14575*— TROIS IDÉES POLITIQUES
CHATEAUBRIAND MICHELET SAINTE-BEUVE PA
II
CHARLES MAURRAS III
ITIÈME ÉDITION
En
dépit de la voix haute et saludes lois de gradations qui pénètrent si vivement toutes choses sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour étataire
blir
une démocratie universelle.
Eogard Poe.
PARIS LIBRAIRIE ANCIENNE
HONORÉ ET EDOUARD CHAMPION, EDITEURS 5,
QUAI MALAQUA1S, 5
1912
:
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Jean Moréas, étude
littéraire.
r
Brochure.
Le Chemin de Paradis, contes philosophiques,
i
vol.
L'Idée de la décentralisation. Brochure. Antiiinea, d'Athènes à Florence,
i
vol.
L'Avenir de l'Intelligence. Auguste Comte, féminin. Mademoiselle Monk.
i
Les Amants de Venise (George Sand
et
Un Débat nouveau sur la République (en collaboration avec
MM.
Romantisme
le
vol.
Musset),
i
vol.
et la décentralisation
Paul Boncour, Joseph Reinach,
Clemenceau, Xavier de Ricard, Varenne, Clémcntel, Libéralisme et Libertés
:
Le Dilemme de Marc Sangnier, Essai gieuse,
i
sur
la
démocratie
vol.
L'Enquête sur la Monarchie (1900- 1909).
EN COLLABORATION AVEC Si le
coup de force est possible,
H.
i
i
vol.
1
vol.
DUTRA1T-CROZON vol.
EN PRÉPARATION La Politique religieuse,
etc.
Démocratie et Peuple. Brochure.
:
reli-
LL
A ÉTÉ TIRÉ
6 exemplaires sur papier du Japon, numérotés et
1
à 6
25 exemplaires sur papier Hollande de Van Gelder, numérotés 7 à 31
?&
Mi 1113.
M. En
PAUL BOURGET
souvenir des justes conclusions d'Oulrc-Mcr.
u
y
Nous devons chercher
rattacher
par
ce qui reste de la vieille
France
et
nous
toutes nos fibres, retrouver la province d'unité
naturelle et héréditaire sous
le
Vautonomie municipale sous
département
artificiel et
la centralisation
morcelé,
administrative, les
universités locales et fécondes sous notre Université officielle et
morte, reconstituer protéger
le
travail
la famille terrienne
par
le
à la vie religieuse sa vigueur
budget des cultes et
le
par
la liberté
de tester,
rétablissement des corporations, rendre et
sa dignité par
la
suppression du
aux comme sur les
droit de posséder librement assuré
associations religieuses, en
un mot, sur
autres, défaire systématiquement
ce point
Vœuvre meurtrière de
la
Révo-
lution française. »
Paul
BOURGET,
Outre-Mer, T. IL
A.VANT-PROPOS
NOTE A L'EDITION DE
1912
L'année 1898, traversée d'agitations profondes, ne pouvait manquer d'introduire la politique et la religion le dans ses trois grandes commémorations littéraires :
centenaire de la naissance de Michelet, le cinquantenaire
de
la
mort de
Sainte-Beuve.
Chateaubriand,
Mes
l'érection
réflexions d'alors
du buste de
aboutirent
à
des
conclusions générales qui n'ont pas perdu tout leur intérêt aujourd'hui, car elles
ne furent pas étrangères à
la
fondation de notre Action française sept mois plus tard.
Je leur dois mes premières relations intellectuelles avec quelques-uns de ceux dont je suis le collaborateur depuis quatorze ans.
Ce souvenir précieux me
donner l'amitié que je garde à ce
fera par-
petit livre et le plaisir
j'ai cédé à mes vieux amis les éditeurs Edouard Champion, quand ils m'ont proposé de le réimprimer dans la maison où il a vu le jour. Il me paraît bien vain d'y changer grand'chose, hormis quelques paroles aiguës que j'ai plaisir à effacer. S'il
avec lequel
Honoré
et
tout récrire, je n'aurais pas de peine à m'abstenir d'un certain courant d'épigrammes. L'expression d'un sentiment qui se cherchait encore côtoie ici, à chaque
fallait
ligne, le formulaire d'une pensée qui se trouvait.
Les défenseurs de l'anarchie démocratique
et libérale,
seuls visés et atteints par la direction générale de
ma
cri-
manqueront pas de la représenter de nouveau comme ennemie secrète d'une organisation religieuse que je vénère. C'est pourquoi il ne m'a pas semblé inutile de tique, ne
fixer,
dans cette nouvelle édition, page 61, en note, la l'intention calomnieuse acharnée à
preuve décisive de dénaturer
ma
pensée.
Cn. M.
AVANT-PROPOS
Je ne
traite
pas de Chateaubriand, de Michelet,
ni de Sainte-Beuve;
mais on n'a point
Sainte-Beuve, de
Michelet,
dans
dont
les solennités
ils
de
traité
Chateaubriand
ni de
ont fourni
le prétexte.
Je veux parler de ce qui fut l'unique sujet des discours et des écrits publiés à propos de ces trois écrivains. Je dirai quel sens politique peut être sans
erreur prêté à leurs ouvrages. faute
si
Que se
Ce
n'est pas de
ma
on leur en a prêté un. les partis
en quête d'un aïeul représentatif
trompent parfois de grand homme, je n'y peux
rien
non plus
l'erreur
s'ils
;
ils
m'auraient épargné de relever
l'eussent
d'abord
évitée.
Comme
AVANT-PROPOS
VI
disent les philosophes, tout cela m'est donné. Mais,
sur cette donnée, je il
me
me
préoccupe d'avoir raison
;
semble douteux que ces réflexions souffrent
de conteste sérieuse.
La
vieille
France
de Chateaubriand,
croit tirer
elle
se
un grand honneur
trompe. La France
mo-
derne accepte Michèle t pour patron, mais
elle
trompe à son tour. En revanche, ni l'une ni
l'autre
des deux Frances ne nous montre
de Sainte-Beuve;
Beuve peut
les
c'est
un
se
souci bien vif
encore une faute, un Sainte-
remettre d'accord.
CHATEAUBRIAND ou
L'ANARCHIE La soumission est du perfectionnement.
la
base
Auguste Comte.
I
CHATEAUBRIAND OU
L'ANARCHIE J'admire surtout l'égarement de
Régime ancien dont
elle
garde
la vieille
France. Ce
la religion, l'Etat français
d'avant
dix-sept cent
quatre-vingt-neuf,
chique,
hiérarchique,
syndicaliste
et
monar-
était
communautaire;
tout individu y vivait soutenu et discipliné
:
Chateau-
briand fut des premiers après Jean- Jacques qui firent
admettre
et
aimer un personnage
dans l'orgueil
La
vieille
et l'ennui
de sa
France avait
comme
isolé et
perclus
liberté.
ses constitutions propres, nées
des races et des sols qui la composaient
:
les
voyages de
Chateaubriand aux pays anglais marquent, avec ceux de Voltaire
et
de
Montesquieu,
l'anglomanie constitutionnelle;
premier goût pour libéralisme, cabinet.
les plagiats
les il
dates mémorables de
ne guérit jamais de son
du système britannique,
gouvernement parlementaire
et
régime de
TROIS IDEES POLITIQUES
La
France avait
vieille
l'esprit classique
et,
juridique,
,
aux rapports des choses
philosophique, plus sensible
qu'aux choses mêmes,
1
jusque dans
les récits les
plus
libertins, ses écrivains se rangeaient à -la présidence
comme
la raison;
Athéniens du v e
les
arrivée à la perfection
du génie humain
élégante expression de «
procédé logique
le
aux animaux
laissait
M. Boutmy,
»
au
avait, selon
procédé intuitif
«
une
réussi à substituer
aux barbares
et
de
siècle, cette race
», qu'elle
Chateaubriand
:
désorganisa ce génie abstrait en y faisant prévaloir l'ima-
communiquant au langage, aux mots, une
gination, en
couleur de sensualité, un goût de chair 2 sance dans avant
lui.
le
,
une complai-
physique, où personne ne
En même
temps,
s'était
révélait l'art
il
des peuples du nord de l'Europe. Quoiqu'il
risqué
romantique ait
plus tard
déploré l'influence contre nature que ces peuples sans
maturité acquirent chez nous,
La
vieille
en
il
France professait
est le
ce
premier auteur.
catholicisme tradi-
tionnel qui, soumettant les visions juives et le sentiment
chrétien à la
discipline reçue
romain, porte avec
soi
Chateaubriand a négligé doctrine.
De
la
i.
Voir Voir
la note I. la
note
II.
cette
forte
ces
«
et :
substance de la
prétendue Renaissance qu'on
d'avoir provoquée datent
2.
du monde hellénique
l'ordre naturel de l'humanité
le
loue
pantalonnades théolo-
CHATEAUBRIAND OV
giquee
»,
manque de
ce
H
L w\k<:iiii:
dans l'apologétique,
Bérieux
qui Taisaient rire les maîtres d'Ernest Renan.
de près,
seulement par
diffère
elle
du déisme
resque et les appels aux sens
propagé par
On
Necker.
les
a
Allemands
nommé
catholique », mais
il
dirais plus volontiers
pourpre de Rome.
Il
et
les
un
«
du
un
du
cela
'
salon
épicurien
Je
tout.
le
protestant honteux vêtu de la
a contribué presque autant que
du Christianisme
d'un farouche adversaire de a été le
pitto-
sentiment.il
Lamennais, son compatriote, à notre anarchie Si enfin le Génie
du
Suisses
Chateaubriand n'est point
Examinée
lustre
le
la
lui
religieuse.
donne
Révolution, de
l'attitude fait,
il
en
grand obligé.
Lorsque, ayant pris congé des sauvages de l'Amérique,
François-René elle était
de
Chateaubriand
Ses premières ébullitions furent, dire dans
Peu à peu le
dessus,
un Essai fameux
Voir
patrie,
la
il
est vrai,
pour maupérir.
toutefois, l'imagination historique reprenant il
aima, mortes
leur donna,
i.
sa
ce qui venait d'ainsi
et gisantes,
des institutions
quand
elles florissaient.
qu'il avait fuies jusqu'au désert, Il
retrouva
couverte de ruines qui l'émurent profondément.
note
r
non point des pleurs, mais des pages
III.
si
TROIS IDEES POLITIQUES
12
grandement par
éveilla, Il les
pathétiquement éplorées que leur son
et si
propres larmes.
la suite, ses
bonne
versait de
Cette sincérité allait
foi.
même
jusqu'à l'atroce. Cet artiste mit aux concerts de ses flûtes funèbres une condition secrète, mais invariable geait
que
de solides calamités, de malheurs consommés nitifs, et
pathie,
:
il
exi-
soutenue, sa tristesse nourrie
sa plainte fût
et
défi-
de chutes sans espoir de relèvement. Sa sym-
son éloquence se
incomplètes.
Il fallait
détournaient
que son
infortunes
des
sujet fût frappé
au cœur.
Mais qu'une des victimes, roulées, cousues, chantées par lui dans
le « linceul
vement, ce
n'était
de pourpre
»
fit
quelque mou-
plus de jeu; ressuscitant, elles
le
désobligeaient pour toujours.
Quand donc
la
goût de renaître,
compliments,
faits
gentilhomme ne
monarchie française eut
elle fut
le
mauvais
bien reçue! Après les premiers
en haine de Bonaparte
refusait pas à son prince,
qu'un bon
et
Chateaubriand
punit,
du mieux
que
Restauration infligeait à ses Requiem. Louis XVIII
la
qu'il le
n'eut pas de plus
put
faire, ce
incommode
démenti impertinent
Enfin i83o éclate,
une
i.
ruine
Voir
la
nouvelle.
note IV.
le délivre.
Tous
les
ni
sujet,
ministres de collègue plus dangereux
ses meilleurs
1 .
Voilà notre devoirs
homme
de
sur
loyalisme
ciiATE.vrmu.wD ou l anarchie
deviennenl aussitôt faciles
même
el
agréables
gue, voyage, publie des déclarations. fils
mon
est
roi!
»
Mais
le
II lui
votre
donne
duc de Bordeaux,
M. de Chateaubriand de chanter
au service du dernier
air
regardant
si le
intri-
Il
lui
duc de Bordeaux grandit. Cette dou-
le
ceur est refusée à
grand
:
.
Madame,
La mort de Napoléon
00 irrand coup d'espérance aussi...?
«
1
roi
:
il
le
se console en
dernier trône mis en morceaux.
La monarchie légitime
a cessé de vivre,
ordinaire de ses méditations;
tel est le
sujet
l'évidence de cette vérité
provisoire lui rend la sécurité; mais toutefois, de temps
transporte à la sépulture royale, lève
à autre,
il
drap
palpe les beaux
et
se
mieux préserver de soldat de
Condé
membres inanimés; pour
reviviscences possibles,
le
les
cet ancien
accable de bénédictions acérées et
les
d'éloges perfides, pareils à des coups de stylet.
Ceci est
littéral.
A
gogie, le socialisme,
rend compte qu'il
ses la
façons de craindre
la
déma-
République européenne, on se
les appelle
de tous ses vœux. Prévoir
certains fléaux, les prévoir en public, de ce ton sarcastique,
amer
et
dégagé, équivaut à
Assurément, ce noble
esprit, si supérieur à
gence des Hugo, des Michelet
i.
Voir
la
note V.
les préparer.
et
l'intelli-
des autres romantiques,
TROIS IDEES POLITIQUES
ne se figurait pas
Mais
reur. qu'il
y joie de
nouveau régime sans quelque hor-
le
aimait l'horreur
il
se faire
:
voudrais oser dire
je
manière de Néron
goûtait, à la
un peu mal,
de Sade,
et
la
associée à des plaisirs plus
pénétrants.
Son goût des malheurs historiques jusqu'à
mourut dans
la fin. Il
les délices
canon des journées de Juin
le
avait
entendu
fusillade
la
bien servi
fut
du désespoir;
s'éteignait à peine.
Il
de Février. Le nécrologue
des théocraties et des monarchies, qui tenait
un
registre
des empereurs, des papes, des rois et des grands per-
sonnages
saisis
devant lui par la disgrâce ou la mort,
n'entonna point
le
sur ses tablettes
cantique de Siméon sans avoir mis des Orléans et la chute de La-
l'exil
martine.
Race de naufrageurs rapace et
solitaire,
et
de faiseurs d'épaves, oiseau
amateur de charniers, Chateaubriand
n'a jamais cherché, dans la
mort
et
dans
le passé,
transmissible, le fécond, le traditionnel, l'éternel le passé,
ses
comme
uniques
passé, et la mort,
plaisirs.
comme
:
le
mais
mort, furent
Loin de rien conserver,
il
fit
au
besoin des dégâts, afin de se donner de plus sûrs motifs
de
regrets.
En
toutes choses,
il
ne
l'émouvoir, c'est-à-dire lui-même.
camps, dans
les
vit
A
charges publiques
que leur force de la cour,
comme
dans dans
les
ses
CHATEAUBRIAND OU
livres,
est
il
solitaire
de
idole des le
lui. el la
il
n'est
Floride.
Il
que
L
lui,
ANARCHIE
t5
cnuitede Combouru.
se soumettait l'univers. Cette
modernes conservateurs nous incarne surtout
génie des Révolutions.
Michelet peut-être.
carmagnole
et
On
Il
l'incarne bien
le fêterait
plus
que
en sabots, affublé de
cocarde rouge au bonnet.
la
II
MICHELET ou
LA DÉMOCRATIE En
dépit de la voix haute
et salutaire des loil de gradation quipéiiètmit si \ivement
toutes choses nir
dans
le
ciel,
sensés furenl blir
des
|,,
terre et
efforts
laits
in-
pour éta-
une démocratie univer-
selle.
Edgar Poe. "juc et
Una.)
entre
Monos
II
MICHELET OU
LA DÉMOCRATIE Dans une de André
Gill se
ses anciennes caricatures, le dessinateur
montre généreux envers Michelet
met au bonnet une cocarde des Français.
C'est
même
une largesse du
môme
vient de faire au
tricolore, insigne
auteur
monde
le
nous arrange Michelet en patron de
:
il
commun goût que
officiel.
l'histoire et
lui
On
de l'unité
un arran-
nationales.
Tous
gement
avantageux pour son ombre. Mais beaucoup
si
les
amis de
l'historien acceptent
de Français ont jugé néanmoins
homme comme Un
évêque
le
une aggravation de
s'est
de
centenaire
la fête
du i4
cet
Juillet.
plaint, tout lettré philosophe a haussé
les épaules. Il
temps. les
que
est vrai Il
en
quatre
fait
l'État veille sur Michelet depuis long-
son
cultes
cinquième de
affaire et
reconnus
comme par
privilégié. Partout
sa religion.
l'État,
où
il
le
Outre
en voilà peut san-
un
TROIS IDEES POLITIQUES
20
mettre dans l'embarras ni causer de plaintes publiques, l'État introduit les
œuvres
de son docteur;
et l'influence
voyez, notamment, dans les écoles primaires, les traités
de France,
d'histoire
morale
et
:
manuels d'instruction civique
ces petits livres ne respirent
de Michelet.
A
de ces nouveaux de l'État
que
les « idées »
norma-
Sèvres, à Fontenay, les jeunes
pour aumônier;
liennes ont Michelet
l'action
les
Saint-Cyr.
ne
Je
Fénelon
est le
il
discute point
est ici constitutionnelle
:
je
me
si
contente
de douter que Michelet puisse fournir le service attendu de
lui.
L'État part de cette conjecture ingénue que l'auteur de la Bible de l'humanité «
émancipe
», introduit les
jeunes
esprits à la liberté de penser. Michelet s'en vante beau-
coup. Mais, au son que donnent chez lui ces vanteries, je
crois entendre
un
lourdes chaînes pour
Qui
fut plus serf
ligence,
préposée
d'autres,
ne
se
vieil esclave le
halluciné prendre ses
myrte d'Harmodius.
que Michelet? Cette
aujourd'hui
posséda
à
la
brillante intel-
direction de
point elle-même.
Il
tant fallait
toujours qu'elle pliât sous quelque joug, obéît à quelque aiguillon. et,
Un
esprit
pur
et libre se
en d'autres mots, par lui-même
décide par des raisons :
le sien cédait,
pour
l'ordinaire, à ce ramassis d'impressions et d'imaginations
MICHELET OU LA DÉMOCRATll
2
du sang, du
qui se forment sous l'influence des nerfs,
comme un
menaient
Fort savant, siècle
humeurs
des autres glandes. Ces
foie et
:
il
naturelle-
le
alcool.
aura été des grands travailleurs de son
comme on
aussi instructif
1
un
dit,
que de
bénédictin. Mais rien
saisir les différences
n'est
de l'œuvre de
Michelet et des œuvres bénédictines. Celles-ci, V Histoire littéraire de la
France, par exemple, montrent dès l'abord
un grand
de sagesse
air
de gravité. Avec moins de
et
génie que chez l'historien romantique, elles offrent, page
par page
et
même
phrase à phrase, sans parler des nobles
qualités de la langue, si
un
parfait et si rigoureux,
verselle
ordonnance, une
caractère
un si
tai
et
rationnel,
un
la
style
de l'uni-
sereine force d'esprit
comparaison ne peut tourner qu'à Bien penser, induire
si
vif sentiment
si
que
déduire avec suite, sauve des agi-
ions de l'envie, de la peur et de l'aversion. Les
d'expression, les couleurs vives,
Michelet ne peuvent tenir
la
les
bonheurs
vues perçantes de
place de la raison. Ses avan-
tages naturels ne font que le livrer à plus de caprices fruste,
la
honte de Michelet.
amorphe, enfantin,
il
vagit
quand
les
:
autres
parlent.
J'avoue que ce vagissement peut recevoir historique;
il
peut signifier l'avènement aux
un sens
lettres fran-
TROIS IDEES POLITIQUES
22
mineurs, des enfants, des
çaises des
que
ainsi
Pendant de longs âges,
comme
littérature
héréditaire; la très
« petits
barbares
»,
nomme LePlay*
les
beaux
[les
par
esprits
cléricature
la
les
membres d'une
élite
qui pouvaient naître de
ou du peuple accédaient aux
petite bourgeoisie
honneurs par
France fut représentée, en
la
ailleurs,
:
études de théologie et
les
de casuistique imposées à ces clercs leur procuraient toute la fleur des acquisitions de leur Ordre; le profit de
ce rude et subtil exercice égalait, pour leur affinement
moral
logique,
et
avantages
les
du
d'aïeux. Jusqu'au milieu
gardé sa valeur,
et
s'en est fait
apprenti parisien, n'ait pas connu reille
formation. Saint-Sulpice a
nouveau
l'Université,
;
de Herder
et
même
de Vico, ne
1 :
d'un
presque très
le
soumit
très nette.
Michelet,
petit
privilège d'une pa-
manqué
à cet
homme
renforcée des leçons écrites
suffit
point à lui conférer ses
quartiers de noblesse intellectuelle. tat
le
étoile
une idée
comme un malheur que
série
gymnastique a
Renan, qu'une heureuse
au régime du séminaire, Je regrette
longue
d'une
siècle cette
On
en a vu
le résul-
premier, Michelet a donné ce scandale
grand écrivain français dont la pensée
est
molle,
l'ordre nul, la dialectique sans nerf.
Plus dépourvu parmi
i.
Voir
la
note VI.
les idées générales
que n'avait
UICHBLBT OU LA DÉMOCHATIE
été
Robinson parmi
les
bries et
Michclct se trouva dans la
les
même
*3
plantes de son
île,
nécessité de se faire
des outils sans aucun outil, une méthode sans méthode,
un
de penser sans cerveau. Mourant d'envie de
art
sonner,
taillé
prit le plus court.
il
Comme
des sabots au
de
ou]
moyen d'une bêche
du labourage
si
ou
la fantaisie
lui était venue, Michelet
penser son cœur sur tous les sujets concevables,
Il fit
religion.
même
son grand cœur.
pensée avec son cœur.
la
hommes,
l'histoire des
faits,
utilisa
eût labouré avec la pointe d'un couteau
il
du sabotage' fit
Il
rai-
de
celle
la
crut connaître par le
Il
leurs raisons et leur sens
exercé son
des fractions
1
tœur
Le
.
prodige lui parut inventeur de
à jouer
nature, la morale, la
cœur
les
humain ou aux échecs
causes des
divin
si
parfait
eût
réduire
et à
résulta t*[des opérations de ce 2
il
;
cœur-
qu'il se confessa l'heureux
première des méthodes/ Le cœur de
la
Michelet se promut cerveau, mais cerveau de bien meil-
que
leur ordre
brale
et
les
cerveaux de simple substance céré-
qui ne savent que penser;
conscience,
il
s'institua
juge unique de
divinations de son cœur,
de
christianisme
i.
Voir
la
note VII.
2.
Voir
la
note VIII.
sous
allemand
la
le
vérité.
s'associaient quelque et
de
titre
platonisme
de
Aux
centon syrien,
TROIS IDEES POLITIQUES
24
plusieurs idées antiques comprises vesties
par bonté d'âme,
coururent
et
assez
mal, ou
beaucoup des
tra-
sottises qui
rues entre 1825 et i85o. Cette mixture,
les
réchauffée et dorée au foyer de l'imagination et de la
passion
les
plus belles, donne
comme un humble Corpus fait
rêver d'un Jules Verne
Son procédé la
le
consistante,
de philosophie populaire,
mystagogue
et
et sociologue.
plus familier consiste à élever jusqu'à
dignité de Dieu chaque rudiment d'idée générale
qui passe à sa portée. et
une pâte
Non un
dieu de polythéiste,
fini
balancé par un vaste concert d'autres forces divines,
mais un vrai Dieu au sens chrétien, un Dieu de monorevêtu pour
théiste,
quelques minutes de
toutes
les
perfections comptées par les théologiens.
Ces divinités temporaires se succèdent au gré de sa mobilité
:
tour à tour la Vie,
c'est
l'Homme, l'Amour,
le Droit, la Justice, le Peuple, la Révolution. [Quelque-
fois 'ces abstractions variées se
autres, car Michelet
de distinguer
:
fondent
les
unes dans
manquait à un rare degré de
elles
font masse
contre
un commun
adversaire, qui s'appelle, selon les besoins d'un la
Mort,
la Bête,
tions d'un
gré la
la
Haine ou
les
l'art
moment,
Ces concep-
l'Autorité...
manichéisme incertain nous ramènent, mal-
pompe
des majuscules et l'emphase
premiers bégaiements du haut
du
Moyen Age
style, :
aux
quelques
IIIGHBLET or
moines de grand chemin
DÉKOCRATIB
LA
déifiaient ainsi
a5
confuses et
les
lendres énergies de leur sentiment; mais leurs succes-
condamnèrent
xmiis
font guides la
cette « erreur des aveugles qui se
Lerror
".
de' ciechi che si
fanno
duci.
Dans
Divine Comédie, Virgile explique en deux tercets
son disciple [que, et
1
le
si
cœur produit
mouvement,
matière brute de notre
la
seule qualité
pour tout
Michelet moraliste ignore
la
titres
raison
raison; politique, Il
crée
un
privilège au profit de la non-valeur.
néant des
tout
la
à la vie.
II
jette
Or La
ti
Il
il
n'en
droit et
forge à
au bon
puote apparer quant 'è nascosa
veritade alla gente ch'avvera
Ciascuno amore
in se
laudabil causa,
Pero che forse appar Sempr'esser buona;
E
à
un grand pays
pensant, une race active et féconde, en proie i.
-
diriger.
déni non plus aucun compte réel.
même un
a
l'énergie de la vie
la
sua matera
ma non
ciascun segno
buano, ancor che buona sia la cera.
(Plrgatorio, XVIII, 34-39).
Ce que Dante fallu
dit de
descendre tous
l'Amour
les
se
degrés de
peut dire aussi de la
la volonté. Il a
décrépitude intellectuelle pour
en venir la
à l'état d'esprit de ces modernes professeurs et maîtres de jeunesse qui appellent publiquement toute volonté in se laudabil
causa. 2
.
...la virtu
EdelV
che consiglia
assenso de' tcner
la soglia.
(Pc, XVIII, 62-63).
TROIS IDÉES POLITIQUES
36
plaisir
de ses gueux niais
comme
lui apparaît,
et féroces.
son cœur,
Tout cœur d'homme des oracles et le
l'asile
temple des prophéties, chose divine, inviolable cible.
Théologien des droits de
instinct populaire qui lui
semble
la
et incoer-
multitude
de cet
et
infaillible, justificateur
habituel de toutes les révoltes contre les sacerdoces et les
empires,
hommes
définit les
il
supérieurs
comme
de
simples mandataires et des représentants mystiques de la
populace.
définissait
bien sa propre qualité.
Il définissait
Ce
rien d'autre.
Il
ne
qu'il raconte et célèbre
en
quarante volumes, ce n'est pas l'histoire de la France ni
du peuple
français,
mais
de notre plèbe;
les fastes
ce qu'il en exalte, au delà de tout, c'est deux passions,
nullement particulières à ce pays
et
communes]
masse populaire indiscrètement agitée l'ordre, la furie
On
de
:
à toute
l'impatience de
l'égalité.
a de la peine à penser que cet annaliste d'une
France décapitée, ce philosophe d'une humanité sans cerveau,
même
représente
l'esprit
publics,
de
l'essence
l'Etat.
de
l'esprit
national
en tant que démocrates, aient parfois intérêt
à choisir de ces héros-là
:
mais en tant que Français?
en tant qu'hommes? en tant que gardiens de sation? en tant
même
j'étais à leur place, le
laisserait
ou
Je concède que nos pouvoirs
la civili-
que parti de gouvernement? Si souvenir de ce centenaire ne
point très paisible.
me
MICHELET OU LA i>KM<h.haï
H
27
Us en auront des remords avant peu de temps. Tout ce
déversé dans
bouillonnant Michelet,
d'écoles
naturel
1
milliers
sur des millions d'écoliers, portera son fruit
,
multiplie,
il
:
des
il
accumule sur nos
chances de prochain obscurcissement curantisme), les menaces d'orage,
confusion. Si nos
fils
voisins
de
excuse
dans
la
bête, les
la
les
(à vrai dire, d'obs-
de
discorde
réussissent à paraître
que nous, plus pauvres, plus
têtes
grossiers,
dégénérescence
leçons qu'on leur
fit
et
de
plus sots
plus proches trouvera
apprendre
son de
Michelet. 1. Au 1 4 juillet, le gouvernement de la République, représenté par deux ministres de l'Instruction publique, MM. Alfred Rambaud
Léon Bourgeois, a fait distribuer gratuitement dans toutes les du territoire une brochure de morceaux choisis de Michelet (Hommage à Jules Michelet, 21 août 1798- 9 février 187 U, Paris, Im-
et
écoles
primerie nationale). J'y note des pages sur volontaires de 92, la Marseillaise,
la
fédération de 1790, les
Valmy, qui ne sont qu'un
d'erreurs historiques, politiques, philosophiques.
fatras
III
SAINTE-BEUVE ou
L'EMPIRISME ORGANISATEUR Ildcvxa
eixa
^v ôfAou,
yç,-q\ia.TOt.
vouç
èX6à)v
aura
ôte-
Toutes choses étaient confuses
;
l'intelligence est
venue
les organiser.
Anaxagore,
d'après
Diog.Laert.,11,3.
III
SAINTE-BEUVE OU
L'EMPIRISME ORGANISATEUR Michelet figurant l'inverse du progrès et
briand
de
le
Chateau-
contraire de la tradition, cette double méprise
la vieille
France
et
de
la
France moderne
com-
se
plique, ai-je dit, d'une double négligence envers Sainte-
Beuve. J'aurai
le
courage de répéter
Sainte-Beuve leur servirait à l'une
A
la vérité,
ce grand
homme
et
de montrer que
et à l'autre.
ne
brille point
par
le
caractère. Il laisse assez vite entrevoir les basses parties
de son âme. auprès de
lui
Ceux mêmes qui ne
qu'est-il nécessaire
oubliant
le
peu que
l'aiment
se
plaisent infiniment
qu'avec précaution.
que son personnage nous plaise fut cette personne,
il
Mais !
En
faut considérer
l'essence impersonnelle de l'esprit pur.
La devise qu'on bourg
:
Le
a inscrite au
monument du Luxempour tout autre, am-
vrai, le vrai seul, serait,
TROIS IDÉES POLITIQUES
32
Elle devint juste pour lui.
bitieuse.
jours, Sainte-Beuve ne tenait à
Sur
peu près qu'à aux
Cette vérité fut particulièrement cachée
derniers
ses
la vérité.
hommes
son âge, enfants névropathiques des révolutions
des
Une
singulière démence, née des entreprises de
sensibilité
sur la fantaisie et de la fantaisie sur la
guerres. la
et
de
raison,
les
empêchait tout à
bien juger
Manque
et
du
arrêt
sens
la faculté logique, c'est
du romantisme. Joignez que
tare
de voir juste, de
d'argumenter avec rigueur
d'observation,
profonde de
fois
la
la
et
solidité.
lésion
critique,
proprement
la triple
rupture des hautes
traditions intellectuelles, dont j'ai traité
pour Michelet,
rendait plus cruelle et plus difficile la guérison de cette
maladie de l'intelligence.
En
philosophie
religion,
les
et
écoles
en poésie les
comme
en histoire
et
plus brillantes s'attachaient
en à
développer soit des vérités fort banales en termes ambitieux,
soit des
vues neuves
rément amplifiées par
le
et curieuses,
Une
langage.
mais démesu-
foule de maîtres
s'improvisaient ainsi et chacun avait ses disciples ci
ramassaient
dans
la
et
embauchaient
curiosité,
Sainte-Beuve
cénacles contemporains.
on
l'initiait
Il
visita
s'en mettait.
sur-le-champ, tant
Toujours
intéressé,
il
ceux-
il
un par un
On
les
l'accueillait,
montrait de timide
ferveur, de disposition à l'étude et de fine sion.
;
les passants. Infatigable
compréhen-
paraissait conquis. Gatéchu-
SAINTE-BEI
mine ou néophyte, (1.
raisonner dans
le
\
OC
1
nul
EMPIRISME
i
lui
à le
signe de quelque puissance invisible,
mécontent; son visage se refermait, et les
Ainsi répandit
le
il
du
sa
fine
et
il
discrète
dans
Globe,
saluait,
un
air
fuyait,
monde de Chateaubriand,
qui criait à
la
trahison.
lueur chez les
société
la
de
Victor
l'école menaisienne,
cercle de Vinet... Chaque départ
le
prenait
il
plus douces habitudes ne le ramenaient point.
saint-simoniens
Hugo,
comme
ue s'entendait
chœur. Puis, soudainement, sur
indignait
l'hôte,
conviens que l'allure de
Je
Sainte-Beuve, un peu gauche et oblique, jointe à tout ce
que l'on
savait
de son naturel, donnait une prise au
reproche. Et cependant li\ré.
Le
il
trahi, c'était lui
n'avait trahi personne, ni rien :
promises, on lui avait fourni
au le
lieu des vérités capitales
faux; mais ce contact
du
faux suffisait à l'émanciper.
Émancipé des arriva
autres,
il
se libéra
sut préférer la vérité à son cœur. il
de
lui
même. Un jour
promptement que Charles- Augustin Sainte-Beuve Tout au moins, quand
s'occupa des écrivains d'un autre siècle que
cessa
de chercher,
comme
il
avait
fait
au début,
propre ressemblance au fond de leurs œuvres; les
approfondit pour elles-mêmes. Dans
les
le sien,
il
il
sa
les lut,
vingt-cinq ou 3
TROIS IDÉES POLITIQUES
Sl\
trente années dernières de sa vie,
agile et
pénètre, s'insinue,
entre,
l'admirable vieillard
comme un
puissant
dieu, dans chaque repli des idées et des affaires
au moindre
que
tieux
détail;
brefs;
il
il
se renseigne exactement,
seigne avec abondance; toire
il
;
s'égale
en dresse des états aussi minu-
il
nous
ren-
éclaire mille difficultés d'his-
par des chefs-d'œuvre de biographie. Peu à peu
comme un Musée
dispose dans son esprit partielle.
de
Sans étiquette de politique ou de religion,
note ce qui
est,
tout ce qui
est,
comme
il
se
la vérité
le perçoit,
il
de
son style paisible, honnêtement gracieux, mais substantiel et
vivant,
où
tout conspire à peindre et à faire sentir.
L'exercice, ajouté à ses
dons naturels,
lui avait
peu à peu ce jugement, ce sentiment, ce don de de classer,
de proportionner dont
exemple autour de
lui.
il
contemporain
et le
aucun
n'était
l'avait
condisciple de Biaise Pascal et de
Jean Racine, avaient achevé de l'instruire vrer.
voir,
L'étude des siècles antérieurs
aux nôtres, sa grande Histoire de Port-Royal, qui fait le
formé
et
de
le déli-
Sans se vanter, mais infatigablement (bien plus
qu'un Nisard, à vrai moelle nationale
Quand
:
dire)
vivacité
il
s'imprègne de la vraie
du xvme doctrine du xvu e ,
d'autres de son âge descendent à la
.
mort sans
avoir quitté le berceau, ce fin et large esprit ne s'arrête
de croître, de mûrir, de
fructifier. Il
d'une doctrine formulée, laisse au
meurt
et,
monde son
à défaut
répertoire
OU
BAIItTB-BEUYE
de
réalités
bien
décrites,
ses
œuvres de
de traiter des
35
l'eIIPIRISMB
leçons d'analyse et
l'esprit en
naturaliste
l'idée
en
et
médecin.
Un
esprit d'une rare pénétration
des Lundis notre prendre,
Le nôtre et plus
a
l'auteur
vérité.
Chaque âge possède
qu'il mérite, et n'a rien
est sans
surle
de meilleur.
doute plus critique que généralisateur
douteur qu'affirmatif. Pourtant, sachons tout ce
que vaut
cette
analyste des
Somme
hommes.
naturaliste, rédigée Il
de vertu,
comme
par
le
plus
ne faut pas croire qu'on n'y
trouvera que des faits à côté d'autres et
nommé
Thomas d'Aquin. Le mot, qui peut
sa profonde
a
Thomas d'Aquin
1
faits,
des fleurs d'herbier.
privés de vie
un
C'est là
ancien préjugé, né de nos préventions, non contre Sainte-
Beuve mais contre
l'analyse.
L'analyse passe
aujour-
d'hui pour impuissante à donner autre chose que cette poussière de renseignements desséchés. Je ne sais d'erreur plus grande. S'il est très vrai
compose pour découvrir n'est point vrai
soient stériles
i.
que
pour
cette la
pas
que l'analyse dé-"
l'ordre de la composition,
il
décomposition, cette anatomie
vie active et ne fassent
M. Anatole France, dans La
Vie littéraire.
que nous
TROIS IDÉES POLITIQUES
36
montrer l'ordre de ce qui
est
ou
le
mécanisme des com-
posants. L'analyse fournit les éléments d'une recomposition
:
personnes qui n'ont jamais usé de ce procédé
les
sont les seules à l'ignorer.
En
l'analyse ne
effet,
démembre point
indistinctement
tous les produits de la nature. Chez Sainte-Beuve
comme
ailleurs, l'analyse choisit plutôt, entre les ouvrages dont
on peut observer l'arrangement heureux
mieux
et les
faits,
perfection de leur genre
et,
et
le travail,
pour
plus
les
ceux qui témoignent
dune
ainsi dire appartiennent
à la Nature triomphante, à la Nature qui achève et réus-
En
sit.
ce cas, l'analyse
conditions
communes
de bonheur;
elle
fait
donc voir quelles sont
et les lois
montre comment
pour ne point manquer
sa
les
empiriques de ces coups
besogne
Nature s'y prend
la
et atteindre
de bonnes
fins.
De se
l'étude de ces succès particuliers, l'analyste peut
former une espèce de Science de
en dresse
mieux,
il
l'avenir.
coutumier, sinon
le
le
la
bonne fortune.
code.
Il
ce qui est le
y soient conformes dans
infère des types qui
Cette élite des faits lui propose ainsi la sub-
stance des intérêts supérieurs que l'on les cas, le droit
croyant ni
comme un grandes
De
si
ou
le devoir.
nomme,
suivant
Sainte-Beuve n'était ni
crédule qu'il se pût flatter d'avoir
si
lu,
aruspice, aux entrailles des choses, soit les
lois
de
l'histoire,
soit
la clef
de nos destinées
SAINTE-BEUVE OU L'EMPIRISME
particulières
guide précis de
1
et
I»
la
aussi souvent qu'il pouvail ajouter au fait
une vue de droit naturel
en
tudesque,
renseignement de
l'idéal,
peut dire
qui n'eussent
hardiment
Taisait
le
il
moralité :\nais,
comme on
et,
une échappée sur
d'imaginaire,
rien
37
et
modeste-
ment. Qu'il s'agisse de la écrits
de Napoléon ou des recherches de Le Play sur
condition du travail (ju'il
appelle
lifique n
un
de
la famille
la
en Europe (ce Le Play,
Bonald rajeuni, progressif
et scien-
une diligente induction permet à Sainte-
),
et
de dessiner, entre deux purs constats
figure d'une vérité
la
faits,
et
«
Beuve d'entrevoir de
correspondance d'un préfet, des
générale.
Cette vérité
contredit souvent les idées reçues de son temps.
même,
Elle contredit
de Sainte-Beuve,
les
cette vérité aperçue
par
la raison
goûts qui lui sont personnels, ceux
qui lui viennent de naissance et de complexion. faut pas perdre de vue,
quand nous parlons de
différences capitales entre
mier
a été
Nietzsche
1 .
l'homme
et l'esprit.
Il
ne
lui, les
Le pre-
jugé avec dureté, mais justice, par Frédéric «
n'a
Il
rien qui soit
de l'homme,
il
est
plein de petites haines contre tous les esprits virils... Il erre
çà et
là,
raffiné,
curieux, aux
écoutes.
Un
être
féminin au fond... Ses instincts inférieurs sont plébéiens. i.
Flâneries inaetuelles, traduites par
4e France.
M. Henri Albert au Mercure
38
TROIS IDÉES POLITIQUES
—
mais passablement contenu par
Révolutionnaire,
la
crainte. »
C'est bien cela, mais à cette sensibilité anarchique s'alliait l'esprit le
plus droit,
Parlons mieux;
un
c'était
le
plus sain,
le
esprit, c'était
plus organique.
une raison
:
il
n'y a point d'esprit, ni de raison qu'on puisse appeler
La révolution
révolutionnaires.
ment de l'humeur. Toutes
Sainte-Beuve étouffa ce
ligence,
que
est toujours
dans
c'est peut-être
un
soulèvement
suite de
la
soulève-
son
les fois qu'intervint
intel-
bien
si
:
que
ses études
se
rencontreraient les premiers indices de la résistance aux idées de
Renan.
1789 qui, plus
Un
effort
continué de simple
fait sentir l'infirmité
même juge
et
honora
tard,
les
Taine
de ces ambitieuses idées que
condamne chaque
et
analyse lui la
les
avait
nature
jour, par l'échec qu'elle
leur inflige.
En
ce cas, l'analyse
fournit les
et
un
donc ouvrage créateur. Elle
conseil pratique,
une direction pour
agir. Si
romans de philosophie cousinesque consacrés au
au Beau
faisaient sourire Sainte-Beuve, c'est
qu'il aidait, et
fit
d'un autre côté, à
une Esthétique naître,
qu'il
en
effet,
même par
et
la
même une
esprits ».
du beau
Politique,
Religion peuvent
des lents progrès
suite
nommait finement son
justement
la science positive
du bon. Une Hygiène, une Morale, une
[
«
Bon
de
Histoire naturelle
ce
des
SAINTE-BEUVE
<>i
Examiner chacune des
i.'l
MlMlilSME
sciences que
naturelle rendit possibles serait bien
au sujet de cet examen; mais première de
domine
Si
faut dire
toutes, celle qui régit la
le
goût de
la
comme
les
s'exerçant, tous
vérité n'est, à
autres,
cette
un mot de
pensée
et,
de
la là,
son origine, qu'une
passion
ne transmet
la vérité
certain ordre et
d'œuvre
initial
mue
la
par
de
acquiert, en
éléments de sa. règle. Elle
les
à la condition d'être pure, d'être
savoir, aussitôt qu'elle observe
un
Histoire
le reste.
passion
plier,
il
celle
mal proportionné
un
sait
s'y
vrai désir de
qu'on ne trouve
et
qu'on
que sous certaines conditions, dans
moyennant
certains sacrifices. Chef-
sagesse empirique
:
l'intelligence,
passion qui lui est propre, prend garde de
ne pas se laisser conduire par son moteur. Pour rester
elle-même,
elle se
tient
au sentiment de ses sources
et
de ses limites; cette raison tempère ou mesure l'essor de sa curiosité,
et celle-ci,
gardant son ancien rang de
principe de la science, échappe ainsi au risque de devenir
principe d'anarchie
et
de barbarie.
TROIS IDÉES POLITIQUES
4o
Tout
mais traduisons-le.
cela peut paraître abstrait;
Plutôt que de fonder certaines inférences sur des ren-
seignements imparfaits soi et capable et,
et insuffisants, l'esprit
de se régir différera d'en rien connaître,
loin de se cacher de cette abstention,
l'honneur.
même
maître de
Dans
il
en tirera de
de la science générale,
l'intérêt
il
saura
ajourner beaucoup de curiosités, et la vertu de
discrétion recevra, dans ce cas,
un
sens scientifique
:
on
outre à peine cette discrétion généreuse quand, à l'exemple
de certains positivistes, on hésite à se réjouir de
ou qu'on
fection des microscopes
server les constellations
se
en respect par
Bien que
Beuve pour
fort
scrupule d'ob-
1 .
Enfin l'appétit de savoir se peut et tenir
fait
la per-
la
même
aussi refréner
considération de l'ordre public.
jaloux des libertés de la plume, Sainte-
se sépara des
hommes
de
la
seconde République
se ranger à la contrainte impériale et, si la
peur
dont parle Nietzsche ne fut pas étrangère à sa résolution, fut
celle-ci
du moins approuvée sans
par sa
réserves
raison. Puisque, en effet, l'ordre public est la condition
même
des progrès et de la durée de la science
(il
n'y eut
guère de science quand l'anarchie chrétienne eut énervé l'Etat
x
e
romain devant
siècle
2
!)
comment
i.
Voir
2.
Si ce n'est clans les
la
les la
barbares, entre le
vi
e
et
science pourrait-elle hésiter
note IX.
monastères catholiques.
le
à
SAIflTB-BEUVE OU L BlfPIRISME
céder à l'ordre public? laquelle on se
Il
home
On
menace
Etat
pour
tirer
d'être funeste
un
î
i
i
l.i
branche sur
à la science
:
scientiferait
il
perdrait
un
des archives et mettre en lumière
un
explosif,
il
Ce système
intéressant ».
«
>
un genre de fanatisme
tout sauter pour éprouver
document
>< |
r
assis.
existe aujourd'hui
fique qui
ne scie
'\
anarchique
révolutionnaire est de source métaphysique.
de rationnel. Proprement
et
Il n'a rien
consiste à remplacer le dieu
il
des Juifs par
la Curiosité, dite
mise sur un
autel, faite centre
improprement
du monde
mêmes honneurs que Jéhovah.
la Science,
et revêtue
des
Cette superstition
ne
mérite pas plus de respect que les autres. Bien qu'elle soit fort
à
mode parmi
la
Sainte-Beuve ou
les savants,
l'empirisme organisateur lui donne son tantôt passion féconde, tantôt pure
Ou
ces
mots aimés de progrès,
d'autonomie de
intellectuelle,
la science,
véritable
d'émancipation
de raison libre
et
j'ai
laïc,
et
Empi-
rapidement déduit de l'His-
toire naturelle des esprits constitue le
moral, parfaitement
:
de religion
ont perdu leur sens défini, ou cet
risme organisateur que
et
nom
monomanie.
système religieux
strictement rationnel,
pur
TROIS IDÉES POLITIQUES
[\2
de
auquel semble aspirer
mysticité,
toute
France
|la
moderne.
Mais observons qu'en n'y répugne
Rousseau.
donné
et
de tout
même
pas autant qu'elle
Elle y
est attirée
temps
France
la vieille
répugne à Michelet
et à
d'abord par l'aspect or-
conservateur (au beau et ferme sens du mot)
un
système. Elle y est retenue par
le
mépris que témoigne
cet
Empirisme pour
certain
verbiage
le
des courtisans du peuple. Cet Empirisme enseigne et professe en effet que l'ordre des sociétés, de quelque
façon qu'on l'obtienne,
importe plus que
personnes,
puisque cela
au
célébrer l'égalité,
lieu de
[est
le
la liberté des
fondement
même
[de
devant la
ceci;
loi,
son
attention se porte, instinctivement mais aussi méthodi-
quement, sur
le
compte des
différences naturelles qui ne
peuvent manquer de frapper un œil d'analyste; enfin,
quand
tant
d'instituteurs publics
de cette
vieille
siblerie
dans
au contraire, sensibilité
fatiguent les
France avec l'éloge de les lois et les
comme
morale
et
la
oreilles
plus molle sen-
mœurs, l'Empirisme
loue,
normale, une saine mesure d'in-
physique.
Qu'est-ce que tout cela au regard de la vieille France, si
ce n'est
Elle
une réaction contre
y reconnaît
les principes
politique païenne
les idées
qu'avait gardés
catholicisme; et peut-être
de Jean-Jacques?
de morale classique si
et
de
précieusement
le
nos contemporains sont-ils
SAINTE-BEI VE
éclairés sur cet ordre
mieux
leur offrir l'alliance
ou
traditionnel'
d'idées
43
que ne
« vieille
positiviste
France
»,
De
'.
furent
le
lorsqu'un ami d'Auguste
de 1857,
les jésuites
vin!
OU [/BMPIRI8MB
ce
Comte qui
est
l'Empirisme organi-
sateur n'exclut à peu près rien, sinon peut-être les abus
du sentiment dire
que
chrétien.
Mais ces grands abus, l'on peut
elle-même
l'Église
ou
les neutralise
les
combat,
puisqu'elle n'a jamais cessé de renier les sectes igno-
ou iconoclastes qui sont nées de
rantines
ne force personne.
Il
lui suffit
la lecture
des
Enfin cet Empirisme n'offre rien de sectaire.
livres juifs.
A
peu près
comme
à l'Hygiène,
que dépérissent tous ceux qui
le
il
négligent,
personnes ou sociétés.
Ces remarques, qui nous éloignent de Sainte-Beuve autant qu'il
s'est
lui-même éloigné quelquefois de son
type supérieur, ont
du moins
l'avantage de nous mêler
aux plus nobles intelligences de sa famille. J'y trouve des naturalistes tionnaires,
1
.
ils
ont
des historiens
Voir
la
[Taine et Renan,
de ce que, ayant essuyé
leur époque, santé;
comme
note X.
rétrogradé,
comme
en
nommés
les effet,
réac-
maladies de jusqu'à
la
Fustel de Coulanges qui
TROIS IDÉES POLITIQUES
44
qu'en avait chassée
rapatria dans son art la raison
procédé de Michelet;
mérité d'être honorée
décemment J'y
le
de Sainte-Beuve, eût
celle
soutenue par tous
et
culture rlassique, mais dont
nier...
de cet Auguste Comte,
les élèves
dont l'influence, parallèle à
centenaire
le
on n'a
même
les
pays de
point célébré
qui tombait en janvier der-
reconnais pareillement les économistes
groupe de Le Play, certains Balzaciens nulle surprise, ceux des catholiques
du
réfléchis et, sans
modernes qui n'ont
point perdu les leçons de Maistre et de Bonald.
La compagnie de Sainte-Beuve
réunit,
voit, tout notre fonds solide et sain. Elle
comme on
enferme à peu
près tous ceux des écrivains de notre siècle qui ne vont
La
point à quatre pattes.
littérature
contemporaine
laisse
voir ici autre chose qu'une brutalité vivace
ou mori-
bonde,
humaine,
intelligente, raisonnable,
et redevient
ne
française. Il
un jour
choisît
serait
cette
ce génie supérieur distinctives.
Beuve ne
point surprenant que la France
maison
étroite, ce
pour célébrer
Tout compté, une
me
nom
la fête
modeste
et
de ses qualités
fête nationale
de Sainte-
semble pas une pure imagination.
Si les partis de droite pouvaient oublier ses passades
d'anticléricalisme;
si,
à gauche,
veut dire et qu'on y cherchât où
pensée
;
si les
on
savait ce
que parler
elle est la liberté
de
la
radicaux prenaient garde que Sainte-Beuve
ne fut jamais sacristain
et si les catholiques observaient
SAINTE-BEUVE OU L BMPIBJ8M1
que non plus fi»
la
sûreté
il
ne se
pas calviniste, bien qu'il ait
lit
du côté de Lausanne
moyenne des
45
:
eh bien! l'œuvre,
nom,
le
idées de ce grand esprit, sans oublier ce
prolongement naturel, leurs conséquences politiques, feraient le plus ii
beau
du monde où
lieu
se
no journée de réconciliation générale.
l'espérance
du Progrès
et,
y saluerait le
moment,
d'entre les ruines
du vieux
véritable, qui,
ne consiste qu'à réagir;
mysticisme anarchique
grouper dans
On
et libéral,
pour
se relèveraient les
cou-
ronnes, les festons, les autels et la statue intacte de cette déesse Raison, armée de la pique et d'olivier
clair,
nationales.
ancienne
présidente
du
glaive,
de
nos
ceinte
destinées
ÉPILOGUE
ÉPILOGUE
— Et
me
peuple?
le
dira quelque vociférateur de la
suite de Michelet.
peuple
Si l'on appelle fête
les illettrés, je
répondrai qu'une
de Sainte-Beuve ne l'ennuierait aucunement.
contraire,
il
autre chose
s'admirerait de toute son
que
âme
\u
d'ainsi fêter
ses instincts.
Orphée a dû chanter aux
tigres,
poèmes. Pour
ses plus nobles
les
pour
les
civiliser,
personnes que cette
observation ne toucherait pas. je les prie d'assister à
prochaine
fête
la
de saint Bonaventure dans une église de
capucins. C'est
un
saint très
docte et très sage, d'une
théologie profonde, dont les mérites ne sont apprécies
que de gens et le petit
d'esprit
i.
Voir
s'il
la
toutefois, les
peuple suivent son
Aussi bien, cette sayons,
:
vous
note XI.
fête
plaît,
office
de Michelet de
fêter
mendiants du porche de très bon cœur. a-t-clle
échoué
'.
Es-
un Bonaventure ou un
ÉPILOGUE
50
Sainte-Beuve.
Ce
n'est pas la noblesse et l'élévation des
idées qui fatigue et fait bâiller le peuple.
de son propre panégyrique. s'encanaille
pour
lui.
Il
On
l'assomme
enrage de voir que l'on
Le bon peuple veut des modèles,
et l'on s'obstine à lui présenter des miroirs. Il se
qu'on
l'abrutit.
doute
NOTES
NOTE
I
DE LESPRIT CLASSIQUE La
«
vieille
France
l'esprit classique. »
Une
erreur déplorable,
professeur
ou d'ancien
duc peut-être
avait
(Page
10).
à des préjugés de
Taine à
élève, a conduit notre maître
qualifier de classique l'esprit qui prépara la Révolution. Si l'on y réfléchit, l'antiquité classique eut
une part infime.
ici
La bibliographie révolutionnaire ne comprend guère, en fait de livres classiques, que la République de Platon et les Vies parallèles de Piutarque; encore n'y sont-elles que de ce que le Père et Docteur des idées révolutionnaires, J.-J. Rousseau, leur a fait des emprunts de langage plus que de fond.
Piutarque fut d'ailleurs lui,
fort averti,
des idées sémitiques; car
il
déjà pénétré malgré
naissait presque
au moment
où le souffle de l'Orient avait altéré la grande âme antique. Quant à Platon, il est, de tous les sages grecs, celui qui rapporta d'Asie le plus d'idées et les plus singulières plus que ;
tous ses confrères,
il
a été
alexandrins. Ce qu'on
nommer
commenté
nomme
plutarchisme, risque,
et défiguré
par
les Juifs
platonicisme, ce qu'on si
on
l'isole,
peut
de représenter
assez mal la sagesse d'Athènes et de Rome il y a dans les deux doctrines des parties moins gréco-latines que barbares, ;
et déjà «
romantiques».
NOTE
54
I
géomètres, avec ses so-
avec ses physiciens et ses
Mais,
phistes, ses artistes et ses poàtes logiciens, avec Phidias, avec
Aristote qui
un monde nouveau,
ouvrit
que
l'on peut dire
l'ancienne Grèce posa le fondement de la science, de la phi-
losophie et de
la religion positives;
si
hommes d'État, Rome déroula une
avec ses
ses historiens, ses moralistes, l'ancienne
Gha mbres
puissante leçon de politique réaliste que les
anglaises et la Monarchie Capétienne ne l'ont point surpassée.
Ni dans la famille, ni dans
la cité des
laissé à l'anarchie; l'arbitraire lois se
tempèrent
et se
de l'esclavage enlève à cultés siècle
;
du
et,
de
la
démocratie
n'est
ses plus
grandes
diffi-
malheureuse du dernier demi-
athénienne, les avis répétés des Aristo-
phane, desXénophon, des Platon
du génie
rien
composent exactement. L'institution
reste, l'histoire
la liberté
Anciens,
des chefs et les prescriptions des
même et de
tous les maîtres
attique, la rapidité de la consomption, l'éclat fou-
droyant de
la
chute sont de grands témoignages en faveur
des aristocraties et des autres régimes d'autorité.
connaissance se sent assez mal disposé pour
Qui en prend dogme du
le
gouvernement populaire. Dans l'ère moderne, la philosophie catholique de préférence sur Aristote; proprie les méthodes
de
la
la
se
modèle
politique catholique
politique romaine
.
caractère de la tradition classique. L'esprit classique,
proprement nité. C'est
l'essence des doctrines de toute la
un
esprit
Nommer
donc dépouiller un
mot de son sens naturel et préparer des équivoques. La Révolution est venue d'un tout autre côté :
delà Réforme,
les statuts
de
la
c'est
haute huma-
d'autorité et d'aristocratie.
classique l'esprit de la Révolution, c'était
s'ap-
Tel est le
la Bible
République de Genève,
les
NOTE
i
théologiens calvinistes, le vieux ferment individualiste de la
Germanie auquel
ment européen, <|ui n'était
très
la
Suisse trilingue servait déjà de truche-
enfin les élans personnels d'une sensibilité
retenue ni par des
fortes études,
ni par
mœurs
héréditaires, ni par de
une raison
très saine, voilà les
humbles causes des idées qui naquirent dans l'esprit de Rousseau. Par la magie de l'éloquence, elles entrèrent avec lui
dans
la
vieille
française;
société
loin d'y déterminer
aucun
état d'esprit classique,
esprit
de progrès et d'ordre. Qui niera que Rousseau n'ait
elles
allèrent à
détruire
cet
ouvert l'ère romantique?
Justement parce que Taine importait de faire voir détail
de son vocabulaire
de le contester.
a droit à tous
les
respects,
il
comment on ne peut admettre un et
pourquoi
même
on
a le devoir
NOTE
II
GOUT DE CHAIR
LE
«
Chateaubriand désor-
ganisa ce génie abstrait en
y faisant prévaloir V imagination, en communiquant
au langage, aux mots, une couleur de sensualité,
un
goût de chair... »(Page 10).
M'abstenant lopper
mée par
de critique
ici
le sujet
la lecture attentive
ne saurais déve-
littéraire, je
de cette remarque. Elle
du
est,
reste, confir-
de toute belle page de Chateau-
briand. Les phrases en paraissent
évidemment formées pour
mettre en valeur certaines expressions, certains vocables ou
même
certaines
syllabes d'une éclatante volupté. Volupté
succession et agencement de sono-
faite
mot, volupté
rités.
Je ne saurais qualifier autrement son « grand secret de
mélancolie »
ou
faite
sa
«
molle intumescence
Impossible de rien voir de plus sensuel
physique sur fibres
comme on u
les papilles labiales et
de notre appareil auditif.
en baiserait dans
Avant Chateaubriand,
:
des vagues
c'est
une
».
caresse
linguales, sur les petites
On
goûterait à ces discours
l'air les espèces matérielles.
le
mot
abstrait et qui ne cessait d'être tel
était
un signe, un
que par un
vrai
signe
coup de
NOTE
fortune;
Lui-même
ce hasard
s'appliquait point à c'était à la lettre
le
II
valait
ce qu'il valait,
rendre régulier ni
un bonheur
d'expression,
môme un
on ne
fréquent
;
accident heu-
reux auquel on s'égayait sans trop y peser; car s'il venait perdre cette qualité d'accident, on sentait qu'il perdait son
•
prix. Enfin, le mot-réalité, le inot-couleur, le le
mot-sensation,
mot-parfum,
mot-objet pouvait bien venir sou>
le
i,i
plume par jeu ou par humeur, il n'était en aucune sorte la fin du style. C'est Chateaubriand qui l'a élevé à cette dignité nouvelle. Chateaubriand tient
veloppe émouvante, sonore
comme
ce qu'il dit n'est rien
pas au système
dont
il
à ce qn'il dit qu'à l'en-
de ce qu'il dit
qu'une suite d'images, ce
de son discours, aux images
est tout constitué
en d'autres termes, à
;
la
et,
n'est
mais
d'images qu'il nous veut attentifs,
même
bien à l'imagé
moins
et pittoresque
dir<
nature
propre des mots qui lecomposent, puisque souvent ces images
mots ne font qu'un.
et ces
Source de peine
a
et
de
plaisir, vivant principe
de toute
la
poésie, ayant des vertus personnelles et des aspects originaux
que tout écrivain gner
:
tel est le
Avant
lui, la
langue
et la
s'est
appliqué depuis à dégager et à souli-
syntaxe et
le style,
promu
le
mot.
c'est-à-dire le génie
delà
grade auquel Chateaubriand a
pensée de l'auteur, étaient au premier rang;
sont, grâce à lui,
descendus jusqn'au second, ayant cédé
ils
la
place au vocabulaire. Les conséquences de cette révolution se
non seulement dans Hugo et ses contemporomantique attardé que nous venons de perdre. » M. Stéphane Mallarmé. (RevueEncyclopédique du i5 octobre 1898).
sont continuées
rains mais jusque dans l'œuvre de ce
NOTE
III
LES DEISTES Examinée de près, elle seulement par le
«
diffère
du pittoresque
lustre
et les
appels aux sens du déisme
par
sentimental prolongé les
Allemands
et
Suis-
les
du salon Necker... » (Page il).
ses
F En dépit du
grand préjugé que l'autorité de Voltaire a
régner en France,
c'est
une question de
savoir
Dieu, du Dieu unique et présent à la conscience,
une idée bienfaisante
si
est
fait
l'idée
de
toujours
et politique.
Les positivistes font observer avec raison que cette idée peut aussi tourner à l'anarchie. intérêts généraux
de l'espèce
Trop souvent et des
révolté contre les
sous-groupements humains
(patrie, caste, cité, famille), l'individu
ne
s'y
soumet, en beau-
que par nécessité, horreur de la solitude, crainte du dénûment mais si, dans cette conscience naturellement anarchique, l'on fait germer le sentiment qu'elle peut nouer coup de
cas,
:
des relations directes avec l'Être absolu, infini et tout-puissant, i.
On
trouvera page 61, en note, la raison pour laquelle j'ai estimé ne \
pas devoir changer une syllabe à la réimpression des cinq pages qui suivent \1912].
Non.
l'idée
de ce maître invisible
m
59
et lointain l'aura vite éloignée
respect qu'elle doit à ses maîtres visibles et prochains
:
du
elle
aimera mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. A tout propos, non une fois comme le fit Antigone très légitimement, elle invoquera
les lois éternelles et inécrites
qui lui seront
lois
sans mesure
les
le
teur
sur
idée fixe
nom
le
ou
comme
persuade que l'internelle force
jugement insuffisamment motivé
qui contredisent à
l'infini,
aux
Ce com-
scepticisme en spéculation, il
:
immense qu'ajoute
accru à tifie
le
la révolte
divine dicte tout les appétits
se soustraire
principes de la cité et de la raison.
merce mystique inspire en pratique
pour
plus directement relatives. Elle frondera
l'idée
la règle.
Tel
est le
et inspire
multiplica-
de Dieu au caprice individuel
:
multiplié par l'infini, chaque égoïsme se jus-
de Dieu
et
chacun
nomme
aussi divine son
sa sensation favorite, la Justice
ou l'Amour,
la
Miséricorde ou la Liberté. Il
ne devrait y avoir qu'un
cri
parmi
moralistes et les
les
politiques sur les dangers de l'hypocrisie théistique. Si,
un
instant, elle
quelque
donne
à
ressort, ce n'est
qu'une apparenee;
maux
excitation de l'orgueil ne vaut pas les qu'elle
décompose
et dissout tous les
de
la science,
la sorte,
ornements
Ne
outre
mais jusqu'à
les
et
cette passagère
qu'elle fait, puis-
éléments de
nauté des hommes, non seulement l'État
mais aussi
pour
chaque individu quelque ardeur
et ses
la pensée.
la
commu-
modes
divers,
L'individu perd
conditions de sa vie élémentaire, ses
et ses plaisirs supérieurs.
fût-on ni moraliste ni politique,
il
faudrait avoir encore
une grande horreur du déisme pour si peu que l'on goût. Ce déisme enlève, en effet, aux passions leur
ait
de
air
de
nature, la simple et belle naïveté. Elle les pourrit, d'une ridi-
NOTE
6o
cule métaphysique
tout
le
:
III
Emma,
Elvire et
protester,
aux bras
entendez Julie, Lélia,
chœur des amoureuses romantiques
de l'amant, qu'elles ne l'ont reçu qu'en vertu d'une injonction de l'Être suprême
!
Le mérite et l'honneur du catholicisme furent d'organiser l'idée de Dieu et de lui ôter ce venin. Sur le chemin qui mène à Dieu, le catholique trouve des légions d'intermédiaires
en
de terrestres
est
aux autres peuplés
Du
est
comme
et
de surnaturels mais
continue. Le ils
et
ciel
l'étaient jadis
la
il
en sont tout
terre
de dieux
:
chaîne des uns
la
de Maistre,
(J.
Pape, dernières pages).
Cette religion rend ainsi premièrement à notre univers, en dépit
du monothéisme qui
son caractère naturel de
la fonde,
multiplicité, d'harmonie, de composition.
parle au secret d'un
cœur catholique,
En
outre,
si
Dieu
ces paroles sont contrô-
lées^ comme poinçonnées par des docteurs, qui sont dominés une autorité supérieure, la seule qui soit sans
à leur tour par
appel
1 ,
conservatrice infaillible de la doctrine
fantaisie et de divagation, la folie ainsi réduits à leur
homme,
le
minimum;
du il
et
l'esprit
de
n'y a jamais qu'un seul
Pape, qui puisse se permettre au
égarements de pensée
:
sens propre se trouvent
de conduite,
et
nom
de Dieu des
tout est
combiné
autour de lui pour l'en garder.
Admirable système dans lequel chacun peut communiquer personnellement avec Dieu, à
la
Cette autorité elle-même
condition de s'élever par ce
reconnaît aux chefs et aux princes une oncune désignation divines d'où découlent l'indépendance de ceux-ci vis-àvis d'elle et l'autonomie du pouvoir civil. Depuis la fâcheuse scission intervenue à l'ère chrétienne entre l'ordre religieux et l'ordre civil, je ne vois i.
tion,
pas qu'on ait rien imaginé de meilleur.
NOTE
nom
III
à des pensées plus générales, à
6l
de plu^ générera senti-
ments 1 mais qui ne permet point qu'où attribuée
l'info
,
propres bassesses, ni qu'on en autorise ses rébellions. Le Dieu catholique garde
immuablement
que
cette noble figure
dessinée la haute humanité. Les insensés, les
vils,
par le dogme, ne sont point libres de se choisir
lui |
enchaînés
un maître de
leur façon et à leur image. Celui-ci reste supérieur à
ceux qui
le prient.
En
conclusion, le catholicisme propose la seule idée de Dieu
tolérable aujourd'hui dans
un État bien
policé. Les autres
risquent de devenir des dangers publics. Chez les anciens Israélites, les
prophètes, élus de Dieu en dehors des personnes sacer-
dotales, furent des sujets de désordre et d'agitation.
que
Depuis
malheurs nationaux l'ont affranchi de tout principat
ses
régulier et souvent de tout sacerdoce, le Juif, monothéiste et
i. Un écrivain libéral ennemi résolu de Y Action française et médiocrement respectueux de la vérité, M. Laberthonnière, a voulu tirer de ces réflexions sur le déisme inorganique une conséquence opposée à leur esprit et à leur
mais favorable aux tristes rêveries que ce malheureux nous impute. le déisme catholique ne trouve grâce devant nous qu'à tilre d'instrument de règne mis à la disposition non pas même du bien public, mais, ce qui fait une seconde fausseté, d'une race de Forts conçue à la façon texte,
D'après lui,
du barbare Nietzsche. Malheureusement pour cette ingénieuse et audacieuse la phrase où je fais observer que la condition imposée au déisme
folie,
catholique était de s'élever, par le d
de plus généreux sentiments
toute imagination de cet
pour
si
de Dieu,
«
ù des idées plus générales,
phrase
exclut de
ma
cela
ne tienne! Ce critique n'est pas embar-
peu. Lui qui pèse une à une toutes les syllabes des considéra-
tions ci-dessus, lui qui les interroge, les sonde, les torture dans leur détail,
il
n'a pas
un regard
supprimée de son souvenir son
livre
et
pensée
ordre et renverse de fond en comble l'édiGce de
M. Laberthonnière. Mais qu'à rassé
nom
», cette petite
sa
thèse, qui
entiers sur cette prétention
ni et
un mot pour de son regard.
Il l'a
s'écrouleraient sans
venimeuse
[tOI'J
moindre
cette phrase si explicite.
abolie de
cela,
mon
11
l'a
texte.
Et
sont échafaudés tout
NOTE
62
III
—
M. Bernard Lazare et nourri des prophètes, est devenu un agent révoJames Darmesteter ne nous le cachent point lutionnaire. Le protestant procède absolument du juif: monothéisme, prophétisme, anarchisme, au moins de pensée. Le Vicaire savoyard est un déiste protestant. Dans les États restés fidèles à l'esprit
de
n'ont point tourné,
pur
1 ,
étroite
ou,
comme
la a
prétendue réforme religieuse
comme
))
et
qui
l'Allemagne du Nord, à l'athéisme
l'Angleterre, à
du catholicisme,
—
l'idée
une copie de plus en plus
de Dieu menace beaucoup plus
qu'elle ne soutient.
i.
Les protestants athées, mais qui
naires déistes, ne nient que
le
nom
meuvent au milieu de coreligionLa plupart attribuent une de leur choix, qu'ils tirent ainsi du
se
de Dieu.
valeur métaphysique à certaines idées rang naturel et de la place fixée par la Logique universelle. Cette erreur dispose à la sédition.
les
NOTE
IV
CHATEAUBRIAND ET LES IDEES REVOLUTION!* \ lit!
« Louis
de plus ni ses
de
M. André Maurel
a publié, à la librairie
n'eut
incommode
dumje-
plus
(Page
12).
delà Revue Blanche,
intéressant et profitable Essai sur Chateaubriand,
avec
d'ailleurs
un
pas
sujet
meilleurs ministres,
collègue
reux.., »
un
XVIII
>
enthousiasme qui n'admet
écrit
point
de
réserves.
Malgré d'extrêmes divergences dans l'appréciation, nous
nous accordons, M. Maurel fait.
J'extrais
héros. il
du
Page i58
moi, sur plus d'un
et
livre les textes suivants :
« //
a désiré
le
non
s'ennuie. » (C'est qu'il voulait
vice d'une idée,
Page 173
:
«
A
mais en jouir,
pouvoir
assez
qui sont
point de
relatifs
et dès qu'il le
s'en servir
pour
noblement
il
au
tient,
le ser-
est vrai.)
vrai dire, l'opposition était l'atmosphère de ce
que c'est là que la personnalité politique donne commodément et impunément carrière.) Page ao5
passionné. » (Parce se
aLa
:
liberté!... Il la
toute sa vie
un
proclamait seule féconde. »
libéral, ou,
ce
(Il fut,
qui revient au
en
effet,
même, un
anarchiste je ne suis pas de ceux qui font de vaines différences ;
NOTE
6/|
entre les idées de Jules esprits
Simon
IV
et celles
de Ravachol
:
ces
deux
ne connurent que des désaccords de méthode.)
Dans son analyse des
M. André Maurel
écrits politiques,
que Chateaubriand demeura toujours attaché aux Révolution. 11 est donc lamentable que des monar-
fait ressortir
idées de la
chistes puissent écrire le
ceux de Maistre
Au
et
nom
de Chateaubriand auprès de
Bonald.
contraire de ces
deux philosophes
de
les choses
et
de biffer
la
Révolution.
l'histoire.
Il
ce qu'il
royalistes,
voulait c'était les idées de la Révolution sans les
hommes
et
opinait de conserver la doctrine
Or, ceci ne se biffe pas et cela ne se peut
garder dans une tête saine. Les idées de la Révolution sont
proprement d'enfanter privilèges
ce qui a
un
du
empêché
le
mouvement du
ordre viable; l'association
révolutionnaire Tiers État
aux
clergé et de la noblesse, la vente, le transfert, le
partage des propriétés, les nouveautés agraires, la formation
d'une noblesse impériale, l'avènement des grandes familles jacobines,
voilà des
sorte, physiques, qui,
ou sous faits.
France fisait
le
Ces
événements naturels
doux ou
beau temps, faits
comme
en
et,
quelque
violents, accomplis sous l'orage
se sont accomplis. Je les
nomme
des
pouvaient fort bien aboutir à reconstituer fut reconstituée l'Angleterre de 1688
qu'on oubliât des principes mortels;
mouvements une
les effets
fois consolidés et ces faits
une
:
il
la
suf-
de ces
fois acquis,
l'œuvre de la nature eut bientôt tout concilié, raffermi
et
guéri. Mais les principes révolutionnaires, défendus et rafraîchis de génération en génération
une
(n'avons-nous pas encore
Société des Droits de l Homme et du Citoyen?) ont toujours
entravé l'œuvre naturelle de
la
Révolution.
tous en suspens, dans le sentiment
du
Ils
nous tiennent
provisoire, la fièvre de
NOTE
et l'appétit
l'attente
régime;
il
IV
du changement.
65
Il
y
n'y a pas encore de régime nouveau
eut :
il
un ancien qu'un
n'y a
tendant à empêcher ce régime de naître. M. André Maurel exagère d'ailleurs les qualités et môme,
état d'esprit
je crois bien, le rôle politiques de Chateaubriand. cet Essai,
M mo de dance
il
convient de relire
Duras, avec
est
les
un antidote
les lettres
En fermant
du grand homme
à
réponses de celle-ci. Cette correspon-
assuré contre tous les panégyriques.
NOTE V CHATEAUBRIAND EN JUILLET ((
I
Tous
83o devoirs
les
de
loyalisme deviennent aussi-
même agréa-
tôt faciles, et
bles... »
Les documents abondent.
journées de Juillet par
le
Il
faut retenir la
royalistes
se
concertent
Henri V. Chateaubriand doit prendre des Pairs «
pour
X
proclamer
la parole à la
Chambre
:
un
pareil
moment, M. de Chateaubriand me parut
beaucoup trop occupé du rôle lorsqu'on le verrait, lui le
gouvernement du
qu'il allait jouer
1898).
Il
ne
roi,
se perdait pas
devant son miroir, de l'enterrer.
la
en Europe,
(disait-il), si maltraité, si
méconnu
proclamer hautement
cipe de la légitimité... » (Revue hebdomadaire
et
vient d'abdi-
faire
Je suis fâché de le dire, écrit le marquis de Kercado,
mais, à
par
relation des
marquis de Kercado Molac, major
général de la garde royale en i83o. Charles
quer. Les
(Page i3).
de vue
le
du 3o
et, ce jour-là, il
prinjuillet
éprouvait,
double joie de pardonner à l'adversaire
NOTE
VI
MISKHE LOGIQUE «
mime
L'Université,
renforcée des leçons écrites
de Herder
et
suffit point ses
à
quartiers
intellectuelle.
résultat... »
((
L'abandon dos études logiques
été poussé
matiques
remède à
en France à un et
tel
», dit
point que,
si
de
Vico, ne
lui
conférer
de
noblesse
On
en a vu
le
(Page 22).
M. Renouvier, « a l'étude des mathé-
en partie celle du droit n'apportaient pas quelque
ce mal,
on trouverait peu de gens
instruits
qui
sussent bien manier la réciproque, par exemple, et n'eussent
pas l'habitude de
semer leur conversation de paralogismes
tome II). Cet abandon est d'autant plus funeste que le romani isme et la démocratie ont eu pour effet d'environner la raison pure d'adversaires plus nombreux, grossiers. » (Log.,
plus puissants et plus intéressés.
Sur le même sujet que M Renouvier, le Genevois Hennequin remarqué l'affaiblissement des dons proprement intellec.
a
tuels des Français depuis cent ans.
Voir aussi
vrage de M. Nordau, Dégénérescence (2 Alcan).
le
curieux ou-
vol. in-8°,
Paris,
.
NOTE
68
VI
Encore Hennequin, Nordau, Rcnouvier s'occupent-ils
une culture générale
des intelligences soumises à
monde
fonde. Hors de ce cercle, dans le
des spécialistes, les
dommages
sont plus considérables encore,
M. Alfred
Fouillée.
«
égoïsme intellectuel
traits
qu'il
a
», «
l'on
en croit
Démocratie
:
«
livre
Les Études
Ceux qui n'ont
pas fait ces
études dédaignent les idées générales, les principes, et
tendent s'en passer
remarque
—
ils
!
En
réalité
et ils les érigent
— on en a
acceptent sans contrôle
rantes celles qui répondent
le
»,
individualisme moral », voilà les
comptés dans son curieux
classiques et la
si
Rétrécissement de l'intelligence
«
ici
assez pro-
mieux à
parmi
ils
maintes
fait
pré-
fois la
leurs idées cou-
leurs préjugés individuels,
indûment en principes.
»
La remarque de M. Fouillée est très juste. Rapprochée de celles que l'on a lues plus haut, elle me paraît incomplète. L'abandon des études classiques n'est pas seule cause du fléau qu'il décrit. L'affaiblissement intellectuel des « spécialistes »
vient de la misère logique qui règne dans la sphère supérieure des lettrés et des philosophes. Mais cette misère résulte
de l'abandon des anciennes études théologiques ou,
aime mieux, de
ce
que
ces études
si
si
l'on
brusquement abandon-
nées n'ont été remplacées par rien
Je parle de ces études en tant qu'études, toute question de foi religieuse
mise de
côté.
dans chaque individu, entre les
de
cela,
hommes
Il
est
bien trop clair que la
divers,
mais des vertus pédagogiques de
catholicisme.
A
la différence
caractère est de former
coordonné depuis des
foi,
un principe d'unité et d'ordre et, un lien politique. Il ne s'agit point
est
de
la
la théologie
une synthèse où tout
siècles,
par
dans
le
théologie protestante, son
les
est lié, réglé,
plus subtils et
les
plus
NOTE
VI
fy
humains, en sorte qu'on peut dire qu'elle en-
vastes esprits
ferme, définit, distribue et classe tout. Point de discussion inutile
tout aboutit. Les doutes se résolvent en affirmations;
:
qu'on
les analyses, si loin
lantes et complètes, Voilà
les
pousse, en reconstitutions bril-
pour de jeunes
esprits la prépara-
tion désirable. Ils pourront changer plus tard qu'ils
voudront
et,
s'il
au dogme
éprouvé
parsis. L'essentiel est qu'ils aient
les effets
d'une
éléments multiples
Mçr d'Hulst oseront
un député
à
notion,
(comme
et
»
taire,
celle
an, a de plus le désavantage de se
Du
la
race
morale, et quelle
pas au cœur, mais
humaine;
môme
pour
meilleur traité de morale n'aura point
le
du noble
la seule
reste, ce n'est
marque
se
notre vie pratique, l'efficacité
les
un
de Kant.
au cerveau, que
On
de penser. La philosophie universi-
enseignée en
!
ils
Us seront
l'art
réduire dans beaucoup de cours à
morale
les
répondait
exercés à juger de sang- froid et à raisonner avec suite.
aura introduits à
dis-
radical qui riait de ses distinguo)
distinguer pour ne pas confondre.
«
d'une
marquer
cipline aussi forte. Ils réussiront de la sorte à
ce
ou
leur plaît, se faire bouddhistes
exercice logique qui instruit l'Ame à bien
penser.
Quelle que les
soit la
décadence des études théologiques dans
séminaires, les catholiques contemporains ont conservé
des traces de l'antique supériorité. la classe
cation
de théologie y
du catéchisme
Dans
leurs établissement,
commence en huitième,
diocésain.
Tout enfant y
avec l'explifait ainsi
apprentissage d'animal raisonneur. Après la première
munion,
ces leçons
et s'étendent
:
on
éminemment
les jugerait
son
com-
rationalistes se développent
mal sur
les
fantaisies
malen-
contreuses de l'abbé (Janine, qui d'ailleurs se rapportent à
NOTE
70
l'ordre scientifique
VI
beaucoup plus qu'au philosophique. Phi-
losophiquement, ces cours d'instruction religieuse m'ont
paru sans reproche.
familiarisent l'adolescent avec les
Ils
mieux que la rompent à la logique.
finesses et les difficultés des idées générales;
grammaire
et les
mathématiques,
ils le
L'esprit acquiert par là de la délicatesse et de la vigueur.
y peut sentir de «
bonne heure l'enthousiasme de
Pour moi, m'écrit quelqu'un,
me
battement de cœur que
fit
Il
la sagesse.
je n'oublierai jamais le
connaître, en troisième, notre
maître d'instruction religieuse, M. l'abbé X..., quand
il
nous
résuma, en des termes d'une netteté enivrante, l'argument
du baron Cauchy en faveur de nombre
infini.
la thèse qu'il n'existe
groupées et étroitement assujetties
minées par
pas de
Cet enchaînement magnifique de raisons bien les
unes aux autres,
ter-
majestueux C. Q. F. D. cher aux géomètres, m'imprima pour la vie la divine notion de la pure lumière. Depuis, le fond de cette thèse m'a paru mériter le
rigoureux
et
un examen plus approfondi, mais
le
quitté
par
même
:
je le conserve, continué
sentiment ne m'a plus le souvenir,
avec le
mes premières impressions de
lecture
de V Odyssée, d'Antigone et d'Iphigénie à Aulis. Si par
la suite
j'ai
soin jaloux que
continué déraisonner,
je le dois au plaisir qui
6 octobre 1898.)
si
me
j'en ai retiré quelques avantages,
fut
donné
ce jour-là. » (Soleil
du
NOTE
VII
CŒUR DE
LE
L
HOMME <(
//
eût
même
exercé ce
cœur à jouer aux échecs
et
à résoudre des fractions. »
(Page 23).
Ces remarques étaient
Brunhes
faites et rédigées,
couronné par l'Académie française. brochure une analyse exacte Michelet et de sa fatalité \1
.
lorsque
If.
Jean
a publié son discours sur Michelet (Paris, Perrin),
dans
«
théorie »
On
distinguera dans cette
du naïf albigisme de du combat entre la liberté et la et précise
l'histoire.
Brunhes extrait du
livre des Jésuites cette phrase signi-
ficative à laquelle j'avoue
confirme parfaitement
ma
que
mais qui
je ne pensais pas,
propre analyse. « Plus je creuse
par l'étude, par l'érudition, par les chroniques et plus je vois
au fond des choses pour premier principe organique l'homme, raison
si
mon cœur. ces
»
Notez que
mots n'avaient que leur sens mais
de tous côtés.
le
cœur de
Michelet pourrait avoir ;
ils le
dépassent
NOTE
VIII
SENTIMENT ET VERITE ((
Le
résultat des opéra-
tions de ce
cœur-prodige
lui
parut si parfait » (Page 23).
On ne
conteste pas que le sentiment n'ajoute de la force
aux tableaux de des faits; par là c'est
une
l'histoire. il
la
11
colore, vivifie, fortifie la
rend plus distincte
clarté qui naît de l'historien,
non des choses
vue Mais
et plus claire. ;
elle
peut causer des erreurs.
Un
est horrible
exemple. Michelet
dans
ses descriptions
de
communique est celle qu'il e eût éprouvée si, avec ses nerfs du xix siècle, il eût été prée Or rien n'est plus sent à ces spectacles du xiv ou du xvi environ, tandis que variable que le sentir. Depuis un siècle
supplices. Mais l'horreur qu'il nous
e
.
décroissait l'intelligence nationale, bilité fit
il
est certain
chez nous d'inquiétants progrès
physiologie en
histoire,
:
que
la sensi-
bien qu'aimant
la
Michelet néglige sans cesse cette
vérité historique et physiologique, plus importante er
que
la fis-
tule de Louis
XIV ou
tures tiennent
donc à nos nerfs un langage que ne tenait il s'occupe. Qued'ana-
le
mal de François
I
!...
Ses pein-
point la réalité aux nerfs des gens dont
chronismesil en tire
et,
de ces anachronismes, que de
folies!
NOTE
M.
VIII
Funck-BretltâllO a comparé
aux études précises Siméon Luce. Le morceau,
chclet
sou prix.
Il
serait
faites si
la
Jeanne d'Arc de Mi-
sur
le
même
sujet
curieux de montrer
comment
la
plupart
des erreurs de cette idylle nous arrivent tout droit du
de Michelet.
par
vanté, a beaucoup perdu de
cœur
NOTE
IX
TEMPÉRAMENT DE LA SCIENCE PAR LA SAGESSE « ...Quand, à V exemple
de certains
positivistes,
hésite à se réjouir
de
la
fection des microscopes
quon
on
per-
ou
se fait scrupule d'ob-
server les constellations. »
(Page 4o).
C'est
moins
la sagesse
la conscience,
comme
dont peut être tempérée
Rabelais, que
le croyait
la science. Il
ne faut donc
point se hâter de sourire des avertissements donnés par
la
philosophie à l'hystérie de quelques savants.
L'ancien directeur du positivisme, M. Pierre Lalfitte, dans
de ces appareils
sa Théorie générale de l'entendement, parle «
de précision par qui nos sens acquièrent une puissance » et se l'orgueil
si le
extraordinaire
proportionnel à
:
Loin de nous assurément
tions
résultat en
est
que nous en avons.
Il écrit
«
demande
si
la
dont plusieurs témoignent
du génie humain
et
pensée de médire d'invensi
nous rendent
éloquemment en faveur d' incontestables services
une foule de cas particuliers; mais en quoi, nous le dons, ces instruments
si
en
deman-
perfectionnés nous ont-ils aidés à
trouver des lois? Ce dont nous
sommes
sûrs,
en revanche,
NOTE
c'est qu'ils
IX
ont contribué à en détruire,
trant quantité de faits inaperçus,
nombre de
relations
démontrées,
et qui,
vérité! Rien ne
serait
déjà avec
que nos
une sens,
coup
qu'en nous à
monruiner
comme certaines.
La belle avance, en
mieux assurément que de perfectionner
notre faculté contemplative ,
même
et
ont contribué
ils
ou de similitudes que nous tenions pour suffisantes pour la pratique, pouvaient
sans danger être tenues
tionner du
75
t'il était
la méditation.
en notre pouvoir de perfec-
Alors que nous embrassons
difficulté singulière la
marche des phénomènes
dans leur médiocrité, nous révèlent, n'est-ce
point folie que d'en chercher de nouveaux? N'est-ce point
duperie que d'accumuler
que de nous embarrasque de compliquer le spectacle du
les obstacles,
ser de nos propres mains,
monde quand il y aurait plutôt lieu de le simplifier? » En admettant que cette sagesse soit un peu courte et qu'au milieu des mystères de l'univers
il
y ait profit pour
la science
on voit ici sur quels principes tout au moins la conduite ordinaire de nos
à chercher parfois l'aventure, se devrait régler
savants. Mais, sous couleur d'évolutionnisme,
aujourd'hui
la
rage de
la
nouveauté,
même
ils
fausse.
ont tous
NOTE X RENCONTRE DES ATHEES ET DES CATHOLIQUES «... les Jésuites de 1
lorsqu'un
Comte
ami
leur
vint
l'alliance
857,
d'Auguste offrir
positiviste.
»
(Page 43).
Le projet de liguer les athées et les catholiques n'est pas une imagination de M. Brunetière, comme on le répète sou* vent.
La dernière année de
sa vie (1857),
Auguste Comte députa
l'un de ces disciples, Alfred Sabatier, au Gesu de
Rome pour
y négocier, avec le R. P. Beckx, une alliance entre le positivisme et l'Institut des Jésuites contre le déisme, le protestan-
tisme et
les autres
formes de l'anarchie moderne
tiennent la société dans
Le Français fut reçu
«
qui entre-
un état permanent de fermentation ». par un dignitaire de l'Ordre, qui, dès
premiers mots, perdit le sens de l'entretien, car il prenait Auguste Comte pour Charles Comte, l'économiste. Les interlocuteurs se séparèrent, sans avoir eu contact, sur ces mots
les
d'Alfred Sabatier
:
a
Quand
les
manifesteront toute l'intensité de
orages politiques de l'avenir la crise
moderne, vous trou-
verez les jeunes positivistes prêts à se faire tuer pour vous
NOTE
comme
vous
ètei
I
77
prêta à vous laisser massacrer
Les choses ont marché depuis i85-.
mieux
renseignés,
fisme
:
tiques de l'avenir
nus
un
sorti
est
l'Autrichien Gruher
comme
les « libres
pour Dieu.
côté
<l<
du
excellent analyste
>>
Jésuites,
s
po-ili-
D'autre part, « ces orages poli-
1 .
dont parlait Alfred Sahatier, soûl deve-
»
en jour. Celle-ci aura bientôt
penseurs
semble plus
et la crise intellectuelle
présents,
forte de jour
Du
» et les «
en esprits anarchiques
et
incroyants
»,
fait
de déclasser
pour
les répartir
en esprits politiques, en barbarrs
Commentant
et
démarche de Comte et de Saba« Le positier, le D' Audill'rcnd écrivait, il y a peu d'années tivisme invite ceux qui ne croient plus en Dieu et qui veulent
en
citoyens.
la
:
travaillera la régénération de leur espèce à se faire positivistes,
engage ceux qui y croient à redevenir catholiques J » Athées » positivistes et catholiques théologiens ont là-dessus,
et «
il
.
au temporel
muns, i.
comme de
les intérêts
Un
au spirituel, de profonds intérêts comla
tradition et
du inonde
me-
civilisé,
agrégé de philosophie, M. Georges Dumas, a résumé l'entretien du
du
positiviste et
de Paris (i histoire fort
,r
jésuite dans
octobre
«898).
un
article ironique
Mais,
et malicieux de la
bien qu'il ait conduit
la
Revue de son
suite
mort de Comte, il s'est gardé de souffler mot des M. Georges Dumas veut évidemment insister sur du système catholique et du positivisme il néglige les res-
au delà de
la
travaux du Père Gruber. les différences
;
premières sont claires, elles sont d'ordre métaphysique et ne s'imposent point en un sujet de politique toute pure au lieu que les secondes, d'une égale clarté, sont ici d'intérêt capital. J'ai résumé ces semblances. Or,
si
les
;
ressemblances, ces sympathies, ces aflinités, au cours d'une polémique avec
M. Georges Renard, de
lu
Lanterne, dans
La
Gazelle
de France des
11
et
a3 juillet et i5 août i8<j8. 2.
C'est d'ailleurs, à peine modifiée pour
servait
Auguste Comte dans une
«Il faut maintenant presser licisme,
au nom de
lettre à
les
termes,
tous ceux qui croient en
la raison et de
la
la
formule
John Metcalf, en i850
se
Dieu de revenir au catho-
morale; tandis que, au même
ceux qui n'y croient pas doivent devenir positivistes. »
dont
:
titre,
tous
NOTE X
78
nacés d'une dilapidation soudaine en
dégénérescence insensible.
S'ils se
même
temps que d'une
distribuaient entre ces deux
systèmes, l'un et l'autre énergiquement ordonnés,
fenseurs
du genre humain auraient
vite
les
raison de
adversaire, l'esprit de l'anarchie mystique. C'est
dé-
leur
contre cet
ennemi-né des groupements nationaux aussi bien que des combinaisons rationnelles, que les deux Frances peuvent se réunir encore. Si elles ne parviennent à tomber d'accord esprit,
de ce qui est vrai,
il
leur reste à s'entendre sur le
bon et
l'utile.
Je ne prétends point que cela arrive nécessairement si
cela n'arrive pas,
nous sommes perdus.
;
mais
NOTE LA
XI
FÊTE DE MICHELE!' « ...Aussi
échoué
a
Voilà
les fêtes
»...
bien
u-t-elle
(Page 49.)
», écrit M. Ledrain, Nous leur aurions souhaité je ne
de Michelet terminées
qui
yaun
sais
quoi de plus populaire
peu présidé.
«
et
de plus joyeux. C'a été partout
des lectures et des conférences, quelque chose de froid et de puritain,
un mélange de prêche
et d'école
i5 août 1898).
FIN
•
normale.
» (Eclair,
TABLE Page».
Dédicace
i
m
Avant-propos Note
à l'édition
de 1912
iv
Chateaubriand ou l'Anarchie Michelet ou
la
7
Démocratie
17
Sainte-Beuve ou l'Empirisme organisateur
29
Epilogue
49 5i
Notes I.
II.
III.
De
53
l'esprit classique
Le goût de chair
56
58
Les Déistes
IV. Chateaubriand et
les idées
révolutionnaires
V. Chateaubriand en Juillet i83o VI. Misère logique
VIL Le cœur de l'homme Tempérament de
la
La
fête
de Michelet
71
72 science par la sagesse
X. Rencontre des athées et des catholiques
XL
66
67
VIII. Sentiment et vérité
IX.
63
74 76 79
IMPRIMÉ PAR
PHILIPPE RENOUARD 19, rue des Saints- Pères
PARIS