Créer la ville avec les pieds La marche à pied productrice et créatrice de savoirs Mémoire de Licence - L’architecture du savoir - Éav&t - Juin 2017 Par Ophélie Gardet sous la direction de Julie André-Garguilo
Ophélie Gardet sous la direction de Julie André-Garguilo
Créer la ville avec les pieds La marche à pied productrice et créatrice de savoirs
Mémoire de Licence Juin 2017 L’architecture du savoir École d’Architecture de la Ville et des Territoires
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J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire.
Pour commencer, je veux adresser mes remerciements à ma directrice de mémoire Julie André-Garguilo, pour sa disponibilité et ses conseils lors de mes recherches qui m’ont aider à trouver des solutions pour avancer.
Je remercie également Jens Denissen et Quentin Leveque pour m’avoir accordé du temps et m’avoir apporté de précieuses références lors de nos entrevues.
Enfin, je tiens à remercier mes amis et mes proches qui ont eu la patience de m’accompagner lors de mes longues promenades à pieds.
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Sommaire 9
Préface
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Introduction
La marche appliquée et productrice
I. Politique
A. Quel est l’intérêt de la marche à pied pour les politiques publiques ? B. La mise en place d’une politique piéton C. Différente approches D. Communiquer la marche E. Vehicule de la democratie
17-19 20-21 22-29 30-31 32-33
II. Sociale
A. Réappropriation du territoire A.1 Revelation du territoire par la Transurbance A.2 Ludifier la ville B. Expression d’une identitée du territoire A.1 La marche comme projet collectif A.2 Changement de comportement citoyen
36-39 40-43 45 46
La marche créatrice de savoir
III.Scientifique A. La naissance d’une discipline scientifique B. Plusieurs sciences de la marchabilité B.1 La géographie des espaces marchables B.2 Les mathématiques au service du marcheur B.3 Une sophrologie de l’espace B.4 La marche stratifiée C. Chiffrer la marchabilité
54-55 56-57 58-59 60-61
IV. Architecture
A. Acte sculptural B. Architecture du mouvement
Conclusion Lexique Annexe
49-51 52-53
62-63 64-65 66-67 68-69 70-73
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Preface Créer la ville avec les pieds, en voilà une drôle d’idée. Cela n’a pas directement été le propos tenu par ce mémoire.
J’ai toujours eu un grand intérêt à marcher, je marche pendant de longues heures sans jamais avoir d’objectif à atteindre pour le seul plaisir de regarder ce qu’il se trouve autour de moi et de découvrir la ville, cachée, celle qui n’appartient à que ce qui ose s’y promener. Je me dois par ailleurs de remercier les gens qui ont su avoir la patience de marcher avec moi découvrir encore et encore la ville, bien plus loin que là où les chemins nous menaient, alors qu’ils avaient mal au pieds et me suppliait de rentrer. C’est grâce à ces longues balades nocturnes et étourdis que j’ai commencé à réellement aimer la ville.
Au moment de commencer ce mémoire, je me trouvais à Santiago au Chili pour un semestre d’étude et j’avais été, évidemment, très touché par les odeurs, les sons, les couleurs, et les textures des rues. Ceci m’a alors donné envie de m’intéresser aux composantes de l’espace urbain et plus précisément aux textures et à leurs phénoménologies. Le livre Le regard des sens de Juhani Pallasmaa m’a alors permis de comprendre l’importance de penser l’architecture par les sens, cependant le sujet si complexe et vaste m’a perdu. Puis, je suis tombé sur cette citation de Laurent Tholbecq dans La ville en chantier ou la marche entravée : vers une perception renouvelée de l’urbanisme oriental romain :
“Ca et là, hors des grandes rues et dans les faubourgs, subsiste le pavé pointu, exécrable, qui blesse les pieds; ce sont des pierres de toutes formes serrées au hasard”
A partir de ce moment, mon sujet était bien plus clair : le piéton. Comment percevait-il l’espace et le paysage de la ville. La notion de Walkability m’avait alors été soufflée par ma directrice de mémoire Julie André-Garguilo. En effectuant mes recherches sur la pratique scientifique de la marche, mon regard s’est tourné vers l’ouvrage de Francesco Careri, Walkscape la marche comme pratique esthétique.
Puis, c’est en relisant le dernier chapitre dans lequel il mentionne les vides urbains et périurbains, qu’il faudrait ésaturer et suturer, que j’ai fait le rapprochement avec les promenades du Voyage Métropolitain. Ce dernier ayant pour d but de voir les travers et les faces cachées de la ville pour mettre en évidences les vides qui l’entoure et qui en font sa richesse, mais surtout de les suturer mentalement les uns aux autres. C’est une manière de consolider le squelette branlant de l’agglomération péri-urbaine de Paris. Ma question a alors été : la marche peut-elle combler les vides urbain ? Serait-elle capable de créer la ville ?
Le titre de ce mémoire Créé la ville avec les pieds, m’a été inspiré d’un recueil de géopoétique Marche et paysage, les chemins de la géopoétique dirigé par Bertrand Levy et Alexandre Gillet dans lequel l’auteur explique pourquoi écrire “avec ses pied” lui était indispensable et lui a permis d’avoir une meilleur conscience du monde.
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Introduction
La marche à pied fait partie de notre quotidien,cependant, celle-ci a tendance à s’effacer de plus en plus au profit de l’usage, parfois excessif, de la voiture. Il s’agit pourtant d’un acte tout à fait naturel et même d’un besoin primaire. Elle différencie l’homme de l’animal par le principe factuel de se mettre debout sur ses deux jambes et de générer un mouvement propice à la création et à la découverte. C’est de cette manière que, grâce à la marche nous avons été capables d’explorer et de connaître le monde. Jusqu’au Néolithique, l’homme est nomade il serait même, selon Francesco Carreri capable de créer et modifier les paysages par sa simple action de marcher. Les civilisations et le monde évoluent : l’homme se sédentarise, et la migration des civilisations, de groupe ou solitaire se transforme en errance. Marcher est devenu un objectif. Son but étant purement mental et abstrait, celui de la quête de spiritualité.
1. Georges Amar, “Introduction”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p. 16.
2. Merlin Coverley, Psychogéographie, poétique de l’exploration urbaine, Les moutons électriques, Lyon, 2011, 192p.
À partir du XVIIIe siècle, les territoires et les modes de vie s’industrialisent et le temps nécessaire à son exercice se réduit. Dans son essai Les grandes villes et la vie de l’esprit, Georges Simmel introduit son propos en expliquant de manière extrêmement critique, que tous les plus grands maux rongeants les hommes étaient liés à ceux créés par la ville. Marcher apporte alors une respiration et permet de prendre du recul sur son environnement pour mieux le questionner. Sa pratique aurait ainsi influencée nombre de poètes, écrivains et philosophes pour qui la marche est devenu un outils, à l’exemple de Bashô au XVIe siècle ou plus récemment avec Rimbaud qui déclarait : “ Je suis un piéton, rien de plus”1. Petit à petit, l’action de marcher s’intellectualise, la marche en tant que pratique savante est reconnue. La figure du flâneur devient le symbole de l’émancipation de l’homme contre l’aliénation de la ville. Avant le marcheur, producteur d’urbanité, il y a le flâneur, aspirateur de l’urbanité. À l’affût de tout, romantique, il s’émerveille de son environnement de par tout ses sens. Le plaisir est l’objectif de sa déambulation. C’est au flâneur que l’on doit les récits de longues descriptions sur chaques détails ponctuant la ville, à l’instar de Charles Baudelaire dans son ouvrage Les peintres de la vie moderne2. S’est alors théorisé l’outil de la marche au début du XIXe siècle, notamment par les courants situationnistes et lettristes. En écrivant La société du spectacle, Guy Debord introduit la notion de dérive, qui appelle à un laisser aller complet aux sollicitations de la ville. Il s’agit d’aller en contradiction avec les logiques imposées par le contexte, d’explorer la ville de manière à entretenir une distante avec l’environnement, il n’y a pas d’interaction directe, l’attitude est passive, la curiosité ne guide pas les pas du marcheur. Debord réinterprète ainsi les données que lui a offert la pratique de la dérive pour créer des cartes mentales, la plus connus étant celle de The Naked City de 1958. En continuité
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3.
Simmel Georg, Les grandes villes ou la vie de l’esprit, Paris, l’Herne, Carnets, 2007, p. 2.
avec cette réinterprétation de la marche en ville, la marche devient productrice d’art. S’en est donc suivis la création de multiple champs théoriques utilisant la marche à pied comme créatrice, comme la géopoétique ou la psychogéographie. Toutes deux sont des disciplines qui ont un fort lien avec le territoire et l’environnement. Il s’agit de prendre une extrême conscience de l’espace et de se resituer soi-même dans le temps pour écrire poèmes - dans le cas de la géopoétique- ou de décrire les paysages et identifier les acteurs du territoire dans le cas de la psychogéographie -. Aujourd’hui, la marche détient un rôle nouveau. L’urbanisme et l’architecture du début du XXIème siècle et l’urbanisation rapide des villes n’ont fait qu’engendrer une perte des sens et de conscience des territoires urbains par une prédominance de la vue. D’une civilisation ou l’oral et le geste du travail sont les sens les plus présent, l’écriture, la publicité et la signalétique n’ont fait qu’accroître l’utilisation omniprésente de la vue et la distance “jetée entre les hommes”3. C’est par ses arguments que Juhani Pallassama dans son ouvrage Le regard des sens, appelle à un retour aux sens et à une architecture qui en puise les sources. La ville n’est plus agréable à marcher, façonnée par le vide et maltraitée, nos yeux ne sont plus disposés à l’apprécier. Il serait alors peut-être, temps de retourner à penser la ville par nos sens comme le suggérait Pallasmaa pour l’architecture. Comment alors donner sens et recréer une interaction haptique lorsque nous nous entreprenons le choix de marcher en ville ? Comment retrouver un attrait pour la ville moderne, alors que notre curiosité s’arrête lorsque nous avons atteint le but de notre déplacement ? Que se soit le collectif Stalker dirigé par Francesco Carreri établit à Rome en 1995 ou, plus récemment celui du Voyage Métropolitain créé par Jens Denissen à Paris en 2004, ces initiatives contemporaines traduisent un attrait grandissant pour la marche à pied. Peut-elle favoriser la reconstruction et la revalorisation du paysage urbain et périurbain ? Dix ans après le premier Plan Piéton adopté à Genève en 1998, où en sommes-nous en France, aujourd’hui ? Cette nouvelle pratique peut-elle faire preuve d’urbanité ? Comment peut-elle participer au processus de création de la ville et de quelle manière la prenonsnous en compte ?
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Introduction
[1] The Naked City - Illustration de l’hypothèse des plaques tournantes en psychogéographique. Guy Debord,1957
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Premièrement, nous allons voir de quelle manière la marche est appliquée par les politiques publiques et les habitants. L’intérêt pour la santé publique et l’écologie ne fait qu’augmenter auprès du grand public. Les collectivités locales et les politiques publiques font de plus en plus de la marche un argument de développement pour la ville. Elle intervient alors dans des problématiques de structure et de réseau urbains, mais aussi dans celui du combat à l’accessibilité. De plus, la marche à pied est une pratique dont l’étude est pluridisciplinaire. Elle ne peut s’appréhender sous un seul angle d’attaque car elle rentre dans un processus en constante évolution technique et sociale. Elle provoque une perception différente du paysage urbain. La marche à pied est vécue, par les citoyens, les piétons et les marcheurs. Elle permet une réappropriation du territoire cognitif et une expression identitaire du territoire vécu. Deuxièmement, comment la marche est-elle créatrice de savoir et permet une appréhension particulière de l’architecture. L’urbanisme américain a commencé à prendre du recul sur sa politique du “tout voiture” et de la mégastructure. La marche s’inscrit alors dans un processus d’étude scientifique : la walkability. Plusieurs approches se distinguent aujourd’hui. D’une part la marche est étudiée de manière protocolaire, de l’autre, de manière organique. Il s’agit en somme de l’étude de l’architecture de la marche. La marche peut être entendu comme une architecture ; productrice de connaissance et de création. C’est une discipline à part entière et permet une redéfinition de qualité spatiale des lieux, c’est une forme d’architecture.
4.
Cf, lexique p. 68.
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La récente considération de la marche comme discipline en engendré l’invention d’une profusion de nouveaux mots, et l’enrichissement du vocabulaire de l’écologie4.
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La marche appliquĂŠe et productrice
I.
La prise en compte de la marche, dans la politique publique des villes
II. La prise en compte de la marche, par les habitants
I. La prise en compte de la marche, dans la politique publique des villes Quel est l’intérêt de la marche à pied pour les politiques publiques ?
1. Laurent Tholbecq, “ La ville en chantier ou la marche entravée : vers une perception renouvelée de l’urbanisme oriental romain”, Clara : marche et espace urbain de l’antiquité à nos jours, n°1, 2013, pp. 33-44. 2 Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie, « Effets induits, zones piétonnes », CETUR, STU, CETE d’Aix en Provence, 1980, 92p.
3. Stéphane Tonnelat, “Une infrastructure de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp.122. 4. Communauté d’agglomération Est Ensemble, “Les modes actifs et alternatifs”, in Synthèse du projet de Plan Local de Déplacement, approuvé au conseil communautaire du 15 décembre 2015, p.39. 5. Nathalie Binter, La ville en marche : un pas vers le confort des piétons, Ecole d’Ingénieur de la ville de Paris, Étude urbaine 2012, p.3.
La ville, quelle qu’elle soit, s’est construite par ses citoyens. Des citoyens qui, à pied, à la force de leur bras et de leur jambes ont monté des édifices et ont mis en place un type de système politique. De ce fait, l’homme à pied à créé la ville. La société romaine avait même promue la marche à pied par le biais de stoa et de galeries couvertes nommées ambulatio1. L’intérêt pour les politiques de la ville d’encourager le déplacement à pied de ses habitants est évident. Audelà d’accroître le sentiment de bien être en ville, l’enjeu est économique. Il n’y a pas de ville attractive et dynamique sans économie. Pour l’individu, la marche à pied est le mode de déplacement le plus économique qui soit, il ne nécessite aucun investissement financier. Pour la ville, ce mode contribue à l’économie des commerces de proximité et au dynamisme des centres villes. Lorsqu’un quartier est rendu piéton, les commerces situés dans le périmètre concerné voient leur chiffre d’affaires augmenter de 25 à 30%2. Cet intérêt économique s’est par ailleurs, expérimenté dans le plan d’aménagement foncier 100% district des États-Unis en 1939, pensé en fonction de la densité et du type de piétons dans les rues. Les femmes au foyer représentant 80% des dépenses du foyer ainsi que les hommes actifs, étaient des cibles de ce plan d’aménagement. C’est ainsi que sont apparus les “trottoirs femmes” et les “trottoirs hommes”3.
En Île-de-France, le motif principal des déplacements à pied est celui domicile vers les commerces pour 18 % de la population. De plus, on note que 62 % des déplacements à destination des supérettes, des marchés ou des petits commerces sont réalisés en marchant contre 18 % des déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux. Cela vient donc renforcer le fait que la marche est adaptée aux faibles distances et donc aux commerces de proximité 4. Aujourd’hui la marche ne représente qu’un quart à un tiers des déplacements, contre le tiers à la moitié il y a près de quarante ans5. Pour cause, la concurrence des déplacements en voiture ou en transport en commun, l’insécurité et l’inconfort provoqué par certaines ambiances urbaines ou encore le délaissement des commerces de proximité au profit des centres commerciaux. Le marcheur, a été mis au second plan. Néanmoins, la question du piéton est toujours au cœur de l’actualité. Elle propose une alternativ intéressante au problématiques d’économie d’énergie, de développement durable, mais aussi
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6. Idem, p. 7. 7. Jean-Marc Offner, “Trente ans de pas perdus !”, Urbanisme, n°359, 2008, pp. 43-43.
de gestion urbaine durable. De plus, la marche est le moyen d’interconnecter les autres modes de déplacement entre eux, une partie d’un trajet est toujours effectuée à pied. La marche peut être perçue comme étant “le pivot de toute mobilité”6, elle permet l’intermodalité. De cette manière, il est nécessaire que la marche soit prise en compte dans toute politique impliquant le de déplacement.
8. Bruno Gouyette, “Confronter les expériences”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp.218-220.
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Les premiers chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont suscité un éveil collectif concernant l’usage de la voiture, ce qui peut expliquer le regain d’intérêt pour la marche7. Deux courants ont alors marqués la politique de l’urbanisme en France dans les années 1960 à 1970 : la loi Malraux et la loi Royer, préconisant la piétonnisation des centres-villes, et l’émergence de l’écologie urbaine.Entre temps, le courant moderniste s’est illustré par l’aménagement des villes nouvelles avec des cheminements piétons protégés et séparés des autres modes de déplacement8.
[2] Graphique represantant la relation entre les loyers commerciaux et le nombre de femmes piĂŠtonnes par minutes ( Isenberg, 2005, 88).
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La mise en place d’une politique piéton
9. Gaël de Rotalier, Les déplacements urbains : bilan et perspectives, Université Paris I-II, mémoire de DEA, 2000, p.2 10. Thomas Durlin, “PDU obligatoires au 1er Juin 2013”, territoiresville.cerema.fr, 31 janvier 2014 (consulté le 4 Mai 2017), http:// www.territoires-ville.cerema.fr/ pdu-obligatoires-au-1er-janvier2013-a837.html
Les Plans de Déplacements Urbains (PDU) sont en nés en réaction à cette culture du « tout-automobile ». Leur existence date de la Loi d’Orientation sur les Transports Intérieurs (LOTI, n°82-1153 du 31 décembre 1982, article 28). Ils ont toutefois connu peu de succès avant que la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (n° 96-1236 du 30 décembre 1996) ne modifie sensiblement leur contenu et instaure obligatoire leur mise en place dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants9 y compris dans les villes périurbaines ayant un lien avec l’agglomération concernée. En 2013, 93 PDU sont obligatoires, contre 58 en 198510. Cette évolution marque l’accroissement du nombre de population vivant en ville, mais aussi la demande de développement d’un réseau de transport efficace.
Aujourd’hui, plus d’un tiers des Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) de 50 000 à 100 000 habitants y ont élaboré des documents de planification de la mobilité, là où la loi ne les oblige pas. De plus, la création des PDU est apparue nécessaire en raison de l’inadaptation des instruments juridiques trop sectoriels, qui ne pouvaient apporter que des réponses disparates aux multiples problèmes posés par la circulation automobile en milieu urbain, engageant des acteurs trop différents. Les PDU proposent à la fois des orientations pour l’aménagement du territoire -opposables aux plans locaux d’urbanisme (PLU)- mais également des actions concrètes à mettre en œuvre pour rendre possibles des alternatives soutenables de mobilité par le biais des modes actifs : le vélo et la marche. Cependant, toutes les communes n’intègrent pas les modes actifs dans leur politique de déplacement.
11. Francis Papon, Le retour du vélo comme mode de déplacement, Université Paris-Est, mémoire de de synthèse, 2012, p16.
12. Laurent Probst, “Défis 3 & 4 / Modes actifs”, pduif.fr, ( consulté le 4 Mai 2017), http://www.pduif. fr/-Defis-3-4-Modes-actifs-.html
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La notion de mode actif est d’origine anglo-saxonne.Elle est mise en avant, aux États-Unis et au Canada en 2000, par la société Bike Walk et le principe de newsletter centerlines, puis en 2004 par la fondation Sustran au Royaume-Uni qui a développé ActiveTravel. Ces deux sociétés proposent des chemins pour la pratique de la marche et du vélo via internet. En france, le groupe Chronos introduit l’expression par son étude “vélo en mode actif” en 2008. Cette expression marque mieux, et plus positivement, la spécificité de la marche et du vélo d’être produit par la force musculaire11. En Ile de France, la politique de gestion des déplacement est globale, elle s’applique par le PDUif. En 2010, ce sont 15.9 millions de déplacements à pieds qui se font chaque jour. Ceci ayant tendance à augmenter, il est alors nécessaire d’installer une stratégie de mode actifs sur l’ensemble du territoire. Plusieurs acteurs entrent en jeu dans cette organisation en fonction des échelles d’applications, notamment la région et le STIF qui est est l’autorité organisatrice de la mobilité en Île-de-France. Le PDUif a déterminé 10 défis à relever sur l’ensemble du territoire. Parmi eux, les modes actifs sont les defis n°3 et n°4. Ils se composent de six actions et trois sont dédiées à la marche : pacifier la voirie pour redonner la priorité aux modes actifs, résorber les principales coupures urbaines et aménager la rue pour le piéton
12. Laurent Probst, “Défis 3 & 4 / Modes actifs”, pduif.fr, ( consulté le 4 Mai 2017), http://www.pduif. fr/-Defis-3-4-Modes-actifs-.html
En Ile de France, la politique de gestion des déplacement est globale, elle s’applique par le PDUif. En 2010, ce sont 15.9 millions de déplacements à pieds qui se font chaque jour. Ceci ayant tendance à augmenter, il est alors nécessaire d’installer une stratégie de mode actifs sur l’ensemble du territoire. Plusieurs acteurs entrent en jeu dans cette organisation en fonction des échelles d’applications, notamment la région et le STIF qui est est l’autorité organisatrice de la mobilité en Île-de-France. Le PDUif a déterminé 10 défis à relever sur l’ensemble du territoire. Parmi eux, les modes actifs sont les defis n°3 et n°4. Ils se composent de six actions et trois sont dédiées à la marche : pacifier la voirie pour redonner la priorité aux modes actifs, résorber les principales coupures urbaines et aménager la rue pour le piéton12.
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Diverses approches de mise en oeuvre
Le PDUif se met en oeuvre selon des Plans Locaux de déplacement (PLD) régit et conçu par des communautés de communes. Les communautés de communes d’Est Ensemble et de Val-forêt sont les plus représentatifs d’une politique de développement des modes actifs ordinaire. Ce sont des dispositifs, doux et passifs, qui reflètent ce qui est mis en place sur l’ensemble du territoire français. L’exemple de Plaine commune, lui, fait preuve d’inventivité et propose des solutions plus alternatives, entretenant un fort lien avec la population. 13. Laurent Probst, “PLD approuvés”, pduif.fr, ( consulté le 4 mai 2017), http://www.pduif.fr/PLD-approuves-279.html 14. Communauté d’agglomération Est Ensemble, “Les modes actifs et alternatifs”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Est Ensemble, approuvé au conseil communautaire du 15 décembre 2015, p. 34.
15. Idem, p. 35.
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La communauté de commune, Est Ensemble compte neuf communes : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, NoisyLe-Sec, Pantin et Romainville. L’étude des Plans Locaux de déplacement (PLD) prennent aussi en compte l’activité interne à la commune : 400 000 habitants et 152 000 emplois13. Chaque jour, ce sont 1,7 millions de déplacements faits par les habitants et 67% se font en marchant. La communauté étant relativement petite, l’étude de son accessibilité est très positive. Cependant, l’ensemble de l’espace public n’est aménagé que pour les modes motorisés, il n’est pas agréable à parcourir et pas très sûr.14
La stratégie d’aménagement s’effectue alors par un inventaire des itinéraires piétons courants qui doivent être aménagés. De plus, une stratégie de jalonnement a été adoptée. Il s’agit d’installer des panneaux de signalisation indiquant des lieux et des directions accessibles par la marche dans des endroits stratégiques comme les intersections ou les carrefours. Il y a alors trois dimensions à prendre en compte : la pré-signalisation, la position, et la confirmation. De cette manière, le piéton est encouragé à marcher et il se réapproprie son territoire. Les actions et les opération sont simples, mais le coût total mobilisé pour les modes actifs est de 740 000€ ( 640 000€ pour l’opération de sécurisation des chemins piétons et 100 000€ pour la stratégie de jalonnement)15. Un autre axe de stratégie de développement des modes actifs de la ville, est l’amélioration de l’abord du Canal de L’ourcq, qui aujourd’hui n’est accessible qu’en vélo. Le projet est en cours d’élaboration.
[3] Aires de desertes en minutes à pieds des centres-ville de la communnauté Est Ensemble
[4] Aires piétons devant être de qulité dans la communnauté Est Ensemble
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16. Laurent Probst, “PLD approuvés”, pduif.fr, ( consulté le 4 mai 2017), http://www.pduif.fr/PLD-approuves-279.html
La communauté de commune de Val-forêt compte six communes : Ermont, Eaubonne, Montlignon, Saint-Prix, Saint-Leu-la-Forêt, Le Plessis Bouchard. Il y a 84 521 habitants pour 18 850 emplois. Le contexte est lui aussi favorable, pourtant,83 % des ménages ont au moins 1 voiture16. Le territoires est essentiellement résidentiel, la topographie est plate et il y a de nombreuses gares. Cependant, ces six gares ont comme désagrément de produire des zones de coupures pour les chemins piétons. Le recensement des zones piétonnes sensibles de la ville expriment une grande centralité, 24% du réseau viaire y est traité. Les aménagements sont acquis dans les secteurs centraux mais en continuité avec des secteurs aménagés, trop de rues ne permettent pas une bonne pratique de la marche à pied, notamment aux abords des générateurs de trafics.
17. Communauté d’agglomération Val-forêt, “Les modes actifs”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Val-forêt, approuvé au conseil communautaire du 14 décembre 2015, p. 71.
La stratégie utilise un nouvel outil : la zone de rencontre, introduit par le décret du 30 Juillet 2008 du code de la route17. Cet outil permet de compléter les améliorations apportées par les zones 30 et les aires piétonnes, qui ne permettait pas la mixité des usagers. La zone de rencontre est une proposition du comité de pilotage de la démarche du Code de la Rue. Elle consiste en la prioritisation complète des piétons qui ne ne sont pas obligés de marcher sur le trottoir, et la vitesses des véhicules est limitée à 20km/h. Bien que cette proposition soit innovante, l’opération reste très faible.
Les deux communautés d’agglomération d’Est Ensemble et de Val-forêt, ont certes mis en œuvre plusieurs stratégies astucieuses, comme le jalonnement de panneaux de signalisation ou la mise en place des zones de rencontres. Cependant, elles ne sont pas très innovantes. Un points commun dans l’objectif émis par ces deux PLD, est de cibler les jeunes entre 15 et 25 ans. Pourtant, le manque d’attrait des jeunes pour ces dispositifs est tel, qu’ils ne rencontre que peu de succès.
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[5] Localisation des zones piétonnes sensibles de la communauté de Val-forêt
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18. Communauté d’agglomération Plaine Commune, “Le plan marche, une idée innovante”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Plaine Commune, approuvé au conseil communautaire du 11 octobre 2016, p. 13.
La communauté de commune de la Plaine Commune, a elle mit en place des opérations beaucoup alternatives et participatives afin de sensibiliser ces citoyens. Ceci s’inscrit dans le cadre du Plan Marche. Ces actions ciblent les déplacements courts, parcourables en moins de 15 min en considérant une vitesse moyenne de 4 km/h. C’est une approche novatrice par ce qu’elle s’intéresse à une faible vitesse qui n’est généralement pas retenue dans les études sur la marche18.
14. Idem, p. 44. 15. Idem, p. 15.
Sur le territoire de Plaine Commune, 68 % des déplacements internes au territoire sont effectués à pied* et 43 % des ménages n’ont pas de voiture19. La population est donc largement captive des modes de déplacements alternatifs à la voiture individuelle, cependant, les déplacements à pied ne sont pas toujours agréables et sûrs. Si une partie du territoire est tout à fait adaptée à la marche, son histoire industrielle et la présence des infrastructures le rendent parfois inhospitalier à l’égard du piéton. La Seine, le canal Saint-Denis et les espaces verts offrent des promenades agréables à pied, mais constituent également des coupures en raison du manque de franchissements et de la fermeture des parcs la nuit. La stratégie de la commune est alors d’adopter une approche transversale de la marche, en promouvant une marche-plaisir. Le Plan marche vise à faciliter les déplacements à pied et à le faire savoir au public, pour que “la carte mentale du territoire devienne elle aussi plus marchable20. Une phase de concertation a permis d’associer lors de l’élaboration du PLD et du Plan marche les habitants, les salariés, les associations d’usagers des transports en commun, de cyclistes et de personnes handicapées. Du 22 janvier au 12 février 2015, deux réunions publiques et sept balades participatives ont été organisées. Elles ont permis de présenter les stratégies de développement de la ville et de mieux comprendre les difficultés rencontrées par les habitants. Une centaine de personnes ont participé à ces rencontres. Certaines balades, spécifiques au Plan marche, ont été conçues avec un accompagnement et un fil conducteur artistiques. Grâce à des interventions d’image, de son et de mouvements, il a été révélé que la marche plaisir et la marche utilitaire pouvaient être combinées. Globalement, les participants à la concertation ont exprimé leur attente d’un espace public bien géré, donnant plus de place aux modes actifs, et de transports collectifs moins chargés. Ils ont souvent attiré l’attention sur les « petits détails » qui compliquent les déplacements au quotidien comme les trottoirs dégradés, les voitures mal stationnées ou bien le dépôts sauvages de déchets.
26
[6] Carte de marchabilitĂŠ et des coupures urbaines de la communautĂŠ de Plaine Commune
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21.
Idem, p.18.
La dimension participative étant à la base du projet de développement du PLD, son compte rendu a été soumis pour avis aux personnes publiques associées, puis à une enquête publique. Du 2 mai au 6 juin 2016, le commissaire enquêteur a alors assuré douze permanences et une trentaine d’observations ont été déposées21. L’un des enjeux principaux est celui de faire connaître le territoire à ceux qui le visitent, mais également à ceux qui y habitent et y travaillent. Accessible sur le site Internet et l’application mobile, la carte interactive « autour de moi » permet ainsi de localiser les lieux d’intérêt par catégorie (sport, culture, commerces…) et de déterminer l’itinéraire pour s’y rendre à pied. Le PLD de Plaine commune est le seule, dans tous ceux d’Île-de-France à aborder la question par le biais d’un carte de marchabilité, il s’agit de graduer les espaces plus ou moins aptes à la pratique de la marche à pied, tout en mettant en évidence les coupure urbaines qui fragmente le territoire urbain. Cette carte a alors été réalisée, selon certains critères comme :’éclairage, la sécurité, la densité du trafic routier, l’accessibilité ou bien les coupures urbaines. Le choix de la stratégie de développement de ce groupe d’agglomération en lien avec le groupe de recherche SUCH ( Stratégie Urbaine, Connexion et Hub pour la marche à Paris) affirme volontairement un parti-pris différent. L’ajout de signalétique est perçu comme pouvant encombrer davantage l’espace public, de même, un mobilier urbain supplémentaire gênerait les cheminements piétons et serait contre-productif. L’enjeu se base alors sur la complémentarité avec les panneaux existants, la mutualisation des supports et une réflexion ouverte et artistique sur les formes de signalétique sont alors proposé pour éviter ce possible gâchis de la part de la ville.
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[7] Marches participatives organisĂŠes par la communautĂŠ de Plaine Commune
[8] Carte interractive et participative de la commune de Plaine Commune
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Communiquer la marche
Pour que les stratégie de développement de la marche en ville fonctionne, la ville doit en plus de ses actions, promouvoir son travail et ses réflexions. L’importance des représentations sur les pratiques de mobilités piétonnes est indéniable. La perception de l’environnement urbain de l’usagers n’est en général pas celui qui est objectivement mesuré. Ainsi, les opérations peuvent paraîtres inefficaces ou même invisibles s’il ne prend pas pleinement conscience des changements opérés. C’est de cette manière, que l’opération autour des ballades artistiques et de la carte interactive misent en place dans les agglomérations de Plaine Commune participe à la reconnaissance de ses citoyens. C’est également un moyen pour les villes de faire la promotion de leur propre politique. La dimension de bien être d’une ville participe à l’acceptation de la vie politique de celle-ci.De plus, la ville peut devenir le support pour des campagnes de sensibilisation pour la sécurité routière et la santé. C’est cas de la ville de bordeaux qui a menée De nombreuses campagnes de sensibilisation en partenariat avec l’association Code de la rue militant pour les déplacements actifs. La marche étant une mobilité encore peu connue des politique de développement urbaines, la part des médias engagés reste faible. La promotion de la marche se fait la plupart du temps grâce à des panneaux publicitaires affichés dans les rues ou sur des abribus. Mais, il est difficile de convaincre le détenteur d’une surface publicitaire pour quelque chose qui ne lui rapportera pas directement d’argent. De plus, il s’agit de cibler les gens qui ont tendance à prendre leurs voiture ou abuser des transport en commun, pas ceux qui marchent déjà. Les médias audiovisuels ont tendance à ne faire que des sensibilisation aux dangers de la route, sans prendre en compte la part de marcheurs potentiel derrières les écrans. La politique des villes et celle de la santé publique sont souvent en désaccord sur le message à transmettre, les campagne passe alors souvent inaperçues. Ors, l’importance de l’implication d’un acteur se mesure à la présence des médias véhiculant le message. Des efforts sont donc à fournir pour que les médias, la ville et les politiques de santé publique s’impliquent dans un processus de communication et de promotion de la marche. Le ministère de l’éducation nationale a lancé en Mai dernier la semaine national de la marche et du vélo. Ceci s’est déroulé sous la forme d’un concours entres des écoles primaires. Cette nouvelle forme d’implication visant la jeunesse à reçu beaucoup d’avis positif et à permis de transmettre les connaissances que nous avons de la marche à pied.
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[9] Affiche de sensibilisation pour les droits du piĂŠton et la promotion de la marche en ville mise en place par la mairie de Bordeaux
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Vehicule de la democratie
22. hierry Ciccione, “Les enjeux de la marche à pied”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p231.
23. Eric Le Breton, “La marche “paysanne”. Une contradiction de la société mobile”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p110.
24. Idem, p114.
Marcher est un droit inaliénable et universel22 tout le monde a le droit de marcher. La marche est porteuse de valeurs d’égalité, en dépit de l’accord tacite qui impose aux personnes de marcher pour avoir l’accès à l’espace public. Elle est quelque chose de très politique, mais de relativement cachée ; elle est infrapolitique*. Il n’empêche qu’aujourd’hui pour encore trop de monde, la marche est une contrainte. Elle peut être forcée, dû à l’absence de réseau de transport à proximité ou trop à son prix trop élevé, ou bien subie en raison d’éléments propres au marcheur ( femmes enceintes, enfants, handicapés etc.). Eric le Breton a introduit dans le vocabulaire de la marche, la notion de marcheur paysan. Il s’intéresse ainsi aux exclus de la société, à ceux qui peinent autant d’un point de vue professionnel que dans leurs déplacement quotidien, et dont le recensement est très difficile à effectuer. Paysan ici, se réfère à la marche contrainte, forcée, car démunis, ces «paysans» des villes sont éloignés des transports. Dans quelque cas, ces personnes sont prêtes à marcher une heure et demie pour rentrer chez eux après leurs travail, c’est une marche qui détruit le corps23. Même si la marche représente pour cette catégorie de personne une forme d’autonomie, elle est au final un moyen de transport ultra-dominant. De ce fait, la partie de la ville qu’ils découvrent en marchant est résolument petite. Ceci participe au processus de “réduction des territoires pratiqués”. «Les insulaires, prisonniers d’une seule île de l’archipel urbain»24 sont immobilisés dans un espace dont les limites sont invisibles ; il s’agit des infrastructures routières ou ferroviaires, du temps dû à la distance pour se rendre à un réseau de transport, ou bien d’un interdit culturel. Cet espace d’immobilisation est en opposition avec la société mobile- : ce n’est même un quartier -espace des piétons, d’appropriation et de rencontre de l’autre produit par la marche-. La marche paysanne, elle, n’engendre ni intercommunalité, interconnaissance ou sentiment d’appartenance à un lieux. Il est alors nécessaire et très important pour les politiques publiques de cerner la question de la marche paysanne afin d’assurer l’intercommunalité et le bien être des habitants de ces espaces insulaires, mais aussi pour pouvoir étendre le droit à la mobilité pour tous. Cette problématique n’est pas sans rappeler celle du combat pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite.
25. Rachel Thomas, Les trajectoires de l’accessibilité, Grenoble, À la Croisée, 2005, p. 12.
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Il est cependant difficile de répondre précisément à ce type de question parce que le piéton n’est pas une catégorie mesurable, il représente tout le monde25. Chacun disposant de sa propre manière de marcher et d’être attentifs, et de ses éventuels handicaps. C’est ainsi que plusieurs études scientifiques ont étés associées aux stratégies de développement urbain par les urbanistes et les politiques afin de pouvoir y apporter des réponses concrètes.
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II. La prise en compte de la marche, par les habitants
La marche est un très bon outil de découverte du territoire, elle se pratique par l’expérience, vécu à un moment T dans un lieu L. Pour aborder comment la marche influence la qualité de vie des habitants, il faut d’abord se demander ce qu’est un marcheur. Marcher est une combinaison de deux expériences, celle d’être - lien du marcheur avec l’espace - , et celle d’habiter - lien du marcheur avec le territoire physique et mental -. Marcher engage une expérience corporelle, culturelle et sociale. C’est une discipline complexe qui sollicite plusieurs acteurs différents.
1. David Le Breton, Eloge de la marche, Paris, Métalié, 2000, p. 153. 2. Thierry Davila, Marcher, Créer : Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Paris, Editions du Regard, 2002, p.42
3. Pierre Sansot, Du bon sens de la lenteur, Paris, Editions Rivages, 2000, p.68
Le corps est, grâce aux sens, un outil à percevoir le monde, le penser et agir en son sein.Par la marche, il part à la rencontre de son territoire.Il bouge dans un environnement qui se meut également « Chaque espace est en puissance de révélations multiples, c’est pourquoi aucune exploration ne s’épuise jamais”1. La marche est une immersion complète dans l’environnement.Le corps est un capteur multi-sensoriel, qui permet de sentir le monde, d’appréhender l’imperceptible et de remarquer “les infimes moments du monde”2.L’expérience d’être inclue autant l’univers d’un seul lieu que celui d’un parcours ponctué de lieux. De plus, en fonction de son usage, la marche accorde un statut particulier au marcheur. Habiter reflète une forme d’affirmation de son être dans l’espace par son appropriation. Cette notion implique qu’un individu s’habitue à un espace. L’habiter est un besoin primaire de l’homme, essentiel afin d’éviter un éventuel mal-être physique et mental. Le sentiment d’habiter permet le sentiment d’appartenance à un territoire et à une société. En marchant, on pratique ce territoire, il est alors possible de l’habiter. La notion d’habiter est liée à celle de l’habitude, par la répétition et le temps d’usage de la marche. D’une certaine manière, nous habitons nos parcours quotidiens. C’est ce que remet en cause Sansot, pour qui circuler n’est pas forcément lié à la célérité et habiter à la sédentarisation3. De cette manière, la marche est à la fois un projet spatial et un projet social.
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A. RĂŠappropriation du territoire A1. La rĂŠvĂŠlation du territoire par la Transurbance
A2. Ludifier la ville
La révélation du territoire par la Transurbance
4. Rachel Thomas, “La marche en ville. Une histoire de sens” in L’espace Géographique, n°1, 1er trimestre, p. 16.
Michel de Certeau met en relation l’acte de parler et l’acte de marcher pour supporter le pouvoir d’appropriation de l’espace de celui-ci. Le processus de la marche est au système urbain ce que la diction est à la langue. (*) Il est permit par une appropriation topographique du lieu. La marche serait selon lui, un espace d’énonciation capable de modifier l’espace parcouru en espace habité. Selon Rachel Thomas, la marche « constitue, dans son essence même une activité d’ancrage du piéton à la ville »4.
« Le paysage n’existe donc qu’à travers chaque regard”5 et l’expérience subjective d’un paysage urbain s’inscrit dans plusieurs paysages sensibles 5. Arnaud Piombini, “Contexte spatial des ambiances urbaines et usages des lieux”, Ambiances, 7 février 2013, (consulté le 1 mai 2017), http://ambiances.revues.org/261
Il existe ainsi une « souveraineté du voir dans la perception du paysage ». L’individu est un spectateur de la ville : « Le regardeur dont l’œil est régi par une esthétique de la contemplation devient, au sens étymologique, spectateur. » En plus de notre capacité à émettre une mise à distance des nuisances provoquées par la ville et de s’enfermer dans sa bulle.
Tim Ingold définit dans son livre The Temporality of the Landscape, la notion de takscape comme étant un paysage des activités. Si le landscape relève de ce que nous voyons autour de nous, le taskscape est ce que nous en entendons. Ce principe s’appuie sur l’expérience de chacun qui installé devant un paysage est en capacité d’y entendre des activités qu’il ne voit pas. Et mieux connaître permet de mieux habiter son territoire. Jacques Levy, inventeur de la formulation de Cospatialité : concept de géographie humaine, c’est la mise en relation des territoires qui se superposent sur la même étendue.
6. Mona Prudhomme, “Les randonneurs mettent le pied sur les villes”, enlargeyourparis.fr, 20 avril 2017, (consulté le 28 Avril 2017), http:// www.enlargeyourparis.fr/la-villenouveau-terrain-de-jeu-des-randonneurs/
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C’est ainsi que s’est formé le collectif du Voyage Métropolitain qui organise des marches en banlieue et dans la périphérie de Paris de manière à faire découvrir de nouveau le territoire. L’objectif est là de réapprendre à voir le paysage urbain et rural : « le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux”. « Les voyageurs nous disent qu’ils aiment marcher avec nous parce que nous ne sommes justement pas des randonneurs mais des explorateurs. On va dans des lieux où ils n’iraient jamais autrement» affirme Jens Denissen, le co-fondateur de l’association*. La réappropriation de l’espace urbain serait alors permise par la marche, selon Jens Denissen, la marche est un bon moyen pour créer de l’attachement à la ville et aux espaces traversés. De plus, «C’est aussi un outil d’aménagement. Aménager, ce n’est pas seulement construire des routes, c’est aussi se bâtir une cartographie mentale qui décuple les possibilités de bouger.
[10] Photo de voyages métropolitain à Gif-sur-Yvette et à Sannois, respectivement effectués en novembre 2014 et en mars 2015.
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Sans partir loin, on peut voyager et lâcher prise avec son quotidien”6. Ces marches exploratrices et collectives ainsi que le partage des impressions de chaque personne du groupe permettent une approche à mi-chemin entre art, urbanisme et géographie, dans le but de créer un récit métropolitain propre aux lieux.
7. Sébastien Marot, “Envisager les hyperpaysages”, Les cahiers de l’Ecole de Blois, N°12, juin 2014, p. 55.
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La volonté de créer Le Voyage Métropolitain à découlé suite à la participation et l’étude de Jens Denissen sur le GR2013 de Marseille. Ce sentier permet de découvrir la région de Marseille à travers un chemin de randonnée ponctué d’oeuvre d’art, permettant ainsis de redécouvrir le patrimoine paysager. Aujourd’hui un projet similaire est en cours d’élaboration avec le Sentier métropolitain du Grand Paris. Il s’agit d’un circuit de 500 kilomètres inspiré du GR1 qui faisait initialement le tour de Paris. Les concepteurs sont convaincus que l’appropriation d’un territoire comme le Grand Paris passe par une exploration pédestre. “Il faut expérimenter avec son corps l’échelle de la métropole”. Ces marches métropolitaines ont de plus en plus de succès auprès d’un public de plus en pluslarge, ce qui témoigne de l’intérêt des citoyen à se réapproprier son territoire. Cette démarche s’inscrit dans le travail de l’artiste Robert Smithson, pour qui les randonnées sub-urbaines sont des site-seeing - à distinguer des sight-seeing pratiqués par les touristes ou bien les peintres classiques se résumant à l’usage exclusif de la vue-. Il affirmait ainsi une posture “d’observateur attentif qui se met à l’écoute des sites qu’il est appelé à modifier, à transformer, ou à activer” afin de mieux pouvoir en révéler l’épaisseur textuelle7.
[11] Spiral Jetty par Robert Smithson, 1970
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Ludifier la ville
8. Sonia Lavadinho, “Réenchanter la marche, ludifier la ville”, Les cahiers nouveaux, n°80, 2011, p.14.
9. Idem, p. 24. 10. Idem, p. 20.
La réappropriation du territoire peut s’effectuer par des marches collectives, hors des sentiers battus, mais aussi la ludification de l’espace public. L’objectif des urbanistes et de faire en sorte que les citoyens marchent avec plaisir et fassent 10, 15, 30 minutes de plus à pied que d’habitude, sans s’en rendre compte8. Sonia Lavadinho a collaboré avec Yves Winkin pour développer le concept de ludification en répertoriant une série d’actions que les villes peuvent entreprendre pour devenir plus ludiques et donc, plus «marchables». Ils ont créé le mot de ludification à partir des mots ludique et fluidification. Ceci ayant pour but d’évoquer la capacité des villes à augmenter les déplacements en modes actifs grâce à des actions ludiques, éphémères ou permanentes. “La ville n’est pas une réalité statique, elle devient à chaque instant ce que nous en faisons” insiste Sonia Lavadinho9. Lorsque l’inspiration et l’enthousiasme guident l’action d’aménagement, la qualité des espaces qui en émerge offrent une transformation de notre rapport à la marche, au monde et à autrui, afin de nous rendre “plus sains, plus heureux, plus humains”10. C’est dans cet objectif que se sont élaborées les zones de rencontre dans la communauté d’agglomération de Val-forêt et la carte interactive dans la communauté de Plaine Commune. Les zones de rencontre sont des instruments intéressants au profit de la cohabitation des divers modes de transport en ville, pour l’émergence d’une ambiance favorable aux rencontres. Le concept d’origine, a été développé aux Pays-Bas dans les années 1970 sous le nom de wonner *** elles se sont ensuite diffusées en Allemagne et en Suisse en 2002, pour gagner la France en 2008. La priorité est accordée aux piétons et aux cyclistes, dans une logique de partage de l’espace par les différents usagers. Leur diffusion sur l’ensemble du territoire contribue à une meilleur connaissance et un plus grand respect de ces zones. La Suisse en compte plusieurs centaines à son actif, et les communes de Bâle et Zurich ont développé une stratégie sur l’ensemble de leur territoire urbain. Il est important de marquer clairement le fait que la zone de rencontre n’est pas un espace comme un autre. Ceci qui peut être élaboré en utilisant des matériaux spécifiques et en privilégiant les contrastes visuels forts. De cette manière la zone de rencontre singularise l’espace public. Cependant, la majorité restent dans une logique fonctionnelle plutôt que ludique. C’est le cas des de celles de Val-forêt.
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[12] Promeneurs marchant sur une voiture recouverte de moquette, Stadtlounge de Saint Gall par Martinez et Ritz, 2016
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11. Sonia Lavadinho, “Réenchanter la marche, ludifier la ville”, Les cahiers nouveaux, n°80, 2011, p. 22.
12. Idem, p. 22.
L’exemple de la Stadtlounge - la ville salon en français- de la ville de Saint-Gall. C’est une zone de rencontre hors du commun où les regardes humoristiques et artistiques ont bien su se conjuguées dans un contexte urbain, elle a ainsi acquis une notoriété internationale. Aujourd’hui elle est autant visitée par les touristes que l’autre attraction majeure de Saint-Gall, le Monastère Klosterhof, classé Patrimoine mondial11. L’opération s’inscrit dans la volonté de créer une nouvelle centralité par le biais d’une place proche du centre-ville. Ce salon urbain en plein air est l’œuvre de Carlos Martinez et de la célèbre artiste suisse Pipilotti Rist. Tout le concept de la zone de rencontre a été revisité dans le but de créer un sentiment de familiarité et de bien-être. La «moquette» rouge est l’un des éléments les plus caractéristiques de cette opération. De cette manière, la moquette indique clairement que nous nous trouvons dans un ailleurs qui n’est ni une rue, ni une place, mais un lieu où les marcheurs ont “le droit de cité”12. Le mobilier urbain et l’éclairage de nuit contribuent à créer la sensation que c’est un lieu de séjour où les véhicules sont tolérés, mais où l’espace n’est pas dédié au transit. C’est ainsi une atmosphère douillette qui se crée, bénéfique à des usages variés. L’artiste Pipilotti Rist a profité du statut de la zone de rencontre pour repenser la thématique de la voiture et la détourner humoristiquement. Quelques expérimentations d’aménagements ludiques ont été fait à Paris par le biais de nouveaux visuels signalétiques. Ceux-ci visait à minimiser les marquages au sol afin d’accorder une plus grande liberté au piéton. Cependant, les avis sont partagés car très peu d’entre eux ne comprennent le sens des marquage ainsi que leur utilité. À Nantes, le projet de ludification à très bien fonctionné. Il s’agit du tracé d’une ligne verte de 12 kilomètres invitant le marcheur à découvrir la ville sous des angles spécifiques La marche apporte le social et le sociale fabrique la ville. La dimension collective qu’un projet urbain lié à la marche engendre, est très importante. Elle peut même faire partie du but recherché lors d’un projet comme c’est le cas avec Le Voyage Métropolitain. Jens Denissen a expliqué que marcher seul n’était en aucun cas quelque chose d’envisageable pour ce projet, pour lui, c’est grâce à la collaboration de nombreux participants et leurs échanges en fin de journée que la marche métropolitaine acquière une légitimité.
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[13] Espace de repos, Stadtlounge de Saint Gall par Martinez et Ritz, 2016
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B. Expression d’une identitÊe du territoire B.1 La marche comme projet collectif
B.2 Un changement de comportement
La marche comme projet collectif
C’est également dans le but d’un projet fondamentalement collectif que la carte interactive mise en place à Plaine Commune a été pensée. En faisant participer directement les citoyens au processus de développement de la marche en ville, il en font un projet collectif à petit et grande échelle. Les personnes ayant participé dès le début du projet vont évidemment faire passer le mot aux gens qu’ils connaissent et ainsi créer un réseau de personnes mobiles. Celuici augmentera peu à peu par le sentiment de collectivité mis en place par le projet. Cependant, des avis sont encore mitigé sur le développement d’un tel réseau. Les marches participatives de Plaine Commune sont du même ordre que celle de Démarches. C’est une association dédiée à la pratique du Walkscape, une nouvelle forme d’art utilisant la marche à pied support et outil créatif. Il s’agit de créer, par la marche, une structure narrative, permettant d’en faire une « fabrique de mémoire ». L’association organise alors des marches collectives. Elles sont complétées par les artistes par le biais de photographies, de prises de son et autre effets artistiques. La marche joue alors un rôle double : outil qui décrypte le paysage, et support. Elle est alors une pratique esthétique. L’objectif était ainsi de faire prendre conscience aux marcheur le potentiel créatif de la ville et de l’environnement urbain. 13. Sabine Chardonnet-Darmaillacq, “La ville au prisme de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p. 188.
Sabine Chardonnet énonce le principe de «capture du territoire», qui traduirait une totale appropriation de l’espace du lieu. C’est ce qui se produit notamment lors de manifestations, qu’elles soient sociales, festives ou contestataires. Les zones de rencontre et les événement de marches collectives s’inscrivent alors dans des projets dont le seul but est la cohésion de chacun13. De plus, la marche s’inscrit dans un projet de mémoire de la ville, c’est une manière de sauvegarder l’empreinte -sociale, physique, artistique - créée lors d’une promenade.
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Un changement de comportement
La marche, en dehors de la cohésion sociale qu’elle produit à petite comme à grande échelle, permet de pleinement prendre conscience de ce qu’implique un voyage. Le fait de traverser des territoires qui ne sont pas ceux auxquels le marcheur est habitué, lui permet de comprendre de quoi est fait une ville. Les vides, les interstices résiduels, les échangeurs autoroutiers, les équipements aéroportuaires etc. sont d’autant d’éléments que nous avons tendance à oublier. De ce fait, marcher permet de prendre conscience de ce qu’il se passe quand on décide d’emprunter tel ou tel moyen de transport. Cela nous renvoie à notre propre manière de vivre. Par exemple lorsque l’on prend l’avion pour aller en vacances, ce sont des milliers de résidences qui subissent les nuisances dû aux bruits et à la pollution. La marche s’inscrit alors fondamentalement dans une logique écologique et de prise de conscience de fonctionnement du monde. Elle permet une remise en question de l’image parfaite du voyage. De plus, les campagnes de sensibilisation des villes et des politiques publiques qui promouvoit l’influence de la marche sur la santé sont de plus en plus ancrées dans la conscience collective. De plus en plus de personnes prennent alors le choix de marcher pour réduire leur impact carbone et augmenter leur santé physique et morale.
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La marche crĂŠatrice de savoir
III. La marche comme pratique scientifique IV. En quoi la marche est-elle une architecture ?
III. La marche comme pratique scientifique
La naissance d’une discipline scientifique
1. Lucius BURCKHARDT, Warum ist Landschaft schön? Die Spaziergangswissenschaft, Berlin, Martin Schmitz Verlag, 2006, p. 30.
La marche comme discipline scientifique a été pour la première fois revendiqué par le sociologue suisse Lucius Burckhardt dans les années 1980. La Spaziergangswissenschaft - spazier signifiant se promener - ou Promenadologie en français, est une science de la marche encourageant un apprentissage de la découverte de paysages. Burckhardt mettait en évidence la plasticité des paysages, stratifiés d’histoires différentes. Il appelait ainsi à réapprendre à voir le paysage, de manière à en rompre le filtre culturel1. Une autre discipline qui est née au États-Unis dans les années 2000 est celle de la Walkability, ou Marchabilité en Français. Les citoyens des Etats-Unis, très dépendant à la voiture sont maintenant obligés de caractériser l’accessibilité piétonne des lieux. Certains sites internet sont spécialisés dans ce domaine, par exemple le site walkscore.com. Il classe les villes américaines, canadiennes et australiennes selon leur score de walkability. New-York est par ailleurs en tête avec un walk score de 88, suivie de San Francisco avec un score de 84 et, 80 pour Boston. Le principe du site est de proposer des appartements situés dans des walkable neighborhoods, c’est à dire des quartiers marchables où la plupart des services sont accessibles à pied dans un rayon de moins de dix minutes.
2. Marine Vever,Comprendre la sociabilité des espaces publics à travers leur potentiel piétonnier, Université du Québec, institut de la recherche scientifique centre urbanisation culture société, mémoire de DEA, 2000, p.2
La walkability est la nouvelle valeur marchande émergente, car elle permet d’augmenter l’économie dans certaines parties de la ville. De plus, ceci s’inscrit dans un contexte de Développement Durable et de transition énergétique et sociale. Pour le courant du Nouvel urbanisme promouvant les villes nouvelles, l’enjeux de la marchabilité se décrit dans la densité. Il s’agirait d’augmenter le nombre d’espaces publics et d’activités disponibles en ville, pour améliorer la cohésion sociale dans les quartiers et réhumaniser l’espace urbain, en le rendant moins systématique2.
C’est une branche de la recherche en urbanisme et en sociologie qui est très récente et dont les écrits et les études sont encore rarement disponibles. Elle est à la fois la science des corps mobiles qu’un critère scientifique déterminant la compétence et la disposition d’un lieu à la marche. Il s’agit de l’étude de son accessibilité, de son aspect agréable et sécure afin que le lieux étudié soit confortable pour le promeneur. Cette étude se repose sur une multitude de facteurs qui dépendent selon l’approche que l’on veut développer.
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3. Reid Ewing, Susan Handy, “Measuring the Unmeasurable : Urban Design Qualities Related to Walkability”, Journal of Urban Design, n°14, 2009, pp.65-84
La difficulté à cerner la marchabilité d’un lieu tient, en l’occurrence à ces multitudes approches possibles qui influence la vision que l’on a d’un territoire et les applications des stratégies de développement de la marche dans les politiques publique. “Mesurer l’immesurable” selon Reid Ewing et Susan Handy, tel est le défi lancé lorsque l’on souhaite appréhender l’impact de l’environnement urbain sur la marchabilité3.
Plusieurs sciences de la marchabilité
4. Communauté d’agglomération Plaine Commune, “Le plan marche, une idée innovante”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Plaine Commune, approuvé au conseil communautaire du 11 octobre 2016, p. 36.
Les communautés d’agglomération Est Ensemble et Val-forêt ont déterminés leur propres critères idiquant la qualité d’un lieux marchable. Pour la communauté Est Ensemble une desserte à un transport public doit se trouver à moins de 5 minutes à pied, alors que pour Val-forêt, ceci dépend de la proximité avec les pôles commerciaux ou scolaire. Plaine Commune est la seule à avoir étudié la question de la marchabilité. Elle en propose même une définitions : “La marchabilité est un caractère plus ou moins favorable aux déplacements à pied d’une zone ; c’est-à-dire son aptitude à offrir au piéton des conditions de déplacement efficaces, confortables et sûres, a été évaluée à partir de plusieurs facteurs pondérés : coupures urbaines, zones de circulation apaisée, accessibilité aux PMR, éclairage, bruit”4.” L’analyse a été complétée par des comptages piétons, des visites de terrain et la concertation du public pour évaluer les flux et les besoins actuels. Aucune de ces trois communautés d’agglomérations ne prennent de partis-pris dans l’étude pris fort dans leurs définition de ce qu’est un lieux marchable, les critères sont ordinaires
De multiples approches se sont développées depuis les années 1970 pour essayer de définir et étudier la marchabilité. Du fait de la très grande diversité des facteurs intervenant dans l’étude de la marche, beaucoup de corps de métier ont émis des hypothèses de recherches, des biologistes, des sociologues, des urbanistes, des géographes ou encore des artistes. Ce sont alors autant d’acteurs intervenants dans la mise en place des dispositifs des politiques publiques favorisant la marche en ville. Trois manières distinctes de voir le facteur de marchabilité se dénotent aujourd’hui.
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[14] Chronographie sur plaque, ĂŠtude du mouvement par JulesEtienne Marey, 1885
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La géographie des espaces marchables
Pour étudier la marchabilité d’une ville, la connectivité est un facteur important. Une ville avec un réseau de rues très connectées et dense permet aux piétons d’avoir une multitude de choix de parcours, pour réaliser le trajet le plus court possible et arriver à destination. Cependant, des éléments de la ville peuvent gêner les connexions entre les différents espaces. Sonia Lavadinho énonce ce phénomène en parlant de contrainte à la ligne de désir. Cette ligne est selon elle, “la courbure optimale du tracé qu’un piéton laisse dans son sillage lorsqu’il est totalement libre de son mouvement”. Les connexions entre les différents espaces d’une ville sont parfois facilités par des éléments de trait d’union, ou gênée par des éléments séparateurs. Les traits-d’unions facilitent la marche, ils offrent aux marcheurs un moment de repos, une transition vers une autre ambiance ou un quartier. Ils peuvent être une place, un parc ou même une rue marchande. Les séparateurs embarrassent la marche, ils créent une rupture dans la ligne de désir du marcheur. Vécus comme une limite, ils obligent au détour ou à l’arrêt. Cette manière de déterminer les composants du territoire se rapproche de la classification de Kevin Lynch dans L’image de la ville. Il classe la forme des villes en cinq types : les voies - paths -, les limites (edges), les quartiers (districts), les nœuds (nodes) et les points de repère (landmarks). Ces types permettent de mieux décrire comment les images de la ville se construisent. Un même élément peut appartenir à plus d’un type selon les personnes. Les autoroutes sont des voies pour la plupart des automobilistes, mais peuvent être des limites pour les piétons.
5. Jacques Levy, “Modèle de mobilité, modèle d’urbanité”, Sylvain Allemand, François Ascher, Jacques Levy (dir.), Les sens du mouvement, Paris, editions Belin, 2004, p. 159.
Jacques Levy, dans Les sens du mouvement5, démontre avec sa théorie des métriques, que la marche à pied à un avantage évident par rapport à la voiture. L’utilisation de la voiture permet de se rendre d’un point à un autre de manière plus rapide, dans une ville étalée et dispersée, avec d’immenses surfaces de voiries. Mais nos villes sont le plus souvent denses et diverses. Elles entraînent des ennuis dans la circulation et pour se garer. De manière quantitative, Jacques Levy démontre que la ville la plus rapide est la ville pédestre. Elle demande moins de surface en étendue et permet la densité et la connectivité. De nouvelles métriques peuvent ainsi être développées pour mesurer non pas la distance parcourue mais le potentiel d’activités accessibles à piéton un temps donné. La mesure de la vitesse doit être reliée non à la vitesse nominale mais à la quantité de quantité de territoire accessible”
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[15] Tableau des métriques de Jacques Levy. Les différentes métriques ont été classées de 1 (moins bonne) à 10 (meilleure) pour chaque caractéristique.
L’extension est la taille de l’étendue délimitée par les points les plus éloignés atteignables selon la métrique. La couverture est le nombre de points atteignables par la métrique par rapport à l’ensemble des points du lieux. La vitesse est le rapport entre le nombre de points reliés par la métrique et le temps nécessaire pour les relier. L’adhérence est le rapport entre la longueur du réseau et le nombre de points d’arrêts. La porosité est la disponibilité sensorielle de l’usager de la métrique aux réalités de l’espace. L’interactivité est la capacité pour l’usager à agir sur les réalités de l’espace. La prégnance est la capacité à conforter les caractéristiques de l’espace.
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Les mathématiques au service du marcheur
La réalisation d’une carte de marchabilité peut s’effectuer de manière quantitative grâce à l’enquête EDM ( Enquête Ménage Déplacement). Elle est réalisé en suivant une méthodologie standard. Un échantillon de ménages est tiré aléatoirement et leurs déplacement effectué la veille sont relevés. Cependant l’absence de redressement des données en fonction du panel et la méthodologie d’enquête, remettent en question les résultats.
Une autre mesure s’appuie sur la méthode du Pedshed permettant d’évaluer la perméabilité d’un réseau. Cette méthode se base sur le calcul de la différence de superficie de marche en fonction de la configuration du réseau routier et d’une distance calculée à vol d’oiseau. Plus différence de distance entre celle calculé à vol d’oiseau et celle faite à partir du réseau routier est petite, plus la perméabilité du réseau routier est élevée et favorise les déplacements actifs. Pour ce faire, il est possible d’utiliser la théorie des graphes et l’algorithme du plus court chemin, ceci consiste à transformer une base de données de voiries en graphes topologiques composés d’arcs et de noeud situés les uns par rapport au autres.
6. Vincent Chatalic, Environnement bâti et déplacements piétonnier. Modéliser la marchabilité en France, Université Paris-I Panthéon Sorbonne, mémoire, 2012, p. 39.
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De cette façon, plusieurs manières de voir le territoire se développent. Frank L propose en 2005 une construction du réseau de la ville à partir de polygone dont les sommets sont des parties accessible en x km. C’est la technique du polygon-based network utilisé dans les études anglo-saxonne. Cette vision est remise en question, on lui reproche de prendre en compte une trop grande surface et donc d’intégrer des zones intraversables. En 2007, Oliver L. propose la buffered line-based network, il s’agit d’une zone tampon de 50 m de rayon de toutes les rues accessible en x km. Cela offre des surface plus petites et permet de dibler les commerces, cependant, cette technique ne permet pas de se rendre compte des obstacles ponctuels. La technique des ZAP ( Zones Accessibilité Piétonne) est développée par P. Palmier en 2009, elle utilise une technique du maillage du territoire par projection d’une grille orthogonale sur le segment des routes les plus proches. Cette méthode permet d’enfin ‘intégrer dans les calculs les emprises intraversables comme les chemins de fers ou les autoroutes6.
[16] Tampon de 1 km de reseau polygonal dans le centre_ville de Lyon, technique du polygon-based network proposé par Frank L. en 2005
[17] Tampon de 1 km de reseau par rapport à l’echelle de la rue dans le centre_ville de Lyon technique du buffered line, proposé par Frank Palmier P. en 2007
[18] Tampon de 1 km de reseau par interpolation radiale dans le centre_ville de Lyon, technique du maillage, proposé par Oliver L. en 2007
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Une sophrologie de l’epace
7. Rachel Thomas, Les trajectoires de l’accessibilité, Grenoble, À la Croisée, 2005, p. 13.
La «marchabilité» est également influencée par un autre type de facteur : les sensations. La marche apparaît comme un outil essentiel pour appréhender l’espace : elle offre une variété de perceptions, elle multiplie les images, les références et les points de vues différents. Comme le dit Jean-François Augoyard : «c’est le piéton qui fait la ville». Il n’y a pas que le bâti qui structure le paysage urbain. Il faut prendre en compte également les trajectoires piétonnes et les ambiances qui les accompagnent»7. Dans sa thèse, Marcher en ville, faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines, Rachel Thomas aborde la marche comme «un instrument d’investigation et d’interrogation de l’expérience urbaine». Le groupe de recherche du Cresson ( Centre de Recherche sur l’Espace Sonore et l’environnement urbain) dont elle fait partie, aborde l’analyse de la marche urbaine par le biais d’une approche sensible des ambiances urbaines. Elle relève les composantes un lieu en terme matériel -façade, trottoire, lampadaire- puis associe ces données avec le discours d’un passant. De cette manière, elle décortiquées les comportement et les manière de marcher intrinsèque à chaque lieux. Jean-Paul Thibaud, sociologue et également membre du CRESSON, développe une méthodologie où il place la marche à l’épreuve de l’enquête. Marcher permet alors de varier les angles d’approche, l’espace et le paysage de la ville ne sont pas réduit à leurs limites physiques. La méthode de Jean-Paul Thibaud invite à étudier la marche en train de se faire, avec une approche dynamique et non rétrospective. L’objectif de cette méthode est d’expérimenter des situations d’enquête en mobilisant le corps de l’enquêteur lui-même. Ceci s’effectue par le biais de la marche sensible, chaque perceptions et comportements sont analysés et interprétés. L’enquêteur observe, il s’attache à explorer un terrain et à le décrire, afin de révéler son ambiances.
8. Jean-Paul Thibault, “Des modes d’existence de la marche urbaine”, in Rachel Thomas (dir.), Marcher en ville. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines, Paris, les archives contemporaines, p. 44.
Il s’agit de mettre en lien les inclinations et les ambiances. Les inclinations sont les changements de comportement des marcheurs qui modulent leur mouvement au cours du parcours. Ils peuvent être disponibles, hésitants ou même effrayés. Elles permettent de mettre en évidence comment «un contexte sensible se maintient ou au contraire se renverse, se prolonge ou se transforme»8. Les inclinations peuvent être causées par différents éléments : des phénomènes sensoriels -lumière, son, odeur, chaleur- des phénomènes d’ordre pratique -aménagements urbains, environnements matériels- et enfin des phénomènes d’ordre social -rencontres, esquives, interpellation-. L’intérêt des marches sensibles est qu’elles privilégient l’approche in situ, et de fait la marche un réel outil pour un architecte, un urbaniste, ou toute personne qui travaille à l’aménagement du territoire
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[19] Tableau d’analyse de la Place aux herbes de Grenoble par Rachel Thomas, 2005
[20] Tableau methodologique pour l’analyse d’un lieu par Jean-Paul Thibaud, 2007
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La marche stratfiée
9. Sabine Chardonnet Darmaillacq, “ La ville mobile au prisme de la marche”, in Sabine ChardonnetDarmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p. 187. 10. Idem, p. 187.
Sabine Chardonnet affirme dans ses études que “le marcheur est plus qu’un piéton”9. Pour elle, le marcheur “mérite mieux”10 car compose le monde, il est fait d’une combinaison de plusieurs strates d’interaction avec l’environnement. Le plan du pied apporte des informations sur le sol et sa qualité mais le marcheur lui emporte avec lui un corps pensant avec des capacité physiologiques et cognitives. Elle détermine ainsi trois autres plans ; l’assise et la pause, la main ( plan de l’échange) et la tête (sensation et cognition, permet la connexion avec l’environnement). Elle détermine alors quatres types de marcheurs : -Le pié-ton : plan du pie -Le fes-ton : plan du sièg -Le mani-ton : plan de la main et de l’échang -Le récep-ton : plan de la réception visuelle et cognitive
Les interactions spatio-physiques, spatio-comportementales et spatio-psychologique requièrent une double analyse : du marcheur vers son environnement et vise-versa, ainsi que les réseaux numériques. Sabine Chardonnet propose alors une représentation en stratification du territoire -La strate du sol : la géographie physique qui tient les chose -Les réseaux et infrastructures : ils alimentent et régulent la ville -Les réseaux sociaux : nourrissent et renouvellent la vie urbaine -Nappe informationnelle : reseau numériques qui véhiculent l’information et alimente les échanges
Cette redéfinition de l’espace participe à la remise en question de la projection traditionnelle des plans et cartes qui ne permettent pas toujours de saisir ni de composer l’espace riche de la marche. De plus, ceci permet de mettre en évidence la composition de l’espace urbain et territoriale, il est multicomposites. Ceci est sans nous rappeler le principe de cospatialité énoncé par l’artiste Hendrik Sturm.
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[21] La structure du marcheur selon Sabine Chardonnet Darmaillacq, 2016
[22] Stratification du territoire selon Sabine Chardonnet Darmaillacq, 2016
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Chiffrer la marchabilité
Le chercheur américain Reid Ewing a également participé à la création récente du concept de walkability. Dans son livre Measuring Urban Design publié en 2013, il énonce cinq critères objectifs qui influencent la marche en ville
-L’échelle humaine : taille et texture des éléments physiques, ils doivent correspondre aux proportions du corps et de la vitesse de l’homme
-La transparence : degré avec lequel les piétons peuvent voir ce qui se trouve au-delà du bord d’une route ou d’un espace public
- La complexité : richesse visuelle d’un lieux, dépend de la diversité environnementale, architecturale, paysagère et urbaine
-L’encadrement : mesure dans laquelle les rues et autres espaces publics sont visuellement définis, ceci fait référence à la bonne proportionnalité entre les éléments verticaux et horizontau
- L’’imagibilité : qualité d’un lieu lorsqu’il est considéré comme facilement reconnaissable et créer une impression durable. Ce concept à par ailleurs été créé par Kevin Lynch, en remettant au premier plan l’analyse visuelle du paysage urbain.
De cette manière, Reid Ewing propose des audits de marchabilité. Ils se composent de grilles de critères qui permettent d’évaluer objectivement le score de marchabilité d’un lieu. D’après lui, cette méthode permettrait d’expliquer jusqu’à 95% des influences de facteurs sur la marchabilité d’un lieux. Cependant, elle est vivement remise en question car certain facteurs ont des coefficients arbitrairement bas et ne tient pas compte de certains facteurs comme le sentiment de sécurité ou la présence des commerces. De plus, les lieux étudiés ont été choisis d’après cinq critères mathématiques dépendant du panel d’étude.
Pour résumer, ces différentes approches apportant chacune des réponse très riches, mettent en évidence la complexité de sa définition. Jusqu’à quel point pouvons-nous catégoriser la marche et la chiffrer pour qu’elle soit une donnée reconnue ? Ceci suppose que son protocole d’étude relève du travail de l’ingénieur. Il s’agit de mettre en relation tous les corps de métiers afin de hiérarchiser les données - qu’elles soient biologique, territoriale, mathématique ou géographique-. Ceci engage alors un dialogue important entre les différentes approches scientifiques, de manière à démocratiser et légitimer la science de la marche.
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[23] Exemple d’audit de Reid Ewing, réalisé par Marine Vever à Montréal, 2012
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IV. En quoi la marche est-elle une architecture ?
Un acte sculptural
La marche, tout comme l’architecture, peut s’appréhender en tant que pratique pluridisciplinaire. Elle sert à différents usages et ce, de plusieures manières. En ce sens, il est légitime de la définir comme une discipline autonome, c’est-à-dire, qui s’affranchit de la forme et de l’usage. Elle est à la fois une marque de pouvoir et un enjeu des politiques publiques qui cherchent à la rationaliser et institutionnaliser, tout autant que qu’une pratique scientifique ou esthétique servant à créer un “mappage” particulier de ville. Son utilisation peut également être un outils à monter un projet sociale, urbain ou territoriale. Elle se vêtit de plusieurs fonctions et a le pouvoir, comme nous le rappelait Francesco Carreri, de transformer les paysages urbains et ruraux. Cependant, sa construction n’est pas physique, mais mentale.
Marcher est un acte plastique, il intervient dans l’espace sans le changer physiquement par deux principes. Premièrement par la performance, l’homme fait subir un effort à son corps, il produit une action mécanique et transforme de l’énergie produite par le territoire. Le principe de performance peut également être perçu comme ce qui a lieu dans le domaine de l’art ; en créant le mouvement, le marcheur établit une relation, changeante en permanence, avec le paysage et l’environnement. Il participe à la remise en question de la spatialité du lieu car il permet de le palper. Bras tendus ou allongés, le lieu se meut en simultané avec la personne qui se déplace. Le deuxième principe et celui de la géographie mentale que cet acte induit chez le marcheur. L’environnement spatiale est restructuré, les distances et les hauteurs factuelles sont remplacées par celle perçues. La marche construit une image de l’espace traversé. 1. Jean-Marc Besse, “L’élan du paysage. Première note sur la danse et l’écriture”, Les carnets du paysages, 2007, p. 15.
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Ainsi, il est important de définir ce qu’est “l’espace de la marche”. Il s’agit de l’espace nécessaire au marcheur pour mener à bien son action. C’est-à-dire, qu’il ne s’agit pas du lieu où il marche mais, de la place de son corps en plus de l’espace qui lui est nécessaire pour sa perception et son interaction avec le lieu. Jean-Marc Besse affirme dans Les carnets du paysages que “ [Le mouvement] est produit, aussi bien sur le plan de la réalité effective que sur le plan de la perception”1.
De plus, dans le cadre de ses recherches avec l’atelier Ruelle, Gérard Pénot introduit la notion de “volume du piéton”. Il s’agit du volume nécessaire à un bâtiment d’architecture dédié à l’usage par et pour le piéton. De cette manière il crée une hiérarchisation dans la manière de concevoir les villes, en dédiant les rez-de-chaussées aux piétons. Bien que ce concept ne soit pris en compte dans le cadre de la marche à pied en tant que vecteur d’urbanité, ce terme engage une réflexion autour du volume créé par le marcheur, pour la pratique de la marche.
2. Hendrik Sturm, “La cospatialité. La superposition des territoires révélées par la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p. 59.
3. Marin L., De la représentation, Paris, Gallimard, 1994, p. 32.
C’est pourquoi, marcher peut être perçu comme un act sculptural, sculptant sans cesse par son propre volume celui du lieux. “Je suis sculpteur de formation, j’ai toujours aimé marcher. Il y a dix ans, j’ai compris que la marche était une forme de sculpture du paysage” affirme l’artiste Hendrik Sturm lors d’une exploration dans le bois de Vincennes. Pour lui, la marche se présente comme une forme de sculpture parce qu’elle est construite grâce à une perception de l’espace2. Cette conception de la marche comme capable de sculpter l’espace dans lequel se meut un marcheur par le volume qu’il génère, participe à la remise en question de la composition d’une ville. Elle peut être ainsi vu comme un ensemble de volume en mouvement. C’est par ailleurs, par cet aspect que se différencie la marche de l’architecture, elle n’induit pas le mouvement, mais elle l’est. De plus, reconnaître la malléabilité de l’espace de la marche en corrélation directe avec celui du lieu, permet d’appréhender les acteurs qui modifient la manière dont l’un et l’autre se sculptent. En interrogeant ces facteurs, l’institut Cresson (Centre de Recherche sur l’Espace Sonore et l’environnement urbain, du laboratoire Ambiance Architecture et Urbanité) a alors mené des recherches scientifiques abordant la ville de manière organique, par ses ambiances et ses changements d’état, ainsi pour étudier les “relations entre un espace et des corps dans le temps”. Laurence Brayer introduit la notion de l’analyse par le paysage en pratique pour aborder le projet urbain “éminemment sensible et sensuel”3.
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Une architecture du mouvement
4. David Le Breton, Eloge de la marche, Paris, Métalié, 2000, p. 57.
5. Philippe Robert, Architrek, Paris, La découverte, 2015, p. 21. 6. David Le Breton, Eloge de la marche, Paris, Métalié, 2000, p. 12.
7. Christophe Noyez, Utilisation de concept traditionnels dans l’architecture japonaise contemporaine, Ecole National Supérieur d’Architecture de Toulouse, mémoire, 2004, p.11. 8. Jens Denissen, Paris, entrevue du 27 Avril 2017.
D’après David Le Breton, la marche est un moyen d’interaction entre le corps et le milieu qu’il parcourt constitué de tensions multiples où cohabitent les objets et le lieux.Le lieu est un espace-corps4. De cette manière, il est possible d’envisager la place des piétons et des marcheurs avec une nouvelle perspective, en proposant un urbanisme et des règles d’architecture qui prennent en compte cette dimension.
Cette réflexion est née par analogie avec la conception du temps en architecture japonaise. Le mouvement procurée par la marche établit un lien naturel avec le temps. Philippe Robert, dans son ouvrage Architrek, nous apporte : “L’harmonie d’un site se décèle dans son approche. Un mystère peut l’entourer, né de ce qu’on a lu, de ce qu’on a imaginé, du paysage et de l’atmosphère que la lenteur de la progression nous fait subir”5. De cette manière, il induit la notion du temps et de la lenteur, indissociable à celle de la marche. En marchant le temps est mobilisé et c’est un temps qui « s’étire, flâne, se détache de l’horloge »6. Un des concepts les plus importants en architecture japonaise, est celui du Ma qui signifie : “atmosphère générée simultanément par l’intervalle entre deux choses et deux moments» 7.Pour les Japonais, le temps et l’espace étant intimement liés, le moindre cheminement devient un parcours durant lequel l’idée de rythme est très présente. L’espace est donc pensé de façon non linéaire, mais marqué par des évènements qui s’impriment à la marche.
La marche est alors un outil qui donne du temps et “prendre son temps, c’est prendre son espace”8. De cette manière, le mouvement de la marche permet de s’enraciner dans le lieux et dans la ville, mais aussi de le façonner. Philippe Robert ajoute “ Être en harmonie avec un lieu, c’est ressentir ces vibrations, deviner les forces cachée de la terre, comprendre ce qui se voit et ce qui ne se voit pas” (*). Il est alors évident d’associer l’harmonie provoquée par la marche au principe japonais de l’Oku. Il désigne « un lieu situé profondément dans l’intérieur des choses, loin de leur aspect externe»***. Ce concept se fonde sur un sentiment d’intuition appelé Kehai, qui est l’intuition de ce qui va arriver provoqué par le rythme du Ma.
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9. Hugues BAZIN, “La marchabilité du citoyen arpenteur acteur chercheur”, Mediapart.fr, 10 décembre 2014, (consulté le 10 Mai 2017) 10. Idem 11. Idem
Par le mouvement qu’elle crée, elle entretient un rapport étroit avec l’espace et le temps. De cette manière, la marche n’est pas seulement architecte, elle peut posséder sa propre architecture, elle est un concept à part entière.De plus, tout volume en mouvement induit une structure. La première est celle de celui qui bouge : le squelette du marcheur. La seconde est mécanique, celle de la marche en elle même, comprenant les flux, les réaction de l’objet en mouvement face aux éléments extérieur etc. L’architecture de la marche se traduit également par l’interaction phénoménologique qu’elle créer avec la matérialité de l’environnement urbain. Ceci implique la question de la matérialité de la marche. C’est une sorte de langage du sol, qui parle de la ville
Hugues Bazin dans son article La marchabilité du citoyen, invoque même la notion d’architecture fluide. Pour lui, l’architecture de la marche se conçoit comme une action et non un objet. C’est une architecture de “l’intelligence de la complexité” qui est de l’ordre du déploiement plutôt que du découpage” car elle offre une autre manière de concevoir l’espace et le temps dans “l’articulation entre mobilité spatiale, mentale et sociale”9. Il parle des espaces comme étant étant des espaces en pli qui “instaure une tension permanente entre le flux et le lieux”10. Pour lui, le matériaux de la marche est créé par le processus d’appropriation, ce sont les citoyens. L’architecture fluide se conçoit comme un mode de construction spatiale. Cette construction que crée la marche participe selon lui à un écosystème car elle évolue selon les manière d’exister. Ce point de vue implique de nous changions de regard sur la manière de concevoir le travail des espaces, nous passons d’une “ingénierie de projet à une maîtrise d’usage”11.
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Conclusion-
Pour conclure, la marche peut se traduire de plusieurs manière différentes. Elle est tant l’objet de la recherche que la méthode. L’architecte et l’urbaniste sont tantôt des planificateurs, des chercheurs dont le laboratoire est urbain,ou des médiateurs sociaux. Il s’agit de créer de l’urbanité par les fondements de la marche, par la pratique de l’espace de la ville. La marche permet l’amélioration de la ville et de son processus de création. Elle révèle les vides et les espaces cachés du territoire, elle le régule et le hiérarchise en dévoilant ses différentes échelles et espaces qui la compose et permet ainsi d’en révéler son identitée. L’action de la marche donne lieu à autre définition du territoire qui permet aux politiques publiques et aux habitants d’en saisir les potentialités spatiale et social. La mobilité devient de plus en plus une compétence du citoyen, il est coproducteur de l’espace-temps d’un territoire. De plus, sa recherche en termes scientifiques favorise la remise en question de la composition des villes et des phénomènes sociaux et culturels de manière bien plus théorique.
Penser la marche dans le domaine des réseaux et de la mobilité permet d’apporter une alternative à la domination des transport mécaniques et de penser le territoire comme un écosystème. Ceci permet d’ouvrir les territoire, de désegmentariser les activités, de fluidifier la ville par l’architecture de la marche. De plus, ceci permet de re-configurer les modes hiérarchiques de gouvernance, de connaissance et de conception d’un projet. De cette manière c’est un réseau complexe d’acteurs qui se met en place.
Outre l’aspect social et théorique que ceci met en valeur, l’enjeux économique est majeur. La marche devient une mode, et de plus en plus de tourismes locaux encouragent la marche à pied comme moyen de découverte. On peut remarquer cette nouvelle tendance notamment avec la pratique du barefooting qui consiste à se promener pied nus dans des environnement variés. Ceci ayant pour but de promouvoir une reconnexion avec la planète. L’appropriation de cette tendance peut également être humoristique comme avec Latourex - Laboratoire de Tourisme Expérimental - qui propose des manières comiques de se promener. Cependant, comment faire pour que la pratique de la marche à pied ne soit pas résolue à une tendance du vingt et unième siècle, mais qu’elle s’inscrive dans un mode de pensée, de déplacement et de développement qui soit pérenne ?
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Il est facile d’imaginer l’utopie suivante : si la marche était quelque chose d’inscrit dans nos modes de vie de manière ritualisée, aussi bien que tous les jours, à une heure précise tout le monde se mettait à sortir se promener dans les rues. Ceci favoriserait une remise en question constante des déplacements et transformerait la ville en une fourmilière géante, traversées par des milieux de flux qui n’ont comme objectif que d’errer. Quelle en serait sa répercussion à long terme ?
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Lexique Acronymes PDU : Plan de Déplacement Urbain PDUif : Plan de Déplacement Urbain d’Île-de-France PLD : Plan Local de Déplacement Mode actifs : Mode de déplacement non motorisé, marche à pied, vélo, roller, etc. AOM : Autorité Organisatrice de la mobilité ZAP : Zone d’Accessibilité Piétonne EMD : Enquête Ménage et Déplacements Insee : Institut nationale de la statistique et des études économique Cresson : Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, équipe grenobloise du laboratoire Ambiance Architecture Urbanité SUCH : Stratégie Urbaine Connexion et Hub, pour la marche à Paris.
Marche plaisir : Marche qui apporte de la satisfaction et du bien être, elle se pratique pour le seul but de marcher, elle est le contraire de la marche utilitaire. Marche utilitaire : Marche qui à pour but de servir, l’objectif et de se rendre à un endroit précis, elle est en général imposée et n’est pas vécu agréablement. Marche paysanne : Marche forcée, qui apporte du mal-être. Souvent subi par des personnes défavorisées n’ayant pas accès aux réseaux de transports. Marche sensible : Outils d’étude d’un environnement urbain. Une personne marche et décrit de manière précise ce qu’elle voit et ce qu’elle ressent, une autre personne analyse ses réactions extérieures. Marchabilité : Etude de l’aptitude d’un lieu à être favorable à la marche à pied. Promenadologie : Méthode destinée à décrypter les paysages, à reconnaître ceux qui passent habituellement inaperçus. Dérive : Pratique consistant à marcher en ville sans jugement par rapport à l’environnement urbain et sans itinéraire définis. Ludification : De ludique et fluidification. Manière de fluidifier les déplacements en ville par des actions ludiques et éphémères. Connectivité : Caractère d’une ville à avoir un réseau de rue et de transport suffisamment dense pour permettre au piéton de se déplacer sans difficulté.
Pedshed : Méthode de calcul déterminant les aires se pratiquant à moins de 5mn à pieds. Barefooting : Tendance venant des Etats-Unis consistant à marcher pied nus dans différents environnement. GR2013 : Sentier métropolitain de grande randonnée de 365 km de longueur traversant l’aire métropole de Marseille. Voyages Métropolitains : Promenades de un à deux jours consistant à explorer le territoire péri-urbain. Sentier du Grand Paris : Projet créé en continuité des Voyages Métropolitains, boucle marchable reliant les points d’intérêts du grand paris.
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Lexique Definitions La marche : Mouvement acquis, en général, au cours de la deuxième année de la vie, permettant le déplacement du corps sur les deux pieds dans une direction déterminée ; Mécanique ondulatoire du déplacement latéral; Action de marcher considérée comme une activité physique, un exercice sportif. Marcher : Se déplacer en mettant un pied devant l’autre ; Mettre les pieds sur, dans quelque chose lors de son déplacement; Déplacement à pied d’un groupe, en particulier dans le cadre d’une manifestation. Marcheur : Personne qui marche, généralement bien et longtemps. Le marcheur dans ce mémoire à la particularité d’englober plusieur caractéristique liée à la marche, être mobile pensant et conscient. Piéton : Personne qui va à pied, par rapport à celle qui est motorisée. Piétiner : Frapper le sol des pieds à plusieurs reprises tout en restant sur place; Avancer très lentement, à petits pas, ou rester sur place en ébauchant des mouvements de marche ; Ne faire aucun progrès, stagner. Se promener: Aller d’un point à un autre avec légèreté notamment pour se distraire, pour prendre de l’exercice. Noctambuler : Se promener la nuit, faire le noctambule, par nécessité ou par plaisir. Déambuler : Du latin ambulare “se promener”. .Aller au hasard, se promener sans but précis Flâner : Du norrois flana « marcher, se précipiter étourdiment ». Se promener lentement et sans direction précise pour le plaisir de regarder. Perdre son temps ; se complaire dans l’inaction, dans le farniente.
Se déplacer : Aller d’un lieu à un autre, changer de place. Se mouvoir : Mettre quelque chose en mouvement, Faire agir quelqu’un de telle ou telle manière, le pousser vers tel but. Mouvement : Du verbe latin movere « remuer ». Déplacement d’un corps par rapport à un point fixe de l’espace et à un moment déterminé. Mobilité : Du latin mobilitas. Caractère de ce qui est susceptible de mouvement
Voir : Percevoir quelqu’un, quelque chose par les yeux, les organes de la vue. Regarder : Examiner quelque chose avec attention ou le considérer sous un certain angle. Sentir : Recevoir quelque impression par le moyen des sens, éprouver en soi quelque chose d’agréable ou de pénible. Ressentir :Éprouver telle disposition à l’égard de quelqu’un, de quelque chose, tel sentiment;
Lieu : Du latin locus. Portion de l’espace, soit prise en elle-même, soit considérée par rapport à ce qui l’occupe. Espace : Du latin spatium (« stade, champ de course, arène, étendue, durée » Endroit : Lieu déterminé d’un espace. Taskscape : Paysage des activités, selon Tim Ingold. Landscape : Paysage vue autour de nous.
Ecologie : Science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants. Ecosystème : Système formé par un environnement et par l’ensemble des espèces qui y vivent et interagissent avec celui-ci. Complexe : Composé de plusieurs parties ou de plusieurs éléments.
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Bibliographie
Ouvrages d’introduction :
Juhani PALLASMAA, Le regard des sens, Paris, Édition du Linteau, 2010, 90p. Kenneth WHITE, “L’expérience du lieu ; perspectives géopoétique”, in Bertrand Levy, Alexandre Gillet, Marche et paysage, les chemins de la géopoétique, Genève, Metropolis, 2007, pp. 13-29. Georg SIMMEL, Les grandes villes ou la vie de l’esprit, Paris, l’Herne, Carnets, 2007, 59p. Laurent Tholbecq, “ La ville en chantier ou la marche entravée : vers une perception renouvelée de l’urbanisme oriental romain”, Clara : marche et espace urbain de l’antiquité à nos jours, n°1, 2013, pp. 33-44. Laurent CHOLLET, Les situationnistes : l’utopie incarnée, Paris, Gallimard, 2004, 127p.
Corpus de documents :
Communauté d’agglomération Est Ensemble, “Les modes actifs et alternatifs”, in Plan Local de Déplacement, approuvé au conseil communautaire du 15 décembre 2015, 145p. Communauté d’agglomération Val-forêt, “Les modes actifs”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Val-forêt, approuvé au conseil communautaire du 14 décembre 2015, 264p. Communauté d’agglomération Plaine Commune, “Le plan marche, une idée innovante”, in Plan Local de Déplacement de la communauté d’agglomération Plaine Commune, approuvé au conseil communautaire du 11 octobre 2016, 217p. Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie, « Effets induits, zones piétonnes », CETUR, STU, CETE d’Aix en Provence, 1980, 92p.
Articles de l’ouvrage du colloque de Cerisy “ Le génie de la marche” sous la direction de Georges AMAR, Mireille APEL-MULLER, et de Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ :
Hendrik STURM, “La cospatialité. La superposition des territoires révélées par la marche”, in Sabine ChardonnetDarmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp. 57-74. Eric LE BRETON, “La marche “paysanne”. Une contradiction de la société mobile”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp. 109-120. Stéphane TONNELAT, “Une infrastructure de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp.121-132. Sonia LAVADINHO, “ Quels espaces publics pour accueillir le nouveau marcheur ?” Hendrik Sturm, “La cospatialité. La superposition des territoires révélées par la marche”, in Sabine ChardonnetDarmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp. 177-186. Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ, “La ville au prisme de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp. 187-109. Bruno GOUYETTE, “Confronter les expériences”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp.218-220.
70
Thierry CICCIONE, “Les enjeux de la marche à pied”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp. 231-242.
Ouvrages et sites internet traitants de la question politique de la marche :
Laurent Probst, “Défis 3 & 4 / Modes actifs”, pduif.fr, ( consulté le 4 Mai 2017), http://www.pduif.fr/-Defis-3-4-Modesactifs-.html Laurent Probst, “PLD approuvés”, pduif.fr, ( consulté le 4 Mai 2017), http://www.pduif.fr/PLD-approuves-279.html Thomas DURLIN, “PDU obligatoires au 1er Juin 2013”, territoires-ville.cerema.fr, 31 janvier 2014 (consulté le 4 Mai 2017), http://www.territoires-ville.cerema.fr/pdu-obligatoires-au-1er-janvier-2013-a837.html Gaël DE ROTALIER, Les déplacements urbains : bilan et perspectives, Université Paris I-II, mémoire de DEA, 2000, 129p. Francis PAPON, Le retour du vélo comme mode de déplacement, Université Paris-Est, mémoire de de synthèse, 2012, 185p. Francis PAPON (inrets), Régis DE SOLERE (certu), “Les modes actifs : marche et vélo de retour en ville”, in Commissariat général au développement durable-Service de l’observation et des statistiques, La revue, 2010, pp. 65-82. Jean-Marie VERNAT, “L’évaporation du trafic, c’est quoi ? Discussion avec Frédéric Héran”, paris.fr, 23 septembre 2016 (consulté le 3 mai 2016), https://www.paris.fr/actualites/le-saviez-vous-le-trafic-automobile-peut-s-evaporer-4080 Jean-Marc OFFNER, “Trente ans de pas perdus !”, Urbanisme, n°359, 2008, pp. 43-43. Rachel THOMAS, Les trajectoires de l’accessibilité, Grenoble, À la Croisée, 2005, 183p.
Ouvrages et sites internet traitants de la question scientifique de la marche :
Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ, La marche, du chemin faisant au faire chemin, Thibaud Jean-Paul et Siret Daniel, Ambiances in action / Ambiances en acte(s) - International Congress on Ambiances, Montreal 2012, Sep 2012, Montreal, Canada. International Ambiances Network, pp.435-440, 2012. Pierre SANSOT, Du bon sens de la lenteur, Paris, Editions Rivages, 2000, 124p. Rachel Thomas, “La marche en ville. Une histoire de sens” in L’espace Géographique, n°1, 1er trimestre, pp.15-26. Lucius BURCKHARDT, Warum ist Landschaft schön? Die Spaziergangswissenschaft, Berlin, Martin Schmitz Verlag, 2006, 247p Reid Ewing, Susan Handy, “Measuring the Unmeasurable : Urban Design Qualities Related to Walkability”, Journal of Urban Design, n°14, 2009, pp.65-84 Jacques Levy, “Modèle de mobilité, modèle d’urbanité”, Sylvain Allemand, François Ascher, Jacques Levy (dir.), Les sens du mouvement, Paris, editions Belin, 2004, pp. 157-168. Jean-Paul Thibault, “Des modes d’existence de la marche urbaine”, in Rachel Thomas (dir.), Marcher en ville. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines, Paris, les archives contemporaines, pp. 29-46.
71
Ouvrages et sites internet traitants de la question territorial et/ou sociale de la marche :
Tim INGOLD, «The Temporality of the Landscape», World Archaeology 25, n°2, 1993, pp. 24-174. Kevin LYNCH, L’image de la Cité, trad. par Marie-Françoise Vénard et Jean-Louis Vénard, Paris, Dunod, 1960, 221p. Rebecca SOLNIT, L’art de marcher, Arles, Actes Sud, 2002, 375p. Thierry DAVILA, Marcher, Créer : Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Paris, Editions du Regard, 2002, 191p. Arnaud PIOMBINI, “Contexte spatial des ambiances urbaines et usages des lieux”, Ambiances, 7 février 2013, (consulté le 1 mai 2017) Jean-Marc BESSE, “L’élan du paysage. Première note sur la danse et l’écriture”, Les carnets du paysages, 2007, pp. 11-19. Sébastien MAROT, “Envisager les hyperpaysages”, Les cahiers de l’Ecole de Blois, N°12, juin 2014, pp.54-64. David LE BRETON, Eloge de la marche, Paris, Métalié, 2000, 160p. David LE BRETON, Eloge de la lenteur et des chemins, Paris, Métalié, 168p. Sonia LAVADINHO, “Réenchanter la marche, ludifier la ville”, Les cahiers nouveaux, n°80, 2011, pp. 14-24. Mona PRUDHOMME, “Les randonneurs mettent le pied sur les villes”, enlargeyourparis.fr, 20 avril 2017, (consulté le 28 Avril 2017), http://www.enlargeyourparis.fr/la-ville-nouveau-terrain-de-jeu-des-randonneurs/
Ouvrages et/ou sites internet traitants de la question de l’architecture de la marche:
Philippe ROBERT, Architrek, Paris, La découverte, 2015, 128p. Christophe NOYEZ, Utilisation de concept traditionnels dans l’architecture japonaise contemporaine, Ecole National Supérieur d’Architecture de Toulouse, mémoire, 2004, 43p. Gérard PENOT, La ville au corps à corps, Marseille, Parenthèse, 2015, 143p. Jens DENISSEN, Paris, entrevue du 27 Avril 2017
Ouvrages de conclusion: Hugues BAZIN, “La marchabilité du citoyen arpenteur acteur chercheur”, Mediapart.fr, 10 décembre 2014, (consulté le 10 Mai 2017)
Outil méthodologique : Dictionnaire de français, larousse.fr, (consulté le 9 et13 Mai 2017), http://www.larousse.fr/ Centre National de Recherche Textuelles et Lexicales, cnrtl.fr, (consulté le 9 et 13 Mai 2017), http://www.cnrtl.fr/
Sources iconographiques : [1] : pinterest.com [2] : Stéphane Tonnelat, “Une infrastructure de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, pp.122.
[3] et [4] : PLD de la communauté Est Ensemble p. 34. [5] : PLD de la communauté de Val-forêt p. 78. [6], [7] et [8] : PLD de la communauté Plaine Commune [9] : caradisiac.com
72 [10] : levoyagemetropolitain.com
[11] : to-co-to.com [12] : carlosmartinez.ch [13] :longville.ch [14] : le corpus.com [15] : Jacques Levy, “Modèle de mobilité, modèle d’urbanité”, Sylvain Allemand, François Ascher, Jacques Levy (dir.), Les sens du mouvement, Paris, editions Belin, 2004, p. 159.
[16], [17] et [18] Vincent Chatalic, Environnement bâti et déplacements piétonnier. Modéliser la marchabilité en France, Université Paris-I Panthéon Sorbonne, mémoire, 2012, p. 39.
[19] : Rachel Thomas, Les trajectoires de l’accessibilité, Grenoble, À la Croisée, 2005, p. 136. [20] : Jean-Paul Thibault, “Des modes d’existence de la marche urbaine”, in
Rachel Thomas (dir.), Marcher en ville. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines, Paris, les archives contemporaines, p. 45.
[22] et [23] : Sabine Chardonnet Darmaillacq, “ La ville mobile au prisme de la marche”, in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, Mireille Apel-Muller, Georges Amar (dir.), Le génie de la marche, Paris, Hermann, 2016, p. 188 et 190.
[24] : Marine Vever, Comprendre la sociabilité des espaces publics à travers leur potentiel piétonnier : le cas de quatre voisinages à Montréal, mémoire Université du Quebec, 2012 [images de couverture ] : adobe stock
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Annexe Enquête d’opinions
Cette enquête à été réalisé grâce un outils Google partageable, elle a été diffusée sur les réseaux sociaux ainsi que par le bouche à oreille des personnes que je connais. Bien que le public ayant répondu à cette enquête soit en majorité des femmes et des étudiants, le nombres de réponse s’élève à 363. Ceci permet de se faire un avis sur le comportement des 18-25 ans par rapport à la marche.
Panel de l’enquête :
Nombre de Quel âge avez-vous ? Interpretation du 450 panel : 400
Quel âge avez-vous ?
350 300 350
250
300
200
250
150
200
100 50 Fontionnaire
Freelance
intermittente
0 Retraité
Quel est votre activité
17
52
52
56
56
65
65
18-25 ans
18-25 ans
25-30 ans
25-30 ans
30-35 ans
30-35 ans
150
35 ans et plus
100
Un an et demi
Sans Alternant emploi Cadre Stagiaire dans le50 super Employé voyageur secteur privé 0
Alternant
Etudiant (vide)
Quel âge avez-vous ?
17
Fontionnaire
Freelance
35 ans et plus A la campagne
Un an et demi
Dans la ville de Helsinki qui n'a pas de "couronnes" mais dès micro-centres.
intermittente
Retraité
Sans emploi
Stagiaire
super voyageur
En banlieu, grande couronne En(vide) banlieu, petite couronne
en centre ville de belo horizonte, brésil Cadre dans le secteur privé
Employé
Etudiant
Fontionnaire
En periphérie, à moins de 30km d'une grande ville Freelance En périphérie, à moins de 30km d'une grande ville
intermittente
En périphérie, à plus de 30km d'une grande ville En ville en semaine et en campagne le week end J'habite en centre ville de Tallinn, mais je ne suis pas sûre qu'on puisse dire que c'est une métropole... La Réunion Metropole "intra-muros" Métropole "intra-muros" petit ile pietone Fontionnaire
Freelance
74
intermittente
Retraité
Sans emploi
Stagiaire
super voyageur
(vide)
(vide)
Questions préliminaires :
Ces première questions ont servis à determiner quelles sont les habitudes du panel en matière de marche à pied, pourquoi, comment, est une marche subit ou voulue ? Les réponses et les questions ont étés : Pourquoi marchez-vous ? -Pour aller travailler : 24.9 -Pour aller étudier : 63.9% -Pour les loisirs : 87% -Pour des événements exeptionels :49.7% -Pour le plaisir : 59% -Par necessité : 7.3% Pour quelles raisons prennez vous le choix de marcher ? -Distance courte -Transport en commun saturé -Transport en commun inneficasse -Pour le plasir -Parcours agréable Les autres questions ont servis à positionner le sujet sur la marche
Interpretation Le sondage revèle que la majorité des gens, indépendemment de leur sexe ou de leurs acivité aiment marcher seul et trouvent que la marche en ville n’est pas si compliquée. Cependant, les avis partagés ont montré que les personnes prefèrent marcher dans des villes de province plutôt qu’en region parisiennes et ont beaucoup sités les rues pietonnes qui sont rare.
Nombre de Aimez-vous marcher seul ?
334 350 300
Aimez-vous marcher seul ?
250
Non
149
Oui
200
Oui, Non
150
50 0
Oui, Non
65
100
Oui
14 Non Un homme
Qui êtes vous ?
Une femme
Quel est votre activité
Où habitez-vous ?
75
D’autres questions ont été posées sur les sensations perçues par les marcheurs. Les éléments revenants comme étant désagréables sont : la foule, l’encombrment des trottoires, l’insécurité ou encore la polution. Le bruit lui n’est ni perçus comme une containte ni comme quelque chose d’agréable. Les éléments étant perçus comme agréables sont : l’act de marcher, le fait de se trouver à l’exterieur, la météorologie, les odeurs des rues et l’activité ambiante de la ville. D’autres facteurs ont aussi été relevés comme l’architecture ou la présence de tags et oeuvres de street art dans les rues.
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reponses
Nombre de Que faites-vous quand vous êtes perdus ? 90 80
Que faites-vous quand vous êtes perdus ?
70
1
60 50
2
40 30 20
3
10 0
17
52
56
65
18-25 ans
25-30 ans
30-35 ans
35 ans et plus
Un an et demi
application réseau socialavez-vous pourrait aider de la marche ? (ex : Waze) Quel âge ? ?au(exdéveloppement lune pourrait aider auoudéveloppement de la marche : Waze)
Pensez-vous qu’une application ou réseau social pourrait aider au développement de la marche ? (ex : Waze)
Pensez-vous qu'une aider application ou réseau social déve Pensez-vous qu'une application ou réseau social pourrait au développement de lapourrait marche aider ? (ex :au Waze) Je ne connais pas
Je ne connais pas
Non
Non
Oui
Oui
(vide)
(vide)
qu'une application ou réseauFreelance socialFontionnaire pourrait aider au développement de laStagiaire marche ?emploi (ex : Waze) Fontionnaire Etudiant intermittente Freelance Retraité Sans emploi super voyageur (vide) Cadre dansEtudiant le Employé intermittente Retraité Sans Stagiaire super voyageur (vide) secteur privé Nombre de Pensez-vous qu'une application ou réseau social pourrait aider au développement de la marche ? (ex : Waze)
263
263
300
Pensez-vous qu'une application ou réseau social pourrait aider au développement de la marche ?
250
Je ne connais pas
200
Non
150 1
1 100
32
1
1
50 56
Pensez-vous qu’une application ou réseau social pourrait aider au développement de la marche ? (ex : Waze)
0
65
17
1
2
5
1
32
(vide)
18-25 ans 25-30 ans 30-35 ans 35 ans et Un an et 52 56 65 18-25 25-30 ans 30-35 ans 35 ans et Un an et plus ans demi plus demi
Je ne connais pas Non
Oui
Oui 5 2 Je ne connais pas
Pensez-vous qu'une application ou réseau s
Oui
Oui (vide)
Je ne connais pas
Quel âge avez-vous ? Nombre de Comment voyez-vous le future de votre mobilité à pied ?
306 350 300
Comment voyez-vous le future de votre mobilité à pied ?
250
En degradation
200 150
48 1
100
6
8
50 0
1
En dégradation En évolution En degradation
17
52
56
65
En évolution En stagnation
18-25 25-30 30-35 35 ans Un an ans ans ans et plus et demi
Quel âge avez-vous ?
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Le regain d’intérêt pour la marche à pied aujourd’hui est de plus en plus grandissant. Bonne pour la santé, écologique et économique, tel est le message véhiculé par les villes et les institutions auprès des citadins. Cependant qu’apporte vraiment la marche pour la ville ? Pouvons-nous considérer la marche comme un vecteur d’urbanité ?
Ce mémoire aborde la manière dont la marche est à la fois productrice pour les politiques publiques et les habitants mais aussi créatrice de savoir. A partir de l’étude des Plans de Déplacement Urbains (PDU) des communautés d’agglomérations Est Ensemble, Val-forêt et Plaine Commune, nous verrons comment les modes actifs sont intégrés et mis en place par les dispositifs tel que le Plan Marche, les zones de rencontres ou les marches collectives au profit d’une marche plaisir, de l’accessibilité, d’une réappropriation du territoire, du principe de ludification de la ville et de la lutte contre la marche paysanne. La mise en place d’une politique de la marche engage aussi des réflexions scientifiques, la notion de walkability (ou marchabilité) est en plein essor, cette pratique replace autant le corps par le principe des marches sensibles que la géographie et les mathématiques dans l’étude du paysage urbain. Se poser la question de la marche, c’est aussi se poser celle de l’écologie des mobilités. La marche à pied en tant qu’architecture fluide s’offre alors comme un nouvel outils pour penser l’intermodalité des réseaux de transports en commun en plaçant le marcheur au cœur de l’étude.
Construire la ville au XXIe siècle se présente souvent comme un défis. La marche architecte de l’espace urbain, propose ainsi une nouvelle manière de penser et de créer les villes -avec ses pieds-.