[Assises 2013 Onecca] Interview du Président Mamour Fall au journal Le Soleil

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LE SOLEIL - JeuDi 31 oCtoBRe et VenDReDi 1eR noVeMBRe 2013

MAMOUR FALL, PRESIDENT DE L’ORDRE NATIONAL DES EXPERTS-COMPTABLES ET DES COMPTABLES AGREES

« La corporation d’expert-comptable a une très grande valeur ajoutée dans l’économie » Le métier de comptable et d’expert-comptable agréé, une corporation très organisée par un Ordre, est fortement impliqué dans la vie économique du pays. Son président, Mamour Fall, explique le rôle de ces fonctions et leur apport dans l’économie. L’Ordre national des experts-comptables et des comptables agréés (Onecca) organise ses assises sur la gouvernance depuis hier à Saly. Propos recueillis par Daouda MANE, Malick CISS (textes) et Sarakh DIOP (photos)

Présentez-nous votre ordre et votre corporation. «La profession comptable a été réorganisée au Sénégal en 2000, à l’initiative de l’Uemoa à la suite de la réforme du plan comptable des entreprises du Syscoa, dans l’Uemoa, nous avons pensé qu’il était important d’harmoniser les modes d’exercice de la profession comptable dans tous les pays de l’Union. L’Uemoa a pris une directive en 1997, pour organiser les ordres des experts comptables dans tous les pays membres. Le Sénégal a été le premier à transposer cette directive sous forme de loi, c’est la loi 2000-05 du 05 janvier 2000 qui a créé l’Ordre national des comptables et des comptables agréés. L’Ordre est un établissement public, il a une vocation de régulation. C’est-à-dire la régulation de l’exercice de la profession de comptable et d’expert-comptable agréés qui est totalement dévolue par la loi à l’Ordre. L’Ordre est un organe totalement géré par les experts comptables eux-mêmes. Il y a un Conseil de l’Ordre qui est son instance suprême, il est élu pour trois ans avec un président à sa tête. Ce Conseil a vocation de veiller à ce que les conditions d’exercice de la profession soient les mêmes pour tous les experts-comptables. Avec ses 13 années d’expérience, l’Ordre a connu une évolution très rapide, due à deux facteurs. Le premier, c’est une volonté de permettre à l’ensemble de la profession de disposer de tous les outils nécessaires à la formation et à la mise à niveau nécessaires pour exercer la profession exactement comme cela se passe partout ailleurs dans le monde, en accord avec les standards professionnels internationaux. C’est sur cette base que nous avons bâti un plan d’actions pour nous conformer aux meilleures pratiques. Les meilleures pratiques pour les expertscomptables, sont celles qui sont publiées par la Fédération des experts-comptables ou International federation of the countables (Ifac). Ifac est l’organe de référence sur le plan mondial pour l’édition des normes professionnelles. Par exemple, la mission d’audit est structurée depuis l’acceptation de la mission jusqu’à la délivrance du rapport. Tout cela est codifié et se fait exactement dans les mêmes termes en Roumanie, en France, au Sénégal. C’est une profession totalement unifiée, qui utilise le même code sur le plan international. La deuxième motivation, c’est que nous sommes une profession très fortement impliquée dans le devenir économique d’un pays. Rien ne se passe d’important concernant les décisions économiques d’un pays sans l’intervention préalable d’un expert-comptable. Cette vocation de participer au développement de l’économie d’un pays représente un facteur majeur qui a motivé l’arrimage aux normes pro-

fessionnelles. C’est le gros challenge que nous avions, mais également ne pas perdre de vue que ces normes sont destinées à assurer la transparence, la sécurité des transactions, apportant de la valeur ajoutée à la profession d’expert-comptable aux entreprises, au secteur privé, à l’état, de manière générale. Ce n’est pas un secret quand on dit que l’Etat engrange des recettes fiscales de 800 milliards. L’assiette sur laquelle ces recettes sont calculées est totalement sécurisée par la profession comptable, soit en pesant le compte soit en auditant le compte. C’est une très grande valeur ajoutée de notre corporation à l’économie. Bien sûr, cela s’accompagne de développement de l’effectif parce qu’on ne peut pas continuer à servir si nous n’avons pas une taille critique nécessaire pour couvrir les besoins des différents acteurs de l’économie. En 2000, lorsque nous avons lancé la création de l’Ordre en sortant de l’Onea, nous étions à peu près 70. Aujourd’hui, nous sommes à peu près 150 professionnels inscrits au tableau de l’Ordre, plus 70 entités d’exercice collectif de la profession. Nous avons également un volet formation très important et qui est à double niveau. Cela consiste à la formation continue des expertscomptables pour accompagner nos membres à maintenir la qualité. Nous

«Ces précautions sont aussi importantes que le contrôle qu’on doit faire du respect des textes et pratiques professionnels. On ne peut pas accepter, dans le tableau de l’Ordre, quelqu’un qui n’a pas un casier judiciaire vierge, par exemple. C’est simplement pour garantir que celui qui entre dans la profession n’a jamais eu maille avec la justice. C’est important. Il est également indispensable de s’assurer que la personne dispose des compétences requises pour exercer la profession, parce que c’est une profession avec monopole d’exercice. Lorsqu’on a un monopole d’exercice, on a une obligation de qualité. Par conséquent, il est indispensable de prendre toutes les

Un mauvais procès a été fait aux expertscomptables dans la traque des biens mal acquis. Nous avons été choqués lorsque nous avons vu des corps de contrôle lancer des appels à agrément de cabinet. avons organisé une formation gratuite pour tous les experts-comptables. Nous nous soucions aussi des outils que les professionnels doivent utiliser pour appliquer les normes. Nous avons fait tout cela grâce à un support : la clé de l’Onecca, destinée à servir de support pour la vulgarisation des normes. Le deuxième volet, c’est la formation initiale, le recrutement dans la profession. Lorsque nous sommes passés à 150 membres, il y a eu, d’une part, des jeunes diplômés hors du Sénégal qui ont accepté de rejoindre la profession au pays. D’autres ont suivi le cursus de formation de l’Uemoa qui a créé un diplôme commun pour l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest ou diplôme d’expertise comptable et financière ou Decofi. L’objectif, c’est d’avoir une base de recrutement public pour l’ensemble des pays de l’Uemoa». L’accès à la profession est régi par des textes. On met aussi l’accent sur l’éthique et la déontologie. Pourquoi toutes ces précautions ?

précautions nécessaires afin que les membres remplissent tous les critères exigés au départ pour les experts comptables. D’autant plus que c’est sur le tableau des experts-comptables que l’on choisit les commissaires aux comptes, pour contrôler les comptes des sociétés. Ce qui est une mission d’intérêt public. Le commissaire aux comptes n’est pas un choix de l’entreprise, mais une obligation mise en place par l’acte uniforme de l’Ohada qui dispose que chaque société doit avoir un commissaire aux comptes. Cette exigence est due au fait que dans les actes de commerce, on ne peut pas permettre de mauvaises pratiques entre les sociétés. Par conséquent, nous avons le rôle de garantir les transactions financières, la sécurité et la transparence de l’information financière produite par les entreprises». Toutes ces précautions sontelles respectées au Sénégal ? «Je dirais, d’une manière générale, oui. Bien sûr, il arrive parfois qu’il y ait des manquements, de mauvaises pratiques. Lorsque cela arrive, nous avons une veille professionnelle qui est as-

surée par le Conseil de l’Ordre, mais aussi nous avons une justice des pairs qui peut sanctionner les manquements compte tenu de leur gravité, une fois que le Conseil de l’Ordre en a été saisi. C’est un magistrat de la Cour d’appel de Dakar qui est président de la Chambre de discipline de l’Ordre. L’objectif étant d’assurer une indépendance pour éviter l’impression que nous nous faisons justice entre nous. Le magistrat, du fait de son indépendance, peut imposer toute la rigueur nécessaire. Pour juger les manquements professionnels, il faut quelqu’un qui connaisse les règles de la profession». La bonne gouvernance est un thème d’une brulante actualité. Est-cela qui a motivé le thème de vos assises à Saly ? «Absolument. Nous sommes dans des thématiques d’actualité. Il y a deux ans, nous avions choisi le thème « Gouvernance, transparence financière et accès au crédit ». L’objectif était de soulever un point majeur dans l’action des entreprises. On reproche souvent aux entreprises de ne pas présenter une information financière de qualité, permettant à la banque de pouvoir décider. Là également, nous continuons toujours à décliner le thème de la transparence, d’autant plus que, sur le thème de la gouvernance, l’Ordre a toujours été à l’avantgarde. En 2005-2006, nous avions travaillé avec le ministère des Finances sur un projet qui s’appelait « Rapport sur l’état des standards de gouvernance économique au Sénégal », à l’initiative de la Banque mondiale et de la Sfi. A l’issue de ce rapport, le Sénégal et l’Ordre avaient décidé de créer un Institut sénégalais de l’administrateur. C’est cet institut qui a conduit à la mise en œuvre de ce plan d’action pour la bonne gouvernance qui avait abouti à l’adoption d’un Code de gouvernance des entreprises. L’Ordre doit s’impliquer sur le chantier de la bonne gouvernance et de la sécurité financière. James Wolfenson, ex-président de la Banque mondiale, disait que la protection comptable est la gardienne de la sécurité et de la transparence dans l’éco-

nomie. Nous devons continuer à décliner la thématique de la transparence de manière systématique. Nous sommes interpellés par l’actualité qui parle de traque des biens mal acquis». A propos de la traque des biens mal acquis, l’Ordre était surpris de ne pas être impliqué. Qu’est-ce qui vous a été servi comme réponse ? «Il y a eu beaucoup de confusions sur ce sujet. Dès le départ, j’ai entendu des personnalités du monde politico-médiatique faire des annonces péremptoires, selon lesquelles les cabinets privés ne doivent pas procéder aux audits des entreprises parce que, disaient-ils, ils ne seraient pas suffisamment indépendants. Non seulement c’est une assertion totalement fausse, mais c’est une méconnaissance de la profession comptable. Notre profession a une obligation de totale indépendance, un expertcomptable qui ne remplit pas les conditions d’indépendance doit démissionner de l’Ordre. C’est dire à quel point l’indépendance est un critère majeur. Selon les normes, un expert-comptable n’a pas le droit d’accepter une mission s’il n’est pas en situation d’indépendance. Nous sommes des citoyens du Sénégal, les membres de l’Ordre exercent de manière privée, mais l’Ordre est une institution publique sous le contrôle direct du ministre de l’Economie et des Finances. Il y a un commissaire du gouvernement qui siège aux réunions du Conseil de l’Ordre. Ce commissaire doit veiller à ce que les décisions prises ne s’écartent pas des obligations de la profession. C’est dire que notre profession est structurée pour assurer l’indépendance de ses membres. Mieux, lorsqu’il est avéré qu’un membre a exercé dans un cadre de non indépendance, toute personne peut le faire auprès de l’Ordre. Et ce manquement est sanctionné. C’est donc un mauvais procès qui a été fait aux experts-comptables. Nous avons été choqués lorsque nous avons vu des corps de contrôle lancer des appels à agrément de cabinet. C’est une procédure que nous ne connaissons pas. Nous avons demandé à rencon-


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