!

fois,

mort nous

et

avait

déjà saisis en cette rare minute.

Mais depuis

Le don

la

guerre. Plus de doutes, plus de ruses.

sans retour, sans

le

retrait avaricieux

d'une

arrière-pensée. Dans cette Champagne, province de la

mort,

comme nous

étions bons et véridiques.

Pas de résignation, mais une acceptation qui s'avance èrement. 16


TRYPTIQUE DE LA MORT Nous

acceptions

la

toute notre pensée.

vie

de toute notre chair

Quelle profonde

et

de

communion de

toutes les parties de notre être dans cette obéissance à la vie et

à

la

mort, dernier

tendresses,

l'homme qui

tendresse

fait

un don à

commandement de pour la vie,

action.

Douceurs

brisées.

17

la

vie,

la vie.

générosité

de

qui l'orne d'une forte


INTERROGATION III

L'ACCOMPLISSEMENT DE LA MORT mort

je

suis

de

sorti

toi.

Mon

enfance a connu

des terreurs qui étaient des réminiscences de

La

guerre m'a arraché de

rante de toi

que

je m'étais

souffrais

Je ne

jeunesse qui est plus igno-

l'enfance.

mon âme

Pourtant, depuis que

vement

la

toi.

était

née

et

que naï-

promis aux actions dangereuses,

je

d'une gêne et d'une pénurie.

te sentais pas,

inexprimée.

Il

mort, et

faut

je souffrais

de ton absence

ombre pour que repoussée

ton

éclate la lumière.

mort, tu es

Ta

le secret

de

la vie.

pulpe vivante enveloppe son sec noyau.

Je te sens dans tout jaillissent

mes

le

mystère de

n'est

que

la

être

d'où

gestes incompréhensibles.

Toi qui prends mes nuits prends Il

mon

aussi

mes

jours.

mort.

Signe obscur. Je l'accepterai et

Je

lui ferai le

me

gouvernerai selon sa

fatalité.

don de chacune de mes minutes.

Je vivrai dans son attente.

18


TRYPTIQUE DE LA MORT Mais

De

moment

le

la

tranchée

est proche, je vois.

des

dernières

méditations,

je

m'é-

lance.

Je

sens

l'éternité

passer,

courant

animateur,

dans

cet instant.

Choc. Je m'effondre dans les

fils

mes muscles tendus par un

19

et les barbelures si

mordent

beau paroxysme.


II


DÉPART DES HOMMES Demi-nus avec

leurs torses façonnés par la peine

Les hommes

du feu et des champs ardents gerbes d août.

Sortirent des géhennes

où bruissaient

les

Ceux qui ont des yeux pour n'était

voir connurent

que

rien

changé, malgré deux siècles danathèmes contre

ce qui est.

Rompus hommes la Ils

par

les

du

fatalités

travail

du

pain, les

sang.

surent sans étonnement que

venait après les jours

le

les affiches

profondément encrés de puissance restées

au Jour de

la

temps des guerres

de labeur qui tournent en

Les hommes ne virent que

Ils

du

furent soumis dans l'instant à l'avènement de

guerre et

casernes

et

cercle.

où des signes

les assignaient

aux

béantes derrière leur fuite inquiète

Classe.

ne songèrent

pas

aux gestes de révolte 23

et

la


INTERROGATION lueur

En

meetings

des

tête

Entre

il

y a

écrit

;

était

«

éteinte

dans

République Française

les lettres vision

yeux.

leurs ».

imposante de troupes d'hommes

qui se lèvent avec leurs deux poings et leur bouche qui récite

A

ce

dans

une

Nous sommes tous ensemble contre les autres ». moment se répand dans mes veines, ainsi que

:

«

celles

de tous ceux-là qui se retournent vers moi,

chaleur. Serrement

artères se pénètrent,

de mains par quoi toutes nos

où nous sentons battre un cœur

millionnaire. Cette pulsation est trop forte.

gnets explosent

Des

:

le

grande effusion.

se regarde avec émerveillement, et

verbe qui crée

«

:

comme Dieu

chacun de nous Cet veau

être,

main du grand

est partout

de

la

on conjugue

et nulle

».

être intangible part, qui

est

son être propre.

nommé La cette

n'existons plus.

Chacun

la

ceux qui pensent

et l'ont

Mystère

et

les rôles.

Je suis Français, tu es Français

Les hommes sont dans qui

poi-

citoyens défilent en chantant, les autres les re-

gardent et applaudissent. Puis, on renverse

On

Nos

l'ont porté

dans leur cer-

Patrie.

première

journée.

Toi

Mais nous sommes. La France

et

est.

porte dans ses yeux. C'est une belle

24

moi

fille


DEPART DES HOMMES qui ressemble à

la

République. C'est

même

la

Répu-

blique.

Les rues sont pleines de tendresse.

Triomphante vision animée par

Tous contribuent à Heure divine dont Heure du rachat larmes

le

!

souvenir fera pleurer

préalable,

feu,

du sang

et

des

!

dans

les

en cercle,

les

hautes cheminées

glèbes savent seulement que

venu après

tueries est

les jours

le

par

jour des

de labeur qui tournent

et les ivrogneries fatales.

Les Femmes avec leurs bouches tremblantes lées

les vieil-

leurs enfants.

du

Mais ceux qui besognent sous et

cœur

tout transfigurer.

que ne comprendront pas

lards

le

la

et tirail-

grimace des larmes baisèrent leurs mous-

taches mouillées par l'alcool des dernières libations

que Ils

n'avait pas fait payer le bistrot.

répétèrent

famille.

qu'il

est

affreux

Dans l'éloignement

leur parut le seul point fixe et les Ils

la

femme-avec-les-gosses

parmi

coups de tête qui cassent

de s'arracher à sa

les salaires incertains

les destinées.

subirent une épouvante vague à quitter pour des

25

3


INTERROGATION lieux

mal imaginés

routinier de leurs

et foisonnants

embêtements

de menaces

et

le cercle

de leurs rigolades.

Et Tangoisse déjà mâchée leur remontait à

la

gorge

de rentrer dans l'armée, où on est toujours inquiet et

où on

dit « qu'il

Dans

le train, ils

ne faut pas chercher à comprendre furent des

hommes

les

».

uns en face

des autres. Et chacun voulait être un personnage devant les sept

Selon

camarades du compartiment.

la

parole écrite dans les journaux,

ils

se vou-

lurent citoyens admirables.

Et parce que dans Ils

le

chant on déploie de

chantèrent

Pour que

la

force descendît en eux.

26

la

force


PLAINTE DES

SOLDATS EUROPÉENS Par

le travers

de l'Europe, nous sommes des millions

et seuls.

Multitude

connue

solitaire,

qui divulguera notre peine in-

?

Ennemis de

cette tranchée-ci

ou de

la

tranchée d'en

face

Tous ensemble

Au

G

isolés

au milieu du monde

milieu de l'implacable sollicitude

monde

tu

couves notre

veut garder à ses enfants

gloire,

la vie

du monde.

comme

la

mère

douloureuse et mor-

telle.

Et nous nous battons ensemble jour après jour tous

embauchés bons ouvriers à

cette

besogne d'entre-mas-

sacre.

Partage de l'humanité par

Les combattants

et les

la

guerre

:

non-combattants.

27


INTERROGATION Ceux qui sont I

ou

blessés

tués,

ceux autour de qui

air est tranquille.

Ceux qui ont un ceux qui ont

lit

chaud

et

dorment leur

saoul,

les veilles froides.

Ceux qui aiment de

près,

ceux qui aiment de loin

leurs aimés. II

n'est

que ce partage tranché.

Peu importe

les

grammaires,

les

bibles

dra-

et

les

les

Peuples-

peaux.

Chez

les

Peuples-Centraux

comme

chez

Périphériques.

Les combattants sont

La plupart

:

des fantassins

Certains soldats de génie Certains artilleurs et cavaliers

Les aviateurs qui ne s'embusquent pas dans un nuage

Les non-combattants sont

La

:

plupart des généraux

Les hommes

d'état

Les neutres Les

civils

Les embusqués Les combattants momentanément à

28

l'abri.


PLAINTE Or

SOLDATS

DES

EUROPÉENS

sont les maîtres et les combattants

tous ceux-ci

sont soumis à leur inévitable injonction.

En temps de

paix, c'est pareil,

il

y a aussi des

forts

et des faibles.

Tout fonctionne

bien. L'ordre règne en Europe.

Les

maîtres maîtrisent et les serfs servent.

Les maîtres ordonnent transfigurateur

Sur

obéissance. l'usine, les

les le

transposent sur

et

un mode

événements accomplis dans leur

champ de

manœuvres de

la

bataille c'est

comme

à

guerre avec leurs contre-

maîtres qui sont les officiers subalternes et supérieurs

s'acharnent à des besognes dont l'intelligence leur est refusée.

De temps

en temps, un combattant reprend pied sur

le sol solide

où posent

les idées nettes

Pour

être

enfin

une blessure convenable.

admis

il

Ou

sept jours de permission.

La

guérison

repousse et

le

des autres.

faut qu'il ait la tête dans sa musette

bâclée,

ou

la

semaine bouclée,

monde

Par une gare béante et hurlante d'angoisse

Le

rejette

au creuset.

29

on

le


INTERROGATION Cernés.

Nous sommes les

uns contre

Nous sommes

cernés par

l'été

champs de

Monde

qui nous presse

les autres. les

du Monde.

vaincus

Et voici comment fut

Comme

le

jour de notre défaite.

le

flambait par toute l'Europe sur les clairs

blé et sur les

sombres hérissements des

Usines,

Une force renaquit La force austère du

soldat.

Notre vie alourdie en fut secouée, L'ivresse versée par

la

coupe

et

mise en branle.

ensoleillée

des

trom-

pettes nous reprit tout d'un coup.

Se

sentir mille et mille, et adorés

de son peuple.

Les femmes avec leur bouche en chair rouge disent «

Nous sommes vos femmes,

les

femmes

:

de votre

peuple.

nos mâles, allez tuer

».

Saouls d'orgueil, et de chagrin et d'abondance fraternelle

nous sommes

partis.

Et

la

vin, fleurs, baisers, cris

foule amoureuse, enjôleuse

Et brutale nous poussait

les

épaules vers l'effarante gloire.

30


PLAINTE Alors

SOLDATS

EUROPÉENS

y eut ceux qui étaient partis

il

étaient

DES

ceux qui

et

demeurés.

Et derrière nous, dans

les

demeures,

le

silence

bientôt on entend l'oubli.

Et nous entrâmes dans des paysages où nous

assaillit

la bataille.

Derrière

horizons, nous

les

et

nous obsède

cercle, qui

heurtent les

entoure

Notre gloire

Clameurs de nos foules en

murs de

ciel

entre qui sonnent nos artilleries.

Alors ennemis de cet horizon et de l'horizon d'en face,

Boches ou Welches, prolétaires ou bourgeois dé-

sormais combattants seuls ensemble,

Au

du Monde, Nous avons commencé de nous Les

milieu

cadavres

de

la

dernière

tuer.

guerre

n'étaient

pas

encore pourris à l'autre bout de l'Europe.

Nous avons

compris

l'aventure

derrière nos tranchées abominables

On

rouvrit les cinémas.

La

réalité

n'est pas,

connaître (car

ils

les

plus

du premier

hommes ne

en mourraient, chut!) 31

tard

quand hiver.

veulent pas

la


INTERROGATION Les hommes matérialité

se nourrissent d'esprit et

de leurs

la

gestes.

Les hommes font de Font appelé

non pas de

vie

la

un rêve

et ce

rêve

ils

l'histoire.

Nous sommes ceux avec qui on fait l'histoire. Nous sommes ceux qui savons et qui ne pouvons dire.

Car

le

Monde nous

force au silence.

Pourtant nous savons ce que nous faisons et ce n*est pas ce qu'ils disent.

Mais un charme, une

La clameur

fatalité

glorifiante

nous encerclent.

des foules,

rythmée par

les

maîtres, écrase nos cris inhabiles.

La magie du

rêve historique est autour des actions

douloureuses à quoi l'on nous force. Pris dans le réseau implacable

Nous sommes

de

la

pensée des maîtres

les esclaves hallucinés.

Ah

!

ses

harmonies hors de nos

cette histoire cruelle et magnifique qui assemble atteintes.

Ces clairons qu'on nous sonne aux

oreilles et qui

nous

entraînent dans les siècles des siècles.

Nous sommes

toujours les

mêmes

sous nos cheminements éternels.

32

et

la

terre

s'use


PLAINTE Grognards

SOLDATS

DES.

séculaires,

G)lomb

qu'à l'Inde,

EUROPÉENS

Alexandre nous a poussés jusjusqu'à l'Amérique,

Bonaparte

ailleurs.

Nous

allons toujours sans savoir

Devant nos chefs qui nous propulsent. Moteurs de leurs cerveaux qui ronflent au fond de nos troupes.

Nous

de chapitre en chapitre sur

allons

les voies

de

nos maîtres. Coalition Il

du monde contre nous

nous délègue

des

Ces hommes

riches

viennent partager

maîtres qui

notre douleur pour nous

la

d'or

rendre plus inévitable et

d'esprit

:

viennent,

qui

par dessus nous, se clouer sur notre croix pour nous y

mieux Ces

fixer.

artistes

officiers

qui viennent mourir parmi nous et ces

qui se font casser

Nécessité qui nous

fait

la

face

gueule.

de partout

;

ces

hommes

tués sont encore plus nos maîtres et lèguent à leurs survivants

En

un plus

paix

déjà

fort

commandement.

parmi

les

Riches

il

était

plus d'un

maître.

Quand

ils

nous arrêtent nous leur construisons des 33


INTERROGATION civilisations Ils

ils

ont avec eux

Capitaux

— or

les

méditent nos

prochaines

étapes.

dieux, qu*on appelle maintenant

et intelligence.

Et derrière eux l'Inaccessible.

34


NE VOUS

JE

MENTI, C'est la misère de notre tant parler

AI

PAS

HOMMES temps que

au peuple. Car alors

les chefs lui

ils

doivent

mentent beau-

coup.

Qui

a jamais dit la vérité au peuple ?

Appelez Et

le

le

chef

:

l'homme-qui-ment.

peuple vainement avec

une fureur acharnée

enfante de nouveaux chefs. Il

les

est

un

chefs

:

pacte, dont personne

maintenir

la vie

contre

ne le

parle, entre tous

peuple qui voudrait

bien retourner au néant.

Je ne vous ai pas menti

Hommes du

peuple

Et pourtant nous fûmes camarades, non pas

le

temps

que résonne une tape sur l'épaule ou que dure une extase oratoire, mais jour à jour, à suer

ou de peine. 35

ensemble de peur


INTERROGATION Je ne vous le

ai

pas menti. Je ne vous

bras l'insulte de dire que

Quand nous fûmes

j

étais

ai

pas glissé sous

comme

vous.

face à face, uniformes sous nos

armes neuves dans cet août aviné, mais follement tendre, je

me

sus que vous

j'étais

Un

:

bourgeois

vaille,

Et tils

que vous

vous imaginiez

vaille

que

et qu'on vous avait rudement dénoncé.

Et moi,

mon

reconnaissiez sans erreur pour qui

je

venais à vous avec l'immense

amour de

cerveau paternel, inquiet de vos instincts inconnus.

alors,

ayant laissé derrière nous

partages, nous avons mis au

les villes

monde une

hommes ensemble cheminant

tous les

Depuis combien de

siècles

aux subégalité

:

vers l'ennemi.

ne nous étions-nous pas

rencontrés ?

Dans

l'énorme

oubliées,

un ancien

prit la foule les

éventualité

femmes,

cri,

jaillie

comme au

au carrefour. Aussitôt, les enfants, et

des

profondeurs

coin d'un bois, surlaissant derrière

une tourbe

eux

d'êtres sur qui le

silence sera fait.

Les hommes -de -la -tête

et

les

hommes -de -la -main

s'en furent vers l'horizon qui s'offrait encore au rêve

humain.

36


NE VOUS

JE Mais je

ne vous

je

vous

pas menti

ai

MENTI

PAS

AI :

et aujourd'hui

encore

Je suis parti avec vous parce que je Tai

le dis.

voulu. Il

des

est

hommes parmi nous en temps

ordinaire

pour vous mener au combat. Des chefs vous sont conférés

leur simplicité vous touche, leur audace vous

:

nous retenaient près du

D'autres besognes

tour de quoi nous sûmes bâtir

des

le total

Mais l'occurence

tumulte. Pêle-mêle tous

les

hommes

qui

deux mains s'assemblèrent. La démocratie se

avaient

dressa

la cité et la civilisation et

vous échappent.

qui

civilités

exigea

lie.

au-

feu,

énorme

et

confuse en proie au rythme épique.

mes

biens, les

les livres, et l'or

accumulé

Je suis venu parmi vous pour défendre subtiles richesses fixées

dans

par vos maîtres.

Et aussi

force

la

du chant ne

propage que par

se

l'orgueil.

Et

vaincus

les

germe tout C'est

à

qui

ont

chanté

avaient

je

espoir

oii

l'excès des triomphes.

cause

des livres que vous faites

Mais mes semblables vous ont donné moi,

1

vous

ai

renouvelé

le

cerveau.

37

don en

la

guerre.

la civilisation.

naissant avec

E

mon


INTERROGATION Et

pour

si,

posent

que

durée des systèmes

vous entrechoquerez vos corps afin

élites,

évidence.

est le secret. Telle est la nécessité

L'élite

n'est

point faite pour

peuple pour accomplir

et le

Vie qui se complait dans

Le

que s'op-

faut

il

haut conflit spirituel se manifeste en une maté-

le

rielle

Tel

les

la

secret

est

de se

le

le

de

la

guerre.

peuple, mais

le

l'élite

commandement de

la

chaos.

réjouir

de

du

l'imperfection

monde. Ils

demandent à quoi

sert la guerre

mais

ils

veulent

dire à quoi sert la vie. Il

faut choisir entre le néant

du Dieu

L'esprit

ou

le

chaos.

meut fantasque

se

face de l'abîme. Certes

il

et vain à la sur-

ne peut créer

la Paix,

mais

le voudrait-il ?

Et voici qu'encore les foules

que

les

Non, fruit

la

guerre éclata sur

demeurées dans

le

monde. Et

les villes se réjouirent

parce

journaux étaient des épopées.

les

hommes ne

défendu,

et

veulent pas encore cracher

réintégrer

Vie.

38

le

l'Eden-du-Refus-à-la-


SILENCE Silence. Est-il

un

silence.

Nous sommes au temps d'une genèse, quand du Dieu vole sur les sons chaotiques.

En

dépit de la cataracte des tonnerres graves qui se

répercuteront éternellement à travers roideur des cris acérés

par delà je perçois

La

l'esprit

terre est

quand

un

le

temps

l'acier écartèle ses

et

de

la

atomes,

silence.

abandonnée.

Voici les conquêtes de

la désolation.

Vastes espaces abstraits.

Acharnement au défrichement du Toutes

les

parcelles

de

fer fouilleur.

l'humus

sont

brassées

et

tamisées par les successives explosions afin que tout

germe

Le

soit tué.

terroir est dépouillé et les fracassements s'obsti-

nent sur sa carcasse.

Sous est

les

frénétiques

flagellements,

obtenue.

39

la

totale

stérilité


INTERROGATION Silence.

Le

II

de

n'est pas

silence

parfait

silence.

n'est pas, car

vie est vigilante et bruissante.

sant fait

un

bruit

qui éructe vers

Mais

quand

les

et

brin d'herbe

menaçant

la

jaillis-

comme un 420

le ciel.

une paix

est

il

énorme

Un

de toutes parts

sons familiers se concertent. Leur accord

on entend une douceur inouïe.

n'est plus écouté et

Tout ce vallon est vide comme cette rue de province qui manqua me désespérer de la vie. Un petit homme court au coin du bois.

La

terre bouillonne

côté de

à

Culbute. Tacite

lui.

enveloppement.

Il

y a des chutes de

silence.

Hiatus béant entre

les

lignes sonores qui barrent l'horizon.

On

une pierre dans ce puits

va entendre tomber

d'épouvante.

Y

a-t-il

un ennemi

Une mort

?

profuse est

venue on ne

sait

d'où.

Suspension.

Le poing du Dieu guerre

:

sa

peau

se

suspend sur

est le ciel

tendu sur

40

le

le

tambour de

rebord de l'ho-


SILENCE rizon et

sur

la

il

résonne de toute

terreur des

Dans ce

la

profondeur du

monde

hommes.

creux, je trouvais trente

hommes

qui étaient

trente petits enfants agglutinés par la terreur.

Je suis venu chercher

la gloire.

41


III


EXPLOSIF Dans

la

rue

placide,

passants

les

frôlent

sans

le

moindre soupçon, dans l'ingénuité de leur mécanique, le

tout-puissant explosif intellectuel que quelques-uns

trimbalent dans leur tête.

Force de

l'idée,

menace de destruction.

éternelle

une puissance contre

Elle

est

être

comme

la

poudre

les

contre

parois

l'écorce

de

d'acier

mon de

l'obus.

Cette négation en moi de tout ce qui est hors moi,

germe indestructible

de

l'histoire

aux

irrésistibles

rythmes. L'idée veut détruire selon

un nouvel

Domination de

le

monde

afin

de

le

recomposer

artifice.

l'idée.

Les hommes qu'elle possède

sont les lieutenants arrogants et implacables d'un maître.

Orgueil de l'idée qui braque dix mille canons contre la

chair des foules.

Désir qui éclate mille et mille broyants et déchiquetants.

45

fois

en éclats féroces,


INTERROGATION ou aussi vouloir.

Idée, désir,

Les mots sont noirs et c'est

une

ligne,

mon ami

et incassables,

mais

une parabole qui

y a Timage

il

s*exalte.

tu te convulsés d'horreur parce que tes

sens affinés sont tout à vif et pullulants de la misère des

multitudes combattues.

Mais autant que d'autres que tu

hais,

pondre de cette peine car tu portes

l'Idée.

Et

l'idée c'est l'orgueil

de

l'être, l'orgueil

te faut ré-

il

du monde.

L'idée est explosive, l'idée est éclatante.

une

Et

il

de

la force. Il lui faut le

est

Et parmi

frénésie dans l'idée.

les

zélateurs

Il lui

faut le triomphe

temps

et l'espace.

de

paix,

la

il

est des

guer-

riers.

hommes

qui, dans la paix,

Il

est des

la

douceur du corps mais

la

ne recherchent pas

grandeur d'un dessein una-

nime. II

est d'endurants guerriers qui

de

la paix.

servir la la

Ils

croient

que

combattent au service

leur énergie se

consume à

mollesse des masses. Mais ce sont des

chefs, or

violence est dans le cerveau des chefs. Et le drapeau

est

rouge que gonfle leur Idée. Le

46

monde

est fait

pour


EXPLOSIF le

rêve des chefs.

Ils

le

humide de sang. Le principe des choses

configurent dans sa matière

c'est

qu'un rêve

un autre

rêve, alors jaillissent les

ronfle le

tambour de guerre.

47

musiques

soit,

contre

et toujours


RESTAURATION DU CORPS Tous

hommes, tous

les

cemment

êtres

les

règne humain qu'ils sachent

:

qui

sont

Qu'une rude

dans

le

loi fut ré-

édictée.

Voici que sur

la

planète humaine, l'esprit n'est point

seul.

Un

double événement

Le corps

est restauré

le

destitue de la prééminence.

dans

la

puissance et

Double événement qui marquera

le

la

majesté.

vestige de notre

génération, qui tracera l'initiale de notre chapitre dans

du monde Restauration du corps par les

annales

:

le

sport et

la

guerre.

Sport, élan qui enlève l'homme.

Bond soudain

irrépressible qui

enchaîne des

bonds

inconnus.

Regain

dune

vieille

méditation humaine. L'imperfec-

49


INTERROGATION tion de l'ascète intellectuel est dénoncée et sa pénurie

corporelle cause

On

immonde de mainte

que

reconnaît

sobre une part de

l'athlète

la vérité

ment vanté comme

La

le

porte dans

humaine.

Germain

barbarie fraîche et

erreur.

Il

son cerveau

est

dangereuse-

fut vanté par Tacite.

sanglante fascine encore

les

civilisés.

du rêve. De rares hommes imaun accord qui conclue et somme l'effort humain.

Eternelle asymptote

ginent

Cerveau intense Autrefois,

et

c'était

un moment qu'on Mais

la foule,

muscles denses.

une utopie du passé

:

on

exaltait

appelle la Grèce.

avec son odorat atavique,

flaire la

bar-

barie.

Sa masse pèse

et bascule

dans

l'excès.

Foule qui te lamentes aujourd'hui sous la

guerre tu

Le

l'as

meule de

souvenir des temps rouges de l'espèce est remonté

à ta tête, frelaté par l'âge et c'est t'es saoulée,

Tu

la

voulu.

t'es

immense

un sadisme dont tu

prostituée.

ruée au spectacle des cognants combats de

boxe, aux piétinantes mêlées de rugby parce que tu en retirais

une fausse peur

jouissante.

50


RESTAURATION DU CORPS Mais tu ne

savais pas

que

tes

hurlements d'excitation

cruelle saluaient la guerre.

Certes

était

il

autre chose dans nos solennités cor-

du premier temps de ce

porelles

cette louange de

perpétuelle

sa

la

défaite et

l'élite

:

cet appétit,

la

foule avoue

siècle

domination par quoi

son

fête

inévitable

triomphe.

Ah

!

quand

s'élance

le

parmi

ballon entre les deux paumes, les

tiel

mouvement du monde.

On

voit la foule féminine bienheureuse

vainqueur qui

symbole

la

viole.

Et

l'élite

se satisfait

l'enflure

autour des

gestes

Et

De

nou-

hommes.

force est désirée, la force est exaltée.

Après Il

dans ce

des athlètes

louange sonore, un événement s'enfante.

veau l'esprit de lutte se lève parmi les

La

de louer un

offert à sa nécessité.

Mais dans de

la

un joueur

poursuivants, alors je perçois l'essen-

le signe, le fait se signifie.

ne se le

fît

pas attendre.

premier obus s'essora dans 51

le

ciel

d'Europe,


INTERROGATION comme, au début de

ballon neuf gonflé de

la partie, le

jeunesse et vibrant d'un coup de pied passionné.

La

foule s*étonna de ce qui était né en elle.

La

loi

de

la

Maintenant pouvoir

Force étend son règne. est

il

offrir

.honteux

d'être .faible

et

de

ne

à l'ennemi une digne proie.

Certes, maint lâche secrètement se félicite de demeurer

par

la faiblesse

de son corps au-dessous du niveau de

mort.

Mais

la

chef une Il

voix publique est décisive et prononce derevieille

maxime.

y a deux ordres de mâles

guerriers

et

les

ordre est souverain. Tout l'honneur

lui

:

les

autres.

Le premier est

dévolu avec tout

le

labeur.

femmes approuvent cette décision de La l'événement, qui aiment que l'homme soit le plus plupart des

fort.

Et gare à ceux qui n'ont que leur nation demeurait incertaine.

esprit.

Leur domi-

La masse des

Corporels,

des Manuels n'avait cessé de regimber sous l'avantage

de

l'Intellect.

52


RESTAURATION DU CORPS Aujourd'hui gare.

Car

les

hommes, à

cette heure, pâlissent à la guerre

à cause de leur force. laisseront là-bas,

Demain,

ils

reviendront. Saufs,

dans

le

pays où

pas été voir, leur peur et

le

désespoir qui

ils

les

autres n auront les

possédait

d'être les plus forts voués à la douleur.

Allégés,

Au

ils

jour de

se vanteront et seront féroces. la paix, les

temps inquiets ne seront pas

finis.

Car peut-être

la

vie, fatiguée d'avoir tant

ces derniers temps, va-t-elle maintenant

jouvence au bain de sueur

ment

séculaire

de Sport

et

et

demander

la

de sang, dans un délasse-

de Guerre.

53

pensé dans


PART DU FEU «

de Reims

Notre-Dame

obus

Par

s'écroule

au

souffle

des

».

la foi

de nos cerveaux

quand cesserons-nous de pleurer l'écroulement des vieux temples ? Laissons ces eaux aux vieillards, qui ne sentent pas

dans leurs têtes débiles

d'œuvre neufs

la

force de concevoir des chefs

?

Mais nous, jeunes hommes ne tremblons pas parmi l'écroulement des beautés

sang des

Ou que

hommes la

vieillies,

d'où

s'est retiré le

qui créent.

mort qui nous

tient

nous garde.

Et attendons joyeusement ceux d'entre nous

qui se

lèveront avec l'offrande dans leurs prunelles de dessins

étonnants.

A

leur

signe

nous nous mettrons au

monuments imprévus

travail

se dresseront sur la

55

et des

Terre en


INTERROGATION mue

éternelle

qui satisferont Torgueil de nos généra-

tions.

Leurs

nouvelles-nées

lignes

d*une beauté bienvenue

Ne

le

combleront

regrettons pas, pour l'amour de notre vie, pour

l'amour du Présent, (o vie inmanquablement les vieilles pierres

Demain nous

dresserons des grues plus hautes que nos les

montagnes,

de ciment nous édifierons

fer et

libérale),

que broient nos inénarrables canons.

canons béants derrière

de

soudain

besoin de notre intelligence.

et

avec des tonnes

les

Monuments de

notre Paix aussi grande que notre guerre.

La jeune et haletante histoire humaine nous apprend une maxime dont nous supporterons allègrement la dure économie. «

Il

du Feu ». un masque sous quoi

faut faire la part

La mort

est

tement ce qui

est

empreint de

le

ver ronge pres-

la risible sénilité.

Les grands actes humains sont durs, cassants

et in-

cendiaires.

Le Génie

est

dévastateur, homicide puis fécond et

dorloteur.

Le matin

c'est

un ^massacreur qui enjambe

l'horizon les cadavres alignés.

56

jusqu'à


PART DU FEU Le

soir c'est

délicats

un tendre père qui enveloppe de langes

une jeune humanité

qu'il

accoucha de chairs

sanglantes.

France, mère ardente et asséchée, tâte ton ventre et ton cerveau.

57


CASERNE HAÏE Caserne

:

nous

si

retrouvons au bout de notre

te

retour nous crèverons ta façade et extirperons tes fon-

dements.

Caserne tu es

la

Mort mais nous rapportons de

tranchée franche ouverte au

ciel

une

vie qui te

la

menace.

Caserne notre haine. Bâtisses

maçonnées en un

siècle qui est fini.

Latrines combles de puanteurs et cuisines.

Bureaux foisonnant de paperasses en qui meurt de la vie

comme

papillons fanés et piqués.

Cours étriquées de honteux murs où tournait à vide la

mécanique de

la

manœuvre remontée

contre

le

temps.

Maigres portiques où pendent des bates de cirque .

59

ficelles

pour acro-


INTERROGATION Chambrées fades d'une propreté mesquine où sue suffoque

le

vivant

l*air

bétail ignorant qui se

qui flue tout

Et ces uniformes jusqu'à

la

ces

ors,

dont

mort d'un

claquemure contre

alentour

le

de notre

souvenir

rire gonflant

et

nous

— ces

terre.

remplira

plumets, ces

pantalons tirebouchonnants, ces bottines en

bateaux pointus, ces dolmans corsets satinés,

moustaches

de

chats

et

ces

belliqueux

et nos épaulettes rouges.

Et tant d'âmes de fonctionnaires pusillanimes.

Nous avons agonisé et haï là-dedans. Nous avons douté et désespéré. Nous avons gâché notre belle jeunesse. Mais

la

guerre est venue et tout fut changé.

Les mitrailleuses ont

giflé

de leurs sèches ironies nos

parades ignares.

Et

gros canons

les

défoncé

les

Dont

reste des tas

Sortis

il

sur

un quart de

la

France ont

casernes et les forts séniles.

de gravas.

de cette administration

dans un couvent

«

Louis

XIV 60

»,

«

Empire

«

vivotant


CASERNE HAÏE Nous sommes devenus sous

A

:

ce que

nous étions en-des-

neufs.

grands coups de canons

les

Allemands nous ont

appris à vivre, à revivre.

Et enfin n'étant plus Tarmée mais des débrouillent sur là

à

un champ de

bataille

hommes

qui se

avec par ci'par

quelques vrais professionnels qui avaient échappé la profession,

Nous avons su nous

battre.

Mais gare au retour que

l'esprit

vivement

éveillé

de

la

guerre soit respecté,

ou nous serons

sévères.

Comme

un cauchemar, l'Armée de

après

la

Paix ne

se rendormira pas sur l'autre oreille.

Nous cognerons

et pulvériserons les débris.

Voici nos négations balayantes.

Plus

de grands

frais pavillons

Plus

sales

la

comme

logis,

mais de

aux champs,

de cours aux espaces

de toute rain

palais

où pour devenir

soldat

homme, 61

ou encombrés

maigres

troupe dégorgeante,

on

mais est

le

libre

ter-

bonnement un


INTERROGATION Plus

d'archaïque

cavalerie,

bécanes, et de motos, L'artillerie

dans

mais

tant

d'autos,

de

et d'avions.

les usines.

Les états-majors en voyage, des

non point des sabres

livres

sous

le

bras et

cassables. Et les vieillards à la

nursery.

Le

soldat

neuf sera un athlète et un spécialiste de

quelque mécanique,

et

non pas un domestique igno-

rant et craintif,

Ou

il

sera le vaincu.

Ainsi sera notre paix, bouleversée de fond en comble

par l'énergique méditation de cette guerre.

Guerre, révolution du sang, puissant flux au cerveau, guerre, progrès, fatalité

du

moderne nettoiement et remise à neuf de notre maison.

Notre maison, ébranlée pour qu'elle ne choie, nous

la

plus

roide ciment

rebâtissons totalement pierre à pierre avec le

armé

et

lumière.

62

de grands trous pour

la


A VOUS, ALLEMANDS —

A

vous Allemands

de

la taciturnité militaire

par

ma bouche

enfin descellée

je parle.

Je ne vous ai jamais haïs. Je vous

ai

combattus à mort, avec

le

vouloir roide-

ment dégainé de tuer beaucoup d'entre vous. Ma joie a germé dans votre sang. Mais vous êtes forts. Et je n*ai pu haïr en vous la Force, mère des choses. Je

me

suis réjoui

Hommes,

de votre

par toute

la

force.

terre,

réjouissons-nous de

la

force des Allemands.

Pour moi comptés

je

louerai les morts

que

et je féliciterai la planète

ma

nation leur a

de porter leurs sur-

vivants.

Leurs par

hommes

la fière

sont

nombreux

et valeureux.

exigence de leurs chefs,

ils

rant l'Histoire de maintes prouesses.

63

Poussés

ont procédé, hono-


INTERROGATION Que

bénie

soit

la figure

des

la foi

du monde

Avec lorgueil des

hommes

qui osent renouveler

selon l'idéal qu'ils chérissent. races mûres, ainsi préméditèrent

vos maîtres, Allemands et votre puissante obéissance accepta

la

douleur de charrier dans votre sang cette

nouvelle invasion

du grandiose dans

Généreuse ambition des peuples

le

monde.

forts qui

s'épuisent

à atteindre l'absolu de la puissance et qui se livrent au

rêve téméraire de propager par delà leurs horizons

ridée qu'ils adorèrent sous leur

Quand

enfin

la

plénitude

est

ciel.

atteinte

brûlée tout d'un coup aux splendeurs plutôt

Il

que d'attendre

les

qu'elle

soit

du paroxysme

étiolements pacifiques.

y a seulement cent ans

Les Français forgèrent contre

paix

la

du monde

leur

Idée dominatrice.

Et

leurs

ans,

du

armées

cruel soc

labourèrent

l'Europe,

vingt-trois

de leur bonne nouvelle.

L'Idée est altérée de sang.

Mais quoi

:

dix batailles et l'Allemand cesse de som-

noler sous d'meptes roitelets.

Aujourd'hui,

bouche

à

bouche,

64

dans

le

pressant


A VOUS, ALLEMANDS corps-à-corps TAllemand nous insuffle une ardeur nou-

monde.

velle à créer le

Gîntre

que

la

stupeur des peuples

canon

le

Je vous

ai

las, est-il

autre chose

?

combattus. Allemands, mais je

n*ai

point

voulu vous nier.

G)mment

pouvais-je

mieux vous aimer

Car ce que

?

j'aime en vous c'est ce qui n'est pas moi.

G)ntre notre résistance vous avez pu déployer votre efîort et votre totale

Dans

la lutte

Enfin nous

grandeur.

nous nous exaltâmes.

sommes égaux dans

le

triomphe sur

la

mort.

Saine haine qui nous sépare et qui nous permet d'être et d'orner le

rence.

Dans

monde des pans magnifiques de la

pittoresque imperfection de

notre diffé-

la vie,

notre

mutuelle méconnaissance est une passionnante aventure.

Je ne renierai pas Charleroi et que

grâce à votre défi animateur

minute 65

je

là,

grâce à vous,

connus l'indéniable


INTERROGATION Quand

chargeais contre vous, à huit cents mètres,

je

mes déHcieux Français et que vos mitrailleuses nous donnèrent une sévère leçon de technique miliavec

taire.

Depuis ce jour premier, des ans s'épanchèrent monotones et nous ne connûmes

plus souvent dans les

le

tranchées qu'une bestiale abomination.

Même

à

Verdun par moments

je

perdais la

[tête et je

repoussais la douleur.

Mais rappelons-nous ce qu'est

la

demander plus que de

une minute.

se justifier

vie.

La paix avec l'amour — don Juan — Dieu — Pascal — donna-t-elle plus

Peut-on

la

lui

paix avec

?

maintenant nous en sommes

Silence sur l'Art

:

Pour

hommes

le

quelques

dangereux aveu

complissement

:

et la certitude accueille

fermes leur violence

Que

notre

instinct, ils le

d'Occident, je

que notre douceur

exilés.

prononcerai

assise

dans

l'ac-

avec des mains

insatisfaite.

intelligence

reconnaisse

nous jugerons que

la

vérité

de leur

comme

la

guerre est bonne

et

qui anéantit tant de vies.

sentent.

Et point

la

guerre qui éclate

66


A VOUS, ALLEMANDS Mais

la

l'activité

guerre qui menace,

du monde,

la

guerre,

maligne qui Ils

germe flétrit

ne sont point

guerre latente dans

guerre qui compose une circu-

lante atmosphère autour des

La

la

poumons humains.

au cœur de

éternel

toujours avant

le

la paix,

temps

pointe

sa plénitude.

ceux qui n'ont loué que

subtils

guerre manifestée. Certes

la

opère un bienfaisant dé-

elle

part entre les énergies secrètes et celles qui sont mar-

quées pour

Mais de

la

la dissolution.

surtout

combats

les

inscrivent

les

résultats

guerre virtuelle, cette souveraine présence en temps

de paix de l'âme de

la

guerre, de l'esprit d'inquiétude

enfin de l'action qui éjacule le

Je connais une vanité de

parce qu'elle est

La guerre

fait

liée

à

éclater

la

monde.

mon

cri. J'exalte

la

guerre

grandeur.

comme une

deur d'un jeune peuple, ou

elle

virginité

la

gran-

pousse à outrance

le

raidissement d'un peuple qui culmine.

Mais tout mort.

est

La guerre

signe de mort à qui

marche vers

la

tue les peuples moribonds.

Qu'une race meure dans un charnier de vives plutôt qu'au

lit

sénile.

67

chairs encore


INTERROGATION Tel la

est le sort

combler

la

je choisirais

pour

la

France

si

de

fortune était lasse.

Et au-delà de l'histoire,

que

la

France,

il

y a l'aventure humaine,

ce délicat équilibre entre

la

barbarie et

la

civilisation,

Entre

la pitié,

triomphe mortel

et la cruauté servile

et féconde.

La

vie sera toujours

une bête prête à crever.

68


CHANT DE GUERRE DES HOMMES D'AUJOURD'HUI Il

est

temps, ô mes amis, de jeter notre

Nous jeunes hommes veaux

et notre

cri.

d'aujourd'hui, nous

sommes nou-

grandeur n'a pas été connue de ceux qui

ont vécu autrefois.

Maintenant nous avons

le droit

de parler

lards n'ont qu'à se taire, qui ne surent pas cette grandeur et

Nous

nous précéder dans

parlerons, forts de mille et

et les vieil-

nous dérober

l'action.

mille actes

éner-

giques.

Et en arrière nous leur lâcherons notre à ces prophètes tristes qui doutèrent

mêmes de nous. Nous avons rejeté

la

petit mépris,

comme

d'eux-

pierre d'infamie qui pesait sur

notre front.

Avant

cette guerre on respirait un air impur. Des calomnies couraient par toute la terre contre

69


INTERROGATION les

hommes de

ce temps-ci.

Ceux qui

parlaient de déca-

dence, sur eux confusion et malédiction.

Nous

avions des

pour nous,

Nos

et

ils

Hommes

dont

le

chant témoignait

ne nous croyaient pas.

athlètes relevaient l'échiné

humaine

et

ils

ne nous

croyaient pas.

Il

que nous ébranlions

fallut

la

vieille

machine de

guerre.

Alors

ils

ont été écrasés, ces

hommes de peu de

foi

hommes qui ne croient pas à l'homme. Nous nous sommes levés et nous avons surmonté. Dans l'histoire on ne parlera pas de nos pères vaincus, on dira que nous fûmes des hommes neufs nés de pères ces

obscurs.

Et

nous qui engendrons.

c'est

Nous engendrons dans notre

La

la

douleur de cette guerre

joie.

joie

de notre force,

la joie

de notre triomphe.

Entre autres choses, nous avons

fait

La Marne

et

Verdun.

Nos

pères firent Sedan puis y pensèrent sans en parler.

70


CHANT DE GUERRE Par delà des

comme

générations

nous

souillées

immédiats géniteurs ceux de 93

réclamons

et tous

ceux de

nos ancêtres qui furent vainqueurs.

ou

Tradition

sang de

la

révolution

la

dans

continue

vie

France qui en nous se

le

revivifie.

Nous ne sommes pas « Fin de siècle », nous en commençons un autre et nous le façonnons, de mains de maîtres, selon notre rêve vivant.

En

nous, par

Empennés diers,

la

ou

Terre, l'homme renouvelle ses gestes.

nous défions

l'attirance

taire, avion, flèche

Accomplie

:

dans

mer

la

atavique

dardée contre

humain

la réalité.

l'eau et

du centre plané-

la loi.

projeté sur

le

futur devra être

Le poumon supporte

le

poids de

la

et l'action est rêve, le rêve est action.

Affouillement

dans

;

légende de Jonas après celle d'Icare

la

et ainsi tout rêve

lourde

quatre vieux éléments

terre et le feu.

l'air, la

Arrachement à

lu

les

ou grena-

pionniers

d'acier,

écaillés

de

la

Terre.

La

perforeuse

atteint

sape un enfer plus horrifiant que celui qu'Orphée

força.

Enfin

le

jeune grenadier raidi sur

but héroïque, recrée

la

gloire

71

de

le

parapet dans

l'athlète,

le

vraie joie


INTERROGATION de l'homme sur Ici

sive d'été, balançant la

geste

explosive.

musclé qui se délie dans la

l'air

se

profila

guerre.

balle annonçait la grenade.

Certes

la

guerre n'est pas

Et plus tard rite

pomme

d'une offen-

soleil

geste joint notre guerre à notre paix.

précurseur avant

La

stade.

l'enthousiasme se suspend, culminement.

Vision du grenadier demi-nu, au

Ce Ce

comme un

courbe

sa planète

les

le secret

hommes

se

de notre grandeur,

passeront de ce vieux

pour manifester leur puissance.

Nous ne

l'avions pas attendue

pour atteindre

les cul-

minantes performances. Et

la

paix

par

aussi grande et

quoi nous

ouvrîmes

le

siècle

était

neuve que notre guerre.

Elle n'était pas la paix de nos pères. Elle était forte.

Nous

n'en avions pas banni

la

mort que l'homme

attoucher chaque jour pour être digne de

Nous terre

l'assaillions

et

doit

la vie.

dans une ronde autour de

la

nous l'entraînions pêle-mêle avec nos aventures.

Alors nous faisions déjà

la

72

guerre à ces quatre vieux


CHANT DE GUERRE éléments, à cette nature dont nous

sommes

les

fils

dévorateurs.

Aujourd'hui

commun

les

hommes en

effort leur

s'étreignant écrasent d'un

nature insoumise qui

les force

aux

conflits.

Et pour que nous connaissions toutes je souhaiterai cette fatale victoire

Dans

de

la

les

victoires,

Paix.

toutes les vallées nous hérissions des cheminées

Et

altières.

Monde

c'était

nos canons rouges érigés contre

le

qui s'oppose à notre bonheur humain.

Mais gare équipe de

:

l'humanité,

une

à cette heure, trempe

titans.

Donnez-nous d'autres

Nous narguons terne pour

une

ciels à escalader.

déjà le soleil et tandis qu'il

lan-

fait

face de la Terre, les frénétiques fulgu-

du front européen s'élancent aux profondeurs du monde. Voyez l'hémisphère délirante de combats roule les

rances

jaillies

:

mille

yeux hagards de

turne,

que jonchent

ses projecteurs

les

dans l'espace noc-

fusées pathétiques.

Action. Il

nous

est

donné de

jouir d'un plein contentement.

73

6


INTERROGATION Nous n'avons pas menti à Nos pieds s'implantent

devise de notre génération.

la

solides

dans

les

débris

de

formules. Fi de leur Tradition.

Nous avons

tué bien des maîtres

nous sommes encore forts. Nous casserons les ministères et les casernes. Nous poserons des usines ici et là nous ouvrirons des

et

stades.

Fi de leur Révolution

:

nous avons restauré

la

guerre,

ce jeu des cruels adolescents.

Dites

camarades,

donc,

qu'est-ce

qu'un

parti

politique ?

Nous sommes

tentés par

tous

les

grands rêves

et

nous en faisons de grandes actions.

Et nous saurons

faire

une Paix comme nous avons

mené la Guerre. Nous brandirons nos grues d'acier. Avec du ciment armé nous dresserons

le

monument

de notre Force. Et pour que nos enfants l'ignorent toujours nous y enterrerons sous des amas

Nos

angoisses de l'avant et nos reniements de

rière

que nous aurons surmontés. 74

l'ar-


IV


ACCROISSEMENT DE L'HISTOIRE Et

et si la

nous n'avions plus

si

par

les territoires

l'histoire

ne se ruait plus

haine

en qui est tant d'amour, puissant amour qui se défend et

si

aucun

homme

ne

hissait plus par dessus les autres

couleurs d'un orgueil et

les

si

ne se déployait plus

l'injustice bariolée et si

on tondait

Et

en rond sur

si

les désirs ? la

boule

les

peuples ruminants n'avaient

plus d'histoire ?

Mais

voici ce

que font encore

Nous sommes Nous n'avons

las

les

hommes d'aujourd'hui.

des histoires passées

pas renié notre âge pour des temps mal

connus.

Nous avons

rejeté la

honteuse nostalgie des temps révo-

lus.

77


INTERROGATION Nous avons afin qu'ils

tué les morts une seconde fois

ne soient pas plus nombreux que

Notre guerre a éventré le

Nous n'avons point

goût de vivre sur un ossuaire.

Nous avons de

les cimetières.

les vivants.

fait

de

l'histoire. C'est

autre chose que

la lire.

L'édition s'accroît des lourdes lignes horizontales épi-

ques de notre chant.

A respirer notre fauve présent le vertige noyés d'être dans

le

nous a contour-

temps épars

nous nous sommes retournés

et

nous étions parmi

d'irradiants devenirs.

Nous avons et

retrouvé

le

sens solennel

nous avons joui de notre temps dans un émoi.

Ainsi on voit dans un désert silencieux

soudain immensément gonflé d'orgues défiler

une

civilisation d'outre-histoire

tacite et fardée

du

sourire énigmatique.

78


PEUR DE LA PAIX Je suis tourné vers ceux qui portent

quiétude et

je crie

le

le

1

in-

vers eux.

Vers quel leurre de grandeur attrouper n'y a plus

don de

les foules s

il

prestige grossier des combats.

chemin de nos

Hélas, elles ne prendront jamais

le

bibliothèques. Elles sont arrêtées au

cméma. De l'alcool « panem et cir-

et des drogues et des films voici notre

censes

»

deux mille ans après.

Et regardez

la

populace des riches qui digère parmi

beauté de

Regardez cette avant-garde

toute

la

de

foule dans la paix béate et qui tourne court et

la

qui se couche

la terre.

comme une

bête butée.

Si nous les tirions de l'ornière séculaire

rions-nous

les

mène-

?

Si les foules

brouter

mordaient à

l'esprit et

commençaient de

les idées ?

Si nous connaissions

un

universel

79

assouvissement de


INTERROGATION raison,

veaux sages

?

Mais sans génie

pensée n'est qu'un fade ruminement.

la

heureux

tous

étaient

S'ils

ne bourgeonnait plus que des cer-

la terre

si

quelle

tristesse

descen-

drait sur nous.

avez-vous vu votre paix ?

Pacifistes,

L'homme

finira-t-il

comme un

boutiquier retiré des

affaires.

Si toute chose est enfin à sa place,

de translation,

le

mouvement

Je ne vois pas

la

paix

Que

monde

sera le

sans

le

Hélas, aplati au fond de

sous

la

mais Il

ne

douleur,

je n'ai

de

finit.

?

tranchée, sous

mon

sac et

m'est arrivé de souhaiter votre néant,

du

salut des

hommes mais de

garder

l'esprit

Votre idéal fut

mon

drame

pu m'en contenter

s'agit point

le trésor

Voici

il

n'est plus besoin

s'arrête, le

mal la

il

cri

ma

honte

profond

:

j'ai

peur de votre paix

Je ne vois pas. J'ai peur

Mais

je

veux bien vous

jeter cet

aveu

Cette guerre démocratique est morne et sa monotonie s'allonge

comme une

paix sans vergogne.

80


PEUR DE LA PAIX Où

du premier temps ? quelques moments inénarrables

sont les magnificences

pourtant çà et alors

l'homme

est

en proie à Thallucination sacrée

moments du monde.

et toujours je reviendrai à ces

rédemption de

l'ineptie

Telle est la nature des

hommes. Le malheur

les

rend

supportables.

En Champagne d'angoisse sur

j'ai

ma

pleuré dans

la

misère insigne qui

tranchée comble était celle

de cette

je n'oubliais

pas ces

foule crucifiée.

Mais

c'était la foule

visages

pourtant et

implacablement

manche de paix

je les scrutais

quand

un diavec un grand amour de

fermés

tout

seize ans.

guerre, tu es pour ces foules la divine inquiétude

qui laboure

le

génie

comme

la

première charrue mord

une plaine fumée par de longs combats. Voici venir

le

Nirwâna des occidentaux

:

l'Interna-

tionale.

Ces foules qui ont tant ahanné au long des époques qui s'appesantissent et qui veulent dormir. 81


INTERROGATION Nous

avions déjà eu ces siècles de la paix romaine

sans une œuvre de l'esprit, cette grande torpeur de l'Empire Méditerranéen derrière ses trente légions payées.

Non Aryens

Sémites du couchant ne nous aban-

et

donnons pas.

Ne

chauffage central

véhément

soleil.

Voici que

j'ai

nous laissons pas asphyxier par

comme

les

Indiens au trop

prononcé des paroles dangereuses.

humain qui

N'ai- je pas renié l'idéal le

cédèrent

le

fut

composé devant

feu primitif et qui est de ne pas souffrir.

Mais

je n'ai

point confiance dans l'homme,

il

ne vaut

rien sans sa souffrance.

Si tu fuit

romps un des pôles

de

contraires

l'énergie s en-

la pile.

L'âme de l'homme

si

elle

ne se

roidit plus

dans un

défi, elle se cassera.

Grande Paix n'est-ce pas le plus beau défi nature et pour l'homme un beau risque de mourir.

Mais à

la

la

82


INTERROGATION DE LA PAIX Je ne réprouverai rien de la vie.

Je banderai la

louange sous

poids de

le

la

paix et de

m 'être

soumis avec zèle à

la séculaire nécessité

guerre, n'accueillerai- je pas cette paix irrévocable

que proposent des co-respirants de mon

Ne me

livre-t-elle

bonne nouvelle que

pas à eux

Tout ce qui le salut.

cesse,

est

lié

air ?

cette doctrine

j'affirmai sans retour

(adieu totale vérité car tu ne

la

la

guerre.

Après de

ma

nouveau

me

de

la

:

suffis pas).

est bon, hors

du neuf point

L'humanité ne perdure qu'en se reniant sans

en tuant d'âge en âge sa

révolution est

démodée

vieillesse. Ils disent

que

!

Et puisque tu ne sens dans

le

monde qu'une

ne reconnaîtras-tu pas cette force qui est dans

«

force

la paix.

Ce triomphe de l'effort humain pour vaincre le monde. Vas-tu trahir l'homme et passer au parti du monde.

83

»


INTERROGATION Ne

vas-tu pas soutenir

l'homme dans son

Généreuse séduction de Risquons toute

la

la paix,

Un

de

je

veux goûter

la paix.

cri sollicitant fut poussé par des hommes.

Pendant est

son risque.

grandeur humaine,

cette vie abstraite et dépouillée

décisif défi.

la

advenu

paix alors que

le

fer

reposait à terre,

il

qu'ils saisirent l'antique instrument.

Et tandis que leurs poings qui voulaient briser se tordaient sur sa rigidité, «

ils

clamaient avec ferveur.

Ecoutez-nous.

Quelque chose d'extraordinaire a surgi en nous nous

incite.

Une

forte vie se raidit. Elle ne veut plus être tuée.

et

Elle ne veut plus tuer. Elle aspire à prospérer sur cette terre avec

moins de

souffrance.

Ne

dites pas frères,

ne dites pas que nous sommes des orgueil-

leux et que nous avons conçu témérairement

de changer

les

rudes habitudes de

k

84

dessein

vie qui sont

tuer ou d'être tuée pour avancer dans

métamorphoses

le

de

ses fréquentes


INTERROGATION DE LA PAIX Il

n'est

que

la vie.

Toute parole sort de la vie. Ecoutez donc cette parole de paix.

La

paix est dans

aujourd'hui

dans

nature

comme

la

guerre, peut être

changeante, veut-elle se renouveler

la paix.

Ecoutez-nous terez

la

la vie

comme

;

ensuite vous ricanerez et vous insul-

c'est votre pouvoir.

Nous ne sommes rien. Nous vous La vie est en nous et parle.

disons

:

Elle se révolte contre ses lois.

Elle voudrait se renouveler par des morts heureuses, elle

voudrait couler dans

le sein

mûr de

la paix.

La vie semble lasse de manifester ses renouveaux au moyen des cruels meurtres et molestations.

85


INTERROGATION La

guerre pour nous, nés dans un temps de longue

paix, parut

une nouveauté merveilleuse, l'accomplisse-

ment qui n'était pas espéré de notre jeunesse. Nous voulions épuiser la vie dans un irréparable élan.

Or, doute que

la

paix nous eût assouvis aussi magni-

fiquement.

A

hommes éduqués

nous autres, jeunes

orgueilleux de Nietzche et

de

par

une fraîche

La

séduction

persiste,

après

verbe

Adam, du monde

Paul

Barrés,

Maurras, d'Annunzio, Kipling, excitateurs occidental, la guerre offrit

le

tentation.

aussi

l'épreuve,

forte

nourriture de notre souvenir que de notre attente.

Voici

le

bloc de pierre unique, sur quoi

maçonner nos pensées après

Nous ne pouvons pas introduit

une solennité dans notre

faisait sentir

nous faudra

il

guerre.

regretter la guerre.

rions plus des événements

nous

la

vie

humains

La

guerre a

que nous n espéet

dont l'absence

dans l'homme une perte.

Non, une vulgaire hallucination de pas égarés en août 1914.

86

foule ne nous a


INTERROGATION DE LA PAIX Soudain nous fondâmes à nouveau dans

la

vie

de

grandes espérances.

La

guerre nous

au noble Et

recroire

non pas au progrès mais

effort libre d'espoir.

ne

il

qui noie

fit

pas

s'agit le

ici

d'une ivresse impersonnelle

contemplateur de gestes humains soudain

plongé dans d'aussi véhémentes occurences.

Mais

parle

je

ici

d'une expérience dont chacun arrondit

son bien particulièrement. Il

vrai qu'avant

est

n'avais

la

guerre, étant

connu aucun moment de

l'amour, ni

le

la vie, ni la

la

rencontre de ces grands événe-

la paix, t'eût

procuré une émotion aussi pro-

fondément engravante, que ce face à face avec militaire, cette et cri

Dans la vie

soleil

la la :

la

mort

immersion à pleine humanité souffrante

triomphante, lâche à vomir ou héroïque

de

mort, ni

triomphe.

Mais doute que ments dans

jeune, tu

très

comme

le

trompette.

tranchée se révèle

Tu

es

de

le

revers insoupçonné de

l'autre côté et tu envisages l'effarant

des mystiques.

Descente aux enfers, voyage au pays de dimension.

87

la

quatrième


INTERROGATION Nous ne pouvons pas Alors

la vie s'est

renier des minutes inoubliables.

surpassée à nos yeux étonnés.

Non, nous ne pouvons pas elle,

la vie

renier notre guerre. Par

nous parut plus adorable

et

nos ferveurs

furent renouvelées.

guerre, hallucination

L'ennemi

est

comme

un dieu devant

l'amour

toi

Ces grandes densités tourbillonnantes d'amour

Qui s'agrègent par

les plaines

Où Un

ordre de rangs et de

Et

le

soudain se dessme

grand élan des

files

attaques

tremblantes

et

fer-

ventes

Et

le

désir qui épouvante l'armée d'embrasser l'en-

nemi.

88


INTERROGATION DE LA PAIX Mais parmi

les

jours,

m'en

je

traînant

vais

ce

cri

poussé sous l'imminence de l'obus

Ce cri de révolte Ce cri qui est issu de moi,

ce cri

que

mis au monde

j'ai

dans une évidence maternelle. Il

est parti

d'un

mon

en

repli

corps

creux que

si

je

ne pourrai extirper son germe par nul reniement. Il

me

Ces

faudra l'avouer jusqu'à

jours-là, je fus celui qui crie

donc parmi ceux qui

Je fus

Mais Il Il

la fin

est

je

ne

aime pas

les

et

«

de

non

crient «

ils

me

ma »

à

non

»

vie. la

douleur.

à la douleur.

font peur.

en moi plusieurs vérités

y eut ce

ventre et

il

cri

de

ma

de

mon

mon

mtel-

chair, cette plainte

y eut aussi la parole vénérable de

ligence.

Et devant

elle,

qui suis-je ?

Elle m'humilie dans lois

de

la

ma

petitesse et

me soumet aux

grandeur.

Elle m'assigna la besogne

du

soldat d'infanterie, qui

use ses pieds, qui se traîne contre des propos où

la

vie est

la terre, et

qui tient

une chose honteuse. 89

7


INTERROGATION Prudente, avilie

raya avant qu'ils sortent de

elle

de lassitude tous mes reniements.

Qu'importe ce que

me

ma bouche

j'ai

dit

dans

la

terreur

quand

je

trouvais devant la mort

Si d'abord je fus celui qui résolut de J'ai fait ce

nerfs, et

que

mon

j'ai

rencontrer.

pu, mais l'âme s'enfuyait de

mes

corps se relâchait.

Et quand l'obus qui savez,

la

arrivait sur moi, (ô

mes camarades

vous en prends à témoin), plus rapide dans

je

une avalanche de sur

le rail

De

l'âme de

souffles

que

la

locomotive qui fond

prosterné

ma

de mes plus vives

chair,

fibres,

quel

ressac d'horreur, de révolte, haine.

Quel

cri

ma

arraché de

gorge par un poing qui y

aurait fouillé et tordu.

Vérité qui poussera son hurlement hors de moi jusqu'à

ma mort où

elle

rebondira d'une sonorité suprême.

Cri aigu qui perce

Ecoutez, dilaté

mes

une

c'est

de nouveau

os jusqu'à la moelle.

vieille

mon

gosier

L'humanité ne veut pas

Trop

atroce, ce

clameur humaine qui a :

souffrir.

sifflement

90

de

l'obus, ce

souffle

qui


INTERROGATION DE LA PAIX s'abat sur vous, cette ler

comme

si

masse qui

s'affale et fait tout oscil-

soudain fonçaient trente trains.

Alors une volonté forcenée se noue, et voir et je ne veux plus

voue

ma

je

ne veux plus

que des hommes voient

et je

vie à détruire

Je jure que

la

nature ne connaîtra plus longtemps cet

insolent assouvissement sur les

Là-bas de l'autre côté du

Dans nos corps paix, par nous le

tir

hommes.

de barrage, une

vie.

suppliciés ne portons-nous pas

monde ne

veut-il pas connaître

une une

nouvelle création ?

Nous, hommes d'aujourd'hui, deur qui nous dépasse.

il

Ce vœu ne

n'est

aucune gran-

paraîtra pas trop fier

à tous ceux qui furent au centre de l'explosive horreur.

Cette volonté d'étouffer sous la

la

cendre

la

plus froide,

plus épaisse, toute étincelle après cette guerre, total

incendie. Elle

jaillit

de nous dans l'angoisse du combat, aussi

dure, aussi raide que l'éclat décoché par l'obus qui se casse.

91


INTERROGATION Ah

laissons

!

sujet

d'une

ceux qui n'y furent pas vaticiner au

fatalité

contre quoi,

du fond de notre angoisse et

la

mille et mille obus tombant en tous sens

pas d'un

homme

tranchée,

inénarrable, (quand la terre

qu'une seule bouillie malaxée par

n'étaient

l'air

du fond de

ivre)

nous lançâmes un

comme

cri

du sang de notre gorge. Avant que la lourdeur du fait nous écrasât, prises avec la menace Beaucoup attendaient ce cri décisif, cette

les

de haine

teint

de

étant

aux

libération

la chair.

Peut-être sous forme d'une levée des paresseuse.

Vous

mes hommes de

la

tranchée

hommes

à tête

contre des

maîtres fatigués et monotones.

Or

ils

se levèrent et

de leur force nouvelle née écla-

tèrent toutes les prophéties,

Mais selon

Hommes

l'ancien rite

de

la

si

la

guerre.

paix prochaine, écoutez une dernière

fois cette angoisse

grandeur

de

de l'Humanité qui se prive d'une

longtemps chérie, qui s'arrache à

92

la

guerre.


THÈME MÉTAPHYSIQUE DE LA GUERRE Et quand

une

le

305 accourut sur

le

long

rail

de sa clameur

étincelle se raviva sous le souffle

Parmi mes stupeurs consumées Je suis donc, je

A cette

elle pétilla:

pense encore.

seconde une explosion lyrique m'ouvrit à l'épa-

nouissement du cratère,

Toute ma

vie je resterai l'inconnaissable initié à cette

lueur indicible.

Je fus dans un tonnerre la

pensée du

Qui

monde

jouit d'être jusqu'au

Voici

la nécessité et

donc

paroxysme de l'éclatement.

la

plénitude de l'homme sur

sa planète.

L'homme

est

au milieu du monde, au milieu des

choses qu'il voit dans ses yeux.

93


INTERROGATION La pensée du monde est le verbe, l'esprit

est

dans l'homme. Dans l'homme

qui crée.

Le verbe monologue par la bouche humaine. Dans son élocution continue, il prononce des noms et ainsi

des êtres sont créés.

L'homme à perpétuité parle aux murs. La vie est une parole solitaire. Voici

la

plénitude,

l'homme sur

En l'homme

le

triple

accomplissement

de

sa planète. le

verbe éternel (rien ne se perd, rien

ne se crée) promulgue

trois

noms, crée

trois personnes,

trois porte-parole pour le dialogue irréel

:

Dieu la

femme

l'ennemi.

Telles sont les trois œuvres terrestres

:

Se donner un Dieu Se donner une amante Se donner un ennemi. Ainsi l'homme s'occupe sur sa terre avec

l'amour et

la gloire

la

(Silence sur l'art qui est

sur tous ces agissements).

94

religion,

un regard


THEME MÉTAPHYSIQUE DE LA GUERRE L'homme pour

vivre a besoin d'englober à

des forces qui

paraissent extérieures

sent au

lui

pôle

contraire

et

un pôle pour que s'amas-

se fortifient

propres

ses

forces.

Correspondance de

métaphysique à

la loi

sique. Eternellement le sujet s'oppose

Ainsi se borne

la

pensée du

O vie je

saisis

L'homme

que tu

es

scelle sous

faire.

l'œil.

il

un Dieu pour ramasse tout

le

s'expliquer le

mystère,

il

le

son adoration.

L'ayant produit la

objet.

une mystique.

se révèle

monde. Dans ce nom

phy-

loi

monde dans l'homme.

Et nous ne voyons rien autre chose à

Triple prestige projeté par

un

la

veut

il

le

réduire par l'amour, par

mort.

— L'homme

tire

une âme.

crée encore cette nécessité en face de

Il

de

soi ensuite la

femme,

il

lui

prête

soi.

L'ayant extraite,

il

veut

la

retraire,

par l'amour, par

l'absorption de l'amour parfait.

Enfin,

crée

l'homme pour

varier son divertissement se

un ennemi. 95


INTERROGATION Ennemi de guerre qui tue Ennemi de paix qui nie. Il

souhaite

du Le

vaincu.

la

victoire,

sujet éjacule

un

car le vainqueur avale l'âme

objet et par la connaissance

le

résorbe.

Eternel onanisme

du Monde.

Mais

il

dans l'homme

ment

et d'anéantissement, la force

est aussi

la

force de disperse-

de mort.

Mort, défaite du vieux, dissolution des

vieilleries.

Donc, des hommes tuent Dieu (ou

connaissance

la

absolue).

D'autres tuent l'amante et l'amour. D'autres veulent tuer l'ennemi en tuant

Mais un

homme

pour raffermir

ne nie pas

commandement de

vie.

Rares sont

les zélateurs

Voici

des choses en ce temps-ci

l'état

néant.

Beaucoup d'entre nous ont tué Dieu 96

guerre.

les trois objets. Il nie l'un

l'autre, tel est le

du

la

:

la


THEME MÉTAPHYSIQUE DE LA GUERRE D'autres ont tué l'amour

Pourquoi ne tuerions-nous pas

Nous ne

la

guerre ?

faisons plus d'enfants, nous ne ferons plus

de cadavres. Nos femmes ne veulent plus être

le

dou-

Nous ne voulons plus être douloureux cadavre que l'on tue. En nos femmes la

loureux cadavre qui enfante. le

vie se fatigue

de former de nouveaux corps promis à

l'injustice d'être cadavres.

Le

laboratoire ne peut pas vivre à côté de la caserne.

Oui ou non l'ennemi de l'homme

L'homme doute de

sa création.

est-ce la douleur ? Il

rit

du Dieu

qu'il a

fait et le rejette.

souille

Il Il

son amour avec une bouche prostituée.

n'a plus la force de se créer

une haine

et

un ennemi.

Renonçons, renonçons. Jusqu'au bout poussons

De

par

le

Mais moi

monde

il

faut

il

le

y a un

que

je

progrès. effort vers le néant.

me

sépare de tous ceux-là.

J'irai vers ces autres qui toujours tendent sur

les

le

monde

bras pour rassembler ses harmonies en déroute.

Une

certaine

amante ne viendra jamais. 97


INTERROGATION voudront m 'avilir qui

Des femmes

m'annonceront

qu'elle est venue.

Par

la

guerre

je

connus un grand amour.

Si tu vÊnères l'Amour, n'insulte pas

98

la

Guerre.


TABLE DES MATIÈRES


TABLE DES MATIÈRES I

PAROLES AU DÉPART TRYPTIQUE DE LA MORT

PAGE PAGE

9 13

II

DÉPART DES HOMMES PLAINTE DES SOLDATS EUROPÉENS JE NE VOUS AI PAS MENTI, HOMMES SILENCE

PAGE PAGE PAGE PAGE

23

27

35

39

III

EXPLOSIF

RESTAURATION DU CORPS PART DU FEU CASERNE HAÏE A VOUS. ALLEMANDS

CHANT DE GUERRE DES HOMMES

PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE

45

PAGE

69

49 55

59 63

D'AU-

JOURD'HUI IV

ACCROISSEMENT DE L'HISTOIRE PEUR DE L^ PAIX INTERROGATION DE LA PAIX THÈME MÉTAPHYSIQUE DE L-X GUERRE.

.

.

PAGE PAGE PAGE PAGE

77

79 83

93


ACHEVÉ D'IMPRIMER PAR L'IMPRIMERIE BELLENAND A FONTENAY- AUX -ROSES LE TRENTE AOUT 1917


mx


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