DROIT ET DEVOIR Le droit de propriété en question Article de Serge PRINCE AGBODJAN, Chargé des Affaires Juridiques au CIPB.
Bien qu'étant un droit réel, c'est-à-dire imprescriptible, exclusif et absolu, d'user, de jouir et de disposer d'un bien, dans les limites autorisées par les lois et par les règlements, le droit de propriété (Celui que détient un titré de propriété) est une réalité problématique au Bénin. Rien qu'à considérer les procès dans nos tribunaux, l'on se demande s'il est existe réellement un droit de propriété au Bénin.
Les droits de propriété sont protégés par la loi que l'on retrouve généralement sous la forme d'une constitution. En prenant le cas du Bénin, c'est l'article 22 précédemment cité qui consacre ce droit et impose même à l'Etat un "juste et préalable" dédommagement en cas d'expropriation d'un propriétaire, même si c'est pour cause d'utilité publique.
La Constitution du Bénin en son article 22 et les jurisprudences (solution suggérée par un ensemble de décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions sur une question de droit) en la matière, accordent sans ambages ce droit aux béninois. Pourtant, beaucoup de nos concitoyens se retrouvent déposséder de ce qu'ils appellent leur "propriété".
C'est ce que les nombreuses jurisprudences de la Cour Constitutionnelle du Bénin ont régulièrement affirmé (Voir DCC 01-028 ; DCC 01-039, DCC 01-064, DCC 02-005, DCC 02-003 DCC 05-032 ...)
Que devrions-nous attendre de ce droit de propriété qui est et reste pour les Béninois un droit important ? La propriété est le fait, pour une personne (morale ou physique), de posséder un ‘bien' et de pouvoir en jouir. C'est-à-dire, en retirer des avantages (fructus), de pouvoir l’utiliser (usus), et de pouvoir en disposer de la manière la plus absolue (abusus). A la condition que la chose et l'usage qui en est fait ne soient pas prohibés par la loi. La propriété désigne également des entités sur lesquelles une personne ou un groupe possède des droits exclusifs. Parmi d'importants types de propriété, on compte l'immobilier (terrains), la propriété personnelle (d'autres possessions matérielles) et la propriété intellectuelle (droits sur les créations artistiques, les inventions, ...). Un droit de propriété est associé à la propriété et établit le bien comme étant celui de son propriétaire par rapport à d'autres individus ou groupes, garantissant ainsi à celui-ci le droit de disposer de sa propriété d'une manière qui lui convienne, qu'il l'utilise ou pas, le droit d'empêcher des tiers de l'utiliser ou le droit de la céder.
Les caractères du droit de propriété Le droit de propriété a un caractère absolu. En effet, le propriétaire d'un bien peut l'utiliser (usus), en retirer des bénéfices (fructus) et en faire ce que bon lui semble (abusus). Le droit de propriété est exclusif. Il appartient à une seule personne. Toutefois, dans certains cas, il peut être réparti entre plusieurs personnes, comme dans les cas de la copropriété ou de l'indivision. Le droit de propriété est un droit perpétuel, c'est-àdire qu'il ne s'éteint pas avec le temps. Toutefois, ce principe souffre d'exceptions (droits d'auteur, par exemple). Les limites et les restrictions du droit de propriété Le droit de propriété ayant ce triple caractère, a des limites. En effet, la propriété individuelle s'arrête là ou commence la propriété d'autrui. Aussi la loi a-t-elle prévu des restrictions au droit de propriété. Ces restrictions concernent, en particulier, les relations que peuvent avoir les propriétaires entre eux (servitudes) ou les relations entre les propriétaires et l'Etat. LES SERVITUDES LEGALES : • le droit de passage
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"Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner" ;
• la réparation des parties communes aux immeubles "Etant beaucoup plus utilisée en Europe, cette règle permet à tous ceux qui utilisent un bien commun d'en assurer la réparation. On peut prendre comme exemple la réparation et la reconstruction du mur mitoyen, qui sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun" ;
La succession. En l'absence de testament, c'est la loi qui détermine la répartition des biens de la personne défunte. Le testament ou acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu'il peut révoquer. La donation entre vifs : acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte. Le contrat convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. La possession (en droit, le principe général veut que la possession vaut titre, c'est-à-dire qu'une personne qui possède une chose est réputée en être la propriétaire).
• les troubles de voisinage La notion de troubles de voisinage est très sujette à interprétation. En effet, à partir du moment où une personne cause un trouble à une autre personne, on peut l'obliger à faire cesser la cause de ce trouble. C'est le cas du bruit de voisinage. A titre illustratif, on peut prendre le cas des mouvements religieux qui sans aucune précaution diffusent des sons dans les quartiers, y compris lors des moments de repos des paisibles citoyens. LES RESTRICTIONS D'INTERET GENERAL : Parmi ces restrictions d'intérêt général, l'on peut noter l'expropriation pour cause d'intérêt public et la nationalisation. En ce qui concerne la notion de nationalisation, il faut bien la définir. C’est le cas où l’Etat prend le contrôle d’une société en achetant ses parts. Cette notion est bien différente de la réquisition qui se définit, selon Robert Ducos-Ader, comme " une opération par laquelle l'autorité administrative, en la forme unilatérale, contraint des particuliers -personnes physiques ou morales- à fournir, soit à elle-même, soit à des tiers, des prestations de service, l'usage des biens immobiliers ou la propriété ou l'usage de biens mobiliers, en vue de la satisfaction de besoins exceptionnels et temporaires reconnus d'intérêt général dans des conditions définies par la loi ". Selon une récente jurisprudence de la Cour Constitutionnelle du Bénin (DCC 06-126 du 27 septembre 2006), l'autorité requérante qui est l'Etat doit reverser l'indemnité appropriée au requis après l'exercice de ce droit de réquisition. Quelles sont les différentes manières d'acquisition des biens ? Nous avons en droit cinq différentes manières d'acquérir un bien.
Bonne foi ou mauvaise foi du possesseur, la possession fait présumer la propriété, mettant le véritable propriétaire, quand il n'est pas possesseur, dans l'obligation de détruire cette présomption par la preuve de son droit. Mais la possession a un effet plus complet à certaines conditions. Elle rend le possesseur propriétaire de la chose possédée ; elle est un mode d'acquisition de la propriété. Ainsi, la possession est susceptible, non plus seulement de contraindre le propriétaire à faire contre le possesseur une preuve difficile, mais encore de le dépouiller de son droit. Dans ces conditions, le législateur doit faire montre d'une extrême prudence. Afin de préserver les droits légitimes, il est nécessaire qu'il pose des conditions permettant au propriétaire d’intervenir avant que la possession ait pu le dépouiller. Plus particulièrement, dans le conflit d'intérêts opposant propriétaire à possesseur, le législateur a le devoir de tenir compte de la mentalité, de la moralité de celui-ci. Dans tous les cas, il faut demander au propriétaire d'avoir des preuves justifiant son droit de propriété. Rien ne sert de laisser son bien et son titre à un possesseur sous prétexte qu'on a confiance en lui. Il faut également imaginer le cas du décès du possesseur qui ne pourra plus témoigner. En face de cette situation que vivent beaucoup de nos compatriotes, il est vivement recommandé de rédiger un contrat (sous seing privé ou authentique) avec le possesseur de son bien afin de matérialiser son droit de possession sur le bien. Même si on est parent, il faut nécessairement faire la preuve de son droit pour éviter toute confusion. Le législateur béninois voyant les conséquences des conflits nés du droit de propriété sur les terrains au Bénin, a, dans la loi n° 2007-03 portant régime foncier rural en République du Bénin, fait de la "preuve" de
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propriété une exigence particulière. Il s'agit des articles 67, 68 à 70 qu'il me plaît de rappeler. Article 67 : La propriété se transmet par vente, succession ab intestat ou testamentaire, donation entre vifs ou par l'effet d'une obligation. L'acte de transfert doit être enregistré au service des domaines et, s'il y a lieu, faire l'objet de morcellement du titre foncier, à peine de nullité. Le transfert à titre définitif d'une terre rurale régie par les coutumes, peut s'opérer par achat, succession ab intestat ou testamentaire, donation entre vifs ou par l'effet d'une obligation. Le transfert doit faire l'objet d'un contrat écrit conclu devant la section villageoise de gestion foncière prévue à l'article 43. Ce contrat doit s'appuyer sur le certificat foncier rural correspondant à la parcelle concernée, dès lors que le village où celle-ci est située a fait l'objet de l'établissement d'un plan foncier rural tel que prévu par la présente loi.
Dans tous les cas, la consultation de la section villageoise de gestion foncière est requise dans les localités où il en existe déjà, à peine de nullité de l'acte de transfert de droit d'usage. Article 70 : La cession directe du contrat de location par le locataire et la sous-location sont interdites, sauf accord préalable écrit du propriétaire ou du détenteur du terrain. De tout ce qui précède, il n'est pas conforme à la loi en vigueur en matière de foncier rural, de transférer son droit de propriété sans un contrat écrit conclu devant la section villageoise de gestion. Aussi, lorsqu'il s'agira de déléguer votre droit de propriété, même si c'est votre parent, faut-il que cette délégation soit constatée par un écrit rédigé devant témoins. Cet écrit doit préciser l'accord des parties sur les conditions d'octroi et de jouissance des droits d'usage délégués. Rédigé par :
Article 69 : Les terres rurales encore sous l'emprise de la coutume peuvent faire l'objet de droits d'usage délégués couramment admis par la coutume et les usages. Toutefois, afin de préserver la paix sociale et limiter les cas de contestation, la délégation doit être constatée par un écrit rédigé devant témoins. Cet écrit précise l'accord des parties sur les conditions d'octroi et de jouissance des droits d’usage délégués tels que définis à l’article 4 de la présente loi.
M. Serge PRINCE AGBODJAN, Doctorant en droit, rattaché au Bureau d'Economie Théorique et Appliquée (BETA) de Nancy II/France, Juriste Fiscaliste, Auditeur Qualité International (IRCA), Senior Juriste d'entreprise, Membre de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE).
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