Europe, forteresse assigee ou miroir aux alouettes

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EUROPE, FORTERESSE ASSIEGEE OU MIROIR AUX ALOUETTES

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Juillet 2009. © Propriété du CIPB, Immeuble Kougblénou, 85, avenue Steinmetz, 03 BP 4304 Cotonou, Bénin, www.cipb.bj

Europe, forteresse assiégée ou miroir aux alouettes, juillet 2009, © CIPB

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L'EUROPE FORTERESSE ASSIEGEE OU MIROIR AUX ALOUETTES

Le magazine Jeune Afrique N°2476 du 22 juin, traitait en trois textes1 des migrations africaines, sous trois aspects différents, en fait contradictoires. Un éditorial de M. Marwane BEN YAHMED, au titre évocateur ‘’La forteresse assiégée’’ (l’Europe bien sûr) et à la conclusion cinglante : «Cette politique ne tarit pas le flot de ceux qui aspirent à une vie meilleure, loin de là. La fin du cauchemar n’est pas pour demain. L’Europe a perdu le sens des réalités et préfère élever ses remparts plutôt que d’ouvrir les yeux. Ce n’est plus une forteresse, c’est une tour d’ivoire». Plus loin dans la revue, une page entière rend compte, sous la plume de M. Coumba Diop, d’un livre de M. Gaston-Paul EFFA intitulé ‘’Nous, enfants de la tradition’’. Extrait de cette critique «A travers le personnage principal du livre, Osele, ingénieur camerounais vivant à Paris, Effa expose l’écartèlement culturel dont sont victimes la plupart des immigrés africains vivant en Europe. Marié à une Française, père de deux enfants, Osele se partage entre son foyer et les bureaux de Western Union d’où il envoie la quasi-totalité de son salaire à sa famille restée en Afrique. Et quelle famille ! Aîné de trente trois enfants, il est un peu la vache à lait de toute cette parentèle. Mariage, enterrement ou problèmes de santé, il incarne le salut.» Lassée, son épouse le quitte ’’pour donner une meilleure vie à ses enfants’’ et notre ingénieur se retrouve dans un foyer d’immigré d’où il continue à envoyer ses économies au pays. Troisième texte. Un article de Mme Sophie BOUILLON : «Afrique Australe : Zimbabwéen go home !» La journaliste cite, dans le texte, les propos indignés de M. Mike Mulongoti, Ministre zambien de l'information : «Ils sont partout !» et «combien de temps va-t-on continuer à accueillir ces populations ? Nous sommes continuellement importunés», et elle-même de conclure : agacée (sic) par la mauvaise gouvernance qui sévit au pays de Robert MUGABE, la classe politique zambienne ne semble pas décidée à calmer le jeu. Rendons hommage à Jeune Afrique qui, par la diversité des situations évoquées et des points de vue exprimés, nous permet une réflexion sur les migrations africaines, au-delà des clichés. 1.

Non, les immigrés qui se pressent aux portes de l’Europe, qui se noient dans la Méditerranée ou l’Atlantique n’aspirent pas à une vie meilleure. Ils sont les envoyés de leurs familles, des sortes de forçats volontaires (je n’ose pas parler d’esclaves modernes puisque les termes esclave ou esclavage sont maintenant une marque déposée de l’industrie de la repentance, du ressentiment et de l’auto-flagellation) voués à épargner le maximum sur leurs maigres salaires ou allocations sociales avec, pour seule récompense, leur fierté de savoir que ‘’là bas’’, les funérailles ont été somptueuses, ou qu’on a pu soigner la mère et envoyer les frères à l’école.

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Oui, il faut parler de la ‘’mauvaise gouvernance’’. Dans le cas du Zimbabwe, c’est une litote : nous sommes devant la non gouvernance absolue, une situation ubuesque. Mais dans le reste de l’Afrique subsaharienne ? Alors qu’apparaît la crise alimentaire, que les chiffres de la démographie, avec les mêmes taux depuis des décennie, appellent à l’action, combien de millions d’hectares de terres arables en friche parce que le problème foncier n’a pas été pris à bras le corps ? Parmi les partenaires techniques et financiers

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Voir textes ci-après

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(les bailleurs de fonds dans l’ancienne dénomination), combien se sont assurés que l’aide dispensée était utilisée à la création, localement, de valeur ajoutée, seul moyen de sortir du cercle vicieux de la dépendance et de la pauvreté ? 3.

Non, l’Europe n’est pas une forteresse assiégée, c’est un miroir aux alouettes. La question n’est pas de savoir si, comme disait l’autre, elle peut ou non accueillir toute la misère du monde. Le problème est que les ‘’forçats familiaux’’ sont précisément ceux-là mêmes qui, s’ils restaient en Afrique, pourraient faire sortir celle-ci du sous développement: ils ont un capital de départ (celui – pas négligeable - qu'actuellement ils gaspillent dans leurs tentatives réussies ou non pour rejoindre l’Europe); ils ont toute l’énergie du monde (celle qu’ils déploient pour supporter les conditions du voyage et du séjour hypothétique dans le pays de destination); ils ont des valeurs (le dévouement à leur famille).

Le défi urgent des vrais amis de l’Afrique, c’est de sortir des faciles clichés des droits-de-l’hommiste et de concentrer toutes les réflexions, toutes les actions, toutes les pressions, morales, politiques, financiers sur ce seul objectif: faire des pays africains des lieux où les ‘’Enfants de la tradition’’ peuvent investir leurs ressources, leurs énergies, leurs valeurs. Car avoir le sens des réalités aujourd’hui, c’est comprendre que les pays de l’Afrique subsaharienne sont confrontés à une situation explosive : une démographie non maîtrisée, une crise alimentaire programmée et un taux d’alphabétisation auquel ne correspondent pas les emplois disponibles. C’est exactement la situation du bassin parisien à la fin du XVIIIème siècle2, qui a abouti aux événements de 1789, dont la France ne s’est jamais vraiment relevée….

Roland RIBOUX Président

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Voir à ce sujet le livre saisissant d’Emmanuel TODD et Youssef COURBAGE ‘’Le rendez-vous des civilisations’’.

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EDITORIAL LA FORTERESSE ASSIEGEE POUR JUGULER LES FLUX MIGRATOIRES, l’Union Européenne n’a d’autre réponse que de se transformer chaque jour davantage en forteresse. Et de durcir le ton : expulsions forcées, manœuvres militaires en Méditerranée, camps de refoulement installés au Maghreb, etc. Dernier épisode de cette guerre aux migrants, l’adoption par le Parlement européen, le 18 juin, de la directive « Retour », qui vise à harmoniser les règles d’expulsion des sans-papiers. Jusqu’à"dix-huit mois d’internement pour le seul fait de fuir la misère, rétention et expulsion de mineurs et de personnes vulnérables (victimes de tortures, femmes enceintes), interdiction de retour sur le territoire européen pendant une durée de cinq ans pour les expulsés... Bienvenue sur le Vieux Continent ! Oui, l’Europe est en guerre contre les dizaines de milliers de candidats à l’immigration qui se pressent à ses frontières. Migrer, un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. La longue liste des petits arrangements avec le droit international n’en finit d’ailleurs plus de s’allonger: entraves au regroupement familial, à l’accès aux soins, à une justice équitable, à la scolarité, au statut de réfugié, traitement policier musclé et discriminatoire... Les accommodements avec la morale ne sont pas moins nombreux. Comme cette immigration « choisie », indispensable à la croissance européenne nous dit-on, qui ne fait que dépouiller les pays d’origine de leurs forcés vives. Comme le « codéveloppement », aussi, nouvelle expression à la mode en France, qui n’est au fond qu’un troc cynique : de l’aide contre des accords dits concertés avec les pays de départ (Cameroun, Sénégal, Mali, Mauritanie, etc.), réduits à accepter sans sourciller les tests ADN et le retour des candidats au bonheur recalés. Ou comme cette initiative de Sarkozy, enfin, qui accorde aux Polonais, entre autres, ce qu'il refuse aux Africains en annonçant l’ouverture totale du marché français aux travailleurs de l’Est. L’état de siège, depuis longtemps décrété par l’UE, donne-t-il des résultats? A voir l’augmentation exponentielle du nombre de victimes, noyées ou mortes d’épuisement, entre les rives africaines et européennes, non. Cette politique ne tarit pas le flot de ceux qui aspirent à une vie meilleure, loin de là. La fin du cauchemar n’est pas pour demain. L’Europe a perdu le sens des réalités et préfère élever ses remparts plutôt que d’Ouvrir les yeux. Ce n’est plus une forteresse, c’est une tour d’ivoire... Marwane BEN YAHMED Jeune Afrique N° 2476 du 22 au 28 juin 2008 (texte intégral)

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L’EMIGRE, CETTE VACHE A LAIT La plupart des Africains installés en Europe envoient les trois quarts de leur salaire au pays. Gaston-Paul Effa brise ce tabou dans un roman qui évoque le poids de la famille. Comment se nourrir de traditions et aspirer à la liberté ? C’est la question que pose l’écrivain Gaston-Paul Effa dans son dernier ouvrage « Nous, enfants de la tradition » (éditions Anne Carrière). A travers le personnage principal du livre, Osele, ingénieur camerounais vivant à Paris, Effa expose l’écartèlement culturel dont sont victimes la plupart des immigrés africains vivant en Europe. Marié à une Française, père de deux enfants, Osele se partage entre son foyer et les bureaux de Western Union d’où il envoie la quasi-totalité de son salaire à sa famille restée en Afrique. Et quelle famille ! Aîné de trente-trois enfants, il est un peu la vache à lait de toute cette parentèle. Mariage, enterrement ou problèmes de santé, il incarne le salut. L’être qui résout les maux d’argent comme les maux tout court, par la grâce des billets de banque. Et ce malgré les colères récurrentes de sa femme, Hélène, qui n’en peut plus de ces sollicitations incessantes.

Un lourd héritage Lasse de voir le salaire de son mari aller systématiquement garnir les poches d’autres personnes au détriment du confort de ses propres enfants, elle le met un beau jour à la porte. Osele se retrouve alors entre les murs glauques d’un foyer pour immigrés où marabouts, vendeurs à la sauvette et joueurs de djembé mènent une existence de misère sous le joug de Western Union. Comme lui, ils envoient les trois quarts de leurs revenus au bled. « J'ai la sensation précise de vivre l’abandon, de tout abandonner à ma famille africaine, de tout donner. [...] Apparemment, je suis très loin du monde, mais en réalité, dans le fond obscur de mon âme, je rêve aux mandats que je vais envoyer chez moi et à ce qu’ils vont en faire : payer les scolarités, soigner les rhumatismes, les paludismes, les diarrhées, panser les plaies, habiller les morts... J’ai dans le cerveau un écheveau inépuisable dont je ne fais que tirer et dérouler le fil ». Ces propos, qui sont ceux du héros de Gaston-Paul Effa, illustrent parfaitement l’état d’esprit de nombre d’exilés africains dont le salaire traverse les frontières pour faire vivre la tribu restée sur le continent. Ces « enfants de la tradition », qui, sans renoncer à leur culture, à la fois socle de leur équilibre et chaînes invisibles, cherchent néanmoins (en vain?) à s’en affranchir pour s’intégrer aux sociétés européennes. A travers le cheminement improbable de son héros qui remonte le fil de sa vie jusqu'à sa tendre enfance, Gaston-Paul Effa dénonce la perpétuation d’un lourd héritage. Les demandes, sans cesse plus pressantes, faites sur le ton à peine déguisé de la menace. « La tradition est ce qu’elle est. Mais je sais qu’elle m’a tout pris. Je sens, je pressens déjà quelque chose, sans en être tout à fait sûr : que toute parole, tout silence même sera retenu contre moi. [...] Même l’argent que j’ai envoyé n’est rien. Il en fallait tant et plus ! Une goutte d'eau dans la mer! » se lamente Osele. Mais que peut faire un homme seul contre la redoutable hydre de la tradition? C’est la chronique d’un combat perdu d'avance que raconte l'écrivain francocamerounais, lui qui s’est certainement inspiré de sa propre expérience. Fils aîné d’une fratrie de trentetrois frères et sœurs, Effa est sans nul doute un de ces « enfants de la tradition»...

Coumba DIOP Jeune Afrique N° 2476 du 22 au 28 juin 2008 (texte intégral)

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AFRIQUE AUSTRALE ZIMBABWEENS, GO HOME! « Ils sont partout !» Le ministre zambien de l’Information, Mike Mulongoti, exprime son désarroi face à l’afflux de ressortissants zimbabwéens qui arrivent dans son pays. Ils seraient deux cents à traverser chaque jour la frontière, selon les estimations des autorités. Celles-ci craignent un déséquilibre de toute la sous région, qui, selon elle, ne peut plus accueillir de nouveaux réfugiés. Ainsi, ils seraient 300000 à vivre illégalement au Botswana, un pays qui compte à peine 2 millions d'habitants. Et ces vagues d’immigration risquent encore de s’intensifier au lendemain du second tour de l’élection présidentielle, fixé au 27 juin prochain et qui s’annonce particulièrement violent. Depuis le début de la crise économique en 2000, un tiers de la population zimbabwéenne a fui le pays, victime des pénuries alimentaires et de l’hyperinflation. Conséquence, l’exaspération des pays voisins se transforme peu à peu en xénophobie. En Afrique du Sud, des milliers de personnes vivent encore dans des camps à la suite des violences qui ont éclaté le 11 mai dernier à Johannesburg, avant de s’étendre à Durban et au Cap, faisant plus de soixante morts parmi les étrangers. Au moins 2.200 Zimbabwéens attendent une aide pour rentrer au pays, alors que d'autres sont partis vers les pays voisins. «Combien de temps va-t-on continuer à accueillir ces populations ? Nous sommes continuellement importunés», s’est indigné Mike Mulongoti. Agacée par la mauvaise gouvernance qui sévit au pays de Robert Mugabe, la classe politique zambienne ne semble pas décidée à calmer le jeu.

Sophie BOUILLON Jeune Afrique N° 2476 du 22 au 28 juin 2008 (texte intégral)

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