OÙ EST NOTRE ENFANCE, OÙ EST NOTRE FUTUR ?
Message des enfants et des jeunes réfugiés en Belgique en 2016
« POUR ÉVITER LES PASSEURS, J’AI DÛ MARCHER UNE SEMAINE PENDANT LA NUIT DANS LE DÉSERT, J’AI VU DES GENS MOURIR. »
« LES PASSEURS SONT TRÈS VIOLENTS. ILS NOUS OBLIGENT AUSSI À TRAVAILLER. »
« MA PETITE SŒUR DE HUIT ANS EST TOUJOURS EN TURQUIE. ELLE NE VA PAS À L’ÉCOLE. »
CET ENFANT, CES ENFANTS, CE SONT NOUS
Nous sommes 32 enfants et jeunes migrants et réfugiés. Nous venons d’Afghanistan, de Syrie, d’Erythrée, d’Irak, de Guinée, de Mauritanie, de République démocratique du Congo, du Mali et de Hongrie. Nous avons tous quitté notre pays, seuls ou accompagnés de notre famille. Nous vivons tous en Belgique aujourd’hui. Nous avons été victimes de la guerre et de la violence, des inégalités, de la pauvreté. Nous avons tous quitté notre pays et parfois notre famille. Mais nous avons un message à faire passer pour nos frères et nos sœurs ainsi que pour tous les enfants du monde :
NOTRE PAYS NOUS MANQUE
Nos parents, notre famille et nos amis nous manquent. Notre quartier, notre ville et notre culture nous manquent.
DES MILLIONS D’ENFANTS S’EXILENT À CAUSE DE LA GUERRE, DE L’INSÉCURITÉ ET DE LA VIOLENCE Il n’y a aucun mot pour décrire ce qu’est la guerre. Il n’y a aucune personne qui peut comprendre la guerre sauf quelqu’un qui l’a vécue. Vous vous demandez pourquoi nous pleurons ? A cause de la guerre. Elle détruit tout. La guerre, c’est la mort,
« J’AI ÉTÉ EMPRISONNÉE QUINZE JOURS EN TURQUIE ET SEPT JOURS EN GRÈCE. »
la rue, l’exil, le travail des enfants, le viol des femmes et des enfants. La guerre ce sont des enfants recrutés dans l’armée dès douze ans, la séparation des familles, la fin de l’enfance. La violence de la guerre est sans mot. La guerre apporte la pauvreté aux enfants, elle fait peur aux enfants. La guerre tue, elle blesse et traumatise les enfants à vie. Les enfants qui grandissent continuent d’avoir peur de la guerre. La guerre tue l’enfance.
DES MILLIONS D’ENFANTS S’EXILENT À CAUSE DES DISCRIMINATIONS ET DES INÉGALITÉS
Il est faux de croire que tout le monde est égal peu importe sa religion, son appartenance ethnique, son sexe ou son statut social. Les divisions entre chiites et sunnites par exemple sont à la base de discriminations et de violences. Même ici, nous ne sommes jamais tranquilles et en paix. Nous vivons dans la peur que nos proches se fassent tuer. Les discriminations sont aussi ethniques. Beaucoup d’ethnies se critiquent, s’insultent et se battent. Les uns ont le pouvoir, les autres pas. Ils ne sont pas d’accord et s’entretuent. Dans de nombreux pays, les filles n’ont vraiment pas les mêmes droits que les garçons : elles sont mariées de force, elles sont excisées, elles sont obligées de porter le voile. Elles ne peuvent pas parler aux garçons ni tomber amoureuses. Si les filles n’écoutent pas, elles risquent la
« J’AI TRAVAILLÉ EN TURQUIE PENDANT CINQ ANS, J’AVAIS ONZE ANS. »
mort ! C’est à cause de toutes ces discriminations que beaucoup d’enfants s’exilent.
DES MILLIONS D’ENFANTS S’EXILENT À CAUSE DE LA PAUVRETÉ ET DE LA CORRUPTION Les riches ont tous les droits. Les pauvres n’en ont aucun : pas le droit d’aller à l’école, pas le droit d’être soigné, pas le droit d’être protégé contre la torture et les mauvais traitements. Même quand ils peuvent aller à l’école, les enfants pauvres n’ont pas d’avenir. L’argent, c’est l’immunité. Si tu as l’argent, tu peux payer ton diplôme et même devenir médecin. Si tu n’as pas d’argent et que tu es malade, tu ne te feras même pas soigner. Si tu as l’argent et que tu tues quelqu’un, on te laissera sortir de prison. Si tu n’as pas l’argent, tu n’es rien. On peut tuer ta famille et tu peux être emprisonné même si tu es un enfant. L’argent est plus important que les personnes. Les enfants pauvres ne comptent pour rien.
LA ROUTE DE L’EXIL EST TRÈS DANGEREUSE, ELLE TUE LES ENFANTS
La route est très dangereuse. Les passeurs sont violents et exploitent les enfants. Il faut le dire aux enfants. La route, c’est parfois la mort, le viol, le travail et l’exploitation des enfants. La route, c’est aussi parfois la séparation et le rêve brisé de ne plus jamais voir sa famille.
« JE RÊVE DE RENTRER AU PAYS, SANS LA GUERRE… »
N’AYEZ PAS PEUR, NE NOUS REJETEZ PAS
La Belgique ne frappe pas et ne torture pas les enfants. La Belgique s’occupe bien de ses enfants, elle respecte les droits des enfants. Nous sommes reconnaissants à la Belgique de nous accueillir chaleureusement. Plus tard, nous donnerons en retour ce que ce pays nous a offert.
N’AYEZ PAS PEUR, NE NOUS REJETEZ PAS.
Tout musulman n’est pas un terroriste et lorsque nous vous disons que nous sommes Syriens, Afghans, Erythréens, Irakiens, Guinéens, … nous ne sommes pas que des exilés, des demandeurs d’asile. Nous sommes juste des êtres humains, des enfants.
Nous sommes les enfants et les jeunes du monde, et malgré nos différences, nous partageons un rêve commun: la paix et le respect des droits de tous les enfants. Bruxelles, le 17 novembre 2016
Le s en fa nt s en ex il pren ne nt la pa ro le « NOUS SOMMES AVANT TOUT DES ENFANTS ET DES JEUNES, TRAITEZ-NOUS COMME TEL »