c’est tendance ! La magie des couleurs végétales
Foulard “Forêt noire” en soie éthique et bio, éco-imprimée avec de la noix de galle sauvage, Alnàua.
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DES SORCIÈRES NOUVELLE GÉNÉRATION ONT DÉCIDÉ D'ŒUVRER POUR L'ÉCOLOGIE. DANS LEURS CHAUDRONS, ELLES CONCOCTENT DES POTIONS MULTICOLORES DESTINÉES À FAIRE DISPARAÎTRE LES TEINTURES CHIMIQUES QUI EMPOISONNENT LA PLANÈTE.
halte à la pollution de l'eau !
Depuis des millénaires, sur tous les continents, les femmes et les hommes utilisent des éléments naturels, plantes, insectes ou terre, pour teindre leurs habits. Mais au XIXe siècle, face à l’industrialisation de la filière textile et à sa production standardisée, les premières teintures chimiques ont fait leur apparition. Depuis, elles se sont imposées pour colorer les fibres synthétiques qui peu à peu ont inondé le marché de la mode. Ces composantes devenues essentielles à la fast fashion actuelle offrent certes une palette de couleurs infinie, incluant les fluos. Mais à quel prix ? Le désastre écologique qu'elles provoquent est immense ! Ces colorants, fabriqués à partir de pétrole, de métaux lourds et de produits chimiques, sont déversés dans les fleuves et les rivières, altérant ou anéantissant toute forme de vie sur leur passage. En 2020, les Nations unies lancent l’alerte et le
Robe “Allya” en jersey de coton et chanvre teints à l’indigo et à la grenade, Muúne.
Pull en coton, laine et alpaga teints à l’essence de châtaignier, de solidage et de mimosa, Maison Margiela.
Photos : Shutterstock, DR
Rouge garance, jaune gaude, bleu indigo… Des couleurs naturelles !
Photos : Shutterstock, DR
es nouvelles magiciennes sont étonnantes ! Pour obtenir des teintures de toutes les couleurs, certaines récupèrent des pelures d’oignons, des fanes de carottes et des noyaux d’avocats. D’autres cultivent des branches de thym et des feuilles de guède (Isatis tinctoria), le pastel des teinturiers. D'autres encore se promènent en forêt et récoltent des baies de nerprun, des racines de garance et des bouquets de réséda. Sur les étagères de ces enchanteresses de la mode, trônent des bocaux remplis de plantes tinctoriales, sèches ou fraîches, d’écorces et de graines. Dans leurs marmites, chaque ingrédient fait apparaître une teinte différente qui viendra imprégner les tissus de leurs créations.
PAR MOGANY PICHANCOURT
La technique du "bundle dyeing" permet d'obtenir un imprimé flou.
Pochettes en bourrette de soie teinte à l’écorce de grenade, racine de garance et bois de campêche, Juliette Vergne.
(Voir notre carnet d'adresses p. 130) 12
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c’est tendance ! verdict tombe : la teinture des textiles est la deuxième cause de pollution de l’eau dans le monde ! Fort heureusement, la mode devient de plus en plus l'affaire d'une génération de créateurs et de créatrices préoccupés par l'état de la planète et résolus à emprunter une voie écoresponsable. Depuis quelques années, les marques, blogs, articles et tutoriels faisant la promotion des teintures naturelles se multiplient. Une initiative cependant majoritairement féminine… Herboristes inspirées, artisanes laborantines, stylistes adeptes de la pleine conscience, ces nouvelles alchimistes se replongent dans les formules traditionnelles de fabrication des couleurs.
Veste en laine teinte à la racine de garance, Néprun.
Serviette de table en lin lavé teint aux feuilles de noyer, Maison Farigoulette.
Serviette de table en lin teint au cachou, Maison Farigoulette.
Des créatrices à suivre
Alors mettez vos chapeaux pointus, le cours de potion va commencer ! « Mon atelier est un laboratoire où le tissu s’immerge dans la couleur. Autour de mes casseroles, je cuisine des recettes ancestrales, je recompose le hasard », raconte Juliette Vergne, artiste et designer textile basée à Mulhouse. Son but : revaloriser les techniques de fabrication anciennes tout en les hybridant d'un style contemporain. Les créations d'Elisa Ritter, herboriste holistique et teinturière végétale, fondatrice de la marque Alnàua, « sont élaborées pour agir sur la sphère physique, émotionnelle et mentale ». Dans son atelier bourguignon, elle combine thérapie des couleurs et plantes médicinales. En Seine-et-Marne, c’est une artiste franco-américaine, Mary Madeleine de Bellescize, qui proclame « une ode à mère Nature » à travers Olive + Blue, sa marque de vêtements et accessoires teints à base de végétaux biologiques. Quant aux deux fondatrices de Néprun, Cindy Lombardi et Océane Gerum, ce sont les savoirfaire des cultures indienne et japonaise, apprises sur place, qu’elles ont combinées afin de lancer leur marque en 2021.
Espadrilles “Solaire” en lin et soie éthique teints à l’indigo et la garance par Whole pour Aroa Genoveva.
Culotte en coton bio teint à l’oignon par Alnàua pour Simplement lingerie.
au rythme des éléments
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Robe en coton bio teint à la grenade, La Redoute.
Sac en lin lavé teint à l’écorce de châtaignier, Maison Farigoulette.
Photos : Shutterstock, DR
Espadrilles “Sauvage”, en lin et soie éthique, teintes à l’écorce de campêche par Whole pour Aroa Genoveva.
Cap sur le Népal pour la collection capsule envoûtante de Muùne, teinte dans un minuscule atelier situé au cœur des montagnes de l’Himalaya. « Cet atelier magique est dirigé par une femme, Shanti », explique Céline Bienaimé, fondatrice de la marque. « Tout est fait à la main, dans des conditions naturelles, au rythme des éléments. C’est le temps nécessaire pour que notre artisane et les plantes s’apprivoisent. » Car c’est bien de temps dont il est question, un temps qu’il faut (re)prendre : celui de la culture des plantes, de leur récolte et parfois de leur séchage, du mordançage (préparation du tissu afin que la couleur se fixe dans la fibre), de la création du bain de teinture (cuisson à petit bouillon des végétaux), de la teinture en elle-même qui peut durer plusieurs heures, du séchage des tissus à l’ombre et enfin du rinçage. On peut donc véritablement qualifier ces marques de slow fashion. Un autre rapport au temps, à la nature, aux couleurs
Un kit de teinture pour réaliser soi-même ses couleurs, Maison Farigoulette.
Doudoune en lin éco-imprimé avec des fleurs de cosmos, des pétales de millepertuis, de la poudre de garance, de cachou et d’hibiscus, Olive + Blue.
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c’est tendance ! Parure de lit en lin tissé en France, teint au myrobalan, henné et garance, Lissoy.
Chemisier en coton teint au suif, Icicle.
Tee-shirt en coton teint à l’absinthe, Icicle.
Blazer et pantalon en laine teinte à la garance, Icicle.
Parure en lin tissé en France, teint à base de campêche et de garance, Lissoy
Coussins en laine vierge, Whole. Tapis tissé en laine mérinos, Whole.
et à la mode. « Au rythme des matières et du soleil, je prends le temps de créer » affirme Mathilde Coste, fondatrice de Maison Farigoulette, qui récolte elle-même la majorité de ses plantes tinctoriales. Toutes les pièces de cette marque de design durable sont teintes à la main dans son atelier installé dans un village sous le soleil de Provence. Enfin, celle qui ensorcelle la capitale de la mode depuis 2014, c’est Aurélia Wolff. Fondatrice et directrice artistique de Whole, studio de création textile spécialisé dans la teinture végétale, elle est également l'autrice du livre « Teintures végétales : Carnet de recettes et cahier d’inspirations ». Il y a deux ans, elle crée son propre jardin tinctorial en plein 13e arrondissement de Paris, et y installe un atelier éco-conçu afin d’accueillir sa production et les stages qu’elle anime. Beige rhubarbe, vert artichaut, rose cachou, bleu indigo, violet campêche… cette magicienne des couleurs réalise ses propres collections et collabore avec une multitude de marques attirées par le doux chant de ses incantations créatives.
Nappe en coton bio, Whole.
magique et imprévisible
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Photos : Emilie Guelpa
L’atelier éco-conçu de Whole, situé à Paris.
Photos : DR
Foulards en soie upcyclée, teinte à l'aide de gaude, d’indigo et de garance, Néprun.
La palette de couleurs de ces nouvelles créatrices joue avec un éventail de techniques de teinture permettant également une alternative écologique aux imprimés. L’eco-print (imprimé végétal) peut en effet être effectué grâce au « tataki zomé » : le martèlement de feuilles et de fleurs sur un tissu libère leur sève et grave le dessin net de la plante. Le « bundle dyeing », quant à lui, est utilisé pour laisser une empreinte floue, un souffle coloré. Les végétaux sont disposés sur le tissu qui est ensuite roulé et ficelé. Les ballotins sont enfin placés dans une cuve de vapeur ou directement dans l’eau bouillante. Ce n’est qu’au moment de l’ouverture que l’on découvre le résultat… La magie de la teinture végétale réside dans le fait qu’elle est imprévisible, aléatoire et singulière, différente à chaque fois. N’est-ce pas le plus bel hommage que la mode puisse rendre à la beauté de la nature, elle que l’on ne peut totalement maîtriser ?
Aurélia Wolff, fondatrice de Whole, en pleine action…
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