APPEL AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE POUR SAUVER LA FILIERE COTON BENINOISE
CIPB Le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin est une Association regroupant des entrepreneurs ayant investi de manière significative au Bénin. Emanation de tous les secteurs et de tous les métiers, le CIPB a pour objectifs: - De promouvoir un espace favorable à l'investissement et à l'emploi - D’accompagner l'Etat dans ses réformes - D’optimiser les ressources locales.
Novembre 2006 © Propriété du CIPB, Immeuble Kougblénou, 85, ave Mgr-Steinmetz, 03 BP 4304 Cotonou, Bénin, www.cipb.bj
Sauver la filière coton béninoise, novembre 2006, © CIPB
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Préface En avril dernier, le Président de la République convoquait en urgence une réunion des acteurs de la filière coton et révélait une situation que dénonçait parallèlement le CIPB dans sa lettre d’information Nº 1 : la campagne 2006-2007 affichait un dangereux retard dans son exécution. Malheureusement, les faits ont donné raison à ces appels à l’action : la campagne 20062007 ne sera pas fameuse. Il nous a paru pertinent, dans le même esprit que celui qui était le nôtre en avril dernier, de vous adresser, en pièce jointe, un document émanant d’un groupe de travail sur la privatisation de la filière coton du Bénin, animé par notre Président, Monsieur Roland Riboux. Ce ‘‘plaidoyer’’, publié par plusieurs quotidiens béninois les 21 et 22 novembre, met en garde quant aux retards, qui, une fois de plus, affectent la préparation de la campagne cotonnière de 2007-2008. Il aborde, ensuite, les causes profondes, systémiques, des dysfonctionnements de la filière coton béninoise. Il suggère une stratégie de négociation à l’égard des subventions agricoles sur le coton, dans les pays du Nord. Enfin, il rappelle les enjeux à long terme du développement de la filière coton ouest africaine.
Roland RIBOUX Président du CIPB
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APPEL AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE POUR SAUVER LA FILIERE COTON BENINOISE Les graves dysfonctionnements constatés durant la campagne cotonnière 2006-2007, malgré la très forte implication du Chef de l’Etat lui-même, nous obligent, en tant qu’opérateurs économiques, à en appeler à ce dernier. Nous demandons qu’une réflexion et une action de fond, sans lesquelles cette filière, jadis prospère et fierté de notre pays, disparaîtra, soient menées sur les trois axes suivants :
I- S’occuper activement de la campagne 2007-2008 Voici quel est le calendrier normal d’une campagne : Activités
Dates
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Rédaction par la CAGIA, sous la supervision du MAEP et du MIC, du cahier de charges relatif à la sélection des opérateurs pour l’importation et la distribution directe des intrants coton.
Terminée avant le 1er septembre
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Lancement de l’Appel d’Offres
1er septembre
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Délai de soumission des offres
45 jours (15 octobre environ)
Dépouillement des offres et sélection des distributeurs adjudicataires
15 octobre
Adoption des prix et transmission au Gouvernement
6 novembre
Homologation du prix par le gouvernement
3 semaines après la transmission (1er décembre)
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Commande des intrants
31 décembre (au plus tard)
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exception de la commande et mise en place des intrants
120 jours après la commande (au plus tard le 15 avril)
Semis
Zone nord du 15 mai au 20 juin Zone centre du 15 juin au 20 juillet
Récolte
Zone nord à partir d’octobre Zone centre à partir de novembre
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Nous devrions donc déjà en être à l’homologation du prix des intrants fixé par le Gouvernement. A notre connaissance, les prix ne sont pas encore fixés ; la commission intrant coton serait encore en train de rédiger les cahiers des charges. Espérons que le Chef de l’Etat interviendra, une fois de plus, pour que ce retard soit rattrapé et que les récents décrets qu’il a pris sur la réorganisation de la filière coton soient strictement respectés.
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II
En finir avec ‘’l’exception béninoise’’ dans le secteur coton
Sous prétexte de libéralisation imposée par la Banque Mondiale, nous avons créé un système de type soviétique en pratiquant une privatisation par fonction, alors que, partout ailleurs, se pratique la privatisation par région. Ainsi, dans notre système, la responsabilité du bon fonctionnement de la campagne cotonnière est répartie entre divers acteurs : - Les distributeurs d’intrants - Les égreneurs - La CSPR - L’AIC - L’Etat dont aucun n’est en mesure d’imposer que les choses se déroulent en suivant le cycle de la saison cotonnière. Tout commence avec l’importation et la distribution des intrants qui permettent aux producteurs de planter avec l’assurance que leur terre sera proprement engraissée et que les parasites seront éliminées. Or, cette activité (la distribution des intrants), soumise à une procédure complexe, connaît depuis longtemps des dysfonctionnements systémiques : les importateurs/distributeurs ne peuvent aller de l’avant tant qu’ils n’ont pas remboursé les banques des crédits d’intrants ; or la CSPR, qui doit elle-même rembourser les distributeurs d’intrants est incapable de faire des recouvrements suffisants auprès des égreneurs, car ceux-ci n’ont pas été livrés des quantités attendues ou même se sont tournés vers des ‘’dissidents’’ ; en bout de chaîne, le producteur qui n’a pas été payé ou pas payé à bonne date (ou qui a finalement décidé de vendre ailleurs) se demande s’il va encore planter du coton l’année prochaine. De son côté, l’égreneur n’est qu’un pion ballotté entre diverses entités : il doit attendre passivement que les distributeurs aient livré les producteurs, puis il dépend de la CSPR pour son approvisionnement en coton graine. Sa seule latitude est la négociation du prix du coton graine où il se retrouve en adversaire des producteurs et non pas leur partenaire, puisqu’il doit obtenir un prix d’autant meilleur que l’approvisionnement est incertain en quantité et le marché international de la fibre généralement déprimé. Notons que, dans la mesure où il obtient son coton graine de n’importe quelle région du pays, il n’a pas l’opportunité de nouer un partenariat avec des producteurs. La CSPR a un rôle ingrat de commercialisation/sécurisation/ recouvrement, en ce sens qu’elle alloue aux égreneurs, contre paiement, les quantités de coton graine produites, et, avec ces paiements, rembourse les distributeurs d’intrant et règle la différence aux producteurs. C’est une institution transparente et donc impuissante face aux divers dysfonctionnements. L’AIC était censée réguler la filière. En fait, les contradictions entre les intérêts des uns et des autres ne lui ont jamais permis de jouer son rôle. L’Etat enfin a été dépouillé de son monopole et les différentes fonctions qu’il exerçait ont été réparties entre les acteurs privés. Personne parmi eux n’a pu ou su reprendre la
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fonction d’encadrement des producteurs ; ceux-ci sont laissés à eux-mêmes pour le suivi des opérations techniques (date des semis, nature des produits de traitement, date et quantité des épandages, etc.). Par contre, l’égreneur qui, comme au Burkina Faso ou bientôt au Mali, encadre une région qui lui est propre n’a aucune de ces inhibitions. Sans complications administratives, il commandera et financera lui-même à temps les meilleurs intrants, il suivra ‘’ses’’ producteurs pour les épandages à bonne date ; il commercialisera le moment venu leur coton et sera ainsi à même de rembourser les banques. Surtout il choiera ‘’ses’’ producteurs pour le bien être de son activité. La raison du succès de ce système et de l’échec du nôtre ? C’est qu’il vaut mieux faire appel à l’intérêt bien compris d’un entrepreneur investissant à long terme sur ‘’ses’’ producteurs, que compter sur la discipline des acteurs d’une filière complexifiée à plaisir, alors que nous sommes après tout dans le domaine des affaires, où chacun entend tirer son épingle du jeu. Le système qui plaçait la société nationale d’égrenage au centre de l’action a assuré le succès des filières nationales de jadis ; il assure actuellement le succès du Burkina Faso et demain du Mali. Qu’attend-on pour le mettre en œuvre au Bénin ?
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III
Revoir notre méthode de négociation auprès de l’OMC
Actuellement, les pays du Sud essaient d’obtenir des pays du Nord la suppression progressive de leurs subventions agricoles, particulièrement dommageables pour le coton africain, puisqu’elles permettent aux cotonculteurs américains (et accessoirement européens) de mettre sur le marché des quantités à des coûts isolés des lois de l’offre et de la demande. Gageons qu’au rythme où sera mise en œuvre cette ‘’suppression progressive’’, le coton africain aura disparu avant qu’une réduction ne soit observable, même à la loupe. Dans ces conditions, pourquoi ne pas demander à nos amis américains (dont nous sommes désormais plus proches du fait de la mise en place du Millénium Challenge Account) de réduire les emblavures de leurs champs cotonniers tout en maintenant leurs subventions au même niveau global ? Ces préalables réglés, il faudra bien entendu s’attaquer au véritable problème du coton africain qu’est, au niveau mondial, la tendance lourde sur le long terme à la baisse du prix de revient. Le coton africain devra se mobiliser et faire les efforts nécessaires en ce qui concerne : 1. La recherche 2. La mutualisation des achats d’intrants 3. La rationalisation du transport 4. La définition d’un label régional permettant un classement balle par balle pour livrer des lots homogènes 5. La question des OGM qui représentent déjà 40% de la production mondiale
Groupe de travail sur la privatisation de la filière coton du Bénin présidé par M. Roland RIBOUX
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