© Raphaele Demandre
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Matthieu Ricard, né en 1946 à Aix-les-Bains, “Moine et photographe” ainsi qu’il aime à se présenter
Son sourire est encore celui d’un gamin qui s’émerveille. Matthieu Ricard, né en 1946 à Aix-les-Bains, année de la création de Courchevel, fut l’un des premiers enfants de la station, ses parents ayant fait alors l’acquisition d’un terrain dans le quartier de Bellecôte pour y construire un chalet qui porta longtemps son prénom. Aujourd’hui, on y trouve l’hôtel Saint-Louis, où Matthieu Ricard est invité « quand il le souhaitera », lui qui n’y a plus jamais les pieds depuis 1972, année où il décida d’abandonner ses études de génétique cellulaire pour s’installer dans l’Himalaya. Une contrée découverte en 1967 en même temps que la pratique du bouddhisme, d’où cet amoureux de la photographie rapporte depuis régulièrement des images bouleversantes de beauté paisible. Parues en octobre dans un livre édité par son ami Hervé de La Martinière sous le titre Un voyage immobile (L’Himalaya vu d’un ermitage)*, elles témoignent d’un rapport au temps qui ne peut qu’échapper aux urbains que nous sommes : deux ans durant, depuis son ermitage de Péma Ösel Ling sur les hauteurs de Katmandou au Népal, assis, il a guetté la lumière face à la chaîne himalayenne qui se déployait sous son regard ; sur sa droite, tous les matins il aperçoit l’Everest, tandis que sur sa gauche, à deux cents kilomètres l’Annapurna se dessine. « Parfois, une lumière impromptue embrasait quelques instants la scène qui s’offrait à mon regard émerveillé — écrit-il — et je prenais quelques images ». Les « moments magiques » qui constituent ce nouveau recueil, « sont le fruit de cette “attente sans attente”, de la joie d’être le témoin de l’harmonie de la nature qui se mêle intimement à la félicité de la méditation. » Pendant des semaines, notre ermite peut ne prendre aucune photo. « Puis vient le moment où la lumière surgit de si belle façon que je ne peux résister », confie-t-il. Et de citer son admirable ami Henri Cartier-Bresson : « Les photos me prennent et non l’inverse. » En creux, le travail de ce proche du dalaï-lama invite à réfléchir sur nous et sur ce monde qu’on tend à maltraiter. Des citations choisies par lui les accompagnent et nous ouvrent les portes d’une perception nouvelle : « Attarde-toi sur les beautés de la vie écrivait Marc Aurèle. Regarde les étoiles et imagine-toi, courant avec elles ». Sublime. *Un voyage immobile (L’Himalaya vu d’un ermitage). Éditions de La Martinière, 192 pages. 25 €.
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