FONTAINEBLEAU DÉVOILE SON BOUDOIR TURC

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RESTAURATION

Fontainebleau dévoile son boudoir turc Le 11 mai prochain, le château de Fontainebleau présentera le résultat d’une restauration qui depuis sept ans s’efforce de rendre tout son faste à un lieu intimiste et magique : le boudoir turc, d’abord conçu pour Marie-Antoinette, puis remeublé par Joséphine, un lieu où l’Ancien Régime et l’Empire furent conjugués pour former le plus délicat des écrins. Par Olivier Paze-Mazzi 68

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l ne reste aujourd’hui presque plus de témoignages in situ de cette mode des « turqueries royales » qui connut son apogée dans les années 1770. L’année 1777 constitue à cet égard un jalon décisif dans l’histoire de cette frénésie orientale avec la création du cabinet turc du comte d’Artois au palais du Temple. Cette date coïncide avec celle du projet comparable que la jeune reine Marie-Antoinette lance alors pour le réaménagement des cabinets d’entresol de ses petits appartements de Fontainebleau.

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UN BOUDOIR DES MILLE ET UNE NUITS POUR LA REINE Initialement aménagée pour la reine Marie Leszczynska, cette succession de trois petites pièces s’ouvrait sur un premier espace occupé par la femme de chambre de garde ; il se poursuivait avec l’oratoire de la reine à partir duquel celle-ci accédait à son second cabinet. Démodés à l’arrivée de MarieAntoinette, ces lieux intimes échappant à l’étiquette stimulent rapidement l’appétit de la souveraine qui charge son architecte Richard Mique de lui proposer un réaménagement plus conforme à son goût. Des esquisses sont fournies dès février 1777 ;elles proposent d’agrandir et de transformer la dernière pièce en cabinet turc ouvrant sur le jardin de Diane. Pour l’exécution des lambris précieux, on fait appel aux frères Rousseau qui réalisent un exceptionnel décor sculpté, peint et doré où se déploie un Orient de fantaisie. Sublimé par un important jeu de miroirs, il est complété par la pose d’une somptueuse cheminée de marbre blanc habillé de bronze exécutée par Bocciardi et Gouthière :sur fond de rinceaux, une frise de bronze y déploie une succession d’étoiles, croissants, turbans et épis de maïs dits « blé de Turquie ». Au raffinement de l’ensemble répond l’installation d’une technologie particulièrement ingénieuse : un système de glace mouvante permettant d’occulter la fenêtre. La question du mobilier fourni par le garde-meuble personnel de la reine dirigé par Bonnefoy du Plan demeure toujours mystérieuse. Si l’ameublement qu’il livra s’inscrivait sans doute dans la veine du « goût tapissier » déployé alors chez le comte d’Artois, son détail nous est inconnu, l’ensemble ayant été dispersé à la Révolution. On ignore même si le mobilier en place à la veille de 1789 est bien celui de 1777, une campagne de remeublement des lieux au milieu des années 1780 n’étant pas à exclure. Seuls subsistent les somptueux feux à sujet de dromadaire que conserve aujourd’hui le Louvre ;ils donnent une idée de l’exceptionnel raffinement de cet univers des Mille et Une Nuits. Boudoir turc, grand panneau cintré et parcloses. © éditions Monelle Hayot / Alo Paistik

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François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter, bergère et tabouret de pied, 1806. Acajou, bronze doré. Château de Fontainebleau. © éditions Monelle Hayot / Alo Paistik Page de droite, à gauche. Boudoir turc, lambris sculpté d’une cassolette et d’amours portant autrefois des bras de lumière de bronze. © éditions Monelle Hayot / Alo Paistik À droite. Velours façonné lamé or et ses agréments de passementerie en soie et fil d’or appliqués sur les sièges du boudoir turc (détail du lit de repos). © éditions Monelle Hayot / Alo Paistik

UN HAREM DE SOIE ET D’OR, ÉCRIN DES NUITS DE L’IMPÉRATRICE La Révolution vient mettre fin à cette précieuse fantaisie : le palais est nationalisé et l’ensemble du mobilier rapporté à Paris pour y être dispersé sous le marteau. Les lieux reprennent vie avec l’avènement de Napoléon, qui décide d’y faire séjourner la cour, et l’installation provisoire du pape Pie VII en 1804. Il s’agit de remeubler en peu de temps et à moindre frais, tout en remplaçant les glaces qui avaient systématiquement été retirées quelques années plus tôt. Le boudoir turc de MarieAntoinette retrouve son rôle de petit salon privé en accueillant désormais l’intimité de la nouvelle souveraine. Comme ailleurs, le mobilier provisoire qui y est installé est d’occasion, provenant principalement de l’hôtel du général Moreau rue d’Anjou, dont les biens furent rachetés par Bonaparte lorsqu’il fut condamné à l’exil. On envisage dès 1805 de transformer le boudoir turc « en chambre à coucher d’hiver » en l’aménageant plus somptueusement selon la nouvelle étiquette des palais impériaux. La décision de fournir au boudoir un ameublement plus conforme à la richesse de son décor est enregistrée par Duroc, grand maréchal du palais, au début de l’année 1806. Dans le même temps, on décide de meubler les deux cabinets qui le précèdent, respectivement antichambre et cabinet de toilette. Les devis sont passés rapidement afin de préparer les lieux pour un séjour de la cour prévu à l’automne : le 9 septembre le boudoir est prêt à accueillir sa nouvelle occupante. Le résultat est éblouissant : transfiguré en chambre à coucher, l’ancien boudoir de la reine renoue avec le faste et la thématique orientale de ses origines grâce à un mobilier précieux que complète un décor textile scintillant d’or. Véritable lit de déesse, la couche en acajou et bronze doré livrée par Jacob-Desmalter constitue un hymne au sommeil, un sommeil impérial sur lequel veillent deux chiens de bronze. Outre cette pièce exceptionnelle qui à elle seule culmine à 3 500 francs, la nouvelle chambre à coucher dispose désormais de deux bergères, un tabouret de pied, quatre chaises en gondole, une chaise longue et ses

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coussins, un guéridon et un écran de cheminée. L’Orient est partout, des rideaux de taffetas retenus par des croissants de lune à l’opulent velours de soie recouvrant des sièges, inspiré par les étoffes précieuses de la ville de Fès. Le boudoir turc servira de petite chambre à coucher à Joséphine durant trois ans. Elle ne le quittera qu’en 1809, lorsque les travaux de ses petits appartements seront enfin achevés. Il ne sera que très peu utilisé après la chute de l’Empire, conservant épisodiquement sa fonction de chambre à coucher pour une femme de chambre et pour la trésorière de la cassette de l’impératrice Eugénie. Ces usages permirent d’en préserver à la fois le décor et le mobilier. UNE OPÉRATION DE MÉCÉNAT ORIGINALE Il ne demeura pour autant pas insensible au passage du temps qui finit par décolorer et user les tissus, encrasser l’acajou et ternir les bronzes. D’importantes restaurations s’imposaient. Lancées en 2007, elles visaient à retrouver l’état de 1806, état le mieux connu et le plus documenté, lorsque le mobilier de Joséphine prit place sous les lam-

bris de Marie-Antoinette. Cette restauration s’accompagna d’une opération de souscription inédite baptisée « Des Mécènes pour Fontainebleau », lorsqu’en septembre 2012, en marge de la Biennale des Antiquaires, la galerie Aveline reconstitua le boudoir place Beauvau (voir EOA n° 482, p. 128) :sous des lambris copiés et disposés à l’identique, le public put admirer le mobilier original et juger de l’importance de la restauration à financer. Grâce à cette opération réussie, 28,5 mètres de velours de soie purent être retissés en quinze mois par la maison lyonnaise Tassinari et Chatel. Après sept ans de travail, le résultat de cette restauration exemplaire est exceptionnel : les lambris ont recouvré tout leur éclat, le mécanisme des glaces mouvantes a été restitué et les bronzes brillent désormais de mille feux, faisant écho au scintillement des étoffes : un écrin d’Orient aussi féérique que fantasmé, refuge d’une reine et d’une impératrice qui s’y rêvèrent sultanes. Le boudoir turc, à découvrir uniquement en visite guidée. Château de Fontainebleau, 77300 Fontainebleau. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 9h30 à 18h. Tél. 01 60 71 50 70. www.musee-chateau-fontainebleau.fr

À lire : Refuge d’Orient. Le boudoir turc de Fontainebleau, Vincent Cochet, conservateur du patrimoine au château de Fontainebleau et Alexia Lebeurre, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, éditions Monelle Hayot, 208 p., 39 €.

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