Liaisons Intimes

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Ophélie Férédie

ARCHITECTURE THESIS 2020

liaisons intimes





« Oh ! ce sont là les grands et les heureux du monde ! Ô vie intarissable où le bonheur abonde ! Ô magnifique orgie ! ô superbe appareil ! Comme on s’enivre bien dans un festin pareil ! Comme il doit, à travers ces splendeurs éclatantes, Vous passer dans l’esprit mille images flottantes ! Que les rires, les voix, les lampes et le vin Vous doivent faire en l’âme un tourbillon divin ! Et que l’œil ébloui doit errer avec joie De tout ce qui ruisselle à tout ce qui flamboie ! »

Victor Hugo, Noces et festins.



Le mémoire se voudrait instructif et actuel, certes, mais aussi récréatif. À la fois pour le lecteur et pour l’auteur. Dans le travail sur l’espace architectural et l’action de se nourrir dans la société occidentale contemporaine, mon souhait est avant tout de se faire plaisir. Je me suis penchée sur la place de l’architecture dans le monde culinaire, à travers diverses échelles. De l’assiette à la salle de restaurant, en passant par votre salon, ou un apéritif entre amis. Ce texte s’appuie parfois davantage sur des observations, des impressions personnelles ou des mouvements d’humeur. J’ai choisi de privilégier l’instinct à la connaissance, de favoriser la surprise aux lectures, et aux analyses scientifiques. Le plaisir que nous tirons de la nourriture dépend, bien plus que nous ne pouvons l’imaginer, de notre subjectivité et nos souvenirs, de nos associations et émotions. C’est un sujet fascinant dans lequel vous apprécierez vous perdre autant que je prend plaisir à vous guider.

The thesis would be informative and current, certainly, but also recreational. Both for the reader and for the author. In the work on architectural space and the act of nourishing oneself in contemporary Western society, my wish is above all to have fun. I looked at the place of architecture in the culinary world, through various scales. From the plate to the dining room, through your living room, or an aperitif with friends. This text is sometimes based more on observations, personal impressions or moods. I have chosen to favor instinct over knowledge, favor surprise over reading, and scientific analysis. The pleasure we get from food depends, much more than we can imagine, on our subjectivity and memories, our associations and emotions. This is a fascinating subject in which you will enjoy getting lost as much as I take pleasure in guiding you.



J’AI FAIM ! « Partager un repas avec ses proches est certainement l’un des charme primaires les plus innocents de la vie, à la fois consciencieux et éternel.» La cuisine française s’est, depuis longtemps, classée aux premiers rangs. Elle est considérée aujourd’hui comme patrimoine culturel immatériel de l’Humanité (UNESCO).

S

i les Français aiment la bonne chère, ils sont aussi très sensibles aux belles assiettes, aux beaux plats, aux belles tables. La présentation et la condition dans laquelle la nourriture est offerte est la clef nous ouvrant l’appétit. On peut rapidement se poser la question de la nature même de notre désir. Outre le fait que manger est une nécessité vitale, il n’en est pas moins que la faim joue un rôle dominant dans l’action de se nourrir. Mais alors, qu’est-ce que manger ? Est-ce l’alimentation, le climat auquel cette action est associée, une circonstance ? Un nombre infini de réponses peuvent être apportées ici. J’ai décidé de travailler sur les réponses liées à l’espace. Quels lieux sont créés autour de l’alimentation et de l’action de se nourrir ? Quels endroits éveillent notre appétit ? Si l’on peut admettre que se nourrir est une obligation naturelle, on peut aussi affirmer que la cuisine, autrement dit la préparation agréable et raisonnée des aliments, s’est affinée et perfectionnée à la cadence des civilisations. C’est après de nombreux échecs que ces perfectionnements sont devenus la Cuisine.

Depuis Antonin Carème, à Escoffier ou Thierry Marx, tous, ou presque tous, nous ont légué leur testament professionnel sous forme de livres de cuisine, dont quelques-uns constituent de véritables Bibles de la gastronomie. La cuisine a dû évoluer et se prêter aux caprices des modes, ici ou ailleurs, mais aussi aux possibilités ou nécessités économiques. La puissance de la cuisine française, bien qu’aujourd’hui égalée d’innovation à travers le monde, a été de s’adapter sans jamais faillir, et de pouvoir toujours rester en tête de la gastronomie mondiale. De nos jours, la cuisine de Carème, telle qu’elle était présentée aux Tuileries ou chez le prince de Talleyrand, est absolument impensable ; de même pour la grande cuisine classique de Dubois et Bernard, ou celle des bonnes maisons du Second Empire, ne restent plus que comme modèles de bases, dont on suit l’enseignement. C’est pourquoi je peux affirmer que les modifications de formes et d’espace ou de présentation, imposées par les circonstances, n’altéreront pas le goût, mais auront pour rôle de l’accroître. Pour satisfaire toutes les fines fourchettes, j’ai réuni au cours d’une année de recherches différentes expériences, mêlants éléments architecturaux et sensoriels, permettant d’apprécier la diversité culinaire et en prolonger son expérience gustative.



I FEEL HUNGRY! ‘Shared a dinner with beloved friends and family is certainly one of the primary and innocent delights of life, both soul-satisfying and eternal.’

If

the French love good food, they are also very sensitive to the way it is presented. Is the presentation and the condition in which the food is presented the key to appetite? We can quickly ask ourselves the question of the very nature of our appetite. Besides the fact that eating is a vital necessity, it is nonetheless that appetite plays a dominant role in the action of eating. But then, what makes food? Is this its presentation? The associated climate? A circumstance? An infinite number of answers can be given here. I decided to work on the space response. What spaces are created around food and eating? What spaces awaken our appetite? If we can admit that food is a natural obligation for all living beings, we can also say that cooking, in other words, the pleasant preparation of food, has been refined and perfected at the rate of civilization. It’s after many stages that these refinements became Cooking. I wouldn’t teach anyone that French cuisine has long ranked first, considered today as Intangible Cultural Heritage of Humanity (UNESCO).

Since Antonin Carème, Escoffier or Thierry Marx, all, or almost all, have left behind their professional will in cookbooks, some of which constitute today true Bibles of gastronomy. Cooking has had to evolve and lend itself to the vagaries of fashion, which prevails there as elsewhere, and especially to economic possibilities or necessities. The eminence of French cuisine, although today somewhat matched by innovation around the world, has been to adapt without ever losing ground, and to always be able to remain at the top of world gastronomy. Nowadays, Carème cuisine, as it was presented at the Tuileries or at the Prince de Talleyrand’s, is absolutely impractical; similarly for the great classic cuisine of Dubois and Bernard, or that of the good houses of the Second Empire, all that remains is as basic models, the teaching of which we follow. This is why I can say that the modifications of form and space or presentation, imposed by the circumstances, will never alter do it, but will have the role of increasing it. To satisfy all the fine mouths, I have gathered during a year of research different experiences, merging architectural and sensory elements, in order to appreciate the culinary diversity and extend its taste experience.


Dans quelles mesures l’architecture peut-elle prolonger l’expérience gustative ? How can architecture prolong the taste experience ?



Sommaire / Content

W W W

HY ?

A R T

C U L I N A I R E

HERE ?

HAT ?

A R T

page 20

D E

page 62

L A T A B L E

page 46

page 94

S

N E

S

(ES)


page 114

Crisp Chip page 75

ATMOSPHERE CLIMAT

Social Dinning page 124

« L’essentiel est invisible pour les yeux. » ‘What is essential is invisible to the eye.’ introduction page 10




A R T

C U L I N A I R E

C U L I N A R Y

A R T


Termes culinaires DE LA LANGUE FRANÇAISE (1960) ABAISSER. - Étendre une pâte, au rouleau, à l’épaisseur voulue; cette pâte prend le nom d’ « abaisse ». ABRICOTER. - Étendre une marmelade d’abricots, à l’aide d’un pinceau, sur un gâteau ou entremets. APPAREIL. - Mélange de plusieurs produits : beurre, farine, oeufs, etc. ATTELET. - Petite tige en argent (ou métal argenté) servant à maintenir un décor sur plat de cuisine ou pâtisserie. BAIN-MARIE. - Casserole spéciale entièrement étamée, servant à maintenir au chaud sauces ou garnitures. Le bain-marie est placé dans une autre casserole ou sauteuse, plus large, remplie d’eau bouillante. Il sert aussi pour certaines cuissons par pochage. BARDER. - Recouvrir d’une mince tranche de lard une pièce de boucherie, volaille ou même poisson. BEURRE CLARIFIÉ. - Beurre fondu et décanté. Les impuretés et le petit-lait restent au fond de la casserole. BEURRE MANIÉ. - Beurre légèrement ramolli, mélangé avec de la farine. BEURRE EN POMMADE. - Beurre ramolli, ayant la consistance d’une pommade. BLANCHIR. - Passer à l’eau bouillante quelques minutes (ris de veau, certains légumes, viandes, etc). En pâtisserie : transformation, qui se produit, sous l’action du fouet, par le mélange sucre et oeuf et donne une composition mousseuse et blanchâtre. BOUQUET GARNI. - Brindille de thym, petite feuille de laurier, entourées d’une branche de persil. Ficeler le tout. BRIDER. - Attacher les membres d’une volaille, en les traversant d’une ficelle, à l’aide d’une « aiguille à brider ». CAISSE. - Dénomination professionnelle d’une grande plaque à génoise. CHINOIS. - Passoire métallique à fond pointu. CHIQUETER. - Taillader le tour d’une pièce de feuilletage, avant cuisson, avec la lame d’un couteau. CISELER. - Couper finement des herbes ou salades. Ne pas confondre avec « hacher ». Inciser un poisson pour faciliter la cuisson. CLARIFIER. - Rendre limpide. CLOUTER. - Piquer de petits bâtonnets de truffes ou

autres éléments. COLORANTS. - Carmin, jaune, vert, orange. Produits absolument inoffensifs, préparés spécialement pour l’alimentation. Se trouvent dans le commerce en liquide ou poudre. CONCASSER. - Casser ou couper grossièrement. CONTISER. - Faire de petites incisions, à cru, sur une pièce de boucherie, poisson, filets de sole, pour y introduire de petites lames de truffes. CORAIL. - Partie de l’estomac, de couleur rouge, des langoustes, homards, Saint-Jacques. COUVERTURE. - Chocolat, moins sucré que d’ordinaire, forcé en beurre de cacao. Très employé en pâtisserie et confiserie, sert principalement à enrober les bonbons. CRÉPINETTE. - Sorte de membrane graisseuse, sert à envelopper les aliments. DÉCANTER. - Séparer la partie bonne de la partie mauvaise d’un liquide, en le versant doucement dans un autre récipient. DÉGLACER. - Mouiller légèrement le « gratin » restant au fond d’un plat, après cuisson, pour le transformer en jus; faire réduire en cas de besoin, pour amener à point. DÉPOUILLER. - Retirer les impuretés et les matières grasses qui surnagent à la surface d’une sauce, d’un bouillon, d’un potage, etc. DESSÉCHER- Sécher sur le coin du feu un appareil quelconque (pâte à choux, pommes duchesses, etc.), en le travaillant sans arrêt à la spatule. DÉTREMPE. - Pâte obtenue par le mélange d’eau et de farine; sert à faire un feuilletage. DÉTREMPER. - Mélanger à la main la farine et l’eau, le lait ou les oeufs. DORER. - Étendre la dorure au pinceau. DORURE. - Oeufs entiers battus, additionnés d’une goutte d’eau ou de lait; peut se faire également avec deux jaunes d’oeufs ou deux jaunes et un blanc, etc. ENROBER. - Recouvrir totalement soit en trempant, soit en nappant. ESSENCES. - Fonds réduits, à saveur très prononcée : essence de truffe, de jambon, de poisson, etc. FIXER AU REPÈRE. - Fixer un socle sur un plat au 019

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moyen d’une pâte faite de farine et d’eau. Chauffer légèrement le fond du plat pour durcir cette pâte. FONCER. - Graisser une casserole, sauteuse, braisière, etc., et garnir le fond de carottes oignons coupés en rouelles, couennes de lard, os, enfin de tous les éléments indiqués dans la recette. En pâtisserie : garnir l’intérieur d’un moule, ou d’un cercle, d’une abaisse de pâte. FOND (de cuissons). - Jus ou extrait de viande, de volaille ou de légumes assaisonné ou aromatisé. FONDS. - Pâtes ou appareils servant à la confection de certaines pâtisseries (fonds de génoise, de progrès, de dacquoises, etc.). FONTAINE. - Farine disposée en couronne sur le marbre. FOULER À L’ÉTAMINE. - Passer une crème ou une sauce à travers une étamine (humide) en s’aidant d’une spatule en bois. Cette opération se fait généralement à deux personnes. FRAISER. - Écraser la pâte, sur le marbre, avec la paume de la main. Ne se fait que pour certaines pâtes. FUMET. - Synonyme de « fond », se dit pour le gibier et le poisson. GLACER. - Cuisine : Passer un plat au four ou à la salamandre pour lui donner de la couleur. Pâtisserie : Napper un gâteau ou entremets de fondant, glace à l’eau, etc., ou saupoudrer de sucre glace et passer au four chaud, juste le temps de caraméliser le sucre. GLAÇE DE VIANDE. - Résultat de la réduction lente de fonds très limpides, dépouillés souvent et passés plusieurs fois au travers de linges très fins avant de les amener à l’état pâteux ou à l’état solide. HABILLER. - Préparer une volaille ou un gibier, c’està-dire : plumer, vider, flamber, nettoyer. JULIENNE. - Légumes, viandes ou truffes coupés en petits bâtonnets, minces et réguliers. LARDER. - « Piquer » l’intérieur d’une pièce de boucherie de part en part, à l’aide d’un lardoir. LÈCHEFRITE. - Ustensile rectangulaire, en fer battu ou émaillé, servant à recueillir le jus des rôtis. LUTER. - Fermer hermétiquement le couvercle d’un ustensile en le collant avec un cordon de pâte. MACÉRER. - Mettre des fruits à tremper dans de l’alcool, kirsch ou autre parfum, afin qu’ils soient bien imbibés et en prennent goût. MARINER. - Mettre dans une marinade. MARQUER. - Préparer un aliment avant de le mettre à cuire. MASQUER. - Recouvrir d’une légère couche de crème

ou sauce un enterrement ou un plat cuisiné. MORTIFIER. - Laisser vieillir, rassir. S’applique surtout au gibier. NAPPER. - Recouvrir d’une sauce, crème, gelée ou fondant un entremets ou un plat cuisiné pour le terminer. PANER. - Entourer de mie de pain ou chapelure la pièce à cuire. PANER À L’ANGLAISE. - Passer la pièce à cuire : 1° à la farine; 2° à l’oeuf battu additionné d’un peu d’huile d’olive; 3° à la chapelure. PANER AU BEURRE. - 1° avec un pinceau à étaler le beurre fondu sur la pièce à cuire; 2° recouvrir de mie de pain ou de chapelure blonde. PANER À LA MILANAISE. - Comme à l’anglaise, mais ajouter à la chapelure un tiers de son volume de parmesan-râpé. PARER. - Débarrasser la ou les pièces de leurs éléments inutiles. PÈSE-SIROP. - Instrument analogue à un petit thermomètre, sert à indiquer la teneur en sucre d’un sirop. PINCER. - Faire un décor sur le bord d’une tarte, d’un pâté, etc., à l’aide d’une pince spéciale. PINCER (faire). - Faire griller sur le feu ou au four. PIQUER. - Traverser la surface d’une viande de petits bâtonnets de lard, à l’aide d’une « aiguille à piquer ». Pâtisserie : Faire des petits trous à l’aide des dents d’une fourchette, pointe de couteau, etc., sur une abaisse de pâte, pour l’empêcher de gonfler. PLATINE. - Plaque de cuisine à très petits rebords. PLUCHE. - Sommités des tiges de cerfeuil. POCHER. - Cuire sans faire bouillir. La cuisson est maintenue à une température voisine de l’ébullition. POUSSER. - Gonfler sous l’action de la levure (pâte à baba, brioche, etc.) QUATRE-ÉPICES. - Mélange de poivre blanc, girofle pulvérisé, muscade râpée et gingembre. REPÈRE. - Farine mélangée à très peu d’eau, forme une sorte de pâte mollette. REPÈRE (fixer au). - Coller sur le plat, avec cette pâte, un croûton de pain, un socle, etc. REVENIR. - Faire rissoler ou colorer une viande au beurre avant de la mouiller. RISSOLER. - Faire colorer une viande ou des légumes (pommes rissolées). ROUELLES. - Carottes ou oignons coupés en biseau d’une manière régulière.


RUBAN (faire le- ).- Une composition fait « le ruban » lorsqu’elle est devenue épaisse et qu’en élevant la spatule ou le fouet au-dessus de l’ustensile elle s’en détache en ruban de pâte et retomber dans la masser en s’affaissant lentement. RUSSE. - Casserole en cuivre, étamée un à l’intérieur, à parois très élevées. SAIGNER (une langouste). - Après cuisson, enfoncer la pointe d’un couteau entre les deux yeux de la langouste et la poser la tête en bas pendant quelques minutes pour permettre l’évacuation de l’eau qui se trouve à l’intérieur. SAISIR. - Faire partir à feu vif. SALPICON. - Aliments divers détaillés en dés réguliers. SANGLER. - Remplir un seau, après avoir mis le moule à glacer à l’intérieur, de glace à rafraîchir concassée finement et mélangée de sel dénaturé (sel bleu). SAUTER. - Faire dorer au beurre un aliment (boucherie, volaille, légumes) pour le saisir. SORBETIÈRE. - Appareil à faire les glaces. SUCRE-GLAÇE. - Sucre spécial, très employés en pâtisserie, sert à glacer (voir ce mot), à faire la glace à l’eau, glace royale, etc. TIMBRE. - Synonyme de la glacière, armoire réfrigérante, etc. TOMBER LA GLAÇE. - Réduire une sauce jusqu’à ce qu’elle devienne sirupeuse. TOUR. - Table de marbre où se fait le travail de la pâtisserie. Se dit également du poste spécialisé dans le travail des pâtes. TRAVAILLER. Battre ou remuer un appareil quelconque soit à la main, soit avec un fouet ou une spatule. TREMPER. - Imbiber (babas, savarins, etc.). Se dit également pour les bonbons passés dans de la couverture (chocolat). TROUSSER. - Ficeler les membres d’une volaille ou d’un gibier. VANNER. - Remuer à l’aide d’une spatule une sauce ou crème afin de l’empêcher de tourner; ou encore, lorsqu’elle refroidit, afin d’éviter la formation d’une peau à la surface. VIDELER. - Former avec les doigts sur les bords d’une abaisser une sorte de crête ou de rebord. ZESTE. - Partie extérieure de l’écorce du citron ou de l’orange. ZESTER. - Retirer le zeste à l’aide d’un zester, ou d’un petit couteau. Ne pas enlever la partie blanche de l’écorce qui est amère.


Retrospectives

Les menus et ordonnances qui suivent sont considérés aujourd’hui comme de réelles oeuvres culinaires, à dimensions spatiales et artistiques. Un dîner proposé par le chef Escoffier au Savoy-Hotel en 1899, un second servi aux Tuileries en 1820, ou encore des instructions détaillées de festin pour de nombreux couverts. Ce sont de véritables modèles de conscience auxquels il est nécéssaire de s’intéresser aujourd’hui, pour des études sociales. Ces simples formats nous informent des changements anthropologiques et humains subient par la société occidentale contemporaine. Il est amusant de comparer le nombre de lignes au-delà du contenu, d’un menu servi aujourd’hui au Mirazur (élu meilleur restaurant du monde) à celui d’un menu daté de 1900. En un siècle seulement, il n’est pas difficile de constater un écart de quantité mais également de diversité culinaire. Ces modifications impliquent des changements de spatialité, d’art de la table et de préséance. Nous en reparlerons ensemble dans les pages suivantes.

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The following menus and prescriptions are considered today as real culinary works, with spatial and artistic dimensions. A dinner offered by chef Escoffier at the Savoy-Hotel in 1899, a second served at the Tuileries in 1820, or even detailed feast instructions for many covers. These are real models of consciousness on which it is interesting to rely today for social studies. These simple formats inform us of the anthropological and human changes that we are undergoing in contemporary Western society. It is funny to compare the number of lines beyond the content, of a menu served today at the Mirazur (voted best restaurant in the world) to that of a menu dated 1900. In just a century, there is not difficult to see a difference in quantity but also in culinary diversity. These changes involve changes in space, tableware, and precedence, which we will discuss together on the following pages.


Menu servi le 30 juin 2018 au restaurant Mirazur, Mauro Colagreco

Welcoming apperitizers

✴✴✴ Gamberoni of Sanremo Raspberries, samphire

✴✴✴

Green beans salad Cherries, pistachios

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Salt crusted beetroot from our garden Osciètre Caviar cream

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Scampi Garden vegetables, chamomille consommé

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Bordighera squid Bagna Cauda sauce

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Turbot Celeriac mousseline and smoked shellfish sauce

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Sisteron’s saddle of lamb Cucumber mint

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Blackberries Lavender ice cream

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Chocolate and burnt rosemary Olive oil

✴✴✴ Petits fours

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Menu d’un dîner servi aux Tuileries le 6 janvier 1820 2 POTAGES Potage printanier de santé + Bisque d’écrevisses 4 GROSSES PIÈCES Faon de daim à la broche Turbot, sauce aux huîtres - Carpe à la Régence Casserole au ris à la Saint-Hubert 16 ENTRÉES Filets glacés aux laitues - Sautés de filets de perdreaux aux truffes Grenadins de filets de lapereux à la Toulouse Côtelettes de chevreuil à la Soubise Filets de côtes à la Villeroi, sauce vénitienne Quenelles de volaille au consommé réduit Hattelets à la belle-vue à la gelée Escalope de levrauts au sang Poulards à l’estragon - Cromeskis au velouté Blanquette de filets de poularde à la Conti Perches à la Waterfish Poulets à la reine à la Chivry Petits pâtés à la béchamel Filets d’agneaux aux pointes d’asperges Purée de gibier à la polonaise 4 GROSSES PIÈCES Buisson d’écrevisses Sultane à la Chantilly - Soufflé au fromage Jambon de sanglier glacé 3 PLATS DE ROTS Faisans de Bohême - Perdreaux rouges - Bécasses au Morvan 16 ENTREMETS Asperges en branches - Choux-fleurs au parmesan Champignons à la provençale - Truffes au vin de Champagne Laitues à l’essence - Epinards au consommé Salade à la piémontaise - Concombres au consommé Gelée d’oranges Crème à l’anglaise Pannequets aux citrons confits Oeufs pochés au jus - Gâteau soufflés - Macaroni à l’italienne Pommes au beurre de Vanvres - Gaufres à la flamande Deux plombières extra

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DESSERT 8 corbeilles, 4 corbillons, etc.


Menu d’un dîner de Noël donné au Savoy-Hotel à Londres, composé par A. Escoffier, 1899

SAVOY-HOTEL MENU Caviar frais - Bouquet de crevettes - Royal natives Tortue claire - Bortsch à la russe Suprêmes de soles à l’aurore Filets de rougets aux laitances Poulardes royales Timbales de truffes au champagne Selle de chevreuil grand veneur Mousseline d’écrevisses Délices de bécasses Sorbets dame blanche Ortolans cocotte Cailles à l’orange Salade des capucins Asperges nouvelles Foies gras pochés au Clicquot Soufflé Chantilly Ananas glacé Mandarines à l’orientale Biscuits aux avelines - Mignardises Galettes écossaises Fruits VINS Johannisberger cabine, 1874 Pommery, extra sec, 1884 Château Rauzan Segla, 1875 Château Coutet, marquis de Lur-Saluces Mise du Château Etampé, 1861 Grande Champagne, 1830 Grandes liqueurs Café turc

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TABLE DE 25 À 30 COUVERTS PREMIER SERVICE 4 POTAGES Garbure - Printanier - À la Reine - À la purée de pois et riz 4 RELEVÉS DE POTAGE Saumon à la génoise - Brochet à la hollandaise Poularde à la flammande Aloyau à la broche aux pommes de terre frites 12 ENTRÉES Aspic de filets de lapereaux Pâté chaud de cailles - Mayonnaise de volailles Casserolée au riz garnie de tendrons de veau Filets de poularde à la Maréchale - Quenelles - Frilets de levrauts piqués Côtelettes de mouton à la Soubise Ris de veau à l’oseille - Filets de maquereaux Canetons de Rouen beurre d’écrevisses DEUXIÈME SERVICE 4 GROS ENTREMETS Galantine de volaille - Biscuit de Savoie Jambon glaçé - Brioche 4 PLATS DE ROTS Deux faisans dont un piqué de lard Cailles - Soles frites et éperlans frits 6 ENTREMETS Petits pois au sucre - Épinards en croustade Asperges - Fèves des marais gelée de citrons - Concombres à la crème Petits choux grillés - Chartreuse de fruits 2 saladiers TROISIÈME SERVICE OU DESSERT 8 ASSIETTES MONTÉES garnies de fruits confits - candissés et autres bonbons 8 TAMBOURS garnis de biscuits à la cuiller, de massepains, macarons, meringues et autres

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8 COMPOTES DE FRUITS 8 ASSIETTES DE FRUITS SELON LA SAISON 2 FROMAGES - 2 SUCRIERS


MENUS DE SOUPERS PRINTEMPS ET ÉTÉ

Consommé madrilène Hommard à l’américaine Poulets de grains en cocotte à la bonne femme Selle de pré-salé rôtie Haricots verts Salade - Fromages Pêches à la Melba

Consommé au perles du Japon Filets de soles New-Burg Pigeonneaux aux petits pois Cornets de jambon Tsarine Fromage Fruits rafraîchis au champagne

Melon au porto Crème de pois frais à la Clamart Langouste à la parisienne sauce tartare Filet de boeuf portugaise (aux tomates farcies) Canard rôti en broche Navets glaçés Fromage à la crème Fraise au kirsch

Consommé de volaille glaçé Galantine de saumon Côtelettes d’agneau de Pauillac à la châtelaine Aiguillettes de caneton rouennais à la Montmorency Salade - Fromage Bombe Alhambra Paillettes feuilletées Fruits de saison

Potage crème d’asperges Barbue à l’Amiral Noix de veau braisée à la chartreuse Chaud-froid de volaille à la gelée Salade Fromage Glace comtesse Marie

Melon au porto Bar Régence Jambon de Prague en croûte sauce Madère Truffes sous la cendre Salade Bagration Fromage Omelette norvégienne Fruits

Potage Faubonne Homard thermidor Poularde à l’estragon Baron d’agneau à la byzantine Salade Irma Fromage Coupe Denise

Hors-d’oeuvre variés Turbot Cambacérés Selle de veau à la chartreuse Poularde Néva Salade Muguette Fromage Bombe boule de neige

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LUNCH ASSIS « Il y a une distinction à faire entre le lunch assis par petites tables et le lunch debout. Dans le premier cas, il s’agit souvent d’une reception après un mariage, où la famille de la mariée reçoit dans son appartement les intimes, aussitôt après la cérémonie religieuse. On donne alors un lunch par petites tables. Il doit comporter une part notable de plats cuisinés. Le tout est dressé sur un buffet, et les maîtres d’hôtel et leurs aides servent aux invités, sur de petites assiettes, les mets choisis par eux. Les menus de ces lunchs comportent généralement du consommé froid et chaud, des petites de foie gras, parfois des croustades chaudes soit à la Reine, soit aux gnocchi ; mais souvent aussi, pour la simplification du service, on ne sert que du froid. Comme cuisine : jambon à la gelée, galantine de volaille, mousse de foie gras, chaud-froid de volaille, langouste mayonnaise, salade composée et pâtisserie : brioche mousseline petits gâteaux variés, petits fours, millefeuilles, etc. Comme éléments liquides, vins de Bordeaux rouges et blancs, Champagne, café chaud et café viennois, glaces aux fruits et glaces à crème. Le service se fait par petites tables de 2, 3 ou 4 couverts et convives doivent trouver devant leur assiette : petite serviette à thé, fourchette coupante, petits pains et petite cuiller pour les glaces. Lorsque le matériel de ma maison ne permet pas ce service, on s’adresse à des maisons spécialisées qui louent salon, chaisons, tables et tout le matériel nécessaire, fournissant même les maîtres d’hôtel. »

LUNCH DEBOUT « Le lunch debout remplace de plus en plus le lunch assis ; il est donné à l’occastion d’une cérémonie de même ordre, où les invitations ont été lancées d’avance, pour le milieu de l’après-midi. Les invités sont reçus par les parents de la mariée et parfois, par les mariés eux-même s’ils ne sont pas partis en voyage, présentent leurs voeux et félicitations et passent ensuite au buffet sur lequel on aura dressé surtout des sandwiches, des pains briochés au foie gras, des tartines de pain bis beurrées ou recouvertes de confitures et surtout beaucoup de pâtisseries, petits fours, oranges glacées si c’est la saison, dattes et noix farcies, etc. Il faut au moins comme pâtisserie pour un buffet de 300 personnes : 600 petits gâteaux assortie, 400 sandwiches variés et pains fourrées, plus une vingtaine de gros gâteaux, détaillés à la demande des invités : brioche en couronne, plus facile à débiter qu’une grosse brioche mousseline, moka, chocolatine, praliné, Paris-Brest, progrès, biscuit roulé, génoise aux confitures, pain de Gênes, gâteau Pithiviers feuilleté, etc. Bien que ce ne soit pas obligatoire, on met parfois un plat de viande froide ; en ce cas nous préconisons jambons ou filet de boeuf, viande sans os, car les invités étant debout il leur serait malaisé de consommer une cuisse de poulet ou autre viande à décortiquer. Les maîtres d’hôtel se tiennent derrière le buffet dressé, ayant à côté d’eux les glaces, les cafés viennois ou chocolats glacés, les boissons, qui sont toujours du vin blanc, orangeade, citronnade, cerisette, champagne surtout ; ils sont également à leurs côtés les assiettes et fourchettes coupantes, les verres et servent à la demande. Ils doivent être armés d’une pince à gâteaux pour servir ; il est évident qu’ils ne doivent jamais prendre les mets avec les doigts. Il est nécéssaire d’avoir au moins deux maîtres d’hôtel, plus une femme de service ou deux pour laver et essuyer à mesure les verres et les assiettes, fourchettes, etc. Le lunch doit être terminé en principe à six heures. »

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Extraits de l’Art Culinaire Français, éditions Flammarion


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S E AT E D L U N C H ‘There is a distinction to be made between lunch seated at small tables and standing lunch. In the first case, it is often a reception after a wedding, where the family of the bride receives intimate friends in their apartment, immediately after the religious ceremony. We then give a lunch at small tables. It must include a significant portion of cooked dishes. The whole is set up on a buffet, and the butlers and their assistants serve the guests, on small plates, the dishes chosen by them. The menus of these lunches generally include cold and hot consomme, small foie gras, sometimes hot croustades either à la Reine or gnocchi; but often also, for the simplification of the service, only cold is served. For cooking: ham with jelly, galantine of poultry, foie gras mousse, hot-cold of poultry, lobster mayonnaise, mixed salad and pastry: mousseline brioche various cupcakes, petit fours, millefeuilles, etc. As liquids, red and white Bordeaux wines, Champagne, hot coffee and Viennese coffee, fruit ice cream and cream ice cream. The service is done by small tables of 2, 3 or 4 place settings and diners must find in front of their plate: small tea towel, cutting fork, rolls and small spoon for ice cream. When the equipment in my house does not allow this service, we turn to specialized houses which rent living room, chairs, tables and all the necessary equipment, even supplying the butlers.’

S TA N D I N G L U N C H ‘Standing lunch is increasingly replacing sitting lunch; it is given on the occasion of a similar ceremony, where the invitations were issued in advance, for the middle of the afternoon. The guests are received by the parents of the bride and sometimes, by the bride and groom themselves if they have not gone on a trip, present their wishes and congratulations and then go to the buffet on which we will have mainly prepared sandwiches, breads brioche with foie gras, bread spreads with butter or covered with jams and above all lots of pastries, petits fours, frozen oranges if it is the season, dates and stuffed nuts, etc. You need at least as pastry for a buffet of 300 people: 600 assorted cupcakes, 400 varied sandwiches and filled breads, plus around twenty large cakes, detailed at the request of the guests: brioche in crown, easier to cut than large mousseline brioche, mocha, chocolatine, praline, Paris-Brest, progress, rolled cookie, sponge cake with jams, Genoa bread, Pithiviers flaky cake, etc. Although it is not compulsory, we sometimes put a dish of cold meat; in this case we recommend hams or fillet of beef, boneless meat, because the guests being standing it would be difficult for them to consume a chicken leg or other meat to be shelled. The butlers stand behind the erected buffet, having next to them ice creams, Viennese coffees or iced chocolates, drinks, which are always white wine, orangeade, lemonade, cherry, champagne especially; they are also by their side the plates and cutting forks, the glasses and serve on demand. They must be armed with cake tongs to serve; obviously they should never take food with their fingers. It is necessary to have at least two butlers, plus a maid or two to wash and wipe glasses and plates, forks, etc. The lunch should be finished in principle at six o’clock.’

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Extracts of French Culinary Art, Flammarion editions


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Visuels / Visuals S A L A D E S E N 3 FAÇ O N S Figure 1 Purée de tomates Figure 2 Rouleaux de printemps Inspiré des oeuvres “Composition A.XX 1924” de László Moholy-Nagy (18951946) et “Composition n° 24 1926” de Friedrich Vordemberge-Gildewart (1899- 1962) [cf. double page suivante], l’expérience vise à jouer avec les différentes manières dont on interprète la nourriture avant de la consommer. (A) Les ingrédients sont présentés sous leur forme de consommation finale, préparés de façon harmonisée et plaisante pour le consommateur. (B) Les mêmes ingrédients sont maintenant servis en soupe et salade régulière. (C) Les ingrédients disposés et assemblés selon leur nature, côte à côte de façon précise - une présentation sans effort, mais pas particulièrement esthétique. La conclusion sans surprise de ces expériences est que les consommateurs se dirigent plus naturellement vers les compositions (A), faisant appel à leur mémoire. Aussi, la question du goût fait surface. Que ce soit le goût attendu, le goût perçu, le goût ressenti. Servi différement, les même aliments prennent une autre dimensions. Figure 1 Tomato puree Figure 2 Spring rolls Inspired by the works “Composition A.XX 1924” by László Moholy-Nagy (1895-1946) and “Composition n ° 24 1926” by Friedrich VordembergeGildewart (1899-1962) [cf. next double page], the experiment aims to play with the different ways in which we interpret food before consuming it. (A) The ingredients are presented in their final consumption form, prepared in a harmonized and pleasant way for the consumer. (B) The same ingredients are now served in soup and regular salad. (C) The ingredients arranged and assembled according to their nature, side by side in a convenient manner - an effortless presentation, but not particularly aesthetic. The unsurprising conclusion from these experiences is that consumers are more naturally directed to compositions (A), calling upon their memory. Also, the question of taste surfaced. Whether it is the expected taste, the perceived taste, the felt taste. Served differently, the same foods take on another dimension. 032

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A

B

C Figure 1

Figure 2


“Composition A.XX 1924” de László Moholy-Nagy (1895- 1946)


“Composition n° 24 1926” de Friedrich Vordemberge-Gildewart (1899- 1962)

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Le travail sur l’espace architectural présenté ici, procède des mêmes oppérations que celles développées auparavant dans la décomposition des assiettes, en accordant un soin particulier à la question de l’adaptabilité. Superposer la lumière, l’espace et le mouvement, à différentes échelles, construit des spatialités inconnues. Les jeux de transparence, d’opacité et d’organisation, combinés à des agencements de lignes et des formes simples, génèrent une illusion de profondeur.

The work on the architectural space presented here, proceeds from the same operations as those developed previously in the decomposition of the plates, paying particular attention to the question of adaptability. Superimposing light, space and movement, on different scales, constructs unknown spatialities. The interplay of transparency, opacity and organization, combined with arrangements of lines and simple shapes, generate an illusion of depth.

En réorganisant chaque élément, le résultat perd de son efficacité, voire disparaît.

By reorganizing each element, the result loses its effectiveness, or even disappears.

C’est ce principe que j’ai souhaité mettre en lumière. En architecture comme en cuisine, l’agencement des formes et matières prend son importance dans l’effet que l’on souhaite provoquer, au-delà de sa fonction première, et peut-être à son tour être générateur d’émotions.

It is this proceed that I wanted to highlight. In architecture as in cooking, the arrangement of forms and materials takes its importance in the effect which one wishes to provoke, beyond its primary function, and perhaps in turn be a generator of emotions.

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1 appartement �standart�

2 la salade

3 la fonction organisĂŠe

4 appartement de principe

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Dans cette expérience j’ai d’abord porté mon attention sur l’aménagement d’un appartement standard (1). J’ai créé une première itération que j’appelle la “salade” (2), consistant à positionner de façon aléatoire ne respectant ni la fonction ni la conformité. On s’aperçoit aisément que le résultat offre un sentiment de gêne et d’inconfort. La circulation et l’aménagement faisant appel à notre mémoire ne sont pas retrouvés. J’ai ensuite regroupé minutieusement par fonctionnalité chaque élément aménageant l’appartement (3). De même que pour la seconde itération, cet aménagement ne fait pas appel à ce que l’on connaît, et n’offre pas un confort optimal. En reprenant ces premiers tests, j’ai alors repensé la disposition du mobilier tout en ayant en tête les circulations auxquelles nous sommes accommodé (4). Le résultat n’était pas spectaculaire mais simple et effectif dans la démarche, j’ai donc poussé les tests plus loin. En architecture comme en agencement, nous avons souvent tendance à regrouper en zone les espaces plus que les objets par fonction (5). La salle de bain, par soucis techniques se retrouve proche de la cuisine, et le salon s’oriente proche de la terrasse. En utilisant le même procédé, j’ai repensé la place de chaque espace selon une intuition aléatoire, sans règles - si ce n’est des règles qui me sont personnelles - (6). C’est de cette façon que je peux alors bénéficier d’une approche inédite, générant ainsi de nouvelles émotions.

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In this experience I first focused my attention on the layout of a standard apartment (1). I created a first iteration that I call the “salad” (2), consisting in positioning randomly, respecting neither the function nor the conformity. It is easy to see that the result offers a feeling of embarrassment and discomfort. The traffic and the layout using our memory are not found. I then grouped meticulously by functionality each element fitting out the apartment (3). As for the second iteration, this arrangement does not use what we know, and does not offer optimal comfort. By repeating these first tests, I then redesigned the arrangement of the furniture while keeping in mind the circulation to which we are accommodated (4). The result was not spectacular but simple and effective in the process, So I pushed the tests further. In architecture, we often tend to group spaces in zoneW more than objects by function (5). The bathroom, for technical reasons, is close to the kitchen, and the living room is oriented near the terrace. Using the same process, I redesigned the place of each space according to a random intuition, without rules - if not rules that are personal to me - (6). This is how I can then benefit from a new approach, thus generating new emotions.


5 appartement en zones

6 appartement libre

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U N R E PA S N E PA R L E -T- I L PA S D E L U I - M Ê M E ? Je suis sûre que vous n’avez pas besoin d’un spécialiste pour vous dire que les plats d’un grand chef auront meilleur goût dans son restaurant, que la même nourriture servie dans une cabine d’avion bruyante ou dans une cantine d’hôpital. Peu importe où est servi, vendu ou consommé notre repas, il est toujours multisensoriel*. L’environnement à un impact à la fois sur ce que nous pensons sur ce que nous goûtons et, plus important encore, sur la façon dont nous apprécions l’expérience.

D O E S N ’ T G R E AT M E A L S P E A K S F O R I T S E L F ? I’m sure you don’t need a specialist to tell you that the dishes of a great chef will taste better in his restaurant, than the same food served in a noisy airplane cabin or in a canteen. hospital. No matter where our meal is served, sold or consumed, it is always multisensory**. The environment has an impact both on what we think about what we taste and, more importantly, on how we enjoy the experience.

*le multisensoriel est la façon dont les différentes modalités sensorielles sont intégrées dans notre expérience pour former une représentation consciente, unifiée et cohérente ** multisensory is the way in which the different sensory modalities are integrated into our experience to form a conscious, unified and coherent representation

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D E L A T A B L E

Tableware


Table rustique de Renou et Genisset, éditeur “ la Crémaillère ” Rustic table of Renou and Genisset, editor ‘la Crémaillère’


Table pour un déjeuner famillial, de Paule Marrot Table for a family lunch, by Paule Marrot

Table de dîner élégant Table for an elegant dinner

Table de dîner à la campagne, de Paule Marrot Table for a dinner in the countryside, by Paule Marrot


Les arts de la table sont les arts associés aux repas, à la présentation et au service des mets, à la conversation et à la civilité, à la décoration du mobilier, des ustensiles et aux lieux destinés aux plaisirs gastronomiques ou œnologiques. Ils intègrent la connaissance des plats, des boissons, de la verrerie, de la porcelaine et de la faïence, de la disposition de la vaisselle (et des convives), de la décoration de la table, des façons de recevoir les hôtes, de l’étiquette, des manières de table, du service, des menus… Les arts de la table évoluent dans le temps, ainsi l’usage de la fourchette ne s’est répandu que sous Henri III (en France). Ils se pratiquent tant sur le plan privé avec les repas familiaux et amicaux, que dans le domaine politique et diplomatique, et aussi commercial et professionnel avec la restauration. La disposition de la table est essentielle ; elle indique le degré d’attention portée au repas qui va être servi. Nappe de table ou set de table et serviette de table sont coordonnées ou assorties. Désormais, au quotidien, il n’est plus d’usage de prêter une telle attention à cet art. Dans la majorité des foyers, on utilise et réutilise les mêmes services et linges de table. On les modifie selon les modes ou nos humeurs. Mais surtout, on utilise le même set d’assiettes pour toutes les occasions, autant pour un repas du soir, qu’à la sortie du travail, pour un repas seul, journalier, ou même pour un souper.

Tableware is the arts associated with meals, presentation and serving of food, conversation and civility, decoration of furniture, utensils and places intended for gastronomic or oenological pleasures. They integrate the knowledge of dishes, drinks, glassware, porcelain and earthenware, the arrangement of crockery (and guests), the decoration of the table, the ways of receiving guests, the label, table manners, service, menus… Tableware evolves over time, so the use of the fork only spread under Henry III (in France). They are practiced both privately with family and friendly meals, as well as in the political and diplomatic field, and also commercial and professional with catering. The table layout is essential; it indicates the level of attention paid to the meal that will be served. Tablecloth or placemat and napkin are coordinated or matched. Now, in everyday life, there is no more use to pay such attention to this art. In most households, the same services and table linens are used and reused. We modify them according to fashions or our moods. Above all, we use the same set of plates for all occasions, whether for an evening meal, after work, for a single meal, for a daily meal, or even for a supper.

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1960

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5 7

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1 cuillère à potage 2 couteau à entremet 3 fourchette à entremet 4 couteau à poisson 5 fourchette à poisson 6 couteau de base 7 fourchette de base 8 assiette de base 9 couteau à pain

10 assiette à pain 11 beurrier 12 fourchette à dessert 13 cuillère à dessert 14 verre à vin pour l’entremet ou pour le dessert 15 verre à vin blanc 16 verre à vin rouge 17 verre à eau 18 salière et poivrière

1 soup spoon 2 dessert knife 3 dessert fork 4 fish knife 5 fish fork 6 basic knife 7 base fork 8 base plate 9 bread knife

10 bread plate 11 butter dish 12 dessert fork 13 dessert spoon 14 wine glass for the entremets or the dessert 15 white wine glass 16 red wine glass 17 water glass 18 salt and pepper shakers


2020

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7

6 couteau de base 7 fourchette de base 8 assiette de base

6 basic knife 7 basic fork 8 basic plate

8

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12 fourchette à dessert 13 cuillère à dessert 16 verre à vin rouge 17 verre à eau 18 salière et poivrière 12 dessert fork 13 dessert spoon 16 red wine glass 17 water glass 18 salt and pepper shakers

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assembler des convives pour les garder coude à coude une heure d’horloge — voire même deux et davantage — et les satisfaire, n’est pas si facile. C’est qu’il ne s’agit pas seulement de bonne chère et de bons vins : le succès d’un repas est la bonne humeur, ainsi que la sympathie qui naît entre les convives. Sans doute, une table bien servie est-elle un facile terrain d’entente : il est vrai que les convives s’entendront mieux s’ils sont faits pour être ensemble et groupés selon leur goûts. Cela étant de mise à l’époque comme de nos jours; il est néanmoins utile de prendre en compte l’évolution sociale impliquant de plus en plus de mixité au coeur du repas. Du déjeuner solitaire, à l’apéro entre amis, ou encore le repas dominical en famille.

athering guests to keep them side to side for an hour - or even two - and satisfying them is not an easy task. It's not just good food and good wine: the success of a meal is a good mood, as well as the sympathy that arises between the guests. Undoubtedly, a well-served table is an easy middle ground: it’s true that the guests will get along better if they are made to be together and grouped according to their tastes. That being in place at the time as nowadays; it is nevertheless useful to take into account the social evolution involving more and more diversity at the heart of the meal. Lonely lunch, aperitif with friends, or Sunday family meal.

L’Art de la Table est avant tout un art de recevoir, d’inviter, de se rencontrer. La qu’qu’ enesoit la la nature, le l’hôte l’hôte,doit doitavoir avoirlele Lacirconstance circonstancequi quimotive motiveun unrepas repasfestif festiflui luidonne donnesasacadence. cadence.Mais, Mais quel quelle n soit nature, souci de composer une assistance d’hôtes harmonisée, un espace pensé. Tableware is therefore above all an art of inviting. The circumstance which motivated a festive meal gives it a general tone. But, whatever the genre, the host must have the concern of composing a harmonized assistance, or a designed space. 050

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Jusqu’aux années soixante, la question de « l’audience » à table était encore très présente ; à l’image de ce que l’on pratique encore aujourd’hui lors de repas de noces. On entendait alors dire que tous les dosages sont possibles: les diversités de nature et de caractère, si elles ne sont pas poussées à l’excès, peuvent animer agréablement la réunion, y mêler la grâce à l’esprit, la beauté à l’intelligence, l’entrain à la gravité. Le fait de composer une assistance harmonisée est aussi de rassembler des gens faits pour se comprendre et s’estimer, dans un espace dédié.

Until the sixties, the question of "audience" at the table was still very much present; similar as what we still do today for wedding meals. Every combinaisons are possible: the diversity of nature and character, if they are not pushed to excess, can pleasantly enliven the meeting, mixing grace with spirit, beauty with intelligence. Composing a harmonized audience is also about bringing together people who are made to understand and appreciate each other, in a dedicated place and space.

« L’ordre des convives à table dictera aussi l’ordre du service, avec cette restriction qu’on sert d’abord toutes les dames avant de passer aux messieurs. Le principe est facile : les maîtres de maison, placés vis-à-vis l’un de l’autre en milieu de table, répartissent leurs invités en mettant : madame, à sa droite l’invité le plus important ; monsieur, à la sienne, la plus importante des invitées ; puis, à leur gauche respective, ceux qui viennent en second lieu, et en distribuant le reste de droite et de gauche, et des deux côtés, en ordre décroissant. On alterne les sexes, bien entendu, et les dames en pouvoir de mari sont « évaluées » selon ce que « vaut » leur époux. Les deux bouts de la table se trouvent ainsi être les coins pauvres, et l’on a besoin d’y mettre des familiers, des jeunes gens : enfin qui que ce soit que cet éloignement du centre ne peut pas risquer de formaliser. »

"The order of the guests at the table will also dictate the order of the service, with the restriction that all ladies are served first before moving on to the gentlemen. The principle is easy: the masters of the house, placed opposite each other in the middle of the table, distribute their guests by placing: Madame, on her right the most important guest; Sir, to his, the most important of the guests; then, to their respective left, those who come second, and distributing the rest of the right and left, and on both sides, in descending order. We alternate the sexes, of course, and the women in power of husband are "evaluated" according to what their husband "is worth". The two ends of the table are thus the poor corners, and we need to put relatives, young people there: well, whoever this distance from the center cannot risk formalizing."

extrait d’une ancienne « instruction de plan de table »

extract of an old “tableware instruction”

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selon l’évènement, la spatialité de la table-même est déjà variée au sein même de ce qui l’anime

ujourd’hui et depuis plusieurs décennies, « haut » et « bas » sont devenus équivalents ; les hôtes, en s’y installant, les revalorisent. Les convives proches d’eux se trouvaient encore honorés dans les années cinquante. Désormais, dans la globalité des foyers, l’ordre des places ne fait plus autant sens.

repas de noces / wedding dinner

La question de hiérarchie s’est évaporée. Ce qui fait sens aujourd’hui tient plus à une question de pratique ; l’hôte s’installe proche de la cuisine pour limiter les vas et vient, ou encore, les plus jeunes se réunissent ensemble, pour une séparation utile entre les conversations et des différents breuvages notamment, disposés sur la table. Dans un registre différent, certains médias ou oeuvres utilisent aujourd’hui le repas, le fait de se réunir, comme médium pour passer un message plus grand, tout en gardant cette idée de hiérarchie comme héritage. Dans le thriller The Plateform de Galder Gaztelu-Urrutia, récemment sortie en février 2020, le repas est utilisé comme satyre sociale en hiérarchisant des prisonniers installés dans une tour. Les inculpés des étages supérieurs mangent des repas d’excellence, tandis que les prisonniers des premiers étages se dévorent entre eux, faute de nourriture. « Dans une prison-tour, une dalle transportant de la nourriture descend d'étage en étage, un système qui favorise les premiers servis et affame les derniers. » (synopsis) La question de manger ou être mangé relève plus des différences sociales à travers le monde qu’une simple interrogation de positionnement dans l’espace ou le temps.

repas dominical / sunday meal


depending on the event, the spatiality of the table is varied within what makes it lively

oday and for several decades, "high" and "low" have become equivalent; the householders / hosts, by settling there, revalue them. The guests close to them were still honored in the 1950s. Now, in all homes, the order of places no longer makes a real sense.

The hierarchy issue has evaporated. What makes sense today is more a matter of practice; the host sits close to the kitchen to limit all the painful comings and goings, or the youngest meet together by the end of the table, or in another one, for a useful separation between conversations and the different drinks arranged on the table.

In a different speach, some media or works today use the meal (the fact of coming together) as a medium to spread a bigger message, while keeping this idea of using hierarchy as a heritage. In the thriller The Plateform by Galder Gaztelu-Urrutia, recently released in February 2020, the meal is used as a social satyr by prioritizing prisoners installed in a tower where the defendants located at the top of the tower eat a meal of excellence, while the last (the prisoners below) eat each other, for lack of food. “Theirs is composed of vertically stacked cells, where inmates live in a somewhat real-life food chain. Each day at mealtime, food descends from above, feeding the upper tiers first and leaving those below them with only the scraps from above.� (synopsis). The question of eating or being eaten is more a matter of social differences around the world than a simple question of standing in space or time.

salle de restaurant / restaurant oganization 053

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Le Festin de Babette,1987 055

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Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France Jacques Prévert, 1931 (extrait)

Ceux qui pieusement… Ceux qui copieusement… Ceux qui tricolorent Ceux qui inaugurent Ceux qui croient Ceux qui croient croire Ceux qui croa-croa Ceux qui ont des plumes Ceux qui grignotent Ceux qui andromaquent Ceux qui dreadnoughtent Ceux qui majusculent Ceux qui chantent en mesure Ceux qui brossent à reluire Ceux qui ont du ventre Ceux qui baissent les yeux Ceux qui savent découper le poulet Ceux qui sont chauves à l’intérieur de la tête Ceux qui bénissent les meutes Ceux qui font les honneurs du pied Ceux qui debout les morts Ceux qui baïonnette… on Ceux qui donnent des canons aux enfants Ceux qui donnent des enfants aux canons Ceux qui flottent et ne sombrent pas Ceux qui ne prennent pas Le Pirée pour un homme Ceux que leurs ailes de géant empêchent de voler Ceux qui plantent en rêve des tessons de bouteille sur la grande muraille de Chine Ceux qui mettent un loup sur leur visage quand ils mangent du mouton Ceux qui volent des oeufs et qui n’osent pas les faire cuire Ceux qui ont quatre mille huit cent dix mètres de Mont-Blanc, trois cents de Tour Eiffel, vingt-cinq de tour de poitrine et qui en sont fiers Ceux qui mamellent de la France Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d’autres, entraient fièrement à l’Elysée en faisant craquer les graviers, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes et chacun s’était fait celle qu’il voulait. L’un une tête de pipe en terre, l’autre une tête d’amiral anglais ; il y en avait avec des têtes de boule puante, des têtes de Galliffet, des têtes d’animaux malades de la tête, des têtes d’Auguste Comte, des têtes de Rouget de Lisle, des têtes de sainte Thérèse, des têtes de fromage de tête, des têtes de pied, des têtes de monseigneur et des têtes de crèmier.


Quelques-uns, pour faire rire le monde, portaient sur leurs épaules de charmants visages de veaux, et ces visages étaient si beaux et si tristes, avec les petites herbes vertes dans le creux des rochers, que personne ne les remarquait. Une mère à tête de morte montrait en riant sa fille à tête d’orpheline au vieux diplomate ami de la famille qui s’était fait la tête de Soleilland. C’était véritablement délicieusement charmant et d’un goût si sûr que lorsque arriva le Président avec une somptueuse tête de Colomb ce fut du délire. « C’était simple, mais il fallait y penser», dit le Président en dépliant sa serviette, et devant tant de malice et de simplicité les invités ne peuvent maîtriser leur émotion ; à travers des yeux cartonnés de crocodile un gros industriel verse de véritables larmes de joie, un plus petit mordille la table, de jolies femmes se frottent les seins très doucement et l’amiral, emporté par son enthousiasme, boit sa flûte de champagne par le mauvais côté, croque le pied de la flûte et, l’intestin perforé, meurt debout, cramponné au bastingage de sa chaise en criant : « Les enfants d’abord ! »


I S C U T L E R Y T H E B E S T WAY T O M O V E T H E F O O D F R O M P L AT E T O M O U T H ? La fourchette : combien de bouches a-t-elle servit ? Un couteau, une fourchette ou une cuillère en acier inoxydable, froids et lisses, sont-ils vraiment les meilleurs moyens de conduire les aliments à votre bouche ? Pourquoi ne pas manger avec vos doigts, comme cela se fait dans certaines cultures ? Est-ce une simple coïncidence si le burger, aliment le plus populaire au monde, se mange avec les mains ? Lors de leur « Dîners Tactiles », les italiens Futuristes couvraient les manches de leurs couverts de fourrure ! C’était en 1930 ! À l’heure de l’épuisement de nos ressources, puisqu’il faut entièrement changer de paradigme, je suis intimement convaincue des mutations possibles de notre monde alimentaire. Dans le monde de la « distanciation sociale », ces métamorphoses opèreront à la frontière des concepts de cuisine modernes, de l’art et du design, de la technologie et de la gastronomie. Pourquoi oublirait-on l’espace, le lieu, l’architecture ? Naturellement, il est encore temps pour nous d’espérer de toutes nos forces que les plus belles innovations atteindront le grand public. J’espère que les architectes seront de ce voyage.

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The fork: how many mouths has it served? Is a cold, smooth stainless steel knife, fork or spoon the best way to get food to your mouth? Why not eat with your fingers, as is done in some cultures? Is it a coincidence that the burger, the most popular food in the world, is eaten with your hands? During their “Touch Dinners”, the Futurist Italians covered the sleeves with their fur cutlery! It was in 1930! At a time of depletion of our resources, since we have to completely change the paradigm, I am firmly convinced of the possible changes in our food world. In the world of “social distancing”, these metamorphoses will operate at the border of modern cooking concepts, art and design, technology and gastronomy. Why should we forget the space, the place, the architecture? Naturally, there is still time for us to hope with all our strength that the most beautiful innovations will reach the general public. I hope the architects will be on this trip.



Le couscous est servi !

argentine brésil colombie

mexique états-unis

Allez-vous y planter une fourchette ? Si oui, vous êtes en France. Une cuillère ? Alors vous êtes en Algérie. À moins que vous n’optiez pour la main, et vous serez au Maroc. Ce que chaque ustensile raconte court de la question religieuse à la question historique, de la question pratique à l’habitus, du désir au plaisir.

brésil

canada

france côte d’ivoire

france

russie

japon

côte d’ivoire

chine inde indonésie madagascar

madagascar australie

3,3 milliards d’humains utilisent des couverts / 3.3 billion humans use cutlery couverts uniquement / cutlery only couverts et autres (cuillère et/ou doigts) / cutlery and others (spoon and/or fingers)

Projections cartographiques de Buckminster Fuller, Antarctique exclu

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3,5 milliards d’humains se nourrisse 3.5 billion humans feed with their fing doigts uniquement / fingers only doigts et autres (cuillère et/ou c fingers and others (spoon and/or


Couscous is served!

Are you going to stick a fork there? If yes, you are in France. Spoon ? So you are in Algeria. Unless you choose the hand, and you will be in Morocco. What each utensil says runs from the religious question to the historical question, from the practical question to habitus, from desire to pleasure.

argentine colombie

mexique états-unis

argentine brésil colombie

mexique états-unis

canada

canada

france

russie

japon

côte d’ivoire

russie

chine

chine

inde

inde indonésie

ent avec leurs doigts / ngers

couverts) / r cutlery)

japon

indonésie madagascar australie

australie 2,1 milliards d’humains mangent avec des baguettes / 2.1 billion humans eat with chopsticks 8 pays utilisent des baguettes / 8 countries use chopsticks ces pays utilisent aussi - au moins - des cuillères, et plus rarement des couverts / these countries also use - at least - spoons, and more rarely cutlery

Projections cartographiques de Buckminster Fuller, Antarctique exclu

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W W W

1

HY ?

2

HERE ?

3

HAT ?


1

Nous mangeons avec nos yeux, notre nez, notre mémoire, notre imagination et notre instinct. Chaque être humain a une relation avec la nourriture, positive ou non, mais quoi qu’il en soit, ce rapport est avant tout un registre d’émotions, une palette de sentiments. Est-ce une question de chimie ? La nourriture : bien plus que la langue, qui détecte au moins cinq goûts, plus encore que le nez qui détecte d’innombrables arômes. La conversation subtile et dramatique entre notre digestion et notre cerveau, filtrée par notre humeur, déclare notre plaisir face à l’aliment. De ce fait, tout ce qui nous entoure tient un rôle fondamental dans notre expérience gustative. De façon directe ou plus subtile, l’architecture, comme la lumière ou le son par exemple, sont des paramètres de composition qui s’associent indéniablement à ce que l’on mange : ils créent un climat sensible. Inspirées par le travail de Philippe Rahm, mes recherches tentent de proposer une architecture sensorielle et atmosphérique. Plus question de ces habituelles questions de formes et de qualités d’un espace qui se résoudrait dans la mathématique des surfaces et des volumes.

We eat with our eyes, our nose, our memory, our imagination and our instinct. Every human being has a relationship with food, positive or not, but whatever it is, this relationship is above all a register of emotions, a palette of feelings. Is it a question of chemistry? Food: much more than the tongue, which detects at least five tastes, even more than the nose, which detects countless aromas. The subtle and dramatic conversation between our digestion and our brain, filtered by our mood, declares our pleasure in front of the food. Therefore, everything around us plays a fundamental role in our taste experience. In a direct or more subtle way, architecture, like light or sound for example, are composition parameters that are undeniably associated with what we eat: they created a sensitive climate. Inspired by the work of Philippe Rahm, my research attempts to propose a sensory and atmospheric architecture. No more question of these usual questions of forms and qualities of a space that would be resolved in the mathematics of surfaces and volumes.

Interpretive architecture, Philippe Rahm

‘(...) if the shape of a building and the quality of a space are usually given in terms of surface and volume, my research tends to propose a sensory and atmospheric architecture.’

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2

Certaines des idées culinaires les plus inventives testées pour la première fois dans les restaurants modernistes tel El Bulli en Catalogne, ou de nombreux restaurants autour du globe (Ultra Violet Singapour, Sugalabo Tokyo, Inamo Londres), fournissent de véritables informations pouvant être utilisées pour améliorer l’expérience gustative, que nous soyons au bord d’un avion ou à l’hôpital, à la maison ou dans un restaurant. Les plats et expériences « multi-sensoriels » imaginés pour la première fois dans certains de ces lieux de restauration haut de gamme, offrent un exemple qui donne aux autres restaurants moins audacieux la confiance nécessaire d’innover pour le grand public. Ainsi, lorsque la collaboration entre chef et quiconque en mesure d’apporter une fusion de connaissance chimique ou spatiale fonctionne bien, elle peut conduire à des expériences incroyables dont les gens ont envie de parler et partager. « Faites les choses correctement et cela peut donner des plats plus sensationnels, plus mémorables et peut-être plus sains que tout ce qui a précédé. » (cf. Gastrophisics, Charles Spence).

3

Dans notre bouche et par le biais de nos différences, chaque petit détail a son importance. Le dégoût est un sujet fascinant. Il dépend plus de ce que nous imaginons, de nos souvenirs, des associations d’émotions, que de notre réelle perception. Il y a dans notre assiette bien plus que ce qu’il y a dans notre assiette. Le chef Heston Blumenthal a déclaré : « Je considérerais le son comme un ingrédient à la disposition du chef. » Cette déclaration, à son tour, a donné l’impulsion originale qui a conduit au plat de fruits de mer « Sound of the Sea », à The Fat Duck à Bray, Berkshire, qui est devenu le plat signature de l’un des meilleurs restaurants du monde. C’est sur la base de ces recherches que la compagnie aérienne British Airways a lancé son menu sensoriel « Sound Bite » en 2014, offrant la possibilité d’assaisonnements sonores à ses passagers longcourriers.

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L’idée du processus étant que si nous pouvons tromper le cerveau en lui faisant croire que la nourriture est plus sucrée qu’elle ne l’est en réalité, vous obtenez une nourriture plus savoureuse sans les effets secondaires nocifs d’une consommation excessive de sucre. Partant de ces divers constats, j’ai souhaité travailler sur l’espace en tant qu’ingrédient, en manipulant formes et matières.

Ultra Violet, Singapour

Sound of the Sea, Fat Duck

Some of the most inventive culinary ideas tested for the first time in modernist restaurants such as El Bulli in Catalonia, or many restaurants around the globe (Ultra Violet Singapore, Sugalabo Tokyo, Inamo London), provide real information that can be used to improve the taste experience, whether we are on a plane or in the hospital, at home or in a restaurant. The “multi-sensory” dishes and experiences imagined for the first time in some of these upscale dining places offer an example that gives other less daring restaurants the confidence to innovate for the general public. So when the collaboration between chef and conque able to bring a fusion of chemical or spatial knowledge works well, it can lead to incredible experiences that people want to talk about and share. “Do it right and it can make for more sensational, memorable and perhaps healthier dishes than anything before.” »(Cf. Gastrophisics, Charles Spence). In our mouths and through our differences, every little detail has its importance. Disgust is a fascinating subject. It depends more on what we imagine, on our memories, on associations of emotions, than on our real perception. There is much more on our plate than there is on our plate. Chef Heston Blumenthal said, “I would consider sound as an ingredient available to the chef. This statement, in turn, gave the original impetus that led to the “Sound of the Sea” seafood dish, at The Fat Duck in Bray, Berkshire, which became the signature dish of one of the best restaurants in the world. It is on the basis of this research that the airline British Airways launched its sensory menu “Sound Bite” in 2014, offering the possibility of sound seasonings to its longhaul passengers. The idea of the ​​ process being that if we can fool the brain into thinking that food is sweeter than it actually is, you get tastier food without the harmful side effects of excessive consumption of sugar. Based on these various observations, I wanted to work on space as an ingredient, by manipulating forms and materials.

Sound Bite, British Airways


À la manière dont ont travaillé Bernard Tschumi avec le cinéma, Michel Ange avec la peinture, ou Libeskind avec la musique, l’architecture, dans mes recherches, établie des liens solides avec la cuisine.

En tant qu’étudiante en architecture, j’ai toujours regardé les chefs contemporains avec jalousie : comment, avec quelques parpaings et du ciment, produire autant d’émotions et de plaisir ?

Qu’est-ce que la cuisine ? La cuisine est une grande discipline. Cuisiner un aliment, inventer, lire ou écrire une recette, nécessite de la rigueur. C’est l’un des liens de connexion entre la cuisine et l’architecture, car les deux sont extrêmement exigeants. Vous ne pouvez pas cuisiner approximativement, sauf si vous cuisinez des choses simples ; si vous voulez cuisiner un plat d’exception, vous devez suivre à la lettre chaque détail, avec un tempo strict.

Ce travail m’a permis de comprendre ma limite, notre limite. Finir ne nous appartient pas : c’est au public qu’il appartient de prolonger l’expérience proposée par le bâti. Même si l’architecture, à cause de sa dimension technique ne s’improvise pas, sa réalité n’est jamais tout à fait le résultat de celui qui l’a conçu. L’architecture c’est l’infini palimpseste des histoires, des aventures, qui s’y sont déroulées. La magie est dans le vertige de ce qui nous échappe. J’espère un jour participer à la construction de ceux qui construisent pas à pas mon travail.

C’est l’unique voix vers la réussite. Si l’architecture se construit en négociant avec le réel, elle se conçoit avec exactitude. Si la cuisine est un art, alors peut-être l’architecture est aussi un art ? Dans les deux, la puissance naît de l’exactitude. Et l’émotion, fragile, naît du mariage improbable d’une précision austère à une folle volonté.

dessin de Bernard Tschumi des « Manhattan Transcripts » très inspiré de l'ambiance des films noirs

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Pour une architecture du mouvement, Bernard Tschumi

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dessin de perspectives, Michel Ange

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The way Bernard Tschumi worked with cinema, Michel Ange with painting, or Libeskind with music, architecture, in my research, established solid links with cuisine. What is cooking? Cooking is a great discipline. Cooking a food, inventing, reading or writing a recipe requires rigor. This is one of the connecting links between cuisine and architecture, as both are extremely demanding. You cannot cook roughly unless you are cooking simple things; if you want to cook an exceptional dish, you must follow every detail to the letter, with a strict tempo. It’s the only voice for success. If architecture is built by negotiating with reality, it is conceived with precision. If cooking is an art, then maybe architecture is also an art. In both, power comes from accuracy. And the fragile emotion arises from the improbable marriage of austere precision and mad will. As an architecture student, I have always looked at contemporary chefs with jealousy: how, with a few breeze blocks and cement, can produce so much emotion and pleasure? This work allowed me to understand my limit, our limit. Finishing does not belong to us: it is up to the public to extend the experience offered by the building. Even if architecture, because of its technical dimension cannot be improvised, its reality is never entirely the result of the one who designed it. Architecture is the infinite palimpsest of stories, adventures, which have taken place there. The magic is in the vertigo of what escapes us. I hope one day to participate in the construction of those who build my work step by step.

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A

rrivé depuis peu dans l’état de New York, à Saratoga Springs, Cornelius Vanderbilt trouve refuge au Moon Lake Lodge à l’heure du déjeuner. Les façades encore grisées par les incendies ayant ravagés la ville quelques années auparavant jurent avec le ciel bas d’une fin d’été, recouvert d’une épaisse nappe grise. Il s’installe à une table dans un coin de salle, non loin des cuisines où il a pour habitude de trouver réconfort. Les odeurs et tâtonnement des casseroles chaudes l’emportent dans un moment unique. On lui apporte une assiette, difforme et froide. Avec en son centre la chair d’un rhizome. Épaisse, brune, spongieuse et brillante de saindoux. L’observant avec mollesse, suintant de banalités. Il lui tend un regard magnanime, face à la crainte qu’il ressent. Puis il décide à s’y attaquer dans un silence sourd, ne laissant que les grincement de la fourchette sur la porcelaine. C’était une frite. Depuis la cuisine encore éperonnée par l’effervescence des commandes, le cuisinier Georges Crum l’observe d’un oeil agacé. Il commence à découper des pommes de terre en tranches aussi fines que du papier, identiques aux feuilles Lucky Strike. La lame de son couteau en acier Damas résonne une première fois sur son plan de travail en granit. La première tranche tombe. On peut voir à travers celle-ci la surface de la pierre. Une seconde tranche tombe, puis une autre, puis une autre. Il les lance dans la friture comme pour passer sa rage. Le crépitement de l’huile brulante comme un volcan en irruption et la pression des jets de bulles de vapeur d’eau environnent les pétales, crachant des escarbilles d’or. Monsieur Vanderbilt le regarde d’un air fielleux, se roulant une cigarette. Il s’approche alors des cuisines, et dans un ultime geste de provocation, éclate le pétale entre ses dents. Pendant un instant, les deux hommes échange un regard incertain. Le visage de Cornelius se transforme. Ses yeux brillent et un large sourire apparait. Les doigts gras et brillants, c’est une révolution sensuelle datée du 24 aout 1853.

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Crisp

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Chip

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infiniment chips

La chips est mon modèle d’expérimentation. Elle me permet de garder constance et de regarder avec rigueur les variations de mon processus d’apprentissage. Bien sûr, chaque expérience pourrait interférer avec d’autres aliments ou plats, et cela conduirait évidemment à d’autres architectures multisensorielles. Mais j’ai choisi la chips pour sa simplicité. C’est une récréation. Une délicieuse gourmandise sans austérité. m’imposant une certaine austérité. J’aimais les chips sans les comprendre. Après plusieurs mois de tentatives d’épuisement de ma relation avec les chips, je les aime encore. Mon protocole est plutôt simple. Tout d’abord né d’impulsions, le labeur a été de penser ce désir. Le voyage à la surface craquante des chips, les aventures sonores, les surprises, ont guidé mon parcours vers les vidéos de mon diplôme.

Crisp chip is my model of experimentation. It allows me to remain consistent and to watch with rigor the variations of my learning process. Of course, each experience could interfere with other foods or dishes, and this would obviously lead to other multi-sensory architectures. But I chose the chips for its simplicity. It’s a recreation. A delicious delicacy without austerity. imposing a certain austerity on me. I liked crisps without understanding them. After several months of trying to exhaust my relationship with potato chips, I still love them. My protocol is rather simple. First born of impulses, the work was to think this desire. The trip to the crisp surface of the crisps, the sound adventures, the surprises, guided my journey towards the videos of my diploma.

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chips

noun

plurial noun: chips 1. a small piece of something removed in the course of chopping, cutting, or breaking a hard material such as wood or stone. “mulch the shrubs with cedar chips” Similar: fragment piece bit a hole or mark on a hard object or surface where a small piece has broken off. “keep an eye out for any scratches or chip on the bodywork that might need treating” Similar: nick crack snick BRITISH wood or woody fibre split into thin strips and used for weaving hats or baskets. 2. BRITISH a long rectangular piece of deep-fried potato. “a plate of chips” Similar: chipped potatoes a small chunck of sweet food (typically chocolate) added to desserts, biscuits, or snacks. “chocolate chips” NORTH AMERICAN a thin slice of food (typically potato) made crisp by being fried, backed, or dried and eaten as a snack. “a bag of chips” 3.

a tiny wafer of semiconducting material used to make an integrated circuit; a microchip.

4. a counter used in certain gambling games to represent money. “a poker chip” Similar: counter token disc 5. (in soccer, golf, and other sports) a short lofted kick or shot. “he made no mistake with a chip and a par putt four feet to seal victory” verb 3rd person present: chips 1. cut or break (a small piece) from a hard material. “we had to chip ice off the upper deck” Similar: nick crack snick (of a material or object) break at the edge or on surface. “the paint had chipped off the gate” Similar: break (off ) crack cut pieces off (a hard material) to shape it ar break it up “craftsmen chipped the blocks of flint to the required shape” Similar: whittle hew chisel 2. BRITISH cut (a potato) into chips. Origin OLD ENGLISH forcippian

chip Middle English Middle English: related to Old English forcippian ‘cut off’.


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informations nutritionnelles - chips (fines tranches de pomme de terre frites à l’huile végétale) pour 100g calories

536

lipides

35 g acides gras saturés acides gras poly-saturés acides gras mono-saturés

cholestérol

0 mg

sodium

8 mg

potassium

1 215 mg

glucides

53 g fibres alimentaires sucres

protéines

1g

vitamines

A C calcium Fer D B6 B12 magnesium

11 g 12 g 10 g

4.8 g 0.2 g

0 IU 31.1 mg 24 mg 1.6 mg 0 IU 0.7 mg 0 ug 67 mg

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Liste des chips à travers le monde

page 1

Philippines - Piattos : fines chips au fromages, forme hexagonales

composition : poudre de pommes de terres, amidon de pommes de terres

traduction : chips

Hexagon-shaped potato crisps made from the finest potato ingredients and are distinctly thin, bringing out the fullness of its unique flavours.

Norvège - Kim’s : chips épaisses ondulées de forme carré aux saveurs diverses

composition : poudre de pommes de terres, fécule de pommes de terres

traduction : croustilles / chips / snack chip

Pays du Moyen-Orient - Lays : chips un peu épaisses aux côtés droits saveur citron et poivre noir

composition : pommes de terres

traduction : arabe - {raqayiq} ‫ رقائق‬/ turc - cips / kurde - chips / persan - ‫ تراشه‬/ hébreu - ‫ שבבי‬/ grec τσιπ {tsip}

Inde - Lays : saveur menthe

composition : pommes de terres

traduction : िचप्स {chips}

Suede - Estrella - chips ondulées saveur sourcream et oignon

composition : pommes de terres

traduction : chips

Bulgarie - Viva Chips : chips au Paprika

composition : farine de pommes de terres, amidon de pommes de terres

traduction : пържени картофи {pŭrzheni kartofi}

Japon : chips tempura (tempura seaweed)

composition : feuille d’algue frite au tempura (pate à base de farine, jaune d’oeuf et eau)

traduction : ώϐϤφ {chippusu}

Finlande - Taffel : chips gonflées (type curly) au fromage et bacon

composition : maïs / poudre de pommes de terres

traduction : sirut

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Royaume-Uni - Lays : saveur bacon cheddar

composition : pommes de terres

traduction : crisp

Nouvelle-Zelande - Bluebird : bacon et fromage

composition : pommes de terres

traduction : chips

Singapour - Calbee : chips au bbq de forme quasi rondes et homogène

composition : pommes de terres

traduction : tamoul - !l#க% {cillukaḷ} / malais - cip / mandarin - ᜮᇆ {xīnpiàn}

Autriche : chips au poivre

composition : pommes de terres

traduction : Kartoffelchips

Chine - Lays : concombre

composition : pommes de terres

traduction : ᜮᇆ {xīnpiàn}


Liste des chips à travers le monde

page 2

Afrique du Sud - Simba : chips ondulées au chutney

composition : pommes de terres

traduction : chips

Indonésie - Kushan : manioc, riz ou crevette

composition : farine de manioc, farine de tapioca

traduction : krupuk

Égypte - Chipsy : normales mais s’inspire de la cuisine locale

composition : pommes de terres

traduction : krompir

Allemagne - Lorenz : saveur paprika type rustiques

composition : pommes de terres

traduction : Kartoffelchips

Grèce - Lays : saveur origan

composition : pommes de terres

traduction : πατατάκια πατάτας {patatákia patátas} / grec - τσιπ {tsip}

Irlande - Guinness : à la bière (type rustiques)

composition : pommes de terres

traduction : sceallóga

Canada - Lays : saveur ketchup

composition : pommes de terres

traduction : croustilles

USA - Lays : toutes les saveurs

composition : pommes de terres

traduction : crisp chip

Hong-Kong : saveur calbee, de forme rondes et quasi homogènes

composition : pommes de terres

traduction : ᜮᇆ {xīnpiàn}

Australie - Kettle : saveur sel de mer et vinaigre

composition : pommes de terres

traduction : crisp chip

Serbie - Chipsy : ondulés, parfum comme le hotdog

composition : pommes de terres

traduction : чипс {čips}

Colombie - Margarita : normales saveur poulet

composition : pommes de terres

traduction : patates fritas

Russie - Lays : saveur caviar

composition : pommes de terres

traduction : чипсы {chipsy}

Pays-Bas - Lays : paprika

composition : pommes de terres

traduction : chips

Mexique - Habanero : piment

composition : farine de tournesol, farine de maïs

traduction : patates fritas

Espagne - Torres : huile d’olive

composition : pommes de terres

traduction : patates fritas

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J’ai vite compris que les analyses chimiques, biochimiques, nutritives, moléculaires de la chips en France et à travers le monde, même si elles nourrissaient ma connaissance et mon imaginaire, n’étaient en fait pas mon territoire de jeu. Pour le scientifique, comme pour l’architecte, souvent, tout commence par l’observation. Que pouvais-je extraire du processus de fabrication de la chips ? Comment en perturbant la forme de base, et en les mettant en scène, pouvais-je en changer la perception, la forme, et la consommation ? Est-ce que ce processus d’action sur la surface, sur la forme, sur l’espace de la chips, était déjà une architecture ?

Nous modélisons notre patrimoine en trois dimensions. Nous modélisons nos projets de batiment avant même d’en définir l’ordre et le chantier. Peut-on modéliser une chips en 3D ? Quel sens cela a-t-il ? La machine pourra-t-elle me révéler quelque chose que j’ignore ? L’image sera-t-elle délicieuse ou savoureuse ? Si je reproduis ce modèle en impression 3D, auraisje envie de la croquer ? de la lécher ? Quelle relation s’établit entre le clone et l’original ? Pourquoi une chips en plastique est-elle incroyablement belle dans sa complexité, dans sa surface, et pourtant absolument dénuée de toute dimension appétissante ?

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I quickly understood that the chemical, biochemical, nutritional, molecular analyzes of the crisps in France and around the world, even if they nourished my knowledge and my imagination, were not in fact my territory of play. For the scientist, as for the architect, often it all starts with observation. What could I extract from the crisps manufacturing process? How by disrupting the basic form, and by staging them, could I change their perception, form, and consumption? Was this process of action on the surface, on the form, on the space of the chips, already an architecture? We model our heritage in three dimensions. We model our building projects before we even define the order and site. Can we model a chips in 3D? What does it mean? Can the machine reveal something I don’t know about? Will the image be delicious or tasty? If I reproduce this model in 3D printing, would I want to bite it? to lick it? What relationship is established between the clone and the original? Why is a plastic crisps incredibly beautiful in its complexity, in its surface, and yet absolutely devoid of any appetizing dimension?

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Une fois reproduit, l’objet ordinaire et salé se chargeait d’une inertie structurale que seule l’architecture pouvait rendre habitable. L’architecture pouvait lui rendre sa sensualité désirable. Est-ce que j’habite une chips en imaginant son goût ? Est-ce que se promener sur sa surface agrandie, lui rend sa part d’imaginaire, transférant la saveur dans une errance rêvée ? Comme je ne souhaite pas utiliser la cuisine comme source d’inspiration, que la forme n’est pas ma quête, je réaliserais rapidement les limites de l’exercice et abandonnerais cette voix. La deuxième voix que j’imaginais comme possible, était plus techinique. Que se passe-t-il dans la chimie de la chips lorsqu’elle se transforme ? Un tel processus serait-il applicable à l’architecture ? Imaginez la jouissance à produire des espaces faisant frire la matière. Contrôlez toute la chaine d’action et lâchez prise sur le résultat. Cette quête biomoléculaire me paraissait à la fois fascinante, et hors d’atteinte. J’abondonnerais aussi cette voix. J’ai compris que je ne voulais pas utiliser la cuisine pour faire de l’architecture, mais utiliser l’architecture pour faire de la cuisine.

Once reproduced, the ordinary and salty object was loaded with a structural inertia that only architecture could make habitable. Architecture could make her sensuality desirable. Do I inhabit a crisps imagining its taste? Does walking on its enlarged surface give it its share of imagination, transferring the flavor into a dream wandering? Since I do not want to use the kitchen as inspiration, as fitness is not my quest, I would quickly realize the limits of the exercise and give up that way. The second way I imagined as possible was more technical. What happens in the chemistry of crisps when it turns? Would such a process be applicable to architecture? Imagine the enjoyment of producing spaces that don’t fry matter. Control the whole chain of action and let go of the result. This biomolecular quest seemed to me both fascinating and hos of achievement. I would also give up that voice. But I understood that I didn’t want to use the kitchen to make architecture, but to use architecture to make the kitchen.

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Afin de bousculer l’expérience “chips habitat”, j’ai d’abord analysé la forme de la chips primaire (non modélisée en 3D) , puis la forme du modèle 3D, en utilisant divers médiums : plâtre, résine, cire, pâte à modeler... Ces expérimentations sur la recherche de forme m’ont alors permis d’exploiter d’autres possibilités de création. Le catalogue de maquette qui en résulte m’a permis de découvrir des formes, inspirations design et matières. En traitant les différentes porosités et dimensions aléatoires de la chips. Et envisager la création d’un espace moléculaire.


In order to shake up the “chips habitat� experience, I first analyzed the shape of the primary chips (not modeled in 3D), then the shape of the 3D model, using various mediums: plaster, resin, wax, paste. modeling ... These experiments on the search for form allowed me to exploit other possibilities of creation. The resulting catalog of models allowed me to discover shapes, design inspirations and materials. By treating the different porosities and random dimension of the chips. And consider the creation of a molecular space.

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S

N E

Saviez-vous qu’un fond sonore, une ambiance musicale, un son, ont une influence sur une part de gâteau ? Lorsqu’il s’agit de manger, par habitude, par manque de curiosité, voir peut-être même par flemme, chacun d’entre nous s’enferme dans le petit monde du goût, de l’odeur, et de la vue. Mais que dire de la texture sous la langue, qui résiste, fond, ou craque? Du plaisir de rompre la croûte du pain, de caresser la mie, d’entendre l’infime symphonie d’une cuillère qui s’enfonce, d’une fourchette qui brise la pâte délicate. Je souhaite partager avec vous.

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S

(ES)

Did you know that a background sound, a musical atmosphere, a sound, have an influence on a piece of cake? When it comes to eating, out of habit, out of lack of curiosity, or perhaps even laziness, each of us locks ourselves into the little world of taste, smell, and sight. But what about the texture under the tongue, which resists, melts, or cracks? The pleasure of breaking the crust of bread, caressing the crumb, hearing the minute symphony of a spoon sinking, a fork breaking the delicate dough. I want to share with you.


Reproduire une expérience du professeur Charles Spence. Quel plaisir de compiler ma playlist : le Son du Goût. Mêler, composer, mélanger des bruitages, des captations, et d’évocations. En avoir l’eau à la bouche. Cet album met en évidence la puissance synesthésique de l’oreille dans le processus de dégustation. Ainsi, nous pouvons explorer comment d’autres facteurs peuvent influencer la perception de nos goûts, en addition à la nourriture elle-même ou son visuel. L’inspiration et mes recherches sont poussées, entre autres, par les expériences du professeur Charles Spence, ainsi que le Crossmodal Research Lab, affilié au département de Psychologie Expérimentale à l’Université d’Oxford. La plupart des scientifiques sont concentrés sur une chose : quels sont les mécanismes « transfontaliers » entre nos cinq sens, et en particulier lorsque nous mangeons ? La table de référence auditive le Son du Goût, véhicule certaines qualités très intéressantes d’un son qui nous apportera une association gustative différente. De même que le travail de recherche effectué par la

British Airways (cf. 3W), j’ai réalisé selon nos 5 goûts principaux (le sucré, le salé, l’acide, l’amer, et l’umami), des bandes sonores amenant à prolonger un goût salé, par exemple, permettant ainsi de réduire notre consommation en sel. Par exemple, le son Sucré à la hauteur la plus élevée et le niveau de rugosité le plus bas ; au contraire le son Amer contient la hauteur la plus basse et le niveau de rugosité le plus élevé. Cela explique pourquoi ces deux morceaux de musique apportent une sensation très amère et très douce respectivement. De même pour le son Umami, auquel j’ai incorporé le son d’une sauce onctueuse en petite ébullition, pour améliorer les saveurs moelleuses que nos langues perçoivent lors de la dégustation de la nourriture dite « savoureuse ». Ce travail a été réalisé par de nombreux enregistrements à la fois de routine journalière, illustrations de souvenir et aliments, afin de créer une symbiose artistique complète. Par définition, chaque expérience reste singulière et relative à chaque individu, ne pouvant être amenée à une généralité. Et vous, quel goût vous évoque le son de l’océan ? Et celui d’une délicate pluie un soir de pleine lune ?

Reproduce an experiment by Professor Charles Spence. What a pleasure to compile my playlist: the Sound of Taste. Mix, compose, mix sound effects, recordings, and evocations. Mouth watering. This album highlights the synesthetic power of the ear in the tasting process. Thus, we can explore how other factors can influence the perception of our tastes, in addition to the food itself or its visual. The inspiration and my research is driven, among other things, by the experiences of Professor Charles Spence, as well as the Crossmodal Research Lab, affiliated with the Department of Experimental Psychology at the University of Oxford. Most scientists are focused on one thing: what are the “cross-border” mechanisms between our five senses, and especially when we eat?

salt consumption. For example, the Sweet sound at the highest pitch and the lowest level of roughness; on the contrary, the Bitter sound contains the lowest pitch and the highest level of roughness. This explains why these two pieces of music bring a very bitter and very sweet feeling respectively. Likewise for the Umami sound, to which I incorporated the sound of a creamy sauce in a small boil, to improve the mellow flavors that our tongues perceive when tasting the so-called “tasty” food. This work was carried out by numerous recordings at the same time of daily routine, illustrations of memory and food, in order to create a complete artistic symbiosis. By definition, each experience remains unique and relative to each individual, which cannot be brought to a generality.

The Son du Goût reference table conveys some very interesting qualities of a sound that will bring us a different taste association. Like the research work carried out by British Airways (cf. 3W), I produced, according to our 5 main tastes (sweet, salty, acid, bitter, and umami), strips sound, prolonging a salty taste, for example, thus reducing our

What do you think of the sound of the ocean? And that of a delicate rain on a full moon night?

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JEU DES SENS De la synesthésie au crossmodal, je me suis bien amusée. Établir des liens très simples entre architecture et cuisine était peut-être périlleux, mais avait la force d’une évidence populaire. Dans l’expérience qui a consisté à remplacer le son d’une émission culinaire par un commentaire sur l’architecture en transformant de façon comique, mais sérieuse, les termes de cuisine en termes d’architecture avaient pour vertus de révéler les différences entre les deux façons d’agir, plus que leurs ressemblances. Lorsque le biscuit devient chape de béton, ou le remplissage, circulation des flux, alors que mon travail cherchait des similitudes. Le fossé comique entre les deux disciplines révélait leurs divergences.

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From synesthesia to crossmodal, I had a lot of fun. Making very simple connections between architecture and cuisine was perhaps perilous, but had the force of popular evidence. In the experiment which consisted in replacing the sound of a culinary program by a commentary on architecture by transforming in a comic, but serious way, the terms of kitchen in terms of architecture had the virtues of revealing the differences between the two ways of acting, more than their resemblances. When the cookie becomes a concrete screed, or the filling, circulation of flows, while my work was looking for similarities, the comic gap between the two disciplines revealed their differences.


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Pourquoi la même forme produit étonnement et surprise, lorsqu’elle passe de l’assiette à la ville, de la ville à l’assiette ? Ce travail est essentiellement visuel, un bâtiment dans une assiette ! L’objectif principal de ces expériences a été d’établir des liens lisibles et faciles, afin de questionner la place de l’architecture en cuisine. Why does the same form produce surprise and surprise, when it goes from plate to city, from city to plate? This work is essentially visual, a building on a plate! The main objective of these experiments was to establish readable and easy links, in order to question the place of architecture in cooking.

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Plan culinaire, Huffington Post

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Retournons à notre perception des aliments. En faisant des recherche plus profondes, vous savez désormais que notre perception de la nourriture ne dépend pas seulement des saveurs des aliments ni de notre seul organe sensoriel, mais de l’interaction à travers nos sens, ensemble, avec notre cerveau.

Going back on the way we perceive the food. While making some more futher researches, you can say that now, you know that our perception of food not only depend on the taste of food, or our only sensory organ, but on the interaction between our senses, together, with our brain.

En addition à la relation entre l’ouïe et le goût, la vision et le toucher (par exemple) ont des connexions inhérentes au goût perçu.

In addition with the relation between hearing and taste, sight and touch (for example) have inherent connections in perceived taste.

La perception cross-modale

LA PERCEPTION CROSSMODALE la vue

le toucher

l’odorat

l’ouïe

le goût

La perception crossmodale ou perception intermodale est une perception qui implique des interactions entre deux ou plusieurs modalités sensorielles différentes. La perception crossmodale ou perception intermodale est une perception qui implique des interactions entre deux ou plusieurs modalités sensorielles différentes.

The crossmodal perception is a percection that involve interactions between two or more different sensory modalities.


Un grand nombre d’études et d’expérimentations scientifiques démontrent que nos perceptions visuelles à partir de différents graphiques, couleurs et textures, conduiront également à des perceptions gustatives diverses.

A large number of studies and scientific experiments show that our visual perceptions from different graphics, colors and textures, will also lead to diverse taste perceptions.

“ C R O S S M O D A L” v s . M U LT I - S E N S O R I E L Changer ce qu'une personne voit peut changer radicalement ce qu'elle entend, changer ce qu'elle entend peut influencer ce qu'elle ressent et modifier ce qu'elle ressent peut modifier ce qu'elle goûte. D'où le terme « crossmodal » (interactions entre deux ou plusieurs modalités sensorielles différentes) impliquant que ce qui se passe dans un sens influence ce que nous vivons dans les autres (comme, par exemple, lorsque quelqu'un allume un éclairage rouge et que le vin de votre verre noir pourrait avoir un goût plus doux et plus fruité). Le terme « multi-sensoriel », en revanche, est plus souvent utilisé pour expliquer ce qui se passe lorsque, par exemple, le professeur Charles Spence change le son du crunch que vous entendez lorsque vous croquez dans une chips. (cf. Crisp Chip)

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Changing what a person sees can drastically change what they hear, changing what they hear can influence what they feel and changing what they feel can change what they taste. Hence the term “crossmodal” (interactions between two or more different sensory modalities) implying that what happens in one direction influences what we experience in others (like, for example, when someone turns on a red light and that the wine in your black glass has a sweeter, more fruity taste). The term "multi-sensory," on the other hand, is more often used to explain what happens when, for example, P. Charles Spence changes the sound of the crunch you hear when you bite into crisps. (see Crisp Chip)

“Sonic Chip” étude guidée par Charles Spence, Crossmodal Reasearch Laboratory de Oxford, 2004 ‘Sonic Chip’ golden booth at the Crossmodal Reaerch Lab in Oxford, 2004


« Nous avons cherché à savoir si la perception du croustillant et de la vétusté des chips peut être affectée en modifiant les sons produits pendant le croquage. Les participants de notre étude ont mordu les croustilles avec leurs dents de devant tout en évaluant leur croustillant ou leur fraîcheur à l'aide d'une échelle analogique visuelle sur ordinateur. Les résultats démontrent que la perception à la fois de la netteté et de l'obscurité a été systématiquement modifiée en faisant varier l'intensité et / ou la composition en fréquence de la rétroaction auditive provoquée pendant l'action de morsure. Les chips étaient perçues comme plus nettes et plus fraîches lorsque le niveau sonore global était augmenté, ou lorsque seuls les sons à haute fréquence étaient amplifiés de manière sélective. Ces résultats mettent en évidence le rôle important que les signaux auditifs peuvent jouer dans la modulation de la perception et de l'évaluation des denrées alimentaires (malgré le fait que les consommateurs ignorent souvent l'influence de ces signaux auditifs). Le paradigme présenté ici fournit également une nouvelle méthodologie empirique pour évaluer ces contributions multisensorielles à la perception des aliments. »

‘We investigated whether the perception of the crispness and staleness of potato chips can be affected by modifying the sounds produced during the biting action. Participants in our study bit into potato chips with their front teeth while rating either their crispness or freshness using a computer‐based visual analog scale. The results demonstrate that the perception of both the crispness and staleness was systematically altered by varying the loudness and/or frequency composition of the auditory feedback elicited during the biting action. The potato chips were perceived as being both crisper and fresher when either the overall sound level was increased, or when just the high frequency sounds were selectively amplified. These results highlight the significant role that auditory cues can play in modulating the perception and evaluation of foodstuffs (despite the fact that consumers are often unaware of the influence of such auditory cues). The paradigm reported here also provides a novel empiric methodology for assessing such multisensory contributions to food perception.’ Charles Spence, 2004


ÉTUDE EXTERNE Metatla O., Maggioni E., Cullen C., Obrist M., “Like Popcorn”: Crossmodal Correspondences Between Scents, 3D Shapes and Emotions in Children. CHI 2019, May 4–9, 2019, Glasgow, Scotland UK

14 participants (10-17 ans) ont accompli des tâches d’association multimodale pour attribuer des caractéristiques émotionnelles aux variantes des stimuli « Bouba / Kiki », présentés sous forme de modèles tangibles 3D, en conjonction avec des parfums de citron et de vanille. Les résultats soutiennent des correspondances préexistantes entre formes et parfums, et confirment les associations entre la combinaison de formes angulaires (« Kiki ») et de parfum de citron avec une émotion excitante, et de formes rondes (« Bouba ») et de parfum de vanille avec une émotion apaisante. Inspirée par ceux-ci, j’ai commencé à me questionner: est-il possible de créer un stimulus sensoriel différent par des interventions architecturales, d’augmenter ou diminuer nos perceptions d’un certain goût, et donc de modifier notre expérience gustative ? 104

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14 participants (10-17 years old) performed multimodal association tasks to assign emotional characteristics to variants of "Bouba / Kiki" stimuli, presented as tangible 3D models, in conjunction with lemon and vanilla scents. The results support preexisting correspondences between forms and perfumes, and confirm the associations between the combination of angular forms ("Kiki") and lemon perfume with an exciting emotion, and round forms ("Bouba") and vanilla perfume with a soothing emotion. Inspired by these, I began to question myself: is it possible to create a different sensory stimulus by architectural interventions, to increase or decrease our perceptions of a certain taste, and therefore to modify our taste experience? Inspired by these experiences, I began to question myself: is it possible to create a different sensory stimulus by architectural interventions, to increase or decrease our perceptions of a certain taste, and therefore to modify our taste experience?


parfum de vanille émotion apaisante vinilla scent smoothing emotion

parfum de citron émotion excitante lemon scent exciting emotion

Figure “Bouba”

Figure “Kiki”

14 participants (10-17 ans) ont accompli des tâches d'association multimodale pour attribuer des caractéristiques émotionnelles aux variantes des stimuli « Bouba / Kiki », présentés sous forme de modèles tangibles 3D, en conjonction avec des parfums de citron et de vanille. Nos résultats soutiennent des correspondances préexistantes entre formes et parfums, et confirment les associations entre la combinaison de formes angulaires (« Kiki ») et de parfum de citron avec une émotion excitante, et de formes rondes (« Bouba ») et de parfum de vanille avec une émotion apaisante. Metatla O., Maggioni E., Cullen C., Obrist M., “Like Popcorn”: Crossmodal Correspondences Between Scents, 3D Shapes and Emotions in Children. CHI 2019, May 4–9, 2019, Glasgow, Scotland UK

Ces résultats peuvent contribuer à la conception de technologies multisensorielles interactives plus inclusives.

These results can contribute to the design of more inclusive interactive multisensory technologies.

Ces résultats peuvent contribuer à la conception de technologies multisensorielles interactives plus inclusives.

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En dehors de ces graphiques abstraits, en réalité, prenons l’exemple d’un environnement de restauration, qu'est-ce qui nous stimulera pour interagir plus étroitement avec la nourriture ? La réponse est la vaisselle. J'ai donc essayé de repenser ces graphiques abstraits. Et puis j'ai eu ces assiettes, dans des styles différents, que j’ai appelé Vaisselle de Mai [āè / y], relatif au « cinquième goût » et à la contraction de umai signifiant « délicieux ». De même, chaque assiette correspond également à l'un de nos goûts de base. Pour moi, le plus important à travers la recherche et à la conception, est de permettre à plus de personnes de réaliser les nouvelles possibilités de changer et d’améliorer leur expérience alimentaire quotidienne. Voici quelques exemples plus pratiques : vous avez peut-être eu de mauvaises expériences culinaires dans l’avion ? Selon certaines recherches scientifiques, sous des bruits très intenses dans la cabine passagers, nos goûts se sont considérablement affaiblis. Certains ont montré que ce changement est particulièrement évident dans notre perception du sucré, du salé et de l’épicé. Après avoir connu le lien entre nos sens et nos goûts, pouvons-nous offrir de nouvelles solutions et suggestions issues de la cognition ou du comportement? Peut-être plutôt que d’augmenter la proportion d’ingrédients et leur assaisonnement dans le repas, nous pouvons simplement changer la vaisselle et la musique de fond pour ajouter des stimulations sucrées, salées et épicées. Cela améliorera-t-il l’expérience culinaire à bord ? C’est exactement ce qu’a réalisé la British Airways en

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2014 avec le menu « Sound Bite ». Un autre cas est que lorsque nous sommes malades, nous devons prendre des médicaments amers et difficiles à avaler. Il est impossible pour une de mes proches amie de prendre un médicament s’il n’est pas camouflé sous une douceur ou une friandise. Mais peutêtre qu’en changeant la couleur des emballages, vous pourrez soulager certaines douleurs. Encore une fois, nous sommes tous conscients des risques du régime riche en sel. Peut-être pour votre prochain repas, jouez simplement de la musique « salée » pour vous empêcher de prendre trop de sel. Enfin, nous savons tous que le café a un goût très riche. Peut-être que vous êtes intéressés par les sens, vous pouvez essayer de boire du café avec différentes couleurs de tasses. Vous pouvez rencontrer quelque chose de très différent. Grâce à la « conception », la nourriture peut être envisagée, perçue et digérée d’une nouvelle manière, et devenir le pouvoir de tirer parti de l’avenir. Je pense que la nourriture n’est plus seulement un objet pour maintenir la vie ou pour combler l’appétit, mais aussi un moyen spécial pour véhiculer l’identité, la mémoire et la civilisation. Le design alimentaire est un processus d’éveil cognitif - pour explorer la relation entre l’homme et le monde en reconstruisant la façon dont l’homme vit avec la nourriture.


Vaisselle Mai - assiette sucrĂŠe

Vaisselle Mai - assiette salĂŠe

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Apart from these abstract graphics, in reality, let's take the example of a catering environment, what will stimulate us to interact more closely with food? The answer is dishes. So I tried to rethink these five abstract graphics. And then I had these five plates in different styles, which I called Vaisselle de Mai [āè / y], relating to the "fifth taste" and the contraction of umai meaning "delicious". Likewise, each plate also corresponds to one of our basic tastes. For me, the most important thing through research and design is to allow more people to realize the new possibilities to change and improve their daily eating experience. Here are some more practical examples: Maybe you had a bad dining experience on the plane? According to some scientific research, under very intense noise in the passenger cabin, our tastes have considerably weakened. Some have shown that this change is particularly evident in our perception of sweet, salty and spicy. After knowing the link between our senses and our tastes, can we offer new solutions and suggestions from cognition or behavior? Perhaps rather than increasing the proportion of ingredients and their seasoning in the meal, we can simply change the dishes and the background music to add sweet, salty and spicy stimuli. And that will enhance the dining experience on board. This is exactly what British Airways did in 2014 with the “Sound Bite” menu. Another case is that when we are sick, we have to take bitter, hard-to-swallow medicine. It is impossible for a close friend of mine to take medication unless it is camouflaged by a sweet treat. But maybe by changing the color of the packaging, you can relieve some pain. Again, we are all aware of the risks of the high salt diet. Maybe for your next meal, just play “salty” music to keep yourself from getting too much salt. Finally, we all know that coffee has a very rich taste. Maybe you are interested in the senses, you can try drinking coffee with different colors of cups. You may experience something very different.

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Thanks to “conception”, food can be viewed, perceived and digested in a new way, and become the power to take advantage of the future. I think that food is no longer just an object to maintain life or to satisfy the appetite, but also a special means to convey identity, memory and civilization. Food design is a cognitive awakening process - to explore the relationship between humans and the world by reconstructing the way humans live with food.


C A N Y O U TA S T E THE COLOR ? Ces visuels représentent une étude, également réalisée par Charles Spence, visant à analyser la perception de nos gôut selon l’assiette dans laquelle le plat est servi. Ce que nous goûtons est profondément influencé par ce que nous voyons, une fois de plus, il s’agît de synethésie. De même, notre perception de l’arôme et de la saveur est également affectée à la fois par la teinte (c.-à-d. rouge, jaune, vert, etc.) et par l’intensité ou la saturation de la couleur des aliments et des boissons que nous consommons. Changer la couleur du vin, par exemple, et les attentes des gens - et donc leur expérience de dégustation - peuvent être radicalement modifiées. Parfois, même les experts peuvent être trompés en pensant qu’ils peuvent sentir les arômes du vin rouge lorsqu’ils reçoivent un verre de ce qui est en fait du vin blanc qui vient d’être coloré artificiellement pour lui donner un aspect rouge foncé ! À divers moments de l’histoire, des scientifiques ont affirmé avec confiance qu’il y avait absolument aucune association entre la couleur et le goût. À l’autre extrême, il y a des artistes aujourd’hui qui invitent le public à « goûter la couleur ». Je dois dire que je ne pense pas que les deux parties aient tout à fait raison. Les couleurs sont très certainement liées aux goûts, et pourtant je ne pense pas que vous puissiez créer un goût de nulle part, simplement en montrant la couleur appropriée.

These visuals represent a study, also carried out by Charles Spence, aimed at analyzing the perception of our taste according to the plate on which the dish is served. What we taste is deeply influenced by what we see, once again, it is synethetic. Likewise, our perception of aroma and flavor is also affected both by hue (i.e. red, yellow, green, etc.) and by the intensity or saturation of color of the food and drink we consume. Changing the color of wine, for example, and people's expectations - and therefore their tasting experience - can be radically changed. Sometimes even the experts can be tricked into thinking that they can smell the aromas of red wine when they receive a glass of what is actually white wine which has just been artificially colored to give it a dark red appearance! At various points in history, scientists have confidently asserted that there is absolutely no association between color and taste. At the other extreme, there are artists today who invite the public to "taste the color". I have to say that I don't think both parties are absolutely right. The colors are certainly related to the tastes, and yet I don't think you can create a taste of nowhere, just by showing the appropriate color. 109

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J’ai donc résumé quelques données de recherches, associées à des données scientifiques dans un tableau de paramètre visuel, significatif d’images correspondant aux 5 gouts. Ce dernier indique que nous pouvons percevoir différentes teintes, températures de couleurs, grain et netteté, et ainsi stimuler les différentes dimensions des goûts. Ce tableau montre les étendues et les emplacement de nos cinq goûts de base en quatre dimensions. Sur la base de ce tableau de paramètres visuels, j’ai conçu une série de visuels abstraits conceptuels et étranges, pour tester comment les goûts seront stimulés différemment lorsque les gens sont exposés aux différents stimuli avec différentes formes, couleurs et textures. Grâce à des expériences réalisées en réel avec le témoin A, ainsi qu’à distance avec l’assistance d’Audrey Trouilloud, doctorante en neurosciences à Grenoble. Les témoins A, B et C, m’ont permis de trouver un résultat très intéressant : il existe une corrélation forte et cohérente entre les graphiques et leur goût de base correspondant. La conclusion a confirmé mon hypothèse initiale. 110

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I summarized some research data, associated with scientific data in a visual parameter table, significant with images corresponding to the 5 tastes. The latter indicates that we can perceive different shades, color temperatures, grain and sharpness, and thus stimulate the different dimensions of tastes. This table shows the ranges and locations of our five basic tastes in four dimensions. Based on this table of visual parameters, I designed a series of conceptual and strange abstract visuals, to test how tastes will be stimulated differently when people are exposed to different stimuli with different shapes, colors and textures.

Thanks to experiments carried out in real life with witness A, as well as remotely with the assistance of Audrey Trouilloud, doctoral student in neuroscience in Grenoble. Witnesses A, B and C, allowed me to find a very interesting result: there is a strong and consistent correlation between the graphics and their corresponding basic taste. The conclusion confirmed my initial hypothesis.


A umami B amer / bitter C acide / sour D sucrĂŠ / sweet E salĂŠ / salted

A B-C

D-E


ATMOSPHERE

CLIMAT

Quels espaces éveillent notre appétit ? What spaces awaken our appetite?

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Quelle est l'influence réelle de l'atmosphère, du climat environnant ? Maintenant, chaque fois que nous mangeons, que ce soit dans un restaurant dans le noir ou étoilé au guide Michelin, ce que l’on voit, l’atmosphère, les sons, l'odeur, même la sensation de la chaise sur laquelle nous nous trouvons (sans oublier la taille et la forme de la table elle-même), tous influencent subtilement notre perception et/ou notre comportement. Grâce à l'évaluation des lieux de tourisme en ligne, j'ai constaté que les avis des gens ayant consommé la même chose peuvent varier de 20% ou plus en fonction de la l’atmosphère sensorielle où elle est servie. Cet exemple est relatif de l'importance de ces effets environnementaux. Dans certains cas, certains restaurants ont cherché à faire correspondre l'atmosphère à la nourriture qu'ils servent, à l'image qu'ils souhaitent dégager ou à l'émotion qu'ils souhaitent provoquer. Un exemple simple est un test dans une émission de téléréalité française intitulée « Top Chef », où les participants doivent créer leur propre restaurant et créer une atmosphère en accord avec le thème de leur menu ; on remarque inévitablement l’importance de l’atmosphère créée pour accompagner le menu. Lorsque nous imaginons une expérience culinaire, nous ne pouvons ignorer le cadre dans laquelle celle-ci se déroule. Si vous êtes loin de chez vous, dans une ville étrangère, pour décider où manger, ne finissez-vous pas toujours par vous diriger vers le restaurant qui a une ambiance, en d'autres termes, celui qui a une « atmosphère » ? Ou plus simplement vers un restaurant que vous connaissez, ou dont vous avez entendu parler ? Et ne restonsnous pas tous la plupart du temps loin de ces endroits où il n'y a pas de clients - vous savez, des restaurants qui ont l'air morts comme des pierres - peu importe à quel point ils sont recommandés ? Pouvez-vous vraiment améliorer le test perçu et/ou le plaisir d'un repas simplement en choisissant le bon type de musique de fond ? Le même aliment a-t-il un goût différent lorsque l'atmosphère ou l'environnement dans lequel il est servi change ? La réponse à ces questions est très souvent « oui ». L'atmosphère est le produit principal.

Just how much influence does the atmosphere/surrounded climate really have? Now, whenever we eat, be it in a dine-in-the-dark or Michelin-starred restaurant, the atmosphere, the sights, the sounds the smell, even the feel of the chair we happen to be sitting on (not to mention the size and shape of the table itself), all influence our perception and/or our behavior however subtly. Thanks to online tourism place rating, I found that people’s ratings of one and the same drink may vary by 20% or more as a function of the sensory backdrop where it is served. This is relevant of the importance of such environmental effects. In some cases, they have sought to match the atmosphere to the food they serve, the image they wish to create or the emotion that they wish to provoke. An easy example is a test in a french reality show called ‘Top Chef ’, where the participants must create their own restaurant and create an atmosphere in keeping with the theme of their menu. When we imagine an eating experience we can’t ignore the setting. If you are far from home, in some foreign city, deciding where to eat, don’t you always end up gravitating towards the restaurant that has a buzz, a vibe, in other words, the one that has ‘atmosphere’? And don’t we all mostly stay away from those places where there aren’t any diners — you know, restaurants that look stone dead — no matter how highly they come recommended? Can the atmosphere pf a restaurant determine how much we eat, not to mention how much we spend? Can you really enhance the perceived test and/or enjoyment of a meal just by picking out the right sort of background music? Does the same food actually taste different when the atmosphere, or environment, in which it is served changes? The answer to these questions is very often yes. The atmosphere is the primary product. 113

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U N E S PA C E D É D I É À L A C H I P S L’objectif de cette expérience a été d’imaginer comment créer un espace dédié à la chips. Comment un espace pourrait-il se construire dans une logique moléculaire en étant entièrement voué à la consommation des chips. La cuisine moléculaire consiste à manipuler des éléments (chimiques) afin d’en modifier l’état. Ce type de cuisine, en dehors de sa dimension scientifique, est une cuisine reconnaissable dans son procédé, et son résultat. Un exemple précis en architecture d’espace produit en fonction et avec ces paramètres de luminosité, d’humidité, et de température, pourrait être la conception d’une cave. La cave est avant tout un climat plus qu’une forme. Dans ce cas, ce sont donc les paramètres qui créent l’espace, non la forme (cf. travail de climatologie de Philippe Rahm). L’architecture est la partition des échanges, des quantités, et des paramètres qui produisent le climat que nous habitons. La forme combinée au faisceau des perceptions qui l’accompagnent (humidité, odeurs, etc.), produit une équation susceptible d’agir sur notre état d’être. Ma tentative de fabriquer un champ lexical qui définisse la chips auprès d’un groupe d’individus m’a amenée à établir un groupe de volontaires et un questionnaire. La majorité des réponses menaient invariablement à définir l’attirance pour la chips comme la conséquence directe d’une consommation libre et sans règles. Une chips se mange à n’importe quel moment, dans n’importe quel lieu, pour n’importe quelles circonstances. C’est un objet symbolique et mémoriel fort, synonyme de détente, de bien-être, et de divertissement. Elle se consomme en solitaire dans son salon ou avec des amis en terrasse, en passant par de nombreuses autres situations. Aussi, il est apparu impossible de définir un espace universel et une position idéale pour manger une chips dans toutes les circonstances. Si cette quête apparaît comme inutile pour produire un espace signifiant plutôt que de construire ma proposition sur une quête de l’universalité, je l’ai construite autour de désirs personnels.

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Le fauteuil LC4 de Charlotte Perriand m’a paru comme une évidence. Assise en position de repos, le paquet de chips sur les genoux, je m’imaginais infiniment plonger la main dans le paquet, me ravir du bruissement de la main qui froisse, des doigts qui saisissent, de la chips qui s’extrait. Quel plaisir de manger sans y penser, la langue avide de sel, et l’esprit libre. Ce fauteuil est parfait dans ce que l’on apprécie en mangeant des chips : une position détendue et adaptable. Le choix de cet élément a été important dans l’élaboration de l’espace qui en découle. C’est autour de ce fauteuil même que l’espace se construit. J’ai choisi une représentation reprenant les codes du fantastique brutaliste des années 1960 : un mouvement abstrait duquel ressortent des éléments d’architecture reconnaissables. Ainsi, j’ai introduit les éléments suivants : l’arche, les escaliers, le fauteuil, et un totem (issu du catalogue de recherche de forme). L’histoire de cet espace est de lui associer un fonctionnement digne d’un rituel : un rituel de la chips, consommé par les codes architecturaux du sacré “pour la chips” (l’arche, les escaliers, le fauteuil, le totem). Cette démarche aboutie à la création d’un village utopique, constitué d’une série de cubes, d’espaces dédiés, dans lequel on imagine alors une ambiance sonore activant l’ensemble de nos sens.

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C’est un labyrinthe organisé infini désirable, séducteur, fatal. Le bruit de la chips démultiplié mille fois est obsessionnel. C’est l’espace utopique de l’addiction. Il est merveilleux dans son paroxysme. Incroyable dans la multiplicité des relations, et des situations qu’il procure. Les centaines d’itérations d’un presque rien produisent un enfer perçu comme indispensable. Ma chips, ma drogue.

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Les ĂŠlĂŠments reconnaissables B 5.50 m

A

vue frontale utopique

The objective of this experiment was to imagine how to create a dedicated space for chips. How a space could be built in a molecular logic while being entirely dedicated to the consumption of chips. Molecular cuisine consists of manipulating (chemical) elements in order to modify their state. This type of cuisine, apart from its scientific dimension, is a cuisine that is recognizable in its process and its result. A specific example in architecture of space produced in function and with these parameters of brightness, humidity, and temperature, could be the design of a cellar. The cellar is above all a climate more than a form. In this case, it is therefore the parameters that create space, not form (cf. work in climatology by Philippe Rahm). Architecture is the partition of exchanges, quantities, and parameters that produce the climate we inhabit. The form combined with the bundle of perceptions that accompany it (humidity, odors, etc.) produces an equation capable of affecting our state of being.

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My attempt to make a lexical field that defines chips for a group of individuals led me to establish a group of volunteers and a questionnaire. The majority of responses invariably led to the attraction of crisps as a direct consequence of free, rules-free consumption. Chips are eaten anytime, anywhere, under any circumstances. It is a strong symbolic and memorial object, synonymous with relaxation, well-being, and entertainment. It is eaten alone in your living room or with friends on the terrace, passing through many other situations. Also, it appeared impossible to define a universal space and an ideal position to eat a potato chip in all circumstances. If this quest seems useless to produce a meaningful space rather than building my proposition on a quest for universality, I have built it around personal desires.


B A’

3.00 m

5.50 m

A

B’

PLAN

AA’

BB’

4.00 m

pique

The LC4 chair by Charlotte Perriand seemed obvious to me. Sitting in the rest position, the packet of crisps on my knees, I imagined myself immersing my hand immensely in the packet, delighting in the rustle of the crumpled hand, the fingers that grasp, the crisps that come out. What a pleasure to eat without thinking, the tongue hungry for salt, and the free spirit. This chair is perfect in what we like when eating chips: a relaxed and adaptable position. The choice of this element was important in the development of the resulting space. It is around this very chair that space is built. I chose a representation using the codes of the fantastic brutalist of the 1960s: an abstract movement from which stand out recognizable elements of architecture. So, I introduced the following elements: the arch, the stairs, the armchair, and a totem (from the shape search catalog). The history of this space is to associate with it a functioning worthy of a ritual: a ritual of chips, consumed by the architectural codes of the sacred “for chips” (the arch, the stairs, the armchair, the totem pole) .

This approach resulted in the creation of a utopian village, made up of a series of cubes, dedicated spaces, in which we imagine a sound atmosphere activating all of our senses. It is a desirable, seductive, fatal infinite organized labyrinth. The noise of the chips multiplied a thousand times is obsessive. It’s the utopian space of addiction. It is marvelous in its paroxysm. Incredible in the multiplicity of relationships, and the situations it provides. Hundreds of almost nothing iterations produce hell perceived as indispensable. My crisps, my drugs.

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Maquette de recherche

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Social Illustration by Jon Krause, cover feature of The New York Times Science section


Dinning

Je ne sais pas pour vous, mais je n'aime pas dîner seule, et encore moins à l’extérieur. Cela a toujours été un coup au cœur pour moi de voir des personnes diner seules au restaurant. Une histoire parmis d’autres sortie de journaux britanniques en 2017, racontait qu’un veuf britannique, Harry Scott, dînait seul dans son McDonald's local presque tous les jours, parfois deux fois par jour, au cours des trois dernières années. La triste vérité est qu'il n'a tout simplement plus personne avec qui partager ses repas depuis le décès de sa femme. Bien qu'il s'agisse d'un cas isolé, je pense néanmoins qu'il est révélateur de ce qui se passe dans la société en général. Un nombre croissant d'entre nous dînent seuls. Selon de nombreuses enquêtes, près de la moitié de tous les repas sont désormais pris seuls et plus d'un quart d'entre nous mangent seuls plus souvent que nous ne mangeons ensemble. Pire encore, nous sommes nombreux à manger notre repas principal de manière isolée la plupart du temps (un repas rapide au micro-ondes, un sandwich pour manger au volant ou

maintenant très fréquemment, se faire livrer un repas chez soit ou sur notre lieu de travail). Étant donné que les chiffres varient selon la culture et l'âge, pourquoi ne pas compter le nombre de repas que vous avez mangés seul au cours de la dernière semaine, et voir si vous inversez ou non la tendance. Pourquoi, pourriez-vous vous demander, devrionsnous même nous soucier de ce changement dans notre comportement alimentaire, au-delà d'être préoccupé par l'isolement croissant qui fait allusion à la société aujourd’hui ? Une grande partie des preuves indiquent que le dîner individuel a un impact négatif sur la santé physique et le bien-être mental des gens. Pour ma part par exemple, j’ai conscience de ne pas prendre le temps de cuisiner ou manger de façon équilibré lorsque je suis seule. Sans l’envie de partage, mon appétit disparaît aussi, ou change de façon notable. Je peux néanmoins « remercier » les réseaux sociaux par le biais desquels aujourd’hui le repas seul à pris un nouvelle tournure. Si nous avons le temps et les moyens, même seul, un individu peu se prendre bien plus facilement au jeu de préparer un bon repas, qu’il mangera seul face à sa communauté sur internet. 123

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I don’t know about you, but I don’t like dining out alone. It has always been a heart-breaker to me. And so a human-interest story in the british papers in 2017, recently caught my attention. It concerned a nonagenarian British widower, Harry Scott, who had been dining alone at his local McDonald’s pretty much ever day, sometimes twice a day, for the last three years. The sad truth was that he simply has no one else to share his meals with since his wife died. So, one the occasion of his 93rd birthday, the staff as the branch in Workington, Cumbria, held a party for the gold geezer. While this is an isolated case, I nevertheless think that it is indicative of what is happening in society at large. For the fact of the matter is that a growing number of us are dining alone. Nearly half of all meals are now eaten alone, and more than a quarter of us eat by ourselves more often than we eat in company, according to many surveys. Worse still, many of us eat our main meal in isolation most days (perhaps eating lunch alone at a desk, or consuming a microwaved meal, or grabbing a bite to eat a drive-thru). Given that the figures vary by culture and age, why not count up how many meals you have eaten by yourself over the last week, day, and see whether or not you buck the trend. But why, you might ask, should we even care about this change in our eating behavior, beyond being concerned by the growing isolation that hints at in society today? Much of the evidence points towards dining solo having a negative impact on people’s physical health and mental well-being.

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Also, this is relative to the effect of the covid-19, the sanitary crisis that force people to be isolated from the others, which creates an increase of depressed cases. A meta-analysis of seventeen different studies, involving more than 180,000 adolescents and children, relieved that regular sharing meals as a family reduced the odds of youngster being overweight by 12%. It also increased the likelihood of their eating healthy foods by almost 25%. I would agree with American psychologist Harry Harlow, who, back in the 1930s, put it thus: ‘[A] good meal taste better if we eat in the company of friends.’


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POURQUOI SOMMES-NOUS SI NOMBREUX À MANGER SEUL ? Je pense que cela est sans aucun doute lié au rythme de nos vies. Surement aussi au fait que nous sommes plus nombreux à vivre seuls, en raison d’un report de l’âge moyen du mariage, des divorces. Un autre facteur important ici est lié à l'évolution de nos habitudes alimentaires et à l'impact des réseaux sociaux dans notre vie quotidienne. À quand remonte la dernière fois que vous avez invité quelqu'un à dîner chez vous ? Selon les résultats de différentes enquêtes à travers l’Europe, 78% des gens n'invitent pratiquement plus leurs amis à l'heure des repas, préférant ainsi les retrouver à l’extérieur ou encore organiser des « apéros dinatoire ». Notons d’ailleurs que le repas entre amis le plus populaire à travers de nombreux pays aujourd’hui est le barbecue, par son côté ludique. Lorsque l’on demande aux sujets d’étude pourquoi, la raison souvent répétée est qu'ils considèrent souvent comme une « perte de temps » ou une quantité de travail trop excessive à préparer un repas 100% « maison », compte tenu de leur mode de vie de plus en plus agité. En effet, le temps moyen passé à préparer un repas est passé d'environ une heure dans les années 1960 à seulement 34 minutes aujourd'hui. Serions-nous devenu égoïste ? Le temps prit à cuisiner, offert aux autres, est-il devenu un luxe inacceptable ? I think that is undoubtedly linked to the rhythm of our lives. Surely also to the fact that more of us live alone, due to a postponement of the average age of marriage, of divorces. Another important factor here is related to the evolution of our eating habits and the impact of social networks in our daily life. When was the last time you invited someone over for dinner? According to the results of various surveys across Europe, 78% of people hardly invite their friends over at mealtime, preferring to meet them outside or even organize “aperitif dinners”. Note that the most popular meal with friends today is the barbecue, for its playfulness. When asked why, the reason often repeated is that they often consider it a “waste of time” or too much work to prepare a 100% “homemade” meal, given their increasingly hectic lifestyle. In fact, the average time spent preparing a meal has dropped from around an hour in the 1960s to just 34 minutes today. Have we become selfish? Has the time taken to cook, offered to others, become an unacceptable luxury?

Avec le développement des applications de livraisons à domicile, les lieux de restauration se déplacent chez vous, dans des espaces privés. L’apparition de “restaurant fantômes” (restaurant dédié uniquement à la livraison, sans salle de restauration), se multiplient à travers le monde. On ne va plus au restau, on commande un restau. Ce phénomène implique évidemment un comportement plus solitaire. With the development of home delivery applications, food places move to your home, in private spaces. The appearance of “ghost restaurants” (a restaurant dedicated only to delivery, without a dining room), are increasing around the world. We no longer go to the restaurant, we order a restaurant. This phenomenon obviously implies a more solitary behavior.


Manger seul est mauvais pour plusieurs raisons. D'une part, ceux qui mangent seuls ont tendance à adopter des comportements alimentaires plus pauvres. Chez les hommes, par exemple, manger et vivre seul sont conjointement associés à une prévalence plus élevée de problèmes de poids, ce qui signifie l'obésité d'une part et l'adoption de comportements alimentaires malsains, comme une faiblesse en apport de fruits de légumes. Sans surprise, ceux qui dînent seuls sont également plus susceptibles de se sentir seuls cqfd. De nombreuses personnes âgées qui se retrouvent à l'hôpital ou dans des établissements de soins de longue durée souffrent également de dénutrition, aggravée par le fait qu'elles sont souvent obligées de manger seules. Tout ce qui peut être fait pour ramener l'élément social au restaurant contribuera probablement à améliorer l'état nutritionnel des personnes vulnérables. Par exemple, deux études menées aux États-Unis ont montré que les patients âgés hospitalisés consommaient beaucoup plus de nourriture lorsqu'ils étaient encouragés à adopter un comportement interpersonnel plus actif avec leurs soignants au moment des repas. Ceux qui vivent seuls, et donc mangent régulièrement seuls, ont également tendance à générer beaucoup plus de déchets alimentaires que ceux qui vivent et dînent avec d'autres, un problème exacerbé par le fait que les portions généralement disponibles dans les supermarchés ne répondent pas souvent à ceux qui vivent seuls.

Dining solo is bad for a number of ways. On the one hand, those who eat by themselves tend to engage in poorer food behaviours. In males, for instance, eating and living alone are jointly associated with a higher prevalence of weight problems, by which I mean obesity at one hand of the spectrum and being underweight and/or engaging in unhealthy eating behaviors, such as a low fruit and vegetable intake, at the other. Unsurprisingly, those who dine solo are also more likely to feel lonely. Many older individuals who find themselves in hospital or in long-term care also suffer from undernutrition, which is made worse by their often being forced to eat solo. Anything that can be done to bring the social element back to dining is likely to help improve the nutritional status of there vulnerable individuals. For instance, a couple of studies conducted in the US demonstrated that elder hospitalized patients en un consuming significantly more food when they are encouraged to engage in more active, interpersonal behavior, with their caregivers at mealtimes. Those who live by themselves, and hence regular eat alone, also tend to generate far more food waste than those who live and dine with others, a problem exacerbated by the fact the the portion sizes that are commonly available in the supermarket often do not cater to those living alone.

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ACCESSOIRES DÉCORTIFS

DÉSHALTÉRANT

LIMITE N°2 ZONE INTIME

NOURRITURE

LIMITE N°3 MILIEU DE TABLE

BOISSONS

SOCIAL

ÉLÉGANCE PROPRETÉ

LIMITE N°1 BORD EXTÉRIEUR DE L’ASSIETTE

ACCESSOIRE SOCIAL

FRONTIÈRE EXTÉRIEURE

ORIENTATION TÊTE-À-TÊTE

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TABLE


ORIENTATION UNIQUE FRONTIÈRE SOCIALE

SIMPLICITÉ

OUTIL N°3

OUTIL N°2

OUTIL N°1

NOURRITURE

BOISSON

PROPRETÉ ENNUI

FRONTIÈRE N°1 BORD INTÉRIEUR DE L’ASSIETTE FRONTIÈRE N°2 BORD EXTÉRIEUR DE L’ASSIETTE FRONTIÈRE N°3 PLATEAU

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TA B L ( I E R ) P O U R Q U AT R E Cette dernière expérience est l’un des résultats de mes recherches sur l’espace gustatif, et la convivialité. L’idée simple est de prendre un élément vestimentaire utilisé en cuisine (le tablier), et se demander dans quelles mesures ce dernier peut se transformer en un espace. C’est ainsi qu’en combinant design et mathématiques (contrôle des forces X et Y) par triangulation, j’ai abouti à ce résultat. L’association de 4 tabliers (pour 4 convives) en un point central permet alors le développement d’une toile tendue pouvant servir de “table” à manger. Le côté ludique de cette expérience se trouve à la fois dans sa forme, mais également dans son usage. Ce “tablier pour quatre” permet de requestionner les outils liés à l’alimentation, et l’espace architectural qui se retrouve soudainement au centre de la table. Ce sont les consommateurs, dans leurs mouvements, qui créent l’espace. This last experience is one of the results of my research on taste space and conviviality. The simple idea is to take a piece of clothing used in the kitchen (the apron), and ask yourself to what extent it can be transformed into a space. This is how by combining design and mathematics (control of X and Y forces) by triangulation, I arrived at this result. The association of 4 aprons (for 4 guests) at a central point then allows the development of a stretched canvas that can serve as a dining “table”. The fun side of this experience is both in its form, but also in its use. This “tabliler pour quatre” allows you to request the entire architectural space, which suddenly finds itself in the center of the table. It is the consumers, in their movements, who create the space.

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Une architecture mobile et éphémère qui se déplace Dont la forme et le résultat font la rencontre Pensée à partir de l’usage Faire du partage le dessin de la forme Un lieu qui se déforme Une architecture qui est partout chez elle Une architecture qui fait de l’absence une abîme, et de la solitude un anéantissement Une architecture invisible, ordinaire Qui fonctionne mal si on ne la respecte pas Une architecture qui cherche à se définir par ses limites Une architecture que l’on voudrait lécher en partant Une architecture qui pour faire plaisir à Perec, Interroge les petites cuillères.

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Je rêve d’un paquet de chips.

Je rêve d’un espace aussi facile à partager qu’un paquet de chips. Je rêve d’un espace dont on se souvient avec plaisir, qui jaillit au détour d’une pensée, assis dans le métro. Debout dans la queue du boulanger. Je rêve d’un espace qui parle d’enfance. Je rêve d’un espace salé, libre, et subversif. Je rêve d’un espace qui pousse mon corps à exprimer sa joie, son désir comme l’on salive juste à la pensée d’une chips. Je rêve d’expériences qui font rire. Je rêve de lieux qui satisfassent, comme l’eau étanche la soif. Je rêve d’architecture qui transcende l’usage en rencontre, et transforme les doutes en sacré. Je rêve d’une population qui accorderait autant de soin à l’espace qui l’habite, qu’à la cérémonie du thé dont il s’abeuvre. Je rêve que l’architecture ne soit plus jamais réduite à des parpaings. Je rêve que l’architecture puisse me susurrer des musiques, que les fenêtres puissent parler au vent, et toitures au soleil. Je rêve de plaisir immédiat, de responsabilité éternelle.

"It’s not the package of chips that creates the event, but the space itself "

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I dream of a space as easy to share as a packet of crisps. I dream of a space that we remember with pleasure, which springs from a thought, sitting in the subway. Standing in the baker’s tail. I dream of a space that talks about childhood. I dream of a salty, free, and subversive space. I dream of a space that pushes my body to express its joy, its desire like salivating just at the thought of a potato chip. I dream of experiences that make you laugh. I dream of places that satisfy, like water quenches thirst. I dream of architecture that transcends use in meeting, and transforms doubts into sacred. I dream of a population that would give as much care to the space that inhabits it, than at the tea ceremony he is working on. I dream that architecture will never be reduced to concrete blocks again. I dream that architecture can whisper music, that the windows can speak to the wind, and roofs to the sun. I dream of immediate pleasure, of eternal responsibility.

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Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux personnes m’ayant accompagnée durant mes années d’études. À la découverte du monde, ce travail clôt aujourd’hui 5 années de succès et d’échecs, de remises en question, de maturité, de challenges, découvertes, intérrogations et créativités, au sein de l’école d’architecture Confluence Institute for Innovation and Creative Strategies in Architecture, où je me suis construite. Je tiens particulièrement à remercier Odile Decq, directrice, architecte mais avant-tout femme extraordinaire, ainsi que Nicolas Hannequin, architecte, théoricien et critique d’une justesse admirable, pour m’avoir donné cette culture et capacité d’agir, et sans qui mon parcours n’aurait pu être égal à celui-ci. J’adresse aussi mes profonds remerciements à Lionel Lemire, tuteur de diplôme et maître à pensé, pour son temps, sa patience et son aide. Merci de m’avoir accompagné et apporté les éléments nécessaires pour construire mon travail. Je vous remercie vous, mes proches, pour votre soutien moral constant et parfois critique, pour votre présence tout au long de ces années, et de cette dernière particulièrement intense, et pour vos encouragements. Merci d’avoir essuyé mes inquiétudes et cru en moi. Papa, Maman, Syssi, Tiyou, Nana, mes grands-parents, Priscille, Ella, Habiba, Alison, Adrien, Romane, Emile, ma famille, Isabelle... et spécialement, Franitch, pour ton appui inégalable, me poussant à me dépasser chaque jour. Je remercie également mes camarades, avec qui nous avons toujours partagé et échangé. Un travail nécessaire pour maintenir cette volonté de construire le monde de demain. Thomas, Arthur, Jhila, Meriem, Jean-Baptiste, Aldo, Joséphine, Maelle, Anouchka, Kevin, Adrien, Maxime, le programme Immersions du semestre de printemps 2020, et tous les autres. Ainsi que Chloé Rouhana, Raphaël Lambotte et Baptiste Rougé-Lauth pour leur participation. Et surtout, merci à ces professionnels pour m’avoir offert leur temps, leur savoir, leurs pensées et convictions concernant mon sujet d’études et mes recherches. Je pense à Sir Peter Cook, architecte que l’on ne présente plus, Cécile et Hervé Bourg, amis et chef de leur restaurant à Toulouse (la Verrière), Lea Froment, designer culinaire à Jakarta. Merci aux membres du jury de soutenance. Odile Decq, Julie Rothhahn, Joséphine Bourat, Lionel Lemire et Jacques Sautereau. Pour terminer, je remercie Aaron Sprecher, Jacques Sautereau, Martin Detoeuf, Domitille Roy, Charles Ober, Chandler Ahrens, et tous les intervenants que j’ai eu la chance de rencontrer durant mon cursus pour la transmission de leur savoir. Merci



La poésie souple et profonde qui émane d’un homme Invitant à rassembler les mots qui s’aiment, les pensées qui se révèlent Où le doute laisse place à la liberté Ne peut-on s’imaginer un tel miracle ? Emue, subjuguée Littéralement touchée et à jamais reconnaissante. Merci


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Bibliographie

Ferran Adria, L’Art des mets, Un philosophe à elBulli, Jean-Paul Jouary Les Impressions nouvelles, 2011 “ Et si ce restaurant n’en était pas un, mais un lieu de création artistique, comme une salle de concert ou une galerie, où l’on s’en vient quérir non de quoi se nourrir agréablement, mais des émotions intimes ? ” Gastrophysics, Charles Spence, pages 102-103 The Sausage of the Future, Carolien Niebling Lars Müller Publishers, 2017 This book takes the reader on a journey through all the building blocks of a sausage and presents lesser-known ingredients, carefully selected for their future potential. Les Villes Invisibles, Italo Calvino Gallimard, 1972 Monographie Odile Decq A & J International, 2006 “Le Festin” Et devant moi, la liberté, Virginie Mouzat Flammarion, 2019 L’Art Culinaire français, pages 19-21, 24-28 Flammarion, 1959 The multisensory perception of flavor, Consciousness & cognitions, Malika Auvray & Charles Spence pages 100-101 A study of the science of taste: On the origin & influence of the core ideas, Robert P. Erickson INSEE Web surveys TedX

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