Transport & Transition Energétique 2021

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PLM

Le guide 2021

M É D I AS - P R E S S E - C O M M U N I C AT I O N

mobilités Les

transport & transition énergetique

face au défi TRANSITION ÉNERGÉTIQUE de la

8 tribunes | 5 leviers | 6 stratégies territoriales

8 5 6 Stratégies territoriales

qualité de l'air

tribunes

Les experts s'expriment Dossier

Leviers pour une transition énergétique réussie stratégies territoriales • Conflans-Sainte-Honorine • Le Grand Lyon • Marseille Métropole • Rouen Métropole • Le Mans Métropole • Lens-SMT Artois-Gohelle

carburation


L'avenir dans une nouvelle dimension. L'eCitaro G. La référence. Avec l'eCitaro G, Mercedes-Benz continue son développement vers l'âge de l'électromobilité en toute cohérence. En tant qu'autobus articulé à entraînement entièrement électrique, l'eCitaro G complète la gamme des autobus électriques avec un habitacle spacieux pour les lignes à grande affluence. Grâce à sa technique éprouvée et au système global d'eMobility de Daimler Buses, il ouvre la voie vers les concepts de transport du futur. Plus d'informations sur www.mercedes-benz-bus.fr

*La référence du bus et du car EvoBus France SASU au capital de 14 640 000 euros, 2-6 rue du Vignolle, 95200 Sarcelles, RCS Pontoise no 662 018 068


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Page Édité par : PLM Médias-Presse & communication www.mobily-cités.fr

Elles/ils ont collaboré à ce numéro : Messieurs les Députés Jean-Luc FUGIT Jean-Marc ZULÉSI

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ÉDITOS

Jean-Luc FUGIT, député du Rhône et président du Conseil National de L’air Jean-Marc ZULÉSI, député dans la 8è circonscription des Bouches-du-Rhône

Mesdames, Messieurs Dorothée COUCHARRIÈRE Caroline MALEPLATE Stéphane AMANT Jean-Sébastien BARRAULT Gautier CHATELUS Jean COLDEFY Edouard HÉNAUT Experts et chercheurs en mobilités : Aurélien BIGO, Polytechnicien Chercheur en transition énergétique des transports Loic FIEUX, Ingénieur, journaliste expert en transport Marc FRESSOZ, Journaliste spécialiste des Transports et des mobilités territoriales Camille VALENTIN, Spécialiste des relations institutionnelles Photographie Grégory BRENDEL, Christophe RECOURA, Loic FIEUX PLM Médias & communication Adobe Stock / Getty Images Secrétariat de rédaction PLM Médias & communication

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TRIBUNES

Dorothée COUCHARRIÈRE, Senior adviser FIPRA International Caroline MALPLATE, Déléguée mobilité propre GRDF Edouard HÉNAUT, Directeur général Transdev France François MALBRUNOT, CEO Logma Jean COLDEFY, Expert mobilité Directeur du programme Mobilité 3.0 ATEC ITS Jean-Sébastien BARRAULT, Président de la FNTV

Publicité et partenariats PLM Médias & Communication pierrelancien@orange.fr tel : 06 48 67 33 44

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LA FRANCE S’ENGAGET-ELLE SUR LA BONNE VOIE POUR DÉCARBONER SES TRANSPORTS ? En 2020

À l’Horizon 2050 5 leviers à actionner pour répondre à la SNBC (stratégie Nationale Bas Carbone) - La demande de transport - Le report modal - Le taux de remplissage - L’efficacité énergétique - L’intensité carbone - La pollution de l’air : Un enjeu local - La dépendance au pétrole : Un enjeu de résilience Les différentes carburations possibles pour atteindre les objectifs de la SNBC - La mobilité électrique - L’hydrogène - Gaz/Biogaz - Les Bio-carburants Le bon cocktail de motorisation pour son parc de bus Étude bus AirParif 2020

Stéphane AMANT, Senior manager Carbone 4 Gautier CHATELUS, Directeur Adjoint Département Infrastructures et Mobilité Banque des Territoires

Direction artistique Conception graphique Exécution, maquette, réalisation Nicolas DUMONT - GPS com Impression GPS com 14 rue Faidherbe 75011 Paris

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sommaire

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EXCLUSIF TTE 2021 L’HYDROGÈNE EXISTE AUSSI SANS PILE À COMBUSTIBLE

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6 STRATÉGIES TERRITORIALES À LA LOUPE

- Conflans-Sainte-Honorine - Le Grand Lyon - Marseille Métropole - Rouen Métropole - Le Mans Métropole - Lens-SMT Artois-Gohelle

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Le guide 2021

transport & transition énergetique

TTE 2021 Le Guide ! Transport & Transition Energétique

La #Loi d'Orientation des Mobilités promulguée, c'est une profonde transformation pour améliorer la mobilité de tous dans tous les territoires et engager la transition écologique de nos transports. Alors que la crise sanitaire accélère la prise de conscience des enjeux liés à la préservation de l’environnement et à la relocalisation, comment l’action publique va-t-elle s’ancrer dans les territoires ? Comment le tandem Région-Intercommunalités, désormais aux manettes des politiques de déplacements, va-t-il mettre en cohérence les choix énergétiques locaux ? Le développement des alternatives au diesel doit être compatible avec celui, harmonieux et durable, de notre planète. GNV, biocarburants de nouvelle génération, hydrogène… chaque filière a son domaine de pertinence. Le guide TTE Les mobilités face au défi de la transition énergétique 2021 est l'occasion de faire un point sur les performances des matériels, l’avitaillement, la fiscalité, les investissements et le TCO. La parole est donnée aux experts sur les avancées technologiques, politiques et environnementales nécessaires à un transport propre, intelligent et durable. En illustration, six présidents d’agglomération exposent et argumentent leurs stratégies territoriales pour une transition énergétique de leur transport collectif. Pierre LANCIEN

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édito

Les mobilités face au défi de la transition énergétique JEAN-MARC ZULESI, DÉPUTÉ DES BOUCHES-DURHÔNE, CO-PRÉSIDENT DE FRANCE MOBILITÉS ET RAPPORTEUR SUR LE TITRE "SE DÉPLACER" DU PROJET DE LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE

Nous vivons une ère de changements majeurs pour le secteur des transports C

e début de décennie marque un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique et le secteur des transports ne fait pas exception. Accompagnés par les pouvoirs publics, les transports font leur révolution verte. En 2019 déjà, avec la loi d’orientation des mobilités (LOM), première loi d’envergure consacrée aux transports depuis 1982, la majorité a répondu à un double impératif écologique et social en posant les bases de la mobilité de demain : une mobilité plus vertueuse, basée sur l’innovation et plus adaptée aux besoins de nos concitoyens. Aujourd’hui, avec la loi Climat et Résilience, nous continuons à œuvrer pour une mobilité durable qui ne se développe pas au détriment de nos filières industrielles mais, au contraire, en les accompagnant. Nous sommes face à plusieurs défis : offrir des mobilités propres à nos concitoyens tout en désenclavant les territoires les plus isolés, diminuer l’incidence du fret routier, réduire les émissions de l’aviation et répondre à l’immense enjeu de santé publique qu’est la qualité de l’air. Depuis 2017 et les Assises de la mobilité, nous travaillons pour proposer à nos concitoyens une offre de mobilité plus respectueuse de la santé et de l’environnement. Notre nation est riche de la diversité de ses territoires. Cela nécessite d’agir au plus près du terrain afin de s’adapter aux besoins locaux. C’est la raison pour laquelle nous donnons la possibilité aux communautés de communes de se saisir de la compétence mobilité. Par ce biais, notre volonté est aussi de lutter contre les zones blanches de mobilité et ainsi désenclaver les territoires. C’est un enjeu essentiel d’aménagement durable de nos territoires. Forts de l’ingéniosité française, les solutions ne manquent pas pour accélérer une mobilité verte accessible à tous : faciliter ou encourager le report vers des modes moins polluants, optimiser l’usage et l’occupation des véhicules en circulation, accélérer le déploiement d’outils et de services numériques ou encore favoriser les pôles multimodaux. Services de l’Etat, Législateurs, Collectivités, nous accompagnerons avec vigueur cette dynamique ! Aujourd’hui, le transport routier de marchandises est un secteur stratégique qui contribue à l’indépendance et à la souveraineté économique

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de la France. Mais son impact environnemental est significatif et force le secteur à s’adapter pour durer. Une chose est sûre, la transition énergétique passera par le camion vert. Cela suppose de faire évoluer la fiscalité sur les carburants à l’échelle européenne mais surtout de tout mettre en œuvre pour offrir aux transporteurs français des alternatives aux énergies fossiles fiables et accessibles. Cette dynamique est en cours, intensifions-la ! L’intermodalité se place comme un des enjeux supplémentaires du fret de demain. La route, le rail et le fluvial ne s'excluent pas mais se complètent. Les différents modes de transport offrent des complémentarités encore sous-exploités : étudions par exemple toutes les possibilités permettant de développer le transport combiné. Les investissements dans développement de l’intermodalité seront donc cruciaux dans les années à venir. Enfin, l’objectif de neutralité carbone nécessite de limiter la croissance du trafic aérien et les émissions de ce secteur dont les difficultés actuelles ne doivent pas être négligée. Cela suppose de ne pas brider l’innovation et d’accompagner toutes les évolutions permettant de décarboner le secteur. La suppression des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 2h30 et l’interdiction de la construction ou de l’extension d’aéroports permettront d’atteindre cet objectif. Le mécanisme de compensation carbone des vols domestiques constitue également un outil innovant dont il sera nécessaire de mesurer les effets à plus long terme. La mobilité est aussi un enjeu de sanitaire : la pollution de l’air qu’elle génère a des conséquences graves sur la santé de nos concitoyens. Elle est la deuxième cause de mortalité évitable dans notre pays, tuant chaque année 50 000 personnes. Le développement de mobilités plus durables et moins polluantes est donc un enjeu non seulement de transition écologique, mais également de santé publique. Dans ce contexte, les Zones à faible émission mobilité, dites ZFE-m, sont un outil efficace pour réduire les émissions polluantes dans nos centresvilles. Mais, si les ZFE permettent d’améliorer la qualité de l’air, elles ne suffisent pas et doivent être envisagées en complément d’autres mesures. Réussir la transition écologique des mobilités, c’est aussi maîtriser l’augmentation continue de la demande de transports et enrayer l’étalement urbain qui génère une forte consommation de ressources naturelles et une multiplication des déplacements, notamment logistiques. Avec le projet de loi Climat et Résilience, nous allons accompagner un peu plus les filières du transport dans leur nécessaire transformation et avancer plus vite vers la mobilité verte du quotidien. Nous vivons une ère de changements majeurs pour le secteur des mobilités : la création d’un nouvel écosystème plus accessible, plus durable, plus innovant, centré sur l’usager et organisé à l’échelle des territoires.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

édito

EDITO DE JEAN-LUC FUGIT, DÉPUTÉ DU RHÔNE, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'AIR

Les mobilités face au défi de la transition énergétique L

a neutralité carbone 2050 est un objectif que nous devons tous partager, qui nous demande d’aller vers plus de sobriété énergétique et de produire moins de CO2 dans tous les secteurs de notre économie. En France, le secteur des transports alors qu’il représente près de 30% de nos émissions de gaz à effet de serre a entamé une profonde mutation. Une transformation des mobilités portée par la nécessité d’une trajectoire ambitieuse pour en réduire l’impact climatique et sanitaire mais aussi une trajectoire soutenable pour une mobilité plus inclusive et en adéquation avec les besoins de nos concitoyens adaptés aux territoires sur lesquels ils vivent.

UN HORIZON D’ACTIONS Promulguée fin 2019, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a permis de remettre la question des mobilités au centre des enjeux politiques nationaux. En fixant un horizon d’actions, des échéances progressives et en donnant aux collectivités, aux entreprises et aux citoyens des moyens d’actions pour y parvenir, elle va nous permettre d’installer de nouveaux usages. En tant que rapporteur du volet «Développer des mobilités plus propres et plus actives» et plus généralement en tant que président du Conseil National de l’Air, j’ai souhaité que ce texte engage notre pays sur une trajectoire progressive de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des émissions de polluants de proximité, particulièrement nocifs pour notre santé comme les oxydes d’azote et les particules fines. La LOM, nous l’avons pensé comme une boîte à outils évolutive dans le temps. La mise en place d’un forfait mobilité durable, le verdissement des flottes des véhicules de l’Etat, des collectivités et des entreprises, la fin de la vente des véhicules neufs utilisant des énergies fossiles d’ici à 2040, une plus grande place accordée au vélo et au train, sont autant de leviers pour réduire l’empreinte environnementale des transports. Les Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFEm), introduite par la LOM, élargies et renforcées par la loi Climat et Résilience permettront d’améliorer la qualité de l’air que respirent les habitants situés dans les territoires les plus pollués.

DÉVELOPPER LES ÉNERGIES ALTERNATIVES Avec la sortie progressive des énergies fossiles, l’industrie des transports doit se réinventer ! Ce qui est déjà en partie le cas, avec l’arrivée sur le marché d’énergies et de technologies alternatives moins impac-

tantes pour notre climat et notre santé. Electricité, biogaz, biocarburants avancés, hydrogène, les solutions sont déjà là, certes avec des degrés de maturité différente, avec des verrous technologiques et réglementaires qu’il faut encore lever. Certaine comme le biogaz, produit localement, apporte de nombreuses externalités positives, notamment pour le monde agricole dans une vraie logique d’économie circulaire Et puis, il y a l’hydrogène décarboné ! Un vecteur énergétique devenu incontournable aujourd’hui et dont le potentiel réel, via une massification de sa production nous permettra de décarboner l’industrie, le bâtiment et naturellement les transports. L’hydrogène doit d’abord répondre à des usages pour la mobilité lourde et longue distance. En tant que scientifique, je suis très attaché à ce que nos chercheurs puissent avoir les moyens, en France, de mener leurs travaux et de contribuer aux innovations qui demain permettront de rendre nos mobilités toujours plus propres.

LES TERRITOIRES EN CHEF D’ORCHESTRE Les outils législatifs ou réglementaires qui accompagnent les territoires dans la transition de leur mobilité, pour être efficients, doivent être corrélés à des dispositifs d’incitation et de soutien supplémentaires pour rendre ces nouvelles mobilités accessibles à tous. Les mesures actuelles mise en œuvre par l’Etat (bonus écologique, prime à la conversion, surprime pour les ZFEm, ou encore le microcrédit mobilité propre pour les ménages très modestes…) et par certaines collectivités vont dans le bon sens. Et puis je ne peux qu’inviter les collectivités et tous les acteurs de la mobilité en général, à se saisir de la démarche partenariale et collective mise en place par l’Etat et baptisée France Mobilités qui permet, depuis deux ans, de soutenir l’expérimentation et le déploiement des projets concrets répondant aux besoins de mobilités des citoyens. Si j’aime à répéter que la mobilité totalement propre n’existe pas ! Nous avons en France le potentiel technologique et la volonté politique pour accompagner cette transition des mobilités. Le secteur des mobilités comme le secteur du bâtiment, de l’agriculture et de l’industrie doit prendre sa part de responsabilité pour réduire nous émissions de GES et améliorer la qualité de l’air que nous respirons : notre bien commun à tous !

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tribune

Les mobilités face au défi de la transition énergétique Dorothée COUCHARRIÈRE,

Conseillère en politiques publiques décarbonation et durabilité chez Fipra international

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la pollution atmosphérique constitue le principal facteur environnemental de risque pour la santé. En Europe, la pollution atmosphérique, principalement liée aux particules fines de type PM₂.₅ , cause chaque année, plus de 400 000 décès prématurés et a également des effets négatifs directs sur l’environnement. Elle est la cause de nombreuses maladies cardiovasculaires, respiratoires ou encore neurologiques, et de cancers. En France, on impute à la mauvaise qualité de l’air 48 000 décès par an, soit 9% de la mortalité totale. La dégradation de la qualité de l’air, sujet souvent porté par les maires des grandes agglomérations, vient à toucher fortement des populations qui se sentaient jusque-là protégées comme en milieu rural. La condamnation de l’État français pour « carence fautive » au regard de la gestion des pollutions en vallée d’Arve (Haute-Savoie), traversée par le tunnel du Mont-blanc et ses 1,2 million de véhicules légers et 600 000 poids lourds par an, est à cet égard emblématique. Au Royaume Uni, une décision de justice a reconnu le 16 décembre dernier, le rôle joué par la pollution de l’air dans la mort d’une petite Londonienne âgée de 9 ans1. La pandémie que nous traversons depuis plus d’un an rend la question encore plus épineuse et urgente. L’AEE a démontré qu’une exposition prolongée aux polluants atmosphériques était susceptible d’accroître la sensibilité à la COVID-19. On ne peut donc que se réjouir que l’Union européenne décide enfin d’aligner ses normes en matière de qualité de l’air sur celles de l’OMS.

LA NOUVELLE DONNE TECHNOLOGIQUE PERMETTRA-T-ELLE D’ACHEVER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ? Pour rappel, le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre en France (31 % en 2019). Les transports routiers contribuent à la quasi-totalité des émissions du secteur des transports (94%) et 54 % de ces émissions sont imputables aux véhicules particuliers, 24 % aux poids lourds et 20 % aux véhicules utilitaires légers.

Le projet de loi en cours de discussion au Parlement, sensé reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, prévoit la fin de vente des véhicules thermiques en 2040 alors que l’UE vise 2035 et n’aborde jamais la question de la demande de transport. La stratégie de mobilité durable et intelligente2 que la Commission européenne vient de publier prévoit de réviser 82 textes législatifs. Les remèdes apportés sont là aussi souvent technologiques, administrés par mode, et peu porteurs d’une vision renouvelée de la mobilité. L’internalisation des coûts externes des transports via notamment le système d’échange des quotas de CO2 et l’objectif d’ici à 2030, et l’objectif de report modal de la route vers le ferroviaire et les voies navigables sont prometteurs. Mais, l’automatisation, la billettique, les carburants de substitution, avec une vision forte pour le développement de l’électromobilité et des batteries plus durables3, suffira-t-il à inverser la tendance et à changer de paradigme ? La transition vers une économie circulaire implique de passer d’une économie des biens à un économie de services, développant de nouveaux modèles commerciaux non sans impact sur le secteur des transports. Des signaux de prix plus clairs pour tous les modes de transport, reflétant leurs externalités environnementales et sociétales, et intégrant leurs coûts marginaux, sont essentiels pour permettre des conditions équitables entre les différents modes de transport en Europe, l’aviation ayant été le secteur ayant le moins internalisé ces coûts. Le récent accord sur le Mécanisme d’Interconnexion en Européenne ne tranche pas sur la part dédiée aux infrastructures et au matériel roulant nécessaire pour réaliser le report modal du routier vers le rail. Les régions sont placées sous silence et la question des trains de nuit est éludée alors que de nombreux États comme l’Autriche et l’Allemagne s’engagent dans cette voie. On aurait espéré davantage pour cette année européenne du rail, la stratégie européenne se concentrant sur le maillage à l’échelle européenne, ou sur des questions techniques comme le train à hydrogène.

UNE RÉVOLUTION DES USAGES PLUTÔT QU’UNE ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE La diminution de nombreuses activités humaines pendant la pandémie du COVID 19 a entraîné une baisse des émissions et de certains polluants atmosphériques telle que le dioxyde d'azote dans de nombreuses villes d'Europe avec un moindre usage de la voiture. Le levier de la demande de transport est donc essentiel pour atteindre les objectifs. La dépendance à l’automobile, produit de politiques publiques post-modernes créé une situation de dépendance aujourd’hui peu compatible avec la nécessité de respirer un air non vicié ou de vivre dans une société où les pandémies ne sont pas une menace constante. Cette transition écologique, bien plus complexe que la décroissance, implique de changer de paradigme et de remettre l’humain au centre d’un écosystème, relié au vivant. Il faut donc transformer les usages, changer notre rapport « viril » aux modes de transport, en contraignants les modes les plus émetteurs, et en favorisant une offre de services de transport alternatifs et partagés. Il faut adopter des mesures de sobriété, par exemple, en limitant à 110 km/h la vitesse sur autoroute, en favorisant l’éco-conduite et en promouvant les mobilités actives. Ce changement de paradigme implique un volontarisme politique et des choix courageux. Il faut reprendre le contrôle de l’aménagement de l’espace pour réduire les distances du quotidien et relocaliser les services, favoriser le report modal vers des transports plus propres et plus efficaces comme le rail, et diminuer la place de l’automobile. L’apport de la technologie et du numérique à cette transformation, comme le MaaS ne doit être envisagé qu’au service de ces desseins, et non pas à l’inverse promu comme un objectif en soi qui permettrait, à périmètre constant, de sauver un système dont la profitabilité est à bout de souffle.

1. https://www.theguardian.com/environment/2020/dec/16/girls-death-contributed-to-by-air-pollution-coroner-rules-in-landmark-case 2. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0789&from=EN 3. Voir la proposition de la Commission européennes pour une règlement européen sur les batteries https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_2311

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

tribune

Caroline MALPLATE,

Déléguée mobilité propre GRDF

Les enjeux climatiques sont au cœur des préoccupations des entreprises, des collectivités et des citoyens : tous souhaitent en effet urgemment l’amélioration de la qualité de l’air ; tous aspirent à limiter au plus vite le réchauffement climatique pour léguer une planète vivable aux générations futures. Bonne nouvelle, dans les transports, il n’y a pas une solution unique, mais un éventail de choix pour y parvenir, un mix énergétique diversifié et complémentaire ; chaque besoin de mobilité dispose d’une réponse énergétique adaptée. Pour agir vite, il convient de tenir compte de la maturité des technologies. En effet, certaines technologies sont parfaitement matures et ont fait leurs preuves, d’autres relèvent encore de l’état expérimental et nécessitent un certain attentisme avant leur déploiement. Près de 30 millions de véhicules circulent au GNV ou au BioGNV dans le monde, près de 30 000 en France. Pour agir bien et réellement réduire les émissions de gaz à effet de serre, il convient d’étudier l’impact global sur la planète, de la production du véhicule à son recyclage, en intégrant son usage. On parle alors d’Analyse du Cycle de Vie (ACV). L’IFP

Energies Nouvelles a d’ailleurs conclu que le BioGNV et l’électrique présentent les mêmes excellents résultats en termes d’émission de gaz à effet de serre (-85% par rapport au diesel). Pour agir massivement, il convient de tenir compte du coût de cette décarbonation, et ce tout particulièrement en temps de crise. Celui-ci ne peut en effet pas devenir exorbitant pour les français ou se faire au détriment de la qualité du service rendu. A titre d’exemple, le coût de la conversion de 8 autobus Hydrogène dans le sud de la France est identique à celui de la conversion de 25 bus BioGNV, incluant dans les deux cas la production locale de l’énergie. Ce sont donc, à budget équivalent, la possibilité de convertir trois fois plus de véhicules à faible émission. Enfin, la transition écologique constitue une opportunité historique de relocaliser notre énergie et ainsi assurer notre indépendance énergétique, mais également de relocaliser la chaîne de valeur de l’énergie. Ainsi, certains carburants dont le BioGNV, produits localement, apportent un nouveau modèle social et économique. Ceux-ci génèrent des bénéfices collatéraux et contribuent à

l’autonomie énergétique des territoires. À titre d’exemple, le biométhane, qui sert à produire du BioGNV, permet de mettre en place une véritable économique circulaire, facilite le traitement des déchets, génère des emplois locaux et apporte un revenu complémentaire aux agriculteurs producteurs de gaz vert. Chaque semaine, 2 unités de méthanisation sont mises en service en France. Ce sont donc, chaque semaine, 120 bus qui pourraient être mis en service, avec un budget quasi égal au diesel, tout en générant des emplois locaux et en contribuant largement à l’amélioration de la qualité de l’air, à limiter le réchauffement climatique.

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tribune

Les mobilités face au défi de la transition énergétique Edouard HÉNAUT,

Directeur général Transdev France

En tant qu’acteur majeur de la mobilité du quotidien, Transdev a un rôle déterminant à jouer dans le domaine de la transition écologique. Nous poursuivons nos efforts pour accompagner les collectivités dans la lutte contre le réchauffement climatique en développant à leur coté des services de mobilité durables et décarbonés. Cette ambition constitue notre raison d’être :

"Permettre à chacun de se déplacer chaque jour grâce à des solutions sûres, efficaces et innovantes au service du bien commun". Les objectifs du Pacte Vert européen et des Accords de Paris en matière de réduction des émissions de GES sont ambitieux. Les enjeux sont forts pour le secteur des transports, seul domaine d’activité qui n’a pas diminué ses émissions de CO2 depuis 1990. La voiture, mode de déplacement du quotidien privilégié des Français, est majoritairement responsable de ces émissions. Mais son usage n’est pas toujours choisi. Plus on s’éloigne des centres urbains, moins les alternatives à la voiture individuelle sont nombreuses. Assurer une équité sociale, territoriale, et une accessibilité durable des territoires est notre priorité et les changements de comportements seront

possibles si des alternatives à la voiture individuelle sont proposées.

des solutions énergétiques innovantes, adaptées à leurs besoins mais aussi à leurs contraintes.

Afin d’encourager le report modal, l’irrigation structurante du territoire, organisée notamment autour des lignes régionales routières et ferroviaires, est clé.

Aujourd’hui, nous exploitons et déployons une gamme complète de solutions alternatives au diesel sur nos flottes de véhicules : biocarburants, biogaz, électriques à batterie, électriques et pile à combustibles et hydrogène. Afin de gérer au mieux le mix énergétique, nous n’opposons pas les solutions entre elles mais les adaptons aux réalités de chaque territoire en répondant le plus justement aux attentes des autorités organisatrices de mobilité.

Nous connaissons le potentiel du rail dans la réduction de nos émissions de GES. Responsable de moins de 0,5% des émissions totales du secteur des transports1, le réseau ferré est le référentiel du transport collectif dans l’esprit des Français. Ce réseau est à repenser et à revitaliser afin de lui redonner cette fonctionnalité structurante, du quotidien, à laquelle les Français sont attachés. La gare est l’installation que les Français pourraient le plus utiliser si elle se situe à une distance raisonnable de leur domicile : 16 minutes en moyenne quel que soit le territoire sur lequel on se situe2. Transdev s’investit pleinement dans l’ouverture à la concurrence des lignes de desserte fine du territoire et notre expérience en Allemagne nous conforte dans la capacité du réseau ferré à générer massivement du report modal. L’offre ferroviaire n’est pas la seule offre structurante pouvant favoriser le report modal. Transdev exploite en France plusieurs lignes express régionales comme en Région Sud avec des lignes 100% électriques reliant Avignon, Aix-en-Provence et Toulon. Il s’agit d’une première en Europe pour des cars longue-distance. Les leviers d’actions varient d’un territoire à l’autre, et notre rôle d’opérateur est d’apporter une expertise et un savoir-faire aux clients collectivités que nous accompagnons, afin de leur proposer

1. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_2528 2. Enquête IPSOS-Transdev-Régions de France, 2019

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Ainsi, dans l’Artois Gohelle, nous sommes l’opérateur pionnier en France dans le déploiement d’une solution 100% hydrogène pour les bus. A Auxerre, cinq bus à hydrogène rejoindront le réseau de transports en commun de la Communauté d'agglomération dès Septembre 2021. Nous contribuons également au projet d’Air’Py à l’aéroport de Toulouse. Afin de favoriser le partage d’expériences dans le domaine de la transition écologique, Transdev organise depuis plusieurs années un Living Lab Zero Emission. Cet évènement dédié aux clients collectivités que Transdev accompagne à l’échelle internationale a pour objectif de partager nos connaissances et retours d’expériences sur l’électromobilité. Le dernier Living Lab a rassemblé 500 personnes. En France, l’association d’élus Transcité est particulièrement active sur le sujet de la transition écologique et du financement de la mobilité et organise plusieurs fois par an des webinaires d’échanges dédiés aux collectivités.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

tribune

François MALBRUNOT

LOGMA Consulting, Président du Congrès annuel ATEC ITS France

LES MOBILITÉS FACE AU DÉFI DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE À la demande de Pierre, dans cette tribune, je me limite ici aux véhicules automobiles (voitures particulières et véhicules commerciaux légers, bus et poids lourds), dont le parc en France est de 45 millions d’unités, dont moins de 5 % sont retirés annuellement de la circulation et un peu plus de 5 % véhicules neufs sont immatriculés chaque année (chiffres moyens sur la période 2011/2019). Ces véhicules assurent les mobilités terrestres pour 87% des déplacements de voyageurs (voitures et autocars), 89% des transports de marchandises, 81% des déplacements de voyageurs en voiture particulière, 35% des transports collectifs de personnes1. On voit l’ampleur des domaines concernés et l’effet que peuvent avoir l’amélioration de rendement des motorisations à énergies fossiles et le développement de l’usage de nouvelles énergies que j’aborde un peu plus loin. A juste titre, l’IDRRIM, Institut Des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité, souligne l’importance pour les décideurs de maintenir et améliorer l’efficacité du réseau routier au sens large2, en urbain, péri-urbain et interurbain. Quant à la question des choix énergétiques, les décideurs, responsable des mobilités, ont à prendre des décisions locales qui peuvent apporter rapidement des effets positifs et dans un espace limité, mais qui peuvent aussi présenter des effets négatifs à court/moyen terme dès que l’on élargit la vision ou que l’on prend en compte la globalité de la "planète", comme l’on dit. La stratégie générale consistant à favoriser la transition énergétique pour les véhicules, nous met en face d’immenses défis lorsque l’on considère la diversité des choix techniques et opérationnels, les potentialités et faisabilités effectives de "nouvelles" énergies, chacune selon son propre calendrier, la sécurité routière et la sûreté, la qualité de l’air, le niveau de service atteignable par natures des besoins, les coûts et leurs financements, la compétitivité économique… N’oublions pas les sujets financiers (rien n’est

"gratuit") en les rapportant au niveau de service (disponibilité, accessibilité, temps de trajet, confort, risque, …) pour des coûts partagés entre le bénéficiaire et les collectivités (diversifiées). Devant ce contexte particulièrement complexe, la filière automobile travaille avec une vision long terme sur une grande diversité de choix énergétiques et un large panel de nouvelles capacités des véhicules : automatismes de toutes natures, confort et sécurité, véhicules localisés, communicants et coopératifs, aides à la conduite et délégations de conduite (ADAS3), véhicules dits "autonomes…"

QUELLES ÉNERGIES ? Selon un scénario médian, à 15 ans, en France, le parc des véhicules particuliers et commerciaux, serait à 30% électrifié (batterie uniquement et hybrides), 40% à motorisation essence et 30% diesel. Même si ces ratios évolueront, l’électrification est le choix privilégié pour les véhicules particuliers et utilitaires professionnels, en notant que « la solution hybride rechargeable possède tous les atouts pour réduire la pollution locale et les émissions de GES4, … cette technologie améliore l’impact environnemental par rapport aux autres véhicules étudiés, grâce à la taille de la batterie, plus petite que celle d’un véhicule tout électrique"5. Ces considérations faites en 2018, sont confirmées en 2020 avec des ventes en Europe réparties à égalité entre tout électrique et hybrides rechargeables, soit plus d’un million, réparti en 538°772 voitures électriques et 507°059 voitures hybrides rechargeables. Pour favoriser le développement des véhicules électrifiés, cela implique, en premier, un rechargement facilité à domicile, dans les parkings, avec de l’électricité "décarbonée" (hydraulique, nucléaire, éolien, solaire, biogaz…). Le déploiement des points de rechargement constitue une condition nécessaire pour les trajets longue distance en véhicule 100% électrique.

Pour ce qui est de l’hydrogène "décarboné", il s’adressera essentiellement aux poids lourds et aux bus. Le développement de cette filière implique d’énormes investissements et d’innovation pour qu’elle ait des effets sensibles avec un horizon à 15 ou 20 ans. Les expérimentations de diverses natures et dimensions, associées à des financement publics et privés, favoriseront l’émergence de ce "vecteur" d’énergie. Le GNV, ou Gaz Naturel pour Véhicule, carburant composé à 90 % de méthane, est une énergie appelée à se développer rapidement. Déjà environ 300 stations maillent le territoire et plus de 15 000 véhicules sont en circulation. Les objectifs sont ambitieux et cette énergie est utilisable pour les poids lourds, les bus et les véhicules particuliers. Quelques centaines de milliers de véhicules pour utiliser le GNV en 2030. En forme de conclusion, je retiendrais qu’à court/ moyen terme, le potentiel de réduction des GES engendrés par la circulation des véhicules est énorme (plus limité quand on pense cycle complet et planète !), que ce soit via : • les véhicules purement thermiques (amélioration continue des performances de consommations), • les véhicules électriques et hybrides (électrique en agglomération, moteur thermique optimisé), tout en poursuivant la diminution drastiques des particules et polluants, en baisse continue. Quand on constate les évolutions en cours pour les services et performances offerts par les nouveaux modèles, oui, le véhicule individuel (particulier et commercial) est une chance et une opportunité pour offrir à chacun le service de mobilité le plus efficace y compris dans les territoires dits "peu denses" : Il peut être partagé, automatisé, sécurisé, confortable, autonome, coopératif, appelable à la demande, avec des coûts partagés et cohérents avec un service bout-en-bout.

1. Union routière de France / Octobre 2020 - FAITS ET CHIFFRES 2020 Statistiques des Mobilités 2. RAPPORT ONR 2020 I L’Observatoire National de la Route 3. ADAS : Advanced Driver Assistance Systems 4. Véhicule 100% hybride rechargeable : consommation jusqu’à -75% par rapport à un moteur thermique équivalent. ADEME – Communiqué de presse du 5 juillet 2018 5. En France, voir la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique Gautier CHATELUS,

Directeur Adjoint Département Infrastructures et Mobilité @BanqueDesTerr

LA BANQUE DES TERRITOIRES, LE FINANCEUR DES PROJETS DE MOBILITÉ DURABLE DES TERRITOIRES

La Banque des Territoire est le financeur des projets de développement du territoire. Présente sur tout le cycle de vie du projet, elle développe et finance des projets à forts impacts territoriaux dans le cadre de montages juridico-financiers leur permettant d’assurer leur pérennité et leur équilibre économique. La Banque des Territoires articule l'ensemble de ses outils d'expertise / de conseil et de financement (prêts et investissement) pour répondre aux différentes formes de projets : montage privé, partenariat public-privé, société d’économie mixte, délégation de service public, société de projet. Elle peut accompagner les projets en capital (fonds propres, quasi-fonds propres, prêts mezzanine), ou en prêts destinées aux collectivités locales et leurs satellites. Elle a fortement renforcé son action dans le cadre de son plan Climat dont la transition énergétique constitue tout l’enjeu. Parmi ses différents secteurs d’intervention, elle présente aujourd’hui une palette très complète d’outils pour accompagner les territoires vers une mobilité plus propre et plus durable. Son action s’articule ainsi autour de trois grands axes. Le premier axe est un axe traditionnel d’investissement et de prêts pour de grands projets d’infrastructures de transport à échelle nationale et territoriale (tramway, BHNS, voies cyclables, aménagement de la voirie de centre urbain, rénovation des ponts). La Banque des Territoires peut y jouer un rôle d’actionnaire des sociétés de projet ou de prêteur à la collectivité territoriale. Un second axe plus récent est celui du développement des nouveaux services de mobilité. Ils peuvent être destinés aux usagers (covoiturage, autopartage, velo-partage, logistique urbaine) ou aux collectivités elles-mêmes (smart mairie) à l’instar de la dématérialisation des titres de transports, du parking intelligent… Pour ces projets, la Banque des Territoires intervient au capital de sociétés de projet locales (sociétés privées, SCIC, SEM) ou de sociétés déployant ces services en accompagnant leur développement. Le troisième axe qui prend aujourd’hui une ampleur nouvelle est celui du verdissement des flottes de véhicules. Cette intervention peut se faire en financements tant de stations d’avitaillement que de flottes de véhicules, que ce soit pour des motorisations Biogaz, électrique batterie ou Hydrogène. Cet enga-

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gement de la Banque des Territoires peut prendre la forme soit de prêts aux collectivités (MOBIPRET, OBLIBUS), soit ede fonds propres ou quasi-fonds propres dans les projets d’opérateurs privés d’initiative publique ou privée. A cet effet, plusieurs outils spécifiques ont été développés avec notamment l’offre de location portée par NEoT Green Mobility, les offres hydrogène mobilité, ou encore une approche globale pour les bornes de recharge électrique.

MOBIPRET La Banque des Territoires propose depuis juillet 2019 une enveloppe de prêt sur Fonds d’Epargne de 2 Md€ baptisée « Mobi Prêt », pour les projets d’infrastructures et de matériels roulants contribuant à améliorer la mobilité du quotidien dans les territoires et à assurer la transition vers les mobilités douces et décarbonées. Cette enveloppe est ouverte jusque fin 2022. Elle s’adresse en priorité aux collectivités locales et à leurs groupements et plus généralement à toutes les autorités organisatrices de mobilité ainsi qu’aux grands ports maritimes et aux CCI. Elle permet également de financer les entités privées qui interviennent dans le cadre d’une délégation de service public ou d’un marché de partenariat. Comme tous les prêts sur Fonds d’Epargne, le Mobi Prêt est proposé sur du très long terme, de 25 à 50 ans, au même taux indexé sur le livret A majoré de 0,60 %, quels que soient la durée, le projet et l’emprunteur. Il peut financer jusqu’à 100 % du besoin d’emprunt si celui-ci est inférieur à 5 M€ et même au-delà pour les projets en faveur du climat. Le Mobi Prêt peut également cofinancer ces derniers à taux fixe sur ressources de la Banque européenne d’investissement, sur des durées plus courtes de 15, 20 et 25 ans.

OBLIBUS Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts et Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI ont signé en décembre dernier un accord portant sur la création de la Plateforme Bus Propres. Dotée de 200 millions d’euros - provenant à parts égales de la

Banque des Territoires et de la BEI - cette plateforme est gérée par les équipes de la Banque des Territoires. Cette initiative s’inscrit pleinement dans les ambitions d’accompagnement du verdissement de la mobilité, pilier majeur du « Plan Climat » présenté par la Banque des Territoires en septembre 2020. La plateforme propose aux autorités organisatrices de la mobilité (ou leurs délégataires) un financement innovant dénommé « Oblibus » spécifiquement conçu et dédié à l’accompagnement du verdissement de leurs flottes de bus. Oblibus permet de financer jusqu’à 100 % des investissements liés à l’achat de bus électriques, de leurs batteries et des infrastructures de recharge nécessaires, avec une durée et un profil d’amortissement au plus proche des caractéristiques de ces nouveaux matériels. Oblibus prend la forme d’une obligation performancielle dont le taux d’intérêt évolue, dans la limite d’un plancher et d’un plafond, en sens inverse du prix de l’électricité sur la durée de vie du bus. Le taux est calculé, à chaque période, en comparant un indice de référence du prix de l’électricité avec un scénario de référence agréé avec l’emprunteur. Oblibus propose ainsi une solution de financement innovante étroitement liée à la réalité économique et opérationnelle de l’actif financé afin de permettre à ses bénéficiaires de maîtriser au mieux le coût global d’investissement et de possession d’une flotte de bus propres dans la durée.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

FINANCEMENT EN LOCATION DE MATÉRIEL ROULANT OU DE BATTERIES La Banque des Territoires a créé, avec EDF et Mitsubishi, la plateforme NEoT Green Mobility (NGM), destinée à accompagner les collectivités publiques et les opérateurs de transport délégataires dans leur transition énergétique, via le financement de location de longue durée. NGM propose donc des solutions de financement permettant de maîtriser les coûts et de réduire les risques afférents aux nouvelles technologies. Couplée à des offres de service, l’offre de location concerne tous les types de transport électrique et hydrogène, et notamment bus, autocars, mais aussi le cas échéant camions, trains, bateaux, véhicules industriels, etc. Les solutions de financement proposées par la plateforme sont sécurisées par des garanties de performance et de coûts, sur-mesure et en lien avec des partenaires industriels (batterie, véhicules et infrastructures de charge), permettant une valorisation sur toute la durée de vie. Un conseil technique est prévu pour accompagner les choix technologiques. Pour optimiser la qualité du service offert, NGM s’allie à des partenaires industriels de référence pour offrir des solutions clé-en-main et réduire les barrières à l’entrée et au développement de la mobilité zéro émission.

HYDROGÈNE : LA BANQUE DES TERRITOIRES S’ENGAGE Après le plan Hulot en 2018 ; la France s’est dotée l’an dernier d’une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. C’est un plan de 7 milliards d’euros qui sera déployé par le Gouvernement d’ici 2030. Au travers de ses investissements et de ses prêts, la Banque des Territoires est résolument engagée dans ce plan. S’inscrivant dans la stratégie nationale de décarbonation des usages industriels et de développement d’infrastructures de production et distribution d’hydrogène décarboné, la Banque des Territoires investit dans les installations de production, le déploiement de stations d’avitaillement et les flottes de véhicules

à hydrogène. Le but : accélérer les projets et enclencher un cycle vertueux de massification de la demande, pour rendre l’hydrogène décarboné accessible à tous. Elle peut intervenir soit directement au capital des sociétés de projet déployant les stations, soit en prêt mezzanine à intérêt participatif, une offre spécifique dédiée aux projets d’avitaillement en énergies alternatives. La Banque des Territoires est ainsi actionnaire de la plus grosse flotte de véhicules à hydrogène en France, avec les taxis Hype, et du plus grand réseau de stations hydrogène en construction, avec Hympulsion, qui déploie en Auvergne-Rhône-Alpes 20 stations sur tout le territoire régional. D’autres projets similaires sont également en voie d’aboutissement avec le financement de la Banque des Territoires, par exemple à Auxerre, à Belfort, à Toulon et ailleurs. Plusieurs projets d’investissements dans des infrastructures de production d’hydrogène vert directement connectés à des sources d’énergie renouvelable sont en cours d’instruction et devraient aboutir en 2021. Gage de robustesse financière des projets, l’engagement de la Banque des Territoires peut faciliter l’accès des porteurs de projets à diverses subventions. Ainsi, dernièrement, pas moins de trois initiatives dans la mobilité hydrogène soutenues par la Banque des Territoires ont été sélectionnées par la Commission européenne pour bénéficier d’une subvention de 20 %, pour un total de près de 18,3 M€, dans le cadre du mécanisme d’interconnexion pour l’Europe (MIE), dont la Banque des Territoires est partenaire de mise en œuvre.

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Dans ce contexte mais également celui du basculement du marché automobile vers une vente en très forte croissance des véhicules électriques (qui sont passés de moins de 2 % en 2019 à près de 9 % des ventes en 2020), le sujet des bornes de recharge électriques (IRVE) est devenu un enjeu majeur. Afin de contribuer à ce plan de relance, la Banque des Territoires a engagé trois actions complémentaires destinées à accélérer le déploiement des IRVE en réponse à différents cas d’usage : la recharge en habitat collectif, les réseaux territoriaux et enfin la recharge rapide sur les autoroutes et grands axes routiers : • pour l’habitat collectif, elle travaille à la création d’un fonds national de mutualisation des investissements dans l’infrastructure électrique des copropriétés qui permettra d’éviter tout reste à charge pour la copropriété lorsqu’un résident souhaite équiper sa place de parking ; • pour les réseaux territoriaux (et les grands axes), elle a mis en place un prêt mezzanine à intérêt participatif pour financer le déploiement des IRVE sur la voirie publique et les parkings privés ouverts au public. Elle peut également cofinancer les études des collectivités territoriales pour la définition de leurs schémas directeurs.

Investisseur aux côtés des industriels et des collectivités, la Banque des Territoires est aussi prêteuse, notamment pour financer les véhicules des organismes publics ou de leurs délégataires. Avec le Mobi Prêt, ce ne sont pas moins de 94 bus et 23 bennes à ordures qui vont être financés d’ici 2023 pour circuler dans 9 agglomérations ou villes.

LE DÉPLOIEMENT DES IRVE Le 26 mai dernier, le Gouvernement a annoncé un plan de soutien à la filière automobile et notamment la mise en œuvre du renouvellement du parc automobile français en faveur de véhicules propres.

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique Jean COLDEFY,

Directeur du programme mobilité 3.0, ancien responsable mobilité de la métropole de Lyon

TRANSITION ÉCOLOGIQUE : DÉCROISSANCE OU INNOVATION, DEVRONS NOUS CHOISIR ?

Pour contenir le réchauffement climatique à +1.5°C par rapport à 1900, et éviter des conséquences gravissimes, il nous faut réduire de 50% d’ici 10 ans nos émissions et assurer une neutralité carbone d’ici 2050. Le changement requis est colossal. Les mobilités sont en France le 1er poste d’émissions de CO2, et notamment la voiture qui représentent 16% des émissions totales du pays. Pour baisser ces émissions, il y a trois moyens possibles : réduire les émissions des véhicules, diminuer les distances parcourues, assurer un report modal de la voiture vers d’autres modes. Le véhicule électrique permettra de décarboner les mobilités en zones rurales mais ne répondra pas aux enjeux de congestion en zones urbaines. Par ailleurs, sa vitesse de déploiement sera lente, avec au mieux une réduction de 20% des émissions d’ici 2030. Les distances parcourues quant à elles sont stables depuis 30 ans et les réduire ne pourra se faire que via une politique d’urbanisme qui favorise la proximité et donc les modes actifs pour les déplacements résidentiels et les transports en communs pour les liens domicile-travail, beaucoup plus longs. Cela oblige à coordonner les politiques d’urbanismes en profondeur et les traiter à l’échelle des aires urbaines et non des communes. Celles-ci s’y opposeront pour conserver leur pouvoir local : l’intérêt communal n’est pas toujours l’intérêt général, tout est une

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question d’échelle. Ces politiques d’urbanisme mettront 20 à 30 ans à produire leurs effets. Le télétravail aura un impact limité voire négatif : d’une part il ne concerne essentiellement que les cadres, 19% de la population active et d’autre part le retour d’expérience du covid indique qu’il pourrait générer une baisse de 6% des distances dans les trajets quotidiens. Or, des effets rebonds sont constatés le WE et du fait des relocalisations des habitats en périphérie, qui peuvent faire augmenter les distances parcourues globales : 1 aller-retour de 60 km pèse bien plus lourd que 5 aller-retours de 5 km. C’est pour ces raisons que le report modal vers le transport public devra être au centre des politiques de décarbonation des mobilités. Or, les politiques

passées de report modal, hormis dans les villes centres des grandes agglomérations, ont été un échec : la voiture pèse 80% des kilomètres parcourus depuis 30 ans en France. Depuis 20 ans, les dynamiques économiques métropolitaines, la perte de substance industrielle dans les autres territoires, la féminisation du travail et la multiplication par trois des prix de l’immobilier dans les grandes agglomérations ont induit une désynchronisation entre lieu de travail et habitat. L’offre de TER n’a malheureusement pas suivi cette dynamique territoriale, et avec un urbanisme d’éparpillement, ceci a grandement favorisé l’usage de la voiture pour accéder aux emplois des agglomérations. Ces flux représentent la moitié des émissions de la mobilité des aires urbaines, tandis que les déplacements dans les centres urbains ne pèsent que 2%. C’est l’absence d’offres alternatives à la voiture qui conduit à un usage trop important de celle-ci en accès aux agglomérations et dans leurs périphéries, les transports en communs étant totalement saturés aux heures de pointes. Là où l’infrastructure ferroviaire le permet il faudra plus de trains, ailleurs des cars express hautes fréquences avec voies réservées sur autoroutes en accès aux agglomérations, et une très forte augmen-


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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"Il faudra demain 2 à 3 fois plus de transports en commun entre les centres des métropoles et les périphéries, et au sein des 1ère couronnes si l’on veut significativement faire baisser l’usage de la voiture et permettre de se rendre à son travail de manière plus économique qu’en voiture. " tation des parcs relais voitures et vélo, au-delà des frontières des pôles urbains. La mise à niveau des infrastructures ferroviaires est estimée à 30 milliards d’après le COI, le programme de cars express et d’infrastructures à 13 milliards dans les 22 métropoles françaises . Comment financer cela en quelques années et non en 30 ans ? La dérive du ratio Recettes sur Dépenses d’exploitation (R/D) passé de 70% en 1975 à 27% en 2020 se poursuit avec les partisans de la gratuité des TCU qui croient à tort que cela fera baisser le trafic automobile et font croire que la décarbonation de nos économies se fera sans efforts. Alors qu’il faudrait investir massivement dans l’offre de transport en commun, la gratuité est totalement orthogonale à l’objectif de réduction des émissions de CO2. La trajectoire qui devrait être mise en œuvre par les AOM est au contraire de retrouver un R/D d’au moins 50% d’ici 10 ans en s’appuyant sur une tarification intégrant l’usage et la solidarité en fonction des revenus, ce qui permettra de retrouver des capacités de financement. La situation en Allemagne où ce ratio est de 77%, ou à Lyon où il est de 60%, montre que c’est possible. Côté dépenses, nos politiques publiques devraient

être passées au crible de l’efficience des euros publics investis par tonne de CO2 économisée, afin de redéployer les crédits vers des actions qui aient un impact maximal, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Ainsi l’obligation de verdir les flottes de bus est un symbole qui coute fort cher pour un résultat quasi nul : 26 000 bus urbains en France sur un parc de 38 millions de voitures, leur impact dans les émissions de GES étant si faible que l’on ne sait le mesurer, alors que par nature ils les font diminuer en évitant les déplacements en voiture. Le passage au bus électrique valorise la tonne de CO2 évitée à 11 000 € d’argent public. Il vaut également mieux faire rouler des cars de 10 t remplis que des trains diesel de 150 t vides et coutant 5 fois plus cher en argent public. Il vaut mieux déployer des pistes cyclables, des parkings sécurisés vélos dans les gares et des transports en communs pour relier les bourgs de périphéries aux centre villes qui sont eux déjà largement pourvus d’alternatives à la voiture. Il vaut mieux sur Paris diminuer une offre bus surabondante très couteuse et roulant à moins de 10 km/h pour la déployer en périphérie. Il est nécessaire d’accélérer la mise en concurrence des TER qui fera baisser les couts pour la collectivité et permettra de

déployer plus d’offres : Un TER coute 18 € au train km en France contre 9 en Allemagne . Réussir la décarbonation de la mobilité suppose de réduire comme jamais l’usage de la voiture dans l’accès aux grandes villes, grâce à un choc massif d’offre de transports en commun mais aussi de contraintes. Il sera inévitable de tarifer l’usage de la voiture dans les grandes agglomérations afin de financer les alternatives et parce que son coût d’usage avec l’électrification va la ramener au niveau des transports publics : 0.1 €/km . Sans régulation, l’usage de la voiture augmentera, avec bientôt des bouchons de voitures propres. Cette tarification faible (1 à 2€/ jour ouvré hors WE et vacances) devra se faire en épargnant les faibles revenus, avec un fléchage des ressources vers un programme de mobilité défini et une fois les alternatives en place. L’universitaire Yves Crozet écrit justement à propos de la mobilité : "Hier c’était plus vite, plus loin, moins longtemps. Demain sera plus lent et plus près". Ajoutons "demain sera plus cher" sauf à renoncer à s’occuper sérieusement du réchauffement climatique en se contentant de fausses solutions ou du mantra couteux et inefficace français "interdire et subventionner".

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique Jean-Sébastien BARRAULT, Président de la FNTV.

LA FNTV, MOTEUR DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE La transition énergétique est un enjeu crucial pour le transport de voyageurs à court terme. C’est pourquoi la FNTV s’investit depuis plusieurs années afin de lever les freins à cette transition qui ne dépendent souvent pas des entreprises. En effet, le volontarisme des entreprises à se conformer aux restrictions liées à la mise en place des Zones à Faibles Emissions se heurte à l’absence d’émergence d’une offre industrielle en volume suffisant pour l’ensemble des activités du transport routier de voyageurs et au ralentissement actuel des investissements des entreprises, extrêmement fragilisées par la crise. Afin d’accompagner les entreprises, la FNTV a publié en 2017 un guide sur les filières alternatives pour les autocars qui sera mis à jour cette année. Son objectif est d’accompagner les autocaristes en présentant les alternatives aux motorisations diesel.

Sur 69 050 autocars immatriculés en France au 1er janvier 2020, 99,4 % fonctionnent encore au diesel. Pourtant, 40 % du parc des autocars a moins de 6 ans. Cette situation est essentiellement due à l’absence d’offre industrielle suffisante qui réponde aux usages des transporteurs et aux contraintes réglementaires. C’est dans cet objectif que la FNTV a demandé à l’Etat de créer un comité de filière spécifique à l’autocar. En réponse, le ministère de la transition écologique a créé en janvier une « task force » de la transition énergétique pour la filière des poids lourds. Ainsi, des groupes de travail associent les constructeurs, les énergéticiens et les transporteurs. La FNTV y participe activement dans la perspective de signer un contrat d’objectifs entre les différents participants d’ici l’été actant les scenarii de convergence de calendriers pour une transition énergétique réaliste avec différents jalons entre 2022 et 2050. Dans ce cadre, la FNTV œuvre afin que les paliers identifiés pour atteindre la neutralité carbone se fondent sur des scenarii économiquement viables pour les

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entreprises ; en prenant en compte à court et moyen termes les carburants alternatifs (GTL, HVO, B100), qui permettent d’utiliser les motorisations existantes et qui devront perdurer le plus longtemps possible sur les segments de véhicules les plus compliqués à faire basculer vers des motorisations alternatives (transport scolaire, tourisme et « cars Macron »). Les technologies alternatives existantes, comme celle du GNV puis celles qui créeront la rupture (électrique et hydrogène), nécessitent encore de lever plusieurs freins : la capacité de production en volume de véhicules par les industriels et d’énergies propres par les énergéticiens, le développement à grande échelle des stations d’avitaillement et bornes de recharge, l’allongement de la durée des contrats publics de transport et l’accompagnement financier de cette transition. L’Etat doit profiter du plan de relance pour rendre soutenable cette transition pour l’ensemble des acteurs de la filière.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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Stéphane AMANT,

Senior manager Carbone 4

TRANSPORT ROUTIER : QUELLES MOTORISATIONS ALTERNATIVES POUR LE CLIMAT ? Pour répondre au défi climatique, le secteur de la mobilité n’a d’autre choix que de se réinventer. A travers de nouvelles technologies, via de nouveaux usages, en agissant sur la demande ellemême : le défi est tel que tous les leviers devront être actionnés. Quelles seront les alternatives les plus pertinentes aux énergies fossiles, entre bioGNV, biocarburants liquides, électrique à batterie, hydrogène ou thermique hybridé ? Afin de hiérarchiser ces différentes options, l’un des juges de paix sera l’empreinte carbone en cycle de vie, en prenant en compte la fabrication, l’usage et la fin de vie des véhicules, et l’approche du « puits à la roue » pour les vecteurs énergétiques. Cet article présente ainsi les résultats les plus récents obtenus par Carbone 4 sur ce sujet, pour éclairer le débat . Nos analyses démontrent clairement que les technologies "électrification par batteries" (VEB) et "bioGNV" (VTH-bioGNV) tiennent le haut du pavé en termes de réduction d’empreinte carbone en cycle de vie, quels que soient les véhicules considérés. On obtient ainsi pour un VP vendu en 2020 en France de l’ordre de –65 à –70% sur les émissions de CO2eq. Ces bénéfices sont encore plus marqués pour les véhicules lourds, utilisés de manière plus intensive (autobus, tracteurs routiers), ce qui est favorable à l’électrification : réductions d’environ –75 à –85%. Hors de la France, un VEB vendu aujourd’hui en Allemagne, voire en Pologne, reste moins émissif qu’un VTH comparable. Les VTH-bioGNV voient leur performance carbone peu varier d’un pays à l’autre, et restent ainsi les moins émissifs en règle générale.

Cependant, le vecteur hydrogène n’a pas dit son dernier mot car le VEH présente des résultats tout à fait similaires sous certaines conditions, notamment de décarbonation du mix électrique. Mais avec le mix électrique actuel en Europe, la production par électrolyse conduit à des résultats très défavorables dans des pays comme l’Allemagne. À ce jour, la planche de salut pour l’hydrogène passe alors soit par le vaporeformage de biométhane soit par l’électrolyse avec une électricité bas carbone.

Concernant les biocarburants liquides, ils contribueront peu à décarboner le transport routier, aux taux d’incorporation envisagés en Europe . Le bénéfice carbone est marginal pour le bioéthanol et l’empreinte carbone empire souvent pour les biodiesels du fait des émissions liées au changement d’affectation des sols (cultures dédiées). Ce problème pourrait en partie être résolu par le développement des biocarburants dits avancés, mais leur progression sera trop lente dans les 20 ans pour faire la différence.

Néanmoins, pour ces solutions, il faut mettre en regard les ressources mobilisables, très variables selon les vecteurs et soumis à la concurrence d’autres secteurs. Ainsi, le bioGNV ne peut prétendre à décarboner à lui seul la mobilité car sa disponibilité restera un obstacle majeur, même dans les hypothèses de potentiel favorables. De même, la production d’hydrogène "vert" n’en est qu’à ses balbutiements. Enfin, les batteries des véhicules électriques s’appuient sur des ressources minérales qui ne sont ni infinies, ni mobilisables immédiatement.

Enfin, il est crucial de rappeler que la technologie seule ne permettra pas de réduire suffisamment nos émissions dans les prochaines décennies. Un facteur 3 à 4 de réduction est atteignable via les technologies, une fois celles-ci largement diffusées. Or, il nous faut plutôt viser un facteur 6 pour réduire suffisamment nos émissions à l’horizon 2050. Par ailleurs, les solutions alternatives vues ici présentent pour beaucoup d’autres limites (potentiel) ou impacts qu’il faut aussi maîtriser au risque de tomber de Charybde en Scylla. Pour ces multiples raisons, le prisme purement technologique est largement insuffisant pour penser la décarbonation de la mobilité. D’autres leviers de réduction particulièrement efficaces existent qu’il faut mobiliser en parallèle :

Ainsi, l’électrification par batteries devrait représenter la majeure partie de la conversion du parc des VP / VUL, et ce d’autant plus fortement que la taille des batteries reste limitée. Les technologies basées sur le bioGNV et l’hydrogène "vert" doivent être vues comme des compléments au VEB, à flécher en priorité vers la mobilité lourde où les batteries atteignent leurs limites. Même dans ce cas, elles n’apporteront que des solutions partielles : selon nos calculs, 1/4 des PL européens au mieux pourra rouler avec 100% de bioGNV en 2050. Le bioGNV et l’hydrogène sont donc des solutions essentielles pour pallier les limites des véhicules à batteries, mais ne peuvent pas représenter une réponse à eux seuls pour décarboner le secteur.

• réduire les flux à la source (nombre et portée des déplacements), pour les personnes et les marchandises • mieux partager les VP (lutte contre l’auto-solisme) et mieux remplir les PL (éliminer les retours à vide, réduire les livraisons express non optimisées) • avoriser le report modal vers les modes actifs et les transports collectifs (personnes) ou massifiés (marchandises), plus sobres en carbone, en fonction des situations

1. Les hypothèses utilisées, les résultats détaillés et les analyses de sensibilité sont disponibles dans notre publication détaillée. A noter que pour les véhicules thermiques, l’incorporation de biocarburants dans le gazole ou l’essence, de biométhane dans le GNC (Gaz Naturel Comprimé) est prise en compte. 2. VTH : Véhicule Thermique ; VHR : Véhicule Hybride Rechargeable ; VEB : Véhicule Électrique à Batterie ; VEH : Véhicule Électrique à Hydrogène (électrolyse) ; MHEV : Mild Hybrid Electric Vehicle ; GNC : Gaz Naturel pour Véhicule 3. Calculs effectués sur la durée de vie : pour un véhicule vendu en 2021, les émissions liées à son utilisation sont moyennées sur 12 ans, de 2021 à 2032, en tenant compte de l’évolution des vecteurs énergétiques sur la période. 4. Au maximum 18% de bioéthanol et 11% de biodiesel en volume, dans notre scénario le plus ambitieux.

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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

La France s’engage-t-elle sur la bonne voie pour décarboner ses transports ? Par Aurelien BIGO, chercheur sur la transition énergétique des transports

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

DOSSIER

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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Pour comprendre les défis que représente la transition énergétique pour le secteur des transports en France, il est important d’en détailler la problématique.

L’

objectif est la limitation du réchauffement à +2°C maximum d’ici 2100 au niveau mondial et la neutralité carbone en 2050 en France. Pour atteindre ce dernier objectif, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) définie par l’Etat en 2015 et réactualisée en 2019 vise pour le secteur des transports une sortie quasiment complète du pétrole d’ici 2050. Le défi est immense car l’économie et les modes de vie dans les pays les plus développés dont la France sont très dépendants de l’énergie. Le pétrole constitue la première source d’énergie mondiale. Le secteur des transports représente 65 % des consommations mondiales de pétrole en 2017, devant les usages non énergétiques, l’industrie, le résidentiel et les autres usages. Aussi les transports sont fortement dépendants du pétrole, qui représente 92 % des consommations d’énergie du secteur au niveau mondial et 90% des consommations des transports intérieurs en France.

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La SNBC identifie 5 leviers sur lesquels il est possible d’agir pour réduire les émissions des transports de voyageurs et de marchandises : - la demande de transport - le report modal - le taux de remplissage des véhicules, - l’efficacité énergétique, - l’intensité carbone de l’énergie. Cette stratégie permettra-t-elle aux transports d’atteindre l’objectif fixé ? C’est l’objet de l’article qui suit.

LES 3 DEFIS DE LA TRANSITION ENERGETIQUE DES TRANSPORTS La dépendance actuelle des transports au pétrole place le secteur face à un triple défi de transition énergétique : celui de l’impact sur le changement climatique des émissions de CO2 liées à la combustion du pétrole ; la pollution de l’air qu’elle entraîne ; et l’enjeu de résilience lié à la finitude des ressources en pétrole et la vulnérabilité à la fluctuation des cours mondiaux.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Au niveau européen, on estime que la mortalité prématurée a diminué d’environ 60 % pour l’exposition aux PM2.5 entre 1990 et 2015, en lien avec des baisses similaires des concentrations.

LE DÉFI MAJEUR DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Le changement climatique présente des risques systémiques à l’échelle mondiale, et nécessite des baisses rapides des émissions pour éviter de graves conséquences pour nos sociétés et la biodiversité. Historiquement, les émissions de gaz à effet de serre des transports intérieurs en France ont été fortement croissantes de 1960 jusqu’au début des années 2000, avant une légère baisse et une relative stabilité depuis quelques années.

La tendance va donc déjà dans le bon sens depuis de nombreuses années, grâce aux évolutions technologiques notamment sur les motorisations, et pour certaines villes par une politique de réduction de la place de la voiture. Le trafic a par exemple diminué de 48 % dans Paris entre 1992 et 2018. Cette tendance reste à poursuivre au vu des impacts encore très importants de la pollution de l’air sur la santé.

En 2019, ce secteur est le principal émetteur avec 136 MtCO2eq d’émissions de combustion des carburants, dont la grande majorité pour les modes routiers (127,7 MtCO2eq). Les transports représentent 30,8 % des émissions de gaz à effet de serre françaises et 40 % des émissions de CO2 du territoire, des proportions en hausse depuis de nombreuses décennies. En incluant les 24,4 MtCO2eq des transports internationaux, la part des transports serait de 34,5 % des émissions totales.

DEVENIR RÉSILIENTS À LA RARÉFACTION ET AUX HAUSSES DES PRIX DU PÉTROLE

à l’horizon 2050, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) vise une décarbonation quasiment complète des transports, avec seulement 4 MtCO2eq en 2050. Les transports terrestres sont complètement décarbonés, et seuls les transports aériens et maritimes conservent une part de carburants fossiles en 2050.

L’économie est très fortement dépendante des transports, qui sont eux-mêmes fortement dépendants du pétrole. La France est particulièrement vulnérable, étant dépourvue de ressources importantes en pétrole, et subissant donc les cours internationaux. Ces risques se sont déjà illustrés au moment des chocs pétroliers des années 70, de la forte hausse des prix précédant la crise de 2008, et plus récemment par le déclenchement de la crise des gilets jaunes. Si les réserves prouvées des énergies fossiles sont trop importantes pour maintenir le climat à un niveau de réchauffement acceptable, diverses contraintes peuvent néanmoins à court et moyen termes poser des problèmes d’approvisionnements et de coût de l’énergie.

LE PARADOXE DE LA POLLUTION DE L’AIR LIÉE AUX TRANSPORTS Contrairement au changement climatique, les conséquences des émissions de polluants atmosphériques sont davantage situées au niveau local, en raison de la concentration des polluants au niveau des sources de pollution, et des temps de résidence plus faibles dans l’atmosphère. Aussi le sujet connaît une double tendance, qui peut sembler paradoxale : alors que les émissions de la majorité des polluants sont en baisse en France, l’évaluation scientifique des conséquences et ainsi la mobilisation sur le sujet sont au contraire en hausse. Ainsi le chiffrage des conséquences sur la santé de la pollution de l’air extérieur a régulièrement été revu à la hausse au niveau mondial. En France, l’évaluation du nombre de morts prématurées liées à la pollution de l’air extérieure est de 42 100 morts en 2016 d’après l’Agence européenne de l’environnement. La perte d’espérance de vie moyenne est estimée entre 9 mois et 1,6 année selon les études. Les effets sur la santé les plus importants sont le fait des particules fines, dont la part des transports dans les émissions est estimée en 2019 à 14,8 % pour les PM10, 17,5 % pour les PM2,5 et 13 % pour les PM1,0, la majorité de ces émissions provenant du trafic routier.

DOSSIER

Au cours des deux derniers siècles, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) ont constitué le moteur principal du développement industriel de notre civilisation.

La crise du coronavirus ajoute de nouvelles incertitudes, à la fois côté production en raison de fortes baisses d’investissements, et côté demande en fonction de la vitalité de la relance économique. Ces incertitudes font craindre une certaine volatilité à venir des prix, qui invite également à se détourner au plus vite du pétrole. l

La part des transports dans les émissions des oxydes d’azote, les NOx, est en revanche plus importante, de l’ordre de 63 %, et ceux-ci sont également des polluants précurseurs d’ozone. Aussi la part des transports est plus importante dans les zones denses et proches du trafic, là où l’exposition de la population est plus forte. Bien que les impacts soient importants, les émissions de polluants sont à la baisse pour la grande majorité des polluants, au moins en France et en Europe. L’évolution est notamment de -60 à -72 % pour les particules fines et de -62 % pour les NOx en France, avec des baisses d’émissions similaires voire légèrement supérieures pour les transports.

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DOSSIER

1 LEVIER ER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

2 LEVIER ÈME

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La demande de transport, un facteur structurant à réinterroger La demande de transport, a été le principal facteur expliquant l’évolution passée des émissions de CO2 des transports en France, aussi bien pour les voyageurs que les marchandises. Depuis le début des années 2000, sa tendance est assez stable pour les voyageurs, pour la demande individuelle de mobilité hors international. Elle est relativement stable également pour le transport de marchandises, avec des fluctuations selon la conjecture économique. A court terme, ces évolutions de la demande auront encore un impact prédominant sur l’évolution des émissions, tant que le parc de véhicules ne sera pas largement décarboné. Si la demande a très fortement augmenté par le passé (multipliée par 4,7 pour les voyageurs et 3,4 pour les marchandises sur 1960-2017), un retour en arrière n’est pas envisageable d’ici 2050, tant l’aménagement du territoire s’est adapté et a contribué à cette nouvelle donne, et tant les comportements de mobilités, les modes de vie, et l’économie se sont modifiés en tenant compte de ces évolutions de la demande. Aussi, les transformations les plus structurantes se sont faites sur un temps long. Cependant, cette mise en garde sur l’inertie et le potentiel de réduction limité de la demande ne signifie pas que ce facteur sera peu important à l’avenir. Les scénarios de prospectives montrent bien que les différences sont très significatives entre des scénarios tendanciels où la demande continuerait à croître, et d’autres scénarios plus ambitieux qui iraient jusqu’à une baisse de la demande de l’ordre de -20 %. Ainsi, dans la comparaison entre tendanciel et ambitieux, la demande pouvait ressortir comme

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Le Mass transit. Indispensable à la desserte des métropoles densifiées.

le second facteur le plus important en termes de baisses d’émissions, derrière l’intensité carbone de l’énergie. Aussi l’étude des interactions entre les facteurs a déjà montré l’interaction positive très forte avec le report modal, qui peut difficilement être significatif si la demande n’est pas modérée. Il en est de même pour le levier d’intensité carbone, la modération de la demande favorisant le passage à l’électrique et au biogaz, notamment pour les marchandises. Enfin, une moindre demande aura aussi tendance à limiter les émissions en analyse de cycle de vie. Les éléments ci-dessus plaident donc pour une meilleure prise en compte de ce facteur dans les politiques publiques, alors qu’il est aujourd’hui peu adressé, et que la SNBC montre très peu d’ambition sur ce levier en comparaison des autres scénarios de prospectives étudiés. Les politiques publiques ayant plutôt tendance jusqu’à maintenant à encourager cette demande (infrastructures, subventions à l’achat ou à l’offre des différents modes, soutien aux mesures avec effets rebonds potentiels sur la demande, etc.), le premier changement à opérer est


Les mobilités face au défi de la transition énergétique un changement de vision et d’objectif. Ainsi, pour s’aligner sur l’objectif de neutralité carbone, et en raison des nombreux co-bénéfices sur les autres externalités, les politiques publiques devraient plus systématiquement être orientées vers un objectif de réduction de la demande, que de croissance de celle-ci. Cela est particulièrement valable pour les modes les plus consommateurs d’énergie, et donc les plus émetteurs aujourd’hui tant qu’ils dépendent du pétrole, que sont la voiture, l’avion et les poids-lourds. Il faut donc passer d’un soutien à toutes les mobilités, à un soutien plus ciblé sur les modes bas-carbone et peu consommateurs d’énergie (marche, vélo, trains de voyageurs et marchandises, autres transports en commun, fluvial), en défavorisant au contraire l’usage des modes fortement émetteurs. Il est donc très important de réfléchir simultanément aux leviers de modération de la demande et de report modal. Ici les tendances globales sur la demande seront évoquées, en abordant quelques grandes différences entre les modes, puis les spécificités à chaque mode seront abordées en partie 2.2 sur le report modal. L’objectif est de fournir des axes possibles pour les politiques publiques pour modérer la demande. Ce levier étant influencé par des éléments nombreux et variés (prix, vitesse, démographie, aménagement, comportements, etc.), il n’existe pas de recette unique ou facile pour agir sur ce levier. Parfois, il sera ainsi plus facile d’identifier dans un premier temps les tendances qui vont dans le mauvais sens, pour mieux identifier par effet miroir dans quelle direction il faudrait orienter les politiques publiques.

TEMPS ET VITESSE, NOMBRE ET DISTANCE DES DÉPLACEMENTS La demande totale de transport pour les voyageurs, mesurée en kilomètres parcourus, va être influencée à la hausse par la croissance de la population, prévue autour de +12 % dans les scénarios entre l’année de référence (2010 à 2015) et 2050.

DOSSIER

POINTS & MESSAGES CLÉS • Le premier changement sur la demande est de changer de vision et d’objectif : assumer de passer d’un soutien à l’ensemble des modes à un soutien pour les seuls modes bas-carbone, pour réduire les distances totales et favoriser le report modal. • Pour la mobilité, les constantes de nombre de déplacements et de temps de mobilité invitent à agir en priorité sur les leviers de distance par déplacement, et de vitesse (modération de l’aérien, baisse de vitesse sur autoroutes, report vers le vélo, etc.). • La baisse de la distance par déplacement dépend des comportements et modes de vie, et de l’aménagement du territoire. Les actions sur l’urbanisme, la localisation des logements et activités, la fiscalité, doivent s’orienter vers une réduction des distances. • La modération de la demande pour les marchandises devra passer par une certaine relocalisation de certaines activités, encouragée par des politiques sectorielles et une tarification incitative, tout en veillant à limiter la démassification de la logistique.

Le train indispensable outil de mobilité pour un accès aux centres-ville.

Cette croissance sera accompagnée d’un vieillissement de la population, qui aura plutôt tendance à réduire la demande individuelle moyenne, étant donné que les personnes âgées se déplacent moins, en nombre de déplacements et distances parcourues. Pour la demande individuelle, il est éclairant de regarder les constantes et variables influençant le nombre de kilomètres parcourus par personne. Comme évoqué en chapitre 3, historiquement, le nombre de déplacements est resté relativement stable autour de 3 à 4 déplacements par jour et par personne ; de même, les temps de déplacements sont restés proches d’une heure par jour ; ainsi ces temps sont de l’ordre de 15 à 20 minutes par trajet, de manière similaire pour les différents modes de courte distance. Dans le même temps, les distances de déplacement parcourues par personne ont été multipliées environ par 10 à 12 depuis 1800 (de 4-5 km/jour à environ 50 km). Les temps de déplacements et le nombre de trajets étant restés relativement constants, cela signifie que la

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

vitesse et les distances moyennes par déplacement ont été multipliées par 10 à 12 depuis 1800. Ces constantes et variables indiquent que les marges de manœuvre les plus importantes pour modérer voire réduire la demande de transport viennent probablement d’une baisse de la vitesse moyenne des déplacements et des distances par déplacements. Au contraire, les marges sur le moindre nombre de déplacements ou la baisse des temps de trajet seraient moins fortes, ou risques d’être soumises aux effets rebonds.

TÉLÉTRAVAIL, TÉLÉCONFÉRENCE, DES ALLIÉS Il en est ainsi du télétravail, qui permet de réduire le nombre et les temps de trajets. En France, 6,7 millions peuvent devenir facilement des télétravailleurs (soit 26 % des actifs), 2,1 M (9 %) peuvent le devenir sous condition d’aménagement, 1,1 M (5 %) pourront difficilement le faire, et il est estimé que 15,4 M (60 %) sont dans l’incapacité de le faire. Durant le confinement lié au coronavirus début 2020, 4 actifs sur 10 ont dû pratiquer le télétravail, le reste correspondait probablement aux environ 60 % ne pouvant pas le pratiquer.

Lien entre 3 variables des comportements de mobilité, et leur évolution historique depuis 1800.

plus longues, par exemple 45% des Français se disent prêts à choisir un lieu de résidence plus loin de leur emploi, et vice versa, avec le télétravail. Enfin, il existe un effet rebond potentiel sur les déplacements à longue distance, un jour de télétravail le vendredi ou le lundi permettant plus facilement de partir en weekend plus loin. Il faudra donc veiller à ces effets rebonds pour s’assurer que le développement du télétravail va vraiment dans le sens d’une modération de la demande et d’une baisse des émissions.

Tous ne sont pas concernés, et cela ne concerne qu’une partie des déplacements, ainsi le potentiel est limité sans pour autant être négligeable : l’ADEME estime que les émissions des voitures pourraient être réduites de 1,3 %, en considérant 35 % de télétravailleurs ponctuels. Cependant, il est possible que les trajets économisés soient compensés par de possibles effets rebonds : d’autres trajets peuvent être réalisés dans la journée télétravaillée, potentiellement plus localement cependant ; surtout, les choix de localisation pourraient changer vers des distances domicile-travail

Au-delà du télétravail, il existe un potentiel pour réduire les trajets à longue distance par la téléconférence avec notamment un bénéfice climatique important pour les trajets en avion. Si les bénéfices sont maximaux pour les trajets internationaux, la téléconférence pourrait aussi permettre de plus facilement supprimer certaines navettes aériennes domestiques. L’immobilité au service de la mobilité… Le télétravail et ses effets rebonds.

Concernant la variable de vitesse des déplacements, les marges d’augmentation à l’avenir sont relativement faibles, et concernaient surtout le transport aérien et la hausse du trafic sur autoroutes. Ainsi certains leviers majeurs des politiques publiques sur la demande concernent des mesures qui ont une interaction forte avec la demande, mais pas forcément directement des mesures visant à agir sur la demande. C’est le cas de celles visant la modération du trafic aérien (fiscalité, arrêt de certaines liaisons ou des nouveaux projets d’infrastructures, etc.), de la limitation de vitesse sur les routes les plus rapides (110 km/h sur autoroutes, éventuellement 100 km/h sur les nationales), ou encore les mesures visant à agir sur le report modal tel que le développement des modes actifs. Pour que ces réductions de vitesse ne se répercutent pas sur les temps de transport, il est important de réduire simultanément les distances par déplacement. Cela concerne pour beaucoup l’aménagement du territoire pour la courte distance et davantage les modes de vie et les comportements de mobilité pour la longue distance. Par ailleurs, sur la longue distance, le nombre de trajets peut davantage

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DOSSIER

être réduit, éventuellement avec des durées de séjour plus longues pour compenser le moindre nombre de voyages. Enfin, à budget constant, le coût des transports est une autre incitation à réduire les distances de déplacements, en adaptant la fiscalité pour défavoriser les modes les plus émetteurs. La condition de réalisation est ici que la contrainte pour les ménages aux revenus les plus modestes ne pose pas de forts problèmes d’inégalités sociales et d’acceptabilité.

QUEL AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE POUR UNE MOBILITÉ BAS-CARBONE ? Un aménagement du territoire visant la réduction des distances nécessite de nombreuses évolutions influencées par de nombreux facteurs en interaction entre eux. Plusieurs tendances dans l’aménagement ont participé ou participent encore à l’augmentation de la demande : l’étalement urbain, le manque de mixité fonctionnelle des nouveaux quartiers résidentiels et le zonage des activités, l’implantation des commerces en périphérie et le déclin des centres des villes petites et moyennes, la dépendance auto-entretenue à l’automobile en lien avec ces évolutions, la métropolisation concentrant notamment les emplois dans les plus grandes villes les plus dynamiques, les liens entre ces grandes villes facilités par des transports rapides, en particulier depuis Paris et la région parisienne (avion, TGV, autoroutes). Voici quelques questions et pistes importantes à explorer pour les politiques publiques. Concernant l’aménagement des villes, le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pointe 4 éléments d’un aménagement permettant de réduire les émissions : une forte densité de population et d’emplois à proximité, la compacité et la mixité dans les usages de l’espace, un fort degré de connectivité, puis un fort degré d’accessibilité. La densité d’une ville est identifiée comme une caractéristique permettant de limiter les consommations d’énergie de la mobilité quotidienne. La densité permet en effet d’améliorer l’accessibilité et de favoriser la proximité, et présente également les avantages de limiter la consommation d’espace et l’artificialisation des sols, bénéficiant à la biodiversité et la capture de CO2 dans la végétation et les sols. Cependant, la densification est également critiquée, pour des raisons variées : si les déplacements quotidiens sont réduits, un effet rebond possible concerne les déplacements longue distance plus fréquents, un phénomène connu sous le nom d’effet barbecue ; la multiplication des canicules ainsi que l’épidémie de coronavirus ont tendance à remettre en cause également le modèle de ville dense ; les aspirations de la population à aller vivre ailleurs sont bien plus fortes dans les zones habitées les plus denses ; en effet, la densité est également associée à des nuisances, telles que la congestion, la pollution, le bruit, ou encore le manque de végétation. L’acceptabilité de la densité et la qualité de vie des zones denses nécessitent donc un meilleur partage de l’espace public, réduisant la place laissée à la voiture. Il est aussi important d’orienter cette densité dans certaines zones, notamment autour des gares, à proximité de services existants, ou en redensifiant le centre de villes petites ou moyennes. Ces dernières gagneraient à être redynamisées, à l’inverse de la tendance de ces dernières années. Leur taille limitée donne lieu à des distances et des temps de déplacements plus courts (villes de 10 000 à 50 000 habitants) tout en ayant une population suffisante pour avoir un bassin d’emploi important.

Equipement des infrastructures pour un stationnement sécurisé des vélos. Ça bouge dans le stationnement !

VIVE LE COMMERCE DE CENTRE-VILLE Dans cette optique, la question du commerce des centres-villes est une question majeure pour leur dynamisme, pour favoriser leur attractivité et l’emploi, alors que le taux de vacance commerciale moyen des centres-villes est passé de 7,2% à 11,9% entre 2012 et 2018. L’inversion de la tendance nécessitera d’agir sur différents leviers : freiner les nouveaux projets de centres commerciaux en périphérie, soutenir les commerces du centre-ville, ou encore sortir de la prédominance et de la dépendance à la voiture. En effet, le type de commerce et sa localisation influencent les comportements de mobilité : dans les villes moyennes, 88 % de l’accès aux grandes surfaces en périphérie se fait en voiture, contre 50 % pour les commerces de centre-ville. Le mode utilisé influence également les commerces fréquentés : réduire la place de la voiture et développer des zones piétonnes est ainsi favorable aux commerces de centreville. Par ailleurs, à urbanisme constant, il serait aussi possible d’agir pour une meilleure utilisation du parc existant, le taux de logements vacants étant en hausse ces dernières années jusqu’à atteindre 8,5 % en 2019, tandis qu’un autre 10 % des logements correspond à des résidences secondaires. Toutes ces évolutions sont fortement influencées par les prix des terrains, des logements, et dépendent donc de la fiscalité en vigueur, qui ne fournit pas les bonnes incitations. Par exemple, le faible prix des terres agricoles en périphérie et leur forte valorisation en devenant constructibles fournissent une incitation à l’étalement urbain. La mobilité devient alors une variable d’ajustement à un aménagement et des modes de vie fortement influencés

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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

par les prix du logement, le coût de la mobilité étant secondaire dans les choix de localisation.

de sortir complètement du pétrole pour les transports de marchandises d’ici 2050.

Enfin, pour les déplacements à plus longue distance, les collectivités notamment pourront encourager le développement d’un tourisme plus local favorisant l’utilisation des modes bas-carbone : transports en train jusqu’aux lieux de vacances (problématiques de prise en charge des bagages, d’intermodalité, d’autopartage en gare, etc.), accès en transports en commun et en modes actifs aux sites touristiques, ou par le soutien au développement cyclotourisme.

Il en est ainsi tout particulièrement pour les poids-lourds, mais également pour le transport maritime international, dont la décarbonation est très peu engagée jusqu’alors et reposera probablement sur des ressources limitées également (biogaz, biocarburant, ammoniac ou hydrogène produits par électrolyse, nécessitant de grandes quantités d’électricité). Enfin, l’augmentation de la part modale du ferroviaire et du fluvial ne sera possible que par une modération de la demande globale, sans quoi les hausses de trafics de ces modes devraient être bien trop importantes pour atteindre des reports modaux significatifs pour faire baisser les émissions. Parmi les leviers politiques pour réduire la demande, figurent le soutien aux relocalisations de certaines filières, un aménagement en faveur des modes bas-carbone, ou encore la fiscalité.

LEVER LE PIED SUR LA DEMANDE DE FRET

En lien avec une possible réduction des distances, les politiques publiques doivent veiller à ce que cette évolution se fasse de manière favorable en termes de report modal. Avec la hausse des volumes transportés, les longues distances facilitent aussi la massification du transport, avantageant ainsi le fret ferroviaire par rapport aux poids-lourds (PL), les poids-lourds aux véhicules utilitaires légers (VUL ; moins efficaces par tonne transportée), ou un meilleur remplissage de ces véhicules.

Pour le transport de marchandises, la demande a également été le facteur majeur d’évolution des émissions par le passé. A l’avenir, les scénarios sont très contrastés sur son évolution, y compris au sein des scénarios tendanciels, dont certains prévoient une très forte hausse de la demande portée par la croissance du PIB, tandis que d’autres voient une tendance à la baisse.

Pour les derniers kilomètres ou de faibles distances, de faibles volumes peuvent au contraire favoriser un report modal plus vertueux, en permettant plus facilement d’utiliser les vélos-cargos (qui peuvent transporter jusqu’à 200 kg de charge ) plutôt que les VUL.

Ces fortes incertitudes en font un facteur de risque important sur la hausse des émissions, d’autant que la décarbonation du secteur semble bien moins engagée que pour les voyageurs (avec l’électrique pour les voitures), et sera plus difficile à conduire.

Les politiques publiques peuvent donc agir sur l’aménagement du territoire, les infrastructures de transport, les centres logistiques, la régulation des espaces de livraison disponibles, la fiscalité, ou encore le soutien aux modes bas-carbone, pour que le partage modal soit de plus en plus orienté vers le ferroviaire et le fluvial pour la moyenne et longue distance, et vers les vélos-cargos et les véhicules électriques pour la courte distance.

En effet, l’électrique n’est pas adaptée pour les véhicules les plus lourds sur longue distance, en raison du poids des batteries. De plus, le biogaz, souvent mis en avant pour décarboner les poids-lourds (y compris dans la Stratégie nationale bas carbone), a un potentiel de production limité, qui pourrait s’avérer largement insuffisant si la demande en poidslourds reste forte. La réduction de la demande apparaît donc ici comme un levier majeur pour espérer pouvoir atteindre l’objectif de la SNBC

Une tendance à surveiller concerne la fragmentation des achats et de la livraison telle que pratiquée par des plateformes de e-commerce telles qu’Amazon, susceptibles de démultiplier le nombre de véhicules en circulation, en raison de la promesse d’une livraison gratuite et rapide, qui réduit la possibilité d’optimiser les tournées de livraisons. Le fret maritime, générateur de la pollution importée.

Ce sujet est également à l’interface entre mobilité des voyageurs et des marchandises, les livraisons pouvant réduire certains trajets pour motif achat des voyageurs. Une étude sur 4 modes d’approvisionnement radicalement différents montrait ainsi que les scénarios uniquement en livraisons à domicile ou en hypermarché étaient bien moins efficaces que l’approvisionnement dans le petit commerce ou en livraison dans des points-relais, qu’il faudrait davantage développer pour réduire la demande de transport et les émissions. Enfin, la fiscalité et la tarification du transport de marchandises sera un levier majeur pour faciliter la réduction des distances pour le transport de marchandises. En effet, le transport représente souvent une faible part du prix final des produits, incitant très peu à la relocalisation. Des mesures possibles concernent la fin progressive de l’exonération partielle de taxe sur le gazole pour les poids-lourds, la taxe carbone, une contribution kilométrique ou une vignette pour les poids-lourds, ou encore la fin d’exemption de taxe sur l’énergie pour le transport maritime. l

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Le report modal, un potentiel en forte interaction avec la demande Historiquement la contribution du report modal a été négative sur la période 1960-2017, avec une forte contribution à la hausse des émissions pour le transport de marchandises (+91 %, par le report vers le routier ) et une contribution moins importante pour les voyageurs (+22 %). Un potentiel de l’ordre de -20 % d’émissions était identifié d’ici 2050 pour les scénarios les plus ambitieux sur ce levier. Cela est rendu possible par un report de l’ordre de 20 % de parts modales (en km ou t.km) depuis les modes carbonés (essentiellement voiture et poids-lourd ; l’avion international n’est pas dans la comparaison) vers les modes bas-carbone (essentiellement train et vélo pour les voyageurs, et fret ferroviaire pour les marchandises). L’interaction avec la demande totale est très forte, car pour une croissance de trafic donnée d’un mode bas-carbone, le report modal est d’autant plus fort que la croissance de la demande totale est faible (pour les trains de voyageurs). On a également vu au sujet de la vitesse une autre facette de cette interaction avec la demande qui invite à regarder le report modal par heure de trajet et non par kilomètre parcouru. En effet, les temps de trajet étant relativement constants autour de 15-20 minutes pour les trajets du quotidien et de 3 à 4 heures pour les trajets à longue distance, le report modal vers un mode plus rapide aura tendance à augmenter la distance du déplacement.

Pour le transport intérieur de voyageurs, la contribution est positive depuis le milieu des années 90, avec un report d’environ 3 % des kilomètres parcourus depuis la voiture vers le ferroviaire (soit environ -3 % d’émissions voyageurs ou -2,7 MtCO2). Cette contribution positive disparaît cependant lorsque le transport aérien international est également inclus.

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Développement des RER métropolitains.

Ainsi, le report modal peut se faire à nombre de trajet et à temps de transport à peu près constants, mais non à kilométrage constant. Par exemple, un report de la voiture vers le transport aérien pour les trajets à longue distance s’accompagne ainsi de distances parcourues et d’émissions bien plus fortes, car les émissions de l’aérien sont 13 fois plus importantes que pour la voiture par heure de trajet, alors que les émissions de CO2 des deux modes sont relativement similaires par kilomètre parcouru. Au contraire, pour un report modal vers un mode plus lent tel que le vélo, la vitesse plus faible invitera l’usager à parcourir des distances de déplacements plus courtes et à une vie davantage en proximité, indiquant ici une interaction positive avec la demande.


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POINTS & MESSAGES CLÉS • Les scénarios ambitieux indiquent un potentiel de -20 % sur les émissions par ce levier, par un report d’environ 20 % de modes carbonés vers des modes bas-carbone. • De tels reports modaux ne seront possibles qu’avec une forte modération de la demande, contraignant en particulier le trafic aérien, les poids-lourds et la voiture ; la saturation (temps, coûts) de cette dernière est par ailleurs étudiée plus en détails. • Les principaux potentiels de report se trouvent vers le vélo pour la courte distance, le train pour la longue distance, et le fret ferroviaire pour les marchandises. • Les leviers d’action concernent l’aménagement du territoire et le partage de l’espace public, les infrastructures et services développés, les changements de comportements, une évolution différenciée des vitesses des modes, et le levier majeur de la fiscalité.

VOITURE, LA SATURATION ? La voiture domine très fortement les émissions du transport de voyageurs, surtout pour les transports quotidiens, ou en ne regardant que le transport intérieur (hors aérien international), ainsi il est légitime de se demander s’il y a encore un risque que son développement continue, ou s’il est déjà arrivé à saturation ? Ensuite, quelles en sont les raisons ? Et enfin, comment agir pour réduire la place de la voiture dans les mobilités, au profit de modes bas-carbone et plus sobres en énergie ? Des éléments montrent une saturation de l’usage de la voiture parfois depuis plusieurs décennies. Ainsi, la part modale des transports routiers individuels est relativement constante autour de 80 % des kilomètres parcourus (± 2 %) en France depuis le 1er choc pétrolier de 1973. La part modale a même eu tendance à diminuer de 2 à 3 % depuis le milieu des années 90 au profit du ferroviaire, et à baisser de 77 % à 69 % des kilomètres parcourus si le transport aérien international est inclus. Les kilomètres parcourus en voiture par personne ont cependant continué à augmenter suite au 1er choc pétrolier, de manière relativement proportionnelle à la demande totale, expliquant la part modale relativement constante. Mais à nouveau, une tendance à la saturation apparaît cette fois depuis le début des années 90 en termes de kilomètres par personne, autour de 30 km/jour (± 1,5 km, pour la voiture particulière, VP ; autour de 34 km avec 60 % des VUL et les 2RM). Mesurée en temps de transport, la part de la voiture parmi les modes est constante depuis le début des années 90, avec un temps légèrement croissant de l’ordre de +5 % ou +2 minutes, de manière proportionnelle à l’ensemble des temps de transport. Enfin, si l’usage croissant de la voiture a été porté par la hausse du taux de (multi-)motorisation, le nombre de voitures pour 1000 habitants semble avoir plafonné à 500 depuis le milieu des années 2000. Pourtant, malgré cette apparente saturation de l’usage de l’automobile depuis de nombreuses années, les trafics automobiles sont

Transition du parc automobile vers d’autres moyens à faibles émissions.

DOSSIER toujours en augmentation, et s’explique par la contribution à la hausse de deux facteurs. Tout d’abord, par la croissance de la population, de l’ordre de 0,5 %/an sur la dernière décennie, portant la croissance au niveau agrégé, quand les chiffres ci-dessus correspondaient à des usages individuels. Et ensuite, par la baisse du taux de remplissage, qui joue à la hausse sur les trafics (mesurés en véhicules.km) de l’ordre de +0,5 %/an également sur la dernière décennie. Si l’usage individuel reste stable, les trafics pourraient donc continuer à croître en tendanciel au rythme de la croissance de population, soit 0,4 % environ pour les prochaines années, jusqu’à 1 % maximum si le remplissage continuait à décroître, ce qui devrait ralentir au vu des tendances plus récentes à la saturation de la (multi-)motorisation des ménages. Cette tendance restera soumise aux fluctuations annuelles liées à la conjoncture économique, et en particulier du prix du pétrole et du PIB. Il convient ensuite de comprendre le phénomène de saturation de l’usage individuel de la voiture qui a été constaté, afin de mieux anticiper son évolution possible. Les éléments de saturation de la demande intérieure ou de “peak car“, pointent notamment le rôle de saturation de la vitesse physique pour l’ensemble des modes, en parallèle de l’importance des variables économiques et de phénomènes plus spécifiques à l’automobile tels que la saturation du taux de motorisation.

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DOSSIER

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Ainsi l’usage de la voiture serait arrivé à un point de développement maximal au sein de la population, ayant rempli quasiment tous les domaines de pertinence les plus évidents à son usage. Si la limite en termes de temps de déplacement par personne est tout à fait pertinente pour expliquer la saturation de l’usage de l’automobile, la question de la vitesse physique est insuffisante pour expliquer l’ensemble des évolutions de l’usage des dernières décennies. Comme cela a été signalé, c’est la diffusion de l’automobile qui a permis la forte hausse de la vitesse physique moyenne pour l’ensemble des modes, et cette diffusion s’explique par un accès facilité à la voiture par le plus grand nombre, via une baisse du coût de la voiture. Cette baisse du coût relatif peut être renseignée par la vitesse économique, c’est-à-dire le pouvoir d’achat d’une heure de travail en termes de nombre de kilomètres parcourus (ou son inverse, le nombre de minutes de travail pour payer 100 km en voiture). La Figure ci-dessous montre l’évolution de la vitesse économique d’un salarié au Smic de 1970 à 2017, en indiquant ici le pouvoir d’achat en nombre de kilomètres d’une heure de travail, et en prenant uniquement le coût du carburant, qui représente 80 % du coût marginal. L’évolution dépend ainsi de : la croissance réelle du revenu (Smic ici, ou tendances simi-

Vitesse physique, économique et généralisée de la voiture pour une personne au Smic de 1970 à 2017 (en haut), et vitesse généralisée comparée à la distance et aux temps de transport par personne (en bas). La vitesse physique, la distance et les temps journaliers reprennent les données du chapitre 3 pour les voitures particulières (VP) seules ; la vitesse économique reprend les données compilées par Beauvais (2020), à partir du salaire horaire brut du Smic, des consommations (L/100 km) et des prix moyens des carburants utilisés. Données non disponibles avant 1970.

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laires mais plus élevées pour le salaire net moyen ), qui est régulière et particulièrement forte avant le 2nd choc pétrolier de 1979 ; la consommation moyenne de carburant pour 100 km, en baisse régulière sur la période ; enfin, le prix moyen des carburants utilisés, influencé à la baisse par le passage au diesel, et influencé par l’évolution des prix du baril dont la volatilité est la principale cause des fortes fluctuations de la vitesse économique. Il apparaît au total une multiplication par 3 de la vitesse économique sur la période 1970-2017, alors que la vitesse physique évoluait bien plus faiblement. Aussi la hausse de cette vitesse serait encore plus forte depuis 1960, expliquant ici la forte diffusion de la voiture (qu’il faudrait idéalement renseigner avec la baisse du coût complet, dont l’achat représente une part importante) et des tendances que l’étude de la vitesse physique seule ne permettait pas d’expliquer. Ainsi le ralentissement des kilomètres parcourus au début des années 80 s’explique par une faible hausse de la vitesse économique, tandis que la plus forte hausse des kilomètres et des temps de déplacements en voiture entre 1985 et 1992 s’explique par une forte hausse de la vitesse économique à la suite du contre-choc pétrolier de 1985. Cela explique la tendance encore non expliquée à ce stade d’une apparente hausse des temps de déplacement sur 1985-1992, que laissait apparaître l’estimation des temps de déplacement sur la période 19602017 (+7 minutes en 7 ans, peut-être compensés en partie par une baisse de la marche, que les données ne permettent pas de suivre précisément. À partir de 1992, la plus faible hausse de cette vitesse économique expliquerait aussi le ralentissement de la croissance de l’usage de la voiture : en effet, la hausse de la vitesse économique a été de +150 % sur 1970-1992 malgré deux chocs pétroliers sur la période, puis seulement de +33 % sur 1992-2017. Enfin, sur le début des années 2000, la baisse de la vitesse économique de 2003 à 2008 explique le fait

À partir de 1992, la plus faible hausse de la vitesse économique explique le ralentissement de la croissance de l’usage de la voiture.

que les kilomètres parcourus en voiture aient diminué plus fortement encore que la vitesse physique (en lien avec la mise en place des radars), avec une légère baisse des temps de déplacement en voiture sur la période (voir figure de droite ci-dessous, et l’évolution entre les courbes de distance et vitesse de la voiture sur 1992-2017,). Les notions de vitesses physique et économique peuvent être rassemblées dans la vitesse généralisée, qui compte la distance parcourue, divisée par la somme du temps de transport et du temps de travail nécessaire au paiement du trajet. Elle permet de prendre en compte avec une mesure unique de nombreuses variables influençant les choix de mobilité1. L’évolution de la vitesse généralisée a surtout été influencée par la vitesse économique, en raison de ses variations importantes, bien que la baisse de la vitesse physique au tournant du millénaire ait participé à la relative stagnation de cette vitesse généralisée. La question suivante est de savoir si le facteur limitant ou entraînant la saturation de l’usage de la voiture correspond davantage au temps de déplacement consacré à la voiture et à la vitesse physique, ou aux limites de budget et de vitesse économique. L’hypothèse ici est que les 2 variables influencent

1. La vitesse généralisée (Vg) est calculée comme la moyenne harmonique des vitesses physique (Vp) et économique (Ve), ainsi : Vg = 1 / (1/Vp + 1/Ve), avec la vitesse économique qui est égale au salaire horaire (w) divisé par le coût kilométrique (k). Voir notamment Crozet, 2017.

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DOSSIER fortement l’usage, mais que leur rôle respectif est différent : si la hausse de la vitesse économique a été le principal facteur permettant la hausse de l’usage de la voiture (en minutes ou kilomètres par jour), le principal facteur limitant aujourd’hui semble davantage être celui des temps de transport alloués à la voiture, et aux mobilités en général. Il semblerait pour le moins que ce soit le cas pour la majorité de la population, bien que le facteur économique puisse toujours être la principale limite pour la population aux revenus les plus modestes, et qu’une forte hausse du coût de la voiture pourrait toucher une partie néanmoins importante de la population. Pour soutenir cette hypothèse, il est possible de remarquer que la vitesse économique est plus de deux fois supérieure à la vitesse physique en 2017, même pour une personne au Smic (et de l’ordre de 4 fois plus avec le revenu moyen), alors qu’en 1970 le temps de transport était inférieur au temps passé pour payer le carburant du trajet, pour une personne au revenu minimum. De même, depuis le début des années 90, la réaction des kilomètres parcourus à une variation de la vitesse physique semble plus importante et davantage proportionnelle à la variation constatée, que pour une variation de la vitesse économique. Ainsi en 2009, la forte baisse des prix du pétrole (sorte de contre-choc pétrolier après 2008) ne s’est pas manifestée par une hausse des kilomètres parcourus. De même, il est estimé que la majorité de la baisse du nombre de kilomètres en voiture au début des années 2000 est liée à la baisse de la vitesse physique (de l’ordre de 2/3 aux 3/4 selon les années prises en compte) et le reste à la baisse des temps de déplacement en voiture. Néanmoins, la baisse de la vitesse peut également être mise en lien avec la hausse du prix des carburants, les deux n’étant pas totalement indépendants. L’enquête Insee de 2008 montre aussi que les kilomètres parcourus et le nombre de trajets en voiture pour la mobilité quotidienne ne croît plus beaucoup au-dessus de 1000 €/ mois de revenu par unité de consommation. En revanche, en-dessous de cette limite qui correspond à environ 10 à 15 % des ménages, les trajets en voiture sont nettement moins nombreux, indiquant qu’une augmentation de la vitesse économique pour ces ménages augmenterait très probablement significativement leur mobilité en voiture. Cependant, pour une grande majorité de la population, c’est très sûrement davantage les temps de déplacement qui limitent leur mobilité en voiture, en particulier pour les déplacements du

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Accessibilité des réseaux de transport. Intermodalités et « Hub » de mobilités.

quotidien. La contrainte économique est cependant potentiellement plus forte pour les déplacements à longue distance. Enfin, la saturation peut être également en partie liée à l’attrait pour les autres modes, qui occupent une part significative de la mobilité des Français et des temps de parcours (38 % hors routier individuel dont 22 % pour la marche). En résumé, la vitesse économique a historiquement surtout joué sur la croissance de l’usage de la voiture jusqu’au début des années 90, tels que mesuré ici par la hausse des temps de déplacements en voiture, et elle a plus rarement participé à la baisse de l’usage lors des chocs pétroliers. Au contraire, la vitesse physique a joué plus faiblement sur la hausse de l’usage et des kilomètres parcourus (bien que le report vers les autoroutes ait permis de jouer à la hausse sur les kilomètres, à temps constant), mais constitue depuis le début des années 90 un facteur majeur limitant la croissance de l’usage de la voiture pour une grande partie de la population.

QUEL IMPACT DE LA TAXE CARBONE ET DU VÉHICULE ÉLECTRIQUE ? Cet éclairage historique peut également renseigner les évolutions récentes ou futures, et il est proposé ici d’en évoquer deux : la taxe carbone et le véhicule électrique. Pour la taxe carbone, un des facteurs à l’origine de la crise des gilets jaunes, la baisse de la vitesse économique qu’elle impliquait impactait essentiellement la mobilité de la partie de la population aux revenus les plus faibles. Elle impactait également les ménages aux revenus moyens, qui peut être en difficulté en cas de hausse du coût des carburants, en particulier pour les trajets les plus contraints et dans les zones peu denses. Aussi la taxe s’ajoutait à une remontée des prix du baril qui faisait déjà diminuer la vitesse économique, et pouvait mettre en difficulté certains ménages qui ne disposent pas d’alternatives. Au contraire, les ménages les plus favorisés n’étaient que peu impactés dans leur mobilité, tant leur vitesse économique restait importante. Si la contribution moyenne des ménages aux plus forts revenus à la taxe carbone est


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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plus forte en montant absolu, elle est plus faible en part du niveau de vie. L’effort, la baisse des consommations et de la mobilité reposaient donc essentiellement sur les populations aux revenus modestes et/ ou fortement dépendantes aux longs trajets en voiture, d’où l’injustice perçue qui a été un déclencheur majeur de la crise des gilets jaunes. Pour le véhicule électrique, la question du facteur limitant entre les variables économiques et les temps de déplacement prend toute son importance, étant donné que le coût marginal d’usage de l’énergie est divisé par environ 4 à 5 en passant du pétrole à l’électrique. Se pose alors la question du potentiel effet rebond sur la demande de mobilité en voiture. Si le principal facteur limitant est celui des temps de parcours tel que supposé ici, l’effet rebond pourrait être limité. Au contraire, il pourrait être plus important pour les ménages aux revenus plus faibles, qui pour l’instant n’en sont pas les premiers utilisateurs en raison du coût d’achat plus élevé. Aussi, l’effet rebond d’un coût économique très fortement diminué pourrait être plus fort pour la longue distance, mais l’autonomie limitée des véhicules 100 % électriques réduira cependant cet effet rebond. Pour les plus longs trajets, si le coût monétaire pourrait être largement diminué (selon le modèle économique des bornes de recharge rapide), les temps de parcours pourraient être largement rallongés si l’autonomie ne permet pas de faire l’ensemble du trajet sans recharge.

grandes villes, en particulier dans les centres villes et là où la densité est la plus forte. Ainsi, pour le cas le plus extrême avec la ville de Paris, le trafic a déjà été divisé par deux depuis le début des années 90 (Paris, 2019 ; -48 % depuis le début de la série en 1992) et la vitesse de la voiture sur le réseau instrument a diminué d’un tiers, de 20,9 à 13,9 km/h. Au contraire, l’ENTD de 2008 indiquait un usage toujours croissant de la voiture dans les zones les moins denses et les villes les moins peuplées, tandis que le taux de motorisation y est toujours en hausse depuis. La dépendance à l’automobile dans les communes rurales ou isolées est ainsi très forte : le taux de motorisation y est de 94 %, la voiture est le mode principal de 89 % des habitants (contre 9 % à Paris et 47 % dans les villes centres des grandes métropoles), et seulement 15 % estiment avoir le choix entre différents modes de déplacements (contre 85 % à Paris et 75 % dans le centre des métropoles).

UNE AFFAIRE DE TERRITOIRES

JOUER AVEC PLUSIEURS MANETTES

Enfin, pour évaluer le potentiel de report modal depuis la voiture, il faut avoir en tête que le phénomène de saturation de son usage n’a pas eu lieu ou n’aura pas lieu au même moment selon les catégories de population : comme évoqué ci-dessus, elle n’est pas forcément atteinte pour les revenus les plus bas ; mais également pour les retraités et autres inactifs pour lesquels les taux de motorisation sont plus faibles, ou selon les types de territoires. Cette dernière question des territoires est très certainement la plus importante pour l’évolution à venir de la place de la voiture. La place de la voiture est plus faible et a déjà pu largement baisser dans les plus

La dépendance à la voiture et les politiques publiques pour en réduire l’usage devront donc s’adapter à ces contextes différents, et la temporalité de réduction de la voiture devrait probablement continuer à s’étendre depuis les centres des plus grandes villes vers les villes plus petites et les zones moins denses. Pour le centre des grandes villes, des politiques visant à limiter l’usage de la voiture sont appliquées depuis de nombreuses années pour certaines, motivées par la réduction de certaines nuisances particulièrement fortes en ville : congestion et place importante occupée dans l’espace public, pollution atmosphérique, bruit, ou encore insécurité routière. Cela a pu les motiver à utiliser différents leviers que sont la limitation et la tarification du stationnement, la modération de la circulation et de la vitesse (zones 30 notamment, de plus en plus étendues en ville), un meilleur partage de la voirie entre les modes, et le développement de l’offre pour les modes alternatifs. Ces leviers ont pour le moment été moins utilisé ailleurs, y compris dans les villes moyennes où ils auraient pourtant leur pertinence, et où la réduction de la place de la voiture devrait faire partie d’une stratégie plus globale de redynamisation des centres villes. Il est probable que certaines de ces politiques puissent s’étendre jusqu’à atteindre les zones rurales, à condition d’y développer également les alternatives qui permettent de réduire la dépendance à la voiture et au pétrole dans

Intégration des hyper centres par de petites navettes électriques.

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DOSSIER ces territoires. Le développement des alternatives est par ailleurs une condition majeure de l’acceptabilité de la transition vers une réduction de la place de la voiture, question épineuse comme cela a été illustré en 2018 par le passage aux 80 km/h et la taxe carbone annulée. Sur le sujet de la fiscalité, les carburants étant déjà fortement taxés pour les automobilistes, il faudrait d’abord pouvoir rééquilibrer la fiscalité entre les différents modes pour éviter l’injustice d’une forte taxation des trajets du quotidien en voiture, alors que les trajets de loisirs en avion qui profitent davantage aux plus aisés, le transport maritime ou les poidslourds bénéficient d’exemptions (exonération partielle pour les PL). Des incitations à la voiture, telles que le système des indemnités kilométriques, devraient également être revues. Aussi, si l’usage de la voiture est fortement taxé, c’est moins le cas de l’achat, dont les montants de malus sont très faibles pour la grande majorité des ventes, et qui pourrait être revu pour être davantage incitatif, et éventuellement introduire d’autres composantes telles que le poids des véhicules et faire profiter le bonus également aux autres modes. Sur la longue distance enfin, la baisse de vitesse sur les routes les plus rapides sera un levier à utiliser aussi vite que possible, tant il a des interactions positives fortes et sera une mesure facilitant le passage à l’électrique, pénalisé en termes d’autonomie par des vitesses élevées.

L’AVION, DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE INSOUTENABLES ? L’avion est le mode le plus émetteur par heure de trajet. Ainsi le report modal d’une heure de trajet en voiture pour les vacances vers une heure d’avion émet 13 fois plus d’émissions de CO2 (un impact 26 fois plus important en tenant compte des effets hors CO2) et 80 fois plus qu’en train (160 fois avec effets hors CO2). Par ailleurs, le transport aérien représente une part significative des émissions de la responsabilité de la France, si l’on tient compte du transport international et des effets hors CO2 : ainsi au sens le plus large, son impact climatique est équivalent à 88 MtCO2eq, soit l’équivalent des émissions du transport de voyageurs en France hors aérien, ou 16,5 % des émissions de l’inventaire national total des émissions de gaz à effet de serre. Aussi les trafics sont en forte croissance, et sans phénomènes de saturation proches au moins sur les temps de déplacement. Cepen-

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

L’innovation aérienne avec l’avion électrique. Une première mondiale en France.

dant, les projections sont soumises aux hypothèses de croissance de sa vitesse économique (poursuite de la croissance économique, absence de nouvelles taxations, prix du pétroler, etc.), à la gestion de la saturation des aéroports, et à une reprise post-crise du coronavirus qui pourrait prendre plusieurs années. Enfin, les perspectives technologiques sont insuffisantes pour compenser ces croissances de trafics et s’aligner sur les trajectoires d’émissions compatibles avec l’Accord de Paris. Des gains d’efficacité énergétique pourraient se poursuivre, cependant les technologies de décarbonation (biocarburants, hydrogène, kérosène de synthèse ou électrique) sont loin d’un développement suffisant, à un horizon trop tardif, avec des défis difficiles à surmonter, et/ou des impacts environnementaux, un besoin de ressources ou d’énergie durables trop importants pour être à l’échelle des consommations prévues sans forte réduction de trafic. Enfin, ce mode profite essentiellement pour les loisirs des populations les plus aisées, et son impact croissant ainsi que les subventions ou exemptions de taxes dont il bénéficie posent des questions importantes de justice climatique. Au vu des éléments ci-dessus, une décroissance du trafic devrait être envisagée par les politiques publiques pour limiter l’impact du secteur. Or le changement de paradigme n’a majoritairement pas eu lieu sur ce sujet, puisque : de nombreuses extensions d’aéroports sont encore prévues en France ; le carburant n’est pas taxé ; la taxe introduite sur les billets d’avion début 2019 semble trop faible (de 1,5 à 18 €) pour être réellement dissuasive ; enfin, de nombreux aéroports ou liaisons intérieures sont subventionnés de l’ordre de plusieurs dizaines d’euros voire plus de 200 € par vol, sans que ces subventions ne soient fortement remises en cause. Pour aligner les politiques publiques avec cette baisse de la demande, les éléments ci-dessus devraient être questionnés et les politiques suivantes pourraient ainsi être envisagées. Premièrement, acter la fin d’un objectif de croissance du trafic demanderait de stopper les projets d’extensions d’aéroports tels qu’il peut y en avoir en France, en particulier à Nice, Lille, Nantes ou Caen. L’abandon du projet de terminal 4 à Roissy, s’il est confirmé, marque un changement important. Aussi, le report vers le train des liaisons intérieures les plus facile-


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DOSSIER ment transférables devrait être planifié, avec un gain estimé à 0,9 MtCO2 (sur 2,1 MtCO2 pour la Métropole seule et plus de 20 au total) pour les liaisons ferroviaires de moins de 4h30, contre 0,14 MtCO2 pour la limite de 2h30 actuellement fixée et en excluant les vols en lien avec le hub de Roissy. En lien avec le report vers le train, la baisse progressive des subventions aux liaisons intérieures et aux aéroports devrait être planifiée, tout comme la fin des petits aéroports dont le faible nombre de passagers entraîne des dépenses publiques très importantes pour compenser les déficits d’exploitation (par exemple, 194 € en moyenne par passager pour les 37 plus petits aéroports, pour 33 M€ au total). Cependant, si ce report vers le train est logique d’un point de vue climatique et semble la partie la plus simple pour limiter les transports aériens sans contraindre fortement les comportements de mobilité, le report sur ces liaisons ou avec des pays européens proches (par des liaisons TGV ou plus encore par un redéveloppement de lignes de trains de nuit) ne permettrait de résoudre qu’une faible partie de l’impact climatique de l’aérien. C’est sur le transport aérien de longue distance que se situent donc les principales marges de sobriété en termes de réduction du trafic. De plus, sur ces trajets, la décarbonation de l’énergie ne dépendra pas que de la France, et il est fort probable que la dépendance au pétrole reste très forte dans les années et même décennies à venir pour la majorité des liaisons opérées. En plus de la fiscalité, le comportement des voyageurs sera un levier important, et des premières tendances apparaissent telles que la honte de prendre l’avion (flygskam, en suédois). Les enquêtes sur le sujet sont souvent difficiles à interpréter car de nombreuses personnes ne prennent déjà pas l’avion pour des raisons économiques ou d’autres raisons indépendantes de l’impact climatique (peur de l’avion, pas d’envie, etc.) : dans un récent sondage, une majorité de Français répondaient ne plus prendre l’avion pour leurs loisirs (40 %) ou pouvoir le faire assez facilement (23 %) pour des raisons climatiques, tandis que 18 % pourraient le faire difficilement et 15 % ne pourraient pas le faire. Pour les plus accros, les adaptations pourraient progressivement se tourner vers des séjours moins loin, moins fréquents, et éventuellement plus longs sur place en compensation, questionnant plus globalement le rapport au voyage. Par ailleurs, le rapport du Shift Project évalue des potentiels de réduction des émissions

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Le transport ferroviaire constitue un mode particulièrement important dans le report modal.

de 0,7 MtCO2 par la décarbonation des opérations au sol, de 0,4 MtCO2 en interdisant les vols d’affaires (les jets privés émettent de l’ordre de 4,4 tCO2/h de trajet, soit 40 fois plus que pour l’aviation commerciale classique ), et de 0,4 MtCO2 par la suppression des avantages liés aux programmes de fidélité, qui représentent 5 % du trafic, dont 50% des voyages sont réalisés par opportunisme. Dans une logique de justice sociale, la fiscalité pourrait également être progressive sur le nombre de trajets ou particulièrement forte sur les voyages en jet. La question de la taxation du kérosène et de la taxe carbone sera également un sujet important pour encourager à la décarbonation du secteur dont les carburants alternatifs coûteront bien plus cher que le kérosène, à moins que des obligations d’incorporation soient privilégiées pour les biocarburants ou les carburants de synthèse. Un défi majeur pour les politiques publiques si cette stratégie était adoptée, sera de prévoir des mesures pour les emplois menacés par une baisse de trafic, et d’anticiper les éventuelles reconversions professionnelles dans d’autres secteurs en croissance en lien avec la transition écologique.

LE RAIL PEUT-IL FAIRE L’AFFAIRE ? Le transport ferroviaire constitue un mode particulièrement important dans le report modal, essentiellement pour les déplacements à moyenne et longue distance des voyageurs, et pour le transport de marchandises le plus massifié. Les scénarios de prospectives prévoient souvent une croissance du trafic voyageurs entre 50 et 90 % d’ici 2050 (de +18 à +168 %), avec un impact variable sur la part modale selon l’évolution de la demande totale. Les scénarios marchandises sont encore plus contrastés, avec des reports non significatifs pour certains, jusqu’à un gain de 25 % de parts modales pour deux scénarios. Alors que le train représente environ 10 % de parts modales aujourd’hui pour les voyageurs et les marchandises, un gain d’1 % de part modale se traduit par une réduction des émissions d’environ 1 %, toutes choses égales par ailleurs pour les autres facteurs.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique Les marges de progrès pourraient être facilitées par les politiques publiques ou évolutions suivantes. Tout d’abord, par une offre étoffée, grâce à des gains de capacité sur le réseau ou le matériel roulant, au développement de l’offre actuelle, et par de nouvelles offres envisageables (sur le transport combiné, en développant l’intermodalité, les RER dans les grandes villes, ou par le renouveau des trains de nuit). Ensuite, par des incitations notamment financières au report modal vers le ferroviaire, en agissant sur la fiscalité énergétique, sur la tarification des infrastructures, ou par les soutiens aux investissements et à l’exploitation ferroviaires. Enfin, la hausse du trafic pourrait être facilitée par des évolutions exogènes aux transports, tels que la hausse du niveau d’activité économique et la hausse du prix du pétrole, par une sensibilité environnementale accrue des voyageurs, des politiques publiques volontaristes de transition énergétique encourageant à davantage favoriser le train, ou encore par un aménagement du territoire davantage autour des gares, pour en faire des lieux de dynamisme économique et d’intermodalité importants. Le second enseignement est que de fortes croissances des trafics risquent d’être contraintes par les limites de capacité et la saturation du réseau. Cela s’explique notamment par les projets d’extension du réseau ferroviaire désormais relativement limités, ce qui aura pour implication que les hausses de trafics devront se réaliser à infrastructure quasiment constante, nécessitant ainsi d’améliorer son intensité d’utilisation. Selon les types de trafics considérés, ces marges sont faibles, et le réseau est parfois déjà saturé ou proche de la saturation : il en est ainsi par exemple pour de nombreuses lignes du réseau d’Îlede-France aux heures de pointe, mais aussi pour certains nœuds ferroviaires, des lignes TGV ou des gares, pour les périodes de l’année, de la semaine ou de la journée les plus chargées. Cela pointe le défi de l’organisation des circulations, dans un contexte d’ouverture à la concurrence pour les voyageurs, avec des trafics en hausse, et des exigences fortes d’amélioration de la qualité de service aussi bien pour les voyageurs que pour les transporteurs (augmentation de la fréquence, de la flexibilité et de la fiabilité des sillons accor-

DOSSIER dées). Ce défi est d’autant plus important que le retard des investissements sur le réseau implique de nombreux travaux compliquant les circulations ferroviaires. Puisque les hausses de trafic seront limitées par la saturation du réseau, le troisième enseignement est que l’évolution de la part modale dépendra très fortement de l’évolution de la demande totale, aussi bien en valeur absolue qu’en termes de répartition sur le territoire (selon les régions, les lignes ou les gares concernées) et au cours du temps (pour la gestion des pointes du matin et du soir, des weekends, ou des départs en vacances). Cela rejoint la question du lien important entre la modération de la demande totale et la possibilité d’avoir des reports modaux significatifs. Pour maximiser l’intérêt du développement du train, il faudrait donc que les trafics supplémentaires correspondent au maximum à du report modal et non à du trafic induit par une meilleure offre.

LE RENOUVEAU DU VÉLO, JUSQU’OÙ ? Historiquement, la pratique du vélo a beaucoup décliné après la seconde guerre mondiale, après un fort développement au début du XXème siècle. Les dernières enquêtes montrent une pratique faible, de l’ordre de 2,7 % des déplacements quotidiens dans les ENTD de 2008 et 2019, une part estimée à 2,1 % des temps de déplacements et 0,5 % des distances parcourues en 2017, et de l’ordre de 2 % des actifs vont au travail à vélo. Education à la pratique du vélo dans l’espace urbain.

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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Les comparaisons avec les pays les plus avancés montrent le retard important de la France, avec une pratique qui pourrait quasiment être multipliée par 10 si elle rejoignait celle observée aux Pays-Bas : dans le baromètre Eurostat du mode le plus utilisé, le vélo est à 4 % en France contre plus de 35 % aux Pays-Bas ; le nombre de kilomètres était indiqué à 1000 par personne et par an contre 90 km en France dans ORS-IDF (2012), un chiffre probablement supérieur désormais pour la seule pratique utilitaire d’après l’ADEME (2020). Cette dernière étude indique également que la proportion des déplacements de distances cibles du vélo est importante pour tous les territoires, de 27 à 48 % pour les déplacements de 1 à 5 km, et même de 42 à 67 % pour les déplacements de 1 à 10 km, une distance largement faisable en vélo à assistance électrique (VAE). Le volontarisme des différents scénarios de prospectives est relativement difficile à comparer, en raison de leurs bases différentes. Celui de la SNBC prévoit une multiplication quasiment par 7 des kilomètres parcourus d’ici 2050, avec une croissance surtout sur le début de la période, en cohérence avec l’objectif affiché du Plan Vélo de multiplier par 3 la pratique d’ici 2024 pour atteindre 9 % de part modale. Etant donné que les trajets en vélo sont essentiellement des trajets courts, l’impact sur la part modale en nombre de kilomètres parcourus, et donc l’impact sur les émissions est plus faible : ainsi, dans la SNBC, la part modale du vélo passe de 0,5 à 2,6 %, soit un impact sur les émissions d’environ -2 %. Si d’autres scénarios vont plus loin avec une part modale augmentant jusqu’à +7 % d’ici 2050 (en combinant forte croissance du vélo, baisse de la demande totale, et des chiffres plus élevés pour l’année de référence), il faut ajouter à ces effets directs sur le report modal, deux autres interactions positives au développement du vélo. La première est en lien avec la réduction de la demande que le vélo permettrait de faciliter, en encourageant une vie davantage en proximité, en essayant d’habiter proche de son travail ou en réalisant davantage les achats proches de chez soi. Si le report modal est considéré en pourcentage du temps de parcours, il devient alors bien plus important : pour le scénario SNBC, la part du vélo passerait d’environ 2 % à 10 % des temps de déplacement, en considérant une vitesse moyenne de 12 km/h (qui pourrait cependant augmenter avec les

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Le vélo en libre service : Une solution qui a fait ses preuves.

VAE). Mesuré ainsi, le report modal et son impact climatique sont bien plus importants. La seconde interaction concerne le report modal, par une recomposition plus globale des déplacements vers une moindre dépendance à la voiture, par une diminution de la motorisation des ménages et/ou une baisse de l’habitude ou du réflexe de prendre la voiture pour ses déplacements. Il en est ainsi pour la courte distance, avec le développement de l’intermodalité train-vélo, pour laquelle 12 % des nouveaux usagers des consignes sécurisées en gare sont de nouveaux usagers du train. Sur la longue distance, les cyclistes du quotidien privilégient également davantage le train, et sont notamment 30 % à préférer le train (en 1er choix) pour les départs en vacances, contre 19 % pour l’ensemble de la population. Le développement du cyclotourisme peut également se faire au détriment de vacances plus lointaines avec des modes plus émetteurs.

LE VÉLO ÉLECTRIQUE, UN ACCÉLÉRATEUR Enfin, via la démotorisation partielle ou totale, le vélo peut permettre d’éviter des émissions liées à la fabrication de voitures, qui représenteront progressivement la majorité des émissions liées aux voitures avec le passage à l’électrique. Le VAE permet une augmentation des distances moyennes parcourues, une ouverture à des publics plus larges que le vélo classique, et permet ainsi plus facilement de se substituer à la voiture : 71 % des kilomètres parcourus par des usagers de systèmes de location longue durée de VAE auraient été réalisés en voiture, une proportion de 49 % pour les bénéficiaires des aides à l’acquisition de VAE. Ce report modal important a aussi un impact sur la motorisation, les services de location permettant à 15 % des usagers de se séparer d’une voiture et à 13 % de renoncer à un achat. Les impacts du report modal sont donc largement favorables également en analyse de cycle de vie, la capacité d’une batterie de véhicule électrique étant par ailleurs de l’ordre de 100 fois plus faible que pour une voiture électrique (de l’ordre de 400 Wh pour un VAE contre 41 kWh pour la Renault Zoé).


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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Enfin, au-delà des émissions, le vélo présente des bénéfices très importants sur les autres externalités des transports et sur l’environnement (faible consommation d’énergie et de ressources, d’espace, absence de bruit, de pollution, etc.), et en particulier sur la santé des usagers. En termes de mise en œuvre, le vélo bénéficie d’une image très favorable, avec notamment 82 % des Français favorables aux mesures pour son développement. Néanmoins, la période de transition et le besoin de prendre de la place à la voiture pour les infrastructures cyclables peuvent rencontrer des résistances de la part des autres usagers. Aussi l’objectif de 9 % d’ici 2024, s’il n’est pas impossible à atteindre, demandera néanmoins une accélération rapide et très substantielle des investissements. L’ADEME estime qu’il faudrait multiplier quasiment par 4 les montants annuels alloués au vélo par rapport aux montants actuels (en passant de 570 M€ à 2 Md€/an), pour atteindre 30 €/ habitant/an comme dans les pays les plus cyclables. Le vélo est un mode peu cher pour l’usager et la collectivité. Il faut comparer les 30 € aux 168 € de contributions publiques sur la route et 260 €/hab/an pour les transports en commun, mais l’effort nécessaire à court terme nécessite néanmoins une très forte accélération des budgets. Ce changement de braquet est néanmoins favorisé par le contexte des derniers mois, avec la grève de fin 2019 - début 2020 dans les transports en commun à Paris, et l’effet des aménagements temporaires lors du déconfinement. Aussi les tendances récentes de baisse de la pratique dans les zones les moins denses doivent être inversées, alors que la reprise du vélo des dernières années s’est essentiellement concentrée dans le centre des plus grandes villes. De manière similaire au phénomène qui pourrait advenir pour la baisse progressive de la voiture, la pratique qui augmente dans les zones denses devrait progressivement s’étendre aux zones de moyenne densité puis de faible densité. Le défi pour les politiques publiques est de créer un véritable système vélo efficace, et en mesure notamment de concurrencer le système automobile pour les trajets qui ont une pertinence pour le vélo. Cela demande en premier lieu le développement des infrastructures, en particulier des aménagements cyclables sécurisés et continus avec un meilleur partage de la voirie, une adaptation des règles de circulation (ville à 30 km/h, tourne à droite, contre-sens cyclables, carrefours sécurisés, etc.), et le développement du stationnement à domicile, sur les lieux d’emploi, les commerces ou les lieux d’intermodalité.

Exploitation des voies fluviales pour développer le tourisme en centre ville et fluidifier le traffic.

ET LES AUTRES ? POIDS-LOURDS, MARITIME ET FLUVIAL, BUS ET CARS, MARCHE En plus des modes évoqués ci-dessus, d’autres éléments peuvent être cités pour les autres modes de transport. Pour le transport routier de marchandises, il a déjà été évoqué le point fondamental de limiter la demande de transport totale de fret pour permettre un report modal significatif. Ainsi l’échec des politiques publiques passées a été de se focaliser sur l’amélioration de l’offre des modes bas-carbone (en particulier le fret ferroviaire), non seulement sans que cela ne soit suffisant pour concurrencer efficacement le routier, mais surtout sans assumer vouloir faire baisser la part modale du routier et mettre des contraintes sur ce mode. Il en est également ainsi du nouvel objectif d’augmenter la part modale du fret ferroviaire de 9 à 18 % d’ici 2030. Il est accompagné de quelques mesures de soutien au ferroviaire, sans mesures visant à décourager l’usage des poids-lourds dans le même temps.

Ensuite, cela demande de favoriser l’accès aux services vélo, dont : les systèmes de location à longue durée ; l’accompagnement aux changements de comportements ; le développement des véloécoles, des ateliers de réparation et autres commerces de cycles. Les politiques publiques peuvent aussi mettre en place des incitations fiscales, notamment via le forfait mobilité pour les déplacements domicile-travail, les aides à l’achat, ou en incitant les entreprises à développer une flotte de vélos et VAE pour les déplacements professionnels les plus courts. Enfin, ce développement doit être accompagné d’une communication positive, notamment sur les forts bénéfices de la pratique sur la santé.

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Pourtant, la flexibilité, la compétitivité actuelle, et l’organisation du territoire et des activités économiques autour du transport routier rendront les mesures de soutien au ferroviaire insuffisantes. Cet objectif de doubler la part du ferroviaire ne fait d’ailleurs pas partie du scénario de la SNBC, bien que cela serait nécessaire pour faciliter la décarbonation du fret routier. Pour le transport maritime, les reports modaux ne sont pas vraiment envisageables sauf pour quelques rares axes tels que ceux en développement sur les nouvelles routes de la soie qui pourraient passer en partie par le ferroviaire. Ainsi les baisses envisageables de la demande seront essentiellement dues à des relocalisations d’activités ou des changements dans la structure de l’économie. Par ailleurs, le report modal depuis le routier vers le transport maritime s’avère bénéfique d’un point de vue climatique mais n’a pas de potentiel très significatif au vu des possibilités limitées de trajets. Pour le transport fluvial, les potentiels de réduction des émissions via le report modal apparaissent relativement limités dans les scénarios de prospectives, en raison d’une faible part modale de ce mode actuellement (2 % des t.km), de son domaine de pertinence essentiellement pour du transport de matériaux pondéreux et à faible valeur ajoutée, qui est par ailleurs contraint par la géographie et les infrastructures existantes. Certaines applications de livraison en centreville en intermodalité avec des vélos-cargos ou des VUL électriques pourraient cependant

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Réaménagement des gares et gares routières, pôles d’échanges intelligents.

être développées, pour répondre simultanément à des enjeux climatiques, des enjeux de pollution locale, de congestion ou encore de bruit. Cependant, ces systèmes devront se tourner rapidement vers des solutions décarbonées pour justifier leur avantage comparatif d’un point de vue environnemental aux transports routiers. Les décompositions des émissions identifient également un potentiel de baisse d’émissions relativement limité pour le report vers les bus et cars, limité à une baisse de l’ordre de -0,4 MtCO2 dans la moyenne des scénarios les plus ambitieux. Cela peut s’expliquer par une offre déjà relativement importante dans ses domaines de pertinence, bien que les services librement organisés puissent encore croître sur la longue distance. Aussi, les gains d’émissions pour un transfert modal vers les transports en commun routiers est moins fort que pour le ferroviaire, en raison de ses émissions plus fortes, d’où le potentiel global largement moins élevé. La marche à pied a fortement diminué historiquement, essentiellement par le remplacement de courts trajets à pied par de plus longs trajets en voiture. Cependant, elle représente toujours une place importante dans les déplacements, avec 23,5 % des déplacements quotidiens en 2019, et une part similaire des temps de déplacements en comptant également les temps en intermodalité, notamment avec les transports en commun. Ce mode est pourtant largement oublié dans les politiques de mobilité, malgré un potentiel important de parts modales en nombre de déplacements, notamment dans les villes moyennes où la part de la marche varie entre 15 % (Angoulême) et plus de 30 % sur l’aire urbaine (Sète, Lorient, ou Arles). Aussi, selon les territoires, les déplacements les plus facilement faisables à pied, entre 0 et 1 km, représentent entre 20 % des déplacements dans les zones peu denses, jusqu’à 50 % à Paris. Les politiques publiques peuvent faciliter la marche en misant sur la proximité, un centre-ville dynamique et favorable aux commerces, des espaces publics agréables où il est possible de s’arrêter, ou encore un aménagement de la voirie qui laisse une place importante aux piétons et une signalisation qui leur donne la priorité. l


Crédit photo : Sol de Zuasnabar Brebbia

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La crise n’a fait qu’accélérer notre ambition de proposer une mobilité durable, sûre et accessible. Nos modes de vie évoluent, le transport change et nous accompagnons cette évolution en proposant des solutions fiables et innovantes au service du bien commun.


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Le taux de remplissage, un troisième levier soumis aux effets rebonds LE COVOITURAGE, À DÉVELOPPER DE MANIÈRE CIBLÉE Le taux de remplissage, mesuré en nombre de personnes ou de tonnes transportées par véhicule, s’est amélioré pour quasiment tous les modes historiquement, par une hausse de l’emport dans des véhicules plus capacitaires. L’exception à cette tendance est la voiture, dont le remplissage moyen a baissé de 2,3 à 1,58 personnes par véhicule, entraînant un impact à la hausse du facteur de remplissage estimé à +28 % sur la période 1960-2017 pour les voyageurs.

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Cette baisse s’explique par l’effet de facteurs structurants que sont la hausse du taux de (multi-)motorisation, la baisse du nombre moyen de personnes par ménage, et la baisse du coût de la voiture, dit autrement, la hausse de sa vitesse économique. Ces différents facteurs semblent proches de la saturation, comme cela a été évoqué précédemment pour la motorisation et la vitesse économique de la voiture, tandis qu’une légère baisse du nombre de personnes par ménage de 2,2 à 2,1 personnes est prévue d’ici 2050 en France. Ainsi la tendance à la baisse du remplissage devrait ralentir voire s’arrêter, cependant une forte hausse à l’avenir du taux de remplissage moyen reste un défi important. En effet, le covoiturage s’est essentiellement développé à ce jour sur la longue distance, représentant encore moins d’1 % du total des kilomètres en voiture avec des


Les mobilités face au défi de la transition énergétique effets rebonds sur la demande et le report modal annulant son bénéfice en termes d’émissions. Le scénario de la SNBC table sur une hausse de 15 % du remplissage, les autres scénarios étant contrastés et les plus ambitieux allant jusqu’à 30 %. L’impact direct sur les émissions des 4 scénarios les plus ambitieux est de -16 % et -10 MtCO2. Pour s’assurer que ce développement se fasse sans effet rebond fort, il faudra qu’il se fasse en priorité là où les effets rebonds potentiels sont faibles. C’est le cas en particulier pour les trajets domicile-travail dans les zones peu denses : les distances peuvent être suffisamment importantes pour que les économies et le temps d’organisation soient intéressants ; l’effet rebond sur la demande serait faible étant donné que ce sont des trajets contraints ; enfin, l’effet rebond sur le report modal serait quasiment inexistant pour les territoires où la dépendance à la voiture est très forte. Les politiques publiques pourraient donc prioriser les aides et le soutien aux plateformes de covoiturage dans ces zones. Les freins à lever pour en faire une pratique aisée et massifiée sont encore importants : trouver un modèle économique pour les plateformes, éventuellement en prestation de service public subventionné, un intérêt financier pour les covoitureurs (notamment par la mise en place du forfait mobilité durable), partager l’information auprès des usagers sur les services existants, donner confiance dans les services proposés, ou encore mettre en œuvre des incitations sur les infrastructures avec des voies dédiées au covoiturage, des stations de covoiturage dynamique, des aides diverses sur les péages ou le stationnement.

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POINTS & MESSAGES CLÉS • La baisse du taux de remplissage des voitures va devoir être inversée. Le covoiturage devrait être développé en priorité pour les trajets du quotidien dans les zones peu denses, là où les effets rebonds sur la demande et le report modal seront faibles. • Le potentiel de baisses d’émissions lié à une hausse du remplissage des poids-lourds à l’avenir semble faible voire inexistant, en raison des effets rebonds possibles.

DES MARGES FAIBLES POUR LES POIDS-LOURDS ET LES AUTRES MODES De manière similaire aux voitures, les scénarios prévoient des hausses variées pour le remplissage moyen des poids-lourds, les scénarios les plus ambitieux prévoyant une baisse des émissions de l’ordre de -15 % par ce levier. Cependant, comme cela a été évoqué pour le passé, les hausses du remplissage qui ont permis une réduction forte des émissions du transport de marchandises (-34 % en impact direct) sont soumises à des effets rebonds importants. Tout d’abord sur l’efficacité énergétique des véhicules, les consommations par véhicule.kilomètre des poids-lourds ayant augmenté de +21 % sur 1960-2017 malgré les progrès d’efficacité des moteurs. Aussi la baisse de coût du routier encourage une plus forte demande totale et un report vers ce mode, ce qui a conduit au niveau de l’ensemble des transports de marchandises intérieurs à une démassification et une baisse du remplissage total des véhicules terrestres en circulation. Ainsi les marges possiblement existantes à l’avenir, qui dépendent fortement de l’évolution de la structure de la demande de marchandises à l’avenir, n’auraient pas forcément d’impact mesurable sur les émissions au niveau global. Il en est de même pour les autres modes. La hausse des capacités pour faciliter un plus fort emport arrive possiblement à ses limites pour certains modes. Aussi elle dépend fortement de la structure de la demande. Par exemple, les vols long-courriers ont un remplissage bien plus important qu’en Métropole. Aussi la hausse des capacités aura peu d’impact sur les émissions pour les modes peu émetteurs, pour le ferroviaire par exemple. En revanche, l’incitation économique à l’augmentation du taux de remplissage restera forte, et continuera à être un objectif d’optimisation important des entreprises de transport à l’avenir, sans que l’effet sur les émissions ne soit forcément important. l

Moments délicats…

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L’efficacité énergétique, un levier avec des potentiels technologiques et de sobriété VOITURES TROP GOURMANDES Par le passé, l’efficacité énergétique a été le principal facteur avec un impact à la baisse sur les émissions de CO2 du transport de voyageurs (impact de -37 %, et -39 % de consommations pour les voitures). Les progrès sur les moteurs qui ont permis ces gains d’efficacité ont été d’autant plus importants qu’ils ont été réalisés malgré la hausse de caractéristiques jouant à la hausse sur les consommations (poids, équipements, dimensions ou puissance des véhicules). Ce facteur d’efficacité est également très important dans les scénarios de prospectives, essentiellement par les baisses de consommation des véhicules thermiques pour les pre-

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mières années, puis ensuite par le passage aux voitures électriques qui sont plus efficaces en énergie finale. Même pour les scénarios tendanciels, les gains d’efficacité apparaissent étonnamment importants avec -40 % de consommations en moyenne d’ici 2050, des progrès visiblement bien plus forts que l’évolution tendancielle récente. En effet, sur la dernière décennie, les progrès d’efficacité énergétique des consommations réelles sont un peu moins forts qu’1 %/an, à la fois pour les voitures neuves et pour la moyenne des véhicules en circulation. Les gains prévus entre 2015 et 2030 par les 3 scénarios de prospectives tendanciels qui ont un point de passage à 2030, sont de -1,8 %/an. Pour la SNBC, l’efficacité énergétique est prévue avec un gain annuel de -2,4 %, pour partie en raison de l’électrification et pour la majorité par une amélioration de l’efficacité des véhicules thermiques, de -2,3 %/ an en moyenne pour les véhicules neufs et de -1,7 % pour la moyenne du parc entre 2015 et 2030, soit une accélération substantielle et un


Les mobilités face au défi de la transition énergétique optimisme qui contraste avec l’évolution de ces dernières années. Car depuis 2015, les émissions et les consommations moyennes des véhicules neufs en France stagnent, sous l’effet en partie de la baisse des ventes de diesel au profit de l’essence, et surtout de la croissance des SUVs (sport utility vehicles), plus lourds et moins aérodynamiques, qui ont atteint 38 % des ventes de voitures en France en 2019. Cette stagnation est d’autant plus inquiétante que l’évolution de l’efficacité énergétique constitue pour tous les scénarios (tendanciels et volontaristes) le principal levier de réduction des émissions à l’horizon 2030, ce qui est particulièrement vrai dans le scénario de la SNBC. Les évolutions récentes montrent ainsi que les progrès technologiques naturels sur l’efficacité des moteurs sont insuffisants et qu’il est nécessaire de mobiliser également les leviers de sobriété pour s’aligner avec les objectifs de court terme de la SNBC. Car au-delà des facteurs conjoncturels liés à la sortie relative du diesel et aux SUVs, les gains marginaux sont de plus en plus compliqués à obtenir, au fur et à mesure que les principales marges de progrès ont été utilisées. Aussi le déclin du diesel continuera à l’avenir de peser sur les émissions de la moyenne des véhicules thermiques. Si la stagnation sur les véhicules neufs persistait, le parc continuerait cependant à s’améliorer lentement, les émissions moyennes des véhicules neufs étant inférieures d’environ -9 % à la moyenne du parc en 2018 (111 gCO2/km environ pour les véhicules neufs depuis 2015, +35 % pour avoir des émissions réelles, soit 150 g ; et 164 gCO2 pour le parc). Seul le début d’année 2020 et l’entrée en vigueur de la règlementation européenne sur les émissions des véhicules neufs montrent des signaux plus encourageants, en grande partie liés à une forte augmentation de la part des véhicules hybrides et électriques. Cette tendance et ses déterminants seront importants et intéressants à suivre dans les mois à venir, pour en tirer tous les enseignements pour les politiques publiques. Aussi l’orientation des plans de relance automobiles en France et à l’international seront structurants dans ces transformations. Si des signaux encourageants apparaissent du côté de l’électrification, en revanche les leviers de sobriété semblent de nouveau très peu intégrés aux plans de relance.

DES LEVIERS TECHNOLOGIQUES À ACTIONNER De nombreux leviers technologiques et de sobriété pourront être actionnés pour améliorer l’efficacité des véhicules thermiques. Certains peuvent s’appliquer aussi à l’électrique, permettant une plus forte autonomie pour une même capacité de batterie. Parmi les évolutions technologiques, les progrès sur le rendement des moteurs peuvent théoriquement encore se poursuivre, en cela qu’ils n’ont pas atteints leur rendement maximal : l’IFPEN évoque une limite théorique d’environ 60 %, alors que les moteurs diesel sont aujourd’hui à 42-43 % et les moteurs essence à 37-38 % maximum. D’autres chiffres donnent des rendements actuels autour de 20 %, pour un rendement maximal autour de 37 %, mettant en évidence quasiment un facteur 2 possible dans l’amélioration des rendements. Ces gains seraient possibles par de multiples leviers, bien que certains de ces potentiels aient déjà été largement mis à contribution : downsizing, performance des systèmes d’injection, réduction des frottements divers, hausse du nombre de vitesses et leur pilotage, système stop & go, etc. À court terme, l’évolution la plus simple et la plus significative semble l’hybridation des moteurs. Celle-ci s’applique plus facilement pour les moteurs essence qui regagnent de l’intérêt, et permet des gains de l’ordre d’1 L/100 km, et davantage encore en milieu urbain et pour

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POINTS & MESSAGES CLÉS •L ’efficacité énergétique s’est fortement améliorée par le passé, mais les gains marginaux d’efficacité sont de plus en plus difficiles et coûteux à obtenir. • Les évolutions récentes (notamment sur les ventes de voitures) sont inquiétantes, et compromettent les objectifs de baisses d’émissions de court terme de la SNBC. • Les scénarios de prospectives montrent généralement un fort optimisme sur les évolutions d’efficacité, avec un potentiel qui pourrait être surestimé. •A u-delà des évolutions technologiques encore possibles, de nombreux facteurs de sobriété devraient désormais être activés : baisses de poids, vitesse, puissance, etc. les phases d’embouteillages où c’est le moteur électrique qui est utilisé. Cette hybridation doit donc se faire en priorité pour les véhicules dont l’utilisation en milieu urbain est majoritaire, sans quoi le surcoût de l’hybridation et le risque d’augmentation du poids du véhicule ne sont pas intéressants.

UNE QUESTION DE POIDS Cette question du poids des véhicules est en effet d’importance, et sa hausse ces dernières décennies ou plus récemment avec la tendance des SUVs a eu un effet à la hausse sur les consommations et les émissions de CO2. Pour une baisse de 100 kg du poids d’une voiture : les consommations et émissions étaient inférieures de 0,5 L/100 km d’après le CAS, soit environ 12,5 gCO2/km ; inférieures de 5 gCO2/km d’après le CGEDD ; également inférieures de 4-5 gCO2/km en 2017 au niveau européen, alors que le chiffre était de l’ordre de 10 gCO2 au début des années 2000. Ainsi ces dernières années, les gains d’efficacité se sont faits surtout sur les véhicules les plus lourds. Cependant, au sein des pays les plus avancés et ayant un prix élevé des carburants, les baisses de poids gardent un impact plus important sur les consommations pour les véhicules les plus lourds, que pour une baisse de poids équivalente pour des véhicules plus légers. Les hausses de poids ont historiquement été portées par la hausse des équipements de sécurité, l’électronique embarquée, par des

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DOSSIER moteurs plus puissants et donc plus lourds, mais aussi par la hausse de la taille et du confort des véhicules. Sans évolution technologique, il est donc possible de faire en sorte d’orienter les ventes vers les véhicules les plus légers et les plus efficaces. Ils permettent en général de rendre les mêmes services, de nombreux véhicules lourds étant utilisés pour des trajets urbains pour lesquels ils sont même moins efficaces. Il serait également possible de développer des véhicules très légers, des quadricycles de moins de 500 kg qui ont 2 places (tels qu’en électrique, la Renault Twizy ou la Citroën Ami). Les cibles pour ces véhicules pourraient être notamment les ménages seuls ou l’une des voitures des ménages multi-motorisés, 17 millions de véhicules rentrant dans ces catégories, soit plus de 50% du parc. De tels véhicules montrent qu’il est possible d’imaginer des intermédiaires entre le vélo, les deux-roues motorisés et la voiture, afin de créer des véhicules très légers et efficaces énergétiquement, mais qui offrent des services supérieurs au vélo classique. En partant d’une voiture classique pour optimiser ses consommations, il est possible d’arriver sur des quadricycles légers qui consomment de l’ordre de 40 % de moins d’électricité pour la Twizy par rapport à la Zoé, avec un poids à vide 3 fois plus faible, une puissance plus de 4 fois inférieure, une batterie quasiment 7 fois plus petite, et un prix d’achat environ 3 fois plus faible. Il est aussi possible de partir du vélo pour augmenter ses caractéristiques : le vélo à assistance électrique, les speed-pedelecs, les vélos cargos ou encore les vélomobiles permettent ainsi d’étendre son domaine de pertinence avec une très bonne efficacité énergétique. D’autres véhicules intermédiaires pourraient faire leur apparition pour combler des besoins pour lesquels le vélo classique est insuffisant, et la voiture surdimensionnée.

DIMENSIONS, AÉRODYNAMISME, PUISSANCE ETC. Pour maximiser les gains d’efficacité, la réduction des dimensions des véhicules devrait également se faire dans le sens d’une amélioration de leur aérodynamisme. La réduction des frottements au sol pourrait être un autre axe d’efficacité, en favorisant la diffusion de pneus avec une faible résistance au roulement, ou en s’assurant du bon niveau de pression des pneus. La puissance des moteurs a également fortement augmenté historiquement et a quasi-

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique ment triplé pour les véhicules neufs entre 1960 et 2017, afin de s’adapter à la hausse de poids, mais aussi par des hausses de l’accélération et de la vitesse maximale inutilement élevées (186 km/h pour la voiture neuve moyenne en 2017). Le CAS estime qu’un gain d’une seconde sur l’accélération de 0 à 100 km/h entraîne une surconsommation du véhicule de 0,3 à 0,6 L/100 km pour les moteurs diesel, et de 0,3 à 1 L en essence. De même, une hausse de la vitesse maximale de 10 km/h se répercute sur les consommations par une hausse de 0,2 à 0,4 L, puis de 0,2 à 0,6 L respectivement pour les moteurs diesel et essence. Ces caractéristiques pourraient être réduites, éventuellement en réduisant la vitesse maximale sur les routes les plus rapides, ou en bridant l’accélération ou la vitesse maximale des véhicules. Ces évolutions favoriseraient également l’écoconduite, qui peut aussi se développer via des changements de comportement de conduite de la part des usagers. Enfin, la consommation des équipements présents dans la voiture pourrait être minimisée, notamment la climatisation qui consomme beaucoup, ou le chauffage qui peut aussi être une forte source de consommations pour les véhicules électriques, qui ne peuvent pas profiter de la chaleur du moteur. Tous les leviers et les gains potentiels qui leur sont associés ne peuvent pas forcément s’additionner, car il existe de fortes interactions entre ces évolutions, dont il faut engager un cercle vertueux à la baisse pour réduire les consommations. Si les gains technologiques permettent de réduire les consommations sans changements de comportements, ils ont aussi un coût, et devront être encore encouragés à l’avenir par les normes ou les incitations fiscales pour pouvoir se réaliser. Pour les évolutions de sobriété, l’acceptabilité est parfois plus difficile, car elle implique souvent des changements de comportements. Enfin, il faut noter que le renouvellement du parc repose essentiellement sur une faible fraction de la population, puisqu’environ 2 millions de voitures neuves sont achetées chaque année (50% environ par des personnes morales, 50 % par des particuliers), tandis que 5,6 millions de voitures sont vendues sur le marché de l’occasion.

Calcul de l’aérodynamisme en soufflerie.

Pour s’aligner sur la trajectoire de la SNBC, il est indispensable d’utiliser des incitations financières bien plus fortes, notamment en augmentant le montant des malus, avec un ajout éventuel des critères de poids ou de puissance, ou des normes plus restrictives. l


Aujourd’hui, certains bus circulent déjà au Gaz Naturel Véhicule (GNV) et BioGNV qui permettent de réduire lesbus émissions Aujourd’hui, certains circulent déjà de particules fines dans au Gaz Naturel Véhicule (GNV)l’air. et BioGNV qui permettent de réduire les émissions de particules fines dans l’air.

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Les différentes carburations possibles pour atteindre les objectifs de la SNBC MOBILITÉ ÉLECTRIQUE, LES LIMITES D’UNE RÉVOLUTION EN COURS Les premières voitures électriques datent de la fin du XIXème siècle, avant que les véhicules thermiques s’imposent au début du siècle suivant. Le retour de l’électrique est récent et a longtemps été poussif. Ainsi, dès 2009, la France lançait un plan pour soutenir les véhicules électriques et hybrides rechargeables afin d’atteindre 2 millions de véhicules en circulation en 2020 et 16 % des ventes. Seulement, son développement n’a pour l’instant eu que peu d’impact sur les émissions. Fin 2019, les voitures et VUL électriques et hybrides rechargeables représentaient un peu

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plus de 275 000 véhicules (dont 50 000 deux-roues motorisés électriques), encore très loin de cette cible des 2 millions. L’objectif fixé en 2009 ne sera donc pas atteint, bien que la forte dynamique du marché depuis le début de l’année 2020 devrait permettre d’approcher un parc total proche du demi-million de véhicules légers en fin d’année. En effet, l’entrée en vigueur des normes européennes a permis de faire baisser les émissions des voitures particulières d’environ 110 gCO2/ km sur la période 2015-2019, à 99 gCO2 sur les 8 premiers mois de l’année 2020, soit -10 %. Cette forte baisse est largement attribuable à l’électrification du parc, puisque la part des voitures électriques a été multipliée par 3,4 par rapport aux 8 premiers mois de 2019 (de 1,8 à 6,1 % des voitures vendues), la part des hybrides rechargeables par 4,7 (de 0,7 à 3,2 %), tandis que la part des hybrides non rechargeables était multipliée par 2 (de 4,6 à 9,2 % ; CCFA, 2020). Si cette dynamique se poursuivait, cela permettrait d’atteindre l’objectif fixé en 2018 dans le contrat stratégique de la filière automobile de


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

POINTS & MESSAGES CLÉS • L’intensité carbone a eu une contribution très faible par le passé, mais a une importance majeure dans les scénarios vers la neutralité carbone. • Les limites sont cependant parfois importantes : émissions indirectes, ressources limitées, impacts environnementaux, co-bénéfices faibles, et/ou coûts importants. • Electrique : adapté surtout pour les véhicules légers, avec un intérêt climatique et environnemental maximal s’il est couplé aux mesures de sobriété (réduction des distances, report modal, baisse des vitesses, du poids et de la taille des voitures, etc.). • Hydrogène : développement très faible à ce jour, faible efficacité de la chaîne énergétique nécessitant de grandes quantités d’électricité et des coûts élevés pour l’hydrogène vert ; pourrait cependant être adapté à l’avenir pour des véhicules lourds. • Biogaz : également adapté pour les véhicules lourds (poids-lourds notamment), mais repose sur des ressources en quantité limitées, et possède des coûts élevés. • Agrocarburants : à éviter pour les cultures dédiées, et à développer pour les biocarburants de 2ème génération, qui souffriront de gisements mobilisables limités.

multiplier les ventes par 5 pour atteindre un parc d’1 million de voitures électriques et rechargeables en 2022 (dont 60 % d’électriques). À plus long terme, le plan climat présenté en 2017 prévoit l’arrêt des ventes de voitures et d’utilitaires légers émettant des gaz à effet de serre à l’horizon 2040, un horizon qui peut même paraître tardif pour s’assurer que plus aucun véhicule thermique ne circule en 2050. L’électrification apparaît ainsi dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) comme un levier majeur de baisse d’émissions. Dans la décomposition, en cumulant les contributions pour les voyageurs et les marchandises, ainsi que celles qui se retrouvent dans les facteurs d’efficacité énergétique et d’intensité carbone, la contribution de l’électrification correspond à une baisse d’environ 71 MtCO2 entre 2015 et 2050 (26 d’efficacité et 45 d’intensité carbone), soit l’équivalent de 58 % des émissions intérieures en 2015 ou la moitié des réductions provenant des facteurs ayant un impact à la baisse (hors demande qui participe à la hausse.

PROPRE, PAS PROPRE ? Cependant, cet impact direct de l’électrification mesuré par les décompositions a tendance à être surestimé pour la partie liée à l’intensité carbone, en raison de la méthodologie utilisée et l’impact sur les dernières périodes et par l’absence de prise en compte des émissions indirectes. Il faut en effet prendre en compte les émissions liées à la

DOSSIER production de l’électricité consommée, à la production des véhicules et éventuellement aux infrastructures nécessaires. Les émissions liées à la production de l’électricité sont relativement faibles en France en raison de la faible intensité carbone de sa production. Les émissions liées à la consommation d’électricité sont environ 20 fois inférieures aux émissions directes du parc moyen en 2018. Sur ce périmètre, le véhicule électrique est donc largement plus favorable que le parc moyen actuel et que les nouveaux véhicules thermiques en vente. Cependant, pour projeter l’impact de consommations supplémentaires d’électricité sur les émissions, l’indicateur de contenu carbone marginal du kWh est plus approprié. Un véhicule électrique qui se charge sur le réseau sollicitera le plus souvent un surplus de production d’une centrale thermique au contenu carbone élevé, sauf dans environ 25 % des cas où c’est le nucléaire qui est sollicité, en particulier la nuit et/ou en été. Les émissions induites par l’électricité dépendent donc des horaires, de la période et du type de charge. Ainsi des bénéfices climatiques intéressants pourraient être obtenus par un pilotage généralisé de la recharge. Une interconnexion efficace avec le réseau permettrait aussi de s’articuler avec l’intermittence des énergies renouvelables, éventuellement en développant le vehicle-to-grid (V2G), pour utiliser les véhicules électriques pour du stockage de courte durée. RTE estime que les émissions en 2035 pourraient être 4 fois plus faibles en moyenne par véhicule dans le cas d’un fort développement du pilotage de la recharge (80% piloté dont 20% V2G) comparé à un faible pilotage (40 % sans V2G). Ainsi des bénéfices de près de 5 MtCO2 seraient possibles en 2035, essentiellement par une moindre sollicitation du parc thermique des pays voisins. Aussi le pilotage permettrait de plus facilement gérer les pointes du réseau électrique, notamment en hiver, et de limiter l’impact des phases de recharge pour les trajets du quotidien ou les trajets à longue distance, tels que les départs pour les vacances de Noël qui cumulent les difficultés d’approvisionnement pour un parc fortement électrifié. Dans la SNBC, il est prévu des consommations d’électricité de l’ordre de 80 TWh supplémentaires pour les véhicules électriques routiers en 2050, soit de l’ordre de 15 % de la production annuelle actuelle. Ce chiffre reste limité malgré l’ampleur de l’électrification et son importance dans le scénario.

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Cependant, les facteurs limitant ces consommations permettront plus facilement de s’assurer que cette demande supplémentaire ne soit pas assurée par des centrales thermiques françaises ou de pays voisins, et de faciliter la progression de la part des énergies renouvelables. Pour les impacts climatiques liés à la production des véhicules électriques et à leur fin de vie, les émissions sont cette fois plus importantes que pour le véhicule thermique, essentiellement en raison de l’impact de la production de la batterie. Ainsi, il apparaît dans les analyses de cycle de vie des émissions de l’ordre de 4 tCO2eq pour la production de la batterie, avec des disparités relativement importantes selon les analyses. Ramené à un kilométrage de 150 000 km, cela correspond à environ 27 gCO2/km pour la batterie seule, et environ le même ordre de grandeur pour la production des autres composants de la voiture et l’assemblage. Pour les véhicules électriques les plus imposants, les émissions de la production du véhicule peuvent ainsi dépasser 10 tCO2eq. Sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule électrique, l’impact de cette production du véhicule représente la majorité des émissions (environ 2/3 à 3/4 de l’impact) pour un véhicule utilisant l’électricité moyenne française. Cependant, son impact total reste de l’ordre de 2 à 3 fois moins élevé que pour un véhicule thermique équivalent. Si ces impacts à la production ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence climatique du véhicule électrique, les émissions sont suffisamment importantes pour nécessiter des stratégies adaptées pour les minimiser. Surtout, la concentration de la majorité des émissions sur la production du véhicule devrait amener à l’avenir à un changement de paradigme quant aux stratégies permettant de réduire les émissions des véhicules. En effet, avec les véhicules thermiques, la phase d’usage concentre une partie très importante des émissions (environ 80 %), des externalités (pollution, congestion, accidentologie, etc.), et une partie importante des coûts pour l’usager. De même, les recettes fiscales, via les taxes sur les carburants, sont fortement concentrées sur la phase d’usage, permettant d’inciter à une moindre consommation et d’avoir une tarification relativement proportionnelle à d’autres externalités de la voiture. Un certain nombre de ces éléments ne sont plus valables dans le cas du véhicule électrique. Les émissions à l’usage sont plus faibles, tout comme le coût d’usage, les ren-

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Gestion, traitement et recyclage des batteries.

trées fiscales et donc l’internalisation des autres externalités. Pourtant, des externalités telles que la congestion, l’accidentologie ou la sédentarité restent équivalentes à la voiture thermique, et sont seulement en partie réduites pour le bruit ou la pollution atmosphérique. Ces externalités seront plus difficiles à internaliser dans le prix des trajets avec la mobilité électrique, à moins de fortement augmenter la taxation de l’électricité. D’autres externalités davantage en lien avec la production des véhicules sont plus fortes pour le véhicule électrique, telles que la consommation de métaux, l’écotoxicité humaine et pour l’eau, ou d’après certaines analyses les émissions de particules fines, l’acidification ou l’eutrophisation de l’eau.

LA BATTERIE, CŒUR DES PROGRÈS POSSIBLE Les résultats sont parfois contrastés entre les analyses et dépendent de très nombreux paramètres, tels que le mix électrique considéré pour la recharge ou pour la production des batteries, la taille et la durée de vie des batteries et du véhicule, l’année de l’analyse ou encore le kilométrage réalisé. La production du véhicule et en particulier de la batterie apparaît cependant toujours majeure, en termes d’émissions de gaz à effet de serre et d’autres impacts environnementaux. Limiter ces impacts passera notamment par des évolutions technologiques, mais aussi pour une part importante par des mesures de sobriété, en lien avec les 4 autres leviers de décarbonation étudiés. Côté technologie, la réduction des impacts environnementaux des batteries sera structurante, par des batteries avec une durée de vie longue, plus sobres en ressources rares et polluantes, mais aussi en facilitant une éventuelle seconde vie ainsi que leur recyclage, ou en décarbonant l’électricité pour leur fabrication, idéalement en relocalisant une partie de la filière de production des batteries. Le développement du rétrofit (la conversion) de véhicules thermiques en électriques pourrait également permettre de limiter la construction de nouveaux véhicules et les émissions hors batteries. En plus de ces impacts sur la production des véhicules, il faudra s’assurer de la décarbonation du mix électrique utilisé pour la recharge, en lien avec les pays européens voisins (le réseau étant interconnecté).


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à la voiture pour les trajets du quotidien pourraient opter pour des petits véhicules électriques de 1 à 2 places et à l’autonomie limitée, qui pourraient convenir à la grande majorité des trajets.

Côté sobriété, les impacts environnementaux de l’électrification du parc seront modérés si le nombre de véhicules vendus et la taille de leurs batteries sont faibles. Contrairement aux véhicules thermiques, l’enjeu est moins de réduire le nombre de kilomètres que de réduire les volumes de véhicules et de batteries vendues. Cela constitue un changement de vision qu’il faudra progressivement adopter avec l’électrification du parc.

Ce système serait complété par l’autopartage de véhicules électriques plus performants, qui permettraient de faciliter les trajets du quotidien plus exceptionnels, avec un nombre de passagers plus nombreux et/ou des distances moyennes qu’une faible autonomie ne permet pas de couvrir.

Ainsi l’intérêt environnemental du véhicule électrique est optimal avec une utilisation intensive de celui-ci, c’est-à-dire s’il réalise et remplace beaucoup de kilomètres réalisés en véhicules thermiques, permettant d’amortir l’impact initial plus fort de sa fabrication. L’équilibre à trouver est subtil, et devra probablement se faire par des autonomies et des capacités d’emport adaptées selon les besoins. Les bénéfices seront donc maximaux en réorientant le système de mobilité et les comportements vers plus de sobriété. Pour diminuer les émissions de combustion des véhicules thermiques tout en limitant celles de production des véhicules électriques, il faut simultanément que la proportion de véhicules électriques dans le parc soit la plus forte possible, et que le nombre de ventes soit limité. Le cas idéal est donc un parc de véhicules électriques peu nombreux, utilisés de façon intense et sur une longue durée. Pour les trajets du quotidien, cela pourrait être facilité par le report modal vers le vélo, la marche et les transports en commun, ainsi que par le covoiturage, qui encourageraient à la démotorisation. Les ménages dépendants

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Infrastructure de recharge pour véhicules électriques.

Pour les plus longs trajets enfin, l’électrique n’est plus adapté à moins d’avoir de très fortes autonomies et/ou des bornes de recharge rapides, ce qui serait dommageable à généraliser largement, d’un point de vue environnemental et pour l’équilibre du réseau électrique. Le report modal vers le ferroviaire serait alors le plus adapté. Les autocars et le covoiturage pourraient compléter, probablement avec des véhicules hybrides dont le carburant serait à définir. Le risque entrevu est que ces trajets restent carbonés (pétrole) sans un fort volontarisme sur les leviers de demande et de report modal, étant donné que les ressources des autres carburants possibles (hydrogène, biogaz, agrocarburants) seront disponibles en quantités limitées. Pour accompagner cette réduction du nombre de ventes de voitures, qui est souhaitable d’un point de vue environnemental, une plus forte taxation à l’achat pourrait être décidée, pour pallier aux baisses de recettes fiscales sur les carburants, et pour faire davantage payer les nuisances environnementales qui sont concentrées sur la production des véhicules. Alors que les politiques destinées à faire baisser les émissions du parc ont souvent incité au renouvellement de véhicule, cette stratégie ne fonctionne plus dans le cas de l’électrique et les aides à l’achat devront progressivement être supprimées une fois que la parité de coût avec le véhicule thermique sera atteinte. Aussi une fiscalité plus forte à l’achat pourrait permettre d’inciter aux batteries plus légères, dont l’impact est moins fort. Une taxation spécifique sur le poids des véhicules, le poids des batteries ou la puissance pourraient aller dans ce sens, afin de favoriser les modèles les plus sobres et les plus petits. Le système actuel pourrait notamment être beaucoup plus incitatif pour la catégorie des quadricycles, subventionnés à 900 € contre 6000 € pour la voiture électrique (ADEME, 2020c), ou pour les vélos à assistance électrique, encore plus vertueux d’un point de vue environnemental. Des normes sur la vitesse maximale,

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique décennie pour les voitures, avec la baisse de coût des batteries), sur le développement de l’infrastructure de recharge, tout en ajoutant des incitations à la sobriété qui font aujourd’hui défaut dans les politiques d’électrification des transports.

L’HYDROGÈNE, SA FAIBLE EFFICACITÉ RESTREINT SON POTENTIEL L’hydrogène est aujourd’hui développé dans des applications industrielles (production d’ammoniac pour les engrais, raffinage des carburants pétroliers, chimie), mais encore très peu pour le secteur des transports. Dans le monde et en France, 94 % de la production de l’hydrogène repose actuellement sur les énergies fossiles par le vaporeformage de gaz naturel, l’oxydation d’hydrocarbures liquides ou la gazéification de charbon. On peut également produire de l’hydrogène par gazéification ou thermolyse de biomasse, ou par électrolyse de l’eau, procédé le plus prometteur d’un point de vue environnemental. L’hydrogène s’utilise dans un véhicule, soit comme combustible dans un moteur à hydrogène à combustion interne, soit, de manière plus efficace, en le retransformant en électricité via une pile à combustible, pour faire fonctionner un moteur électrique, technologie généralement préférée. Ainsi la mobilité hydrogène peut se rapprocher de la mobilité électrique, aussi bien pour l’utilisation d’électricité pour l’électrolyse que par l’utilisation dans le moteur électrique. Seulement, les transformations successives engendrent des pertes d’énergie, lui assurant un moindre rendement énergétique : rendement généralement autour de 70-85 % pour l’électrolyse, puis 70-90 % pour la compression, le stockage, le transport et la distribution de l’hydrogène produit, puis une fourchette de rendement de 30-70 % dans la pile à combustible, avant que l’électricité soit utilisée dans le moteur électrique. l’accélération, le poids ou le contenu carbone de la production de la batterie pourraient également permettre de limiter la taille ou l’impact des batteries. Le levier de modération de la demande de transport, par la réduction des distances parcourues, facilitera aussi l’électrification, tout en gardant des autonomies limitées. Enfin, la réduction des vitesses permettra, à batterie constante, de disposer d’une autonomie plus importante. Ainsi les mesures de sobriété sur la demande, le report modal, l’autopartage ou la baisse du poids et des vitesses des véhicules favoriseront également une diffusion vertueuse du véhicule électrique. Celle-ci ne peut donc pas se concevoir uniquement comme une évolution technologique qui permettra de remplacer tous les usages du véhicule thermique actuel, sans adaptations ni impacts environnementaux importants. Technologie et sobriété devront se combiner pour une transition qui limite les coûts économiques et environnementaux. Les politiques publiques devront également poursuivre les incitations actuelles agissant sur le coût relatif entre électrique et thermique (qui devrait s’équilibrer dans le courant de la

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Équipements des bâtiments en infrastructures de recharge pour véhicules électriques.

Selon la valeur retenue pour chacune de ces trois étapes, le rendement total depuis l’électricité jusqu’au moteur se situe entre 15 et 54 %. Si des progrès pourraient être faits à l’avenir pour optimiser ce rendement, une étude de T&E de 2018 considère qu’au total il faut de l’ordre de 2,5 à 3 fois plus d’électricité pour un véhicule hydrogène que pour un véhicule électrique. L’étude considère ainsi que décarboner les transports terrestres en Europe via les véhicules électriques nécessiterait de l’ordre de 43 % de l’électricité produite en 2015 en Europe, et 108 % dans le cas de véhicules à hydrogène. Des chiffres qui pourraient encore augmenter en considérant la navigation et l’aérien. Lorsque cela est possible et notamment pour les véhicules les plus légers, il est donc préférable d’utiliser des véhicules électriques. Mais l’hydrogène possède l’avantage de ne pas nécessiter de batteries, ainsi d’éviter les longs temps de recharge et l’autonomie limitée, tout en permettant un stockage de l’énergie que ne permet pas facilement la production d’électricité. En termes d’émissions de gaz à effet de serre, les bénéfices sont peu importants si l’hydrogène est produit à partir d’énergies fossiles. Dans le cas le plus favorable du vaporeformage de gaz fossile, les baisses d’émissions apparaissent de l’ordre de -40 % du puits à la roue, et de l’ordre de -20 à -35 % en analyse de cycle de vie du véhicule. À partir de l’électrolyse de l’eau, il n’y a pas ou que peu d’intérêt avec le mix électrique européen moyen. En revanche, les bénéfices sont bien plus importants dans le cas d’une électrolyse à partir d’électricité décarbonée. Le bilan en analyse de cycle de vie se rapproche alors de celui de la voiture électrique en France, atteignant des émissions environ 3 fois moindres que l’équivalent thermique.


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Les mobilités face au défi de la transition énergétique ficiles à décarboner autrement. Cela pourra concerner notamment les véhicules terrestres lourds, tels que les poids-lourds qui seront difficiles à électrifier, ou également pour remplacer les trains diesel. Les politiques publiques devront accompagner cette transformation dans un premier temps sur la décarbonation de la production et les expérimentations, puis en encourageant ensuite l’achat des véhicules et les stations d’avitaillement fournies par de l’hydrogène décarboné.

REPEINDRE L’HYDROGÈNE EN VERT Ces chiffres montrent l’importance de décarboner la production de l’hydrogène avant d’en développer fortement l’usage, l’objectif français étant d’atteindre 10 % d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel d’ici 2023, et 20 à 40 % d’ici 2028. Sans cela, le développement de la mobilité hydrogène pourrait ne pas présenter d’intérêt environnemental important, et créer une filière qui restera dépendante aux énergies fossiles si les développements de l’électrolyse sont insuffisants. Le coût de la filière hydrogène est aujourd’hui plus élevé que celles du thermique et de l’électrique. Cela est vrai pour l’achat des véhicules, notamment en raison de la faiblesse de l’offre et des volumes vendus, le parc mondial étant 250 fois moins important fin 2019 que celui des véhicules électriques. C’est également valable pour la production de l’énergie, l’hydrogène étant de l’ordre de deux fois plus cher lorsqu’il est produit à partir de l’électrolyse de l’eau qu’à partir de vaporeformage de gaz. Au total, le ministère de la transition écologique et solidaire estime que le coût total de possession est de l’ordre de 20 à 50 % plus élevé que l’équivalent thermique, tandis que Deloitte et Ballard estime le surcoût entre 40 et 90 % au niveau mondial en 2019. Cependant, selon cette dernière étude, le coût devrait être quasiment divisé par deux pour l’hydrogène et atteindre la parité avec les véhicules thermiques autour de 2027. Le ministère prévoit aussi une division par deux d’ici 2028 pour le coût de la production d’hydrogène décarboné, pour atteindre un coût de l’énergie similaire à celui du diesel En raison de la consommation d’électricité que cela entraîne, l’hydrogène devra être priorisé sur les modes et les véhicules les plus dif-

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Enfin, l’hydrogène peut également servir pour produire des carburants de synthèse par combinaison avec du CO2, qu’il faut pouvoir capter en sortie de centrales thermiques ou directement dans l’atmosphère. Cette combinaison peut permettre de produire du gaz de synthèse (par méthanation, ou power-to-gas), ou du carburant liquide (power-to-liquid).

L’autocar véritable atout pour la desserte des territoires peu denses.

Ce dernier carburant présente l’avantage de convenir aux véhicules actuels et de remplacer le pétrole, notamment pour des modes très difficiles à décarboner tels que l’aérien ou le maritime. Mais cette nouvelle étape de transformation entraîne des pertes supplémentaires d’énergie et représente des coûts importants.


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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

LE BIOGAZ, POSSIBLE CARBURANT D’AVENIR DES VÉHICULES LOURDS Le biogaz est constitué pour 50 à 70 % de méthane (CH4), et pour le reste essentiellement de dioxyde de carbone (CO2) de 20 à 50 % et d’autres éléments en plus faible quantité (eau, azote, sulfure d’hydrogène, etc.). La majorité du biogaz actuellement produit sert à de la production d’électricité et de chaleur. Mais après épuration, il est aussi possible d’obtenir du biométhane, un gaz quasiment identique au gaz fossile qui peut alors être injecté dans les réseaux de gaz ou utilisé comme carburant, le gaz naturel véhicule (GNV ou bioGNV selon son origine). Plusieurs procédés de fabrication de biométhane sont possibles : le plus développé est la méthanisation, qui utilise la digestion anaérobie (en absence d’oxygène) de matières organiques fermentescibles ; ensuite, la pyrogazéification, un traitement thermique adapté pour de la biomasse plus sèche telle que le bois, qui permet d’obtenir un syngas puis d’utiliser la méthanation pour aboutir à du méthane ; enfin, il est possible d’obtenir du biométhane par méthanation d’hydrogène, appelé power-to-gas, un processus coûteux et encore peu développé. C’est surtout la méthanisation qui se développe actuellement. Elle est la plus prometteuse à l’horizon 2030, et potentiellement aussi à l’horizon 2050, étant donné que la biomasse solide et l’hydrogène pourraient être prioritaires pour d’autres usages plus directs que pour la transformation en gaz. L’impact carbone de la méthanisation est généralement très positif, bien que les chiffres dépendent des ressources mobilisées et des hypothèses retenues. Du puits à la roue et selon les analyses, les baisses d’émissions sont considérées à : -97 % pour le biométhane comparé à un véhicule essence; -70 % à partir de déchets organiques et -80 % pour le lisier, par rapport à un véhicule essence ; -75 % pour les bus par rapport au GNV ; -86 % pour des biodéchets et -206 % pour le lisier, lorsque le stockage du digestat se fait en milieu fermé, que le méthane restant est brûlé et qu’il n’y a pas de fuite sur le reste de la chaîne. Carbone 4 indique pour sa part -90 % d’émissions par rapport au GNV fossile, dont -40 % liés aux baisses d’émissions pour la production et la combustion du gaz (secteur énergie), et -50 % liés aux moindres émissions de méthane des intrants généralement stockés en plein air. En analyse de cycle de vie du véhicule, cela reste très intéressant étant don-

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Le développement du biogaz.

né des émissions de production du véhicule similaires aux modèles essence et diesel. Ainsi les résultats sont même légèrement meilleurs que l’électrique pour les voitures de segment C et D, les VUL, les poids-lourds de livraison, et sont similaires pour les bus électriques et au bioGNV. Au contraire, les bénéfices climatiques sont faibles ou inexistants pour le GNV fossile : selon les études, ils sont souvent légèrement meilleurs en ACV comparés aux véhicules essence et diesel ; -24 % par rapport à un véhicule essence ; entre -7 % et -23 % comparés aux véhicules légers diesel et essence, et -15 % environ comparés aux poids-lourds diesel, et de -12 à +9 % selon les modes. Bien que les bénéfices climatiques soient forts, le développement du biogaz sera cependant limité par le potentiel de production et les ressources durables disponibles. Toutes les études laissent apparaître des potentiels pour la méthanisation inférieurs aux consommations prévues dans la SNBC, parfois de manière importante, tandis que les potentiels de pyrogazéification et de power-to-gas sont pour le moment incertains. Au-delà des potentiels liés aux déjections animales et aux stations d’épuration, qui sont déjà en développement, d’autres filières qui nécessitent la récupération des biodéchets, des résidus de cultures ou de cultures intermédiaires, nécessiteront des développements substantiels pour atteindre les potentiels identifiés par ces études. Les comparaisons montrent que le biogaz ne pourra représenter une part significative du gaz consommé qu’à condition d’une très forte baisse des consommations. La possibilité de l’utiliser pour les transports lourds dépendra donc également de la réussite de la transition du secteur résidentiel-tertiaire, de l’industrie, des interactions intéressantes qui sont possibles avec le secteur agricole, et des choix dans les pays européens voisins, une partie importante du trafic étant internationale. En termes de déploiement, le biogaz présente aussi l’avantage de pouvoir se stocker, avec une technologie GNV mature, un réseau de gaz existant, et des développements actuels qui semblent en phase avec les objectifs de la PPE. Un dernier obstacle possible sera le coût de production du biogaz, 4 fois plus élevé que le gaz fossile, environ 100 €/MWh et 25 € respectivement.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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Si le ministère et la CRE estiment des baisses de 30 % des coûts de production possibles d’ici 2030, la filière estime ces objectifs comme trop ambitieux. Cela a conduit à revoir légèrement à la baisse l’ambition initiale de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) d’avoir 10 % d’incorporation de biogaz dans les réseaux en 2030. Pourtant, sans une forte hausse de ce pourcentage et avec un potentiel de production limité, le risque est grand, comme pour l’hydrogène, de créer des usages carbonés qu’il sera difficile de décarboner.

ET LES AGROCARBURANTS ? L’analyse réalisée sur les biocarburants consommés en France en 2017 a montré que leur intérêt climatique est nul en moyenne. L’impact est plus important pour le biodiesel, et particulièrement fort pour l’huile de palme, le soja et le colza. Par ailleurs, seulement la moitié de ces biocarburants sont issus de ressources françaises, et 34 % proviennent de pays hors Union Européenne. Aussi les agrocarburants de 1ère génération ont l’inconvénient de rentrer en concurrence avec les cultures à usage alimentaire. À l’avenir, il est important de pouvoir préserver ces terres pour des usages classiques pour faire face à la hausse de la population et de la demande alimentaire, et parce que la conversion à une agriculture moins intense en intrants chimiques devrait impliquer de moindres rendements. Il est donc important de réduire progressivement cette part des biocarburants de 1ère génération, en commençant par supprimer ceux qui ne sont pas produits en France et qui ont un fort bilan carbone. La valorisation des co-produits pour l’alimentation animale (tourteaux de colza, les drêches de blé et de maïs, pulpes de betteraves, etc.) devra faire l’objet d’un point de vigilance, afin d’évaluer s’ils peuvent justifier ou non le maintien de ces cultures à vocation énergétique. À l’avenir, la filière la plus prometteuse pour les biocarburants concerne ceux de 2ème génération, produits à partir de résidus ou de déchets, issus des filières agricoles, forestières ou des déchets. Des

Vers une exploitation agricole raisonnée. Passerelle entre les territoires agricoles et les zones urbanisées.

caractéristiques communes avec le biogaz se retrouvent ici, car leurs ressources sont partiellement substituables pour les deux types de production. Leur impact climatique est aussi largement favorable, avec des réductions généralement fortes des émissions, qui apparaissent cependant variées selon les matières premières mobilisées. De nouveau, leur potentiel sera limité par les ressources disponibles. L’étude de JRC (2015) donne pour la France, dans le scénario avec disponibilités moyennes, des potentiels de l’ordre de 13 Mtep en 2050 (4,6 pour les résidus agricoles, 5,9 forestiers, 2,7 déchets municipaux ; aussi 6,2 pour le fumier/lisier déjà considéré pour le biogaz. D’autres analyses sur l’Europe sont moins optimistes : 225 Mt de matières sèches en 2030, soit 36,7 Mtep ; le chiffre de 225 Mt a été réévalué par les mêmes auteurs à 157 Mt de matières sèches, dont 32 Mt pour la France ; avec la même équivalence pour la conversion en énergie, cela ferait de l’ordre de 5,2 Mtep de biocarburants avancés disponibles pour la France. La question de la répartition des ressources entre agrocarburants et biogaz d’une part, puis entre les secteurs économiques et les modes de transport d’autre part, reste entière. En 2050, la SNBC prévoit 7,7 Mtep de biocarburants pour les transports, dont 4,4 pour le transport aérien, des chiffres qui pourraient être difficiles à atteindre de manière durable. Ainsi le scénario européen de décarbonation de T&E estimait que seuls 11 % des consommations d’énergie de l’aérien en 2050 pourraient être fournies par les biocarburants, dont le développement sera aussi freiné par un coût plus élevé que le kérosène. l

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

À condition de produire un véritable "hydrogène vert", ce gaz peut devenir une alternative intéressante sur le plan environnemental. Aujourd’hui, "véhicule hydrogène" est devenu synonyme de pile à combustible. Or il existe une autre voie. L’hydrogène ne demande qu’à être le carburant d’un moteur "essence" qui, en l’utilisant, ne rejette pas de CO2, mais de l’eau !

L’hydrogène : Existe aussi sans pile à combustible Par Loic FIEUX

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique La pile à combustible (PàC) fonctionnant à l’hydrogène est un dispositif très simple dans son principe, mais difficile à industrialiser lorsqu’il faut garantir une durée de vie de l’ordre de 25000 heures, nécessaire à un véhicule lourd. Daimler et le groupe Volvo se sont associés pour relever ce défi ensemble, peut-être après y avoir été incités par Geely, leur actionnaire commun. La course vers la PàC ressemble à une fuite en avant technologique et à un oubli de l’histoire. Au début du XIXe siècle, les premiers moteurs à combustion interne fonctionnaient à l’hydrogène ! Techniquement, un moteur hydrogène est proche d’un moteur fonctionnant au méthane (GNV). Comme un moteur "essence", ces moteurs gaz sont généralement "à allumage commandé". Ils sont donc munis de bougies d’allumage. Cette technologie est bien connue et il est regrettable qu’elle soit négligée.

DOSSIER « Vis-à-vis de la pile à combustible, le moteur hydrogène est plus simple et moins cher » tions technologiques (mélange pauvre dérivé des technologies essence, injection directe, suralimentation) qui apportent à la fois un très haut rendement et de très faibles émissions d’oxydes d’azote (NOx). « Notre ambition est de nous rapprocher des 50 % de rendement et de devenir un acteur de référence dans le domaine de la combustion hydrogène en nous appuyant sur nos nouveaux moyens d’essais » déclare Florence Duffour, cheffe du projet motorisations hydrogène au sein d’IFPEN.

LE MOTEUR HYDROGÈNE N’A PAS BESOIN D’UN HYDROGÈNE PUR Les caractéristiques physico-chimiques de l’hydrogène en font un bon candidat pour une utilisation dans un moteur. Combiné à l'oxygène ambiant, la combustion de l'hydrogène produit essentiellement de l'eau, de la chaleur et des oxydes d'azote (NOx) à capturer par dépollution. Un tel moteur devra exploiter la capacité de l’hydrogène à brûler rapidement en mélange très pauvre afin d’obtenir un très haut rendement et de très faibles émissions de NOx. En s’appuyant sur des outils industriels existants, le moteur thermique hydrogène apporte une solution de mobilité qui peut être mise en œuvre à court terme et à moindre coût. Reste évidemment l’épineux problème de l’approvisionnement en hydrogène, problème partagé avec les solutions fondées sur des PàC. Et sur ce point, le moteur a un avantage. Alors qu’une PàC nécessite un hydrogène pur pour éviter sa dégradation prématurée, un moteur hydrogène s’accommode d’un hydrogène isolé avec moins de rigueur, ce qui réduit le coût de sa purification et permet de l’odoriser.

DES POIDS LOURDS AVEC MOTEURS HYDROGÈNE VERS 2023 « Le déploiement du moteur thermique hydrogène contribuera à accélérer la transition énergétique dans les transports, en particulier en longue distance. Nous estimons que des prototypes intégrant un moteur à combustion hydrogène devraient voir le jour à horizon 2022-2023 » commente Bertrand Gatellier, responsable du programme motorisations et systèmes au sein de l’IFPEN. Cécile BarrèreTricca, Cheffe de l’établissement IFPEN-Lyon rappelle que l’emploi de l’hydrogène est confronté à des considérations économiques qui lui sont défavorables.

PRESSIONS IMPRESSIONNANTES Cécile Barrère-Tricca, Cheffe de l’établissement d’IFPEN-Lyon rappelle que « la combus-

PLUS SIMPLE ET MOINS CHER QU’UNE PILE À COMBUSTIBLE Le prix d’un véhicule équipé d’un moteur thermique fonctionnant à l’hydrogène devrait être proche de celui d’un véhicule GNV. Il s’en distingue par un moteur adapté, par des réservoirs conçus pour 350 bars au lieu de 200 bars avec le méthane, et par l’installation de détecteurs d’hydrogène afin de limiter les conséquences d’une fuite. Produit en petite série, ce véhicule avec moteur hydrogène est, au minimum, deux fois moins cher qu’un véhicule avec PàC. Sur le lieu de circulation, un moteur hydrogène fait le même bruit qu’un moteur GNV, il est donc moins bruyant qu’un diesel. L’argument du bruit est le seul en faveur de la PàC qui se montre plus silencieuse, mais au prix d’une complexité, d’un prix, d’une masse et d’une longévité qui apparaissent rédhibitoires à beaucoup. Rappelons que la pile à combustible recharge une batterie qui à son tour alimente un moteur de traction. Le véhicule hydrogène avec PàC cumule donc les contraintes des véhicules hydrogène et celles des véhicules électriques.

Depuis 2019, L’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) travaille avec des industriels sur les deux solutions de mobilité hydrogène : PàC et injection directe dans un moteur thermique. L’IFPEN s’est doté d’un banc d’essai dédié afin d’accélérer ses travaux dans le domaine du moteur à combustion hydrogène. L’institut a choisi des solu-

© IFPEN

UNE RECHERCHE RELANCÉE

#61


DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

tion d’un kilo d'hydrogène libère environ trois fois plus d'énergie que celle d'un kilo d'essence. En revanche, l’hydrogène occupe, à masse égale, beaucoup plus de volume que tout autre gaz. Pour produire autant d'énergie qu'un litre d'essence, il faut entre 6,4 et 7 litres d'hydrogène comprimé à 700 bars. » Ce volume est multiplié par deux sur les poids lourds pour lesquels la pression prévue est limitée à 350 bars. Quant à l’hydrogène liquéfié, il exige des températures extrêmement basses (-253°C). Son coût le réserve à certains domaines comme le spatial. L’intérêt environnemental de l’hydrogène dépend à la fois de son mode d’obtention et du rendement de son utilisation. Sur ce second point, l’emploi de l’hydrogène par un moteur à explosion est plus intéressant que le recours à une pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène.

Comme un moteur GNV, un moteur hydrogène émet quelques particules qui proviennent de la combustion de son huile. C’était tolérable avec les premiers steps Euro VI, mais ça ne le sera plus avec Euro VI step E phase 2 et a fortiori avec Euro VII. Ces normes imposeront le filtre à particules et la dépollution par réduction catalytique (SCR) aux moteurs gaz qui s’en passaient jusqu’à maintenant. En termes de bruit et de pollution sur le lieu de circulation, un moteur fonctionnant à l’hydrogène vert présentera un bilan peu différent de celui d’un moteur GNV fonctionnant au biométhane, celui-ci conservant un léger avantage. En revanche, le décalage est net en termes de TCO (coût total de possession). Sans surprise, le moteur hydrogène

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LA VIGNETTE CRIT’AIR VERTE, SANS LA MOTORISATION ÉLECTRIQUE

Faute de stations publiques, l’exploitation d’une flotte hydrogène impose d’investir dans l’infrastructure de recharge, comme ici à Pau.

est plus avantageux qu’un système avec PàC en matière de TCO et d’indépendance technologique, mais il revient beaucoup plus cher que la solution biométhane. Celle-ci reste la meilleure quant au bilan environnemental global. L’arrêté du 21 juin 2016 qui met en place les vignettes Crit’Air accorde la vignette verte (« Crit’Air 0 ») aux véhicules électriques et hydrogène sans en préciser le mode d’utilisation. Si l’on suit ce texte à la lettre, un car ou un bus équipé d’un moteur hydrogène profite du meilleur niveau de vignette Crit’Air tandis que le GNV se contente de la vignette Crit’Air 1 même lorsqu’il roule au biométhane. La mise en place des ZFE crée le marché pour les véhicules les moins contraints par leurs vignettes Crit’Air. l

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Hydrogène vert ou hydrogène gris ?

Comme le méthane sous forme GNC, l’hydrogène est distribué en station sous forme gazeuse compressée.

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À ce jour et à travers le monde, 95 % de l'hydrogène est obtenu à partir d’hydrocarbures fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) au moyen d’un processus massivement émetteur de CO2 ; c’est de l’hydrogène « gris ». L’hydrogène « vert » est pour sa part obtenu par électrolyse de l’eau en utilisant pour cette opération une électricité décarbonée. L’hydrogène vert est pénalisé par son coût de production. L’hypothèse optimiste mise sur une division par trois de ce prix à l’horizon 2050.


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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique Les autorités organisatrices doivent opter pour des véhicules à faible émissions. Pour remplacer peu à peu le gazole, le choix de motorisation est large. Toutes les solutions ont leurs inconvénients mais, ce ne sont pas les plus médiatiques qui présentent le plus d’avantages. Marc FRESSOZ

Quel cocktail de motorisations pour son parc de bus ? L’obligation de faire des choix a déjà sonné. Depuis 2020, les collectivités locales dotées d’une flotte de plus de 20 véhicules doivent, lors des investissements de renouvellement, acheter 50% de véhicules à faible émission. « A partir de 2025, cette obligation portera sur 100% du parc » indique l’UTP. A l’avenir le terrain de jeu du gazole Euro VI va se restreindre à certaines zones selon les règles d’accès que les élus fixeront à leur ZFE.

LE GAZOLE ENCORE VERT Motorisations thermiques au gaz, tout électrique, hybrides de tout type etc. fort heureusement, l’offre disponibles couvre toute la palette. En attendant l’hydrogène en cours d’expérimentation sur des petites séries, une foule de constructeurs proposent aux collectivités des solutions éprouvées. Certes le mouvement de conversion paraît lent. Début 2021, 76,8 % du parc exploité en France carburait encore au diesel, mais le gazole est en recul de -11% depuis 2014. Et 2019 marque le point de bascule dans les investissements des autorités organisatrices. Qu’on en juge, si en 2018 les bus diesel représentaient 64% du parc immatriculés, en 2019, ceux mûs par des énergies alternatives constituaient 51,8 % des achets faits par les élus et leur opérateur. Cette dynamique s’accentue avec une proportion qui a atteint 68,8% en 2020.

L’ÉLECTRIQUE À LA PLACE DU GAZOLE ? L’électrique est-il préféré à la hauteur de l’importance qu’il occupe dans les discours publics et dans les médias ? Ce n’est pas tout à fait vraiment le cas : il pèse seulement 3% dans le parc en circulation début 2021. Le GNV, lui, motorise

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Depuis 2020, les collectivités locales dotées d’une flotte de plus de 20 véhicules doivent, lors des investissements de renouvellement, acheter 50% de véhicules à faible émission. A partir de 2025, cette obligation portera sur 100% du parc.

11,5 % des bus en France et l’hybride 8 %. Cependant en termes d’achat, la part de l’électrique finit par décoller. Depuis 2015, elle a presque quadruplé à 9,4 % en atteignant 2020. Sur la niche des moins de 12 mètres, le bus électrique est beaucoup plus présent. La RATP et Ile de France Mobilités (IDFM) ne sont sans doute pas pour rien dans cette impulsion. En 2014, ils ont donné un signal avec le lancement du Plan bus 2025 destiné à faire disparaître les bus gazole à cet horizon, en misant majoritairement sur l’électrique. Mix énergétique visé : environ 80% d’électrique et 20 % au GNV. Si la RATP exploite, comme un grand nombre de réseaux, quelques lignes de bus électriques ( fin 2020, elle possédait 166 véhicules de ce type, 241 bus bioGNV et 1103 bus hybrides ), le basculement commence à se concrétiser par les premières livraisons des commandes passées en 2019 à HeuliezBus, Bluebus (Bolloré) et Alstom. Elles portent potentiellement sur 800 véhicules électriques.

IDFM ET LA RATP REMETTENT DU GAZ DANS LE MIX Cependant, aux yeux des partisans du GNV fédérés dans l’Association française du gaz (AFG), l’orientation de la seconde vague d’achat du plan bus 2025 souligne les premiers doutes vis-à-vis du tout électrique.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique L’opérateur et son autorité organisatrice ont en effet changé leur fusil d’épaule en modifiant l’équilibre. La Régie va acheter 1400 bus au bioGNV, à l’empreinte énergétique réduite, et seulement 700 électriques, la notification des marchés devant en principe intervenir durant le premier semestre 2021. Au total, le mix établira un équilibre proche 50-50 entre les deux énergies et non plus de deux tiers-un tiers comme prévu à l’origine. Pourquoi cette prudence, alors qu’en matière de pollution locale, le bus électrique est le champion toute catégorie ? Zéro émission et bruit considérablement réduit caractérisent ce type de motorisation. En revanche si l’on considère tout le cycle de vie, le bilan environnemental est plus contrasté. L’extraction de terres rares pour la fabrication des batteries ainsi que le recyclage de celle-ci posent problème. En fait ce sont surtout les contraintes directes pour les exploitants qui pèsent en premier. Pour commencer, le coût d’achat d’un matériel roulant électrique est près de deux fois plus élevé ( autour de 500 000 contre 250 000 € ) que celui d’ un bus gazole. Cependant sur la durée de vie, la balance se rétablit grâce au coût allégé de maintenance et au prix compétitif de l’électricité. Ajoutons que le prix des véhicules baisse au fil du temps et que les formules de financement se multiplient sur un marché assez concurrentiel.

LES BANQUES EMBRAYENT SUR L’ÉLECTRIQUE… La Banque des Territoires associé à la BEI vient par exemple de lancer un prêt obligataire innovant dont le taux est indexé sur l’évolution du prix de l’électricité. Le taux baisse quand celui-ci augmente et vice versa. L’intérêt ? Donner de la visibilité sur le financement grâce à un transfert du risque sur la filiale de la Caisse des dépôts. Autre illustration des possibilités, des autorités organisatrices comme le Syndicat Mixte des Transports en Commun de l'agglomération clermontoise ont complété un prêt de la BEI par un emprunt à taux très intéressant auprès d’une banque classique. Par ailleurs, d’autres établissements ont l’intention de se lancer sur ce marché qui s’élargit. Autre contraintes, l’autonomie limitée oblige les exploitants à cantonner le bus électrique à des lignes aux caractéristiques favorables ( des liaisons en centre ville, plus courtes qu’en périphérie, avec un relief le plus plat possible etc.) sachant qu’en outre, le froid dégrade la performance de la batterie qui alimente le chauffage.

DOSSIER

…ÉLUS ET RÉSEAUX SUR L’HYBRIDE ET LE BIO GNV Malgré tout, la part de l’électrique dans les achats progresse des autorités organisatrices et de leur opérateur. Entre 2015 et 2020, elle a presque quadruplé en atteignant 9,4 %, mais elle reste loin de l’hybride qui avec 21,5% stagne toutefois. Beaucoup moins coûteux à l’achat – le prix d’un tel bus est voisin de celui d’un véhicule diesel - c’est le gaz naturel qui remporte les suffrages avec 35,2 % des bus immatriculés contre 9,3% en 2015. Malgré ses atouts environnementaux, « la filière éléctrique, à batterie ou à̀ pile à combustible (hydrogène) doit encore être éprouvée afin d’égaler le niveau de commande des autobus hybrides et ou ceux roulant au GNV » analyse l’UTP. La métropole d’Amiens qui a investi dans une quarantaine de véhicules de ve type l’a constaté à ses dépens lors d’une vague de froid de l’hiver 2020-2021. Ses bus ont été immobilisés au dépôt pour différents problèmes de mise au point. Le Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise ne tire pas un trait sur l’électrique mais joue la prudence. Aujourd’hui 2/3 du parc roule au diesel et 1/3 au GNV. En 2030, 2/3 fonctionnera avec cette énergie dont une partie au bio GNV et 1/3 à l’électrique sous toutes ses formes.

LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE EUROPÉENNE MENACÉE Bien que la filière des constructeurs européens monte en puissance, les constructeurs chinois qui implantent des sites industriels sur le continent trouve une voie royale pour conquérir un nouveau marché. Leur matériel éprouvé et développé avec le soutien de l’État chinois. Les véhicules fonctionnant au bio méthane sont sur l’ensemble du cycle les plus propres qui existent et semblent constituer un bon compromis. Reste qu’ils nécessitent la construction de station d’avitaillement et que le caractère explosif du gaz impose des contraintes de sécurité. Par ailleurs, dans certains cas d’accident, une véritable torchère peut s’échapper du réservoir.

HYDROGÈNE TROP CHER Quant au bus à hydrogène, il apparaît comme la solution miracle aux yeux de l’État - qui a lancé un plan de développement de 7,2 milliards d’ici 2030, - des élus et bien sûr de toute une filière industrielle. Zéro émission, si ce n’est de l’eau, et autonomie supérieure à l’électrique sont ses grands atouts. Mais le recul manque encore. « Pour l’instant, 400 à 450 véhicules légers fonctionnent avec cette énergie, seulement 40 à 50 véhicules lourds » compte Geoffrey Ville, directeur du développement international de Atawey, une société spécialisée dans l’installation de stations à hydrogène. Quelques réseaux, comme ceux d’Artois Gohelle, d’Ile de France Mobilités à Versailles, ou prochainement dans le pays de Montbéliard permettent, via des expérimentations la plupart du temps, de défricher le terrain. Pour l’instant, plusieurs points constituent un obstacle. S’agissant de petites séries, le prix des bus est pour l’instant ahurissant – environ 800 000 euros - et équivaut à celui de deux Ferrari SF90 Stradale, modèle parmi le plus chère de la gamme. S’ajoute la nécessité de construire une station d’avitaillement, un investissement coûteux lui aussi, qui doit être fait loin des centres urbains, en raison des contraintes de sécurités. La coût de fabrication de l’hydrogène ajoute aux obstacles. Surtout, notent diverses études ( Ademe, Carbone 4 ), le bilan environnemental n’est pas bon lorsque l’hydrogène gris – produit à partir d’énergie carbone - sert de carburant à la pile à combustible. Le cycle du puits à la roue présente en effet un niveau d’émissions qui rend cette solution contreproductive. Ce ne sera pas le cas avec l’hydrogène vert produit à partir d’énergies renouvelables. La route est prometteuse mais encore très longue pour en disposer.

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DOSSIER

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

La stratégie nationale mise davantage sur les évolutions technologiques que sur la sobrieté L

a période 1960-2017 montre une forte corrélation entre vitesse moyenne des déplacements, nombre de kilomètres parcourus et émissions par personne. Ainsi le principal facteur d’évolution des émissions a été la demande, aussi bien pour les transports de voyageurs que de marchandises. Les émissions unitaires, par kilomètre ou tonne. km transportée, sont restées relativement stables, les gains technologiques permettant seulement de compenser les reports vers la voiture individuelle et les poids-lourds.

#66

Dans ce contexte, la forte hausse de la demande sur la seconde moitié du XXème siècle a entrainé les émissions des transports à la hausse. Pour la mobilité des voyageurs, la hausse des kilomètres parcourus a été portée par la hausse de la population, et surtout par le nombre de kilomètres par personne. C’est l’accélération de la vitesse des déplacements qui a rendu possible cette multiplication par plus de 3 des kilomètres parcourus par personne, puisque les temps de déplacement n’ont que peu évolué sur la période, toujours proches d’une heure par jour, en moyenne.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique La hausse de la vitesse et de la demande s’est arrêtée au début du XXIème siècle, par la combinaison de facteurs structurels et conjoncturels : tendance à la saturation des taux de motorisation des ménages, hausse des prix du pétrole et mise en place des radars. Ces facteurs expliquent en grande partie la baisse des émissions du transport intérieur de voyageurs depuis le début des années 2000, tandis que les émissions du transport de marchandises ont essentiellement baissé suite à la crise économique de 2008, qui a fait chuter la demande. Enfin, l’analyse de la stratégie nationale bas-carbone montre le découplage très fort prévu entre demande et émissions de CO2 dans les années à venir et d’ici 2050. Alors que les baisses d’émissions unitaires (soit le découplage entre émissions et demande) sont de -0,5 %/an pour les voyageurs et -0,6 %/an pour les marchandises depuis le début des années 90, la SNBC prévoit une baisse de ces émissions unitaires de respectivement -3,8 % et -2,2 %/an entre 2015 et 2030, soit une très nette accélération qui n’est pas encore visible pour le moment. Pour fortement réduire les émissions, tous les scénarios de prospectives montrent de fortes baisses d’émissions par les facteurs technologiques d’efficacité énergétique et d’intensité carbone de l’énergie, tandis qu’ils sont plus contrastés sur les évolutions vers plus de sobriété. La stratégie nationale bas-carbone apparaît parmi les scénarios fortement tournés vers la technologie, tandis que les leviers de sobriété sont bien moins mobilisés. Il faudra donc combiner une ambition forte sur la technologie et la sobriété pour avoir une chance de respecter les objectifs de court terme et la contribution des transports à la neutralité carbone, sans compromettre la décarbonation des autres secteurs. La technologie s’avère indispensable à court terme pour le levier d’ef-

DOSSIER

ficacité énergétique, et à plus long terme pour sortir du pétrole, en développant les motorisations et énergies alternatives. La sobriété, qui intéresse les facteurs de demande, de report modal, de remplissage, et en partie d’efficacité (poids, vitesse), permettrait d’effectuer environ la moitié du chemin comparé à un scénario tendanciel, facilitant en retour la décarbonation de l’énergie. Surtout, technologie et sobriété, ainsi que les 5 leviers de décarbonation, sont à mobiliser simultanément et en interaction, afin de profiter des avantages de chacun, tout en minimisant leurs inconvénients respectifs, parfois opposés. Si la technologie présente des risques d’effets rebonds, de ressources limitées, d’impacts environnementaux indirects et de coûts importants, la sobriété permet de limiter ces risques. Les freins à lever pour la sobriété sont cependant les changements de comportement, l’acceptabilité ou encore les impacts possibles sur l’emploi. Il n’existe pas de solutions miracles ou faciles, mais une multitude d’évolutions est nécessaire, dont on peut citer les plus significatives : une électrification du parc à orienter vers une mobilité plus sobre, la modération du trafic aérien, la question de la tarification carbone et du financement de la transition, la modération des trafics de marchandises en poids-lourds et maritime (dont la décarbonation sera difficile et n’est que très peu engagée, comme pour l’aérien), le développement du vélo, du ferroviaire, du covoiturage, du biogaz, ou encore les baisses de poids et de vitesse des véhicules. Par le passé, la technologie a ainsi été insuffisante pour réduire les émissions, dans un contexte d’accélération des transports. À l’avenir, technologie et sobriété devront être combinées pour décarboner les transports, un défi qui pourrait aller de pair avec un certain ralentissement des mobilités… l

Cet article reprend des éléments du travail de thèse « Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement », soutenu fin 2020. L’ensemble des documents (thèse, résumé, vidéo de soutenance) est disponible sur le lien suivant : http://www.chair-energy-prosperity.org/publications/travail-de-these-decarboner-transports-dici-2050

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étude

Les mobilités face au défi de la transition énergétique

Étude bus AirParif Ile De France Mobilités test des bus en condition réelle et aide les élus les AOTM et les opérateurs dans leur choix de renouvellement de flotte… Marc FRESSOZ

Si on n’opte pas pour l’électrique, quel bus à moteur classique choisir pour réduire le mieux la pollution de l’air ? Quelle différence entre un bus Euro VI, un hybride Euro VI et un GNC E. ? Certes sur le papier, on connaît dans leurs grandes lignes les performances environnementales de ces véhicules qui appartiennent à la famille des motorisations thermiques. Mais comme pour les voitures, entre les niveaux de pollutions garanties par le constructeur et celles relevées en fonctionnement quotidien, il y a souvent des écarts. L’exploitation d’un bus en conditions réelles, avec des voyageurs à bord, par tous les temps, sur les différentes lignes d’un réseau constitue le juge de paix. Encore faut-il pouvoir mesurer méthodiquement les émissions… C’est ce qu’ont fait Ile de France Mobilités et Airparif en réalisant les relevés et publié une étude comparative qui peut aider les élus des autorités organisatrices et les opérateurs à faire leur choix d’investissements lors des opérations de renouvellement de flotte de bus. Durant 2 ans, sur des lignes du réseau parisien, de la proche banlieue et de la grande couronne (représentant 1600 trajets) Airparif a recueilli, grâce à un dispositif inédit et innovant, plus de 30 millions de données d’émissions obtenues en sortie de pot d’échappement. L’un des intérêts de la méthode, qui affine une étude de l’Ademe, démontre que circuler en condition réelle avec des voyageurs et des conditions météo variées permet de constater que la température ambiante n’est pas neutre. Selon les motorisations, elle peut faire varier le niveau émissions de certains polluants notamment en prenant en compte les émissions particulières dues aux démarrages à froid.

Des capteurs sur 28 véhicules

Bus diesel Euro VI (véhicules homologués à partir de 2014), Bus hybrides, Bus au Gaz Naturel Comprimé (GNC), une forme de Gaz Naturel pour Véhicules (GNV). Et bien sûr, les vieux bus Euro IV (véhicules homologués à partir de 2006) d’IDFM n’ont pas été oubliés, car les polluants qu’ils recrachent servent de base de comparaison. En revanche,

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les bus Euro V n’ont volontairement pas été inclus, "car il n’y a pas de rupture technologique conséquente entre les véhicules Euro IV et Euro V" justifient les organisateurs de l’opération.

Polluants de l’air et polluant du climat ont été mesurés

- Les particules fines et ultrafines de diamètre compris entre 23 nm et 2,5 μm (PN), - Les oxydes d’azote (NOx, dont NO2), - Le monoxyde de carbone (CO), - Et le dioxyde de carbone (CO2, gaz à effet de serre). C’est parce qu’en Ile de France une part de ces polluants excédent les seuils réglementaires et qu’ils peuvent engager la responsabilité des pouvoirs public, qu’ils ont été choisi. Il s’agit : - du dioxyde d’azote (NO2) de la famille des oxydes d’azote (NOx), - des particules (PM 10 ) - des particules fines (PM 2,5) - et de l’ozone (O3). Les particules ultrafines (PUF) en nombre, surveillés par Airparif, ne sont pas actuellement réglementées dans l’air ambiant.


Les mobilités face au défi de la transition énergétique

étude

Quels résultats ?

températures basses ainsi qu’aux variations de vitesse, ce qui a son intérêt dans les milieux urbains denses.

Euro VI : Il n’y a pas photo entre les Euros IV et les Euros VI. Cette dernière norme permet de diviser par 4 en moyenne les émissions de NOx par rapport aux Euro IV

- Sur les bus Gaz Naturel Comprimé (GNC) Euro VI

NOX

- Euro VI hybrides : Ils divisent par 10 les émissions par rapport à celles des bus Euro. - GNC Euro VI : Ils divisent par 30 des émissions des bus GNC Euro VI est mesurée par rapport à celles des bus Euro IV diesel. Les particules en masse (comme les PM10et PM2,5)

Ils présentent également une baisse des émissions conséquentes pour tous les polluants par rapport aux bus diesel EuroIV. Les performances les plus marquants sont obtenues pour les oxydes d’azote, pas seulement par rapport aux diesel euros IV (-97%) mais aussi par rapport aux autres motorisations Euro VI. « Avec comme avantage que les émissions pour ce polluant n’augmentent pas lorsque la température ambiante diminue » souligne l’étude

Différentes études scientifiques précisent que pour toutes les catégories diesel Euro VI, y compris hybride, et GNC, les rejets de ces particules sont si faibles qu’ils ne sont pas mesurables.

Ce qui influence la baisse de la pollution

Mais Airparif a pu cibler les particules en nombre à l’échappement (PN, soit le nombre de particules de dimension comprise entre 23 nanomètres et 2,5 micromètres).

Les voici par ordre décroissant d’importance :

Conclusion, pour tous les carburants, le passage à l’Euro VI conduit à la réduction spectaculaire du nombre de particules émises : de 80 à 50 fois moins qu’un bus diesel Euro IV. Dioxyde de carbone (CO2) - Les diesel Euro VI réduisent de 6% leur consommation de carburant, et les émissions de CO2 qui y sont liées, par rapport aux Euro IV. - Les hybrides Euro VI réduisent eux de 27% leurs émissions de CO2 vis-à-vis aux Euro IV. - Les GNC Euro VI réduisent de 13% leurs émissions de CO2 vis-à-vis des Euro IV. Les auteurs de l’étude soulignent en outre qu’au-delà des émissions à l’échappement "le choix d’alimenter les bus GNC avec du biométhane comme carburant permet d’aller encore plus loin dans le bilan CO2 de ces véhicules" quand on considère le cycle du puits à la roue.

Les enseignements

- Sur les bus Euro VI hybrides Ils émettent globalement moins de polluants de l’air que les diesel Euro VI. Et les émissions d’oxydes d’azote, sont moins sensibles aux

Les conditions réelles permettent d’affiner l’analyse des facteurs qui impactent les émissions de polluants de l’air. - La technologie de motorisation du véhicule (la norme Euro nottament) - Les différents systèmes de dépollution, leurs réglages et leur entretien. Un fonctionnement non optimal des systèmes de dépollution, notamment la Selective Catalytic Reduction (SCR), peut causer des émissions de NOx ou de NO2 de 10 à 100 fois plus élevées. Cette situation, très rarement rencontrée durant l’étude, peut entraîner une grande variabilité des émissions. - La température d’échappement. Trop basse, elle peut empêcher le Selective Catalytic Reduction (SCR) de fonctionner de manière optimale et ainsi augmenter les émissions de NOx. - La température ambiante et le démarrage à froid. A moteur froid, ou à moteur chaud avec une faible température ambiante, les conditions de combustion et de fonctionnement des systèmes de dépollution ne sont pas toujours optimales. Là aussi, les émissions de NOx peuvent augmenter. Une faible température extérieure peut aussi allonger la durée du démarrage à froid. - La conduite et la vitesse. Une conduite moins souple en termes de régime moteur et d’accélération peut provoquer des émissions plus importantes de CO2 et de particules. Concernant les bus Euro IV, la diminution de la vitesse moyenne de 20 km/h à 8 km/h conduit à un doublement des émissions de particules de NOx, et une hausse de 40% pour le CO2, à trajet constant. En revanche, la vitesse moyenne influe très peu sur les émissions des bus Euro VI, les nouveaux véhicules sont en règle générale moins influencés par ce paramètre.

L’EFFET D’UN RENOUVELLEMENT EN CHIFFRES Entre 2014 et 2020, Île-de-France Mobilités a remplacé plus de 2000 bus (Euro II, III et IV) sur un parc initial de plus de 9 000 véhicules par des bus plus récents : bus Euro VI, hybrides, GNC et électriques. L’autorité organisatrice estime que ce renouvellement a réduit d’environ un tiers les émissions annuelles d’oxydes d’azote (NOx), de particules à l’échappement (PN) et de moins de 5% les émissions de CO2 des bus.

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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Le dépôt Transdev de Conflans-Sainte-Honorine passe au biométhane Par Loic FIEUX

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

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Pour IdFM, le bus n’est pas une préoccupation reléguée au second plan, dans l’ombre du train et du métro. Il s’agit de l’un des modes de transport les plus utilisés en Ile-de-France. C’est pourquoi la région investit massivement dans sa transition énergétique avec un budget de 4 milliards d’euros d’ici 2030 pour le renouvellement complet des bus et l’équipement de leurs dépôts. En grande couronne, l’orientation en faveur du biométhane est claire. Elle doit participer au développement d’une filière d’énergie propre, neutre en carbone, grâce à la méthanisation des déchets.

L

e 13 mars 2021, les nouvelles installations biométhane du dépôt Transdev de Conflans-Sainte-Honorine ont été présentées aux élus. A cette occasion, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France et d’Ile-de-France Mobilité (IdFM) a rappelé l’extraordinaire démarche de transition énergétique dans laquelle l’autobus francilien est engagé. "La transition énergétique, c’est le changement d’énergie des véhicules, mais c’est aussi le report modal. Il faut pour cela être en mesure d’offrir une véritable alternative à la voiture. Le programme "Grand Paris des bus" est un succès. à travers l’extension des amplitudes horaires et l’augmentation des fréquences, nous avons augmenté l’offre de +17%. En réaction, le nombre de voyageurs a bondi de +24%. Cela prouve qu’il y a une demande qui n’est pas satisfaite aujourd’hui. Il est très important de poursuivre le développement de l’offre pour apporter une véritable alternative à la voiture, ce qui se traduit par un gain de pouvoir d’achat pour les usagers devenus libres de ne pas utiliser leurs voitures" explique Thierry Mallet, PDG du groupe Transdev.

LA GRANDE COURONNE PARISIENNE EST PROPICE AUX BUS BIOMÉTHANE Les bus électriques sont déployés là où ils sont compatibles avec l’ensemble des contraintes d’exploitation. Ailleurs, le parc passe au gaz (GNV) et plus précisément au biométhane afin de profiter pleinement de ses avantages en termes de bilan carbone. 30 méthaniseurs sont déjà en service en Ile-de-France dont 11 valorisent des déchets agricoles. 60 autres méthaniseurs sont en projet.

IdFM a commandé 409 Iveco Urbanway GNV dont 10 ont déjà été mis en service à Conflans.

"Nous essayons de faire faire à nos bus une transition vers le gaz, et nous voulons aller vers du gaz de plus en plus propre. C’est pourquoi nous misons sur les cycles courts avec la valorisation des déchets sous forme de biométhane" déclare Valérie Pécresse. "À propos de nos achats de biométhane, nous voulons développer la territorialisation en faisant évoluer nos contrats afin que ce gaz soit davantage issu des territoires proches des sites d’exploitation" ajoute Yoann Pautremat, responsable parc, maintenance et conversion énergétique chez Transdev en Ile-de-France. Enfin, Laurent Probst, directeur général d’IdFM, précise "Le biométhane est une technologie mature qui

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À propos de ce renouvellement, le maire de Conflans, Laurent Brosse, témoigne "Ces nouveaux bus sont moins polluants, mais ils sont aussi moins bruyants et plus confortables. À leur sujet, nous avons déjà eu des réactions très positives des Conflanais bien que la période de confinement conduise un peu moins que d’habitude à emprunter les bus". L’élu en profite pour rappeler que sa ville développe les mobilités douces et qu’elle remplace son parc automobile municipal par des véhicules électriques.

Le méthane qui arrive à Conflans est celui du réseau général. Il devient du biométhane par le jeu d’écriture des certificats de garantie d’origine (CGO). Parmi les trois compresseurs, deux sont utilisés en service normal. Le troisième est gardé en réserve afin d’assurer la continuité du service.

fonctionne parfaitement. IdFM a financé une mesure des polluants des bus par Airparif. Elle a confirmé l’intérêt du GNV quant à la réduction des émissions de particules et de NOx. Sur le plan du CO2, c’est l’emploi du biométhane qui présente un intérêt environnemental.".

CONFLANS, L’UN DES PREMIERS DÉPÔTS CONVERTIS Conflans-Sainte-Honorine fait partie d’une première salve de dépôts à convertir en 2021. Son l’équipement biométhane comprend trois compresseurs, dont un de réserve, fournis par SAVE (Société d'Approvisionnement et de Vente d'Energies). Ils approvisionnent 53 postes de charge lente (4 ou 5 heures) et 2 postes de charge rapide (quelques minutes) destinés à faire face à un oubli de recharge ou au ravitaillement d’un véhicule sortant de l’atelier. Afin de prévenir les troubles musculosquelettiques (TMS), les embouts de recharge sont d’un nouveau type ergonomique. Il doit pouvoir être manipulé facilement par tous et toutes, la proportion de femmes parmi les chauffeurs étant actuellement de 25% à Conflans. Mi-mars 2021, ce site avait déjà reçu dix Iveco Urbanway GNV, dont neuf standards et un articulé. Très rapidement la moitié du parc basé à Conflans fonctionnera au GNV.

Au sujet du choix de Conflans, Valérie Pécresse explique "Nous n’avons pas choisi Conflans par hasard. Nous voulons montrer que toute la vallée de la Seine est concernée par la transition énergétique. Elle n’est pas réservée à Paris. La lutte contre la pollution n’est pas qu’une affaire de Parisiens. Nous, nous croyons dans le bus. Nous croyons que le bus, c’est moderne à condition qu’il devienne plus confortable et moins polluant. 75% des bus du "Grand Paris des bus", ce sont des bus supplémentaires en grande couronne. Nous avons fait le pari d’augmenter l’offre et de créer des dessertes cadencées. Sur des lignes jusque-là considérées comme non rentables, l’augmentation de l’offre a augmenté la fréquentation et a permis d’atteindre la rentabilité. Ce n’est pas la gratuité des transports qui incite à délaisser la voiture, c’est l’offre de transport avec la bonne ligne de bus qui emmène au bon endroit au bon moment."

UN PROGRAMME D’UNE AMPLEUR EXCEPTIONNELLE, DÉPLOYÉ DEPUIS 2016 ET JUSQU’EN 2029 Fin 2016, le conseil d’administration d’IdFM a déterminé sa stratégie de transition énergétique avec un objectif de 100% de bus propres, c’est-à-dire équipés de motorisations électriques ou GNV alimentées au biométhane. En 2025, 100% des bus exploités en zones urbaines denses seront propres. En 2029, c’est l’ensemble du parc de la région qui aura été converti. Cela représente 10320 véhicules ! "Actuellement, l’effort en matière de transition énergétique est aussi important en grande couronne que dans Paris" explique Laurent Probst qui rappelle que la feuille de route est jusqu’à maintenant respectée. Valérie Pécresse commente "Nous sommes puissamment engagés dans la transition énergétique et nous sommes observés au niveau européen. Les autorités de transport européennes sont sidérées par la vitesse à laquelle nous réalisons la transition et par nos volumes d’achat de bus propres. Le commissaire européen pour le climat Frans Timmermans m’a confirmé qu’IdFM est l’un des plus gros acheteurs de bus propres d’Europe".

© Transdev

Selon Thierry Mallet "Nous avons besoin du biométhane"

Thierry Mallet, PrésidentDirecteur général du Groupe Transdev, croit en la mixité des énergies et souligne le problème posé par la définition de ce qu’est une énergie propre selon Bruxelles.

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Début 2021, Transdev exploite déjà 1200 bus électriques et près de 3000 bus gaz à travers le monde. Parmi eux, 40 bus électriques et 350 bus biométhane sont déployés pour IdFM. PDG du Groupe Transdev, Thierry Mallet souligne le problème de perception de ce qu’est un véhicule propre. Lors de sa prise de parole du 13 mars à Conflans-Sainte-Honorine, il a expliqué "Je crois fermement à la mixité des énergies. On ne réussira pas en passant partout à l’électrique, nous avons besoin du biométhane. D’autre part, nous avons un vrai problème d’appellations car ce sont les règles européennes qui définissent ce qu’est un véhicule propre ou pas. Or l’Europe ne voit que par l’électrique ou l’hydrogène, mais elle oublie les biocarburants dont le biométhane. Nous avons un combat à mener afin que les véhicules fonctionnant avec des biocarburants soient considérés comme des véhicules propres. Nous intervenons à ce sujet auprès de Bruxelles et de Bercy. Il faut favoriser le biométhane et le biodiesel. Cela passe évidemment par le véhicule, mais aussi par la perception que l’on a de ces biocarburants". Fin 2020, Trandev a décroché un contrat pour l’exploitation de 400 bus électriques à Bogota. Début 2021, cet opérateur a lancé à Göteborg (Suède) l’exploitation d’une flotte de 400 véhicules répartis entre des motorisations biodiesel et électriques. Cela donne à Thierry Mallet l’occasion de rappeler que "La transition énergétique a lieu partout. C’est un sujet à la fois local et global".


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"l’hydrogène gris" n’est pas intéressant pour l’environnement et d’autre part, les constructeurs ne sont pas prêts pour une production massive de bus hydrogène" commente Laurent Probst. Valérie Pécresse ajoute "À l’horizon 2025, nous voulons créer un centre bus hydrogène d’une dimension inédite en Europe".

DEUX DÉPÔTS IDFM CONVERTIS CHAQUE MOIS

C’est l’ensemble du parc de bus IdFM qui est déjà ou sera renouvelé au cours de la période 2016 à 2029. Les marchés sont à l’avenant avec notamment 1000 bus électriques commandés par la RATP pour le compte d’IdFM aux constructeurs Alstom, Bolloré et Heuliez Bus. Ils ont été suivis par trois marchés passés à travers la CATP (Centrale d’Achat du Transport Public) et totalisant 641 véhicules (dont 150 livrables entre fin 2020 et 2022). Ils comprennent 78 bus électriques Heuliez, 154 cars GNV Iveco Crossway et surtout 409 bus Iveco Urbanway fonctionnant au GNV. Les Urbanway GNV qui ont récemment rejoint le dépôt Transdev de Conflans font partie de ce marché. Les volumes commandés et livrés sont si importants qu’ils ont incité la CATP à numériser son processus de réception pour IdFM. Cette réception a partiellement lieu hors d’Ile-de-France en raison du manque de place disponible chez les constructeurs. À propos du prix unitaire des véhicules de 12 m Iveco, Heuliez ou Bluebus, Laurent Probst annonce approximativement 230 k€ pour un bus diesel, 275 k€ pour du GNV et 520 k€ pour un électrique.

INVESTISSEMENT DANS LES DÉPÔTS ET EXPÉRIMENTATION DE L’HYDROGÈNE Pour accueillir ces nouveaux véhicules, il est indispensable d’adapter leurs dépôts, ou plus exactement, leurs COB (centres opérationnels bus). Concrètement, il s’agit d’amener à chaque emplacement de stationnement une prise de recharge lente biométhane ou électrique. L’ensemble de l’équipement, incluant entre autres les compresseurs de gaz ou les détecteurs de méthane dans les ateliers, représente un investissement moyen de 56 k€ par place de bus biométhane, et de 116 k€ par place de bus électrique. Actuellement, le parc IdFM est principalement diesel (73%). On y trouve également des hybrides (12%), du GNV-biométhane (10%) et des bus électriques (5%). IdFM a choisi de ne plus acheter d’hybrides diesel. Cette position pourrait être revue selon les résultats obtenus avec les biocarburants en cours d’essai par IdFM. Par ailleurs, une expérimentation hydrogène a lieu autour de la station hydrogène d’Air Liquide aux Loges-en-Josas (Yvelines) avec une poignée de véhicules Vanhool et Safra équipés de piles à combustible. "La technologie porteuse, qui pourrait remplacer le biométhane, c’est l’hydrogène. Toutefois, nous sommes prudents vis-à-vis de ce gaz. D’une part,

Le matériel roulant et les infrastructures des réseaux de bus d’IdFM réalisent actuellement leur transition énergétique en accordant une place de choix au biométhane. Cette énergie a l’avantage de pouvoir être produite et consommée localement en cycle court bien que la réalité de son emploi nécessite encore le recours aux certificats de garantie d’origine. l

Pour les conducteurs, les gestes du métier changent et le stationnement du véhicule sur son emplacement devient synonyme de ravitaillement.

© IdFM

Valérie Pécresse Présidente de la Région Ile de France lors de l’inauguration du dépôt de bus de Conflans-Sainte-Honorine.

"Pourquoi n’allons-nous pas plus vite ? Parce que le défi, c’est la transformation des dépôts. Elle est chère et prend du temps." explique Valérie Pécresse. D’ici le premier semestre 2022, 4 dépôts RATP seront convertis au gaz et 2 à la motorisation électrique. Hors périmètre RATP, et au cours de la même période, seuls le dépôt de Vélizy (Keolis) et celui d’Argenteuil (TVO/Transdev) passeront aux bus électriques. Parallèlement, 26 dépôts s’équiperont pour le GNV. Contraintes opérationnelles, coût et intérêt environnemental du biométhane participent à ce choix. Tous les opérateurs d’IdFM sont impliqués. Keolis, Lacroix, RATP, RATP Dev et Transdev participent activement à la transformation en cours. Son rythme est inédit. Jusqu’à l’été 2022, c’est un dépôt de bus qui sera converti tous les quinze jours. Du jamais vu ! Cela représente environ 2000 places de stationnement équipées pour les motorisations électriques et GNV. La cadence de l’entrée en service des nouvelles installations ne doit pas occulter le temps qu’elles nécessitent pour leur mise en place sur chaque site. Dans le cas de Conflans, les travaux ont été menés en 18 mois à partir de l’été 2019. Ils comprennent la mise aux normes Atex (atmosphère explosive) de l’atelier avec l’installation de capteurs capables d’identifier d’éventuelles fuites de méthane. À l’été 2022, IdFM et ses opérateurs disposeront de 42 dépôts transformés. Mi-mars 2021, 17 dépôts sont déjà convertis.

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Le grand Lyon passe en ZFEM Par Loic FIEUX

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epuis le 2 juillet 2020, Bruno Bernard (Europe Ecologie Les Verts) est président de la Métropole de Lyon. Il est également président du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (Sytral) depuis le 7 septembre de la même année. Le Sytral est la deuxième autorité de transport en commun en France et son périmètre couvre les réseaux Transports en commun lyonnais (TCL), cars du Rhône et Libellule ainsi que les services Optibus et Rhônexpress. Afin de poursuivre le maillage du territoire et le développement de l’intermodalité tout en favorisant la transition énergétique, Bruno Bernard a annoncé dès sa prise de fonction un plan d’investissements ambitieux, évalué en janvier 2021 à 2,55 Md € au cours des six années de son mandat. L’amélioration de l’offre bus (+20%) compte parmi les priorités avec

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Président du Sytral depuis 2020, Bruno Bernard a lancé un plan d’investissement massif pour l’amélioration des transports en commun de l’agglomération lyonnaise. Le bus et sa variante trolleybus ne sont pas oubliés par ce programme.


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Volvo se distingue par ses choix techniques. Son 7900 hybride S-Charge fonctionne en mode électrique pur lorsqu’il pénètre dans certaines zones déterminées.

Volvo mise sur l’hybridation et sur l’électrique pur Lors du passage à Euro VI, Volvo a choisi d’abandonner les motorisations thermiques non hybridées. En conséquence, le 7900 n’existe qu’en versions hybrides et électriques pures. Au fil des années, Volvo a multiplié les variantes avec l’apparition d’hybride rechargeable et de différents modes de charge (en ligne par opportunité, ou au dépôt par prise). Le constructeur propose également depuis 2020 une version S-Charge du 7900. Cet hybride fonctionne automatiquement en mode électrique limité à 50 km/h lorsqu’il pénètre dans des zones identifiées. Ce Zone Management permet aussi de brider la vitesse selon la position du véhicule. Le 7900 hybride roule entre autres sur les réseaux Tadao (lens), Seine-Val-de-Marne de Keolis et SqyBus (Saint-Quentinen-Yvelines) de la Savac.

l’augmentation des fréquences, la création de lignes express et BHNS ainsi que le renouvellement du matériel par l’acquisition de 400 bus électriques ou gaz.

Depuis le 1er janvier 2020, la métropole de Lyon est devenue une ZFE (zone à faibles émissions). L’entrée en service des Volvo 7900 chez Faure au profit de Renault Trucks anticipe les exigences du Grand Lyon, mais il faut penser dès l’achat du matériel au durcissement des mesures appliquées dans la zone où il doit être exploité. Chaque ZFE établit ses propres règles, notamment quant aux échéances d’application des restrictions d’accès. À Lyon, on note que ce sont les véhicules de transport de marchandises qui ont été visés prioritairement. Le tour de vis réglementaire pour les cars et bus attendra afin de ne pas pénaliser le transport en commun de personnes dont on attend qu’il participe au report modal. Même sans réglementation restrictive, Lyon se lance résolument dans le verdissement de sa flotte de bus.

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ZFEM "LE GRAND LYON"

L’activation progressive des restrictions de circulation dans la ZFE lyonnaise concerne prioritairement les véhicules affectés au transport de marchandises.

"En 2020, Transdev a reçu 145 Volvo 7900 électriques articulés livrés en bloc"

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Stratégies territoriales Transdev a reçu en 2020 une impressionnante série de 145 bus articulés électriques Volvo 7900. Ils sont équipés pour la recharge "par opportunité" à l’aide de potences placées à certains arrêts stratégiques des lignes desservies.

Les mobilités face au défi de la transition énergétique LA RÉACTIVITÉ DU BUS AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE Par nature, le bus est plus réactif que les systèmes guidés. C’est pourquoi Bruno Bernard a pu annoncer des délais courts pour son évolution. Il compare "Pour un nouveau métro, c’est 10 ans, le tramway, c’est 6 ans et pour les nouvelles lignes de bus, c’est 24 mois". L’élu ajoute "On va interdire la circulation des véhicules les plus polluants, car la pollution, c’est 48000 morts prématurés en France. C’est une priorité absolue." Son action ne néglige pas les mobilités douces avec la création d’un grand plan vélo et d’un réseau express vélo (REV). D’autre part, le Sytral a la particularité d’exploiter 8 lignes de trolleybus, ce qui en fait le principal réseau français équipé de ce type de matériel, particulièrement vertueux quant à la pollution globale. En février 2021, le Sytral a présenté à Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, le premier de ses nouveaux trolleybus nouvelle génération. Le problème du trolleybus étant l’acceptation des lignes de contact aériennes par les riverains, les nouveaux trolleybus sont bimodes. Ils s’alimentent depuis leurs perches et en profitent pour recharger des batteries, ou bien ils utilisent ces dernières pour fonctionner là où les câbles sont indésirables ou indisponibles. Cette charge en roulant (IMC, in motion charging) permet de circuler "perches abaissées" sur 40% de l’itinéraire dans le cas des nouveaux trolleybus IMC fournis par Hess au Sytral. Celui-ci en a commandé 34 pour un montant de 950000 euros par véhicule de 18 m. Ce matériel doit augmenter de 30% la capacité de la ligne C13 du Sytral. l

Le programme MoéBUS, c’est jusqu’à fin 2021 Pour améliorer la qualité de l’air et réduire les nuisances sonores dans les espaces urbains, le programme MoéBUS facilite la conversion des flottes d’autobus vers des véhicules électrique. Sélectionné dans le cadre des appels à programmes CEE 2018 (Certificats d’Economies d’Energie) du ministère de la Transition écologique, ce programme consiste en des aides financières versées lors de l’acquisition de ces véhicules et à l’occasion des travaux d’électrification des dépôts. MoéBUS concerne non seulement les collectivités et leurs opérateurs, mais aussi les sociétés privées. Au 27 mars 2021, MoéBUS a déjà participé au financement de 452 autobus répartis entre 97 projets de collectivités, ce qui représente un budget de 28,8 M€ déjà versé à partir d’un fonds de 36,5 M€ dédié à ce programme. Il a été prévu pour participer à l’achat de 500 véhicules et à l’équipement de 50 dépôts. Encadrés et contrôlés par le La programme Moébus compense le handicap du bus électrique Ministère de la Transition écologique les fonds du programme sont en termes de TCO par rapport au bus thermique. abondés par les fournisseurs d’énergie privés (Total Direct Energie et Bolloré Energy). A propos de l’effet de ces aides sur le choix des énergies, Brigitte Desveaux, élue vice-présidente aux transports et à la mobilité pour la communauté d’agglomérations de La Rochelle déclare "La prime MoéBUS a permis de faire valider la décision d’achat en conseil communautaire grâce à une diminution de l’écart de prix entre un bus thermique et un bus électrique." L’aide est évidemment bienvenue car, comme le rappelle Fabrice Bayon d’Open Tour "Un bus électrique, c’est deux fois et demi le prix d’un bus thermique". En prenant en charge jusqu’à 30% du prix d’acquisition d’un bus électrique, MoéBus rééquilibre le TCO d’un tel véhicule afin de lui éviter un désavantage économique difficilement insurmontable vis-à-vis des véhicules thermiques. Pour l’équipement du dépôt, l’aide est limitée à 10% du coût. Le programme concerne les véhicules 100% électriques des catégories M2 et M3 exploités en France ainsi que leurs batteries initiales à condition qu’au moins 60% de l’assemblage des pièces constitutives des véhicules ait été réalisé en Europe. Le programme MoéBUS s’achèvera fin 2021, à moins qu’il soit prolongé comme il l’a déjà été.

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En 2016, Marseille s’est distingué en lançant la première ligne française exploitée exclusivement par des bus électriques de 12 m.

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Marseille Par Loic FIEUX

A

près ce premier pas, la Régie des transports métropolitains (RTM) marseillaise a annoncé la conversion à l’électricité de ses 630 bus à l’horizon 2035. Elle considère toutefois que le relief est un problème pour l’électrification de 15% de ses lignes et que 30% de l’énergie des batteries est consommée par la climatisation, l’éclairage et les systèmes de communication. Fin 2020, une vingtaine de bus électriques étaient déjà en service. Le Volvo 7900 fait partie des véhicules choisis afin d’être évalués en service dans la perspective de futures acquisitions. Parallèlement, les Heuliez GX 337, Mercedes E-Citaro et Safra Businova se livrent au même exercice. Les essais en flotte concernent également les systèmes de charge "par opportunité". Parmi eux, on trouve l’OppCharge soutenu par ABB et le système propriétaire d’Irizar qui a par ailleurs livré des i2e à la RTM. A Marseille, les prix annoncés sont de l’ordre de 600000 euros pour les bus électriques et 280000 euros pour leurs homologues thermiques. Alors qu’un bus thermique consomme annuellement pour 27000 € de gazole, un bus électrique est rechargé au cours de la même période pour un budget de 4000€ selon les données marseillaises. Sur quinze ans, cette économie compense la différence entre les prix d’achat.

Toutefois, le prix des chargeurs et celui du remplacement des batteries à mi-vie maintient le déséquilibre au détriment du bus électrique. C’est pourquoi des aides comme MoéBUS sont en place. L’importance de cette aide décroit toutefois avec le nombre de véhicules acquis afin d’empêcher un même réseau de capter l’ensemble du fonds. La conversion d’un réseau de bus à l’électricité pose le problème de sa recharge. Sur ce point, la RTM met à profit la proximité de certains de ses dépôts avec ses lignes de métro équipées d’une alimentation 11 MW. Non sollicitée par le métro pendant la nuit, elle peut fournir 50 kW à 220 bus. D’autre part, la RTM prévoit d’utiliser l’énergie électrique renvoyée dans le réseau par le « freinage par récupération » du métro. La régie a également l’intention d’utiliser les batteries de ses véhicules branchés au dépôt pour devenir un opérateur d’effacement des pics de consommation et ainsi, négocier le prix de son électricité. Avant d’électrifier ses bus, la RTM réalise déjà 65% de ses voyages en propulsion électrique grâce à ses lignes de tramways et de métros. L’électrification en PACA va même beaucoup plus loin avec le projet de train à batteries sur les lignes ferroviaires non électrifiées de la région. L’engagement des transports publics sur la voie de l’électrification est donc sensible dans les Bouches-du-Rhône. l

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L’eCitaro arrivera cet été à Rouen Par Loic FIEUX

Le réseau Astuce de l’agglomération rouennaise exploite 200 bus et assure annuellement 53 millions de voyages en parcourant 18 millions de kilomètres. Il poursuit sa conversion au bus électrique avec la commande à travers l’UGAP de dix Mercedes eCitaro. Ils lui seront livrés en août 2021. Rouen a partagé sa commande entre deux types de batteries et a choisi pour elles des capacités particulièrement élevées.

"N

ous venons de commander 10 nouveaux bus Mercedes eCitaro 100% électriques pour renouveler notre flotte. Ils répondent parfaitement à nos besoins. Leur livraison est attendue à la fin de l’été 2021. D’autres bus, avec d’autres technologies, seront commandés prochainement. L’heure est à l’action. Nous sommes pleinement engagés dans la transition sociale-écologique et nous allons encore amplifier nos efforts" déclare Nicolas Mayer-Ros-

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signol, maire de Rouen et président de Métropole Rouen Normandie qui réunit 71 communes. L’élu reste discret à propos de ces "autres bus", mais la deuxième salve d’électrification du parc revient à Mercedes après la livraison de trois Heuliez GX337E fin 2020. À ces dix eCitaro s’ajouteront sept autres bus électriques courant 2021 pour un budget total de 12 M€, soit 0,705 M€ par bus en moyenne. Cela portera le parc rouennais de bus électriques à 20 véhicules hors hydrogène.


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UNE COMMANDE PARTAGÉE ENTRE DEUX TECHNOLOGIES La commande rouennaise concerne dix eCitaro standard (12 m). Parmi eux, huit sont équipés de batterie litium-ion NMC (nickel, manganèse, cobalt) de nouvelle génération tandis que les deux autres reçoivent les batteries LMP (lithium métal polymère). Ces dernières sont produites par Blue Solutions, filiale du groupe Bolloré implantée en Bretagne. Elles s’appuient sur une technologie Bolloré dérivée de celles des films plastiques pour condensateurs. Réputée sure quant au risque d’explosion, la batterie LMP est naturellement montée sur les BlueBus (Blue Solutions). Mercedes s’est distingué de la concurrence en annonçant l’ajouter au catalogue d’options de l’eCitaro. Outre le NMC, le marché est habitué au LTO (lithium-titanate) lorsque la charge rapide doit être privilégiée. BYD, qui produit ses propres cellules, développe pour sa part le LFP (lithium-fer-phosphate). Dans ce paysage, le LMP se singularise par son électrolyte solide. Cette technologie nécessite un maintien permanent à 60°C, même lorsque la batterie n’est pas utilisée. A défaut, elle se décharge. Cette contrainte est à relativiser dans le cadre d’autobus qui ont vocation à être en exploitation ou à être garé à leur dépôt, branchés à leurs prises. Rouen a choisi une configuration 396 kWh pour ses eCitaro avec batteries NMC alors que leurs homologues équipés en LMP disposeront de

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Heuliez et Elbeuf, pionniers de Rouen métropole Fin 2020, trois bus électriques Heuliez GX 337E sont arrivés au dépôt des Transports de l’Agglomération Elbeuvienne (TAE) qui font partie du réseau Astuce. "Il faut y aller progressivement. Le territoire des TAE est un territoire d’expérimentation" commente Cyrille Moreau, vice-président en charge des mobilités pour la métropole de Rouen. En explorant les aspects opérationnels des bus électriques, les GX 337E prépare le terrain pour les eCitaro attendus à la fin de l’été 2021.

441 kWh. L’autonomie annoncée est comprise entre 220 et 270 km. La charge s’effectue par prises. Chaque véhicule en a une à l’avant droit, et une autre l’arrière. Mercedes propose également la charge par bandes de contact en toiture, solution non retenue à Rouen. Les eCitaro rouennais sont équipés de prises USB et leur harmonie intérieure a fait l’objet de toutes les attentions avec un sol noir graphite et un mobilier mariant gris et bleu. La livrée extérieure reprend les couleurs du réseau Astuce complétée par une mention claire du mode de propulsion "100% électrique".

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Les mobilités face au défi de la transition énergétique

UNE DÉMONSTRATION VAUT MIEUX QU’UN LONG DISCOURS Afin de convaincre les collectivités locales, les constructeurs leur présentent leur bus électriques afin qu’ils y soient essayés pendant quelque temps. Ainsi, un eCitaro est arrivé à Périgueux fin février, ville qui évalue également un eBusco. A Brest, c’est Heuliez qui était en démonstration en décembre. Quelques mois auparavant, BlueBus était en opération séduction à Saint-Malo. Les critères de sélection varient d’une agglomération à l’autre. Le prix, la compatibilité avec les contraintes opérationnelles, la pérennité vraisemblable du constructeur pendant les quinze années de vie du bus, l’accès aux aides à l’achat ou encore, l’aspect extérieur, peuvent tous se montrer déterminant à l’heure du choix. Les premiers achats de bus électriques français s’orientent plutôt en faveur de la recharge nocturne par prise. Irizar a toutefois réussi à vendre ses ieTram équipés de perches de recharge en toiture.

"En 2022, Rouen accueillera ses premiers bus hydrogène" © DR

ROUEN APRÈS RENNES Avant sa commande pour le réseau Astuce, l’eCitaro avait déjà fait parler de lui en septembre 2020 avec l’annonce de l’achat de 92 eCitaro par la métropole de Rennes. Pour un montant de 60,565 M€, son réseau Star va recevoir 33 bus standard (86 passagers) et 59 bus articulés (157 passagers) qui lui seront livrés entre 2022 et 2025. Les options retenues pas Rennes comprennent des vitrages en partie basse, un accès par quatre doubles portes sur les articulés ainsi qu’un soufflet translucide dans ces derniers. Pour favoriser la sécurité, Rennes a choisi la vision 360° par caméras. Rouen a pour sa part souscrit aux options Active Brake Assist et Sideguard Assist. La première est un super AEBS qui déclenche le freinage en cas de risque de collision frontale identifié par le radar avant et la caméra frontale. Le second est un radar latéral qui détecte la présence d’obstacles, de véhicules ou d’usagers vulnérables sur le côté droit du véhicule. A propos de sécurité, l’entrée en vigueur entre 2022 et 2024

© Daimler

Non retenue à Rouen, la recharge par potence en station est maintenant disponible pour les eCitaro.

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Président de Rouen Métropole et maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol poursuivra l’achat de bus électriques, voire hydrogène. Il travaille par ailleurs à une liaison ferroviaire performante entre Rouen et Elbeuf, un projet de longue haleine.

" Rouen s’oriente résolument vers des bus électriques " du règlement (UE) 2019/2144 du 27 novembre 2019 va notablement augmenter le nombre des équipements de sécurité obligatoires sur tous les véhicules neufs. Les transports de Rouen ont déjà connu des mutations profondes, notamment lors de l’entrée en service du nouveau tramway en 1994. Aujourd’hui, ce sont les bus électriques et hydrogène qui font l’actualité. Demain, l’agglomération accueillera peut-être un "mini-RER" ou un "tram train" afin de délester la ligne 32 du réseau de bus entre Rouen et Elbeuf. Nicolas Mayer-Rossignol espère mener à bien ce projet d’envergure au cours de son mandat de président de la métropole rouennaise. l

L’autonomie grâce à l’hydrogène Le 8 mars 2021, la Métropole de Rouen a annoncé que 11 bus hydrogène rejoindraient sa flotte à la rentrée 2022 pour un montant de 9,5 M€, soit 0,86 M€ l’unité. La présentation à cette occasion d’un Van Hool A330 FC en version 12 m laisse peu de doute sur le modèle choisi. Ces bus sont destinés à la ligne 6 du réseau Astuce. Traversant les communes du Petit-Quevilly, du Grand-Quevilly et de Petit-Couronne, elle est l’une des plus longues de ce réseau. Elle nécessite donc une autonomie conséquente. Grâce à 36 kg d’hydrogène compressé dans cinq bouteilles, ces bus hydrogène peuvent parcourir 350 km entre deux pleins. Cela correspond au besoin de cette ligne particulière. La livraison des véhicules devra être synchronisée avec l’entrée en service d’une station hydrogène dont l’installation est prévue au dépôt des Deux Rivières, à Rouen. Il est prévu qu’elle délivre de l’hydrogène vert en charge lente nocturne. Son coût étant estimé à 7 M€, la métropole de Rouen associée à Valorem et à Transdev tente de décrocher un financement partiel, voire complet, de l’Ademe. Pour cela, il faut que le dossier rouennais compte parmi les 17 que retiendra l’Ademe.


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LE MANS

La Setram a mis en service son premier bus hydrogène dès l’ouverture d’une station hydrogène dans l’agglomération mancelle. Le maire du Mans, Stéphane Le Foll, est favorable à la filière hydrogène, pour les bus bien sûr, mais aussi pour les trains régionaux. Engagée dans cette dynamique, Le Mans Métropole soutient le projet Qairos de production d’hydrogène à partir de chanvre

LENS

Par Loic FIEUX

MARSEILLE ROUEN

Le Mans entraîne le Grand Ouest vers l’hydrogène #84


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L

e réseau du Mans est déjà très expérimenté dans l’exploitation de véhicules fonctionnant au méthane (GNV), y compris des Iveco Crealis BHNS. Depuis le 16 septembre 2020, un autre gaz complète le mix énergétique mis en œuvre par la Setram (Société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération mancelle). Ce jour-là, un Safra Businova H2 est entré dans l’histoire en devenant le premier bus hydrogène exploité par ce réseau. Pour marquer l’événement, ce bus a été accessible gratuitement pendant ses trois premiers jours de service commercial sur la ligne 17 de la Setram. Après Versailles, Lens et Pau en 2019, Le Mans est entré en 2020 dans le club encore particulièrement élitiste des villes desservies par au moins un bus hydrogène. L’intention est de commander dix bus hydrogène supplémentaires pour Le Mans où Stéphane Le Foll, ex-ministre de l’agriculture, actuel maire du Mans et président du Mans Métropole déclare "J’ai pris l’engagement d’investir massivement dans un grand plan hydrogène. Nous allons continuer à être en pointe dans ce domaine à l’échelle des villes moyennes du grand ouest." En France, le top départ des bus hydrogène en exploitation commerciale a été donné le 12 septembre 2019 par les deux Van Hool A330 FC (3 essieux 13,15 m) exploités par Savac (Société automobiles de la vallée de Chevreuse) pour IdFM sur sa ligne 264, de Jouy-en-Josas à Versailles Chantiers. Cette expérimentation doit durer sept ans. Embarquant 39 kg d’hydrogène, les Van Hool A330 FC se ravitaillent à la station Air liquide des Loges-en-Josas. Celle-ci est également mise à profit par les Businova H2 arrivés peu après dans le parc de Keolis Versailles.

SANS STATION ADAPTÉE, PAS DE BUS HYDROGÈNE L’arrivée du Businova H2 sur le réseau Setram du Mans a été rendue possible par l’ouverture d’une station distribuant de l’hydrogène à proximité du circuit des 24 Heures. Capable de réaliser un plein de 20 kg d’hydrogène en 30 minutes, cette station participera au futur volet compétition hydrogène de l’ACO (organisateur des 24 heures), mais aussi aux transports en commun. Il y a là un rapprochement rarissime, voire unique, de la compétition automobile et du monde du TCP. À propos de l’achat de bus hydrogène, Stéphane Le Foll a probablement en vue une remise sur volume "Nous allons passer une commande groupée avec d’autres métropoles, comme Dijon". La nouvelle station pourrait également être utilisées par de futurs camions bennes à ordures fonctionnant à l’hydrogène. À ce jour, ils n’existent pas vraiment sur le marché européen, mais le coréen Hyundai a présenté son premier véhicule de ce type en janvier dernier.

LE CHANVRE, L’AUTRE MOYEN DE PASSER À L’HYDROGÈNE VERT Pour l’heure, la station hydrogène mancelle distribue de l’hydrogène gris issu des énergies fossiles. Ultérieurement, elle pourrait être associée à un dispositif de production d’hydrogène vert. Une telle production est prévue par le projet Multicit’Hy d’Hynamics (filiale du groupe EDF spécialisée dans l'hydrogène) qui doit mettre en place des stations hydrogène à Belfort (Territoire de Belfort), Gardanne (Bouches-du-Rhône), Nantes (Loire-Atlantique) et Nice (Alpes-Maritimes). Ces quatre installations représenteront une puissance cumulée d’électrolyse atteignant 8 MW afin de produire 3,2 t/jour d’hydrogène. Le projet nantais concentre à lui seul la moitié de ce potentiel. En amont de la filière hydrogène, Stéphane Le Foll souhaite que l’Etat soutienne le projet sarthois de production d’hydrogène à partir de chanvre. L’usine Qairos consacrée à la production d’hydrogène par py-

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Trois longueurs, deux largeurs, quatre motorisations Avec une caisse large de 2,55 m, le Businova existe en format "Businova Midibus L" (10,50 m) et "Businova standard" (12 m), ce dernier offrant de 92 à 100 places pour un PTAC de 20 t. Le constructeur propose également une déclinaison "Businova Midibus S", alias "mini-midi", large de 2,45 m et longue de 9,5 m qui s’attaque à un segment occupé principalement par l’Heuliez GX137. Comme toujours avec les motorisations alternatives, le coût du matériel ramené à la place offerte profite d’une augmentation de la capacité. Les petits formats s’en trouvent défavorisés.

rogazéification de la biomasse devrait ouvrir en 2022 sur un terrain du Mans Métropole à Trangé. Son approvisionnement nécessite d’affecter mille hectares de terres agricoles à la culture du chanvre. Son activité moyenne produirait 2 t/jour d’hydrogène, avec une capacité technique de 3,6 t/jour. Alternative à l’électrolyse, la production d’hydrogène à partir de biomasse relance la compétition quant à l’affectation des sols aux filières énergie plutôt qu’aux cultures alimentaires. Précisons que le procédé prévu à Trangé produit du biométhane en plus de l’hydrogène.

« Selon Stéphane Le Foll, Le Mans continuera d’être en pointe dans le domaine de l’hydrogène »

LA RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE CHOISIT L’HYDROGÈNE En élargissant le périmètre autour du Mans, la région des Pays de la Loire prévoit le déblocage de 100 M€ afin d’accompagner plusieurs projets liés à l’hydrogène, y compris une ligne de cars interurbains fonctionnant avec ce gaz et un TER qui ferait de même. A ce jour, Alstom a déjà mis en service son train régional hydrogène Coradia iLint en Allemagne. En revanche, aucun car hydrogène n’est proposé en Europe. Stéphane Le Foll a sollicité par courriers les président des régions Centre-Val-de-Loire, Normandie et Pays-de-la-Loire « L’acquisition commune de trains hydrogène par nos trois régions, autorités organisatrices de transport ferroviaire, marquerait, une étape significative dans la structuration de la filière hydrogène de nos territoires du Grand Ouest et pour développer les lignes ferroviaires secondaires. » Le président du Mans Métropole, est favorable à « une démarche concertée d’engagement en faveur de l’utilisation de matériels hydrogène sur les relations ferroviaires entre Caen, Alençon, Le Mans et Tours ». Rappelons que les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Occitanie s’intéressent déjà à l’hydrogène pour leurs trains régionaux.

LE MANS A CHOISI LE BUSINOVA Modularité, originalité, et capacité d’adaptation aux besoins particuliers des réseaux participent à la forte personnalité du Safra Businova. Comme l’Alstom Aptis, le Safra Businova s’affranchit des habitudes installées pour la conception des bus standard. "C’est un véhicule évolutif au design innovant" affirme Vincent Lemaire, président de Safra. Il ajoute "Businova est notre programme de croissance. Nous y avons déjà investi 12 M€. Tout ce que nous gagnons dans nos métiers histo-

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riques de rénovation de bus, métros et tramways, nous le réinvestissons pour recréer de l’industrie en France avec Businova." Seul bus à disposer d’un "pack énergie" supporté par un troisième essieu dirigé et glissé sous le porte-à-faux arrière, le Businova laisse le choix de la longueur et de la largeur, mais aussi et surtout, celui de l’énergie. C’est dans sa partie arrière qu’il est le plus original puisque le sous-ensemble technique glissé sous le porte-à-faux arrière détermine l’énergie. Il en résulte une partie arrière surélevée, accessible au prix d’une volée de marche. Offrant une perspective "cathédrale" depuis l’avant du véhicule, l’arrière forme un "belvédère". C’est une rotonde intégralement vitrée, y compris en toiture. Le pack énergie interdit les configurations à trois portes, mais il isole les bruits et vibrations d’un moteur thermique dans le cas où le client choisit une configuration thermique hybride. Le Businova profite d’une hauteur intérieure exceptionnelle (2,9 m), favorisée par l’absence de matériels lourds en toiture. À l’intérieur, quatre colonnes verticales masquent différents équipements, dont les réservoirs de fluides.

La saga du Businova Créée en 1955, la Société Albigeoise de fabrication et de réparation automobile (Safra) a développé le Businova en se fondant sur le concept originel fourni par R&D Industries. La maquette du véhicule est présentée à Strasbourg en 2011, puis un démonstrateur roulant voit le jour un an plus tard. La première immatriculation a lieu en 2014, puis le véhicule est évalué en 2015 à Albi, Gaillac, Périgueux et Toulouse en prélude à sa commercialisation. La première commande est signée le 14 juin 2017 avec deux véhicules diesel hybrides pour Périgueux à 0,458 M€ l’unité. Castres-Mazamet suit peu après avec l’achat de trois véhicules au cours de la même année. En 2018, Safra joue à domicile en enregistrant la commande de deux unités pour Albi. La success story s’est ensuite amorcée pour la version hydrogène livrée à partir de 2019.

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Un premier Businova H2 est entré en service sur le réseau Setram du Mans en prélude à dix autres bus hydrogène annoncés par le maire du Mans Stéphane Le Foll.

LE BUSINOVA, UN BUS ÉLECTRIQUE, MAIS PAS SEULEMENT… Fondamentalement, le Businova est un bus électrique. Sa batterie lithium-ion de 132 kWh partage sa technologie avec celle des navettes Navya et offre une autonomie de 90 km. Au minimum, cette batterie est rechargeable par prise à l’arrêt. Elle alimente un moteur synchrone 200 kW (250 kW en crête) qui entraîne un pont moteur ZF AV133. A l’avant, on trouve un essieu à roues indépendantes. Jusque-là, c’est encore presque classique. L’originalité émerge quand on constate que le pont est associé à une boîte de couplage connectée au moteur électrique déjà évoqué, mais aussi à un moteur hydraulique. L’un des rôles de ce dernier est l’assistance au démarrage grâce à la mise sous pression du circuit hydraulique lors des phases de ralentissement. La batterie ayant une capacité relativement réduite, le Businova s’envisage avec un prolongateur d’autonomie. Cela peut prendre la forme d’une hybridation "série" avec un groupe électrogène entraîné par un petit moteur diesel VM Motori (approvisionné par 48 l de gazole) ou par un moteur GNV. Sans liaison mécanique avec le pont moteur, le groupe thermique l’entraîne au moyen du circuit hydraulique. Quant au confort thermique, il est assuré par une pompe à chaleur réversible (24 ou 36 kW), utilisable en climatiseur. C’est par exemple un Businova hybride diesel rechargeable qui a été testé pendant huit mois sur la ligne 82 de la RTM marseillaise. Albi a commandé cette version tandis que Grenoble (SEMITAG) a choisi celle équipée d’un moteur GNV. Ils seront les premiers bus électriques hybrides rechargeables avec prolongateur d’énergie au GNV en service en France. Bien que les premiers Businova aient été livrés avec un prolongateur d’énergie diesel, Safra a annoncé en 2018 une solution hydrogène avec pile à combustible (PàC) beaucoup plus ambitieuse et livrée depuis 2019.


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Stratégies territoriales "Selon Stéphane Le Foll, Le Mans continuera d’être en pointe dans le domaine de l’hydrogène"

à la RATP en octobre et novembre 2020 avant de laisser pendant quelques jours au dépôt Transdev de Cluses (Arv'i). Historiquement, c’est l’appel d’offres lancé fin 2017 par syndicat mixte des transports Artois-Gohelle (SMTAG) pour la fourniture de bus hydrogène au réseau de Lens (Tadao) qui a conduit à la première commande de Businova H2, officialisée le 4 mai 2018. Au jeu des annonces de "premières", le réseau lensois Tadao fut, avec sa ligne Bulle 6 (13,4 km), le premier en France à exploiter une ligne exclusivement avec des bus hydrogène. Il y parcourent 420000 km/an, soit 70000 km/an/bus. Fin mars 2021, le parc français de bus hydrogène est composé de 2 VanHool A330FC à Versailles (IdFM) et 8 VanHool Exquicity à Pau (Febus) tandis que le Safra Businova H2 est présent à raison de 6 exemplaires à Lens (Tadao) et 1 au Mans (Setram) auxquels s’ajoutent 5 unités en cours de livraison pour Versailles (BE Green pour Keolis Versailles).

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Prochainement, 4 Businova H2 équiperont l’aéroport de Toulouse (HyPort) et 5 entreront en service à Auxerre (Leo), soit 21 Businova H2 commandés au total. À Auxerre, Safra s’est associé à un partenaire local, Hamel PL (groupe Berthier) afin que la disponibilité des bus soit garantie par une maintenance de proximité.

Maire du Mans et président du Mans Métropole, Stéphane Le Foll veut entraîner les régions de l’Ouest dans une dynamique favorable à l’hydrogène appliqué aux transports publics, bus et trains régionaux compris.

LE BUSINOVA H2, L’HYDROGÈNE À LA FRANÇAISE Le 1er octobre 2019, Safra levait le voile sur le Businova H2 en l’exposant aux RNTP. Avec Safra pour le véhicule hors motorisation, et Symbio (filiale de Michelin) pour sa PàC, le Businova est un véhicule majoritairement français. Une PàC n’étant pas en mesure de s’adapter instantanément aux fortes variations des appels de puissance, elle n’alimente pas directement le moteur électrique. Elle charge une batterie dans laquelle le moteur puise. Plusieurs compromis sont possibles pour le dimensionnement de la PàC et de la batterie. L’option "full power" associe une petite batterie à une grosse PàC. Dans le cas du Businova, c’est une configuration "mid power" qui a été retenue avec un pack de batteries 132 kWh commun à tous les Businova et une PàC 30 kW (module H2Motiv L) approvisionnée par 28 kg d’hydrogène (1200 l à 350 bars) pour 300 km d’autonomie.

CONTENIR LES PRIX ET CHOISIR L’HYDROGÈNE VERT Le 20 octobre 2020 Safra a annoncé son soutien à l’Alliance européenne pour l’hydrogène propre, mais le constructeur ne maîtrise évidemment pas l’origine de l’hydrogène utilisé par ses clients. Actuellement, les stations Total/McPhy au Mans et Air Liquide aux Loges-enJosas distribuent de l’hydrogène gris tandis que la station McPhy de Lens fournit de l’hydrogène vert. C’est également de l’hydrogène vert qui est distribuée par Engie à Pau et le sera bientôt à Toulouse-Blagnac par AREC et Cofely (filiale d’Engie) ainsi qu’à Auxerre par Hynamics (filiale d’EDF). À propos du prix unitaire des bus hydrogène, les Businova H2 de Tadao coûtent 0,62€ à comparer aux bus articulés VanHool Exquicity de Pau qui coûtent 1,17 M€. Quant aux bennes à ordures hydrogène qui pourraient participer à l’amortissement des stations hydrogène, elles couteraient 0,775 M€ selon l’estimation de Challans Gois Communauté (Vendée) qui ne supporterait que 22% de l’investissement, le reste étant réparti entre l’Ademe, la région et le département.

L’OFFRE DE BUS HYDROGÈNE RESTE ENCORE LIMITÉE

Face à ces prix stratosphériques, le référencement par les centrales d’achat est un atout à ne pas négliger par les constructeurs. Sur ce point, le Businova coche toutes les cases. Dès sa première commande (2017), le Businova diesel hybride rechargeable a été vendu à travers la CATP (Centrale d’Achat des Transports Publics). En janvier 2020, l’UGAP (Union des Groupements d'Achats Publics) a référencé le Businova électrique (9,5 ou 10,5 ou 12 m) tandis que le Businova H2 profite du référencement CATP depuis l’été 2020 pour ses versions 10,5 m et 12 m, et de celui de l'UGAP depuis février 2021. Du côté de la concurrence, le VanHool A330FC 12 m a lui aussi été référencé par l'UGAP.

Iveco, MAN-Neoplan et Mercedes ont commercialisé des bus hydrogène, mais ils se sont désengagés de ce marché et y reviendront certainement dans un proche avenir. Actuellement, l’offre en bus hydrogène est extrêmement réduite. Caetano fait des démonstrations en Europe de son H2.CityGold. Solaris a pour sa part confié un Urbino 12 Hydrogen

Par petites touches, l’hydrogène prend position dans le paysage des transports en commun. L’absence d’émissions des bus hydrogène sur leurs lieux de circulation ne doit pas occulter l’impact de l’hydrogène gris sur le réchauffement climatique. Seul l’hydrogène vert présente un intérêt vis-à-vis de l’environnement. l

Cette approche "mid power" réduit la quantité d’hydrogène embarqué par rapport au "full power". Pour sa part, Symbio laisse le choix puisqu’il propose des PàC de 5 à 100 kW. Le choix de la PàC est stratégique sur un véhicule hydrogène. Le belge Van Hool et le polonais Solaris (groupe espagnol CAF) font appel au canadien Ballard pour leurs PàC tandis que le portugais Caetano s’appuie sur celles du japonais Toyota.

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La plus grande flotte de bus urbains roulant au b100 !

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Laurent Duporge

Le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle Camille VALENTIN

Comment le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle en est-il venu à choisir l’hydrogène pour alimenter une ligne de réseau ? C’est l’aboutissement de deux phases successives. Il faut rappeler que la réflexion sur les choix des motorisations de bus a été menée dès 2015, à une époque où personne ou presque n’évoquait l’alternative de l’hydrogène. Toute notre flotte roulait au diesel et nous voulions en finir avec ce monopole. Trois autres choix s’offraient à nous : le gaz, les bus hybrides et le tout électrique. Ce sont les caractéristiques "physiques " de notre réseau qui nous ont poussé à choisir les moteurs hybrides (diesel + électrique). Avec le gaz et le tout électrique, nous étions confrontés à des problèmes d’autonomie insurmontables avec les 1 000 km² du périmètre TADAO. Le choix aurait peut-être été différent si les lignes avaient été plus courtes ou hyper-concentrées. Choisir l’hybride, c’était répondre à notre souci de développement environnemental et à celui de pouvoir compter sur une fiabilité éprouvée partout où ce choix a été effectué, en France ou ailleurs.

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La perspective de l’hydrogène est venue bien plus tard après une rencontre avec Daniel Percheron au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. L’ancien président de l’institution voulait bien nous accorder des subventions mais il souhaitait plus d’audace, une véritable innovation. Il nous a expliqué que l’hydrogène pouvait être le carburant du futur. Nous avons donc décidé d’emprunter ce chemin, pour voir où il menait. Pourquoi choisir la bulle 6 comme terrain d’expérimentation "hydrogène vert" ? Les élus et les techniciens ont planché sur tous les scénarios, étudié toutes les caractéristiques. Ils se sont inspirés des projets émergents en Europe, en Allemagne et aux Pays-Bas notamment. Premier enseignement majeur rapidement identifié : la nécessité de se doter d’une filière hydrogène complète. Pas question d’être dépendant de "l’extérieur" pour l’approvisionnement en carburant. Le bon sens environnemental nous a donc poussé à produire notre hydrogène sur site, à partir d’électricité d’origine verte garantie !


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On savait que ce serait plus coûteux mais l’innovation mérite ce type d’investissement. Autre évidence, le choix de la Bulle 6 en raison de son périmètre d’action qui nécessite un seul plein/jour avec des bus de 12 m. C’est le rôle d’une collectivité publique que de faire des choix et de s’y tenir. Aujourd’hui, nous sommes en avance sur tout le monde, ce n’est pas un hasard, simplement le fruit d’un long cheminement Quelles sont les perspectives à venir ? Nous allons continuer à analyser minutieusement tout ce qui se passe sur le parcours de la Bulle 6 et poursuivre la fiabilisation du fonctionnement se poursuit et d’ores et déjà, le principe d’un allongement de la Bulle 6 vers Lillers est acquis. Le SMT Artois-Gohelle se veut être aujourd’hui le démonstrateur d’une solution 100% française qui préfigure sans doute l’avenir de la mobilité durable. A ce titre, plus d’un millier de visiteurs ont déjà été accueillis sur site pour découvrir cette ligne hydrogène. Espace dédié, animation en réalité augmentée, visite guidée… tout est fait pour être en mesure de partager avec le plus grand nombre cette réussite. N’hésitez donc surtout pas à prendre l’attache de nos services pour une visite sur site ou une visioconférence (contact@smtag.fr). Cette première ligne hydrogène a d’ores et déjà été récompensée 4 fois. Lors de l’édition 2019 d’Hydrogénies - les Trophées de l’hydrogène - qui s’était déroulée à Dunkerque en présence de tous les spécialistes des énergies nouvelles et durables, le Syndicat mixte des transports Artois-Gohelle avait été désigné lauréat du Prix du Service de transport aux voyageurs. Dix mois plus tard, au mois de novembre 2019, la Bulle 6 était enfin opérationnelle sur le réseau TADAO. Une étape décisive était franchie… Il s’agissait d’une première en France. Logiquement, le SMTAG était récompensé une deuxième fois à l’occasion du 28ème Palmarès des mobilités organisé par le magazine Ville Rail & Transports. Au cours de la cérémonie qui s’est déroulée à Paris au mois de décembre 2019, les professionnels français du transport de personnes réunis pour l’occasion ont salué les efforts déployés et accordé au SMTAG le prix de l’innovation. Ensuite ont suivi, les Trophées de l’ingénierie territoriale 2020, avec le Prix du projet mobilité Voirie-Routes et le Trophée de l’innovation du transport public Catégorie "Energie - Environnement" obtenu dans le cadre de la European mobility expo 2020. Ces quatre distinctions ont valeur d’exemple. Elles sont les premiers signes d’une reconnaissance du travail accompli jusqu’ici dans le domaine très novateur des énergies renouvelables. Ces récompenses valorisent le travail du SMTAG pour le développement d’une ligne de bus 100% hydrogène ainsi que la création d’une station hydrogène. Aujourd’hui, que ce soit sur les rails, dans les airs ou encore sur les routes, les projets "hydrogène" se multiplient, partout dans le monde et ce n’est que le début d’une nouvelle ère industrielle, plus vertueuse que les précédentes. Le SMTAG prend toute sa part dans cette quête et il continue de travailler sur plusieurs projets novateurs. Depuis le début du mois de mars 2021 par exemple, le réseau TADAO fait rouler tous ses hybrides Volvo au biocarburant. Ce sont donc 26 bus, de 10 et 12m qui roulent 100% à l’huile de Colza. Le B100, c’est son nom, est un biocarburant intégralement produit à

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partir de colza français et, qui plus est, local. Il remplace le diesel et représente une alternative au diesel classique... On ne parle pas ici de diester, mais bien d’un biocarburant issu à 100% de végétaux, en l’occurrence du colza. Volvo s’est engagé sur la garantie et permet ainsi à l’ensemble de ses bus hybrides roulant sur notre réseau, de circuler avec 100% de biocarburant à la place du diesel. Ce biocarburant sera fourni par le groupe Avril qui le commercialise sous le nom d’Oléo100®. Avec une surconsommation annoncée à moins de 5%, il est capable d’offrir une autonomie équivalente à celle du diesel, tout en rejetant beaucoup moins de particules fines. En effet, le B100 permet de réduire jusqu’à 80% les émissions de particules fines et ultrafines. Alors soyons clair, même en roulant avec ce biocarburant, les bus vont continuer à produire du CO², mais l’économie se trouve ailleurs. Le colza, avant sa récolte, consomme du CO² et rejette de l’oxygène (photosynthèse), comme tous les végétaux. Il se trouve que la quantité de CO² absorbée avant la récolte correspond à la quantité de CO² qui sera rejetée par le bus en fonctionnement. Cette compensation fait, "du champ à la roue", une économie de 60% d’émission de gaz à effet de serre par rapport au diesel. Avec la première ligne de bus hydrogène et maintenant la plus grande flotte de bus urbains roulant au B100, le SMT Artois-Gohelle ouvre une nouvelle page de son histoire, résolument tournée vers l’avenir. l


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Le groupe emploie plus de 10 000 personnes en France et produit notamment les moteurs des autobus et autocars Volvo.

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L’ensemble de la gamme Volvo est compatible B100, énergie renouvelable d’origine végétale réduisant les émissions de CO2 de plus de 60%

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Sécurité de 1ère classe

Le service télématique Volvo Safety Zones, qui limite automatiquement la vitesse dans les zones définies, améliore la sécurité et réduit la consommation de carburant.

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