REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
Par : Emmanuel GUIDIBI, m.b.a. Expert Conseil en Management et en Marketing Directeur Général du Cabinet Afrique Conseil www.afriqueconseil.com
Mai 2007 © Propriété du CIPB, Immeuble Kougblénou, 85, avenue Steinmetz, 03 BP 4304 Cotonou, Bénin, www.cipb.bj
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SOMMAIRE REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
3
INTRODUCTION
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CONTEXTE ET JUSTIFICATION
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OBJECTIF GENERAL DE L’ETUDE
5
OBJECTIFS SPECIFIQUES
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PREMIERE PARTIE
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LA CORRUPTION, UN PROBLEME DE GOUVERNANCE A ANALYSER OBJECTIVEMENT
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I
DEFINITION
8
II
TYPOLOGIE ET DIFFERENTES FORMES DE CORRUPTION
8
III
LES ACTEURS DE LA CORRUPTION
12
IV
LES ENJEUX
13
V
DIVERGENCE - CONVERGENCE
13
VI
LES CAUSES DE LA CORRUPTION
16
VII
LES CONSEQUENCES DE LA CORRUPTION
28
VIII
QUEL DIAGNOSTIC POUVONS-NOUS FAIRE DE LA CORRUPTION AU BENIN ?
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IX
SCENARII D’EVOLUTION
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DEUXIEME PARTIE
34
COMMENT REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
34
I.
DE LA GOUVERNANCE COMME SEULE SOLUTION A LA CORRUPTION
35
II.
LA GOUVERNANCE SPIRITUELLE
38
III.
LA GOUVERNANCE QUI REND LA FAUTE IMPOSSIBLE
45
IV
LA GOUVERNANCE QUI RECOMPENSE LA VERTU ET PUNIT LE VICE
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TROISIEME PARTIE
60
SYNTHESE ET CONCLUSION
60
ANNEXES
62
TABLE DES MATIERES
68
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« Une bonne gouvernance n’est pas un luxe. Il s’agit d’une nécessité vitale pour le développement. » Banque Mondiale 1997.
REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
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INTRODUCTION La quête de la meilleure voie pour sortir l’Afrique du sous-développement a amené les experts, les hommes politiques et les Institutions Internationales à recourir à différents concepts ou paradigmes allant des programmes d’ajustement structurel (PAS) à la gouvernance, en passant par la réduction de la pauvreté. Cette dernière mode a fait prendre conscience de l’impact négatif d’un phénomène comme la corruption, sur le développement des pays africains spécialement ceux situés au sud du SAHARA. En attendant de revenir sur les définitions de gouvernance et de corruption, il convient de préciser tout de suite que la corruption a existé de tout temps et sous tous les cieux, prenant différentes formes qui vont de la corruption morale ou des mœurs au crime économique. Certaines théories ont même essayé d’apporter une justification positive à la corruption fonctionnelle permettant de mettre de l’huile dans les Rouages de l’économie. S’agissant de l’espace auquel s’applique la présente étude, l’Afrique au Sud du SAHARA, il est important de souligner que cet espace est divers et multiforme, tant au plan physique, culturel, économique, politique que linguistique. Il ne sera donc pas aisé d’analyser le phénomène de la corruption et de proposer des solutions de gouvernance sans devoir circonscrire l’analyse à un espace homogène. Nous avons choisi de nous situer dans le cas du Bénin, avec le souci de faire en sorte que cette étude puisse être utile au-delà de ce pays, notamment, aux pays africains au sud du SAHARA.
CONTEXTE ET JUSTIFICATION La corruption, nous l’avons annoncée, existe sous tous les cieux et MOLIERE dans ''TARTUFFE'' en faisait déjà une bonne peinture il y a de cela des siècles. Pourquoi se pencher aujourd’hui sur une si vieille maladie de toutes les sociétés ? Pourquoi la corruption a tendance à sonner comme une maladie des tropiques et spécialement de l’Afrique tropicale au point d’en devenir synonyme? Pourquoi la corruption est redevenue un sujet de si grande actualité, au point de donner naissance à une organisation internationale ''Transparency International'' qui se bat vaillamment contre elle à coup de palmarès des pays les plus corrompus ? Le thème de corruption a pris de l’ampleur de part le monde pour de multiples raisons. D’abord, la mondialisation et la globalisation sont passées par là, faisant de ce thème un sujet à la mode en cette ère de l’information où toutes les nouvelles sensationnelles font le tour du monde en quelques minutes. Ensuite, le développement exponentiel de l’économie et des finances internationales a mis à la une de l’actualité des scandales de corruption sur des chiffres de plus en plus astronomiques. Enfin, le développement de la société civile et des groupes de pression militant pour plus d’éthique et plus de morale dans la vie publique en politique et dans le monde des affaires a poussé à plus de transparence et du coup à braquer le projecteur sur un mal longtemps caché par la loi du silence propre à toutes les mafias.
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S’agissant plus spécialement des pays africains, le phénomène de la corruption s’est développé très rapidement, atteignant au bout de quelques décennies des dimensions d’un drame national qui est vu par certains comme la première cause du retard, de l’impasse dans lequel ces pays se débattent. Tous les experts sont unanimes, sans une administration honnête et compétente, point de développement, point de salut. Il y a de cela des millénaires, Moïse a reçu cette leçon de management qui reste toujours d’actualité « Parmi les peuples, tu choisiras des hommes avisés, craignant Dieu, intègres, désintéressés et tu les établiras à la tête du peuple, comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaines et chefs de dizaines… ». Ref. Exode 18, Verset 21. A bien réfléchir, on se rend compte que la corruption est en train de fragiliser à grands pas les jeunes Etats africains à la manière d’une maladie infantile dégénérative devant subir la loi de la thermodynamique dite loi de l’entropie qui veut qu’un système soit caractérisé par son degré de désordre. N’est- ce pas déjà là la situation diabolique que le chansonnier français Pierre Jean Beranger dénonçait il y a déjà des siècles en disant que « même au Diable il faut graisser la patte » ? Les causes de ce fléau sont multiples ainsi que ses conséquences. Avant de les analyser en profondeur, nous pouvons déjà déplorer comment la corruption s’enracine dans toute la société pour s’ériger en système au point d’avoir droit de passer pour rentrant dans l’ordre normal des choses. En Afrique, des expressions devenues proverbiales telles que : '' débrouiller n’est par voler'', '' utiliser le système D'', ''utiliser le terrain'' nous rappellent que la corruption est entrain de gagner ses lettres de noblesse.
OBJECTIF GENERAL DE L’ETUDE La présente étude a pour objectif général de réduire le phénomène de la corruption à une dimension acceptable pour la morale et surtout pour le bon fonctionnement des institutions et tout spécialement celles des pays en développement comme le Bénin.
OBJECTIFS SPECIFIQUES Les objectifs spécifiques de cette étude sont: - Analyser la corruption sous tous ses aspects ; -
Analyser ses causes et ses conséquences ;
-
Identifier les enjeux et les acteurs de la corruption ;
-
Revoir le système de gouvernance qui a favorisé la prolifération de toutes les formes de corruption pour bien diagnostiquer ce mal et proposer de vrais remèdes ;
-
Proposer des solutions innovantes, applicables, efficaces et cohérentes au mal.
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METHODOLOGIE Pour la présente étude, la recherche documentaire a été retenue comme principal outil de collecte de données appuyée par l’expérience de l’auteur dans ses activités de consultant, de formateur et de gestionnaire d’entreprise. Les sources de la documentation vont de la bibliographie peu fournie, il est vrai, à la documentation sur Internet qui fait largement écho des nombreux séminaires, ateliers, colloques et études sur le sujet tant sur la corruption que sur la gouvernance.
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« La crédibilité d’un Etat influence est directement liée à la croissance économique et à l’investissement » (M. WALLIN)
PREMIERE PARTIE LA CORRUPTION, UN PROBLEME DE GOUVERNANCE A ANALYSER OBJECTIVEMENT
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I
DEFINITION
Le petit Larousse définit la corruption comme pourrissement, perversion, dépravation, décadence, s’agissant des mœurs. Ce dictionnaire précise qu’il s’agit de l’action consistant à soudoyer quelqu’un pour qu’il agisse contre son devoir. Au sens propre donc la corruption est une altération par décomposition et putréfaction de substance. Au sens figuré, la corruption serait une altération du jugement d’une personne ou des mœurs d’une société ou d’un milieu. La corruption fait agir contre notre devoir, notre conscience ou les valeurs liées à l’intérêt général de la société. La corruption est aussi l’agissement par lequel quelqu’un sollicite ou accepte un don ou une faveur en vue d’accomplir, d’accélérer, de retarder ou de ne pas accomplir un acte en violation de la conduite que devait lui dicter son devoir, les règles ou les engagements auxquels il est soumis. La corruption couvre également les transactions et arrangements légalement, moralement ou politiquement douteux. Bref, tous les actes de corruption reviennent à placer ses intérêts matériels ou moraux au-dessus de l’intérêt général ou au-dessus de l’intérêt de ceux qui vous ont mandaté ou confié une tâche. Il s’agit donc de tous les comportements qui nous écartent de la voie que devraient tracer nos idéaux, nos engagements et l’intégrité de la fidélité vis- à-vis de nos devoirs.
II
TYPOLOGIE ET DIFFERENTES FORMES DE CORRUPTION
La corruption est un phénomène aux formes et manifestations très variées. Son ampleur peut en faire un problème insignifiant ou monumental. Ainsi les actes de corruption vont de la distorsion des procédures les plus simples à l’abus des instruments majeurs ou la violation des principes fondateurs de l’action publique. Selon son étendue (poches de corruption ou corruption généralisée), le caractère stratégique ou vital des secteurs qu’elle atteint (santé, justice par exemple), l’ampleur des coûts économiques et sociaux qu’elle occasionne à la Nation, l’attitude et la culture collective par rapport à son existence, la discrétion ou le caractère ostentatoire des actes frauduleux commis, la répression ou l’impunité de ces actes, la corruption peut être perçue comme banale ou scandaleuse. Ainsi, la corruption (du moins certaines de ses formes) peut être rare dans certains pays, alors qu’elle est érigée en système dans d’autres. Par exemple, des formes de corruption subtiles comme les délits d’initié ou le lobbying organisé sont plus courantes dans les pays développés comme les Etats-Unis que dans les pays en développement, alors que d’autres formes de corruption primaire (dans le système judiciaire ou liées à la gestion de l’économie par exemple), malheureusement plus coûteuses, sont prédominantes dans les pays en développement mais quasiment en voie de disparition dans les pays développés. La corruption ne concerne pas seulement le secteur public. Des formes de corruption touchent aussi le secteur privé. Les corrupteurs peuvent user de promesses ou de menaces ou des deux à la fois. La corruption peut concerner des services légaux ou illicites. Le cas typique de corruption pour un service légal, c’est le « graissage de patte » à un fonctionnaire pour obtenir une prestation licite certes, mais dans un délai plus rapide que la norme. En cas de voyage imminent par exemple, un citoyen/usager peut être amené à verser une somme d’argent 8
à un agent du service de l’Immigration pour accélérer l’établissement ou la mise à jour de son passeport. Pour illustrer la corruption ayant trait à un service illicite, donnons l’exemple d’un agent de la douane (contrôleur) qui négocie avec un contribuable pour minorer le dû fiscal de ce dernier moyennant le versement d’une commission personnelle. Le service est illicite car il s’agit de fraude fiscale. Dans une organisation, la corruption peut être externe ou interne. Elle est externe lorsqu’elle implique la participation de personnes et/ou la captation de ressources étrangères à l’organisation. C’est le cas par exemple lorsque les contribuables sont (activement ou contre leur gré) au cœur des actes de corruption d’une administration fiscale. La corruption est interne si les acteurs et/ou les ressources financières impliqués sont exclusivement internes. Considérons toujours le cas d’une administration fiscale et supposons qu’un réseau d’agents mette en place un système pour voler une partie des recettes ou que l’attribution des postes importants y donne lieu à un marchandage faisant intervenir des sommes d’argent élevées ou encore que les rentrées fiscales soient investies dans des affaires personnelles pour générer un bénéfice avant d’être reversées ultérieurement dans les caisses de l’Etat. Voilà autant de cas de corruption interne. Détournement de fonds publics : c’est le vol de ressources publiques par les fonctionnaires. Au Bénin, c’est probablement la forme de corruption la plus répandue grâce notamment à l’impunité. Plusieurs dizaines de milliards de francs CFA auraient été ainsi détournés par certains responsables politico-administratifs. Ce phénomène a connu une aggravation au cours des dernières années. Des audits récents ont relevé une quantité impressionnante d’ordres de paiement (OP), servant à des dépenses hors de toute discipline budgétaire dont une bonne partie a été faussement justifiée (200 Milliards sur cinq ans). Abus de biens sociaux : il y a abus de biens sociaux lorsqu’un responsable d’une entreprise privée ou d’une entreprise/institution publique, de mauvaise foi, fait sciemment usage des crédits, des biens ou des pouvoirs qu’il contrôle au sein de l’entreprise ou de l’institution pour aller contre les intérêts de cette dernière, pour des motifs personnels ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il est directement ou indirectement intéressé. C’est l’une des formes possibles du détournement de biens. Faux et usage de faux : c’est le délit commis par les personnes qui fabriquent, aident des tiers à se procurer ou bénéficier de faux documents administratifs ou commerciaux. La gamme des infractions concernées est assez large et comprend notamment : la fabrication et l’usage de faux documents administratifs (cartes d’identité, passeports, certificats de nationalité…), la fabrication et l’usage de faux documents privés ou commerciaux (déclaration mensongère d’état civil, fabrication de quittances, falsification de lettres d’embauche ou contrats de travail), la fourniture d’une déclaration mensongère visant à obtenir d’une administration publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public, une allocation, un paiement ou un avantage indu, etc. Recel/complicité : le recel est le fait de cacher, de garder ou de transmettre un bien ou de jouer le rôle d’intermédiaire en vue de le transmettre, en sachant que ce bien provient d’un crime ou d’un délit. Mais il peut aussi désigner le fait, en toute connaissance de cause, de bénéficier d’un pareil bien. Notons pour finir qu’il existe une dernière forme de recel dit successoral qui consiste à dissimuler pour son propre compte des actifs appartenant à un défunt, au détriment des autres héritiers. Pourboire/pot-de-vin/dessous de table : ce sont des versements à des responsables administratifs ou autres personnalités influentes afin qu’ils agissent plus vite, de façon plus souple et plus favorable. 9
Commissions occultes : ce sont des commissions illégales versées dans le cadre de l’obtention de marchés publics. Elles peuvent être payées en liquidité ou par le biais de fausses factures adressées par des sociétés écran dont l’activité est plus ou moins fictive. Les fausses factures en question correspondent à des prestations fictives telles que des expertises donnant alors lieu à des rapports fictifs. La commission occulte peut également se traduire par un emploi fictif pour soi-même ou pour un tiers (épouse, maîtresse, fils, frère, neveu, etc). Cette technique est utilisée par la pègre ou par des partis politiques pour financer leurs activités (financement illégal des partis politiques) ou rémunérer illégalement certains de leurs membres. Bakchich : d’origine persane, ce mot signifie "don". C’est l’un des nombreux termes persans qui ont intégré plusieurs langues à la faveur du commerce. Le bakchich peut désigner une aumône aux mendiants (chez les musulmans), un pourboire ou un pot-devin. Si un policier vous arrête alors que vous êtes en infraction, vous avez le choix entre subir la punition prévue par la loi ou verser au policier un bakchich pour qu’il "ferme les yeux là-dessus". Trafic d’influence : il consiste à recevoir des dons (argent, biens) pour favoriser les intérêts d’une personne physique ou morale auprès des pouvoirs publics. C’est une pratique assez fréquente dans l’entourage des hauts responsables politiques ou administratifs dont certains collaborateurs n’hésitent pas à user de leur position privilégiée pour rançonner les personnes désirant entrer en contact avec les responsables en question pour régler des problèmes importants (chefs d’entreprise, entrepreneurs, investisseurs étrangers, etc). Echange de passe-droits : les passe-droits sont des avantages particuliers dont bénéficient certaines personnalités du simple fait de leur position. Contrebande : elle désigne le transport illégal de marchandises ou de personnes, en particulier au travers des frontières, en vue d'éviter de payer des taxes ou de faire entrer des produits prohibés dans un pays (alcool, drogue et stupéfiants, armement, contrefaçon) ou, inversement, d'en faire sortir malgré l'interdit (on parle alors d'évasion). Par extension, et comme il s'agit souvent des mêmes réseaux, la contrebande peut concerner des personnes, soit pour leur permettre d'entrer dans un pays qui leur est fermé, soit pour leur permettre de sortir d'un pays bien que cela soit interdit. Le plus souvent, les biens issus de la contrebande alimenteront un marché noir tandis que les individus seront contraints au travail clandestin. La contrebande existe depuis longtemps entre le Bénin et le Nigeria et est notamment communément appelée "fayawo". Elle concerne essentiellement les produits manufacturés importés frauduleusement pour ne pas payer la douane, une politique d’immigration relâchée ou quasiment inexistante induisant déjà une porosité suffisante des frontières béninoises aux mouvements de populations. La pratique de la contrebande est répandue tout le long de la frontière bénino nigériane, du sud au nord. Les produits sont convoyés par la brousse ou parfois dans des embarcations. La contrebande s’est également développée entre le Bénin et le Togo à la faveur de la crise politique et économique qui prévaut dans ce pays et qui rend les produits du marché togolais plus compétitifs. Forfaiture : l’usage de ce terme remonte à l’époque féodale. Il désigne alors un délit, une violation du serment de foi et hommage entraînant la confiscation du fief par le seigneur. Au sens littéraire, il désigne de manière plus générale le manque de loyauté. Enfin, en droit, la forfaiture est une violation par un fonctionnaire, notamment un magistrat, des devoirs essentiels liés à sa fonction. On dira par exemple qu’un magistrat a été destitué pour forfaiture. La notion de prévarication est une notion voisine de celle de forfaiture. 10
Délit d’initié : notion de droit pénal, de droit administratif comme de droit boursier, le délit d’initié consiste à utiliser des informations privilégiées pour opérer de manière anticipée par exemple sur le marché des valeurs mobilières, avant que l’information ne devienne publique. Le coupable de délit d’initié peut obtenir par lui-même les informations privilégiées en question du fait de ses activités, ou les obtenir auprès d’un tiers (receleur de délit d’initié). Le délit d’initié peut ainsi consister en la vente ou en l’achat d’actions, soit avant la divulgation du bulletin d’une société, soit en sachant que les renseignements confidentiels obtenus ne seront jamais divulgués aux actionnaires. Une forme plus récente du délit d’initié, notamment avec l’entrée en bourse des clubs sportifs et les fonds importants générés, consiste à parier à coup sûr sur le résultat d’un match parce qu’on le connaît avant les autres. Les transferts massifs d’argent en provenance de pays de la zone franc vers des destinations étrangères avant l’annonce officielle ou même les premières rumeurs de dévaluation en 1994, peuvent être assimilés à un délit d’initié. Extorsion : Le fonctionnaire ou la personne influente use de son pouvoir pour obtenir de l’argent par la cœrcition ou la force. Favoritisme : Il consiste à favoriser ses proches dans la fourniture d’une prestation. Les termes de népotisme ou de collusion peuvent lui être associés. De nombreux autres types de corruption existent parmis lesquels : - Ingérence -
Prise illégale d’intérêt
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Corruption des gardiens de prison
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Corruption des forces de l’ordre
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Corruption des magistrats
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Frontière avec escroquerie et chantage
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Frontière avec lobbying et relations publiques
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Fraude (fiscale)
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Vol des biens de l’Etat
-
Corruption des fonctionnaires
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Corruption des salariés des entreprises privées
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Corruption en matière financière
-
Corruption en matière militaire électorale
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Concussion
-
Corruption en matière de douane et d’impôts
-
Cadeaux d’entreprise/étrennes
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III
LES ACTEURS DE LA CORRUPTION
La corruption touche tous les secteurs de la société qui sont concernés soit en tant que corrupteurs, soit en tant que corrompus. Aujourd’hui, le phénomène de la corruption indexe en priorité les dépositaires de l’autorité publique : personnes investies d’un mandat électif, les fonctionnaires ou autres agents du secteur public ou parapublic. Au Bénin, cela va des hommes politiques comme les députés qui sont régulièrement accusés de monnayer leur vote à l’Assemblée Nationale au simple préposé d’accueil qui se fait soudoyer pour vous faire introduire à son patron en passant par les agents des régies financières (Impôts, Douanes, Trésor) qui monnaient les arrangements et les combines de toutes sortes. Le secteur privé, se trouve en situation de deuxième poumon de la corruption d’abord en tant que corrupteur à l’occasion de l’attribution des marchés publics ou des opérations et transactions fiscales ou administratives, ensuite, en tant que milieu de corruption à l’occasion des transactions commerciales entre entreprises ou acteurs du secteur privé. Au Bénin, pour ne citer qu’un exemple, les ventes des produits rares ou objets de pénuries périodiques sont souvent l’occasion de manœuvres et d’arrangements entre acheteurs et vendeurs qui se servent de ces pénuries pour organiser des spéculations très rentables. C’est régulièrement le cas dans les secteurs du ciment, des produits pétroliers, de certains produits alimentaires ou même de services. Le cas du coton est, au Bénin, un cas à part, un Etat dans l’Etat de la corruption. Il n’existe pas encore de classement officiel de la corruption au Bénin mais au niveau africain, la police a souvent été citée comme le champion de la corruption rivalisant avec les services des Douanes. Comme il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs, les secteurs des transports et du transit sont également indexés. Un secteur comme celui des Bâtiments et Travaux Publics (BTP) est aussi réputé pour son niveau avancé de corruption. Au titre des secteurs décriés, il ne faut malheureusement pas oublier la justice. Le Bénin a eu le triste privilège d’avoir jugé presque le quart de son effectif de magistrats dans une affaire dénommée « les frais de justice » portant sur plusieurs milliards de francs CFA de frais de mission injustement payés avec la complicité d’agents du trésor public. Les opérations de lotissement et plus généralement tout ce qui touche au foncier sont réputées constituer des eaux troubles dans lesquelles la corruption se développe allègrement. D’autres secteurs de la vie politique ou économique sont concernés par la corruption. Parmi ceux-ci, on cite souvent certains hommes d’affaires étrangers et au Bénin, le cas des Libanais et des Nigérians Ibos est devenu légendaire, même s’il faut se méfier de la xénophobie et de la jalousie qui pourraient se cacher derrière ces accusations. Mentionnons pour terminer que les activités liées à l’aide au développement et la société civile n’échappent pas non plus aux accusations de corruption. La corruption intéresse également d’autres acteurs qui ne sont ni auteurs ni victimes mais qui font partie, soit du problème, soit de la solution. En dehors de la société civile, il faut noter le législateur, les institutions de contrôle et de vérification, les banques, le secteur informel, les syndicats, les organisations confessionnelles, les écoles et centres d’éducation, les leaders d’opinions, la presse, les organisations de lutte contre la corruption sans oublier le gouvernement. 12
IV
LES ENJEUX
La corruption a plusieurs enjeux dont le principal est, sous tous les cieux, le domaine des marchés publics et tous les milliards de francs et transactions qu’on y rencontre. Concernant les marchés publics, le problème se pose sous deux angles : -
L’angle de la transparence, de la sincérité et de la légalité des opérations d’une part ;
-
Et d’autre part, l’angle de la performance des actes de gestion à savoir l’efficacité, l’efficience et la pertinence.
Le débat s’est souvent limité à l’aspect légal oubliant les ravages des actes et décisions légaux dépourvus de tout intérêt pour le bien commun. Les enjeux de la corruption concernent : -
La nature de la chose offerte ou reçue ;
-
La qualité des coupables ou des victimes ;
-
L’impact économique, social, moral ou politique.
Le problème de la corruption concerne aussi les enjeux techniques :
V
-
Le bon fonctionnement de l’administration ou des entreprises ;
-
La théorie de l’agence et des coûts de contrôle ;
-
Le système d’information ;
-
Le système de concurrence surtout au niveau des marchés publics ;
-
Le système de centralisation – décentralisation ;
-
La subdisiarité et la prise de décision ;
-
Le système de récompense et punition y compris la rémunération ;
-
Le mode de financement des partis politiques et des campagnes électorales ;
-
Le système bancaire etc...
DIVERGENCE - CONVERGENCE
Le thème de la corruption rassemble ou divise. Il rassemble selon les convictions morales ou religieuses, selon les périodes, selon l’organisation sociale, selon le système juridique, bref selon différentes visions du monde, selon différents paradigmes. Vérité ou mensonge selon le côté où on se trouve des pyrénnées ou ''it depends where you seat '' (du parlement Britannique). On parle de style d’éthique pour distinguer ces divergences. 13
Robert G. Solomon et Kristine R. Hanson distinguent huit styles d’éthique : Style d’éthique
Observations
1- La règle avant tout.
Obéissance à la loi, à la règle, au principe.
2- Utilitaire
Conséquence pour tous.
3- Loyaliste
L’entreprise d’abord.
4- Prudent
Notre avantage à long terme.
5- Vertueux
La réputation prime.
6- Intuitif
Jugement spontané.
7- Empathique
Se mettre à la place de l’autre.
8- Darwinien
Celui qui survit a raison.
Divergence- Convergence selon la morale ou la religion Chaque société, chaque groupe d’individus, chaque catégorie sociale, chaque profession a sa vision de la corruption, de l’éthique et de la morale. Certaines sociétés sont tolérantes sinon indifférentes à la corruption quand d’autres la punissent de la peine de mort comme en Chine. Le niveau de tolérance varie également selon les sociétés : aux USA par exemple, les règlements obligent les fonctionnaires à déclarer les cadeaux qu’ils reçoivent déjà à partir d’une centaine de dollars. Dans beaucoup d’autres pays cela ressemblerait à de l’excès.
Divergence – Convergence selon les périodes Il y a des périodes où la corruption fait la une de l’actualité, tandis qu’à d’autres époques on n’en parle presque pas. Il y a des périodes où, la perception que l’opinion publique a de la corruption est exigeante, et d’autres périodes où elle est tolérante. Pour prendre un exemple : L’institut HARRIS a posé la question : ' 'Avez – vous confiance dans les dirigeants des entreprises ?'' -
En 1956 aux USA, la réponse était oui à 55%,
-
En 1976, ce oui est tombé à 16%.
(Sondage HARRIS publié par BUSINESS SOCIETY REVUE). Parions que ce chiffre a continué de baisser surtout après les scandales du type ENRON. Au delà des divergences et des convergences, il y a une constance au sujet de la corruption, de l’éthique et de la morale qui est la dose d’hypocrisie. Cette hypocrisie se trouve à tous les niveaux, autant au niveau des institutions, des lois, des règlements que de l’opinion publique, bref de chacun de nous. 14
C’est cette hypocrisie que dénonçait déjà Frédéric Nietzsche en affirmant dans le crépuscule des idoles que : « l’innocence dans la contradiction, la conscience tranquille dans le mensonge est moderne par excellence- c’est la définition même de la modernité ». A suivre Nietzsche on se demanderait si ce n’est pas le monde moderne qui est hypocrite voire corrompu par excellence. Voici les résultats d’une enquête Gallup, publiés dans le Wall Street Journal (en 1984). Confession des cadres supérieurs
Oui
Avez-vous emporté chez vous des fournitures de bureau ?
74%
Avez-vous passé des coups de téléphone personnels à l’étranger depuis votre entreprise ?
78%
Avez-vous gonflé les déductions dans votre déclaration de revenu ?
35%
Avez-vous conduit en état d’ivresse ?
80%
Avez-vous fumé de la marijuana ?
17%
Avez-vous pris de la cocaïne ?
2%
Comme quoi nous sommes tous des « tartuffes ».
En Afrique et spécialement au Bénin, sur quoi nous divergeons, sur quoi nous convergeons ?
En Afrique, tout le monde reconnaît l’ampleur et la gravité du phénomène de la corruption, mais le débat a toujours quelque chose d’hypocrite et l’on retrouve des attitudes et des réactions que l’on peut classer comme ci-après : a-
Attitudes ♦
Cynisme: « c’est comme ça et on n’y peut rien. Pourquoi vouloir faire le saint » ; C’est au nom du combat contre la corruption que les militaires qui prenaient le pouvoir par un coup d’Etat justifiaient leur intervention. Force fut de constater que cela ne changea rien, même au Burkina Faso malgré le discours de SANKARA !
♦
Scepticisme: « Que peut-on contre un phénomène aussi ancien, aussi ancré et aussi répandu ». 15
♦
Idéalisme: « ils sont tous pourris. On attend un Rawlings (Ancien chef d’Etat Ghanéen) pour venir mettre de l’ordre dans tout ça ».
b- Réactions et comportements ♦
Dérobade: « Qui veut moraliser qui ? »
♦
Alibi et tentative de justification : «les gens sont si mal payés ; de toute façon c’est comme ça partout ».
♦
Pragmatisme : analysons le phénomène pour en identifier les causes afin d’attaquer le mal par la racine.
Ces différentes attitudes et ces comportements se notent aussi bien dans l’opinion publique que chez les hommes politiques. Ces derniers ne ratent aucune occasion d’en faire au mieux un thème de campagne électorale, au pire, un slogan.
VI
LES CAUSES DE LA CORRUPTION
Les causes de la corruption sont nombreuses. Essayons de les identifier en les classant par catégorie 6.1
Le milieu
Comme le dit le biologiste français Claude Bernard, ''le microbe n’est rien, le milieu est tout''. La carte de la corruption mise au point par « Transparency International » est très parlante. Sur cette carte, jointe en annexe apparaissent en rose pâle les pays les plus vertueux: ce sont les pays scandinaves, Singapour, le Canada, l’Allemagne, l’Australie, la nouvelle Zélande, la Grande Bretagne et l’Irlande. A l’opposé apparaissent en rouge vif, les pays corrompus : L’Europe de l’Est, l’Italie, le Portugal, la Russie, l’Asie à l’exception du Japon et de Singapour, l’Amérique latine et l’Afrique à l’exception du Botswana, de la Tunisie, de l’Afrique du sud, de la Namibie, de Maurice et des Seychelles. Entre ces deux extrêmes se logent les USA et le reste des pays européens comme la France et l’Espagne. Plusieurs leçons ressortent de l’analyse de cette carte. La corruption évolue suivant deux dimensions principales : -
Première dimension : Niveau de développement économique : (en gros NORD et SUD) ;
-
Deuxième dimension : le système politico-socio-légal.
Il apparaît que les pays les plus vertueux sont anglo-saxons, de tradition protestante et ont des institutions démocratiques et de contrôle qui fonctionnent bien. 16
Bref, il semble que, plus le pays est développé et plus la gouvernance est bonne ; plus il est vertueux pour confirmer cet adage qui veut qu’un minimum de bien-être soit indispensable à l’exercice de la vertu. Toutefois, l’examen de cette carte soulève quelques interrogations : La corruption, version « Transparency International » dont le siège est en Allemagne, ne fait-elle pas la part belle à la conception occidentale, anglosaxonne et protestante de la corruption ? En d’autres termes, est ce que l’indice de perception de la corruption utilisé est objectif ? Au titre des causes relevant du milieu, nous pouvons citer : la géographie, notamment le climat, les institutions, le mode d’organisation de la société, le système politique etc.
6.2
La nature humaine
Pour analyser l’influence de la nature humaine sur la corruption, il faut reconnaître que nous sommes tous corruptibles au sens propre comme au sens figuré. L’adage ne dit t-il pas que « tout homme a son prix » ? La théorie de la hiérarchie des besoins et la pyramide de MASLOW constituent un outil pratique d’analyse de l’influence de la nature humaine sur le phénomène de la corruption. MASLOW classe les besoins de l’homme en cinq catégories allant du bas de la pyramide au sommet. Ce sont les besoins de subsistance et de procréation, les besoins de sécurité, les besoins d’affection, les besoins d’estime de soi, les besoins d’accomplissement.
Besoins d’accomplissement Besoins d’estime de soi Besoins d’affection Besoins de sécurité Besoins primaires : faim, soif, procréation Pyramide de MASLOW
17
La théorie de MASLOW précise que quand un besoin inférieur est satisfait, le besoin immédiatement supérieur apparaît : Quand l’enfant est rassasié du lait de sa maman, il continue par réclamer non pas pour têter mais pour se sentir en sécurité. Si pour satisfaire ce besoin de sécurité, on le confie à une ''nounou'' il sentira un instant son besoin de sécurité comblé, mais continuera de réclamer sa maman pour satisfaire son besoin d’affection jusqu’à ce que l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur l’oblige à passer au besoin supérieur, besoin d’estime de soi qui explique sa jalousie. En désespoir de cause, il inventera son propre univers avec ses jeux, accédant ainsi au dernier étage, celui du besoin d’accomplissement qui lui donnera l’opportunité de s’épanouir, de grandir bref de se développer. Cette théorie permet de comprendre pourquoi «après avoir bien mangé, le corrompu ne s’arrête pas en si bon chemin » et dégénère en kleptomane, désireux de s’accomplir ou d’acheter amour et honneurs avec l’argent de la corruption. David Mc CLELLAND pense quant à lui que l’homme a trois principales dimensions correspondant à trois grands besoins : -
le besoin d’accomplissement,
-
le besoin de pouvoir et,
-
le besoin d’affiliation.
On pourrait assimiler le premier besoin à l’homo economicus, le deuxième à l’homo politicus et le troisième à l’homo familialis? Ce chercheur est allé jusqu’à avancer l’hypothèse selon laquelle les sociétés se développent au fur et à mesure que la combinaison de ces trois besoins tourne en faveur du besoin d’accomplissement, créant ainsi une volonté de développement. Il a ainsi mesuré ce besoin d’accomplissement dans différentes sociétés et en est arrivé à la conclusion que le climat a une grande influence sur le niveau de ce besoin. D’après son étude, toutes les sociétés qui vivent des écarts de température à la même heure de la journée, inférieure à 8° ont en général un besoin d’accomplissement faible. Il n’a trouvé dans son étude que deux exceptions : une tribu du Pacifique et les yoruba en Afrique de l’Ouest. Pour faire la synthèse entre MASLOW et CLELLAND, il existe une troisième école qui décrit l’homo economicus dans un champ à deux dimensions : -
le besoin entreprenarial et
-
le besoin patrimonial.
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HOMO ECONOMICUS
Fort
Prédateur
Bâtisseur
Artisan
Besoin Patrimonial Le paysan
Artiste/inventeur Faible Fort
Faible Besoin Entreprenarial
Cette façon de poser le problème nous sera très utile quand il s’agira plus tard dans cette étude, de proposer les contours de la gouvernance qui décourage la corruption.
6.3
Le cadre Institutionnel
La gouvernance ne concerne pas seulement la conduite des hommes, elle concerne surtout la conception et la gestion des logiques institutionnelles. Douglas C. NORTH définit l’institution comme '' toutes les contraintes, règles du jeu de la société, les modèles, les normes et les procédures conçues par les humains pour gérer leurs inter- relations et leurs inter – actions''. C’est par les institutions que la société contrôle les attitudes et les comportements que l’homme tient de la nature. C’est pourquoi on peut affirmer que la naissance, l’évolution ou avec accent la généralisation de la corruption est d’abord le fait d’un déficit ou d’une contreperformance institutionnels. Parmi les éléments du cadre institutionnel qui peuvent être considérés comme responsables du développement ou non de la corruption on peut citer : - La constitution ; -
Les lois ;
-
Le système de rémunération et plus généralement le système de récompense – punition ;
-
Le mode et le style de vie ;
-
Le système fiscal ;
-
Le système judiciaire ; 19
-
Le système d’information et la transparence ;
-
Le système politique et de représentation ;
-
Le système de recrutement et de promotion des fonctionnaires ;
-
L’égalité des chances, la solidarité et la protection sociale ;
-
Le système de contrôle incluant le contrôle citoyen ;
-
Le système éducatif ;
-
Le système économique et la pratique des affaires ;
-
La politique monétaire et la gestion des pouvoirs d’achat ;
-
Les codes d’éthique et de déontologie ;
-
Etc.
L’analyse de l’influence de ces éléments du cadre institutionnel sur le développement de la corruption pose de nombreux problèmes surtout s’agissant des pays africains qui sont loin d’avoir réglé le problème de la corruption de leurs Etats – Nations et dont les institutions, pâle – copie des institutions européennes, ne sont pas toujours de nature à assurer toutes les fonctions qu’on attend d’un Etat moderne. Comme le dit Maurice CUSSON, '' la justice fonde la morale et la loi''. Les institutions des pays africains sont – elles soucieuses de cette justice qui devrait décourager la corruption ? Au Bénin, comme dans de nombreux pays africains, les institutions de l’Etat moderne cohabitent avec les institutions traditionnelles, y compris dans le domaine juridique. Cette cohabitation mal gérée a fini par affaiblir l’Etat qui demeure dans l’esprit de nombreux citoyens un concept importé, voire antinomique. Dans un contexte où l’individu ne doit la solution de tous ses problèmes que dans le recours à la famille ou au clan, d’un bon fonctionnement du service public, il est compréhensible qu’un Etat de plus en plus faible ne puisse inspirer confiance, loyauté et respect. Par ailleurs, n’est-ce pas les institutions ou leur mauvais fonctionnement qui obligent de nouveaux citoyens à vivre de « débrouille », en marge de la légalité et dans ou d’un secteur informel, hypertrophié qui finit par s’imposer comme la norme. Dans ces conditions, peut-on encore parler de corruption ? Pour parler de pratiques destinées à assurer la survie d’une large majorité de la population qui s’est vue privée de toute protection sociale et d’un accès légitime à des conditions de vie décentes. Comment traiter le phénomène de la corruption dans les pays où le divorce entre la légalité et la légitimité est de plus en plus criard ? Comment appeler corruption le petit billet de banque reçu par un agent du service public, quand ailleurs on peut l’appeler pourboire et même l’ajouter au bas de la facture d’un restaurant. Comme le disent Patrick Chabal et Jean Pascal Daloz : « l’Etat en Afrique au sud du SAHARA, n’est rien d’autre qu’une coquille relativement vide ». Pour des raisons sociales et culturelles pratiques, le vrai travail politique est fait de façon informelle, pour ne pas dire en dehors du cadre politique officiel. Dans un tel système où il 20
y a si peu d’institutionnalisation, la notion de corruption comme comprise habituellement en occident, a peu de sens (in Africa works : disorder as political instrument). C’est pourquoi, il semble impératif de changer notre approche du problème de la corruption en Afrique pour l’attaquer à sa racine. La loi de l’entropie que nous avons évoquée plus haut peut nous mener vers cette racine. Selon cette loi: « Quand un système perd sa finalité, il tend à trouver son équilibre dans un état de désordre maximal proche de la létalité. » (Claude Rochet). La racine de la corruption est à trouver au niveau du leadership, de la gouvernance et du mode de gestion des Etats. Dans des pays où les responsables politiques administratifs et économiques ne rendent pas compte et ne sont pas tenus responsables des résultats de leur gestion, il existe de fortes chances pour que les intérêts individuels prennent le pas sur le bien commun. Ce faisant, la corruption a eu le temps de modifier l’ordre normal des choses et d’émousser les exigences d’éthique, de devoir d’Etat et de respect du bien public. A la racine du problème se trouve donc la démocratie ou plus généralement le système institutionnel qui préside à la vie en société. Comme le dit Yakhya Diallo : « S’agissant des corruptions et perversions pouvant affecter les relations des individus aux groupes, elles naissent du refus ou de l’incapacité des individus à faire leurs, les fins des groupes. Les membres du groupe y sont entrés et y restent non pas pour réaliser ensemble, et de leur mieux, les fins, mais ayant en vue leurs intérêts personnels. Ils sont animés non pas par le respect de leurs devoirs d’Etat, mais par l’ambition, la cupidité, l’orgueil, l’avarice, la vanité. En un mot, ils sont vicieux au lieu d’être vertueux. »1 Toutes les thèses concernant le phénomène de la corruption, bien que souvent antagonistes, s’entendent toutes pour situer la racine de la corruption au niveau du type et de la qualité du contrat social qui existe au sein d’une société ou d’un pays. Les pays africains sont encore aujourd’hui en transition entre : -
d’une part les modes d’organisation précoloniales et le modèle post-colonial moderne et mondialisé, et
-
d’autre part entre les régimes politiques de partis uniques et un système démocratique calqué sur le modèle occidental.
La mauvaise gestion de cette transition conduit en dehors de tout volontarisme, à un déséquilibre qui fait le lit des mauvaises pratiques comme la corruption. C’est pourquoi la solution ne sera pas isolée de la recherche plus générale d’un modèle de développement et d’un projet de société pour les pays africains comme le Bénin.
1
(In « Réflexion sur la gestion contemporaine de l’Etat et l’éthique de gestion : questionnement de la sociométrie ») dans Bonne Gouvernance et Développement en Afrique. (I.A.D. (Institut Africain pour la Démocratie / African Institute for Democracy))
21
6.4
le cadre Socio-Economique
Parce qu’elle s’effectue entre deux parties, la corruption peut être considérée comme une transaction ou un échange dont les motivations peuvent être analysées sous un angle économique. Parce que cet échange implique au moins deux parties, il doit être analysé aussi au regard des rapports sociaux entre individus ou des groupes d’individus. Certains analystes pensent que c’est quand l’offre de bien public est inférieure à la demande de bien public que la corruption intervient comme un prélèvement illégal destiné à rétablir l’équilibre. D’autres analysent la corruption notamment en Afrique, comme un réseau complexe de redistribution de revenus sous la pression des différents groupes sociaux oubliés par le système formel. Des thèses encore plus audacieuses trouvent dans la corruption, une réaction normale destinée à compenser les dysfonctionnements de l’ordre économique ou encore une source d’accumulation de capital, capable de créer les bases d’une économie moderne. C’est la corruption fonctionnelle. S’agissant toujours des pays africains, certaines thèses tendent à justifier la corruption, l’analysant comme la forme moderne et monétarisée du mode de vie communautaire qui se pratiquait sous forme d’une économie de troc, de partage de dons et de contredons ou de réciprocité dans l’esprit de justice sociale de : « Quand il y en a pour un, il y en a pour tous » La corruption apparaît alors comme l’élément régulateur dans la phase de transition entre l’économie collectiviste précoloniale et l’économie moderne importée. La corruption est entretenue par l’irrationalité de l’organisation socio-économique caractérisée par : -
un secteur informel hypertrophié,
-
un secteur privé national embryonnaire,
-
le mélange de la politique et des affaires, et
-
des entreprises étrangères qui s’accommodent ou qui sont attirées par tout ce désordre.
22
6.5
Les politiques de gestion des ressources humaines
Dans la plupart des pays d’Afrique, la politique de gestion des ressources humaines manque de logique et de cohérence. Dans le secteur public, comme le dit une formule à la mode du temps de l’ex-Union Soviétique : « Les fonctionnaires font semblant de travailler et l’Etat fait semblant de les payer » En effet, dans beaucoup de pays, la logique de l’Etat patrimonial fait que les emplois publics sont considérés comme une sinécure qui ne rapporte pas grand-chose à la nation. Dans ces conditions, le sentiment de l’honneur chez les fonctionnaires cher à Marc WEBER n’est plus qu’un vieux souvenir. Au Bénin, le secteur public, en plus de la corruption, est handicapé par un énorme gaspillage en particulier, du temps de travail. Une étude réalisée par le cabinet Afrique Conseil pour le compte du PNUD, estime à plus de 73 milliards CFA par an, le manque à gagner pour l’économie nationale du fait des diverses pratiques de gaspillage de temps. (Dicton : le temps c’est de l’argent) Par ailleurs, le recrutement et la promotion dans la fonction publique ne se font pas dans l’intérêt des résultats et de la performance, mais plus souvent, en fonction des considérations politiques, sociales, ethniques ou par népotisme. Cette utilisation inefficace des ressources humaines est à plus d’un titre source de corruption et de mal gouvernance. Elle empêche l’administration d’être efficace et de produire des résultats. Tout se passe comme si les emplois, surtout dans le secteur public, ne sont qu’une rente pour le bénéficiaire et une charge pour l’Etat. Nous sommes à mille lieux de la notion de Ressource Humaine qui suppose que les hommes sont utilisés à leur pleine capacité pour créer des richesses en contre partie desquelles ils perçoivent un salaire et des avantages matériels et moraux, ainsi qu’une occasion de s’épanouir. C’est comme si le bon sens selon lequel '' il n’y a de richesses que d’hommes'' n’avait plus droit de cité.
6.6
La Politique de rémunération et de motivation
La gestion des ressources humaines est donc une des principales causes de la corruption, de la mal gouvernance au Bénin et en Afrique. Mais, au cœur de cette cause se trouve la politique de rémunération et de motivation qui relève, soit de la politique de l’autruche, soit de l’injure au bon sens le plus élémentaire. Dans le secteur public, plusieurs erreurs ont conduit à un système qui n’a plus comme seule finalité que de distribuer les maigres ressources de l’Etat au maximum de fonctionnaires, au détriment de la qualité du travail, de la qualité des travailleurs et de la qualité de leur rémunération. 23
En conséquence, l’Etat, le plus gros des employeurs, se retrouve dans l’incapacité de payer à ses employés un salaire décent, compatible avec le coût de la vie, provoquant un fossé de plus en plus grand entre les revenus licites et les besoins qu’impose aux salariés le mode de vie extraverti hérité de la colonisation et accéléré par la mondialisation. Dans certains pays africains, et selon les périodes, ce salaire n’est pas régulièrement payé, ou subit des abattements ou des blocages pour cause de crise financière. A cela s’ajoute la non maîtrise par l’Etat gestionnaire de l’économie, du coût de la vie qui, en raison de la parité du franc CFA, ne correspond plus à aucune logique au regard du niveau des salaires et des charges réelles gonflées à la fois par les traditions qui font qu’un salaire nourrit une famille nombreuse d’une part et l’effet de démonstration internationale qui pousse à un mode de consommation extraverti et hors de portée des revenus réels d’autre part. Dans le cas Béninois, il est intéressant d’analyser comment l’absence de politique de logement et de transport urbain crée auprès des salariés, un appel d’air à la corruption puisque même un ouvrier doit se débrouiller pour s’acheter une maison et une voiture sans compter le poids des dépenses à l’occasion de nombreuses cérémonies funéraires. Comme, en plus, cet Etat Employeur a perdu toute notion de recherche d’efficacité, il ne recourt que très marginalement aux motivations non financières que sont : -
les félicitations, citations et décorations (sauf pour quelques proches du pouvoir),
-
les incitations du genre : enrichissement des tâches, responsabilisation, innovation et travail d’équipe et surtout, la création et l’entretien d’un environnement épanouissant, promoteur de sens, de défis, d’espoirs et de justice, bref de ce qui est attendu pour diriger les hommes et les conduire vers le sommet de la pyramide de MASLOW, vers le bien.
Un adage bouddhiste ne dit-il pas que : « seul un être épanoui peut faire du bien. »
24
Nous assistons en réalité à un renversement de sens, de valeurs ; un renversement de la pyramide de MASLOW, bref un changement de paradigme qu’on peut representer comme ceci :
DIEU (ou Bien commun supérieur)
Homme ARGENT Biens matériels
Argent
Biens matériels HOMME DIEU (Ou bien commun supérieur)
Un changement de paradigme ou renversement des pyramides
6.7
Le système d’information de gestion :
Au premier rang des causes du développement de la corruption se trouve : -
l’absence de transparence dans la gestion de la chose publique ;
-
l’opacité des politiques, des procédures, des pratiques, des résultats et des comptes autant dans le secteur public que dans le secteur privé ;
-
la sous-information du public, en raison du taux d’analphabétisme, de la faible scolarisation, de la faiblesse de la société civile, du secteur privé et de la presse ;
-
Les traditions démocratiques pas suffisamment enracinées et la faiblesse de l’état de droit et des contre-pouvoirs ;
-
L’absence d’un système efficace de contrôle et de supervision ;
-
Absence d’une justice efficace ;
-
La faiblesse du contrôle citoyen et même de la conscience citoyenne ;
-
La prééminence des rumeurs et de l’obscurantisme sur la recherche de la vérité.
Bref, toutes les conditions favorables à la création d’une ambiance ou la loi du silence deviennent la règle. C’est bien connu, le bannissement de la vérité est le début de la corruption. 25
Pour résumer les causes de la corruption, il nous a paru intéressant d’emprunter à Robert Klitgaard sa formule mathématique de la décision d’un agent public d’accepter ou non un dessous de table. Cette formule est : UE=U/[R(x)+p(x-f-k) +(1-p)x] Où : U = utilité de l’agent UE =est l’utilité de l’acte de corruption escompté par l’agent. X = le montant perçu R(x) = le coût moral de l’acte P = la probabilité d’être pris et puni F = L’ampleur de la sanction K = le salaire de l’agent. Si l’utilité escomptée est supérieure à la rémunération qu’il peut espérer en n’étant pas corrompu, il choisira de ne pas se faire corrompre. G. Ray FUNKHOUSER nous fournit une formule de l’attrait relatif d’un choix, celui de se laisser corrompre et de corrompre. Cette formule est : Attrait relatif - Récompenses + Valeurs positives (incitations) – Pénalités – Valeurs négatives (freins). Ces deux formules nous montrent que les causes de la corruption à combattre en priorité sont : l’absence de transparence et de sanctions positives ou négatives. Une autre façon de résumer les causes de la corruption a été présentée par le politologue Samuel P. Huntington, sous la forme de postulats : Postulat n°1 : La corruption augmente avec : - la croissance ; -
la modernisation ;
-
la transformation des valeurs ;
-
les nouvelles sources de richesse et de pouvoir ; et
-
l’expansion de l’Etat.
Postulat n°2 : Au contraire la corruption diminue quand la société se stratifie et quand la division entre les classes et couches sociales est prononcée, ceci du fait d’un système de normes et de sanctions efficaces. Postulat n°3 : Plus le rapport entre le pouvoir politique et le pouvoir économique évolue en faveur du premier, plus la corruption se développe. Postulat n° 4 : Moins les partis politiques sont développés plus la corruption est développée.
26
Postulat n°5 : plus la place des étrangers dans les affaires est importante, plus il y a de la corruption. (In Robert Kligaard dans '' Combattre la corruption'' (Nouveaux Horizons)). C’est dire qu’au Bénin, tous les ingrédients sont réunis pour que la corruption se développe. Ces ingrédients ont pour nom : - un cadre politique, institutionnel et économique hypocrite, -
un système de normes, de contrôles et de sanctions peu efficace,
-
une opacité qui combine loi du silence maffieuse et obscurantisme.
27
VII
LES CONSEQUENCES DE LA CORRUPTION
La corruption a évidemment de nombreuses conséquences qui expliquent le combat universel et éternel qui lui est consacré. Ces conséquences sont de plusieurs ordres : -
Coûts économiques ;
-
Coûts sociaux ;
-
Coûts politiques ;
-
Coûts moraux.
La corruption a tendance à supprimer l’opposition politique car « personne n’a envie d’être loin de la marmite » (comme on le dit au Bénin). - De ce fait personne n’a envie de reconnaître sa défaite aux élections et de reconnaître l’autorité du gagnant. - Instabilité politique et sociale caractérisée par des remises en cause régulières notamment à travers des grèves générales. Corruption = Monopole + Pouvoir discrétionnaire – Responsabilité – Transparence.
7.1
Au nombre des coûts économiques et coûts sociaux : -
La corruption fausse la concurrence ;
-
Provoque le renchérissement des prix ;
-
Augmente l’endettement ;
-
Diminue la qualité des prestations.
La plus grande conséquence de la corruption est indirecte mais elle a des coûts économiques et des coûts sociaux. Il s’agit de ce que les experts appellent le coût de l’agence, qui correspond à tout ce qui est dépensé pour s’assurer qu’un agent (personnes physique ou morale) ne fait pas passer ses intérêts avant ceux de ses commettants. Ce coût comprend, des ressources humaines et matérielles, mais aussi des ressources immatérielles comme : -
La perte de temps qu’engendrent les procédures de contrôle à priori et a postériori, tant pour l’administration, les entreprises que les usagers.
-
La perte de confiance entre acteurs de la vie politique, économique et sociale, notamment avec son impact sur le climat des investissements et des affaires.
A cet effet, l’étude sur le climat des investissements au Bénin, réalisée par le Cabinet Afrique Conseil pour la Banque Mondiale et l’Ambassade des Pays-Bas au Bénin, place le Bénin au premier rang des pays africains étudiés en ce qui concerne la place que la corruption et les lourdeurs administratives détiennent parmi les obstacles aux investissements. - La perte de motivation des hommes et un manque d’épanouissement. 28
7.2
Les coûts politiques
Parmi ces coûts, on note : -
La perte de foi dans les institutions de la jeune démocratie, dans les élections et dans la vie publique en général.
-
La corruption a tendance à supprimer l’opposition politique car "personne n’a envie d’être loin de la marmite" comme on le dit au Bénin. De ce fait personne n’a envie de reconnaître sa défaite aux élections et de reconnaître l’autorité du gagnant.
-
Instabilité politique et sociale caractérisée par des remises en cause régulières notamment à travers des grèves générales.
-
Le discrédit sur les fonctionnaires et un Etat qui, parce qu’il est jeune, devrait avoir un impérieux besoin de se faire aimer pour exister et prévaloir sur la famille, les clans, les ethnies et les régions.
-
La dégradation de l’image du pays, du continent et même de la race, préjudiciable à leur épanouissement sur la scène internationale et à leur développement. Cette dégradation de l’image de marque, réduit l’aide au développement ainsi que les investissements privés.
-
La prolifération des pratiques d’injustice sociale, d’exclusion, source de conflits comme les guerres civiles, bref l’affaiblissement de l’Etat, le recul de la foi en l’avenir et aux idéaux de progrès.
7.3
Les coûts moraux :
A la frontière des coûts sociaux et des coûts politiques, il existe aussi des coûts moraux de la corruption comme : -
La propension au matérialisme et le détournement de l’homme du véritable sens de la vie ;
-
La primauté du vice sur la vertu dans l’esprit des citoyens surtout les plus jeunes qui, comme au Bénin, n’ont que trois modèles : les ministres, les douaniers et les transitaires.
La corruption a beaucoup d’autres effets pervers : -
Elle cristallise l’énergie des fonctionnaires et des citoyens vers la recherche improductive de revenu mal acquis ;
-
Elle diminue la qualité des prestations, c’est notamment le cas des travaux publics (BTP) ;
-
Elle pousse à de mauvais choix d’investissement, d’achat et de gestion en général ;
-
Elle pousse à de mauvais choix de développement ;
bâtiments,
29
-
Elle encourage la fuite des cerveaux et de l’épargne nationale (l’Afrique subsaharienne conserve 15% de son épargne sur place contre 45% pour l’Asie du Sud-Est selon la Banque Mondiale) ;
-
Elle conduit à une redistribution des revenus aux profits des politiques, des puissants, des riches, des rentiers au détriment des plus honnêtes et des plus faibles ;
-
Le développement du cynisme et du scepticisme chez les citoyens et l’élite ;
-
La dépravation des moeurs, fruits de l’argent facile obtenu sans sueur ;
-
La déstabilisation de la société, de ses repères et de ses règles de jeux ;
-
L’altération du cerveau et de ses capacités chez les agents plus préoccupés par la recherche de combines que par un désir d’accomplissements nobles.
Nous pouvons emprunter la conclusion d’une étude de la Banque Mondiale publiée en 1983 « La corruption a des effets délétères et souvent ravageurs sur le fonctionnement de l’administration ainsi que sur le développement économique et politique » (Mr Robert Klitgaard" Combattre la corruption") page 31.
30
VIII QUEL DIAGNOSTIC POUVONS-NOUS FAIRE DE LA CORRUPTION AU BENIN ? La situation du Bénin vis-à-vis du contrôle de ce phénomène présente des atouts comme des handicaps. Par ailleurs, l’environnement externe présente, pour un tel projet, des opportunités mais aussi des menaces.
8.1
Atouts pour réussir un projet de contrôle de la corruption. -
Premier atout : le développement de la corruption au Bénin est relativement récent. Il remonte aux années 1976-1977 sous l’effet conjugué du marxismeléninisme " tropical" et du boom pétrolier au Nigéria né de la crise de 1973.
-
Deuxième atout : il existe au sein de la société béninoise, un attachement ancestral aux valeurs religieuses et spirituelles.
-
Troisième atout : le Bénin a une vocation à l’excellence et à l’ouverture sur le monde qui s’est traduite dans le passé par un rôle d’avant-garde au plan intellectuel, politique ou religieux. D’où une forte aspiration à des changements politiques d’une partie de plus en plus critique de la population.
-
Quatrième atout : par la force des choses, la majorité de la population béninoise n’est pas encore rentrée dans la société de consommation et ses travers, comme le gaspillage des ressources naturelles.
-
Cinquième atout : la société béninoise n’est ni assez capitaliste faute de capitaux et de capitalistes, ni assez socialiste faute d’usines et d’ouvriers.
8.2
Les Handicaps au contrôle de la corruption. -
Premier handicap : la faiblesse de l’Etat et tous ses corollaires
-
Deuxième Handicap : les traditions culturelles favorables à l’indiscipline, au laxisme et à l’impunité.
-
Troisième Handicap : la persistance de la pauvreté, la précarité et la baisse du pouvoir d’achat.
-
Quatrième Handicap : la banalisation de la corruption et son expansion à tous les secteurs de la vie nationale.
8.3
Les opportunités -
Première opportunité : la moralisation et ses effets de normalisation des relations politiques et économiques internationales, constituent une forte pression sur les pays comme le Bénin à " rentrer dans les rangs".
A titre d’illustrations, citons : - La généralisation des normes ISO (international standard organization) ; - Les règles de l’organisation mondiale du commerce (OMC) ;
31
- Les normes européennes en matière d’importation de produits alimentaires ; - Les programmes AGOA et MCA (millenium challenge Account) ; - Les objectifs du millénaire des Nations Unies (OMD) ; - L’Union Africaine, leNEPAD et son mécanisme africain d’évaluation par les pairs - La CEDEAO ; - L’UEMOA et ses critères de convergence. - Deuxième Opportunité : La promotion du concept de bonne gouvernance et son corollaire, le développement du secteur privé et de la société civile. - Troisième Opportunité : L’effet cumulatif des progrès enregistrés dans les domaines de la politique, de l’économie, du social et de l’éducation. -
8.4
Quatrième Opportunité : La globalisation et le développement des nouvelles technologies de l’information qui auront pour effet d’ouvrir de plus en plus, les yeux et l’esprit des africains qui, grâce à l’Internet, aux chaînes de radios et de télévisions internationales comme CNN, TV5 et RFI savent désormais que des chefs aussi puissants que le Président CHIRAC en France, le Président BILL CLINTON aux Etats-Unis ou le Président de la Banque Mondiale Paul WOLFOVITZ ne sont pas à l’abri d’ennuis pour des faits que leurs hommes politiques leur avaient imposés comme des privilèges et des droits attachés à leur rang.
Les menaces
Les efforts de contrôle de la corruption peuvent être par contre menacés par les données suivantes : -
La proximité et la dépendance économique du Nigéria, qui a souvent servi d’exemple et de source de contagion ;
-
La marginalisation des pays africains, comme le Bénin, qui sont de plus en plus délaissés par les feux de l’actualité au profit des terrains plus attreignants comme la Chine et l’Europe de l’Est à moins que ce ne soit les zones de conflits armés ;
-
La propagation des mœurs et des modes, du fait des médias internationaux et de la diffusion des films de série du genre DALLAS ou Téléfilms brésiliens et mexicains ;
-
Les effets négatifs combinés de la mondialisation, de la dégradation de l’environnement, du climat sur les revenus et le pouvoir d’achat des populations africaines.
32
IX
SCENARII D’EVOLUTION
L’analyse, des causes et des conséquences de la corruption d’une part, des atouts, faiblesses et opportunités pour un projet de maîtrise de corruption d’autre part, nous permet d’envisager différents scénarii d’évolution de ce phénomène pour ce qui est du cas béninois. Dans la logique d’un champ de force, il existe des forces motrices en faveur du développement de la corruption et des forces freinantes sur qui on peut compter pour maîtriser le phénomène. Sous l’effet de ces forces, nous pouvons prédire, selon leur intensité et leur rapport, trois scenarii principaux d’évolution : -
la première : la pire, un scenario à la nigériane ;
-
la deuxième : le rêve d’un Bénin intègre et bien gouverné ;
-
un scénario médian : une corruption maîtrisée.
L’avenir sera au scénario qui sera produit soit par le laisser aller de type évolutionniste soit par une rupture de type volontariste. Tout sera affaire de gouvernance.
33
" Les institutions sont la garantie du gouvernement d’un peuple libre contre la corruption des mœurs, et la garantie du peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement" (Luis Antoine Léon)
DEUXIEME PARTIE COMMENT REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
34
" Il faudrait que l’effet pût devenir la cause, que l’esprit social qui doit être davantage de l’institution présidât à l’institution même, et que les hommes fussent avant les lois ce qu’ils doivent devenir par elles." (ROUSSEAU Jean-Jacques)
I.
DE LA GOUVERNANCE COMME SEULE SOLUTION A LA CORRUPTION
Après avoir défini et analysé la corruption, nous allons donner un contenu à la forme de gouvernance qui sera assez créative et assez efficace pour décourager la corruption en tenant compte de toutes les conditions de l’environnement dans des pays africains comme le Bénin.
1.1
Définition de la gouvernance
Pour gérer les rapports entre la société et l’Etat, on a souvent utilisé les concepts de gouvernement, de leadership ou de régime. Ces trois concepts ont eu tendance à sousestimer la société et ses acteurs au profit de l’Etat et les défenseurs du pouvoir d’Etat. Comment sortir de ce piège et de cette myopie ? Il s’agit d’organiser un espace public comprenant à la fois, l’Etat et la société de sorte que cet espace public soit épanouissant et motivant pour les causes publiques, politiques ou socio-économiques. C’est pourquoi Gora HYDEN définit la gouvernance comme la gestion consciente et organisée des structures du régime, dans le but de renforcer la légitimité de la sphère publique. La gouvernance couvre donc l’ensemble de ce qu’on appelle communément le secteur public, le secteur privé et la société civile. Toujours selon Gora HYDEN, le concept de gouvernance a plusieurs dimensions qui touchent aux acteurs (pouvoir, autorités, réciprocité, échange) et aux structures (acquiessement, confiance, responsabilité et innovation).
35
Il en déduit trois axes pour faciliter le fonctionnement de la gouvernance et la solution des problèmes.
Les trois axes de la gouvernance
Leadership responsable et prompt à réagir
Influence et surveillance des citoyens
Réciprocité sociale
L’axe « influence et surveillance des citoyens » couvre : 1 – Le degré de participation politique ; 2 – Les moyens de fusion des choix ; et 3 – Les méthodes visant à faire rendre compte des responsabilités publiques contractées. L’axe « leadership responsable et prompt à réagir » couvre : 1 – Le degré de respect pour la sphère publique civique ; 2 – Le degré d’ouverture de l’action politique ; et 3 – Le degré d’adhésion à la règle du droit. L’axe « Réciprocité sociale » couvre : 1- Le degré d’égalité politique ; 2- Le degré de tolérance entre les groupes ; et 3- Le degré d’inclusion au sein des associations.
1-2 Quelle est la gouvernance qui peut venir à bout de la corruption ? 3La vieille sagesse chinoise nous apprend que la meilleure de toutes les gouvernances est la gouvernance spirituelle. Vient ensuite la gouvernance qui rend la faute impossible et en dernier lieu la gouvernance qui récompense la vertu et punit le vice. Nous ferons de ces trois types de gouvernance la ligne directrice qui nous permettra de réinventer la gouvernance qui décourage la corruption. Nous aurons aussi à l’esprit, le conseil que Moïse a reçu de son beau père à savoir « Choisis à tous les niveaux, des chefs craignant Dieu, intègres, avisés et désintéressés ». 36
Enfin, nous tiendrons compte des variables indépendantes de la corruption que sont : - Les situations de monopole ou de rareté ;
1.3
-
Le pouvoir discrétionnaire des agents ;
-
L’absence de transparence, et de contrôle efficace ;
-
L’inefficacité de la justice ;
-
Le coût moral du scandale ;
-
Le montant des gains de la corruption ;
-
L’écart entre les besoins et les revenus licites.
La gouvernance qui décourage la corruption
Pour décourager la corruption, inventons une gouvernance qui répond aux trois critères ci-après : Premier critère : La gouvernance qui décourage le plus la corruption sera celle qui élimine le maximum des causes de la corruption que nous avions identifiées précédemment. Deuxième critère : Elle doit correspondre à une gestion optimale des variables indépendantes énumérées plus haut. Troisième critère : Elle doit être à la fois spirituelle, rendre la faute impossible, récompenser la vertu et punir le vice.
37
" Les punitions et les peines ne suffisent pas pour changer les habitudes ; les exécutions et les massacres ne suffisent pas pour empêcher la tricherie. Seule l’influence spirituelle est valable" " Du leadership et de la stratégie"
II.
LA GOUVERNANCE SPIRITUELLE
2.1
Qu’est-ce qu’une gouvernance spirituelle et comment la mettre en œuvre :
L’histoire politique est là pour nous prouver que toutes les sociétés, tous les Etats et tous les régimes doivent, pour prospérer, compter sur un attachement viscéral, sentimental, et spirituel des citoyens aux causes publiques. Comment obtient-on une telle loyauté, un tel dévouement ? Comment et pourquoi des individus peuvent volontairement donner leur vie pour leur pays ? Comment fait-on pour que sans mettre un gendarme devant chaque citoyen, les lois et le contrat social soient respectés ? Comment faire en sorte que volontairement les individus acceptent de consacrer leur énergie au service de l’intérêt public pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême ? L’Homme n’a rien inventé de plus puissant que la religion et les croyances qui se situent au sommet de la pyramide de MASLOW sous la forme d’un besoin d’accomplissement et de réalisation de soi, je dirai de dépassement de soi. C’est pourquoi on dit que la foi en Dieu donne à la vie son veritable sens. C’est pourquoi Thomas Watson Junior affirmait « Je crois fermement que n’importe quel organisme (privé, gouvernemental ou religieux) qui veut survivre et réussir doit disposer d’une solide gamme de convictions qui constituent la base de ses politiques et de ses actions », « les sociétés naissent dans la religion et meurent dans la bureaucratie ». Aujourd’hui encore après les Rois de droit divin, de nombreux pays ont encore leur religion d’Etat, même les pays qui, comme la France ou la Turquie, ont voulu se vacciner contre les méfaits de la religion d’Etat, ont dû inventer une autre religion sinon un culte, celui de la laïcité. C’est cette laïcité qui fait le ciment et la flamme qui entretiennent en France le culte de la république et en Turquie, la force d’un patriotisme dont la devise est « fier comme un Turc ». Rappelons que l’esprit de la République remonte au SAMUEL de la Bible, pionnier de la résistance au gouvernement personnel dont la prophétie inspirée par YAHVE fût une contribution décisive à la création du républicanisme. (In william R. Everdell dans « la Fin des Rois »)
38
Dans l’histoire de toutes les sociétés, la religion apparaît comme l’arme suprême de gouvernement car elle apparaît comme la forme la plus noble et la plus organisée de mobilisation des esprits vers une cause supérieure qui dépasse sa personne. C’est pourquoi presque toujours, la religion arrive dans une société par la volonté du souverain qui, soit en a décidé de son importation, soit en est devenu le premier converti.
2.2
Laïcité, idéologie, management et développement durable
Qu’est-ce qui pousse les dirigeants de tous les pays, de toutes les époques à vouloir s’appuyer sur la religion, la laïcité, la république, l’idéologie et plus proche de nous le management ou le développement durable ? A voir de près, il ne s’agit rien de plus que la conscience de ce que l’homme doit être au centre de tout et qu’au centre de l’homme il y a sa tête et qu’au centre de sa tête il y a son cerveau, miroir de son cœur. Ce cerveau, nous le savons maintenant et il n’y a pas si longtemps, est divisé en deux hémisphères : le cerveau droit et le cerveau gauche. C’est ce qui permet aujourd’hui à Henry Mintzberg de définir le management comme la conciliation de l’intuition et de la planification. L’intuition étant la fonction du cerveau droit et la planification la fonction du cerveau gauche, selon ZISHI Tong Jian « qui écoute les deux parties, celui-là aura l’esprit éclairé, qui n’en écoute qu’une restera dans les ténèbres ». Sophie FAURE fait un rapprochement entre la philosophie et le management en prenant l’exemple du confucianisme qu’elle définit comme la philosophie du gouvernement fondé sur l’homme et la poursuite de l’excellence humaine.
2.3
Un modèle de gouvernance spirituelle : la morale confucéenne
L’excellence humaine que l’on appelle parfois humanisme peut être considérée comme le point commun de toutes les formes de spiritualisme. Le confucianisme prône « un gouvernement pour et par l’homme dans un système de valeurs humaines » que nous proposons comme modèle de gouvernance spirituelle. Du postulat ci-dessus, Sophie FAURE tire les fondements ci-après : -
un gouvernement pour l’homme : objet du gouvernement ;
-
un gouvernement par l’homme : le moyen du gouvernement ;
-
l’importance du souverain dans un monde ou tout procède du sommet ;
-
le système de valeur humaine à développer par le sommet (étude et perfectionnement sont au cœur du gouvernement) ;
-
la nature du lien qui unit les hommes entre eux ;
-
les règles strictes de socialisation avec un sens prononcé de la hiérarchie humaine, pour chérir ses proches ; 39
-
le choix des hommes.
Il en découle toujours selon Sophie FAURE, qu’une gouvernance qui est celle de l’efficience invisible du sage, qui par l’exemplarité de sa conduite, ne peut pas ne pas transformer ceux qu’il dirige. Elle résume tout cela par une formule : « L’irrésistible attractivité de l’étoile polaire, l’authenticité réalisante, l’influence transformante, la puissance transformatrice, l’irradiante expriment cette forme diffuse de gouvernement »
2.4
Trois Axes et Huit Objectifs pour dessiner la gouvernance confucéenne
2.4.1 Les trois (03) Axes (Morale éclairée, amour pour le peuple, amélioration de soi) 1- En premier lieu, une attitude irréprochable par rapport aux règles de vie en société, ce qui est le propre d’un gouvernement éclairé ; 2- Vis-à-vis des autres, amour et protection ; 3- Vis-à-vis d’une nature perfectible, une remise en question, un travail sur soi-même, un long processus d’auto-perfectionnement pour atteindre cet idéal de souverain sage (Sheng).
2.4.2
Les Huit (08) Objectifs
-
Que celui qui désire obtenir la paix (8) gouverne d’abord le pays (7)
-
Que celui qui désire gouverner le pays rassemble les hommes (6)
-
Que celui qui désire rassembler les hommes se perfectionne soi-même (5)
-
Que celui qui désire se perfectionner, s’assure de la droiture de son cœur (4)
-
Que celui qui désire s’assurer de la droiture de son cœur soit sincère (3)
-
Que celui qui désire être sincère s’attache à la connaissance (2)
-
La connaissance est dans les choses.
40
2.5
Gouvernance d’Etat et philosophie
Le Confucianisme, une philosophie de l’excellence humaine qui s’adresse au Souverain Contexte
Société féodale Rivalités entre principautés concurrentes Organisation de la société autour de clans, décadence et corruption intérieure
Clef de voûte
Le souverain sage
Cible du gouvernement
Le peuple
Objectif du gouvernement La condition
Bien- être, prospérité et sécurité du peuple
Le lien
La préservation de l’ordre social -
Le sentiment humain L’amour que l’on porte à son peuple est celui que l’on doit porter pour ses enfants. Avec un sens prononcé de la hiérarchie sociale Un relâchement du lien avec l’éloignement du sang
Les qualités
Système intégral de valeurs humaines : sens de l’humain, équité rituelle, piété filiale, morale, connaissance, rites, confiance, loyauté
La logique
Connaissance par le cœur Excellence intérieure et rectitude du comportement Auto perfectionnement de soi et gouvernance des autres
Le mode de gouvernement
Efficience invisible du sage pour un résultat organique et facile « ne peut pas ne pas »
Wei Zheng zai ren : un bon gouvernement repose sur l’homme Équivalence managériale Le top management (le souverrain sage) La ligne managériale (les ministres)
Qui
Les managés (le peuple) Les qualités humaines (système intégral)
Homme
Les vecteurs du management (sélection et bonne utilisation des talents, auto perfectionnement, éducation)
Comment
Le climat général (humanité, harmonie, ordre social) L’objectif (bien être, prospérité, sécurité)
But
41
La pensée confucéenne repose sur un système intégral de valeurs qui sont très reliées à l’homme. Ces valeurs sont regroupées en valeurs d’excellence (processus d’autoperfectionnement, étude, pédagogie, implication et persévérance), valeurs centrales (sens de l’humain, équité, rituelles, rites, morale, confiance, connaissance des choses et des hommes) et valeurs complémentaires (rectitude, respect, loyauté, amitié, piété filiale)
2.6
Autres modèles pour la gouvernance éthique
Il existe dans toutes les sagesses, dans toutes les écritures saintes, dans tous les traités de morale et d’éthique, une exhortation à se conformer à la voie juste pour mériter le salut. De Jésus Christ à Mahomet, de Confucius à Platon, de Kant à Karl Max, nous avons des leçons de bonne gouvernance à remettre à l’ordre du jour, des leçons à moderniser pour servir de solutions pédagogiques au mal de la corruption. Aujourd’hui, les gouvernants africains ont peu investi dans cette mission qui reçoit peu d’attention. Les instruments d’encadrement spirituels et éthiques que sont : la famille, les cultes religieux, les organisations de la société civile, les écoles et universités et même les lieux de travail, n’ont que très rarement été intégrés aux efforts d’amélioration de la gouvernance. Il y a là un grand chantier qui mérite qu’on y accorde une priorité, non seulement dans les efforts pour contenir le phénomène de la corruption, mais aussi dans la mobilisation en faveur du développement.
2.7
Comment promouvoir une gouvernance spirituelle ?
Aujourd’hui, au XXI ème siècle, la spiritualité a pris la forme de : -
La psychologie du mouvement dit, du développement personnel ou de la croissance personnelle ;
-
Le leadership ;
-
Les mouvements et les modes de relaxation ;
-
Les clubs services et les autres associations à but non lucratif qui ont tous en commun, de déplacer l’attention des préoccupations du bas de la pyramide de MASLOW vers son sommet, de passer de la politique du ventre à la gouvernance spirituelle.
Nous reproduisons ici, la hiérarchie des besoins publiés par Thomas Jefferson (Resserch center page 183)
42
Hiérarchie révisée des besoins Actualisation de soi (maturité psychologique), bonheur
Esthétique spirituelle Vérité Bonté Beauté Foi Accomplissement d’un objectif Ordre Justice Liberté Approbation de la société, amour, Estime, appartenance Estime de soi Sécurité Economie d’efforts Besoin de reproduction Sexe, amour parental Physique, air, eau, nourriture, abri, sommeil
L’environnement extérieur Conditions souhaitées à la satisfaction des désirs Liberté, justice, ordre, défi
Une gouvernance spirituelle peut faire de cette hiérarchie des besoins, un symbole comme les Etats Américains en adoptant le grand sceau qui figure sur le dollar, représentant une pyramide au sommet de laquelle se trouve un œil. Cette pédagogie de l’éthique mérite d’être mise à la disposition de l’homme dès son enfance, disons à l’école maternelle en l’incluant dans la littérature enfantine. En effet, comme l’a déjà prouvé une étude de David MC CLELLAND de l’Université Havard dans les années cinquante, il existe une corrélation entre le message spirituel contenu dans les livres pour enfant et le taux de croissance économique d’un pays pour les vingt années à venir. 43
On peut aussi promouvoir une gouvernance spirituelle en cultivant très tôt le besoin d’accomplissement et de croissance personnelle, via l’esprit d’entreprise, en introduisant l’initiation à l’entreprenariat dès l’école maternelle. Enfin, nous devons promouvoir le culte de l’honneur en recourant à des rites d’appropriation collective, de méditation et d’immortalisation, symbole du bien commun et de l’intérêt général que sont nos héros et les symboles de la République comme l’hymne nationale ou le drapeau.
44
"Le développement économique et social est le résultat du management. Je peux affirmer sans exagérer qu’il n’ y a pas de pays sous développé, il n’ y a que des pays sous managés" (Peter Drucker) III.
LA GOUVERNANCE QUI REND LA FAUTE IMPOSSIBLE
"Sans discipline nous ne pouvons rien, avec un peu de discipline nous pouvons résoudre quelques problèmes, avec une discipline totale nous pouvons résoudre tous les problèmes" (Scott PECK, M.D) Le pouvoir de coercition de la loi viendra toujours poursuivre le travail entamé par le sage. La gouvernance qui rend la faute impossible est celle qui organise la société de sorte que : - Personne n’ait intérêt à commettre la faute, -
Personne ne puisse commettre une faute sans être puni et surtout, personne n’a de raison de commettre la faute.
Nous sommes là au cœur des dispositifs de la lutte anti-corruption. L’adage " l’occasion fait le larron" peut nous guider dans la recherche de la gouvernance qui rend la faute impossible. Comment peut-on limiter les occasions de corruption ? Nous répondrons que c’est en supprimant les nombreuses causes que nous avons recensées plus haut. Rappelons que ces causes tenaient : - Au milieu ; -
A la nature humaine ;
-
Au cadre institutionnel ;
-
Au cadre socio économique ;
-
Aux politiques de gestion des ressources humaines ;
-
A la politique de rémunération et de motivation ;
-
Au système d’information et de gestion.
A voir de près cette liste, on se rend compte que les causes de la corruption, notamment dans les pays africains, sont nombreuses, relèvent de tous les aspects de la vie nationale et sont intimement mêlées. Comme le prouve l’exemple des pays qui ont le plus réussi à faire reculer la corruption, les solutions doivent être intégrées, cohérentes et harmonieuses. La gouvernance comme le management de la qualité est totale ou ne l’est pas. La question est de concevoir un système de gouvernance qui prenne en compte toutes ces différentes sources de corruption
45
Nous proposons comme modèle, le plus systématique, le plus global, le management et spécialement le management de la qualité totale qui vise justement le zéro défaut. La Gouvernance qui rend la faute impossible doit être une gouvernance de qualité.
Quels sont les critères de cette gouvernance de qualité ? Elle doit être d’abord comme une maison construite sur des bases solides, des principes, les seuls qui soient universels et éternels. Ensuite, cette maison doit être construite avec les méthodes les plus éprouvées. Enfin cette maison doit être bien entretenue, régulièrement renovée et régulièrement évaluée. La gouvernance, comme le management, est une affaire de méthode. 3.1
Un modèle qui rend la faute impossible :
Dans l’introduction au recueil des normes françaises (1989) Jacques Chové définit la qualité totale pour une organisation comme « une politique qui tend à la mobilisation permanente de tous les membres pour améliorer : - La qualité de ses produits et services ; -
La qualité de son fonctionnement ;
-
La qualité de ses objectifs en relation avec l’évolution de son organisation. »
Dans cet esprit, le management est le moteur de cette politique. Son but est : - Le développement de l’organisation et de ses membres, dans le respect de l’intérêt général ; -
Sa rentabilité ;
-
La satisfaction et la fidélisation de ses clients.
Ce qui en conditionne le succès, c’est l’aptitude de tous ses services (internes et externes) à satisfaire au moindre coût, les besoins de leurs utilisateurs. La qualité ne peut être réalisée que si le management se déploie dans toutes ses dimensions. C’est pourquoi nous parlons de management et assurance de la qualité. Nous pouvons souligner dans cette définition, les mots et expressions : - Politique ; -
Mobilisation permanente ;
-
Tous ses membres ;
-
Evolution de son environnement ;
-
Moteur de cette politique ;
-
Respect de l’intérêt général ;
-
Satisfaire au moindre coût ;
-
Le management dans toutes ses dimensions.
46
3.1.1
Pourquoi le management de la qualité comme modèle de gouvernance ?
Pourquoi les nombreux efforts et réformes, pour lutter contre la corruption ou réduire son ampleur, donnent si peu de bons résultats dans si peu de pays ? A notre avis, ces efforts pêchent par leur caractère fragmentaire ou parcellaire. Ils ne prennent pas en compte toutes les dimensions du problème, allant tantôt dans une direction juridique (législation anti-corruption), tantôt dans une direction économique et financière (conditionnalité des programmes de développement et de financement ou code de marchés publics), ou dans une direction de plaidoyer, de mobilisation sociale (Transparency Internationnal et autres organisations de la société civile pour lutter contre la corruption). Toutes ces démarches, à l’image de la logique de la multiplication des projets de développement (genre Banque Mondiale), sont souvent extraverties ou dictées de l’extérieur avec pour conséquence, une image de diktat et de gadgets non applicables et non adaptés à l’environnement pour lequel ils sont prescrits. Contrairement à ces démarches, le management en général et le management de la qualité totale ou management et assurance de la qualité ont fait la preuve de leur caractère global, systémique, systématique ainsi que de leur efficacité, de leur flexibilité et de leur simplicité ; Bien que ces preuves aient été administrées surtout dans le domaine de l’entreprise et de l’économie, nous savons aujourd’hui que de nombreuses innovations politiques et institutionnelles très en vogue , sont inspirées du management. C’est le cas des écoles des réformes administratives héritées de la période de Reagan, Tatcher. Depuis le premier livre de la Bible, nous aurions dû apprendre que c’est en réalité, la seule démarche qui garantit une conformité aux lois de la nature. Le livre de la Genèse nous dit en effet, qu’au commencement, il y avait les ténèbres et que pour remplacer les ténèbres par la lumière, Dieu n’a fait rien d’autre que d’appliquer la démarche de la qualité totale. Cette démarche qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la Roue de Deming tient en quatre (04) étapes : -
Plan (planifier)
-
Do (réaliser)
-
Check (vérifier)
-
Act (rectifier)
C’est pourquoi, nous lisons à la première page de la Bible, qu’après avoir planifié la création du monde en sept (07) jours, Dieu réalisa un projet par jour et bien qu’infaillible, s’obligea à la fin de chaque journée à : « voir que c’était bon » « que c’était une bonne chose » . C’est la preuve de ce que, seul ce qui est mesuré peut être amélioré et peut devenir excellent. C'est-à-dire d’une qualité au superlatif, d’une qualité zéro faute.
47
3.1.2
Une démarche en dix étapes pour une gouvernance positive
La gouvernance qui rend la faute impossible, peut reposer sur la puissance publique, la force et la rigueur de la loi. Malheureusement, dans les pays africains comme le Bénin, la légalité n’a pas encore acquis droit de cité, parce que les lois et ceux qui sont chargés de les élaborer ou de les appliquer ne s’assurent pas toujours de leur légitimité. La conséquence est que, dans un pays comme le Bénin, la loi finit par avoir la réputation d’être faite pour ne pas être appliquée, à commencer par ceux qui l’ont élaborée. Or comme le dit Saint Augustin, « les Etats sans lois, sans morale, sans justice, ne sont que du brigandage » Comment faire alors pour inscrire la loi dans les cœurs, pour reprendre la formule de Saint Paul ? Une seule réponse : « En instituant une autorité positive et une loi juste ».
Les dix lois pour instaurer une autorité positive Pour obtenir de la part des citoyens ou des employés d’une organisation, nous avons besoin d’une autorité, d’une puissance publique, d’un leadership qui inspire : -
la discipline ;
-
l’auto-discipline ;
-
l’implication personnelle et satisfaction.
F. HARMON et G. JACOBS, dans « ces entreprises qui tiennent la forme », proposent une démarche en dix étapes : 1. Décision : décider des domaines et des principes fondamentaux pour l’existence de l’organisation. 2. Normes : définir une autorité hiérarchique claire et précise, des pouvoirs de décision nets, et des modèles de comportement pour ces domaines fondamentaux. 3. Règles : établir un ensemble de règles régissant la conduite à tenir dans les domaines fondamentaux. 4. Systèmes : élaborer des systèmes afin de contrôler et d’évaluer les résultats et de faire appliquer la discipline là où elle est nécessaire. 5. Formation : apprendre aux nouvelles recrues comme aux employés plus anciens, l’importance du respect scrupuleux de ces normes. 6. Communication : mettre l’accent en permanence sur l’importance des normes par le biais des moyens de communication variés et d’exemples. 7. Récompense : introduire divers moyens pour récompenser les résultats exceptionnels tant individuels que collectifs en accord avec les principes fondamentaux.
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8. Reconnaissance : penser à reconnaître, soit en public, soit en privé, le mérite de ceux qui ont été à l’origine des résultats exceptionnels. 9. Environnement : lorsque les principes sont acceptés et intégrés par tous sans l’intervention de systèmes rigoureux ou d’une discipline stricte, assouplir le cadre formel d’application, accroître le degré de liberté et permettre à l’autodiscipline et à l’émulation entre les employés de prendre progressivement le pas sur les formes d’autorité extérieure. 10. Identification : permettre à chaque individu de comprendre, de respecter puis d’intégrer ces valeurs afin que son adhésion soit l’expression de son épanouissement personnel et d’une expérience enrichissante. Cette démarche qui a permis de faire de la normalisation et des célèbres normes I.S.O. l’arme suprême pour obtenir la qualité totale.
3.2
Dessinons la gouvernance de qualité totale qui rend la faute impossible
3.2.1
Première caractéristique : décider
Les principaux domaines d’application : (à titre d’exemple) -
Le leadership : la sélection des dirigeants politiques administratifs et d’entreprise.
-
L’information, l’analyse et la mesure à tous les niveaux, tout doit se mesurer, y compris la corruption.
-
La planification : les améliorations doivent faire l’objet d’un plan et d’un effort d’amélioration continu.
-
La satisfaction des parties prenantes et l’orientation –client : toute l’administration doit redevenir au service et à la solde du public y compris pour donner les notes d’appréciation de fin d’année.
-
La gestion des ressources humaines : la performance et l’intégrité doivent devenir le critère de recrutement, de promotion et de rémunération.
-
La gestion des processus : toutes les étapes importantes, tous les moments de vérité doivent faire l’objet d’une surveillance permanente.
-
L’orientation-résultat : passer de la gestion, axée sur les activités à la gestion axée sur les résultats y compris les résultats des programmes d’amélioration de l’intégrité et de la maîtrise de la corruption, sous la forme d’audit qualité, d’audit financier et d’audit intégrité dans chaque administration clé.
49
Les principes fondamentaux -
Premier principe : La qualité, comme l’intégrité, est gratuite. Elle ne doit rien coûter.
-
Deuxième principe : L’intégrité, comme la qualité, est un état d’esprit.
-
Troisième principe : Près des ¾ des problèmes d’intégrité comme de qualité sont imputables au chef hiérarchique.
-
Quatrième principe : La qualité comme l’intégrité ne vont pas de soi, elles s’apprennent.
-
Cinquième principe : La gouvernance de qualité totale comme le management de la qualité totale doit s’appuyer sur un travail d’équipe et respecter les règles du travail d’équipe.
La qualité et l’intégrité, le zéro défaut comme toutes les belles choses se font avec amour, dans l’amour avec épanouissement. Miser donc plus sur la carotte que sur le bâton. Cela va jusqu’à féliciter publiquement les agents qui ont résisté à la corruption.
3.2.2
Deuxième caractéristique : les normes
Le travail de moralisation doit remplacer ou compléter le vieux cadre législatif hypocrite et inopérant. Ce travail peut se faire, en prenant pour modèles les Normes ISO et en intégrant les différents textes législatifs ou réglementaires ainsi que les différentes conventions comme la convention de l’Union Africaine, sur la prévention et la lutte conte la corruption et les infractions assimilées. Parmi les normes prioritaires à établir, de préférence à un niveau l’Union Africaine, la CEDEAO ou l’UEMOA, on peut citer :
inter – Etats comme
-
Les normes relatives aux concepts et à la terminologie en matière de gouvernance de qualité totale ;
-
Les normes relatives à la conception, à la mise en œuvre de l’évaluation et la mesure de la Gouvernance de qualité totale (avec des versions spécifiques pour le secteur public, le secteur privé et la société civile) ;
-
Les normes relatives aux mécanismes de certification de la gouvernance de qualité totale ;
-
Les normes relatives aux outils, méthodes et techniques de la gouvernance de qualité totale.
50
3.2.3
Troisième caractéristique : les règles
Pour qu’elles soient respectées, les règles ont besoin d’être légitimes, justes, peu nombreuses, simples à comprendre et faciles à appliquer. Pour la gouvernance de qualité totale, il sera nécessaire de renoncer au style de réglementation bureaucratique complexe et inefficace au profit d’une logique universelle, celle de la qualité qui n’a qu’une règle : la conformité aux attentes des clients.
3.2.4
Quatrième caractéristique : les systèmes
Un système se définit comme un ensemble d’éléments inter-reliés, ayant chacun leur fonction destinée à assurer la fonction de l’ensemble. Le système qualité est défini par la norme ISO 9000 comme l’ensemble de la structure organisationnelle des responsabilités, des procédures, des procédés et des ressources pour mettre en œuvre la gestion de la qualité. Le système de gouvernance de qualité totale peut être représenté par la pyramide ciaprès :
Système
Principes
Activités
Tâches
0pération
manuel qualité de la gouvernance
Descriptif des processus de gouvernance
Procédures de gouvernance
Instructions de gouvernance
Mode opératoire de gouvernance
51
Le cœur du système qualité se situe au niveau des Processus qui doivent être conçus ou réinventés dans l’esprit de la qualité en vue de favoriser au maximum la gouvernance qui rend la faute impossible. C’est donc au niveau des processus qui sont de trois (03) type (processus de réalisation, processus support et processus de management), que la gouvernance peut être vraiment réinventée, pour produire un système institutionnel vertueux. Le système de qualité totale doit enfin compter sur les outils comme l’assurance qualité et la certification, les statistiques, le benchmarking et le reingenering.
3.2.5
Cinquième caractéristique : la formation
A nouvelle école, nouveau vocabulaire, nouveaux savoirs. Ayant réinventé la gouvernance, il devient impérieux de changer la culture et les façons de travailler : ceci à tous les niveaux. La gouvernance de qualité totale ne peut s’installer qu’au prix d’un énorme investissement en matière de formation.
3.2.6
Sixième caractéristique : la Communication
Pour obtenir le ralliement à cette vision de la gouvernance et un consensus pour sa mise en œuvre, il sera nécessaire de communiquer sous toutes les formes : -
Information ;
-
Sensibilisation ;
-
Plaidoyer ;
-
Echanges etc.
3.2.7
Septième caractéristique : récompenser
La gouvernance de qualité totale, se voulant une autorité positive, se veut plus un distributeur de bons points qu’un gendarme. A ce titre, elle utilisera et abusera de récompenses, car en réalité, il s’agit de détourner la propension à rechercher des gains illicites vers une passion pour les victoires individuelles et collectives primées par des récompenses matérielles.
3.2.8
Huitième caractéristique : reconnaissance
La conception culturellement compréhensible, qui veut qu’en Afrique « on ne vous demande pas de réussir mais de ne pas échouer » doit progressivement céder la place au culte de l’homme et de la reconnaissance bien méritée. La gouvernance de qualité totale ne peut pas ne pas avoir ses audits, ses certifications, ses prix de la qualité, ses citations, ses palmarès, son nobel et son Panthéon.
52
3.2.9
Neuvième caractéristique : environnement
« Le microbe n’est rien, le milieu est tout », disons-nous à la suite de Claude Bernard. Après avoir imposé des normes et des règles strictes, il conviendrait de pouvoir compter sur un milieu vertueux, favorisant l’autodiscipline pour pérenniser la gouvernance de qualité totale. Cela ne peut être obtenu que par la force de l’habitude, de l’accoutumance et de la culture. Nous rejoignons ainsi la nécessité de compter sur une gouvernance spirituelle pour éterniser le respect du bien commun.
3.2.10
Dixième caractéristique : identification
Par les vertus de la formation, de l’habitude et de la culture, chacun peut s’approprier la gouvernance de qualité totale, s’identifier à ses valeurs et en faire son identité. Se faisant, il confirmera que la meilleure société est celle ou chaque homme ne reçoit d’ordre que de lui-même et de son créateur, et que le meilleur gouvernement est celui qui nous apprend à nous gouverner.
3.3
Ce type de gouvernement existe-t-il déjà dans un pays ?
Il y a quelques mois, a été publié le palmarès des pays préférés par les investisseurs. Devinezvous le pays qui a décroché la première place ? La réponse : SINGAPOUR. On peut dire beaucoup de choses de SINGAPOUR y compris des choses qui ne font pas l’unanimité. Sans aucun doute SINGAPOUR est le plus proche de la gouvernance qui rend la faute impossible. Il suffit de faire un tour à SINGAPOUR pour se rendre compte que le slogan « clean and green » est une réalité qui ne donne envie à personne de jeter un bout de papier par terre ni à aucun ministre d’accepter un pot de vin. Ce n’est certainement pas un hasard si régulièrement, SINGAPOUR décroche : -
Le prix du meilleur aéroport du monde ;
-
Le prix du meilleur port du monde ;
-
Le prix de la meilleure compagnie aérienne du monde ;
-
Le prix du meilleur hôtel du monde.
Citons ici quelques secrets de la gouvernance à SINGAPOUR. A SINGAPOUR, pour être éligible au poste de chef de l’Etat, il faut, parmi autres critères, avoir dirigé une grande entreprise. Et pour y être ministre, il faut avoir, semble-t-il, un master en administration des affaires. En conséquence, un ministre devrait gagner l’équivalent d’un milliard de francs CFA par an, les fonctionnaires gagnent autant sinon plus dans le privé. Mais en contre partie, le premier des ministres qui a été pris en 1986 dans un scandale de corruption, celui du développement national, pour la somme de huit cent mille dollars
53
singapouriens, TEH CHEANG WAN, a dû se suicider le 15 décembre 1986, en laissant à son premier ministre une lettre dont le contenu est tout un symbole : Monsieur le Premier Ministre, J’ai été très malheureux et déprimé ces deux dernières semaines. Je me sens responsable du malheureux incident qui est arrivé et pense que je devais en accepter l’entière responsabilité. En tant que honorable gentleman oriental, je pense que la seule chose à faire est que je devrais payer le prix fort pour cette erreur. Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués. TEH CHEANG WAN (In Lee Kuan Yew: from third world to first (the Singapour Story))
L’arme de SINGAPOUR et de son leader ancien Premier ministre Lee Kuan Yew contre la corruption s’appelle le CPIB (Corrup Pratices Investigation Bureau) (le bureau d’enquête sur les pratiques liées à la corruption) qui a, en vertu de la loi de 1960 sur la prévention de la corruption, les pouvoirs les plus étendus pour vérifier tous documents ou archives dans les banques ou l’administration publique. Toute personne invitée à témoigner auprès du CPIB est obligée, par la loi, de le faire, et refuser ou faire de faux témoignages est passible de prison et d’une amende de dix mille dollars. A SINGAPOUR, l’organisation administrative et l’archivage permet au CPIB, d’être informé de toutes dépenses luxueuses de véhicules ou de logement par exemple. Ses inspecteurs n’hésitent pas à fréquenter les hippodromes pour surveiller les agents de l’Etat trop portés sur le jeu. Tous les fonctionnaires doivent remplir tous les deux ans une déclaration de biens. Le CPIB a une telle réputation de minutie et d’efficacité que l’idée qu’un fonctionnaire puisse faire l’objet d’une enquête de sa part remplit tout le monde de peur et d’effroi. A l’occasion de certaines affaires très suivies par le public, le CPIB a maintes fois prouvé qu’il avait suffisamment de poids pour punir les « gros poissons » de la corruption aussi bien que ceux qui acceptent des gratifications d’un dollar. Il a poursuivi avec succès un ministre d’Etat, des hommes de loi et des chirurgiens en vue, de nombreux comptables, des Singapouriens aussi bien que des expatriés, mais aussi de modestes travailleurs employés par l’administration des postes ou le service de ramassage des ordures. Il est largement admis que le CPIB, malgré sa petite taille, a su décourager la corruption dans l’ensemble de l’appareil d’Etat y compris à la Direction des douanes et contributions indirectes. (In « Robert Klitgard », Combattre la corruption) Pour illustrer l’ultra-propreté de la gouvernance à SINGAPOUR, on cite la campagne qui visait à interdir aux chauffeurs d’accepter les pourboires. Mais SINGAPOUR est célèbre pour avoir réussi à nettoyer sa direction des douanes et contributions indirectes de la corruption, il faut le faire. La politique qui a pu donner ces résultats a porté sur : -
La réduction du nombre de produits taxés (N’oublions pas que SINGAPOUR est un port franc) ;
-
L’organisation de la direction des douanes et la politique de recrutement ; 54
-
Le système d’information qui prévoyait par exemple que chaque matin, les agents notent sur un registre l’argent liquide qu’ils ont sur eux et la liste des effets personnels afin qu’il soit possible à tout contrôle inopiné de comparer ce qu’ils ont sur eux et ce qui est mentionné sur le registre.
-
La réorganisation des rapports, supérieurs hiérarchiques – agents –usagers, dans le sens de limiter le pouvoir discrétionnaire des agents, de les faire travailler en équipe de deux, de multiplier les contrôles de niveaux hiérarchiques supérieurs
-
Institution d’un bureau de vérification de comptes qui analyse les systèmes de contrôle et les procédures de supervision pour en évaluer la vulnérabilité.
La gouvernance de SINGAPOUR a réussi aussi à casser une mafia de 150 agents de police qui percevaient de 5 à 10 dollars singapouriens par mois auprès des propriétaires de véhicules. Bref, tout cela a permis à SINGAPOUR d’être déclaré le pays le moins corrompu du monde en obtenant la note 10/10 au palmarès 1997 de « the Institut of management Developpement world’s Competitiveness. » SINGAPOUR a réussi aussi à combattre l’indiscipline, la malpropreté et l’insalubrité dans un pays ou la tradition importée d’Inde ou de Chine rendait la chose inimaginable. En dehors de SINGAPOUR, des efforts de gouvernance visant à prévenir la corruption existent comme : -
A HONG KONG, avec la Commission Indépendante de lutte contre la Corruption ICAC qui a acquis une réputation d’efficacité redoutable ;
-
Le Service Centrale de la Prévention de la Corruption en France et son Complément : Traitement des renseignements et actions contre les opérations financières clandestines (T.R.A.C. FIN.)
-
Les lois sur l’enrichissement illicite, sur l’abus de biens sociaux ainsi que les législations et normes relatives à l’éthique et les conflits d’intérêt dans de nombreux pays.
Terminons avec la gouvernance qui rend la faute impossible par cette boutade entendue de la bouche d’un citoyen canadien au Bénin : « je n’ai plus envie de retourner au Canada, parce que dans mon pays tout est interdit alors qu’au Bénin tout est permis. »
3.4
Est- il possible de mettre en œuvre une telle gouvernance au Bénin ?
Et comment Parce qu’elle est totale, la gouvernance de qualité totale n’est pas un projet isolé mais relève d’une démarche d’intégration de toutes les politiques de tous les programmes et projets visant à faire de la gouvernance, le meilleur moyen d’assurer le développement et de lutter contre la pauvreté. Il n’y aura pas de gouvernance qui rend la faute impossible sans une réforme des institutions qui réglemente la société béninoise dans le secteur public, le secteur privé et la société civile. L’essentiel de cette réforme consistera à repenser la gouvernance dans le sens du management de la qualité et du management tout court, qui apparaît en définitive comme 55
le dénominateur commun de toutes les méthodes et expériences ayant réussi à décourager la corruption. Le succès de cette réforme passe par une démarche consensuelle dans le genre de celle qui a présidé en 1990 à la Conférence Nationale des Forces Vives. Il faut en effet, un consensus pour : -
Convaincre toutes les parties et tous les secteurs de la vie nationale que décourager la corruption a un prix (sommes nous prêts à consentir des salaires et des récompenses relativement élevés à un agent de douane pour avoir le droit de fouiller dans ses poches à tout instant ?) ;
-
Choisir les priorités, le rythme et les méthodes pour cette réforme ;
-
Financer le coût de ces réformes ;
-
Et enfin s’autodiscipliner pour que chacun ne soit pas un reformateur pour tout le monde sauf pour lui.
Tous les éléments de cette réforme pour la gouvernance de qualité totale pourraient faire l’objet d’une loi organique de promotion de la gouvernance et de la performance.
56
"On prend plus de mouches avec du miel qu’avec du vinaigre" (Adage populaire) IV
LA GOUVERNANCE QUI RECOMPENSE LA VERTU ET PUNIT LE VICE
Savez-vous quel est le plus grand principe de management ? Michael LEBOEUF nous apprend que le plus grand principe de management consiste à poser en toutes circonstances, la question « quand tout va bien ou quand rien ne marche, que récompense le système ? » Parce que toutes les créatures de la nature savent répéter ce qui leur rapporte et éviter ce qui les contrarie, il suffit, comme pour le chien de Pavlov, d’exploiter ce réflexe que nous avons de renouveler les expériences gratifiantes et d’éviter soigneusement les expériences malheureuses. Pourquoi un principe aussi évident, aussi fondamental n’est pas pris en compte dans la plupart des politiques gouvernementales, notamment dans les pays africains. La gouvernance, qui récompense la vertu et qui punit le vice, revient tout simplement à replacer le plus grand principe de management au cœur de toute gouvernance. La Chine antique nous apprend que « les Sages encouragent le bien en recourant à ce que le peuple aime, et interdisent le mal en utilisant ce que le peuple n’aime pas ». Ils récompensent une personne et le monde entier les louent, ils punissent une personne et le monde entier éprouve une crainte mêlée de respect. La meilleure récompense n’est pas chère et la meilleure punition n’est pas excessive. (In Leçon des maîtres chinois)
4.1
Qu’est ce qui doit être récompensé ?
Pour décourager la corruption, il faut s’inspirer de ce que dit Honoré de Balzac de la puissance qui ne consiste pas à frapper fort, mais à frapper juste. Il s’agit de récompenser et de punir juste. Ce ne sont pas les récompenses et les punitions qui manquent dans les pays africains, mais faute d’une administration efficace, le système récompense le mal et décourage la vertu. Résultat, le mal prolifère et la vertu se raréfie. On doit récompenser : -
L’honnêteté et le courage de résister ou de dénoncer la corruption ;
-
L’organisation et la supervision efficaces par un chef de décourager la corruption ;
-
La discipline et le respect des lois et règlements ;
-
L’initiative et la créativité ;
-
L’entreprenariat et la prise de risque ;
ses services en vue de
57
-
Le patriotisme et la défense du bien public ;
-
Le travail de qualité et le bon exemple ;
-
Les suggestions et idées visant à améliorer la qualité, les résultats et l’intégrité ;
-
La loyauté et le respect de la hiérarchie ;
-
Le travail d’équipe et l’esprit de camaraderie.
Tout ceci peut se faire à travers un système d’évaluation des performances permettant de mesurer juste et bien tout ceux qui vont dans le sens de ces vertus. A titre d’exemple, une dose de rémunération aux résultats doit être introduite à tous les niveaux. Les récompenses peuvent être monétaires, matérielles ou immatérielles comme les promotions, les décorations, les honneurs, etc. Tout ceci bénéficiant d’une bonne publicité afin de susciter l’émulation.
4.2
Que faut-il punir ?
Il faut punir ou en tout cas éviter d’encourager tout ce qui est contraire à ces vertus, notamment les attitudes et les comportements illicites de toutes sortes, du plus banal au plus scandaleux. N’oublions pas que « qui vole un œuf volera un bœuf ». Il faut punir ou décourager en particulier :
4.3
-
Le cynisme et le non respect du bien public ;
-
Les arrangements et combines ;
-
Le travail médiocre ;
-
La recherche du gain facile ;
-
L’abus de biens sociaux et les atteintes à l’intérêt général ;
-
Le refus de contribuer à la transparence et à la manifestation de la vérité ;
-
Le sectarisme et le refus de l’esprit d’équipe.
Comment punir :
Les punitions, surtout dans l’administration doivent être bien conçues pour être faciles à appliquer, le plus proche possible de l’endroit où la faute a été commise et surtout à la hauteur de l’enjeu pour que l’espérance mathématique du fruit de la corruption ne soit pas supérieure aux avantages illicites. Les peines encourues dans les cas de corruption ou de faits assimilés doivent aller des amendes à la peine de prison en passant par des dénonciations publiques, les rétrogradations et les réductions voire perte de droit à pension. Il serait aussi utile de punir les chefs hiérarchiques qui par leur laxisme, leur manque de professionnalisme et de responsabilité, laissent proliférer la corruption dans leur service. Nous pensons qu’en punissant la mauvaise gouvernance et en récompensant la bonne gouvernance à tous les niveaux et de façon juste, il sera facile de prévenir la corruption au Bénin et dans les pays africains. 58
Il s’agit de responsabiliser les chefs en leur donnant des pouvoirs plus accrus y compris les pouvoirs pour récompenser et punir en contre partie d’une plus grande imputabilité. La gouvernance qui récompense la vertu et punit le vice n’a rien de nouveau dans ses principes mais malheureusement, dans les faits, on oublie souvent que c’est le plus grand principe de management. Ce faisant de nombreux et vains efforts sont déployés ailleurs. Il suffit donc de redonner la priorité à ce principe.
59
"Il n’y a rien de grand sans les hommes. Il n’ y a rien de durable sans les institutions" Jean MONNET
TROISIEME PARTIE SYNTHESE ET CONCLUSION
60
Depuis des décennies, l’Afrique se débat pour faire face à de nombreux fléaux, aussi dramatiques les uns que les autres. Au nombre de ces fléaux la corruption apparaît comme la colonne vertébrale. En effet, la corruption contribue à sinon aggrave les problèmes de développement des pays africains, dans des domaines aussi divers et dans des dimensions aussi révoltantes que : -
La santé, où un agent peut exposer ses malades et lui-même à une contagion au VIH/SIDA, en trichant avec les consignes de sécurité, de renouvellement de seringues, juste pour quelques milliers de francs CFA ;
-
L’éducation, où même les diplômes universitaires peuvent s’acheter sans mettre pieds dans une salle d’université ;
-
Les finances publiques, où les fuites de recettes fiscales peuvent atteindre des taux incroyables, privant ainsi tout le pays des moyens d’investir dans le développement ou de faire fonctionner dignement l’administration ;
-
Les infrastructures, où des vies humaines sont mises en danger du fait d’un contrôle de qualité complaisant et intéressé ;
-
L’économie, où la propension à échapper aux impôts et taxes confine les entrepreneurs à végéter dans un secteur plus ou moins informel, sans possibilité d’épanouissement et de développement. Au Bénin selon l’enquête sur le Climat des Investissements 2004, 84% des entreprises citent la corruption comme un problème majeur et elles estiment à 12% les paiements informels perdus dans les contrats avec l’administration.
-
La justice, où à force de combines sonnantes et trébuchantes, le système a perdu toute légitimité, privant le pays d’un environnement favorable aux investissements et livrant le pauvre voleur de mouton à une peine de mort sous les feux de la vindicte populaire.
Devant un fléau d’une telle ampleur, et d’une telle profondeur, est-il encore permis de ne rien voir, de ne rien dire et de ne rien entendre ? Le peu de résultats pour ne pas dire l’échec des tentatives de lutte contre la corruption en Afrique pose le problème de la qualité du diagnostic et des remèdes utilisés. Le vrai problème pourrait être celui posé par cet homme d’Etat béninois quand il disait à son public " si vous êtes prêts je suis prêt" à combattre la corruption, avouant ainsi qu’en réalité ni les dirigeants ni les dirigés ne sont vraiment pas prêts à mettre fin à la corruption. Comme tout le monde le reconnaît aujourd’hui, la corruption est un symptôme de la défaillance d’un système de gouvernance, né d’une imitation maladroite, hypocrite et irresponsable des institutions occidentales, donnant raison à Frantz FANON « Ne payons pas de tribut à l’Europe en créant des Etats, des Institutions et des Sociétés qui s’en inspirent». Nous ne pourrons donc combattre ou décourager la corruption qu’en réinventant les Institutions et une gouvernance de qualité, car tous les pays qui l’ont fait y compris en Afrique, comme le BOTSWANA et le RWANDA, se sont imposés une gouvernance conforme aux principes du management à commencer par le plus grand : récompenser la vertu et punir le vice. 61
ANNEXES Annexe 1 : Lu pour vous
CORRUPTION Du Chef d’Etat au petit fonctionnaire, ce cancer ronge les structures. Cerveaux et élites fuient. En droit, selon le petit Larousse, la corruption est le « crime du fonctionnaire ou de l’employé qui trafique de son autorité, ou de ceux qui cherchent à le corrompre ». D’après le Directeur d’un hôpital africain, qui a passé sa vie sur le continent noir, « ce que nous, les Occidentaux, appelons la corruption, le détournement, le vol, n’est pas ressenti comme ici ». Admettons. Rappelons aussi que la corruption n’est pas l’apanage de l’Afrique. Question de degré… La corruption est plus ou moins répandue selon les pays, mais elle est ici presque toujours à l’œuvre, massivement, tant dans l’appareil d’Etat que dans les entreprises. Au Nigeria, résume, lapidaire, le patron d’une banque qui a fermé ses portes, « nous étions le saint au bordel ». En Côte-d’Ivoire, « où sont partis les dizaines de milliards de francs CFA accumulés par la caisse de stabilisation ? » s’insurge un haut fonctionnaire avant d’ajouter à voix basse : « son patron a été zigouillé.» Au Gabon, toutes les fortunes viennent de l’Etat. Elles sont nées de la corruption, souligne le directeur d’une société française. Chacun roule en Mercedes, en BMW, chacun a son palais, parfois deux. Sans parler des résidences en Europe». Au Cameroun, décrit un banquier, « il y a des gens qui doivent à titre personnel 5 à 10 milliards de francs CFA aux banques. Tout le monde les connaît. Ils continuent de rouler en Mercedes et d’habiter dans leur villa » Un autre banquier raconte: « Un ministre des Finances a réclamé, pour accorder un contrat, un milliard de CFA cash. Une société belge a accepté. Il a quitté son poste, mais en emportant l’argent. » « Les dirigeants africains pillent l’Afrique », conclut le directeur international d’une banque parisienne. Deux lourds problèmes structurels font douter d’une amélioration possible. D’abord, les Etats africains sont, en réalité, des monarchies. Le sommet de la pyramide du pouvoir est occupé par un homme seul, qui dirige à discrétion. Il est entouré d’une cour, et d’un semblant de « conseil » (au sens où existait le « conseil du Roi ») qui porte en général le nom de « bureau politique ». Il donne l’exemple : en règle générale, lui même puise largement dans les caisses publiques, se fait construire des palais, achète des hôtels particuliers à Paris et des résidences sur le lac Léman. « Confiant » dans l’économie de son pays, il place tout ce qu’il peut à l’étranger. Et aux différents échelons de la pyramide, la plupart s’ingénient à imiter leur souverain. A chacun ses moyens : à Libreville, les agents de police arrêtent les taxis pour rançonner les passagers. Ensuite, les fonctionnaires et cadres qui aspirent à l’honnêteté sont victimes des pressions de leur milieu. Concrètement : la famille, le village, la tribu. Dès qu’un individu un peu plus doué ou chanceux que les autres parvient à décrocher un poste dans une administration ou une entreprise, il est assailli de demandes de ses « proches » qui jugeraient scandaleux qu’il ne contribue pas à leur entretien. Les plus proches se font entretenir complètement : 62
gîte, couvert, vêtements, argent de poche. Certains responsables, s’ils se font construire une maison, savent qu’ils doivent prévoir d’en consacrer plusieurs pièces à la « famille ». Ils savent qu’on leur demandera toujours plus. Et doivent s’arranger pour satisfaire ces « besoins ». D’où, aussi, les armées de fonctionnaires, les entreprises bidons, etc. Résultat: les élites véritables sont marginalisées. Les cerveaux s’enfuient… Seuls quelques forts tempéraments s’obligent à rester, à composer avec le système, et rongent leur frein en attendant, sait-on jamais, que l’horizon s’éclaircisse. Dysnateurs décembre 1989 Le mensuel des échos
63
Annexe 2 : La corruption dans le monde
Rang
Pays
Note (10 = maximum) 9,4
1
Nouvelle Zélande
2
Danemark
9,3
3
Singapour
9,2
4
Suède
9,1
5
Suisse
9,0
104
Zambie
3,0
105
Argentine
2,9
106
Bénin
2,9
107
Gabon
2,9
108
Gambie
2,9
176
Irak
1,5
177
Soudan
1,5
178
Birmanie
1,4
179
Afghanistan
1,3
180
Somalie
1,1
Donnése, Transparency Internationel, 2009
64
Annexe 3 : Stratégies et programmes d’actions PROGRAMME D’ACTION
FORCE NEGATIVE STRATEGIE N°
DESIGNATION
N°
1-1
1
Le milieu Le cadre Institutionnel Le cadre socioéconomique Les traditions
Moderniser tout le pays sur la base d’une gouvernance de classe mondiale
1-2
1-3
2-1
2
La nature humaine
Promouvoir un citoyen de type nouveau
2-2
2-3
DESIGNATION
COORDONNATEUR ET RESPONSABLE DE L’ACTION
La classe politique, la société Reformer le système civile sans oublier le secteur politique et le contrat privé en conférence nationale social des forces vives Reformer et moderniser des Législatif et Exécutif institutions socioéconomiques Reformer et moderniser Exécutif l’Administration publique. Faire aimer l’Etat et le bien public en édifiant les Institutions Secteur public, secteur privé, justes, transparentes société civile. et au service d’un public Promouvoir le Secteur public, secteur privé, leadership à tous les société civile. niveaux Promouvoir l’esprit d’entreprise et Secteur public, secteur privé, l’entreprenariat à société civile. l’école dès la maternelle
RAPPORT SUR L’ETAT D’AVANCEMENT DESTINATAIRE ET PERIODICITE
Comité de suivi Conférence interInstitutions
Comission interministérielle
Ministère chargé de la Réforme Institutionnelle et Administrative
Programme spécial - Programme spécial + Ministère Chargé de l’Education, - Ministère Chargé des PME.
65
3-1
3
Elaborer un projet de La loi de l’entropie société qui remet le système à l’endroit
3-2
3-3
4-1
4
Politique de ressources humaines, de rémunération et de motivation
Passer d’une gestion des charges salariales à une 4-2 gestion des gisements (ressources) humains 4-3
Ministère Chargé de la Maîtriser et moderniser le secteur Réforme Administrative et informel Institutionnelle
- Commission nationale - Parlement - Conseil - Ministère chargé du Promouvoir les micro, économique et développement et de social petites et moyennes l’économie - CCIB entreprises et l’auto- Ministère chargé de l’industrie - CNP emploi et du commerce - CIPB Introduire le - Commission management de la Ministère chargé de la réforme interministérielle qualité totale à tous administrative et institutionnelle - Société civile les niveaux Réinventer les modes d’organisation dans Ministère chargé de la réforme Parlement le secteur public administrative et institutionnelle Introduire la gestion axée sur les résultats
Ministère chargé du developpement et de l’économie
Adopter une loi organique de pilotage de la performance nationale.
Ministère chargé de l’industrie Parlement et du commerce
Parlement
66
5-1
5
Système d’information de gestion
Promouvoir la transparence
5-2
5-3
Promouvoir l’influence et la surveillance du gouvernement et des citoyens par les citoyens. Professionnaliser les fonctions de contrôle et d’audit dans le secteur public comme cela se fait dans le privé avec des commissaires aux comptes professionnels et indépendants.
Elaborer une loi organique de la loi des finances pour contrôler les dépenses.
- Ministère chargé de l’information - Société civile
- Parlement - Société civile
- Ministère chargé du developpement, de l’économie et des finances - Ministère chargé de la réforme administrative et institutionnelle
- Parlement - Ordre des Experts comptables Société civile
- Ministère chargé du developpement, de l’économie et des finances - Ministère chargé de la réforme administrative et institutionnelle
- Parlement - Ordre des Experts comptables Société civile
67
TABLE DES MATIERES REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
3
INTRODUCTION
4
CONTEXTE ET JUSTIFICATION
4
OBJECTIF GENERAL DE L’ETUDE
5
OBJECTIFS SPECIFIQUES
5
PREMIERE PARTIE
7
LA CORRUPTION, UN PROBLEME DE GOUVERNANCE A ANALYSER OBJECTIVEMENT
7
I
DEFINITION
8
II
TYPOLOGIE ET DIFFERENTES FORMES DE CORRUPTION
III
LES ACTEURS DE LA CORRUPTION
12
IV
LES ENJEUX
13
V
DIVERGENCE - CONVERGENCE
13
VI
LES CAUSES DE LA CORRUPTION
16
6.1
Le milieu
16
6.2
La nature humaine
17
6.3
Le cadre Institutionnel
19
6.4
le cadre Socio-Economique
22
6.5
Les politiques de gestion des ressources humaines
23
6.6
La Politique de rémunération et de motivation
23
6.7
Le système d’information de gestion :
25
VII
VIII
IX
8
LES CONSEQUENCES DE LA CORRUPTION
28
7.1
Au nombre des coûts économiques et coûts sociaux :
28
7.2
Les coûts politiques
29
7.3
Les coûts moraux :
29
QUEL DIAGNOSTIC POUVONS-NOUS FAIRE DE LA CORRUPTION AU BENIN ?
31
8.1
Atouts pour réussir un projet de contrôle de la corruption.
31
8.2
Les Handicaps au contrôle de la corruption.
31
8.3
Les opportunités
31
8.4
Les menaces
32
SCENARII D’EVOLUTION
33
DEUXIEME PARTIE
34
COMMENT REINVENTER LA GOUVERNANCE QUI DECOURAGE LA CORRUPTION
34
I.
DE LA GOUVERNANCE COMME SEULE SOLUTION A LA CORRUPTION
35
1.1
Définition de la gouvernance
35
1.3
La gouvernance qui décourage la corruption
37
II.
LA GOUVERNANCE SPIRITUELLE
38
2.1
Qu’est-ce qu’une gouvernance spirituelle et comment la mettre en œuvre :
38
2.2
Laïcité, idéologie, management et développement durable
39
2.3
Un modèle de gouvernance spirituelle : la morale confucéenne
39
68
2.4
III.
IV
Trois Axes et Huit Objectifs pour dessiner la gouvernance confucéenne
40
2.4.1 Les trois (03) Axes
40
2.4.2 Les Huit (08) Objectifs
40
2.5
Gouvernance d’Etat et philosophie
41
2.6
Autres modèles pour la gouvernance éthique
42
2.7
Comment promouvoir une gouvernance spirituelle ?
42
LA GOUVERNANCE QUI REND LA FAUTE IMPOSSIBLE
45
3.1
46
Un modèle qui rend la faute impossible :
3.1.1 Pourquoi le management de la qualité comme modèle de gouvernance ?
47
3.1.2 Une démarche en dix étapes pour une gouvernance positive
48
3.2
49
Dessinons la gouvernance de qualité totale qui rend la faute impossible
3.2.1 Première caractéristique : décider
49
3.2.2 Deuxième caractéristique : les normes
50
3.2.3 Troisième caractéristique : les règles
51
3.2.4 Quatrième caractéristique : les systèmes
51
3.2.5 Cinquième caractéristique : la formation
52
3.2.6 Sixième caractéristique : la Communication
52
3.2.7 Septième caractéristique : récompenser
52
3.2.8 Huitième caractéristique : reconnaissance
52
3.2.9 Neuvième caractéristique : environnement
53
3.2.10 Dixième caractéristique : identification
53
3.3
Ce type de gouvernement existe-t-il déjà dans un pays ?
53
3.4
Est- il possible de mettre en œuvre une telle gouvernance au Bénin ?
55
LA GOUVERNANCE QUI RECOMPENSE LA VERTU ET PUNIT LE VICE
57
4.1
Qu’est ce qui doit être récompensé ?
57
4.2
Que faut-il punir ?
58
4.3
Comment punir :
58
TROISIEME PARTIE
60
SYNTHESE ET CONCLUSION
60
ANNEXES
62
Lu pour vous
62
La corruption dans le monde
64
Stratégies et programmes d’actions
65
69