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RECONNU PAR L’UNESCO, LE REPAS

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QUI SAIT ÇA ?

QUI SAIT ÇA ?

Gastronomique

FRANÇAIS EST CLAIR: ENTRÉE, SAUCER, PLAT, SAUCER, FROMAGE, DESSERT. POINT.

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Tartare de boeuf Fouquet’s (Boeuf haché au couteau, thon rouge, hareng fumé, Beaufort et pomme coin de rue shot tomate, groseille, vodka) - Fouquet’s Enghien les Bains.

Disons-le dès les premières lignes : ce texte est à parti pris puisque son auteur, si on le lui permettait, adhèrerait bien volontiers à la Ligue de défense des fonds de veau ou au Front de libération des jus, fumets et consommés. Voilà qui est dit. Les bases étant posées, ajoutons à cela que ces quelques lignes ne suffiront pas à esquisser l’apport des sauces à la gastronomie en général, et à la cuisine française en particulier. Talleyrand lui-même et en son temps bien sûr, n’affirmait-il pas, le torse bombé, que « L’Angleterre a deux sauces et trois cents religions ; la France, au contraire, a deux religions, mais plus de trois cents sauces. » Force est de constater que depuis le garum romain (un condiment composé de chairs ou de viscères de poisson fermentés dans une forte quantité de sel), l’hexagone a eu le temps de peaufiner ses jus, élevés au rang d’art par la littérature du genre, étoffant son lexique et sa pratique. Ainsi, sucs et déglaçages font leur apparition sous la plume d’un Taillevent, détaillant le ballet des dames de l’époque, la dodeline et son jus de volaille, la poivrade ou la Robert. Après lui, les plus grands maîtres de la table française, Antonin Carême ou Escoffier, étofferont le propos, se penchant très largement sur la question, allant jusqu’à en proposer des classifications par textures, couleurs, températures. La salsa a donc sa pléiade, son langage : bouillons, fumets, fonds de veau, mais aussi réductions, fermentations, bouillons, chauds-froids et assemblages sont progressivement venus compléter la magie. S’il s’en est fallu de peu pour que, menacés par la nouvelle cuisine, jus, marinades, coulis, sauce au beurre, veloutés et béchamels disparaissent de la carte et des menus, force est de constater qu’ils opèrent aujourd’hui un véritable retour en grâce. Une renaissance défendue par les plus grands chefs — et souvent « maîtres sauciers », et par à peu près tout ce que la cuisine traverse aujourd’hui de tendances, de la montée en mayonnaise des adresses bistrots et canailles, à l’engouement pour la cuisine d’ailleurs et ses dashis, bouillons miso et autres succulents. Ouf. Car imaginez un peu un monde sans sauces. Une vie sans sel et sans saveur en somme (et sans beurre). Un bœuf bourguignon sans vin, des endives sans béchamel, des suprêmes de volaille sans crème, une salade sans vinaigrette… et ainsi de suite. Pire : que serait une dégustation qui ne se conclurait pas par le classique « ça ne se fait pas, mais c’est si bon » ? Reconnu par l’UNESCO, le repas gastronomique français est clair : entrée, saucer, plat, saucer, fromage, dessert. Point. Il vous faudra, certes, parfois un peu d’imagination pour concevoir ce monde tant les jus ont le succès modeste, et, l’exigence de se faire discrets pour ne pas l’emporter sur un plat pour lequel ils feront, cependant, toute la différence. Un peu comme le service d’un trois étoiles, un passepoil sur un costume, ou le tintement d’un triangle dans un orchestre. Et bien plus que cela puisqu’on le sait, hollandaise, gribiche, bordelaise, béarnaise ou ravigote sont le liant, la conjonction de coordination entre tous les éléments d’un plat qu’elles invitent à communiquer entre eux. En somme, « la sauce est le triomphe du goût en cuisine ». C’est de Balzac, CQFD.

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