Presence asiatique dans les affaires en afrique

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PRESENCE ASIATIQUE DANS LES AFFAIRES EN AFRIQUE La question préoccupe des experts

Du 25 au 29mai 2010 à Rabbat au Maroc, s'est tenue une rencontre des experts sur la problématique de la présence asiatique en Afrique. Organisée conjointement par l'Institut des Etudes africaines de l'Université Mohammed V-Souissi et l'Association marocaine des études asiatiques, le Forum Afro-asiatique pour le Développement et la Sécurité Humaine, en partenariat avec African-Bulletin, la Fondation du Japon et l'Institut Cdg, cette quatrième conférence internationale de fa coopération afroasiatique a porté sur le thème "les enjeux de la présence asiatique en Afrique". Ont pris part à la rencontre des universitaires, des responsables gouvernementaux, des membres de la Société civile. Dans cette interview, Gustave Assah, coordonnateur adjoint du réseau Social Watch Bénin qui revient de cette rencontre fait l'analyse de l'infiltration de l'Asie sur le continent noir. M. Gustave Assah, vous avez participé aux travaux de la 4ème conférence Internationale sur la présence asiatique en Afrique. Quelle analyse faites-vous sur ce sujet qui préoccupe aujourd'hui? Je vous remercie. Depuis quelques années, on assiste au grand retour de la Chine sur la scène internationale, et tout particulièrement en Afrique. L'Afrique était la «chasse gardée» des Européens et, dans une moindre mesure, des Etats unis. L'Afrique devient un motif d'inquiétude pour les uns, une opportunité pour les autres. La présence chinoise en Afrique présente des avantages, des inconvénients, des opportunités et des limites. Mais il faut reconnaître que le Forum sino-africain tenu en 2006 a confirmé la place centrale que tient désormais l'Afrique dans les stratégies extérieures du gouvernement chinois. Cela s'est traduit par la création d'un « fonds » de développement pour l'Afrique doté d'un budget de 5 milliards de dollars, des annulations de dettes pour un montant de 1,4 milliard de dollars (concernant environ 31 pays), et un doublement du budget de l'aide depuis 2009. La coopération au développement, la coopération économique et commerciale, avec un accroissement considérable des échanges commerciaux entre les deux continents et des investissements chinois en Afrique en constante augmentation depuis quelques années et que nous pouvons toutefois estimer qu'ils s'élèvent actuellement à 11 milliards de dollars, ce qui représente pas moins de 10% de l'ensemble des investissements en Afrique et 15 % des investissements chinois à l'étranger. Entre 2000 et 2007, le commerce entre la Chine et l'Afrique a été multiplié par sept pour atteindre 70 milliards de dollars. On estime par ailleurs que ce montant atteindra 100 milliards de dollars à fin 2010. A ce moment, la Chine devient sensiblement le premier partenaire commercial de l’Afrique, place tenue actuellement par les EtatsUnis. C'est dire que les relations commerciales constituent aujourd'hui le principal moteur des relations sino-africaines avec près de 1000 entreprises chinoises qui seraient présentes en Afrique. A propos de l'aide chinoise à l'Afrique quelques remarques s'imposent. Voilà plus de cinquante ans que la Chine coopère avec l'Afrique en matière de développement.

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Qu'est-ce qui explique concrètement selon vous cette présence asiatique en Afrique? Officiellement, l'Europe déploie sa coopération au nom du «développement» et des « Objectifs du Millénaire ». Depuis les décolonisations, elle s'est donnée comme «mission » d'assister «paternellement» l'Afrique pour qu'elle accède à la modernité. Quant à la Chine, elle déploie sa coopération, au nom de la solidarité « Sud-Sud », de la tradition afro-asiatique, de la situation partagée de nations historiquement dominées par l'Occident, qui entretiennent des rapports «amicaux», sur un même pied d'égalité. Plus Intéressants que les « discours légitimateurs " c'est sans doute les logiques d'intervention différentes qui caractérisent d'un côté l’Europe, de l'autre, la Chine. Notons cependant, pour commencer, que dans un cas comme dans l’autre, derrière le voile de discours légitimateurs différents et souvent opposés, les acteurs chinois comme européens sont globalement mus par des intérêts économiques semblables (accès aux ressources naturelles africaines, aux marchés, etc.) et une même logique géopolitique (conserver ou augmenter leur influence dans la région). Aussi, l'aide de l'Union européenne est-elle souvent liée à un ensemble de conditionnalités visant à réformer les économies africaines dans un sens libéral. C'est le cas par exemple des ajustements structurels. L'intégration des une des grandes orientations de l'aide européenne. S'agissant de l'Afrique, la signature des accords APE (Accord de partenariat économique) est censée impulser cette intégration. Outre les conditionnalités " économiques ", existent aussi des conditionnalités " politiques» Ainsi, depuis les années 1990, l'Europe aide les pays d'Afrique à condition que ceux-ci s'engagent sur la voie de la démocratie et de la 'bonne gouvernance synonyme surtout de bonne gestion et qu'ils collaborent en matière de lutte contre le terrorisme et l'immigration non contrôlée. En l'absence de progrès en ce domaine, l'Europe se réserve donc théoriquement le droit de couper le robinet du financement. Quel est réellement l'impact de la présence de la puissance asiatique sur le continent africain? Du point de vue du développement strictement économique, la présence de la Chine en Afrique est avantageuse pour cette dernière sous certains aspects. La demande chinoise dope les prix des matières premières, ce qui améliore les termes de l'échange et les recettes d'exportation des pays africains, et les nouvelles relations sino-africaines contribuent à réintroduire l'Afrique dans les flux internationaux du commerce formel, dont elle s'est trouvé à l'écart plusieurs décennies durant Toutefois, soulignons qu'au niveau de leur structure, ces relations économiques sinoafricaines s'apparentent au commerce Nord-Sud (comme le Nord, la Chine entend sécuriser son accès aux matières premières) et par conséquent constitue aussi un lourd handicap. Concrètement, l'Afrique reste cantonnée presque exclusivement dans un rôle de fournisseur de matières premières (pétrole, minerais, bois, coton, etc.), ce qui a pour effet de renforcer sa place défavorable dans la division internationale du travail. En fait, c'est principalement sur le plan social, politique et environnemental que l'intrusion de la Chine en Afrique pose le plus problème. Si la préoccupation des Chinois pour les normes sociales sont faibles, il en va de même pour les normes environnementales qui sont systématiquement négligées dans la quête des ressources naturelles et la mise en œuvre des projets d'infrastructure (routes, ponts, voies ferrées, barrages, etc.). Il nous appartient d'être vigilants et de savoir ce que nous pouvons tirer des relations avec ces puissances.

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