Türkiye
La croissance économique devrait se modérer pour s’établir à 3.6 % en 2023 en raison du recul des exportations, tandis que la demande intérieure restera le principal moteur de la croissance. Les séismes dévastateurs qui se sont produits au début de cette année ont causé des dégâts considérables dans le sud du pays. Cependant, l’impulsion donnée par la reconstruction devrait amplement effacer l’incidence négative des perturbations de l’activité économique. Le taux de chômage devrait rester proche de 10 %. En raison des conditions financières souples, l’inflation restera supérieure à 40 % en 2023 et 2024 et les salaires nominaux augmenteront aussi rapidement.
Après les séismes, les politiques monétaire et budgétaire continueront de soutenir l’économie. Toutefois, l’ancrage des anticipations d’inflation reste difficile. Pour ce faire, il faudrait durcir la politique monétaire en planifiant soigneusement les relèvements du taux directeur et en communiquant de manière transparente sur ses futures variations. Des réformes structurelles destinées à améliorer le cadre réglementaire et la garantie de conditions équitables fondées sur des règles pour le secteur des entreprises renforceraient encore la résilience de l’économie.
Türkiye
1. L’indice des prix à la production se rapporte aux activités industrielles intérieures. Source : Base de données des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE ; base de données de la balance des paiements de l’OCDE ; et Banque centrale de la République de Türkiye (Türkiye Cumhuriyet Merkez Bankasi ou TCMB).
StatLink2 https://stat.link/5i9x6v
Türkiye : Demande, production et prix
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Calculé à partir des moyennes annuelles
3 Indice des prix à la
hors produits alimentaires et énergie
StatLink2 https://stat.link/4qvcop
Les travaux de reconstruction après les séismes ont déjà démarré
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113
Au début de 2023, deux séismes de très grande ampleur et de nombreuses répliques ont frappé la région sud de la Türkiye. Plus de 50 000 personnes ont trouvé la mort et plus de 3 millions de personnes ont été déplacées. Les dégâts causés sur les bâtiments, les infrastructures et les capacités de production ont été considérables. Les ventes au détail, les indices de chiffre d’affaires et la production industrielle ont reculé fortement en février. Toutefois, les indicateurs laissent entrevoir une reprise rapide de l’activité : les travaux de reconstruction s’accélèrent et les échanges commerciaux et la production industrielle dans la région touchée par les séismes ont été en partie rétablis. L’inflation a diminué, notamment en raison d’effets de base. Elle demeure néanmoins élevée et les anticipations d’inflation restent supérieures à l’objectif d’inflation de 5 %. Toutefois, les prix de l’énergie ont quelque peu reflué ces derniers mois. Les déséquilibres extérieurs se sont accentués, le déficit de la balance courante ayant atteint 5.3 % du PIB fin 2022.
La volatilité des prix mondiaux de l’énergie a mis en évidence les risques qui découlent d’une forte dépendance à l’égard d’un approvisionnement extérieur en énergie, la Türkiye important 99 % de son gaz et 93 % de son pétrole. Le récent démarrage de la production de gaz naturel dans le gisement de Sakarya atténuera quelque peu ces risques. Selon des estimations, d’ici à la fin de 2023, la production intérieure de gaz couvrira 7 % de la consommation nationale. En 2022, les autorités ont mis en œuvre plusieurs mesures pour protéger les ménages contre l’inflation énergétique, dont des mesures non ciblées comme des réductions de taxes sur l’énergie et la suppression de certaines redevances d’électricité. Ces mesures devraient rester en vigueur tout au long de la période considérée.
Les politiques monétaire et budgétaire resteront expansionnistes
Les autorités ont annoncé une série de mesures pour venir en aide aux structures touchées par la catastrophe, dont des subventions pour que les entreprises puissent financer leur masse salariale. Un nouvel organe, le Fonds pour la reconstruction post-catastrophe (« Disaster Reconstruction Fund »), est en train d’être mis sur pied. Il encadrera la répartition des ressources pour la remise en état des infrastructures. L’UE et d’autres donateurs internationaux se sont engagés à verser 7.5 milliards USD (0.6 % du PIB de 2023), qui seront affectés à l’aide humanitaire et à la reconstruction. En outre, la Banque centrale de la République de Türkiye a de nouveau abaissé son principal taux d’intérêt, de 9 % à 8.5 %, en vue d’atténuer l’impact économique des séismes. Elle a aussi accordé aux banques des dispenses sur les obligations concernant la détention de réserves afin d’encourager les prêts à la zone frappée par les séismes. La banque centrale devrait laisser son taux directeur inchangé à 8.5 % durant la période considérée.
La croissance restera solide en dépit de risques notables
Malgré l’incidence négative des séismes, la croissance économique s’établira à 3.6 % en 2023. En effet, le travail de reconstruction et les aides budgétaires compenseront largement les répercussions négatives sur la production et les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Outre les transferts publics et l’investissement public, l’investissement des entreprises et l’investissement en logements progresseront dans la mesure où les entreprises et les ménages répareront ou remplaceront les matériels et bâtiments endommagés. Une revalorisation de 50 % du salaire minimum et les aides budgétaires stimuleront la consommation privée. La croissance des exportations s’essoufflera en 2023 mais s’accélérera en 2024 sous l’effet du raffermissement de la demande mondiale. L’inflation restera élevée jusqu’à la fin de 2023, compte tenu de la politique monétaire expansionniste et de la forte croissance des salaires. Les risques de divergence négatifs prédominent. Sous l’effet de l’ampleur des besoins de financement extérieur et de la baisse rapide des volants de réserves, l’économie est très vulnérable en cas de turbulences et de vents contraires.
Les politiques macroéconomiques et structurelles doivent être réformées
Les autorités devraient continuer à prodiguer l’aide nécessaire aux personnes touchées par les séismes et aux ménages modestes pénalisés par l’augmentation du coût de la vie. Cette aide est justifiée, mais devrait être temporaire et ciblée sur les plus vulnérables pour que son coût budgétaire reste gérable. Dans le même temps, un cadre de politique macroéconomique plus transparent et solide s’impose pour enregistrer une croissance plus équilibrée et durable. L’ancrage des anticipations d’inflation est un défi majeur. Il faudrait durcir la politique monétaire en planifiant soigneusement les relèvements du taux directeur et en communiquant de manière transparente sur ses futures variations. La confiance dans l’indépendance de la banque centrale doit être améliorée, notamment en réduisant le taux de rotation des membres de son Conseil. Les carences structurelles découlant de la politique de la concurrence et de la réglementation des entreprises et liées à la lourdeur et la complexité des démarches administratives nécessaires à l’obtention d’autorisations, de licences ou de concessions, freinent la création d’entreprises dans le secteur formel. La réglementation du marché du travail doit également être encore améliorée pour favoriser la création d’un plus grand nombre d’emplois de meilleure qualité. En outre, il est encore possible d’accroître l’offre de main-d’œuvre, notamment au moyen d’aides à l’embauche bien pensées et ciblées sur les catégories les plus vulnérables. Un accroissement et un élargissement de l’offre de services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants de qualité pourront contribuer à améliorer l’accès des femmes au marché du travail.