OECD Economic Outlook May 2019: Chapter 2 - Digitisation and productivity (Version française)

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2 Transformation numérique

et productivité : une histoire de complémentarité

Le chapitre complet sera disponible dans la version française finale.

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Introduction et tour d’horizon Les technologies numériques sont en train de transformer nos vies et nos économies. Elles modifient la façon dont les entreprises produisent biens et services, innovent et interagissent avec les autres entreprises, les travailleurs, les consommateurs et les autorités publiques. De prime abord, elles semblent offrir de vastes possibilités d’amélioration de la productivité des entreprises et, in fine, des niveaux de vie. Par exemple, l’informatique en nuage donne aux entreprises accès à des solutions de stockage et de traitement flexibles des données ; les plateformes en ligne rendent leurs interactions avec leurs clients plus fluides ; et l’intelligence artificielle leur permet d’automatiser des tâches de plus en plus complexes. Or, malgré la montée en puissance du numérique, la croissance de la productivité du travail dans les pays de l’OCDE a fortement diminué au cours des dernières décennies. Cette évolution ne se résume pas à un problème de mesure. Des incertitudes croissantes pèsent sur la mesure de la productivité, notamment à cause de la progression du numérique et du rôle grandissant des actifs incorporels (algorithmes et données par exemple) et méritent que de plus amples recherches leur soient consacrées. Cependant, la plupart des chercheurs s’accordent à dire que les défauts de mesure ne sont pas la raison principale du ralentissement observé de la productivité. L’essoufflement de la productivité résulte à la fois du tassement de la croissance de la productivité multifactorielle et du faible niveau d’accumulation de capital. Ses causes sont multiples et partiellement liées entre elles : certaines ont trait à la crise financière mondiale et à ses retombées (par exemple la réduction de l’offre de crédit, qui a rejailli sur les investissements corporels et incorporels), et d’autres à des facteurs plus structurels, comme le déclin du dynamisme commercial et les médiocres performances des entreprises peu productives. Le ralentissement de la productivité a commencé avant la crise et, une décennie après celle-ci, la croissance de la productivité demeure atone malgré quelques améliorations récentes. Il semble donc que les facteurs structurels jouent un rôle important dans le fléchissement observé. Le passage au numérique n’a pas généré de gains de productivité globaux suffisants jusqu’à présent pour compenser les effets de ces facteurs. Cette situation tranche avec la précédente vague de transformation numérique de la fin des années 1990, associée notamment à la diffusion des micro-ordinateurs, qui avait donné un coup de fouet à la productivité, tout au moins aux États-Unis. La dynamique de productivité décevante engendrée par la vague de transformation numérique actuelle s’impose comme l’une des grandes énigmes économiques, au point que l’on emploie parfois à son propos l’expression de « nouveau paradoxe de la productivité » en référence au précédent paradoxe de la productivité formulé par Robert Solow en 1987. Pour élucider ce paradoxe, il faut examiner en détail les mécanismes par lesquels la transformation numérique peut soutenir la productivité des entreprises et les niveaux de vie, les raisons qui font que certains de ces mécanismes sont peut-être devenus inopérants, et les mesures qui permettraient de les (ré)activer. Ce chapitre fait valoir que le passage au numérique a soutenu la productivité, mais que les gains de productivité à l’échelle de l’ensemble de l’économie ont été décevants à cause des carences d’un ensemble de facteurs et politiques complémentaires essentiels. Le fait est que les technologies numériques sont caractérisées par des complémentarités étroites (i) entre les technologies elles-mêmes ; (ii) avec les capacités et les actifs des entreprises, tels que les compétences techniques et de gestion, le capital organisationnel, l’innovation et la capacité de financement ; et (iii) avec les politiques qui favorisent la concurrence et la réaffectation efficiente des ressources dans l’économie. Les carences de ces facteurs complémentaires ont freiné la diffusion des technologies numériques et réduit les avantages associés sur le plan de la productivité.

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3 Les gains issus de la transformation numérique n’ont pas été uniformément répartis entre les entreprises. Celles d’entre elles qui disposent d’un meilleur accès aux compétences techniques, de gestion et d’organisation clés ont mieux tiré leur épingle du jeu que les autres. Ces entreprises étaient déjà globalement plus productives que l’entreprise moyenne, et la transformation numérique leur a permis de creuser leur avance. En outre, les faibles coûts marginaux et les effets de réseau élevés qui caractérisent certaines activités numériques ont tendance à profiter à un petit nombre d’entreprises « superstars » très productives, avec lesquelles les autres entreprises ont de plus en plus de mal à rivaliser. Même dans les secteurs à contenu technologique relativement faible (hôtellerie et restauration par exemple), la généralisation de la notation et l’évaluation en ligne par les utilisateurs tend à orienter la demande vers les entreprises les plus productives. À l’avenir, les nouvelles technologies qui requièrent des compétences complexes, telles que l’intelligence artificielle, et les investissements incorporels de grande ampleur (par exemple dans la R-D, les algorithmes et les données) risquent d’accentuer encore davantage l’avance des entreprises les plus productives sur les moins productives. Ces tendances ont de profondes répercussions sur les niveaux de vie et l’inclusivité. L’atonie de la croissance de la productivité s’est répercutée sur la croissance moyenne des salaires, tout particulièrement dans les pays où les salaires se sont « découplés » de la productivité au cours des dernières décennies. En outre, la dispersion croissante des niveaux de productivité entre entreprises s’est accompagnée d’une dispersion croissante des salaires moyens entre entreprises, contribuant au creusement des inégalités de revenus entre les travailleurs. Au sein des entreprises, la transformation numérique a jusqu’à présent essentiellement profité aux travailleurs très qualifiés, les tâches répétitives effectuées par les travailleurs peu à moyennement qualifiés étant progressivement automatisées. Parallèlement, une part minoritaire mais en croissance rapide des travailleurs a bifurqué vers les plateformes de l’économie « à la tâche » (« gig economy »), où ils exercent des formes d’emploi flexibles qui offrent rarement la même protection et les mêmes prestations que celles dont bénéficient les travailleurs réguliers. Il est possible que des technologies numériques telles que la traduction automatique accélèrent à l’avenir l’automatisation de certaines tâches de service et leur externalisation vers les pays à bas salaires ; cela pourrait générer des gains d’efficience, mais aussi exercer des pressions supplémentaires sur les conditions de travail dans les économies avancées, soulevant des questions cruciales quant à l’avenir du travail. Les politiques publiques peuvent grandement contribuer à rendre la transformation numérique efficiente et inclusive, en veillant à ce que les facteurs complémentaires nécessaires soient bien en place. Elles doivent pour cela s’atteler à plusieurs priorités : mettre à niveau les compétences, assurer un accès correct à l’internet haut débit, encourager une réaffectation efficiente des ressources dans et entre les entreprises, s’attaquer aux nouveaux enjeux de la concurrence (par exemple, les effets de réseau fondés sur les données et les coûts de transfert sur les marchés des plateformes en ligne), remédier aux partis pris que peuvent avoir les systèmes financiers et les régimes fiscaux à l’encontre des investissements incorporels, et développer les services d’administration numérique. De plus, il faut analyser de façon plus approfondie le rôle central des données dans les économies numériques et ce qu’il implique pour les politiques. Pour exploiter les complémentarités potentielles entre les politiques, il faut adopter un programme d’action cohérent fondé sur une approche faisant intervenir toutes les sphères de l’action gouvernementale, et prendre en considération d’autres questions plus générales en lien avec la transformation numérique – fiscalité, relations du travail, protection des consommateurs, respect de la vie privée, confiance et cybersécurité, entre autres. La transformation numérique étant par nature un phénomène mondial, il importe d’intensifier le dialogue international sur des questions telles que la réglementation et l’interopérabilité des normes et sur les politiques relatives à la concurrence et à la fiscalité. En dernier lieu, considérant qu’un processus de transformation numérique non inclusif risque de mettre à mal l’égalité des chances et d’exacerber les écarts de revenus, les pouvoirs publics devraient s’attacher à combler les « fossés numériques » et à établir des conditions qui permettent aux travailleurs peu qualifiés et aux

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4 entreprises peu productives de rattraper leur retard. À cet égard, l’amélioration des compétences est une priorité essentielle.

Ce chapitre, qui fait fond, en particulier, sur des travaux récents de l’OCDE et s’inscrit dans le contexte plus large du projet de l’OCDE sur la transformation numérique, des enjeux de la transition pour l’avenir du travail présentés dans les Perspectives de l’emploi 2019 de l’OCDE, des Perspectives de l’OCDE sur les compétences et de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi, décrit les avancées récentes du processus de transformation numérique et examine leur incidence sur la productivité et l’inclusivité. Il examine ensuite les relations de complémentarité inhérentes à une mise en œuvre efficace des technologies numériques, ainsi que les défis et priorités qui vont de pair avec une transformation numérique réussie.

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