Menaces sur l economie beninoise, il faut sauver l industrie locale

Page 1

Menaces sur l'économie béninoise: Il faut sauver l'industrie locale Déjà bloquée au stade embryonnaire de sa croissance, l'industrie béninoise peine encore à retrouver ses marques à cause des difficultés de nos usines qui ne disposent pas de la protection et de la sérénité nécessaires pour mieux tourner. Les huileries semblent payer aujourd'hui le prix cher. - Par Gnona AFANGBEDJI / La Nation n° 4952 du 16/03 /10

Les voyants de l'industrie béninoise virent au rouge, déclenchant l'alerte de la menace d'une mondialisation facile. Depuis quelques semaines, les huileries locales tirent la sonnette d'alarme pour annoncer leur risque de fermeture si rien n'est fait pour voler à leur secours. Ces huileries sont tiraillées d'une part par l'exportation des graines de coton sur le marché international et d'autre part par la concurrence déloyale qu'exercent les huiles importées sur les marchés béninois. Malgré les dispositions réglementaires qui accordent prioritairement l'achat des graines de coton aux triturateurs locaux, déjà confrontés à un déficit chronique d'approvisionnement en matière première, certains égreneurs s'entêtent toujours à exporter cette matière première. Alors que pour supporter le coût de production, le triturateur local propose un prix de 60000 francs la tonne, certains négociants internationaux font des offres plus alléchantes allant jusqu'à 110000 francs la tonne. Pour l'égreneur qui veut compenser les manques à gagner sur l'achat du coton graine, le jeu en vaut la chandelle. Une situation récurrente Le problème ne date pas d'aujourd'hui. Un scénario similaire s'était déjà produit lors de la campagne cotonnière 2004-2005. Pendant cette campagne pourtant marquée par une production record de 426000 tonnes, ni les distributeurs d'intrants ni les égreneurs n'ont pu s'entendre avec les producteurs sur le prix de cession des intrants encore moins sur le prix d'achat du coton graine. Pour une deuxième fois dans l'histoire de l'or blanc béninois, le prix du coton graine a été fixé par arrêté interministériel. Et l'Etat a dû subventionner la filière à hauteur de 18 milliards de francs CFA. Les égreneurs, voulant répercuter le déficit subi au niveau du cotongraine, ont monté alors les enchères au niveau de la graine en faisant passer le prix à 42 francs le kilo, soit une augmentation de plus de 20% par rapport au prix de l'année précédente alors que les triturateurs avaient proposé un prix d'équilibre de 22 francs le kilo. Devant le désaccord total des deux parties, les égreneurs se sont résolus à exporter leur graine au détriment de l'industrie locale aujourd'hui, les prix de la graine sont passés du simple au triple alors que celui de l'huile est resté stable à cause de la concurrence déloyale des importations. Pour limiter les dégâts, le gouvernement a souvent pris des mesures d'interdiction du transport d'huile par voie terrestre. Pour les importations par voie maritime, il impose l'application de la taxe conjoncturelle à l'importation (TCI) et la taxe dégressive de protection (TOP), deux taxes communautaires qui sont souvent activées lorsque l'importation d'un produit devient une menace sérieuse pour l'industrie locale 1


Mais le gros problème de l'huile reste la contrebande que l'Etat a du mal à maîtriser. Chaque jour, des tonnes d'huile végétale importées des pays asiatiques entrent frauduleusement sur le territoire béninois. De même, certains opérateurs économiques des pays limitrophes manipulent la législation communautaire à leur guise. Ils usent souvent des subterfuges pour importer de l'huile sur le marché béninois au titre de produit communautaire. Le manque à gagner de ces pratiques frauduleuses pour les services de douane était estimé à 2 milliards de francs CFA en 2006. A côté des huileries, les industries textiles ont complètement accusé le coup. En dépit de la volonté exprimée par le gouvernement de relancer les usines pour renforcer la transformation locale du coton, la vétusté de leurs équipements et surtout l'invasion de nos marchés par les textiles venus d'Asie ont annihilé tous les efforts consentis pour leur redressement. Le piège du TEC C'est donc dans un contexte critique d'industries textiles en agonie et d'huileries en sursis que le Bénin et toute la région Afrique de l'Ouest a lancé le processus de recatégorisation des lignes tarifaires au niveau du Tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO. Bien que ce nouveau TEC ait prévu une cinquième bande tarifaire de 35%, il est à souhaiter que l'arbitrage nécessaire soit fait non seulement dans l'intérêt de la politique agricole commune mais également au profit des industries locales. Dans le même temps, l'Union européenne et la CEDEAO ne s'entendent pas encore sur l'offre d'accès au marché dans !e cadre de la signature de l'Accord de partenariat économique. Aux dernières nouvelles, Bruxelles maintient toujours sa proposition d'ouverture à 80% alors que la région, par souci de protection de son économie demande une ouverture à 65%. Tous ces enjeux interpellent aujourd'hui les autorités à divers niveaux qui doivent comprendre qu'à côté des difficultés actuelles des industries béninoises, c'est la survie de toute l'économie béninoise qui se joue à travers ces négociations actuellement sous-estimées.

2


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.