« L’Afrique va devoir sortir de la facilité de l’aide » Pour Roland Riboux, Président du Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), la crise internationale a du bon. L’Afrique va sortir de la facilité de l’aide publique.
Les Afriques : Le CIPB existe depuis sept ans. A-t-il des motifs de fierté ? Roland Riboux : Nous avons commencé en 2002 avec sept membres… Nous sommes maintenant quarante. A priori, c’est un effectif qui ne changera pas beaucoup. Du point de vue de notre action, l’année 2008 a été excellente, puisqu’au travers de notre collaboration avec le Programme d’appui au secteur privé (PASP) et la CCI du Bénin sur des questions de fiscalité, nous avons obtenu du gouvernement « La fiscalité béninoise se rapproche petit à petit des meilleures fiscalités de la sous-région. » des avancées substantielles, en particulier une réduction du taux de l’impôt sur les sociétés et une modification de l’assiette de la patente. La fiscalité béninoise se rapproche petit à petit des meilleures fiscalités de la sous-région. LA : Votre regard sur le climat des investissements au Bénin… RR : Le pays dispose d’un grand potentiel, qu’il faut mobiliser et qui repose essentiellement sur l’agriculture. Il y a une crise alimentaire mondiale qui a commencé à se faire sentir en 2007-2008. Même s’il y a actuellement rémission (ou si les médias en parlent moins), elle est là pour durer. De ce point de vue, le climat des investissements est bon en ce moment, parce que l’Etat a réalisé que l’agriculture est un élément extrêmement important du paysage économique béninois. Dès notre création, nous l’avons mise au centre de nos préoccupations au travers de deux études. La première portait sur le coton, l’un des deux piliers de l’économie béninoise, l’autre étant l’étude sur le port de Cotonou. La deuxième portait sur la démographie et nous démontrions qu’avec la pression démographique telle qu’elle existe au Bénin, seule l’agriculture offre une possibilité d’absorber l’excédent de main d’œuvre. LA : Qu’en est-il des banques ? Vous facilitent-elles la tâche ? RR : Je suis moi-même un ancien banquier, ce qui me permet de répondre facilement à votre question. Il y a une espèce de mythe sur le fait que les banques devraient faire davantage. Les banques, pour accorder des crédits, veulent se voir présenter de bons projets avec des garanties solides, dans la mesure où même d’excellents projets peuvent échouer. Ensuite, il faut être sûr que les juridictions rendent des jugements équitables et dans un délai raisonnable. Or, souvent, les gens qui ont des projets ne sont pas capables de produire des garanties
acceptables, du fait de l’absence d’un système foncier cohérent ou d’une justice qui fonctionne normalement. Ce n’est donc pas pour rien que le Bénin, qui a choisi lui-même les axes d’intervention du Millenium Challenge Account, a insisté aussi bien sur le foncier que sur la justice. Ce qui veut dire que le gouvernement béninois est parfaitement conscient des problèmes. LA : Quels sont les contrecoups de la crise financière sur l’économie béninoise, le climat des affaires ? RR : Le Bénin dépend essentiellement du coton et du Nigeria. En ce qui concerne le coton, il a été constaté que les Chinois produisent moins de textiles. Les cours sont en baisse. Pour ce qui est du Nigeria, c’est un pays qui dépend fortement de ses recettes pétrolières, qui sont en baisse. De ce fait, le Bénin a un problème important qu’il ne pourra résoudre que s’il parvient à s’éloigner quelque peu de ces deux axes, en en créant un troisième, basé sur une agriculture diversifiée. LA : Comment entrevoyez-vous l’avenir de la région, voire même du continent ? RR : Ces dernières années, avec l’arrivée des Chinois qui achetaient toutes les matières premières disponibles sur le continent, on croyait que l’Afrique connaîtrait un boom. C’était une erreur de perspective. Même si le cours des matières premières remonte, l’Afrique ne se développera pas grâce à cela simplement, parce que ce qui est important, c’est la création de valeur ajoutée. LA : Les Africains sont-ils conscients de cet état de choses ? RR : Certains le sont, qui refusent d’écouter les sirènes tiers-mondistes des pays du Nord qui instrumentalisent les Africains en les présentant comme des victimes ; ceux-là veulent croire en eux-mêmes et prendre leur destin en main. En ce moment, la crise fait que les aides diminuent. Avec cette diminution, on va sortir de la facilité que représente cette aide, de toute façon mal distribuée, qui engendre des comportements d’opportunisme qui n’ont rien à voir avec le développement.
Propos recueillis par Robert Adandé, Cotonou Les Afriques, n° 75