À propos de Doing Business 2010 LE BÉNIN DOIT AMÉLIORER DAVANTAGE LE CLIMAT DES AFFAIRES Sur 183 pays observés, cette année, dans l'enquête du Doing Business 2010, le Bénin, comme en 2008, n'aura fait aucun pas significatif dans la poursuite des réformes que nécessite le renforcement de l'environnement des affaires, seul gage de la croissance et de l'amélioration des perspectives économiques. Le rapport Doing Business 2010 classe le Bénin au 172ème rang, faisant constater ainsi la position statique maintenue par ce pays parmi les 183 examinés en cette année 2009. L'absence de réformes nouvelles et importantes n'a donc pas permis à l'État béninois d'impulser une dynamique nécessaire au développement des entreprises. On note, cependant, à partir de ce rapport comparatif sur les réglementations dans les pays en matière de cycle de vie des entreprises et de facilité dans leur pratique des affaires, que, malgré l'austérité engendrée par la crise mondiale cette année, la plupart des entreprises béninoises ont pu faire face aux contraintes fiscales tandis que d'autres ont saisi les nombreuses opportunités du trafic commercial transfrontalier avec le géant Nigeria voisin, le Togo et les pays de l'hinterland, notamment dans le commerce des véhicules d'occasion avec ces derniers. Cela étant, il est important, par ailleurs, de chercher à observer les corrélations avec le rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité économique 2009-2010, enquête à laquelle le Bénin a été soumis, pour la même période que le Doing Business 2010 ici en cause. Malgré les avancées en Afrique subsaharienne, le Bénin égal à lui-même Dans cet exercice de comparaison que propose le classement de Doing Business en sa septième édition, les critères ne sont rien d'autres que des indicateurs quantitatifs sur la réglementation des entreprises et la protection des droits de propriété en vigueur dans les 183 pays. Il s'agit de : la création d'entreprises, l'octroi de permis de construire, l'embauche des travailleurs, le transfert de propriété, l'obtention de prêts, la protection des investisseurs, le paiement des taxes et impôts, le commerce transfrontalier, l'exécution des contrats et la fermeture d'entreprises. Seuls deux nouveaux indices pilotes se sont ajoutés à ces dix sphères d'évaluation de la vie des entreprises, à savoir: l'obtention d'électricité et la protection des travailleurs. Ainsi, il s'est observé autour de 89 pays que l'accessibilité et la qualité des infrastructures, telle que l'électricité, impactent de façon considérable sur la productivité et la croissance des sociétés. Or, la problématique énergétique reste encore en souffrance dans de nombreux pays du Sud à l'instar du Bénin où les projets engagés à cet effet depuis environ trois années peinent à aboutir, mettant en attente des investisseurs intéressés par la stabilité actuelle du pays. Globalement, selon les données de Doing Business 2010, les régions disposant de réglementations les plus favorables aux affaires sont constituées des pays à revenu élevé de l'Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), avec un classement moyen de 30/183 pays; l'Europe de l'est et l'Asie centrale (71/183 en moyenne); l'Asie de l'est et le Pacifique (83/183 pays); le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (92/183); puis les pays d'Amérique latine et des Caraïbes (95/183 pays en moyenne). Par contre, les régions d'Asie du sud (118/183) et d'Afrique au Sud du Sahara (139/183) sont moins favorables à la facilité des affaires. Le Bénin 172ème semble être égal à lui-même mais loin en retard de 33 points par rapport à ce seuil moyen dans la zone -1-
subsaharienne en Afrique, devancé entre autres par le Madagascar (134ème rang), le Burkina Faso (147ème rang contre 155 en 2008), le Soudan (154ème du classement 2010 contre 149 dans le précédent), le Mali (156ème contre 162 en 2008), le Togo (165ème contre 166 l'an dernier), pays ayant amélioré leurs performances en matière de législations et de réformes en faveur de la facilité des affaires. 103ème puis 172ème dans la même année, de part et d'autre ! La différence de rangs entre les deux classements, la même année, mais surtout les grands écarts observés au niveau des différentes rubriques nécessitent une analyse croisée autour des critères d'évaluation en ce qui concerne l'économie béninoise dans sa dynamique actuelle. Une telle analyse, à notre avis, pourrait offrir un champ d'appréciation plus large des niveaux ou critères de soutenabilité qui nécessitent des appuis et des mesures de décisions en faveur des perspectives économiques du Bénin. Pour ce faire, je me propose, d'une part, de confronter les indices des deux types d'évaluation et, d'autre part, d'analyser à partir des critères de similitude précédents puis des autres critères, de manière croisée, les résultats ayant consacré cette différence des rangs en ce qui concerne le Bénin. 1
Le tableau suivant permet alors de rapprocher divers critères suivant les deux types d'évaluation ci-considérés, à savoir: le Global Competitiveness Index (GCI 2009-2010) et le Doing Business (DB 2010). GCI 2009-2010
DB2010 CORRÉLATION SIMILITUDE 12 piliers / 13000 chefs d'entreprises 10 stades du cycle de vie d'une / 133 pays entreprise / PME-PMI de 183 pays - Octroi de permis de construire I N D I C A T E U R S D' É V A L U A TI O N
Institutions
Oui - Paiement des taxes & impôts
Infrastructure
+ ou -
(Obtention d'électricité)
Stabilité macroéconomique Santé & Éducation primaire Éducation supérieure et Formation Efficacité du marché des biens Efficacité du marché du travail
Oui
Embauche des travailleurs (Protection des travailleurs)
Sophistication du système financier
+ ou -
Obtention de prêts
Technologie
+ ou -
Transfert de propriété
Taille du marché
+ ou -
Commerce transfrontalier - Création d'entreprise - Exécution des contrats
Sophistication du secteur privé
Oui - Fermeture d'entreprise - Protection des investisseurs
Innovation
1 Tableau réalisé par nous, à partir des données issues des rapports DB2010 et GCI 2009-2010
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Les éléments de corrélation-similitude issus de ce tableau permettent d'établir un rapport entre les deux formes d'examen auxquelles a été soumise la vie économique au Bénin en comparaison, bien entendu, avec d'autres pays du monde. Rappelons avant toute analyse que les auteurs desdits rapports précisent dans tous les cas les objectifs et l'intérêt de leurs évaluations ainsi que les raisons fondent les indicateurs retenus de part et d'autre. Pour le DB2010, il s'agit de comparer les réglementations existantes avec un accent particulier sur les réformes qu'elles entraînent en vue de l'amélioration de l'environnement et du développement des affaires dans les pays, toutes choses impactant leur niveau de développement économique en 10 stades ; tandis que le GCI 2009-2010, sur la base de 12 piliers adoptés par les auteurs comme les ressorts fondamentaux d'une économie développée et compétitive, détermine les degrés de compétitivité économique, mettant en évidence les progrès réalisés par chaque pays, les efforts en cours, qui assurent les perspectives aux plans micro et macroéconomique des politiques de développement des États examinés.
Des indices d'évaluation plus ou moins exhaustifs pour le Bénin On remarque, en effet, qu'au niveau du rapport du Forum de compétitivité économique (GCI 2009-2010), le Bénin a connu des avancées notables en 5 indicateurs ou piliers d'évaluation sur les 12 piliers requis, ayant réalisé des scores de plus de 3,5 points sur le top de 7 points pour chacun de ces indicateurs de performance économique, à savoir: 1. stabilité macroéconomique (4,8 et 54ème rang); 2. efficacité du marché du travail (4,2 et 87ème rang); 3. santé & éducation primaire (4,1 et 111ème rang); 4. efficacité du marché des biens (3,8 et 103ème rang); 5. institutions (3,7 et 79ème rang). Il est à noter qu'au niveau du pilier « infrastructure », le Bénin (103ème) avec 2,6 points (108ème) se retrouve au rang des pays en transition en ce qui concerne les efforts en cours pour l'investissement dans les chantiers de construction d'infrastructures (routes, écoles et autres infrastructures de base) que nécessitent les défis de l'émergence économique. On constate aussi, avec ce rapport, les efforts dans la « sophistication du secteur privé » (3,3 et 114ème), pour l'année en cours; ce qui s'explique si nous considérons, par exemple, les effets induits par la loi de finances 2009 ayant disposé d'exonérer des contraintes fiscales les nouvelles entreprises créés en cette année. Au niveau du rapport du Doing Business (DB2010), sur 10 indices ou stades d'examen de la facilitation des affaires, on retient que le Bénin (172ème) se trouve parmi les pays faisant moins de réformes dans le sens des dispositifs législatifs et procédures en vue de l'amélioration de l'environnement des affaires. Mentionnons que deux autres domainescritères complémentaires ont fait l'objet d'évaluation cette année 2009; il s'agit de l'obtention d'électricité et de la protection des travailleurs. Ces deux critères peuvent être d'ailleurs mis en corrélation avec les piliers « infrastructure » et « efficacité du marché du travail » du Global Competitiveness Index. Sur plus de 10 indicateurs donc, seuls 2 illustrent à ce stade les efforts constatés dans la pratique de la facilité des affaires, à savoir: - le paiement des impôts et taxes (7ème, après la Belgique, sur 45 pays réformateurs); - le commerce transfrontalier (7ème, juste avant le Burkina Faso, sur 38 réformateurs).
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Retenons que, selon ce rapport, le Bénin n'a opéré aucune réforme qui compliquerait à l'étape actuelle la pratique de la facilité des affaires, contrairement à d'autres pays figurant parmi les mauvais réformateurs. Néanmoins, dans le même temps, des pays subsahariens tel le Rwanda (67ème contre 143ème rang en 2008), le Madagascar (134ème contre 144ème en 2008) et le Burkina Faso (147ème contre 155ème en 2008) tiennent des rangs meilleurs à ceux du Bénin au nombre des pays réformateurs, et ce, simplement en raison du grand nombre de réformes effectivement mises en œuvre en matière de facilitation des affaires. Doing Business et Global Competitiveness Index: des diagnostics complémentaires pour un meilleur regard sur l'économie béninoise et ses perspectives Sur la base de ce tableau où j'ai procédé à des recoupements au niveau des indicateurs d'évaluation des pays et mis en évidence du coup des liens de similitude entre les deux rapports d'évaluation, les trois observations ci-après consacrent, au-delà de la différence des rangs, la complémentarité des résultats à propos du Bénin : 1)° Avec plus de pays examinés, DB2010 présente plus d'indices très étroitement liés à la vie des entreprises, notamment les quatre correspondant au pilier « sophistication du secteur privé » dans le rapport sur la compétitivité économique; cependant, le Bénin n'aura enregistré aucune réforme à aucun de ces stades de l'évaluation. Ce qui, dans la logique de Doing Business, pourrait justifier qu'il ait été déclassé loin derrière des pays en post-conflit comme le Rwanda, le Madagascar, la Mauritanie, la Sierra Leone et même le 2
Zimbabwe où l'environnement des affaires se trouve en pleine reconstitution avec des réglementations de facilitation nouvellement instituées. 2)° Hormis les dispositions de la loi de finances d e 2009 en vigueur au profit des entreprises nouvellement créées, le paiement des taxes et impôts remarquable pour le compte du Bénin ne milite pas, à mon avis, en faveur de la pratique de la facilité des affaires; au contraire, l'État béninois continue d'asphyxier les entreprises dans leur développement et la pression fiscale reste un obstacle à la promotion du secteur privé, seul lieu de la création des richesses nationales et source des recettes de l'État; à côté de cet indice, le commerce transfrontalier favorisé par les frontières avec le Togo et surtout le géant voisin Nigeria est visiblement l'autre indice favorable pour le Bénin; toutefois, avec cette nuance que le Bénin ne profite pas suffisamment encore du trafic commercial avec ces États et d'autres de l'hinterland. Le commerce transfrontalier, s'il s'étend sur plusieurs axes et permet de joindre d'autres capitales de la sous-région ouest africaine au Bénin, semble, d'un côté, se limiter aux nouvelles mannes des recettes portuaires de transit, et, de l'autre, dynamiser a contrario le secteur informel. 3)° Par rapport à l'évaluation sur la compétitivité économique, Doing Business dispose de moins d'indicateurs. Ceci, à notre analyse, entraîne que certains indicateurs de la dynamique économique du Bénin ont été examinés et ont conclu à une santé économique probable mais qui a besoin d'être soutenue dans la durée, tandis que d'autres nécessitent des coups d'accélérateur urgents; ces derniers sont marqués par « plus ou moins » (+ ou ) et sont tous semblables aux indicateurs relevés dans le DB2010. Mais, les autres grands indicateurs sur lesquels se sont exclusivement penchées les enquêtes du GCI 2009-2010 en ce qui concerne le Bénin, sont importants pour apprécier le niveau actuel de l'économie 2
Il a été précisé dans ce rapport que le classement de chaque pays date de juin 2009, donc en tenant compte des tendances observées depuis le rapport de l'année précédente jusqu'au premier semestre de l'année en cours.
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béninoise à travers les efforts très notables des divers acteurs, les rapprochements de plus en plus soutenus du secteur privé dans les visions des gouvernants, en l'occurrence le partenariat public-privé. C'est dans ces conditions que les piliers suivants traduisent les réalités mises en exergue et ayant milité en faveur du rang du Bénin dans l'examen de compétitivité économique: infrastructure, stabilité macroéconomique, santé et éducation primaire, efficacité du marché des biens et efficacité du marché du travail.
En conclusion Doing Business, en définitive, révèle un diagnostic réel de la nécessité pour l'État béninois de soutenir par des décisions plus manifestes le secteur des affaires. Ce rapport, entre autres, a l'avantage de mettre l'accent sur l'urgence des réformes en matière de dispositifs juridiques, législatifs et de procédures administratives vers lesquelles gouvernement et parlement doivent avancer de donner de nouvelles impulsions susceptibles de dynamiser le secteur des affaires et d'entraîner l'émergence économique. En outre, dans une logique comparative, Doing Business indique en même temps des modèles à suivre par le Bénin car nombre de pays réformateurs ont procédé par bonne « tricherie » sur les voisins. Ainsi, le Burkina, le Mali, le Ghana et même le Togo en matière de création d'entreprises constituent des modèles à suivre pour le Bénin qui reste trop limité sur sa seule stabilité macroéconomique (politique notamment). Du reste, en plus des autres recommandations formulées par Doing Business et dont le Bénin devrait se préoccuper à l'avenir, soit dans le court terme, les corrélations observées avec le rapport de l'indice global de compétitivité économique (GCI 2009-2010) dans ma précédente analyse permettent au Bénin de disposer d'un diagnostic plus large sur l'environnement économique et les tendances à corriger ou à explorer. Car, de part et d'autre des rapports, un certain nombre d'indicateurs de performance se sont révélés, qui nécessiteraient aussi bien une veille stratégique pour continuer à être appuyés et soutenus, que des priorités à consacrer et investir à travers des réformes décisives et plus pertinentes en faveur de la facilitation des affaires. C'est l'État béninois, acteur au premier chef de la politique de développement économique du Bénin et, partant, instigateur des réformes au plan national, qui se trouve ainsi interpellé par les divers signaux. Luc M. ASSOGBA, Chargé d'Études et de Relations Médias / C.I.P.B.
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