Japon
Le PIB réel devrait augmenter de 1.3 % en 2023 et de 1.1 % en 2024, essentiellement grâce à la demande intérieure. Les mesures destinées à aider les ménages à faire face au choc lié aux prix de l’énergie, conjuguées à la hausse des dépenses de défense, stimuleront la consommation et l’investissement. L’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires) se hissera aux alentours de 2 % sous l’effet de l’accélération de la croissance des salaires, y compris dans les petites et moyennes entreprises (PME), en 2024. Le marché du travail restera tendu et le taux de chômage baissera lentement à 2.4 % en 2024.
Compte tenu du manque de marges de manœuvre budgétaires et de la nécessité d’encourager les économies d’énergie, il conviendrait de mieux cibler les subventions énergétiques en vue de leur suppression progressive. Des mesures supplémentaires concernant les recettes et les dépenses structurelles s’imposent, en raison notamment des tensions budgétaires liées au vieillissement de la population. Un cadre budgétaire crédible est également nécessaire pour placer le ratio dette/PIB sur une trajectoire clairementdescendante.D’autresmodificationsde lagestion du dispositifde contrôle de la courbe des rendements peuvent le rendre plus souple et réduire les risques de brusques changements ultérieurs. La Banque du Japon devrait communiquer de façon claire et en temps opportun sur l’orientation actuelle et future de la politique monétaire. Des mesures visant à renforcer la productivité et à réduire l’écart de rémunération entre les genres s’imposent pour améliorer le bien-être et la viabilité des finances publiques à moyen terme.
Japon 1
1. Au 10 mai 2023.
Source : Ministère japonais des Affaires intérieures et des Communications ; Confédération syndicale japonaise ; et calculs de l’OCDE.
StatLink2 https://stat.link/i283gh
Japon : Demande, production et prix
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2015)
StatLink2 https://stat.link/z6r9n7
La demande intérieure demeure le principal moteur de la reprise
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Calculés comme la somme des indices trimestriels corrigés des variations saisonnières pour chaque année
3 Indice des prix à la consommation hors produits alimentaires et énergie
Le PIB réel a augmenté de 0.4 % en glissement annuel au premier trimestre de 2023, sous l’effet de la vigueur de la demande intérieure. Après avoir atteint un pic de 4.3 % en janvier, l’inflation globale mesurée par les prix à la consommation a reflué à 3.5 % en avril, en partie sous l’effet de l’introduction de nouvelles aides destinées à alléger les factures d’électricité et de gaz de ville. Malgré un ratio offres/demandes d’emploi élevé et un faible taux de chômage, la progression des salaires nominaux n’a été que de 1.3 % en mars en glissement annuel. Les augmentations convenues à titre provisoire lors des négociations salariales annuelles (Shunto), de 2.1 % de la rémunération de base et de 3.7 % du salaire global, laissent cependant prévoir une montée en régime de la croissance des salaires. Même si le niveau élevé de l’inflation pèse sur les revenus disponibles réels, la confiance des consommateurs s’est améliorée et la consommation des ménages, en particulier dans les secteurs de services, n’a cessé d’augmenter à la faveur de la reprise des activités socioéconomiques. Après l’ouverture des frontières en octobre 2022, la classification du COVID-19 dans la même catégorie que la grippe ordinaire au Japon, à compter du 8 mai, continuera de soutenir la demande intérieure.
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113
StatLink2 https://stat.link/d4aju9
Le fléchissement de l’économie mondiale a ralenti la croissance de la demande extérieure malgré l’atténuation des perturbations des chaînes d’approvisionnement. La dernière enquête Tankan de la Banque du Japon fait apparaître une divergence en matière de confiance des entreprises entre le secteur manufacturier, dans lequel elle a continué de se dégrader, et le secteur non manufacturier. Les prix des matières premières ont diminué et le ralentissement du resserrement monétaire mondial a modéré la dépréciation du yen, mais le déficit commercial reste important. Le nombre de touristes étrangers accueillis est reparti à la hausse, mais il reste nettement inférieur à celui de 2019, en partie du fait du retour tardif des touristes chinois, qui représentaient un quart du nombre total de visiteurs en 2019. Conjuguée aux subventions aux prix actuelles, la réduction du prélèvement sur les énergies renouvelables d’avril a amorti encore le choc énergétique. Les effets de ces mesures sur les prix risquent toutefois d’être en partie annulés à partir de juin, sept grandes compagnies d’électricité augmentant leurs tarifs.
Les politiques macroéconomiques soutiendront les ménages et les entreprises
Après le train de mesures économiques adopté en octobre 2022, qui comprend des dispositions visant à modérer les prix de l’énergie et des produits alimentaires (6 300 milliards JPY, soit 1.2 % du PIB), le gouvernement a pris d’autres dispositions en mars 2023 (2 200 milliards JPY, 0.4 % du PIB), financées par le fonds de réserve pour imprévus à compter de l’exercice budgétaire 2022. Il s’agit de prestations en espèces uniques versées aux ménages à faible revenu avec enfants et d’une subvention aux collectivités locales destinée à aider les ménages et les entreprises locales à faire face à la hausse des coûts énergétiques. Les projections de l’OCDE reposent sur l’hypothèse que les subventions aux prix de l’électricité et du gaz de ville resteront en place après le mois de septembre, où elles sont officiellement censées expirer, mais qu’elles diminueront peu à peu au fil du temps. En 2024, les mesures de soutien budgétaires devraient être revues à la baisse parallèlement à l’expiration des aides liées à la pandémie et à la réduction progressive des aides liées aux prix de l’énergie. Cela dit, le budget annuel de la défense augmentera progressivement, passant de 5 400 milliards JPY pour l’exercice 2022 à environ 9 000 milliards JPY sur l’exercice 2027, selon un nouveau plan quinquennal annoncé en décembre 2022. Le ratio dette publique brute/PIB devrait rester élevé, s’établissant à près de 247 % en 2024.
La Banque du Japon a récemment annoncé qu’elle ne modifierait pas le cadre ni l’orientation de la politique monétaire, bien que l’inflation mesurée par les prix à la consommation hors produits alimentaires frais (sur laquelle elle se fonde pour conduire la politique monétaire) soit supérieure à son objectif de 2 % depuis avril 2022. Compte tenu des projections de référence de l’OCDE relatives à l’inflation et aux salaires, la politique monétaire devrait rester accommodante tout au long de l’année 2024. Néanmoins, afin de préserver la stabilité financière et le bon fonctionnement des marchés, il est supposé que la Banque du Japon modifiera encore la gestion du dispositif de contrôle de la courbe des rendements, après l’élargissement de la marge de fluctuation autour de zéro du taux de rendement des obligations à 10 ans, de +/- 25 points de base environ à +/- 50 points de base environ, intervenu en décembre 2022. Une telle modification rendrait le dispositif plus souple et réduirait les risques de brusques changements futurs ; elle devrait s’accompagner d’une communication claire et en temps opportun sur l’orientation actuelle et future de la politique monétaire.
Les risques qui entourent les perspectives sont considérables
La croissance du PIB devrait s’établir à 1.3 % en 2023 et 1.1 % en 2024, tirée par la demande intérieure. La consommation privée sera étayée par l’épargne accumulée pendant la pandémie et les mesures adoptées par les pouvoirs publics, en dépit d’une faible progression du revenu disponible réel. Les aides publiques, en particulier les aides aux investissements verts et aux investissements dans le numérique, tireront vers le haut l’investissement des entreprises, malgré la montée de l’incertitude. L’inflation globale mesurée par les prix à la consommation devrait culminer au troisième trimestre de 2023 sous l’effet de la hausse des prix des produits alimentaires et de l’électricité. Bien qu’un accord ait été trouvé en faveur d’une plus forte croissance des rémunérations dans les grandes entreprises, son effet sur le niveau général des salaires sera décalé et plus faible, dans la mesure où les PME – qui sont encore en train de négocier des accords salariaux – ne suivront qu’en partie le mouvement. Parallèlement à l’accélération de la croissance des salaires, l’inflation sous-jacente augmentera progressivement et avoisinera 2 % au second semestre de 2024. Le marché du travail restera tendu et le taux de chômage baissera légèrement pour s’établir à 2.4 % en 2024.
Une demande extérieure plus faible que prévu, de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement et la possibilité d’un changement brusque des conditions monétaires et financières sont autant de facteurs qui constituent des risques à la baisse. Dans le contexte d’un niveau d’endettement public élevé, une perte de confiance dans la viabilité budgétaire du Japon pourrait déstabiliser le secteur financier et la sphère réelle de l’économie, ce qui aurait de fortes répercussions négatives sur l’économie mondiale. À l’inverse, la croissance pourrait être plus vigoureuse si la consommation, de services en particulier, se redressait plus rapidement que prévu. Elle serait également renforcée si la demande extérieure était plus dynamique que prévu, notamment le tourisme récepteur, du fait de la réouverture de la Chine.
Une croissance résiliente et durable exige des réformes structurelles et budgétaires
Compte tenu de la diminution attendue de la population active liée au rétrécissement et au vieillissement démographiques, il est impératif de réaliser des gains de productivité pour étayer le bien-être et la viabilité des finances publiques. Renforcer la flexibilité du marché du travail, améliorer les procédures d’insolvabilité – en élargissant le champ des éléments de patrimoine auxquels ne s’appliquent pas les procédures de faillite des particuliers – et réduire les obstacles à l’investissement direct étranger (IDE) revitaliseraient la dynamique des entreprises. Il faudrait remédier à l’écart de productivité entre les grandes entreprises et les PME en améliorant le ciblage des dépenses de recherche-développement (R-D) et en
facilitant l’adoption des technologies numériques par les PME. Une utilisation accrue des technologies numériques peut aussi renforcer la viabilité des finances publiques en améliorant l’efficience des dépenses de santé et de soins de longue durée. Cela dit, s’il n’était pas compensé par une augmentation des recettes, l’accroissement des dépenses publiques structurelles conduirait à une dégradation de la viabilité budgétaire et menacerait la croissance durable. Les autorités devraient reprendre les efforts d’assainissement budgétaire, tant sur le plan des dépenses que des recettes, notamment en réformant la sécurité sociale et le système fiscal, mais aussi en améliorant l’efficience des dépenses, étant entendu qu’un objectif réaliste devra être fixé. Le renforcement de la sécurité énergétique et la réduction de la dépendance à l’égard des combustibles fossiles nécessitent d’intensifier la promotion de la recherche sur les technologies vertes, de leur développement et de leur déploiement, de déployer les énergies renouvelables, et de favoriser les gains d’efficacité énergétique. Poursuivre les réformes des modalités de travail, notamment celles visant à promouvoir une rémunération égale à travail égal et les modalités de travail flexibles, et améliorer l’offre de services d’accueil des jeunes enfants permettraient de favoriser l’emploi féminin et de réduire l’ample écart de rémunération entre les genres. Dans le contexte des pénuries de main-d’œuvre, en particulier dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), il est également essentiel de réformer les programmes dans les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) pour rendre ces disciplines plus attrayantes et encourager davantage de filles à les étudier, notamment par le biais de programmes de mentorat.