Inde
La faiblesse de la demande mondiale et l’impact du resserrement de la politique monétaire engagé en réaction aux tensions inflationnistes freineront l’économie au cours de l’exercice 2023-24, ce qui limitera la croissance du PIB réel à 6 %. La modération de l’inflation et l’assouplissement de la politique monétaire au second semestre de 2024 contribueront à redynamiser les dépenses discrétionnaires des ménages. Ce facteur, conjugué à l’amélioration de la conjoncture internationale, permettra une accélération de l’activité économique, la croissance du PIB réel s’établissant à 7 % en 2024-25.
Malgré des résultats remarquables en matière de croissance et de développement, l’Inde reste confrontée à des défis de taille. La création d’emplois de qualité est la méthode la plus prometteuse pour réduire la pauvreté, qui est particulièrement élevée chez les femmes. Investir davantage dans l’éducation et la formation professionnelle et moderniser le droit du travail contribueraient à atteindre cet objectif. Par ailleurs, l’Inde est particulièrement exposée à des vagues de chaleur extrêmes et doit progresser dans la mobilisation des ressources destinées aux investissements dans l’économie verte.
Inde 1
1. L’inflation globale désigne l'évolution des prix de tous les biens du panier. Correction des variations saisonnières faite par l'OCDE à partir de l'indice mensuel des prix à la consommation (indice 2012 = 100) du ministère indien des Statistiques et de l'Exécution des programmes (MOSPI). Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113 ; CEIC ; et Banque de réserve de l’Inde (Reserve Bank of India).
StatLink2 https://stat.link/rzji9q
Inde : Demande, production et prix
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2011/2012)
StatLink2 https://stat.link/iyz9vr
Note: Les données se réfèrent à l'exercice comptable commençant en avril
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Le montant effectif dans la première colonne inclut la divergence statistique et les opérations sur objets de valeur
La modération de la demande et l’inflation élevée ont freiné l’activité économique
3. Tous biens.
4 Solde budgétaire brut du gouvernement central et des états
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113
L’exercice 2022-23 a fini sur une note positive, grâce à une production agricole plus élevée que prévu et à la vigueur des dépenses publiques. Toutefois, l’inflation élevée, en particulier pour ce qui est de l’énergie et des produits alimentaires, et le resserrement monétaire opéré en conséquence pour ancrer les anticipations pèsent sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages, en particulier dans les zones urbaines. Le recul de la demande de biens d’équipement financée par le crédit, qui est bien représentative de l’investissement des entreprises, témoigne du durcissement des conditions sur les marchés financiers. Le déficit du commerce de marchandises au cours de l’exercice 2022-23 a été supérieur de 40 % à celui de 2021-22, plus de deux cinquièmes de la dégradation étant attribuables aux échanges de pétrole. Même si la croissance des exportations de services demeure soutenue, avec un excédent sectoriel en hausse de 35 %, elle ne suffit pas à compenser le déséquilibre des échanges de biens. La faible productivité de la main-d’œuvre nuit à la compétitivité des produits fabriqués en Inde et à la participation aux chaînes de valeur mondiales. Le déficit de la balance courante s’est réduit au cours du trimestre octobre-décembre pour revenir à 2.2 % du PIB, contre 2.7 % sur la même période en 2021-22. L’inflation globale est passée en dessous de 6 % (limite supérieure de la marge de fluctuation fixée par la banque centrale) depuis mars 2023, essentiellement en raison de la baisse des prix des denrées alimentaires, mais aussi d’effets de base. Les estimations portant sur l’emploi et les salaires laissent entrevoir une amélioration de la situation du marché du travail dans les zones rurales, tandis que les entreprises de services tournées vers l’exportation font état de difficultés grandissantes à pourvoir les postes vacants.
1. PIB par travailleur à prix constants à PPA de 2017.
2. L’indice mondial d’adaptation de Notre Dame (Notre Dame Global Adaptation Index, ND-GAIN) est un indicateur composite qui correspond à la synthèse de deux sous-indicateurs : 1) la vulnérabilité d’un pays face au changement climatique et à d’autres enjeux planétaires et 2) la volonté d’améliorer sa résilience manifestée par un pays. L’indice a été recalculé sur la base du score du pays le plus performant (Norvège = 100).
Source : Base de données sur la productivité APO 2022 ; et Université Notre Dame, Notre Dame Global Adaptation Initiative.
StatLink2 https://stat.link/npsx9q
Les événements internationaux pèsent énormément sur les perspectives de croissance intérieure. L’Inde a profité des rabais du prix du pétrole de l’Oural, ce qui a accru la part de la Russie dans ses importations d’énergie. L’approvisionnement en engrais auprès de ce pays a aussi augmenté sensiblement, et plus que doublé en volume dans le cas de l’urée. Globalement, les importations indiennes en provenance de Russie sont passées de 9.9 milliards USD (1.6 % des importations totales) sur l’exercice 2021-22 à 46.2 milliards USD (6.5 %) en 2022-23.
Les politiques macroéconomiques demeurent restrictives
La politique monétaire a pour objectif principal d’ancrer les anticipations d’inflation et de ramener systématiquement l’inflation globale dans la marge de fluctuation de 2-6 %. Les autorités ont mis un terme à un long cycle de relèvements des taux directeurs en avril. Après une nouvelle hausse, légère, les taux devraient rester inchangés jusqu’à la fin de l’année civile, au moment où des données confirmeront ou non la diminution durable de l’inflation sous-jacente, qui est moins sensible aux conditions météorologiques et aux tensions géopolitiques. Les projections reposent sur l’hypothèse de baisses modérées des taux d’intérêt à compter de la mi-2024.
Au cours de la période considérée, les autorités budgétaires auront pour priorités de maîtriser la dette publique en vue de la maintenir à des niveaux viables, de réduire les paiements d’intérêts et par là-même, de libérer des ressources pour l’investissement public dans le capital physique. Le programme de sécurité alimentaire Pradhan Mantri Garib Kalyan Anna Yojana (PM-GKAY) a permis d'assurer la distribution gratuite de céréales vivrières aux bénéficiaires admissibles durant la pandémie. Cependant, son ciblage était imprécis, comme en témoigne un nombre de bénéficiaires (820 millions de personnes) nettement supérieur à la plupart des estimations de la population pauvre (entre 400 millions et 500 millions de personnes), et son coût était excessif. Sa suppression en 2023 rend d’autant plus nécessaire une actualisation du recensement de 2011 afin de garantir la prise en charge des familles qui remplissent les
conditions requises. Les 25 prochaines années, jusqu’au centenaire de l’indépendance du pays en 2047, seront capitales pour la lutte contre la pauvreté en Inde, et la stratégie Amrit Kaal des autorités exigera une hausse sensible des dépenses en capital.
L’économie n’échappera pas au ralentissement mondial
Après avoir atteint 7.2 % en 2022-23, la croissance du PIB réel devrait ralentir pour s’établir à 6 % en 2023-24, avant de remonter à 7 % en 2024-25. Si les indicateurs laissent penser que la croissance de l’Inde est stable pour le moment, les difficultés causées par les conséquences du durcissement rapide de la politique monétaire dans les pays avancés, l’accroissement des incertitudes à l’échelle mondiale et l’impact décalé du resserrement de la politique économique au niveau intérieur feront progressivement sentir leurs effets. Sur fond de ralentissement de la croissance, les anticipations d’inflation, les prix des logements et les salaires se modéreront peu à peu, si bien que l’inflation globale pourra tendre vers 4.5 %. Les taux d’intérêt pourront donc être abaissés à compter de la mi-2024. On pose l’hypothèse que les restrictions aux échanges (dont les interdictions d’exporter diverses variétés de riz) imposées en 2022 pour lutter contre l’inflation seront supprimées. Le déficit de la balance courante se réduira à la faveur d’un relâchement des tensions sur les prix à l’importation.
La plupart des risques pesant sur les projections sont orientés à la baisse. Certes, les ratios de solvabilité et les résultats financiers des banques se sont améliorés et les autorités ont renforcé les obligations de provisionnement pour pertes sur prêts et créé une structure de défaisance, mais toute dégradation de la qualité des actifs bancaires pourrait menacer la stabilité macrofinancière. À l’approche des élections de 2024, l’assainissement des finances publiques pourrait être retardé, et la conclusion d’accords commerciaux pourrait devenir plus difficile. Une saison de la mousson potentiellement en deçà de la normale pourrait aussi avoir des répercussions sur la croissance. A contrario, la dissipation des incertitudes géopolitiques stimulerait la confiance et serait bénéfique à tous les secteurs, de même que la conclusion plus rapide que prévu d’accords de libre-échange avec des partenaires clés et l’intégration des services dans ces accords.
Face au changement climatique et aux disparités entre les genres, il est nécessaire de prendre des mesures ciblées
Plus de la moitié de la population indienne vit dans la plaine indo-gangétique et est exposée à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et extrêmes provoquées par le dérèglement climatique. On estime à près de 100 000 le nombre de décès supplémentaires attribuables chaque année à la canicule et aux inondations qui peuvent s’ensuivre. Les conséquences économiques sont également nombreuses, parmi lesquelles des pertes de main-d’œuvre, de mauvaises récoltes de blé, une plus grande mortalité du bétail ou encore des pannes d’électricité. Réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre, y compris en Inde, contribuera à limiter ces pertes à long terme. Toutefois, des mesures susceptibles d’atténuer immédiatement les effets des phénomènes météorologiques extrêmes s’imposent aussi, par exemple une amélioration des infrastructures pour éviter des inondations. Le développement durable en Inde passe en outre par de nouvelles avancées sur le front de l’égalité entre les genres dans de nombreux domaines, dont l’accès à la santé, à l’éducation et aux capitaux. Des résultats spectaculaires ont été obtenus, par exemple en matière d’inclusion financière, même si de grandes disparités subsistent. L’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques devraient pleinement intégrer les considérations de genre et s’appuyer sur des indicateurs concrets. Il serait également utile que les pouvoirs publics déploient davantage d’efforts pour améliorer l’aide à la garde d’enfants, la formation professionnelle et la formation des femmes actives tout au long de la vie. Une meilleure reconnaissance des droits fonciers des femmes renforcerait leur situation économique et, pour autant qu’on leur donne la possibilité d’utiliser ces droits à titre de garantie, pourrait aussi faciliter les investissements dans l’adaptation au changement climatique et son atténuation.