Le Canard enchainé - 2010.06.02 - Dette, temps de travail, fiscalité, retraites... les revirements

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DeNe, te ps de travail, fiscalité, retraites •• une gouvernance de Saint-G L

Quelques heures auparavant, Bernard Accoyer avait rUiqué cette idée dans les colonnes des .. Echos ... Président de l'Assemblée, il est aussitôt renvoyé à ses chères études. Et le chef de l'Etat, en pleine forme, de préciser devant son petit « G7 .. (les sept ministres qu'il réunissait alors régu.1ièrement à l'Ely8l!e) : <f< L'Etat n'a pa. de problème. de liquidité•. Un grand emprunt aurait pour conBéquence de vider le. sleav et de dédabili.er le .".Ume bancaire. ,. Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, conclut doctement: or Une telle me.ure n'aurait pas d'impact direct Bur la crise. ,. Le grand emprunt va-t-il finir aux oubliettcs ? Non, car le 22juin 2009, devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, Sarko annonce tout à trac le « lan· eemenl d'un t:r.and em· prunt pour finaneer nos prwrité. natio· nale• ... Explication de ce viraç'e sur l'aile: Benrl Guaino, conseiUer spécial du Président ct ardent partisan de l'emprunt, a fini par l'emporter. Si l'on oeut~eux,eon"e-C-fi au "Canard", il faut lever au nwin$l00 milliards . .. Mais c'était compter sans la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, et son ministre du Bud&'et, Eric Woerth, enrayétl tous deWl: par les initiatives de .. l'exalté de l'El".ée .... Ds s'emploient alors à faire changer d'avis Sarkoune nouvelle fois. Au fil des se-

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A niche fiscale, voilà l'ennemie. DeL puis sept ans, les différents gouvernements ont consacré pas moins de six

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plans pour les réduire. Presque un par an. Et Sarkozy n'est pas en reKte. A l'été 2004, tout frais nommé à Bercy, il manifesle ses premières velléilés de maÎlriser ces fameuses niches - il Y en a aujourd'hui 456 - qui privent chaque année l'Etal de quelque 110 milliards de recettes. A peine anivé à l'Elysée, il remet l'ou· vrage sur le métier. " Il faut nettoyer lelJ Rlchew flscales , qui. rendent notre sys· tème opaque et illégalitaire 10, annoncet-i1 aux parlemenLaires de la majorité. Nouvelle proclamation de principe, le 28 janvier dernier. Sarko appelle à UTl dtmantelement ou a une rêduction dès

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OUCHE pas à ma retraite il 60 ans! Ce n'est pas un slogan des dernières T manifs , maie la position que semble

avoir adoptée Sarko pendant des années. Le 2 mai 2007 au micro de RTL, il refuse mordicus le report de l'Age de la retraite quc réda.mc Laurence Parisot. patronne du Medef. Et il explique: " Je n'en 1Zt pa~)Jarté penllimt mlrcampagtU! présidentielle. Ce ,,'ut pas UII engage· ment que j'ai pris devant les Franf.ais. Je n 'al donc pas dl' nur.n.dat pour {atre cela. - Mieux, le 24janvier 1993, il avait même faussement prétendu: fi J 'ai volt pour la retraite à 60 ans, c'est clair J .. 'lTèa clair Comme ce tout réœnt retournement. La scmaine dernière, en effet, le même Sarko se lamente: On aurait beaucoup moins If

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Niches à dénicher

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Les retraites sonnées

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maines et de leur lobbying, le montant du grand emprunt se rétrécit comme peau de chagrin. " Ce .era 35 milliardB ", annonce Barko, le 14 décemhre 2(H)9, au vu des travaux de la commission Juppé-Rocard. Dont 13 miJliards de recyclage des fonds précédemment prêtés aWl: hanques. A J'arrivée, il ne reste donc que 12 milliards d'argent frais. Et encore: ce pactole n'est même pas distribué. Pendant trois à cinq ans, seuls lcs intérêts de cette somme placée par l'Etat sont réellement injectés dans l'économie. Soit 700 millions par an. Mille fois moins que le plan europ~en de défense de l'euro. Bref, de quoi changer la face du monde ...

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ÉPENSEZ 1 Relancez! InvestisD sez ! A la fin de 2008, l"Elytiée lance son &l'and plan anticri8e. MatiKOon

Grand emprunt deviendra petit••• ANCER un .. nand emprunt .. ? L QueUe folie l .. C'est non / '", tranche Sarko, le 10 octobre 2008.

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Invitation à la dépense

A barre à droite! Machine arrière, en avant toute ! A gauche 1Tout droit! Stop! En ces temps de crise, il faut avoir le pied marin, car la gouvernance économique sarkozyste a de ~uoi flanquer le mal de mer aux cœurs les mieux accrochés. En quelques mois, parfois quelques semaines, un dogme est remplacé par son contraire, une vérité devient mensonge, une planche de salut se mue en boulet. C'est la crise?" dira-t-on. Certes, mais la Cour des comptes vient d.e calculer qu'un quart de J'augmentation vertigineWie du déficit budgetaire n'a aucun lien avec cette crise. Et il est permis de s'interroger sur les dret!' ,le décisions contradictoires et inexplicables. Un sur le frein, un autre sur l'accélérateur, voici L~~~~~~~~histoires de continuité dans le changement.

de problèmes si François Mtttcrratld n'avait pas fat: voter la retraite à 60a11$. _ Et toua sel! heutenant.s, au gouvernement comme il l'UMP, de proclamer que le report de l'âge de départ à la retraite est devenu une ardente obligation. La première sectétaire du PS elle-m:êmlnf'~uHt"' mtrp~e ce modèle illustre. Mais dans l'autre sens. Le 17 janvier sur RTL, elle accepte l'idée qu' ... on va (j.ller très certainement L'ers 61 ans ou 62 ailS _. A la plus grande joie d'Eric Woerth, qui se félicite de cette déclaration de .. femmp d'Etat _. Après u.ne huilaine dejoura de rétropédalage, les dirigesnts du PB jurent qu'on a mal compris les déclarations d'Aubry, et celle-ci revient sur TF1 le 26 janvier pour proclamer" le drOlt dl' cMque Français de partir à 60 aIlS _.

niches sociales et/;iscales - . Tant de constance force l'a rnlration. L'obstination à faire exactement le contraire, aussi. Car, en moins de trois ans, Sarko a ajouté ... une bonne douzaine de niches à celles existantes. Au premier rang desquelles le célèbre bouclier fiscal, puis l'exonération de charges des heures sup', la déduction des intérêts d'emprunt et - la plus inutile de toutes - la réduction de la TVA en faveur des restauraleurs. Au totR\, une bonne qUInzaine de milliards de recettes en moins pour ' ilIA finances f.ubliques. A mettre en bRIRnce avec e plan anU-niches lancé à grands coups de cymbales par Christine Lagarde en 2008, qui n'a ~nn.18 de récupérer que 200 petits mIllions. Mais, attention, on n'a encore rien vu : Fillon a annoncé que les nIches allaient maigrir de 5 milliards dans les deux ans à venir. Alors, on est sauvé?

et Bercy s'empressent de pousser à la dépense les collectivités locales. LesqueUes assurent, à elles seules, 75 % des investililSements publics. Pour soutenir l'activité du BTP et des industries annexes, Fillon et son ministre de la Relance, Patrick Dcvedjian, les incitent à s'endetter jusqu'au cou et à multiplier les chantiers. Les conseils municipaux, généraux ct régiODaWl: les plus flambeurs se voient même oft'rir le remboursement anticipé de la TVA. Une enveloppe de 4 milliards y est consacrée. Arrêtez, bande de dépensiers irresponsables 1 C'est, en substance, le message adrt89é, un an plus tard, par les mêmes aUI collectivités locales. Le 18 septembre 2009, au nom du respect de l'orthodoxie budgétaire, Fillon ouvre le feu en demandant aUI élus locaux de réduire leur niveau d'endettement et de diminuer le nombre de leurs fonctionnaires. Les investisseJnents que Sarko et FiUon ont encouragés en 2008 et 2009 se tradui&cnt pourtant par une augmentation des frais de fonctionnement des collectivités locales_ n faut bien du personnel pour faire tourner les crèches, les maisons de retraite ou l~llège8 construite pour cOnJurer la crise. Et payer les intérêts des emprunts. La valse des déclarations présidentielles a fini par donner le tournis è certains élus . .. Le matin, ,'Etut nous demande d'investir et,l'après·rnidi, de moins cJépens,er .., persifle Philippe Laurent, président divenrdroite de la eom· mi88ion des finances de l'Association des maires de France, et maire de Sceaux (Hauts-de-Seine). A l'Elysée, c'est comme à la caserne: après un ordre, il faut attendre Je oontrordre.~ H.L

Maudites 35 heures NE erreur économique énorme loutau long de sa campagne pour la U conquêta de 1'Elysée, Sarko a dénoncé avec If

force les 35 heures. Les ruineuses 35 heures. Les stupides 35 heures. ms qu'il serait élu, viendrait l'heure radieuse du " Travailler plus pour gagnerplus ". Une fois à l'Elysée, le nouveau président se garde bien de rallonger la durée légale du travail.

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choisit de faire voter le " paquet fiscal-, qui exonère de toule charge les heures supplémentaires effectuées par les Halariés au-delà des 35 heures. Mais cette HUb- _, tilité a Wl coût: autour de 3 milliards, gui s'ajOUtent aux quelque 20 millîlllÙJ.d'l!6atr tement de charges que l'Etat-contmue d'accorder aux entreprises pour compenser les 35 heures. Avant Sarkozy, l'Etat payait pour que les salariés travaillent moins. A présent, il paie- en ouUe- pourqu'ils Inlva:illent plWl. Hervé Martin


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