REFORME DE LA FILIERE COTON BENINOISE
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Décembre 2008. © Propriété du CIPB, Immeuble Kougblénou, 85, avenue Steinmetz, 03 BP 4304 Cotonou, Bénin, www.cipb.bj
Ouganda, bonus démographice ou bombe du même nom, décembre 2008, © CIPB
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OUGANDA : DU BONUS
DEMOGRAPHIQUE
A LA BOMBE DU MEME NOM
A nouveau, Jeune Afrique suscite notre réflexion sur un sujet de première importance. Cette fois-ci, dans son numéro 2483-2484 (18-23 août 2008), c’est de démographie qu’il s’agit. Et dans quel pays ! L'Ouganda, le pays le plus jeune du monde (dixit Jeune Afrique) où «plus de la moitié de la population a moins de 18 ans, du jamais vu. Curieusement, l’explosion démographique n’inquiète guère les responsables politiques». L’article, signé Sam Knight (The Financial Times et Jeune Afrique), souffle alternativement le chaud et le froid. L'Ouganda suivrait un modèle de transition démographique qu’ont connu tant d’autres pays et devrait bénéficier d’un ‘’bonus démographique’’ en 2045. A peine cette bonne nouvelle annoncée, plusieurs bémols : 1. l’Ouganda est toujours à la phase un de cette transition, qui conjugue baisse de la mortalité sans baisse de la natalité, avec des taux de croissance démographique inédits (3,6% contre 1,5% à 2,0% chez la Grande Bretagne ou les Etats-Unis au plus fort de leurs démographies respectives) ; 2. en Ouganda, croissance du PNB et croissance de la force de travail sont du même ordre, alors que les ‘’success stories’’ démographiques de référence, y compris en Asie, ont toujours vu la croissance économique largement dépasser la croissance démographique. Peut-être pour nous rassurer, on nous signale que les dirigeants sont sereins : à part le Secrétaire à la Population qui n’est pas très sûr de lui, du Chef de l’Etat au ministre de l’Education en passant par un opérateur économique majeur (MTN), tous ceux cités sont confiants et même positifs. Quoiqu’à deuxième vue, le même opérateur économique se reprend et prophétise une révolution, pour cependant offrir aussitôt deux portes de sortie: les Américains recrutent à tour de bras les ‘’gardes de sécurité’’ ougandais pour l’Irak, cependant que l’Europe aurait besoin de 190 millions d’immigrés en âge de travailler d’ici 2035 ! Et l’article de conclure « Toute la question est de savoir si cela suffira à rendre les transitions démographiques à venir aussi bénéfiques que celles du passé ». En somme, quelle sera la taille du bonus démographique ? On reste pantois devant tant de légèreté dans l’analyse offerte aux lecteurs d’une revue tournée vers la problématique du développement de l’Afrique. Un tel sujet mérite une analyse chiffrée, ce que permettent la démographie, la statistique et l’économétrie.
Ouganda, bonus démographice ou bombe du même nom, décembre 2008, © CIPB
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Quelques points de repère: L’Ouganda a actuellement une population de 30 millions d’habitants ; si la moitié a moins de 15 ans, on peut considérer alors que la cohorte annuelle de ceux qui sont en âge de travailler est de 1 million de personnes, hommes et femmes confondus, sur lesquelles très certainement au moins 900.000 ont impérativement besoin de travailler pour survivre. A partir de là, tout essai d’évaluation du bénéfice supposé de la situation démographique doit tout d’abord poser les questions suivantes : 1. quels emplois sont disponibles ou envisageables et dans quel secteur (primaire, secondaire, tertiaire?) 2. quel montant d’investissement par tête est-il nécessaire pour créer ces nouveaux emplois ? 3. Secteur primaire : combien coûte de rendre exploitable des terres disponibles, ou de convertir des terres déjà cultivée à une exploitation plus intensive ? quel est le coût des outils et machines nécessaires ? 4. Secteur secondaire : coût d’une unité industrielle ramené au nombre d’opérateurs ? 5. Secteur tertiaire : coût d’un bureau, de son équipement ? coût d’un hôtel divisé par le nombre d’employés ? etc. 6. les politiques en place permettent-elle de créer ces emplois (lois foncières, environnement des affaires, protection des industries naissantes par rapport à la concurrence étrangère ? 7. existe-t-il une épargne nationale (ou à défaut un courant d’investissements étrangers) susceptible de financer ces investissement en capital ? Les statistiques internationales nous donnent, pour l’Ouganda, un Revenu National Brut par habitant de 280 USD, soit un RNB de moins de 9 milliards USD par an. Compte tenu d’un taux d’épargne de l’ordre de 10%1 de ce RNB, on ne pourra pas allouer plus de 1.000 USD par tête à l’investissement en capital nécessaire à l’emploi de ces 900.000 jeunes additionnels ; il en faut bien davantage pour créer un emploi dans une agriculture qui soit autre chose que de subsistance, 100 fois plus pour créer un emploi dans l’industrie ou dans l’hôtellerie à vocation touristique2, etc. Dès lors, la croissance démographique, loin de générer jamais le moindre bonus, s’avère un handicap qui va s’alourdissant, car chaque année, le nombre des chômeurs se gonfle par centaines de milliers. Il ne reste plus, à des populations en quête désespérée d’emploi, qu’à se tourner vers l’étranger. Les Ougandais, nous dit Jeune Afrique, sont appréciés en Irak où les grandes sociétés de sécurité leur apprennent à tuer selon les méthodes les plus modernes ; manifestement, l’Afghanistan n’a rien appris aux Américains. Moins sanglant est le récurrent mirage européen ; là on nous abreuve de chiffres fantaisistes : où a-t-on pu aller chercher que l’Europe aurait besoin de 190 millions d’immigrés dans les 20 prochaines années ? Ce que nous disent les chiffres d’une étude de l’ IFO que nous joignons en annexe, c’est que l’Europe des 25 comptera 21 millions d’habitants de moins en 2050 ; c’est probablement ce chiffre que les Européens pourront souhaiter compenser avec une ‘’immigration choisie’’. Hélas l’article nous dit que seuls 4,5% des élèves scolarisés en Ouganda terminent le cursus secondaire. Mais si ces ‘’instruits’’, à supposer qu’ils soient ‘’choisis’’, s’en vont, qui restera pour soutenir l’économie du pays ? Car en fait, la véritable question est de savoir quand l’on prendra enfin toute la mesure de la bombe démographique qui menace l’Afrique subsaharienne.
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A comparer à des taux de 40% en Chine et à Taiwan et 35% en Malaisie. La prolifération de la prostitution ou du commerce des cartes téléphoniques au bord des avenues ne sont que des manifestations de cette impossibilité pour les agents économiques à mobiliser un capital de départ.
Ouganda, bonus démographice ou bombe du même nom, décembre 2008, © CIPB
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