L TRIMESTRIE
ÉDITION NUMÉRI-QNU°8E OCT. 2020
MOBILITÉ DURABLE
LES TERRITOIRES S’ORGANISENT TOUR D’HORIZON « Le fonctionnement des éco-organismes est contre-productif »
SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS Friches polluées : quelles solutions pour les mobiliser ?
AMBITIONS Sophie Ricard, l’art et la manière de la permanence architecturale
ZOOM SUR...
... le Grand Nancy, priorité au social et à l’écologie
MOBILITÉS Gratuité des transports : deux métropoles sautent le pas
Interview de Mathieu Klein, nouveau maire (PS) de la ville de Nancy et président de la métropole du Grand Nancy
PASSEZ À L’ÉLECTRIQUE EN TOUTE SÉCURITÉ
Samuel Bendeks directeur de la publication et rédacteur en chef
© Pascal LÉOPOLD
Nouveau rendez-vous dans Objectif Métropoles de France : un focus sur une métropole. Nous inaugurons cette rubrique avec Nancy. La ville et la métropole sont désormais gouvernées par la gauche, grâce à une alliance avec les écologistes, après 70 ans d’hégémonie de la droite. La capitale lorraine illustre ainsi la tendance de fond qui a marqué les élections municipales, dans la lignée du scrutin européen l’année précédente. Pour Mathieu Klein, nouveau maire et président du Grand Nancy, les priorités affichées vont au social et à l’écologie - quoi de plus normal. Premières décisions : l’adoption d’un plan pauvreté et d’un schéma des mobilités, ou encore de mesures de végétalisation.
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Bluebus 12 mètres 109 passagers - Jusqu’à 320 km d’autonomie*
SÉCURITÉ
FIABILITÉ
Batteries LMP® testées sur 300 millions de km dans plus de 50 villes en France et à l’international
Plus de 400 Bluebus en exploitation
Ailleurs, ces mêmes priorités se déclinent également. Ce sont ces sujets que nous avons souhaité mettre en avant dans ce numéro : cri d’alarme des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, appel à la nécessaire réduction des déchets et à limiter le gaspillage alimentaire… Mais aussi un dossier sur les mobilités, secteur dont la mutation déjà enclenchée est en train de s’accélérer. Car la crise sanitaire amplifie les tendances et modifie les rythmes. Dans un climat d’incertitudes généralisées, difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait. Mais c’est aussi cette même crise qui nous pousse à réinventer les modèles. Maintenant. Redonner de la valeur aux terrains à l’abandon que sont les friches, repenser la production d’énergie, trouver de nouveaux montages opérationnels… En créant une société coopérative pour faire rouler des trains sur les lignes délaissées irriguant les petites et moyennes villes, Railcoop montre la voie. Servir le local, les territoires. Pour améliorer encore la vie des Français. ◆
RETROUVEZ LA RÉDACTION D’OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE DANS LA MATINALE DE PUBLIC SÉNAT PRÉSENTÉE PAR ORIANE MANCINI.
QUALITÉ
DU LUNDI AU VENDREDI DE 7H30 À 9H, SUR LE CANAL 13.
Bus et batteries fabriqués en France sur 3 sites de production en Bretagne OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 3
© Antonia Torrès
Édito
Sommaire
#8 - Octobre 2020
ABONNEZ-VOUS
6
35
58
TOUR D’HORIZON
MOBILITÉ DURABLE
AMBITIONS
En images Actus des territoires
6 12
Grand Entretien
Christophe Devys, président du collectif Alerte 18 Démocratie participative
Une escroquerie intellectuelle ? 20 Interview
Flore Berlingen : « Le fonctionnement des éco-organismes est contre-productif » 22 Face à face
La différenciation : oui, mais... 24
26
36
Gratuité des transports : deux métropoles sautent le pas 42 Tribune
« Le spectre de la voiture individuelle est de retour » par Thibault Lécuyer, directeur marketing, Padam Mobility 46
48 Chaufferies biomasse
L’arbre qui cache la forêt ?
48
Friches polluées
26
Interview de Mathieu Klein, nouveau maire (PS) de la ville de Nancy et président de la métropole du Grand Nancy 27 Les premiers pas du Grand Nancy de Mathieu Klein
Vers des transports décarbonés
35
SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS
ZOOM SUR UNE MÉTROPOLE Le Grand Nancy, priorité au social et à l’écologie
Les territoires s’organisent
Quelles solutions pour les mobiliser ?
Territoire zéro chômeur
Des débuts prometteurs
52 56
32
4 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
au premier magazine d’information sur les métropoles françaises
17E
SEULEMENT POUR 1 AN
Transports
Railcoop, la coopérative qui fait rouler des trains
Frais de port et de livraison offerts
58
Entreprise
Avec Comerso, ne jetez plus ! 62 Culture
Démos : 10 ans de transmission musicale
64
Talents
Renvoyez ce bulletin dûment rempli accompagné de votre règlement à l’ordre d’EUROCOM : 15, rue de Bellechasse - 75007 Paris ou par mail : objectifmetropolesdefrance.fr
Sophie Ricard, l’art et la manière de la permanence architecturale 66
Magazine édité par Eurocom 15, rue de Bellechasse - 75007 Paris SAS au capital de 169 024 euros - Tél. : 01 42 22 49 39 Rédaction : 15, rue de Bellechasse - 75007 Paris objectifmetropolesdefrance.fr Directeur de la publication et rédacteur en chef : Samuel Bendeks samuel.bendeks@objectifmetropolesdefrance.fr Directeur de la rédaction : Sébastien Fournier sebastien.fournier@objectifmetropolesdefrance.fr Rédactrice en chef déléguée : Magali Tran - magali.tran@objectifgrandparis.fr Secrétaire de rédaction : Chloé Chateau Assistantes de direction : Nadine Huriez - nadine.huriez@objectifgrandparis.fr Nadège Quentin - nadege.quentin@objectifgrandparis.fr Ont collaboré à ce numéro : Charlotte Fauve, Agnès Morel et Yoanna Sallese Création / maquette : Marc Desmoulin - marc.desmoulin@gmail.com Dépôt légal à parution - ISSN : 2269 - 8795 Enregistrement CNIL : 1715414
OUI, je souhaite m’abonner au magazine OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE pour 1 an (4 parutions) au tarif de 17€ seulement au lieu de 20 €*, frais de port offerts en France métropolitaine (pour un abonnement hors France métropolitaine, ajouter 10€ de frais de port). J’indique mes coordonnées :
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EN IMAGES
Après l’ouverture de l’Atelier des Lumières à Paris en 2018, Culturespace a inauguré les Bassins de Lumières à Bordeaux. Dans les anciennes cales de la base sous-marine, située le long de la Garonne, ce nouveau Centre d’art numérique présente des expositions immersives : le visiteur est littéralement plongé dans des reproductions d’œuvres d’artistes, projetées en continu sur les murs et se reflétant dans l’eau des bassins. La programmation débute par quatre expositions, dans chacune des alvéoles, dont une – déjà présentée à Paris – réinterprète les tableaux de Gustav Klimt. Une autre met le peintre Paul Klee à l’honneur. Culturespace espère atteindre, à terme, 450 000 visiteurs par an, dans ce vaste espace totalisant 12 000 mètres carrés de projection. La première programmation durera jusqu’au 3 janvier 2021. ◆
6 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 7
© Culturespaces Anaka photographie
Les Bassins de Lumières à Bordeaux
EN IMAGES
Engouement pour le Voyage à Nantes
Filili Viridi, le Jardin des plantes, Le Voyage à Nantes 2020, Jean Jullien, Le Ratisseur.
8 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 9
© Ville de Nantes - Jean-Félix Fayolles
L’événement estival du Voyage à Nantes, qui s’est déroulé du 8 août au 27 septembre « a connu une fréquentation dans les lieux fermés quasi comparable à celle de 2019, malgré des jauges réduites », affirme Jean Blaise, directeur du Voyage à Nantes, qui estime que la perte des visiteurs étrangers a été compensée par du public français. Des œuvres d’art, des éléments du patrimoine ou encore des lieux remarquables, reliés par une ligne verte tout au long de l’année et à travers toute la métropole sur 12 kilomètres, constituent le Voyage à Nantes permanent. Et durant les deux mois d’été, il s’étoffe d’œuvres éphémères, d’animations et de l’ouverture de certains lieux culturels. Certaines de ces œuvres sont pérennisées, enrichissant le parcours. ◆
EN IMAGES
Toulon se prépare à accueillir le Parc de la Loubière
© VAD
« Il s’agit d’un dossier emblématique : on ne crée pas tous les jours un jardin de cette taille en plein cœur d’une grande ville », selon Hubert Falco, président de Toulon Provence Méditerranée. Présenté fin septembre, le projet du Parc de la Loubière vise la transformation d’une friche industrielle en un espace vert de 16 000 mètres carrés. Faisant le lien entre l’arrière-pays, le mont Faron et la mer en contrebas, le nouveau parc sera planté de différentes espèces représentatives des paysages méditerranéens, avec aussi bien des espèces endémiques (pins parasols, chênes, oliviers, arbousiers, amandiers…) que d’autres typiques des lieux de villégiature de la côte (aloès, agaves, eucalyptus…). Par sa localisation en cœur de ville, le rôle de ce parc se jouera aussi sur le plan écologique : amélioration de la qualité de l’air, enrichissement de la biodiversité, abaissement des températures, etc. Le site, encore partiellement occupé par Enedis et GRDF, sera dépollué et un quart de la surface retrouvera la pleine terre. Var Amé nagement Développement, aménageur du site, prévoit une livraison pour le printemps 2022. ◆
10 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 11
ACTUS DES TERRITOIRES POLITIQUE DE LA VILLE
REVITALISATION COMMERCIALE
Commerces de centre-ville : Rennes lance un appel à projets
Thierry Falconnet,
président de Ville & Banlieue
Johanna Rolland prend la tête de France urbaine, l’Association des maires de grandes villes de France et des présidents de Métropoles. Johanna Rolland, maire de Nantes (PS) a été élue présidente de l’association d’élus France urbaine, succédant à Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse (LR). Avec 51 voix, contre 46 pour son prédécesseur, elle devient la première femme à diriger cette association née en 2015 de la fusion de l’Association des maires de grandes villes de France avec celle des communautés urbaines de France. Ce vote est la conséquence de la progression de la gauche dans les grandes villes de France et métropoles lors des dernières municipales. Aujourd’hui, l’association compte 59 membres à gauche contre 45 à droite alors qu’à l’issue du précédent scrutin, en 2014, les deux blocs siégeaient à parité. L’élection de Johanna Rolland n’a pourtant pas été une promenade de santé. Une primaire a été organisée pour désigner le candidat de la gauche. François Rebsamen, maire de Dijon, adoubé par le PS lors de son congrès fin août, lui a disputé la place. Les deux élus se sont affrontés à fleurets mouchetés quelques jours avant le vote. L’édile de Nantes reprochait à son collègue de Dijon d’aller chercher les voix de droite, quand ce dernier voyait dans la candidature de Johanna Rolland une prise de pouvoir des Verts. Une façon de critiquer l’accord qu’elle a passé avec les écologistes au second tour des municipales à Nantes. Au fond, cette rivalité a mis en évidence les désaccords qui règnent au PS sur la question des alliances. ◆
COMMERCES
À Brest, on double la mise en prévision des fêtes ! Pour soutenir le commerce de proximité qui souffre de la crise de la Covid-19, la métropole de Brest s’est jointe à une association de commerçants. Ensemble, ils lancent une opération baptisée « Doublez la mise » : les habitants achètent des chèques cadeaux bonifiés valables dans toutes les boutiques membres de l’association. Pour 20 euros dépensés, la valeur d’un chèque, le consommateur bénéficiera d’un pouvoir d’achat doublé, soit 40 euros. L’opération a démarré le 13 octobre pour deux mois. ◆
12 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
ILS ONT DIT... « Un choc, il faut un choc de la commande publique. Lancer très rapidement les appels d’offres, c’est permettre aux entreprises de travailler. C’est le message d’alerte que nous adressons à chaque élu. » BRUNO CAVAGNÉ, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES TRAVAUX PUBLICS.
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
La métropole de Montpellier se dote d’une agence de développement économique Promesse de campagne de Michaël Delafosse, nouveau maire et président de Montpellier Méditerranée Métropole, la création d’une agence de développement économique a été votée le 12 octobre. Elle travaillera en partenariat avec les collectivités voisines, la Région Occitanie et les acteurs publics et privés du territoire autour de cinq axes prioritaires : développer le tourisme ; attirer des investisseurs économiques ; attirer des entreprises sur la base d’une stratégie de foncier économique ; créer un réseau d’ambassadeurs ; accueillir des événements de rayonnement national et international, notamment sur les thématiques du développement durable et de la transition écologique. L’agence sera installée au premier semestre 2021 et sera présidée par Alex Larue, candidat (LR) malheureux aux précédentes municipales. ◆
© Didier Gouray Rennes Ville et Metropole
ILS ONT DIT... « Antoine Frérot, président de Veolia, est le docteur Jekyll et Mister Hyde de la gouvernance d’entreprise. » JEAN PEYRELEVADE, HAUT FONCTIONNAIRE ET BANQUIER, AU SUJET DE L’AFFAIRE VEOLIA-SUEZ.
MOBILITÉS
À Saint-Étienne : avec Moovizzy, se déplacer avec une seule appli Saint-Étienne Métropole a développé Moovizy 2, une nouvelle application dédiée aux mobilités, en partenariat avec Transdev, la Stas (filiale de Transdev, exploitant du réseau de transports stéphanois) et Cityway. Pensée dans l’esprit du Maas (Mobility as a service), cette nouvelle version regroupe au même endroit tous les moyens de transport possibles pour un trajet : bus, tramway, trolleybus, vélo en libre-service, mais aussi auto-partage, taxi, train et co-voiturage. Outre la fonction de recherche, de géolocalisation et d’état du trafic, Moovizy 2 permet de réserver directement sa place et de la payer. ◆
OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 13
TOUR D’HORIZON
TOUR D’HORIZON
Une femme à la tête du lobby des grandes villes
Thierry Falconnet, maire de Chenôve et vice-président de Dijon Métropole, a été élu président de l’association des maires Ville & Banlieue de France. Catherine Arenou, maire de Chanteloup-lesVignes (Yvelines), reste première vice-présidente. Cette instance regroupe les élus des communes comportant sur leur territoires un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Pour cette nouvelle manda ture, les élus militeront notamment pour « la compensation intégrale des frais engagés par les communes durant la crise sanitaire pour les populations des QPV de leur territoire ». L’éducation et la scolarité, ainsi que le logement (dettes locatives), font également partie des chantiers prioritaires. ◆
© Montpellier conseil métropole
© Martial Ruaud
© DR
Afin de conforter l’attractivité commerciale du centre historique de Rennes, la société publique locale d’aménagement (SPLA) Territoires Publics lance un appel à projets. Il vise à trouver preneur pour deux locaux, préalablement réhabilités, tout en conservant un équilibre dans l’offre commerciale du quartier. Ainsi, les deux commerces devront proposer au choix de la restauration, du commerce de détail ou de l’artisanat. Le choix se fera à une double échelle : celle du quartier et celle du centre-ville dans son ensemble. Les porteurs de projet peuvent déposer leur candidature jusqu’au 11 décembre auprès de Territoires Publics. Au total, une vingtaine de locaux, principalement situés dans le centre historique seront remis sur le marché au fur et à mesure de leurs réhabilitations, d’ici à 2025. ◆
ACTUS DES TERRITOIRES
©Paris La Défense
Strasbourg : les jeunes aussi plébiscitent le vélo
ÉNERGIE
Depuis un mois, l’établissement public Paris La Défense teste des « oasis énergétiques ». Implantées sur l’espace public, ces installations innovantes de production locale d’énergie renouvelable sont mises librement à disposition des usagers du quartier. Quatre formes de production et de stockage d’énergie sont testées. Des « Arbres Sol’Air », composés de panneaux photovoltaïques, peuvent alimenter l’éclairage ou recharger les trottinettes. La « Wind Box » s’installe sur des espaces inutilisés en toiture et produit de l’énergie grâce au vent via une turbine. Avec « Wattway Pack », des dalles solaires sont installées sur le sol, permettant la recharge des véhicules de mobilités alternatives. Enfin, les « Oasis Café » sont des centrales énergétiques sur roues, plutôt destinées à l’alimentation électrique ponctuelle des food trucks présents sur l’esplanade. Paris La Défense se donne six mois pour tester et évaluer ces dispositifs. Si le bilan s’avère concluant, ces innovations pourront être pérennisées et déployées plus largement. ◆
TRANSPORT PUBLIC
Pertes de recettes : la compensation sera pour tous ! Les recettes du transport public sont en baisse en raison de la crise sanitaire (voir dossier mobilité). Pour venir en aide aux Autorités organisatrices de la mobilité (AOM), l’État s’engage à compenser une partie de leurs pertes. Mais, à ce jour, seules les AOM organisées en syndicat mixte sont éligibles. Problème, la plupart ne le sont pas, comme à Marseille. Furibards, les élus locaux dénoncent un traitement inégal et demandent au gouvernement de corriger cette injustice. Selon un bon connaisseur du dossier, il n’y serait pas hostile. En fait, selon cet observateur, si la mesure n’a pas concerné d’emblée l’ensemble des AOM, c’est à cause d’un technocrate qui ne connaît rien au dossier. Un probable 4e texte rectificatif de la loi de Finances de 2020 devrait donc être prochainement discuté. ◆
14 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
Lille, Capitale Mondiale du Design
Tours Métropole opte pour une campagne de communication décalée Faire sourire en période de crise, c’est délicat. Si le sujet de la Covid-19 est sensible, la métropole de Tours n’a pas eu peur de choisir une campagne de communication décalée autour des gestes barrière. À chaque commune membre de la métropole est associé un slogan sur fond de jeu de mots. ◆
Quel avenir pour la Cité de la gastronomie de Lyon ? Neuf mois après son inauguration au sein de l’ancien Hôtel-Dieu, la Cité internationale de la gastronomie de Lyon fermait ses portes à l’été 2020. Aujourd’hui, Bruno Bernard, président de la métropole, souhaite que soit lancée « une consultation citoyenne ambitieuse avec la création d’un jury citoyen » sur l’avenir de ce lieu. Le 13 octobre, il réunissait les membres du fonds de dotation pour relancer ce projet, jugé prioritaire. En attendant, le Dôme des Quatre-Rangs et les salles de la Charité ont d’ores-et-déjà été rouverts au public. Les partenaires et les mécènes ont également été « invités à animer ce lieu en hébergeant des expositions, des événements et en accueillant des expérimentations qui pourraient préfigurer la prochaine Cité de la Gastronomie », appelle Bruno Bernard. Le contrat de Délégation de Service Public (DSP) avec Magma Cultura avait été résilié le 15 juin 2020. « La Cité fait face à des difficultés précarisant son fonctionnement et la rendant particulièrement vulnérable à la crise soudaine et à ses répercussions. Devant ces difficultés, face à l’incertitude de l’évolution économique et touristique, et malgré tous nos efforts pour la sauvegarder, nous avons pris la décision de ne pas rouvrir la Cité et d’arrêter définitivement son exploitation », écrivait l’exploitant début juillet. ◆
FINANCES LOCALES
La baisse des « impôts de production » sème la zizanie chez les élus locaux Dans son plan de relance, le gouvernement prévoit une baisse des « impôts de production » perçus par les collectivités locales, à hauteur de 10 millions d’euros. Soucieux de ne pas heurter la sensibilité des élus locaux, il propose un mécanisme de compensation « dynamique et territorialisée » qui présente de meilleures garanties qu’un dégrèvement ou une exonération. Surtout il permet de préserver le lien entre l’entreprise et le territoire. De quoi semer la zizanie au sein des associations d’élus. La plupart accueillent favorablement le dispositif mais l’Association des Maires de France, le vaisseau amiral du bloc communal, est vent debout. Selon elle, « le gouvernement poursuit et amplifie la mise sous tutelle financière des communes et de leurs intercommunalités ». Toutefois, le gouvernement n’est pas loin de faire l’unanimité contre lui : de sérieux doutes subsistent sur l’aspect dynamique de la manœuvre. Reste à voir ce que les parlementaires voteront dans le projet de loi de finances en cours de discussion. ◆
Jusqu’à la fin de l’année, les événements se poursuivent dans la Métropole européenne de Lille, en tant que Capitale Mondiale du Design pour 2020. Avec tout un volet sur « Le design au service des villes », la programmation fait la part belle à l’expérimentation. Au sein de « Maisons POC » (pour « Proof of concept ») sont présentés de nombreux projets, idées et concepts pour inventer la ville de demain, autour de six grands thèmes : l’économie circulaire, la ville collaborative, l’habitat, la mobilité, l’action publique et le soin. Ces Maisons POC sont réparties dans des lieux emblématiques de la métropole. www.designiscapital.com ◆
COVID-19 – ENTREPRISES
TOUR D’HORIZON
TOUR D’HORIZON
Paris La Défense expérimente des « oasis énergétiques »
Le Conseil des jeunes de Strasbourg a présenté ses travaux, le 7 octobre, à Jeanne Barseghian, maire de la ville. Parmi les sujets abordés au sein de la commission Planète de demain, les collégiens souhaitent encourager la pratique du vélo auprès des jeunes. Pour cela, ils proposent la création d’une aide financière pour l’achat d’un vélo neuf ou d’occasion, la mise en place d’un système de location de courte durée de vélos ou le prêt, pendant deux ans, d’un vélo. Autant de dispositifs qui s’adresseraient aux 11-15 ans. Les 162 membres du Conseil des jeunes ont été élus en février dernier, parmi les élèves candidats au sein des collèges strasbourgeois. Ils sont répartis dans quatre commissions : place et droits des jeunes ; protection et droits des jeunes ; planète de demain ; loisirs des jeunes. ◆
CULTURE
COVID-19
Oubliez le « distanciel » et le « présentiel » ! La mise en place du télétravail a fait fleurir un nouveau vocabulaire en entreprise, notamment en milieu urbain. L’usage des mots comme « distanciel » ou « présentiel » s’est tellement développé que l’Académie française a publié sur son site Internet une mise en garde. Elle explique que la langue comprend déjà des expressions pour exprimer ces pratiques : « à distance » et « en présence ». Il n’est donc pas nécessaire de les remplacer par d’autres mots. De plus, elle éreinte le mot « présentiel » qu’elle qualifie de « calque maladroit et peu satisfaisant de l’anglais ‘presential’ ». Bref, du jargon jargonnant, propre à la vie de bureau, que les immortels nous incitent à oublier définitivement. ◆
OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 15
© Geoffrey Reynard - OnlyLyon
MOBILITÉS
ACTUS DES TERRITOIRES INTERNATIONAL
Réduction des émissions de CO2 : des maires interpellent l’Europe Plus de 50 maires européens interpellent l’Union Européenne en vue de rehausser les exigences en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030. Dans une lettre ouverte adressée le 15 octobre à Angela Merkel, présidente du Conseil de l’UE, et à Charles Michel, président du Conseil européen, les élus demandent que l’objectif de baisse soit d’au moins de 55 %, et « juridiquement contraignants au niveau des États membres », et de 65 % « avec un soutien approprié » de la part de l’UE. « Nous ne serons pas en mesure de libérer le potentiel des villes européennes sans un cadre politique européen ambitieux », ajoutent les 58 signataires de la lettre. ◆
© Ville de Dijon
Le candidat malheureux à la présidence de France urbaine, l’association des grandes villes et métropoles, François Rebsamen, maire PS de Dijon, a été élu à la tête de Cités Unies France, le collectif des élus engagés dans la coopération décentralisée. « Ma présidence sera placée sous le signe du dialogue et du rassemblement, autour d’enjeux et valeurs communes », a-t-il annoncé à l’issue du scrutin. ◆
SÉCURITÉ
L’État aux côtés des villes Le premier « Contrat de sécurité intégrée » a été signé vendredi 9 octobre, entre le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, et le Premier ministre, Jean Castex. Développé sur cinq ans, il prévoit des moyens financiers et humains pour couvrir tous les champs de « la prévention à la répression ». À Toulouse, concrètement, ce sont 111 nouveaux policiers qui seront recrutés avant fin 2021, dont 45 avant la fin de cette année, soit une hausse de près 10 %. Côté police municipale, 100 agents supplémentaires seront recrutés d’ici à 2025, s’ajoutant aux 450 actuels. 100 nouvelles caméras de vidéosurveillance complèteront les dispositifs existants (400 sont déjà en place). 24 contrats devraient être signés dans les grandes agglomérations françaises. En septembre dernier, sur le plateau de l’émission de France 2 Vous avez la parole, Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de l’association des élus urbains France urbaine, avait interpellé le Premier ministre sur l’absence de l’État aux côtés des villes pour combattre l’insécurité. ◆
NICOLAS MAYER-ROSSIGNOL, MAIRE (PS) DE ROUEN, AU SUJET DU COUVRE-FEU DÉCIDÉ PAR LE GOUVERNEMENT.
DÉCENTRALISATION
50 propositions pour le plein exercice des libertés locales Alors que le gouvernement prépare son projet de loi de décentralisation, dit « 3D » (pour décentralisation, différenciation, déconcentration), les sénateurs discutent d’ores-et-déjà deux propositions de loi sur ce même sujet à partir du 20 octobre. La proposition de loi constitutionnelle et la proposition de loi organique présentées par Philippe Bas et Jean-Marie Bockel ont pour but de rendre effectives les « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales » issues d’un groupe de travail sur la décentralisation. Parmi les objectifs affichés, on trouve notamment l’adaptation des compétences des collectivités aux réalités locales en renforçant le pouvoir réglementaire local et en favorisant les dérogations ; une garantie d’autonomie financière des collectivités locales ; et la rénovation du régime constitutionnel des collectivités ultramarines. Des débats qui pourraient alimenter l’élaboration du projet de loi « 3D » ? ◆
La future loi « 3D », un exercice d’équilibriste ? Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a reçu le 13 octobre les élus urbains réunis sous la bannière France urbaine. Au menu des discussion, la crise sanitaire et la future loi de décentralisation, dite « 3D ». L’occasion pour les élus de rappeler ce qu’ils attendent du texte : « une stabilisation des équilibres institutionnels » et « un fonctionnement plus souple et différencié avec l’État ». Des exigences auxquelles le gouvernement aura bien du mal à répondre. À moins de faire de belles acrobaties. ◆
16 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
LE CHIFFRE
EUROPE
935
Les Rennais apprécient leur qualité de vie La Commission européenne vient de rendre publique la cinquième édition de son enquête sur la qualité de vie dans les villes européennes. Elle a mesuré la satisfaction des habitants dans 83 grandes agglomérations, de l’économie à l’environnement, en passant par la sécurité. Résultat, en moyenne, 89 % des Européens considèrent leur ville agréable à vivre. Belgrade (Serbie) arrive en bas de tableau avec un taux de satisfaction de 63 %. À l’inverse, Copenhague (Danemark) affiche un résultat de 98 %. En France, 4 villes françaises se distinguent : Bordeaux, Lille, Marseille, Paris et Rennes. Cette dernière arrive en tête avec un taux de satisfaction de 97 % – pas loin de Copenhague ! ◆
NUMÉRIQUE
Une proposition de loi contre la pollution numérique
C’est le nombre de signalements d’atteintes à la laïcité enregistrés dans l’éducation nationale entre septembre 2019 et mars 2020. Entre avril et juillet 2019, 900 cas avaient été répertoriés.
CONFIDENTIEL
Le GART est-il en difficulté ? L’association qui fédère les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) fait face depuis un certain temps à une baisse du nombre de ses adhérents, non sans conséquence sur son budget. Aujourd’hui, son modèle économique repose en grande partie sur les recettes du salon European Mobility Expo, qu’elle organise conjointement avec l’UTP, via le GIE Objectif transport public. Or l’édition 2020, qui doit se tenir du 15 au 17 décembre, est menacée en raison de la situation sanitaire. Selon des connaisseurs, si l’événement devait être annulé, l’institution créée en 1980 serait durement touchée. ◆
ÉCOLOGIE
Le 14 octobre a été présentée la proposition de loi sénatoriale pour réduire l’empreinte environnementale du numérique. Les sénateurs Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, respectivement président et rapporteurs de la mission d’information sur ce sujet, estiment « qu’empêcher l’explosion de l’impact du numérique doit constituer une priorité de l’action environnementale de la France ». En effet, le numérique français est responsable de l’émission de 15 millions de tonnes équivalent carbone, « soit 2 % de l’ensemble des émissions nationales. Si l’on ne fait rien pour la réduire, cette empreinte carbone pourrait exploser (+ 60 %) à l’horizon 2040 ». La proposition de loi s’attèle à la prise de conscience des utilisateurs avec un volet sur l’éducation à la sobriété numérique, « dès le plus jeune âge ». Un deuxième axe vise à lutter contre l’obsolescence programmée des terminaux numériques, des logiciels et des produits numériques. La promotion des usages numériques « écologiquement vertueux » est également prévue, notamment face au risque d’explosion du trafic de données avec l’émergence de la 5G (limiter le lancement automatique de vidéos, favoriser l’éco-conception des sites, restreindre les forfaits donnant accès aux données illimitées…). Enfin, dernier volet de la proposition de loi : faire émerger une régulation environnementale dans le secteur du numérique. ◆
Comment l’écologie réinvente-t-elle la politique ? Comment l’écologie réinvente la politi que, tel est le titre du dernier ouvrage de l’économiste et urbaniste Jean Haëntjens. Il est conçu comme « un manuel à l’usage de tous ceux – citoyens, élus, consommateurs, producteurs et entrepreneurs – qui souhaitent faire advenir rapidement une société compa tible avec les ressources de la planète ». Jean Haëntjens invite notamment à s’affranchir du vocabulaire économique et emprunte plus volontiers celui des spécialistes de la motivation pour insister sur la recherche de « satisfactions ». L’auteur estime que, contrairement à l’échelon national, la force des collectivités territoriales est justement de savoir prêter attention aux satisfactions non marchandes qu’elles peuvent apporter à leurs administrés (nature en ville, lien social, participation au débat public…). « Ces satisfactions non marchandes sont précisément ce qui constitue leur attractivité par rapport aux territoires monofonctionnels ou exclusivement marchands. » Comment l’écologie réinvente la politique. Pour une économie des satisfac tions, Jean Haëntjens, éd. Rue de l’Échiquier, 160 pages, 15e. ◆
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TOUR D’HORIZON
TOUR D’HORIZON
Rebsamen s’engage dans la coopération internationale
ILS ONT DIT... « Comment on a pu en arriver là ? Les territoires les plus touchés doivent être les territoires les plus aidés. »
GRAND ENTRETIEN
Précarité
GRAND ENTRETIEN
© Michel Le M oine
La France compte 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Ce chiffre augmente chaque année. La France ne s’intéresse-t-elle pas suffisamment à ses pauvres ? On ne peut pas dire que la France ne s’intéresse pas à ses pauvres. Il y a toujours eu une prise en compte de la pauvreté, en particulier depuis la Libération. Il y a eu d’ailleurs dans l’Histoire des actes forts pris par les gouvernements, comme suite à l’action de l’Abbé Pierre, ou après le rapport Wresinski de 1987, qui a donné naissance au Revenu minimum d’insertion devenu aujourd’hui le Revenu de solidarité active (RSA). Mais les gouvernements ne font pas le nécessaire pour éradiquer la pauvreté, notamment la grande pauvreté.
Entretien avec Christophe Devys, président du collectif Alerte
« LA CRISE VA SE DURCIR, LE GOUVERNEMENT DOIT PRENDRE SES RESPONSABILITÉS » Les associations de lutte contre la précarité tirent la sonnette d’alarme. Selon elles, malgré les récentes annonces, les personnes en situation de pauvreté, principales victimes de la crise sanitaire, sont ignorées du gouvernement. Christophe Devys, président du collectif Alerte, demande à Emmanuel Macron de s’engager durablement en leur faveur, en particulier auprès des jeunes. Propos recueillis par Sébastien Fournier
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Justement, vous dites que les pauvres sont les oubliés du quinquennat actuel. La critique est sévère. Mais la réalité est encore plus sévère ! La politique de relance du pouvoir d’achat menée par le gouvernement a profité à tous les Français, notamment aux plus riches, mais aucunement aux plus pauvres. Les études qui ont été faites ces dernières années par l’Observatoire français des conjonctures économiques ou par l’Institut des politiques publiques s’accordent à dire que les 10 % les plus pauvres ont vu leurs revenus stagner, voire diminuer, du fait de la baisse des allocations logement. C’est très marquant. À cela, vous ajoutez la Covid-19 qui a posé des problèmes nouveaux. Vous parlez d’une troisième vague sociale. Quels sont les publics qui sont touchés par la crise ? Y a-t-il des nouveaux pauvres ? Il y a un double phénomène. Le premier, on l’a vu dès le début de la
« Au cours du confinement nous avons bien travaillé avec le gouvernement... Cela laissait penser que nous partagions la même réflexion sur la situation. Or, on voit bien aujourd’hui que ce n’est pas sa priorité. » crise, c’est celui de l’aggravation des pauvretés. Des personnes qui étaient déjà pauvres se sont retrouvées dans une situation dégradée à cause de la perte d’un petit boulot ou d’un travail d’appoint, de difficultés à acheter de la nourriture, de la fermeture des cantines pour les enfants… Ça s’est traduit par une aggravation immédiate qui perdure par ailleurs. Mais il y a un autre phénomène devant nous, l’augmentation des situations de pauvreté. Toutes les associations, des Restos du cœur au Secours populaire, voient arriver aujourd’hui des nouveaux publics. À commencer par les jeunes, notamment les jeunes étudiants qu’on ne voyait pas auparavant. Ils ont recours à l’aide alimentaire parce qu’ils n’arrivent plus à vivre. Les demandes explosent. Aujourd’hui, plus de 8 millions de personnes ne vivent que grâce à l’aide alimentaire. C’est impressionnant. Est-ce que notre pays peut accepter ça ? La réponse devrait être non. Quels sont les autres publics concernés ? Nous voyons aussi arriver des personnes âgées, des indépendants, des commerçants, des artisans, beaucoup d’auto-entrepreneurs qui se retrouvent démunis. Certains vont être obligés de demander le RSA, ce qu’ils n’auraient pas imaginé faire il y a un an. Les demandes sont-elles d’ailleurs en augmentation ? On constate en effet une augmentation significative. Durant la crise
de 2008, l’accroissement du nombre d’allocataires s’est fait avec un décalage. Là, ça a été immédiat. Et nous savons que cela va continuer dans les mois à venir. La vague sera-t-elle forte selon vous ? Oui, elle le sera. L’État soutient aujourd’hui l’économie avec notamment le chômage partiel et c’est une très bonne chose. Mais cela ne va pas durer éternellement. Lorsque cela va s’arrêter, les petites entreprises, qui représentent un volume d’emploi non négligeable, vont en souffrir avec les conséquences que l’on connaît. Qu’attendez-vous du gouvernement ? Les récentes annonces, dans le cadre du couvre-feu, sont-elles suffisantes ? Le président de la République a annoncé une aide ponctuelle, comparable à celle qu’il avait accordée à la sortie du confinement. Cette aide est évidemment bienvenue pour les familles et les personnes les plus précaires. Les associations y sont donc favorables, bien entendu. Mais nous pensons que, dès lors que la crise va durer et qu’elle va durer longtemps, il est indispensable d’augmenter de manière sensible le montant du RSA. Ce n’est pas seulement une question d’insertion, d’emploi. Il faut aussi permettre à ces personnes de vivre dignement durant toute cette longue période. Vous souhaitez un RSA pour les jeunes, cela ne semble pas l’avis du gouvernement.
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Nous sommes d’accord avec le gouvernement lorsqu’il dit que la priorité ce sont les jeunes. Pour autant, il ne faut plus aujourd’hui raisonner par dispositifs. Il faut créer un droit à l’accompagnement pour les moins de vingt-cinq ans, assorti de ressources pour permettre de vivre, de rebondir, de se former… Actuellement des jeunes de vingt-deux ans perdent brutalement le bénéfice de dispositifs car ils arrivent à leur terme. Ils doivent attendre trois ans pour demander le RSA… C’est anormal. Nous craignons malheureusement que les réponses ne soient que conjoncturelles. Or, elles doivent être structurelles. Au cours du confinement nous avons bien travaillé avec le gouvernement ainsi qu’avec tous les acteurs. Cela laissait penser que nous partagions la même réflexion sur la situation. Or, on voit bien aujourd’hui que ce n’est pas sa priorité. La crise va se durcir. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Où en êtes-vous des discussions sur le Revenu universel d’activité ? On ne sait pas trop si le gouvernement souhaite continuer à travailler sur le sujet. C’est une réforme très lourde qui demande beaucoup de préparation. Les travaux se sont arrêtés au mois de février dernier. À supposer que le gouvernement les relance, l’application serait pour 2023 au mieux. Nous sommes dans une position d’attente. Les collectivités locales ont-elles un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre la pauvreté ? Les collectivités locales ont montré un engagement extrêmement fort pendant la période du confinement. Elles le montrent encore. Les CCAS sont fortement mobilisés. Nous leur demandons de poursuivre dans cette voie en lien avec les associations. ◆
w Démocratie participative L’exécutif envisage de reporter certaines mesu res – les plus emblématiques – comme l’éco-contribution, la taxation sur le transport aérien ou la 5G. Dans une tribune publiée dans Le Monde début octobre, le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphélin, président du groupe Écologie, démocratie, solidarité, et Éric Piolle, maire écologiste de Grenoble, ont dénoncé le renoncement du gouvernement, évoquant, sans l’écrire, une opération d’enfumage. Inquiets, les panélistes ont écrit au président de la République afin qu’il « réaffirme » son « engagement formel ».
Démocratie participative : une escroquerie intellectuelle ?
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Avant l’été, la Convention citoyenne pour le climat a remis 149 propositions au président de la République pour faire baisser de 40 % les émissions gaz à effet de serre. Le gouvernement s’était alors engagé à les transmettre au Parlement pour les faire voter quasi intégralement. Pourtant, aujourd’hui, il remet en question les plus emblématiques. La raison invoquée : la crise de la Covid-19, responsable idéale selon certains. Et si c’était le principe même de la participation qui posait problème ? Par Sébastien Fournier
I
l y a tout juste un an, la Convention citoyenne pour le climat était installée en grande pompe avec l’ambition de changer la démocratie et sauver la planète. Présenté par le président de la République comme une réponse à l’une des revendications des Gilets jaunes, cet exercice citoyen a donné la parole à cent cinquante personnes, toutes tirées au sort. Objectif, prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. Force est de constater que cela
a plutôt bien fonctionné. En juin dernier, après plus de 8 mois de travail, les panélistes ont rendu 149 propositions portant sur les déplacements, l’habitat, l’agriculture ou encore la consommation. Devant eux, Emmanuel Macron s’est engagé à ce que toutes les mesures soient transmises « sans filtre » au Parlement pour y être discutées et votées pour la plupart. Or, depuis la rentrée, les inquiétudes grandissent sur un possible détricotage en raison de la crise de la Covid-19.
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Sans aucun doute, l’économie est malmenée par la crise sanitaire, mais cela n’explique pas tout. Les raisons d’une reculade sont à chercher ailleurs. Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble considère cette expérience démocratique comme une « escroquerie intellectuelle ». Selon lui, dans la vie politique des pays démocratiques, seules comptent finalement les institutions. « La Convention citoyenne peut dire ce qu’elle veut, on va s’asseoir sur ses propositions car c’est le Parlement qui fait les lois », lâche-t-il. L’universitaire voit dans l’opération une manœuvre politique : « Le but était de récupérer l’électorat écologiste. Or, depuis le résultat des élections municipales, ce n’est plus la priorité du pouvoir. » En clair, le gouvernement roulerait les citoyens dans la farine. Patrick Norynberg, enseignant en politiques publiques, spécialiste de la participation citoyenne, a un avis plus nuancé. « Le processus est exemplaire car c’est un bon moyen de travailler des sujets en associant les habitants », explique-t-il. Le problème est de savoir ce que l’on fait des propositions. « Il n’y a rien qui
Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l’IEP de Grenoble
« DES INITIATIVES CITOYENNES, UN FOISONNEMENT D’INITIATIVES DANS LES TERRITOIRES » Patrick Norynberg s’attèle depuis de nombreuses années à faire vivre la démocratie participative auprès d’élus locaux et de responsables institutionnels. L’ancien cadre territorial, devenu enseignant, a réuni dans un ouvrage plusieurs expériences réussies à l’échelle locale et interpelle les institutions en matières de citoyenneté et de démocratie. Des initiatives citoyennes, un foisonnement d’initiatives dans les territoires, Patrick Norynberg , Éditions Yves Michel, 182 pages.
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LA PUISSANCE DES LOBBIES
Tous regrettent que le pouvoir plie devant les lobbies, lesquels s’organisent pour empêcher l’application de certaines mesures, comme les acteurs de l’aérien qui font pression sur le gouvernement pour éviter « la ruine de la connectivité de la France ». « Il faut savoir les affronter », s’indigne Patrick Norynberg. L’exécutif semble pourtant leur donner raison. Juste après avoir proposé le moratoire sur le déploiement de la 5G, les membres de la Convention ont été surpris de voir le gouvernement lancer l’attribution des fréquences. « Le pouvoir préfère sacrifier la crédibilité de sa parole », regrette Christophe Bouillaud. Sur les grands sujets d’intérêt national, la démocratie participative trouve ses limites, selon le chercheur. « À l’échelle locale, ça peut marcher car les projets concernent au plus près la vie des habitants. Mais à l’échelle nationale, on ne pourra jamais mettre d’accord les betteraviers avec les écologistes », affirme-t-il, en évoquant le revirement du gouvernement sur les néonicotinoïdes. Un argument que réfute Patrick Norynberg. Il milite depuis longtemps pour que les grands sujets nationaux soient discutés dans des instances locales comme des comités de quartier. « Rien n’empêchait d’organiser un débat local sur le climat », conteste-t-il. Combien de mesures sur les 149 seront finalement adoptées ? Selon certaines sources, le Comité économique, social et environnemental, qui a organisé les débats, réécrirait un texte. « Les panélistes commencent à comprendre qu’ils ont été manipulés », soupire Christophe Bouillaud. De quoi augmenter la défiance des citoyens envers leurs représentants. Un comble puisque la Convention citoyenne a précisément été organisée pour lever les oppositions. « Et dans tout ça, l’environnement devient une variable d’ajustement !», se lamente Éric Kerrouche. Bref, à moins de changer les règles du jeu, l’idéal démocratique pourrait bien avoir encore du plomb dans l’aile. ◆
TOUR D’HORIZON
TOUR D’HORIZON
LA COVID-19 A-T-ELLE BON DOS ?
« À l’échelle locale, ça peut marcher car les projets concernent au plus près la vie des habitants. Mais à l’échelle nationale, on ne pourra jamais mettre d’accord les betteraviers avec les écologistes »,
oblige constitutionnellement, alors la politique reprend ses droits », déplore-t-il. Dans cet esprit, le sénateur des Landes (PS) Éric Kerrouche, qui a longtemps œuvré en faveur de la démocratie participative au cours de ses mandats locaux, vise le président de la République : « Emmanuel Macron veut bien faire de la participation mais seulement si on est d’accord avec lui. » Qu’importerait en somme ce que pensent les citoyens ?
w Interview
en présence. Si on reprend le cas des éco-organismes, leur position est indéfendable car elle va à l’encontre du principe de réduction des déchets. Avec sa signalétique, Citeo brouille les pistes. Il associe le Point vert, qui n’a rien à voir avec le caractère recyclable ou recyclé du produit, à la mention « Pensez au tri », y compris pour des produits qui ne sont pas triables. Les injonctions sont contradictoires et, en plus, ce qui me choque, c’est que le message implicite qui en ressort est que trier n’est pas jeter. Le cumul de tous ces messages fait que, dans les esprits, le recyclage est complètement positif, sans réserve et sans limite. Or une étude de chercheurs que j’expose dans le livre le démontre : le recyclage incite à la surconsommation.
Flore Berlingen, alors directrice de l’association Zero Waste France et maintenant chez Emmaüs France, a publié cet été le livre Recyclage, le grand enfumage 1. Elle y démontre notamment comment le fonctionnement des éco-organismes, dont les producteurs sont partie prenante, est devenu contre-productif, n’incitant pas à créer des produits durables. Surtout, elle rappelle que le recyclage, techniquement restreint et consommateur de ressources, a ses limites. Elle invite à se préoccuper davantage de la réduction des déchets. © DR
Propos recueillis par Magali Tran Flore Berlingen.
Dans votre livre, vous décrivez les dérives des filières du recyclage et le rôle contre-productif des éco-organismes. Comment a-t-on pu en arriver là ? L’erreur de départ, c’est de considérer que le recyclage est la solution au problème des déchets. Puisqu’il existe une solution, la tentation est grande de ne pas chercher plus loin, de ne pas aller chercher à la source : le recours au jetable. C’est ce que je dénonce tout au long du livre. Ensuite, est-ce sciemment ou naïvement qu’on en est arrivé là ? Il y a forcément un peu des deux. Justement, vous dénoncez notamment une communication biaisée entre « recyclé » et « recyclable » : peut-on parler de communication malhonnête autour du recyclage ? Dans certains cas, oui, mais il s’agit souvent plutôt d’une communication
déséquilibrée et d’un discours trop simplifié. Beaucoup de marques jouent sur le vocabulaire : ce n’est pas parce qu’un produit est en théorie recyclable qu’il sera recyclé. Et puis, conscient ou pas, le discours se base sur un système dont les fondements même sont des contradictions, puisqu’il faut des volumes importants de déchets pour rendre le recyclage possible. Le système n’est pas soutenable. Le fonctionnement des éco-organis mes, qui sont détenus par leurs
« Dans les esprits, le recyclage est positif, sans réserve et sans limite. Or, des études le montrent, le recyclage incite à la surconsommation. » 22 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
adhérents, c’est-à-dire les producteurs ou distributeurs, est contre-productif. Le Point Vert de Citeo (anciennement Éco Emballages) indique que le producteur s’est acquitté de sa contribution obligatoire, mais le choix de faire figurer cette signalétique lui permet de bénéficier d’un bonus au titre de l’éco-modulation, bonus qu’il touchera, que son emballage soit triable et recyclable ou pas ! Comment réorienter le discours autour du recyclage sans pour autant décourager le citoyen du geste de tri, qui reste nécessaire ? Il y a un discours simple : c’est de dire que le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas. Mais aussi de dire qu’un déchet reste un déchet et qu’on le traite plus ou moins bien. L’objectif est bien de produire moins de déchets et de consommer moins de ressources en amont. Ce message ne s’exprime pas, car il ne va pas dans l’intérêt des forces
Pour les collectivités qui investissent massivement dans leurs installations de traitement des déchets, le message que vous délivrez est-il audible ? Mon ambition est modeste : mettre les pieds dans le plat pour ouvrir le débat. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut arrêter le recyclage. Il reste indispensable. Mais je critique le fait de dire qu’on peut recycler tout le jetable. Que peuvent faire les collectivités ? Pour beaucoup de collectivités, les investissements sont déjà faits. Maintenant, il faut qu’elles rééquili brent le discours et qu’elles mettent le paquet sur la prévention des déchets, qu’elles soient plus transparentes, vis-à-vis du citoyen, sur les limites du recyclage. Elles ont aussi un rôle dans les négociations des filières de « responsabilité élargie du producteur » (REP), dont elles sont parties prenantes. Elles doivent porter un discours fort sur les aspects environnementaux pour faire en sorte que
« Dans le cas des éco-organismes, leur position est indéfendable car elle va à l’encontre du principe de réduction des déchets. » les éco-modulations, c’est-à-dire les systèmes de bonus-malus, soient plus incitatives ou dissuasives pour mettre davantage l’accent sur la durabilité des produits – et pas seulement leur « recyclabilité ». Les collectivités ont aussi des outils de financement qu’elles peuvent dédier aux actions de réemploi, qui restent le parent pauvre. Avec leur connaissance du territoire, les collectivités ont les moyens d’identifier les porteurs de projets. Y a-t-il des villes ou des pays où le rapport au recyclage et à la réduction des déchets semble plus vertueux ? Il existe ponctuellement des initiatives qui tendent vers la réduction des déchets. Une collectivité peut influer en ce sens en conditionnant l’occupation de l’espace public – pour l’organisation d’un événement par exemple – au fait qu’on n’utilise pas d’objets jetables. La ville de Fribourg-enBrisgau (Allemagne) a imposé un système de gobelets réutilisables consignés dans tous les cafés de la ville. La municipalité a investi en achetant les gobelets et les restaurateurs en assurent le lavage. Les actions de promotion de l’eau du robinet et de mise à disposition de fontaines à eau dans l’espace public, comme à Paris, vont également dans le bon sens pour limiter la consommation de bouteilles d’eau en plastique.
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Est-ce que la voie législative doit aussi apporter des réponses ? La loi anti-gaspillage 2 est intéressante parce qu’elle interdit, non pas des objets – dont la liste pourrait être infinie –, mais une pratique : elle interdit de servir à table dans un contenant jetable. Ça sera effectif en 2023. Mais il faudrait aller encore plus loin, en bannissant aussi le jetable de la restauration nomade. La quantité de déchets que ça représente n’est pas soutenable. Il faudrait des consignes, du réutilisable. Avec la crise sanitaire, on assiste au retour du jetable et du toutplastique. Cela vous inquiète-t-il ? Oui, forcément, même si on espère que cette situation ne durera pas. On voit le retour du plastique comme un rempart pour garantir la sécurité sanitaire et l’hygiène, alors que ce n’est pas la seule solution. Cette idée fait aussi l’impasse sur tout ce qui n’est pas propre dans le plastique, à savoir sa production : ses impacts sanitaires et environnementaux. C’est préoccupant et fâcheux. ◆ 1 Recyclage, le grand enfumage. Comment l’économie circulaire est devenue l’alibi du jetable, Flore Berlingen, éditions Rue de l’échiquier, 128 pages, 13 euros.
Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
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TOUR D’HORIZON
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« LE FONCTIONNEMENT DES ÉCO-ORGANISMES EST CONTRE-PRODUCTIF »
À
Alors que le projet de loi de décentralisation dit « 3D » n’a pas encore été présenté en Conseil des ministres, face à face entre un juriste et une élue sur la mise en œuvre de la différenciation entre les territoires, l’un des 3 “D” prévus dans le texte. Pas si simple… Par Magali Tran
JEAN-PHILIPPE DEROSIER, JURISTE, SPÉCIALISTE DU DROIT CONSTITUTIONNEL, PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC À L’UNIVERSITÉ DE LILLE
Du point de vue du juriste, pourriez-vous nous donner une définition de la différenciation ? La différenciation, c’est confier des compétences différentes à des collectivités territoriales de même niveau. Cette différenciation de pouvoir pose problème sur le plan constitutionnel puisqu’à catégorie de collectivité identique doivent correspondre des compétences identiques. La Consti tution prévoit le principe d’égalité et d’indivisibilité de la République. Cela veut-il dire que constitutionnellement, la différenciation n’est pas possible ? Ce n’est pas possible en l’état de la Constitution d’avoir une différence de pouvoir entre mêmes niveaux de collectivités (hormis l’Outre-mer). Or une révision constitutionnelle ne semble politiquement pas possible avant 2022. Mais il existe d’autres solutions pour pratiquer la différenciation. C’est d’une part l’expérimentation, qui se pratique déjà, notamment pour prendre en compte des spécificités géographiques
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TOUR D’HORIZON
« Il y a un risque de renforcer les inégalités »
« Il y a deux mécanismes antagonistes qui s’affrontent : satisfaire les exigences et les intérêts locaux, et lutter contre les inégalités. » telles que l’insularité. C’est d’autre part la création de collectivités à statut particulier, comme le sont la Corse ou la métropole de Lyon, avec des compétences propres. Créer davantage de collectivités à statut particulier, cela revient-il à complexifier encore le paysage institutionnel français ? Ça n’arrange pas la lisibilité, mais ça n’est pas nécessairement complexifier. Pour reprendre par exemple le cas de la
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Pourquoi ce principe de différenciation n’a-t-il pas encore abouti ? C’est à mon sens politique. Il y a deux mécanismes antagonistes qui s’affrontent : satisfaire les exigences et les intérêts locaux, et lutter contre les inégalités. Les statuts particuliers permettent de bénéficier d’avantages, ce qui crée inévitablement des déséquilibres. Si ceux-ci viennent en corriger d’autres, cela ne pose pas de problè me, mais si ce n’est pas le cas, il y a un risque de renforcer des inégalités, qu’elles soient de richesse, d’attractivité territoriale… Finalement, la question de fond n’est-elle pas celle de l’autonomie financière des collectivités locales ? Oui, c’est sûr. L’autonomie financière des collectivités, ce serait une bonne chose, mais avec, une fois de plus, ce risque, qu’il faut garder en tête, de forger des inégalités. C’est le rôle de l’État de prévoir des mécanismes de rééquilibrage quand il y a des inégalités et sur les questions de richesse, ce sont les systèmes de péréquation qui doivent être activés. ◆
« Il faut faire confiance aux élus locaux, en lien avec le représentant de l’État au niveau local, pour trouver le juste équilibre. »
« Nous avons besoin de souplesse au niveau des territoires ! » CAROLINE CAYEUX, MAIRE DE BEAUVAIS, PRÉSIDENTE DE VILLES DE FRANCE, L’ASSOCIATION DES MAIRES DES VILLES MOYENNES, ET DE L’AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES En quoi la différenciation représente-t-elle une avancée, notamment par rapport au droit à l’expérimentation ? La crise sanitaire que nous traversons a rebattu les cartes. Durant cette période, les maires ont été en première ligne. Nous devons naturellement en tirer des enseignements. L’émergence du couple maire / préfet, que nous avions appelé de nos vœux à Villes de France, a prouvé son efficacité opérationnelle au quotidien. Il faut sans doute l’institutionnaliser davantage. Le projet de loi « 3D » devra prendre en compte cette dimension importante de déconcentration, mais également la volonté de plus en plus forte des collectivités de pouvoir exercer de manière différenciée certai nes compétences. Nous avons besoin de souplesse au niveau des territoires ! Quelle forme peut ou doit prendre cette différenciation ? Tout d’abord, la différenciation doit
répondre à une volonté claire des élus du territoire en question. Ensuite, elle doit pouvoir être de plusieurs ordres. D’abord sur l’exercice de certaines compétences particulières, par exem ple le logement. Mais aussi à l’intérieur d’un territoire. Par exemple, les compétences assurées par un EPCI ne doivent pas être forcément exercées de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Le projet de loi « 3D » doit pouvoir être le véhicule législatif de telles propositions. Le gouvernement voit en la différenciation le moyen de prendre pleinement en compte la singularité de chaque territoire. Comment cela peut-il se concrétiser en particulier pour les villes moyennes ? À Villes de France, nous demandons par exemple que la carte des zonages nationaux des politiques de logement puisse être adaptée à l’aune des situations locales. La définition des zones « Pinel » doit pouvoir s’effectuer à un
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niveau régional. Chaque territoire doit pouvoir avoir une capacité d’adaptation dans l’exercice des politiques publiques. Encore une fois, ce dont nous avons besoin c’est de la souplesse pour tirer profit de toutes les initiatives locales et permettre aussi de faciliter une alliance des territoires avec des synergies facilitées entre les métropoles et les villes moyennes. N’y a-t-il pas un risque, au contraire, que les inégalités entre territoires s’accentuent ? Le principe d’égalité entre les territoires doit bien entendu être conservé, mais la France est un pays où les politiques publiques sont très centralisées. Les crises récentes – que ce soit celle des Gilets jaunes ou plus récemment la crise sanitaire – ont montré que les meilleures décisions se prenaient au plus près du terrain. Il faut faire confiance aux élus locaux, en lien avec le représentant de l’État au niveau local, pour trouver le juste équilibre. La différenciation sera de toute façon encadrée pour conserver l’unité de la République, c’est essentiel. Nous serons particulièrement vigilants aux garde-fous qui seront inscrits dans la loi pour garantir le dialogue entre les collectivités territoriales et l’État. ◆
TOUR D’HORIZON
Corse : la Collectivité de Corse a remplacé la région et les deux départements. Pour la métropole de Lyon, c’est plus complexe, puisque le département du Rhône continue d’exister en dehors du périmètre du Grand Lyon. On l’a fait une fois. La question, c’est combien de fois peut-on le refaire ? À noter que, traditionnellement, quand on fait de la différenciation, cela se pratique plutôt au niveau des régions, comme avec la Catalogne, en Espagne.
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FACE LA DIFFÉRENCIATION : OUI, MAIS... FACE
Résumé des faits : d’ici la fin de l’année, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, présentera le projet de loi « 3D » – pour décentralisation, différenciation et déconcentration – auquel devrait s’ajouter un 4e D, celui de la décomplexification. Il s’accompagnera d’un projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations. Le but affiché de cet arsenal législatif est de favoriser la différenciation pour s’adapter aux spécificités et besoins des territoires. Cela n’est pas sans poser question, sur le plan constitutionnel. Le projet de loi devrait être examiné au premier semestre 2021.
GRAND NANCY
Interview
« NANCY A PRIS BEAUCOUP DE RETARD ET LE TEMPS PERDU NE SE RATTRAPE PAS » Interview de Mathieu Klein, nouveau maire (PS) de la ville de Nancy et président de la métropole du Grand Nancy, qui revient avec nous sur les premières mesures de sa mandature. Propos recueillis par Agnès Morel
Nouveauté pour Nancy et sa métropole : c’est désormais la Gauche, alliée aux écologistes, qui gouverne. Pour la nouvelle équipe en place, le mandat s’ouvre sur fond de Covid-19 qui met en exergue la nécessité d’agir conjointement sur le social - avec la lutte contre la pauvreté, accentuée par la crise - et l’écologie. 26 - OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE
Photo prise avant l’obligation du port du masque dans l’espace public.
© Ville de Nancy
… le Grand Nancy, priorité au social et à l’écologie
de braquet et mener la lutte pour l’environnement à tous les niveaux. Environnement et solidarité sont les deux faces d’une même pièce : les populations les plus précaires sont les premières à être être affectées par ces dérèglements.
© Ville de Nancy
ZOOM SUR...
C’est la première fois qu’un candidat de la gauche emporte Nancy depuis la Seconde Guerre mondiale. Qu’allez-vous mettre en œuvre qui vous distingue de vos prédécesseurs ? Mon engagement s’est construit autour de la question des solidarités, de la laïcité, de l’émancipation et du vivre ensemble. Je ferai vivre mes convictions au service d’un territoire qui rayonne au-delà de ses frontières. Je crois en la construction d’une société plus juste, plus résiliente, qui permette à chacun de trouver sa place. La crise de la Covid-19 remet en haut de la pile des priorités la question de la pauvreté. Elle était déjà présente avant, elle l’est encore plus aujourd’hui avec un million de nouveaux pauvres qui s’ajoutent aux 9 millions vivant déjà sous le seuil de pauvreté. Face à un tel défi, les citoyens attendent que nous dépassions les clivages droitegauche au bénéfice d’un projet de territoire que nous avons en partage. La lutte contre la pauvreté est au cœur de cet engagement qui rejoint celui de la transition écologique. C’est le dernier mandat pour agir face aux enjeux du climat – nous devons changer
Mathieu Klein.
« Il nous faut penser les mobilités à l’échelle du territoire pour offrir d’autres solutions sérieuses et crédibles aux habitants de l’aire urbaine nancéienne. » OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 27
Quel impact la 2e vague de la pandémie peut-elle avoir sur votre action ? Nous devons rester mobilisés à chaque instant en adoptant les bons gestes pour se protéger les uns et les autres. Ma responsabilité et celle de tous les élus de la Métropole et des communes est d’être aux côtés des entreprises, des commerçants et des associations de solidarité, en soutenant notamment l’investissement dans les travaux publics et en continuant à produire et consommer localement. Nous devons en effet continuer à faire tourner notre économie, notre culture, nos écoles, nos universités. Mon rôle et celui de tous les élus est de sécuriser tout ce qui peut l’être et d’abandonner ce qui ne peut l’être : avec plus de 100 000 participants,
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DOSSIER Interview
« Le dépassement des ego et des organisations pour défendre des convictions et des combats communs doit être engagé. Les partis politiques doivent en finir avec l’entre-soi. » C
le défilé de la Saint-Nicolas n’est pas sécurisable, nous sommes donc contraints de l’annuler. Mais nous maintenons les fêtes autour de cet événement et nous irriguons la ville avec 14 villages et plus de 300 animations assurées par des artistes et des troupes. Nous sortirons grandis de cette drôle d’époque. Comment allez-vous soutenir les entreprises et les personnes touchées sur votre territoire ? Pour venir en aide aux commerçants, nous avons lancé un dispositif permettant aux Nancéiens d’acquérir des bons d’achats bonifiés de 25 % payés par la Ville, à dépenser dans les commerces locaux. Plus de 300 commerces participent à cette opération.
De nombreuses mesures fiscales ont également été mises en place : remise gracieuse concernant les redevances d’occupation du domaine public, abattement de la Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) à hauteur de 100 %, exonération sous forme de remise gracieuse des droits d’occupation du domaine public pour les terrasses… L’effort de la ville se chiffre à plus de 4 millions d’euros. La crise sanitaire de la Covid-19 a également affecté de façon exceptionnelle les revenus d’un certain nombre de ménages. Pour les accompagner, la Métropole a mis en place un fonds d’urgence temporaire pour les aider à régler leurs loyers et les factures d’énergie. Le Conseil métropolitain va également acter la participation du Grand Nancy à la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.
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On dit que vous avez travaillé tout l’été sur les transports. Allez-vous maintenir l’accent sur les mobilités ? La Ville de Nancy lance cet automne une large concertation autour de la piétonisation. Les piétons sont souvent les grands oubliés des plans de mobilités. Ce ne sera plus le cas à Nancy. Je souhaite autour de ce projet un débat public transparent. La concertation permettra de répondre aux problématiques spécifiques des riverains, des commerçants, des entreprises, des professionnels de santé, ou bien encore des établissements scolaires. Plus globalement, il s’agit surtout de penser la ville comme un espace dévolu à tous et plus seulement pour et autour de la voiture. Au XXIe siècle, toutes les métropoles européennes renouvellent leur approche en matière de construction urbaine. C’est ce que nous faisons à travers la piétonisation mais aussi avec la reconquête des friches urbaines avec le projet de quartier écologique sur l’ancienne friche industrielle Alstom.
du privilégier les mobilités actives, comme le vélo, les trottinettes et la marche. Mais il nous faut penser les mobilités à l’échelle du territoire pour offrir d’autres solutions sérieuses et crédibles aux habitants de l’aire urbaine nancéienne. Pour aller loin, nous devons avancer ensemble. Bien entendu le sujet des transports reste une priorité. C’est la condition de base pour permettre au territoire de répondre aux enjeux de transition écologique et de ville apaisée. Le développement du télétravail ne gomme pas la nécessité de disposer d’un réseau de transports efficace pour les plus jeunes ou pour les plus âgés. Au contraire, même, si le télétravail conjugué à un réseau de transport efficace permet de diminuer le recours à la voiture individuelle, nous aurons réussi ce défi.
« Ce n’est pas la même chose de végétaliser une façade à la hâte et de programmer la végétalisation de 40 cours d’écoles pour les transformer en îlots de fraîcheur ! »
Qu’en est il du projet du « nouveau tram » lancé par votre prédécesseur ? Le dossier se poursuit, il est en réflexion pour intégrer les discussions avec les territoires limitrophes, et les résultats de l’audit financier sont en cours. Nous sommes dans l’agenda que j’ai annoncé. Le pacte de relance au niveau européen et français offre des perspectives intéressantes quant au financement. Vous aviez beaucoup taclé, pendant la campagne, le « greenwashing » du maire sortant. En quoi vos premières annonces sont-elles différentes ? La transition écologique n’est pas une option, c’est une nécessité pour assurer un environnement et des conditions de vie saines pour les générations
futures comme pour les plus vulnéra bles. Nancy a pris beaucoup de retard et le temps perdu ne se rattrape pas. J’entends agir, avec les élus, les acteurs, les citoyens, à l’échelle du territoire nancéien. Le fait écologique est partout et nous devons agir de front sur tous les sujets. Ce n’est pas la même chose de végétaliser une façade à la hâte et de programmer la végétalisation de 40 cours d’écoles pour les transformer en îlots de fraîcheur !
La nouvelle équipe métropolitaine entend évidemment favoriser les mobilités actives (photo prise avant l’obligation du port du masque dans l’espace public).
Comptez-vous aller au-delà ? Quid de la voiture individuelle et des transports en commun ? Nous avons pris des mesures immédiates pour mettre en place des itinéraires cyclables sans interruption. Plus largement, nous allons prendre en compte les besoins des Grands Nancéiens et des 100 000 personnes qui viennent quotidiennement travailler, étudier ou se distraire dans la Métropole. Nous développerons ainsi des parkings relais et des navettes aux entrées d’agglomération, privilégierons la solution du train et adapterons le réseau de transports en commun. La gratuité, qui fait l’objet d’une réflexion partagée, sera mise en place pour tous le week-end à partir du mois de décembre. Nous allons bien enten-
© Ville de Nancy
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Votre victoire à Nancy ne montre t-elle pas en creux qu’il devient impossible au PS de gagner une ville sans alliance avec les écologistes ? Pour la gauche, l’avenir ne peut être le simple retour au projet socialdémocrate porté par le Parti socialiste depuis vingt ans. Ma conviction profonde est que la transition écologique ne doit laisser personne au bord du chemin : les personnes les plus fragiles sont aussi les premières victimes du réchauffement climatique, les premières exposées à la précarité énergétique, à l’alimentation indigne ou à la dépendance aux énergies fossiles. Le social et l’écologie sont les deux faces d’une même pièce.
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MOBILITÉS GRAND NANCY
DOSSIER Interview
donner envie d’aller plus loin. L’échelle du bassin de vie est notre horizon pour travailler : comment faire du territoire, sans considération de frontières administratives, une terre de projets qui fédère les énergies.
« L’échelle du bassin de vie est notre horizon pour travailler : comment faire du territoire, sans considération de frontières administratives, une terre de projets qui fédère les énergies. » Ce qui m’a porté pendant les élections municipales, c’est le désir de rassembler les femmes et les hommes engagés de tout horizon et qui avaient en commun un désir sincère de faire grandir leur ville. Le dépassement des ego et des organisations pour défendre des convictions et des combats communs doit être engagé. Les partis doivent en finir avec l’entre-soi, cela a valu pour les municipales, cela doit valoir pour les régionales, départementales et présidentielles. Je suis un partisan du rassemblement de la gauche réformiste, des écologistes et de la société civile. Dès votre élection à la tête du Grand Nancy, vous avez fait le choix d’accorder des postes-clés à l’opposition, pourquoi ? Il faut dépasser les clivages au sein de la Métropole. Pour transformer durablement notre territoire, nous avons besoin des compétences de chacune et chacun des élus du Grand Nancy, y compris celles et ceux des 20 communes. Ce nouveau pacte de gouvernance va nous permettre d’avancer d’une manière constructive sur les grands dossiers qui vont nous occuper durant ce mandat.
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Mais dans le Grand Est, y a-t-il vraiment de la place pour deux métropoles, Metz et Nancy ? 150 ans après le traité de Francfort, je ne suis pas là pour jouer les rivalités du monde de la fin du XIXe siècle. L’enjeu pour Metz et Nancy, c’est la place de la Lorraine dans un environnement national et européen. Aucune des villes ne peut jouer seule sans risquer d’affaiblir la Lorraine. Nancy et Metz ont aujourd’hui des intérêts communs pour défendre l’Université de Lorraine, l’hôpital, les liaisons ferroviaires vers le sud de la France, pour trouver des solutions à la thrombose de l’A31. J’entends porter cette idée : nous devons parler un langage commun et cela passe par un dialogue constant entre Nancy et Metz. Je crois que le maire de Metz est très attaché à l’avenir de la Lorraine.
Inauguration du Jardin éphémère sur la place Stanislas, le 11 septembre.
Les citoyens seront largement associés à cette aventure collective. Il n’y a pas de démocratie sans participation. Que pensez vous de l’idée de votre prédécesseur, de créer une « commune nouvelle », qui était le vœu également de Michel Dinet, votre mentor ? Le premier défi, avant de parler de fusion et de « commune nouvelle », est de faire avancer l’intérêt communautaire. En dépit de la forte intégration fiscale de la Métropole et de son antériorité il y a encore beaucoup de travail
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pour dépasser la simple vision communale. La gouvernance partagée que j’ai proposée va dans ce sens. Si l’idée de commune nouvelle peut être un concept intéressant, le chemin pour y arriver est aussi essentiel que la destination finale. La ville centre, comme la métropole avec les territoires proches, doit créer les conditions de la confiance, du respect, de l’écoute. Surtout, elle doit proposer un projet qui fédère plus qu’un jeu de mécano institutionnel. Il faut travailler sur les sujets du quotidien : les transports, l’emploi, les énergies, l’alimentation… Ce sont ces réussites qui peuvent
« La transition écologique ne doit laisser personne au bord du chemin : les personnes les plus fragiles sont aussi les premières victimes du réchauffe ment climatique, les premières exposées à la précarité énergétique... »
Nancy figure parmi les métropoles les plus endettées de France, comment pourrez-vous financer votre mandat sans augmenter les impôts ? Oui, nous héritons d’une situation financière difficile mais j’ai acquis une expérience solide de gestion au département de Meurthe-et-Moselle – un département dont le budget est supérieur à celui de l’actuelle métropole et 5 fois le budget de la ville et dont les finances sont très saines aujourd’hui. Pour mettre œuvre mon projet, je m’appuierai sur une gestion rigoureuse et maîtrisée des dépenses publiques. L’audit des finances de la ville et de la métropole est en cours,
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c’est un outil indispensable de pilotage et d’aide à la décision. Nous mesurerons alors la soutenabilité des projets d’investissement et construirons des calendriers budgétaires robustes. Comme vous l’indiquez, il n’y aura pas d’augmentation de la fiscalité. Tous les contrats et marchés publics seront réétudiés et le cas échéant renégociés. Priorité est donnée aux investissements favorisant la transition écologique et générant des économies de fonctionnement comme le plan écoles nouvelles générations. Le plan de relance, qui prévoit d’alléger la fiscalité des entreprises, ne risque-t-il pas d’être un problème pour vos finances ? Je souhaite que l’État fasse confiance aux territoires. La Métropole du Grand Nancy proposera un plan de relance par le local et se saisira pleinement des opportunités de financements, notamment dans le cadre du volet Transition écologique doté de 30 milliards d’euros. Je déplore néanmoins que cette mesure s’inscrive dans un mouvement global de réduction des ressources locales. Elle constitue pour les communes et intercommunalités un élément de fragilisation de leurs finances et de leur autonomie fiscale. Il sera difficile d’accompagner la relance si nos ressources sont amoindries. Les collectivités territoriales représentent 70 % de l’investissement public. Tout affaiblissement supplémentaire fait courir un risque pour nos entreprises. Un mot de conclusion ? Ce mandat sera celui de la transition écologique. Il ne s’agit pas de planter quelques arbres et quelques fleurs. Notre objectif est de devenir une Métropole 100 % décarbonée en 2050, ce qui nous rendra également plus attractifs économiquement. ◆
MOBILITÉS GRAND NANCY
Les premiers pas du Grand Nancy de Mathieu Klein Le nouveau maire de Nancy, qui a mis fin à l’hégémonie de la Droite depuis 75 ans, a pris la présidence de la Métropole mi-juillet. C’est le 8 octobre que s’ouvrait véritablement la mandature, au cours d’un conseil métropolitain marqué à la fois par un nouveau plan de mobilités et par des mesures de soutien en réponse à la pandémie de Covid-19. Par Agnès Morel
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ux municipales, le socialiste Mathieu Klein a pris le pas sur le maire sortant, Laurent Hénart (UDI), poulain d’André Rossinot, qui était la figure tutélaire de Nancy depuis une quarantaine d’années. Le candidat de la Gauche, élu au second tour grâce au soutien de la liste EELV de Laurent Watrin, fait partie des jeunes élus « convaincus de la nécessité d’une social-démocratie, avec la transition écologique comme fil conducteur » (cf. interview de Mathieu Klein). Les premières mesures adoptées font donc office de marqueurs. Fin septem bre, le conseil municipal a ouvert le bal : végétalisation des cours d’écoles en vue de créer des îlots de fraîcheur, reconversion du quartier Alstom en éco-quartier et piétonisation du centreville dès l’été 2021 – une mesure très attendue. Première étape, son ouverture à la « concertation préalable », la nouvelle équipe souhaitant, au vu du
taux d’abstention aux élections, inciter les Nancéiens à s’investir davantage dans la cité. « Mais pour que la ville devienne respirable, il faut d’abord réduire de moitié le flux des 100 000 voitures qui entrent et sortent chaque jour du Grand Nancy », explique Patrick Hatzig, viceprésident en charge des mobilités qui a présenté en conseil métropolitain, le 8 octobre dernier, un nouveau plan sur ce thème. Côté Métropole, la nouvelle mandature, après des mesures d’urgen ces prises cet été, s’est en effet ouverte cet automne par l’adoption d’un nouveau schéma des transports, le dernier n’ayant pas été revu depuis 12 ans.
entrées du Grand Nancy avec des servi ces de navettes, une réflexion sur les parkings collaboratifs et le covoiturage, mais surtout grâce à l’amélioration du réseau de transports en commun : « Nous lançons un audit sur le réseau Stan et proposons de créer de nouvelles voies de bus en site propre », poursuit le vice-président. Sans oublier l’incitation aux modes de transports doux, avec la préparation d’un plan piéton et la création de nouvelles pistes cyclables sécu risées et continues. « Il y a une forte attente sur la question des mobilités », poursuit-il, « d’autant que le réseau de bus connaît des dysfonctionnements
depuis le changement de délégataire ! » À noter également la concrétisation d’une promesse de campagne : la gratuité du réseau Stan tous les weekends, à partir du 5 décembre, dans les 20 communes de la métropole, afin d’améliorer la qualité de l’air, mais aussi de soutenir les commerçants du centre-ville face à la concurrence de la vente en ligne. Un groupe de travail réfléchit à une tarification solidaire ainsi qu’à la gratuité permanente pour les mineurs et les seniors. Des propositions qui ont été contestées par les élus de l’opposition, notamment le 1er vice-président, François Werner, maire de Villers-lès-Nancy, en raison de l’impact financier, car le Grand Nancy
affirmant que « c’en est fini des querelles de clochers ». Et l’heure, avec la reprise de la pandémie de Covid-19, n’est pas à la dispersion, mais à la cohésion. Comme partout, la crise a rebattu les cartes, causant divers sinistres dans les domaines du commerce, de la restauration, du tourisme, du BTP… et obligeant les élus à modifier leur feuille de route pour faire du soutien économique et social leur priorité. Le 8 octobre, les élus ont donc annoncé la création d’une nouvelle agence de développement économique, pour début 2021, devant compléter les plans de relance existants, comme le fonds Résistance de 44 millions d’euros abondé par la région Grand Est. « Elle renforcera l’écosystème économique en soutenant les entreprises en crise dans le sud de la Meurthe-et-Moselle ». La rénovation du Musée lorrain – en projet depuis 2013 –, la construction du Grand Nancy thermal, ainsi que la rénovation thermique des bâtiments, pourraient d’ailleurs contribuer à relancer la commande publique locale.
est l’une des métropoles les plus endettées (700 millions d’euros). D’autres chantiers sont sur la table, comme celui, épineux, du tram à pneu, dont la nécessaire rénovation avait été décidée par l’équipe sortante, pour 450 millions d’euros. « Mais rien ne sera tranché avant les résultats de l’audit commandé sur l’état financier de la Métropole », précise Patrick Hatzig. Servira-t-il à revoir à la baisse les ambitions ? Possible.
CONTRE LA COVID-19 : PLAN DE RELANCE PAR L’ÉCONOMIE LOCALE
Mais le conflit ne s’est pas envenimé, Mathieu Klein jouant la carte de la concertation avec les 20 communes de tendances politiques différentes et
« Je veux porter le CHRU dans le renforcement des coopérations avec le CHR de Metz-Thionville. Nous pourrions être ainsi dans le top 3 des établissements français. » Mathieu Klein
INSERTION ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ
POLITIQUE AMBITIEUSE EN MATIÈRE DE MOBILITÉ
Au programme : réduire l’usage de la voiture individuelle en proposant d’autres solutions, comme la création de nouveaux parkings-relais aux
À la suite de l’annonce du départ d’Air France de Lorraine Airport, Mathieu Klein a appelé à une nouvelle approche concertée des mobilités à l’échelle du territoire, dans le but d’étendre les liaisons ferroviaires : TER Nancy-Dijon, TER Nancy-Epinal-Belfort… D’où le projet de « Sillon lorrain express », porté pendant la campagne : un transport régional à grande vitesse, de type RER, passant par Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg, pour se connecter à son aéroport international. « Il faut que la Lorraine joue pleinement son rôle, d’autant que nous avons un positionnement géographique privilégié. C’est une des clés majeures de notre avenir », écrit-il.
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L’objectif est que, pour l’été 2021, un premier secteur piéton soit mis en service. Il s’agit d’un parcours allant de la porte de la Craffe à la place Stanislas puis la place Charles III. (Photo prise avant l’obligation du port du masque dans l’espace public).
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© Ville de Nancy
NANCY AU CŒUR DE L’EUROPE ?
Second volet de mesures dictées par la pandémie : le soutien aux populations les plus fragiles, via l’élaboration d’une Stratégie métropolitaine d’insertion et de lutte contre la pauvreté, fondée sur l’accès aux droits, le maintien dans le logement, l’aide alimentaire... Un terrain assez connu du président de la métropole, qui, auparavant à la tête du conseil départemental de Meurtheet-Moselle, avait travaillé et même publié sur le sujet, notamment, du revenu universel. Un soutien qui passe entre autres par l’accès à une alimentation locale et de qualité, via la création de circuits courts agroalimentaires. « Alors que la crise sanitaire a fait ou va faire basculer un très grand nombre de personnes dans la pauvreté, la Métropole doit contribuer à la construction d’une société plus juste et plus résiliente », insiste la nouvelle équipe métropolitaine. ◆
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Vers des transports décarbonés
À TOULOUSE, LA MÉTROPOLE LANCE (ENFIN) SA 3E LIGNE DE MÉTRO
La crise sanitaire liée au coronavirus a fragilisé le secteur des transports en commun avec moins de recettes de la part des usagers et moins de financements venant des entreprises via le versement-mobilité. Pourtant, paradoxalement, les collectivités redoublent d’efforts aujourd’hui pour engager la transition écologique. Car le spectre d’un retour massif de la voiture particulière plane dans tous les esprits. Renforcement de l’offre, achat de matériels roulants plus propres, aménagements de la voirie et mesures coercitives, les actions se multiplient avec un objectif : rendre les villes plus respirables. Tour d’horizon des initiatives locales. Par Yoanna Sallese
Vingt-sept kilomètres de ligne, vingt stations et cent-dix millions d’euros d’investissement... Toulouse prépare sa troisième ligne de métro.
© Daimler-AG
« Nous devons répondre aux enjeux climatiques et de qualité de l’air. Notre objectif est de ne plus avoir de motorisation diesel dans notre parc de bus d’ici 2030 », explique Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole en charge de la mobilité et des transports. En 2016, les élus avaient déjà pris la décision de ne plus acheter de véhicules polluants et avaient testé la circulation des Bluebus électriques (groupe Bolloré). « Cette expérimentation a montré que les technologies de motorisation électrique sur les bus sont fiables, ajoute l’élu. La mutation du diesel et de l’essence vers l’électrique et le gaz naturel est possible, nous n’avons plus d’excuses. » Autre argument favorable : les retours positifs des usagers. Concrètement, les bus se rechargeront pendant la nuit et certaines lignes disposeront de points de recharge sur leurs trajets. Si l’achat d’un bus électrique est environ trois fois plus coûteux qu’un véhicule thermique, il est plus rentable sur le long terme, les recharges électriques restant moins onéreuses que les frais de carburant. ◆
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© Les Yeux Carrés Tisséo Ingénierie
À Rennes, la métropole vient de passer une commande historique : une flotte de 92 bus électriques, pour 60 millions d’euros.
© DR
RENNES MÉTROPOLE VERDIT SON RÉSEAU DE BUS
Téléo, une ligne de téléphérique urbain, viendra compléter le réseau de transports en commun de la métropole toulousaine. Elle reliera l’Oncopole à l’Université Paul-Sabatier, en passant par le CHU de Rangueil. Les premiers pylônes ont été mis en place, pour une mise en service prévue à l’été 2021.
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Ce projet métropolitain, deuxième plus important en France après le Grand Paris Express, est piloté par Tisséo, opérateur du réseau de transport de Toulouse Métropole, et 114 communes, dont 37 de la métropole. Déjà au cœur du programme en 2014 du candidat Jean-Luc Moudenc, devenu maire depuis, le projet a pris beaucoup de retard. Il vise à renforcer les dessertes existantes des lignes A et B qui passent par le centre-ville et les universités. Objectif : créer une grande transversale pour desservir les principales zones économiques, dont Toulouse Aerospace au sud-est. « Des sites comme celui d’Airbus, à Blagnac, au nord-ouest de Toulouse ne sont reliés à aucun système de transport en commun, explique Jean-Michel Lattes, président de Tisséo. Aujourd’hui, si on doit se déplacer dans cette zone, la voiture est indispensable. Nous devons la rendre accessible en bus et en métro, d’autant que le nord de la métropole se développe à grande vitesse. » Cette nouvelle ligne de métro serait fréquentée par 200 000 personnes chaque jour, dont 90 000 automobilistes qui laisseraient leur voiture au garage. L’ambition est d’atteindre, en 2030, 3,8 tonnes de CO2 par habitants tous secteurs confondus, contre 4,4 tonnes en 2013. « L’enjeu est de prendre des parts de marché sur la voiture. Pour que 90 000 automobilistes renoncent à leur voiture, il faut une offre de transports adaptée. Nous visons une vitesse commerciale de 40 km/h. » Reste à savoir quand le projet sera livré. Pour l’heure, il vient d’être déclaré d’utilité publique et les sondages géotechniques sont en cours. Initialement prévue pour 2024, aux dernières nouvelles, la future ligne devrait être prête pour 2026. ◆
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NANTES PASSE EN ZONE 30 ! Les voitures roulent au pas dans Nantes. Depuis le 31 août 2020, la ville impose une limitation de vitesse à 30 km / h sur l’ensemble de son territoire, soit sur 600 kilomètres de routes.
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© ROBERTO GIANGRANDE_Nantes Métropole
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Seuls quelques axes structurants restent limités à 50 km / h. « Cette mesure répond à un triple objectif : améliorer la qualité de l’air, favoriser les mobilités douces et renforcer la sécurité », rappelle le premier adjoint à la maire de Nantes, Bassem Asseh. En effet, les Nantais ont fait part de leur sentiment d’insécurité face à la circulation automobile. Conséquence : ils ne prennent pas le vélo et boudent la marche à pied. Selon Bassem Asseh, « avec un trafic limité à 30 km / h, nous observons que les personnes sont rassurées. Leur vitesse, à pied et surtout à vélo, est plus proche de celle de la voiture. Elles y recourent davantage. C’est un cercle vertueux ! » Pour accompagner cette mesure, la ville et la métropole ont redessiné les axes de circulation grâce à des aménagements rapides de l’espace public – ce que l’on appelle l’urbanisme tactique : ainsi, de nouvelles pistes cyclables ont été marquées au sol ; des aménagements de voirie ont permis d’élargir des trottoirs et de laisser davantage de place aux bus. Après études et retour d’expérience de la part des habitants, la municipalité jugera si ces aménagements seront pérennisés ou non. S’il est trop tôt pour connaître l’impact environnemental de cette mesure, le premier adjoint l’assure : « Nous notons davantage de cyclistes dans les rues et les avis des Nantais sont positifs ! » ◆
ZFE MOBILITÉ : SEPT NOUVELLES MÉTROPOLES CONCERNÉES Depuis le décret datant du 16 septembre 2020, la mise en place des Zones à faible émissionmobilité (ZFE-m) est rendue obligatoire par le gouvernement dans sept nouveaux territoires : les métropoles d’Aix-Marseille, Nice, Toulon, Toulouse, Montpellier, Strasbourg et Rouen sont concernées. Les Zones à faible émission de gaz
à effet de serre délimitent un périmètre dans lequel le trafic automobile est interdit aux véhicules les plus polluants, identifiés par leur vignette Crit’air, sous peine d’amende pour le conducteur. Des ZFE existent déjà à Paris et sa métropole, dans le Grand Lyon et à Grenoble Alpes Métropole. Cette décision intervient dans
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un contexte tendu entre le gouvernement et le Conseil d’État : le 10 juillet, le juge administratif suprême a condamné l’État pour ne pas avoir pris de mesures suffisamment drastiques afin d’endiguer les problèmes liés à la pollution de l’air. La peine envisagée : une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.
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Smoove, le spécialiste du vélo en libre-service
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ENTRETIEN AVEC...
Benoît Yameundjeu
Directeur Général de Smoove
POURQUOI LE NOM SMOOVE ? Smoove vient de « smooth » et de « moove » qui pourrait se traduire par la mobilité douce. Smoove crée des systèmes de vélos partagés pour favoriser la mobilité douce et active. Une modalité de déplacement doublement vertueuse, bonne pour l’environnement puisqu’elle ne pollue pas et bonne pour la santé, puisque les
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Concepteur fournisseur de systèmes de vélos partagés intégrés dans une offre multimodale, Smoove n’a de cesse d’innover. Son objectif : concevoir des vélos intelligents avec un usage simplifié pour la ville, les exploitants et leurs usagers. Sa solution de vélo partagé et sa nouvelle gamme Flex en font la démonstration. utilisateurs sont actifs sur leur mode de déplacement. SMOOVE A ÉTÉ CRÉÉE EN 2008. RACONTEZ-NOUS SON HISTOIRE ET PRÉSENTEZ-NOUS SA STRATÉGIE. Smoove a été créée par les frères Mercat. C’est une entreprise qui s’est positionnée dès le début comme concepteur-fournisseur de systèmes de vélos partagés.
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PARIS. Système battant les records d’utilisation avec plus de 400 000 abonnés. Smoove est fournisseur du service Vélib et donc de la société en charge de son exploitation, Smovengo, dépendant elle-même de la SAVM.
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MONTPELLIER. 548 VLV, 1 850 vélos location long durée, 54 stations. L’un des services historiques de Smoove dont elle est originaire.
MOSCOU. Après avoir conçu un premier système en 2014 (4400 VLS, 260 vélos à assistance électrique, 500 stations) pour cette ville, Smoove en lance deux nouveaux en 2020 (200 VLV et 20 stations).
L’objet initial de leur stratégie, toujours nôtre aujourd’hui, n’est pas d’exploiter ces systèmes mis en place mais de les concevoir et de les fournir. L’ADN de l’entreprise est donc l’innovation : concevoir des vélos intelligents avec un usage simplifié pour la ville, les exploitants et leurs usagers. Rappelons que sur un système de vélos partagés, le donneur d’ordre est la ville qui a un fournisseur ; l’exploitant, Smoove apportant une solution complète, particulièrement adaptée. Ainsi tout au long de son histoire, l’entreprise innove avec une différence notable par rapport à ses concurrents : avec Smoove, l’intelligence du système est intégrée dans le vélo, à l’inverse du concept de stations connectées. C’est cette innovation qui a permis le développement de Smoove, notamment à Montpellier, berceau de l’entreprise, puis sur d’autres villes moyennes françaises avant l’étranger avec des marchés importants comme Helsinki, Moscou, Bangkok, Marrakech… Nous sommes également très fiers d’avoir remporté l’appel d’offres sur Paris contre l’opérateur historique. Smoove rassemble une équipe de près de 80 collaborateurs essentiellement basée sur le site d’Oullins, près de Lyon, constituée d’un bureau étude, de la chaîne d’approvisionnement et de
sourcing des vélos et des fonctions supports. Une équipe restreinte est positionnée à Paris en support de l’exploitant.
lettres de noblesse et a toute sa place pour être intégré dans le cadre plus large du réseau de transports urbains.
QUELLES SONT VOS AMBITIONS ? Nous poursuivons notre développement sur notre sur cœur de métier, le vélo partagé, à travers des appels d’offres de grandes villes en Europe, Amériques du Nord et du Sud. Nous développons de nouvelles technologies afin d’offrir des solutions répondant aux besoins des grandes métropoles à l’international, avec pour cible, par exemple, le Royaume-Uni, riche d’opportunités, et bien sûr la France. Nous proposons notre technologie à d’autres segments comme celui des vélos de location longue durée. Géré par la collectivité, celle-ci permet de mettre le pied « à la pédale » à de nouveaux usagers. Nous imaginons aussi des partenariats avec des fabricants de vélos afin de mettre à disposition des vélos à usages privatifs, les technologies des vélos en libre-service. Le vélo a aujourd’hui gagné ses
SMOOVE LANCE SMOOVE FLEX. DE QUOI S’AGIT-IL ? C’est une gamme qui intègre toutes les innovations existantes du vélo partagé. Les vélos sont tracés par GPS, ce qui permet à la fois d’améliorer les infrastructures cyclables, de retrouver les vélos perdus mais aussi de proposer de déposer le vélo dans des stations virtuelles. De plus, le vélo est capable d’envoyer son diagnostic à distance en temps réel et l’interface usager a été complètement repensée pour que toutes les fonctions soient accessibles depuis un smartphone. La solution Flex est ainsi moins coûteuse pour les villes qui s’affranchissent en partie de stations fixes aux investissements lourds. À titre d’exemple, une ville
organise un événement ; pour répondre à l’augmentation des usagers, elle n’aura qu’à créer une station éphémère dite légère composée d’arceaux sur lesquels les usagers attacheront leurs vélos, la technologie faisant le reste ! De plus, toutes les données que Flex récolte étant mises à disposition de la collectivité, cela lui permet de savoir quelles pistes seraient sous ou sur-utilisées ou à créer. Imaginez l’intérêt pour Paris qui compte 200 000 courses par jour ! Pour l’exploitant, c’est le moyen d’optimiser la ramasse et le rééquilibrage des stations, d’avoir un système plus performant avec prédiction évitant la frustration d’un usager ne trouvant pas de vélos à son arrivée ! Bien évidemment, nous conservons en parallèle les solutions pour les utilisateurs finaux n’ayant pas de smartphone, permettant ainsi aux collectivités de répondre à toutes les typologies d’usagers.
Smoove dans le monde
45 000 vélos 3 500 stations 14 pays 22 villes OBJECTIF MÉTROPOLES DE FRANCE - 41
Des stations pouvant être fixes, totalement virtuelles (ci-contre en illustration) ou virtuelles avec arceaux. La nouvelle gamme Flex de Smoove permet d’allier la sécurité des stations fixes à la flexibilité des systèmes en freefloating.
DOSSIER
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Gratuité des transports : deux métropoles sautent le pas La gratuité des transports fait des émules en cette rentrée. Alors qu’une trentaine de villes s’y essaient déjà, c’est au tour notamment de deux métropoles de tenter de l’expérience : à Rouen et Montpellier, les transports en commun deviennent gratuits le week-end. Mais la mesure ne fait pas l’unanimité. Certains s’inquiètent de son coût et du risque de saturation des réseaux. Par Yoanna Sallese
Dans la métropole Rouen Normandie, tout le monde peut bénéficier de la gratuité des transports publics, mais uniquement le samedi.
unkerque, Niort, Besançon, Auba gne, Compiègne, Châteauroux… en France, une trentaine de villes proposent déjà leurs transports en commun gratuits. Depuis la rentrée de septembre, c’est au tour de deux métropoles de rentrer dans la danse : promesses de campagne des élections municipales, à Montpellier comme à Rouen, les deux nouveaux élus n’ont pas traîné pour tester ce dispositif et ce, malgré la crise sanitaire qui engendre déjà une baisse des recettes par une moindre fréquentation et une © Caroline Bazin
MOBILITÉ DURABLE
diminution de la contribution des entreprises (versement-mobilité).
© Caroline Bazin
RE-DYNAMISER LES COMMERCES ET AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR
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Maire (PS) de Rouen et président de sa métropole (72 communes), Nicolas Mayer-Rossignol a choisi de démarrer l’expérience début septembre avec une gratuité des transports pour tous les usagers, mais uniquement le samedi, jour où le trafic routier est le plus important. Avec un triple objectif : écologique, sanitaire (avec la réduction de la pollution de l’air par la baisse de la circulation automobile) et économique. « Avec la crise de la Covid-19, nos commerçants connaissent de grandes difficultés, explique le maire. La gratuité peut pallier le manque d’attractivité. » Des propos appuyés par une étude du CEREMA datant de juin 2020, selon laquelle les commerces de proximité sont essentiellement fréquentés par les piétons, les usagers des transports collectifs et les cyclistes. Les automobilistes ne représenteraient que 10 % des clients. « Instaurer les transports gratuits le samedi est donc un moyen de rendre Rouen attractif et de résoudre la problématique de saturation automobile à la fois », ajoute l’élu.
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À DUNKERQUE, UN BILAN POSITIF Après deux années de mise en place des transports en commun gratuits, l’heure est au bilan pour la communauté urbaine de Dunkerque. Lancée en septembre 2018, la mesure a nécessité plusieurs aménagements, soit deux années de travaux pour optimiser l’espace public, faciliter le trafic du réseau et augmenter la flotte de véhicules. Cette transformation globale a coûté 65 millions d’euros à la collectivité, à mettre en regard d’une perte de recettes de 4,5 millions d’euros par an. À noter que des financements nationaux, départementaux et européens ont largement contribué aux paiements des infrastructures et aux achats de véhicules. Côté fréquentation, la ville du nord enregistre une hausse de 85 % de la fréquentation des transports entre 2018 et 2019 et 50 % des nouveaux usagers affirment avoir abandonné leur voiture.
Il reste toutefois convaincu qu’on « ne peut pas instaurer la gratuité des transports sans revoir toute l’offre globale. En plus de ce dispositif, d’ici janvier 2021, les tarifs des abonnements seront adaptés aux revenus des familles qui ont peu de moyens pour les autres jours de la semaine. C’est aussi une façon de mener une politique inclusive. Nous
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DOSSIER
MALGRÉ LA COVID-19, UNE FRÉQUENTATION DES TRANSPORTS EN HAUSSE
« Il faut faire évoluer les mentalités sur le financement et l’économie des transports. Nous n’allons pas faire n’importe quoi. La gratuité ne vaut que pour les métropolitains, les autres usagers devront payer leurs transports. »
À MONTPELLIER, DES TRANSPORTS GRATUITS POUR LES MÉTROPOLITAINS
Même son de cloche à près de 900 kilo mètres de là. À Montpellier, la nouvelle majorité emmenée par Michaël Delafosse (PS) propose la gratuité le samedi et le dimanche. « Il est urgent d’agir en faveur de l’environnement, mais pas seulement, affirme Julie Frêche, vice-présidente en charge des transports. C’est aussi une question sociale pour les familles en difficulté qui sont nombreuses sur notre territoire et bien sûr pour redonner de l’attractivité aux commerces de l’Écusson, le centre-ville montpelliérain. » La mesure sera limitée aux seuls habitants de la métropole qui y auront droit, selon l’élue, « puisqu’ils s’acquittent des impôts locaux ». À Montpellier Méditerranée Métropole (31 communes), l’expérimentation s’éta lera en trois phases : une gratuité le week-end sur plusieurs mois, voire une année ; puis un élargissement à tous les jours de la semaine, mais seulement pour les moins de 26 ans et les plus de 65 ans ; enfin, la troisième phase du projet, mise en place mi-mandat, instaurerait une gratuité généralisée à
tous les jours de la semaine. Une stratégie de long terme qui vise notamment à diminuer les quelque 280 000 déplacements automobiles journaliers sur le territoire. « Nous sommes l’une des métropoles les plus polluées de France. Nous souhaitons que d’ici deux ans les habitants aient troqué leur voiture pour le tram ou le bus », confirme Julie Frêche. Cette stratégie progressive devrait permettre à la métropole d’absorber les coûts d’un dispositif considéré comme trop onéreux pour certains.
UNE ÉQUATION FINANCIÈRE IMPOSSIBLE ?
En effet, parmi les arguments des détracteurs revient le problème de finan cement du dispositif. En France, les transports publics sont financés d’une part par les entreprises présentes sur le territoire desservi, via le versementmobilité, et d’autre part par la vente de
© Caroline Bazin
devons également penser à renforcer notre réseau et à adapter notre matériel pour qu’il soit plus écologique. » À ce titre, la métropole réfléchit à rajeunir sa flotte de bus, en se penchant sur des systèmes hybrides ou électriques. Nicolas Mayer-Rossignol l’espère : « Si tout se déroule bien pendant cette première année, nous pourrons mettre en place une gratuité tout le week-end. »
À Montpellier Méditerranée Métropole (en bas), la gratuité des transports publics le week-end est valable seulement pour les habitants de la métropole.
© Christophe Ruiz - Ville et Métropole de Montpellier
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« Avec la crise liée au coronavirus, il y a moins de monde dans les transports. Plusieurs collectivités se demandent s’il ne serait pas mieux de les rendre gratuits, car le réseau génère un coût, qu’importent les aléas de l’actualité », explique Maxime Huré président de l’Observatoire des Villes des transports gratuits. Malgré la baisse générale, « à Montpellier comme à Rouen, nous observons une hausse d’environ 10 % de la fréquentation les samedis par rapport à ceux de septembre 2019. Preuve que la gratuité incite les personnes à prendre les transports », analyse-t-il. Dans la métropole méditerranéenne, trois semaines après sa mise en place (le 5 septembre), on enregistrait 25 000 pass gratuits accordés et plus de 4 000 en cours de traitement. Du côté de Rouen, pas encore de chiffres, mais Nicolas MayerRossignol souhaite rassurer : « Nous avons de bons retours des administrés et des commerçants. »
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titres. Avec la gratuité, cette deuxième source se tarit. À Rouen et Montpellier, le manque à gagner induit par le dispositif s’élèvera respectivement cette année à 2 et 5,6 millions d’euros. « Pas de quoi affoler les finances des collectivités », nous assurent à l’unisson Nicolas Mayer-Rossignol et Julie Frêche. Et pourtant, certains s’inquiètent des conséquences financières, comme l’ancien élu et aujourd’hui conseiller métropolitain Max Levita : « La métropole peut absorber 5,6 millions d’euros sur une année, mais ce coût ne vaut que pour la gratuité les week-ends. Si nous décidons de la généraliser, il passerait à 72 millions d’euros. Cela serait intenable pour nos finances », désespère-t-il. De quoi indigner Julie Frêche : « Il faut faire évoluer les mentalités sur le financement et l’économie des transports.
Nous n’allons pas faire n’importe quoi. La gratuité ne vaut que pour les métropolitains, les autres usagers devront payer leurs transports. » Ce qui générera des recettes.
« LA GRATUITÉ S’ÉTUDIE TERRITOIRE PAR TERRITOIRE »
Maxime Huré, président de l’Observatoire des Villes des transports gratuits, assure que le dispositif influe peu sur le budget des collectivités : « Il faut se rendre compte que les collectivités assument depuis déjà très longtemps ce coût. La participation des usagers est presque symbolique dans certaines villes tant le prix est faible. Il y a donc une logique à ne pas les faire payer du tout. » En moyenne, l’Observatoire estime que les usagers financent les transports collectifs à hauteur de 17 %. Si ce chiffre
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peut varier selon les observateurs – l’Union des Transports publics l’évalue plutôt à 30 % – il est en effet relativement mince comparé à la part des recet tes générées par le versement-mobilité (VM) qui couvrent près de 70 % des dépenses. Or, avec la crise économique, les recettes du VM ont commencé à diminuer fortement. Si la situation devait perdurer, le coût de la gratuité pourrait être alors plus important que prévu. Par ailleurs, Maxime Huré reconnaît que la gratuité est complexe à mettre en œuvre dans de grandes villes comme Lyon et Paris où le débat continue : « Dans de très grandes métropoles le risque est de créer une embolie du réseau. Instaurer les transports gratuits ne se fait pas comme ça, cela doit s’étudier territoire par territoire. » Le Grand Nancy se lancera au mois de décembre, tandis qu’à Nantes, le dispositif est envisagé pour septembre 2021. Ce sera alors l’heure du premier bilan pour Rouen et Montpellier. ◆
PUBLI-RÉDACTIONNEL PUBLI-RÉDACTIONNEL
MOBILITÉ DURABLE
DOSSIER
Chaque trimestre, Objectif Métropoles de France ouvre ses colonnes aux acteurs de la mobilité.
Partenariat HCI et NEoT Green Mobility : une solution innovante pour accompagner les acteurs de la mobilité urbaine vers l’électromobilité
LE SPECTRE DE LA VOITURE INDIVIDUELLE EST DE RETOUR
Poursuivant une ambitieuse politique de déploiement de ses autobus électriques KARSAN, aux autonomies inégalées sur le marché, performants et respectueux de l’environnement, HCI propose désormais des solutions à louer plutôt qu’à acheter. Cette nouvelle offre repose sur un partenariat avec NEoT Green Mobility, plateforme dédiée au financement de la mobilité zéro émission, créée par le groupe Caisse des Dépôts, EDF et Mitsubishi Corporation pour accompagner les collectivités locales, les opérateurs de transport et les entreprises industrielles et logistiques dans leur transition énergétique. Explications.
Par Thibault Lécuyer, directeur marketing, Padam Mobility
ENTRETIEN AVEC...
La conscience écologique se heurtant à la difficulté de garantir la sécurité sanitaire de tous, le déconfinement a redistribué les cartes des parts modales dans la vie quotidienne des citoyens. Les transports en commun ont été désertés. Selon Île-de-France Mobilités, la fréquentation du réseau francilien en juin dernier a représenté à peine 40 % de celle de l’année passée à la même période. Pour septembre, le chiffre n’atteint pas 60 % de voyageurs. Réticents à monter dans les bus ou les métros, urbains et péri-urbains sont nombreux à vouloir éviter la promiscuité des transports en commun. Démunis, les élus ont vu les administrés exiger des garanties impossibles tout en voyant les revenus des transports en commun chuter. La voiture serait donc sur le point de faire un retour fracassant. Publié en mars, un sondage Ipsos réalisé en Chine révèle que 66 % des Chinois interrogés auraient l’intention de choisir la voiture pour se déplacer – ce chiffre ne dépassait pas les 34 % avant la crise. En France, 178 981 voitures neuves ont été immatriculées en juillet 2020, contre 172 225 l’année dernière au même moment, soit une hausse notable de près de 4 %.
Sur toutes nos routes, en centre-ville comme dans le périurbain et le rural, il n’est pas envisageable de renoncer à une mobilité responsable. Pour cela, une seule solution : faire preuve d’une responsabilité accrue. À nous de porter des masques, de respecter les mesures sanitaires et d’éviter les déplacements superflus. C’est aussi de cette manière que nous permettrons aux opérateurs de transports de faire preuve de résilience. À nous également de leur faire confiance pour assurer notre sécurité, en choisissant la solution la plus adaptée à nos trajets. Parmi les solutions disponibles, le transport à la demande (TAD) permet à la fois une flexibilité et une résilience rares dans le monde des transports en commun. C’est la spécialité de Padam Mobility. Face à la pandémie, le TAD permet de réserver des places dans les transports du quotidien, maîtrisant ainsi un taux de remplissage qui garantit la distanciation sociale. Adaptable en temps réel, il permet de transformer des services en ajoutant des arrêts là où des besoins, mêmes temporaires, se font sentir. Il est aussi beaucoup plus prévisible : l’information voyageur améliorée du TAD préviendra les usagers si un véhicule est déjà trop rempli pour recevoir des passagers en toute sécurité. Et les renverra vers le prochain trajet disponible. Cette période teste la résilience des transports en commun. Ils ont les moyens de relever le défi. ◆
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LA PERSPECTIVE D’UN GRAND EMBOUTEILLAGE
PRIVILÉGIER D’AUTRES SOLUTIONS TOUT EN ÉTANT RESPONSABLE
Lionel Poch
Directeur Général de HCI
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es indices de pollution se rangeaient au rang des rares bonnes nouvelles pendant le confinement. Le Haut Conseil pour le climat faisait état d’une baisse de 30 % des émissions de gaz à effet de serre.
Aurélien Achard
Directeur Mobilité chez NEoT Capital, en charge de la plateforme NEoT Green Mobility
DANS QUEL CONTEXTE AVEZ-VOUS DÉCIDÉ DE CE PARTENARIAT ? Aurélien ACHARD : Dans un contexte d’importance accrue des enjeux environnementaux, fortement perceptible lors des élections municipales, tous les indicateurs sont au vert pour que les véhicules propres occupent une place de plus en plus prédominante au sein des villes. De plus, la crise sanitaire nous oblige à réinventer la mobilité afin de rendre l’autobus de nouveau plus attractif envers tous les passagers qui l’ont abandonné pour d’autres modes doux. Cela permet de réduire tant la pollution de l’air que la pollution sonore et prend dès lors tout son sens. Lionel POCH : Notre volonté est d’accompagner les acteurs de la mobilité urbaine vers une solution plus vertueuse. Ce partenariat permet de concilier économie et écologie avec une proposition de location adaptée, à savoir une offre de location opérationnelle d’un midibus électrique avec un coût identique à court terme à celui d’un véhicule carboné et surtout inférieur à long terme.
© Karsan
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Après tant d’efforts pour désencombrer les routes, la crise sanitaire a rebattu les cartes. La part modale du transport en commun est en chute libre, et le risque d’un retour en force de la voiture individuelle est réel.
La navette urbaine JEST électrifiée par BMWi.
CONCRÈTEMENT, QUELS SONT LES ATOUTS DE CETTE OFFRE ? L. P. : Doter sa flotte urbaine d’un véhicule électrique ne passe plus forcément par un investissement initial lourd. Le prix du véhicule électrique est souvent plus cher à l’achat, avec notamment le coût des batteries. Notre solution n’est alors plus une acquisition, mais une simple charge opérationnelle via de la location moyen ou long terme, dont le montant très abordable intègre la garantie du véhicule ainsi que la performance et la disponibilité de la batterie sur la durée du contrat. Disponibles dans un délai de 4 mois maximum, nos autobus électriques permettent d’amener rapidement et visiblement une mobilité plus verte au cœur des villes, dans des quartiers
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historiques ou des zones à faible émission. A. A. : Concrètement, NEoT Green Mobility fait l’acquisition du véhicule électrique et le met à disposition du client qui lui verse un loyer mensuel sur mesure. Ce loyer est évalué au cas par cas selon les besoins du client, notamment selon l’usage du véhicule, le kilométrage annuel et la durée souhaitée de location. DES UTILISATEURS CONQUIS ? L. P. : Les navettes et midibus électriques KARSAN ont déjà séduit de nombreuses Autorités Organisatrices de Mobilité et Opérateurs à Angers, sur la Côte d’Azur, en Provence, dans le Puy-deDôme, au cœur des Vosges, à Paris et en région parisienne.
SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS
Énergie
CHAUFFERIES BIOMASSE
À TOURS, LA SEPANT TIRE LA SONNETTE D’ALARME
L’arbre qui cache la forêt ? Par Yoanna Sallese
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À Tours, une troisième centrale biomasse a été inauguré en février 2020. Elle devrait chauffer 10 000 logements, ce qui nécessitera 19 200 tonnes de bois par an.
tion, troisième de la métropole tourangelle (22 communes), alimente 10 000 logements et est approvisionnée par 19 200 tonnes de bois par an provenant des forêts avoisinantes. Et si la métropole se félicite de cette nouvelle chaufferie, c’est parce qu’elle incarne « un outil majeur pour la transition écologique, souligne Jean-Luc Gaillot, vice-président de la métropole de Tours en charge du développement durable. Une centrale biomasse efface 19 000 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent en consommation de 800 bâtiments
LE BILAN CARBONE MITIGÉ DE LA BIOMASSE
© Bois Énergie France, filiale de Dalkia
Les chaufferies biomasse ont le vent en poupe. En 2020, on en dénombre une centaine sur le territoire, fonctionnant en grande partie avec du bois énergie provenant des forêts locales. Et si ces installations prennent de l’ampleur, c’est parce que les collectivités sont fortement incitées à se tourner vers les énergies renouvelables, parfois au détriment de la sylviculture.
Après Saint-Pierre-des-Corps et Jouélès-Tours, c’est au quartier de Menneton à Tours d’inaugurer, le 18 février 2020, sa chaufferie biomasse. Cette installa-
© Bois Énergie France, filiale de Dalkia
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réconisées par la loi sur la transition énergétique de 2015, les chaufferies biomasse, alimentées en partie par du bois local et des déchets agricoles, devraient permettre de réduire de 40 % l’utilisation des énergies fossiles (fioul et charbon), d’ici 2030. C’est en tout cas ce qu’espère le gouvernement qui encourage auprès des collectivités l’installation de ce type de chaufferies alimentées en circuit court. Un fonds chaleur de 1,7 milliards d’euros a même été créé par l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour la période 2009-2017 afin d’aider les collectivités. Mais qu’en est-il de l’état des forêts où le bois est prélevé ? L’Ademe et l’Office national des forêts (ONF) affirment à l’unisson que la forêt française a crû de 32 % depuis un siècle. Mais à l’heure où l’État prône les vertus du bois énergie et à l’aune du réchauffement climatique, certains voient dans ces nouveaux réseaux de chaleur un système pernicieux pour l’environnement.
À France Nature Environnement (FNE), c’est plutôt l’argument du bilan carbone vanté par le gouvernement qui fait débat : selon le ministère de la Transition écologique, couper du bois destiné à la biomasse est un gage de neutralité carbone dès lors que l’on replante les espèces après la coupe. Mais pour Sarah Khatib, chargée de mission au réseau forêt à FNE, cette vision est quelque peu erronée : « L’État affirme que le fait de replanter un arbre à la place d’un autre revient à une neutralité carbone. Sauf que pour qu’un arbre atteigne une taille suffisante afin de stocker assez de carbone, il lui faut plusieurs décennies. » Pour elle, l’usage du bois énergie ne doit surtout pas prendre l’ascendant sur le bois d’œuvre (bois destiné à la construction et à l’ameublement) car tant qu’il n’y a pas de combustion, le carbone reste stocké dans le bois. « Une forêt, moins on y touche, plus elle stocke de carbone. Plus elle est industrielle, moins c’est le cas », affirme la chargée de mission qui rappelle qu’en France, le bois énergie est la première énergie renouvelable utilisée, à hauteur de 70 %.
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publics de la métropole. Le gouvernement nous demande de faire des efforts et ce n’est pas plus mal car le bois est une source d’énergie bien moins chère que le charbon et le fioul. Nous divisons par deux les factures énergétiques des collectivités. » Un avis loin d’être partagé par la Société d’étude, de protection et d’aménagement de la nature en Touraine (Sepant) qui s’inquiète de voir fleurir des chaufferies biomasse sur le territoire métropolitain. « Les deux premières usines biomasse existent depuis 5 ans. Au total, elles brûlent près de 90 000 tonnes de bois chaque année. Nous avons pu observer un impact sur les forêts proches de la métropole, s’inquiète Pierre Richard, président de la Sepant. On a constaté davantage de coupes, avec des trous dans les forêts. Implanter une troisième chaufferie ne va pas arranger les choses. » En outre, la Sepant craint une surexploitation forestière de la région dans les années à venir et redoute que l’utilisation du bois énergie mette en péril la biodiversité des forêts. « L’implantation des chaufferies biomasse encourage une mauvaise exploitation de la forêt et les élus ferment les yeux sur ce problème
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Énergie
© Bois Énergie France, filiale de Dalkia
« Oui, la forêt s’est développée, mais ça va faire plusieurs décennies qu’elle ne croît plus et pour cause, on l’exploite massivement. Dans quelques années, elle risque même de reculer. »
Dans le Grand Lyon, la chaufferie de Surville exploitera dans un premier temps les déchets des métropolitains pour chauffer leur logement. Si ce n’est pas suffisant, notamment pendant la période hivernale, elle s’autorise à récupérer des déchets de bois.
« On a constaté davantage de coupes, avec des trous dans les forêts. Implanter une troisième chaufferie ne va pas arranger les choses. »
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car ils répondent au cahier des charges du gouvernement en matière d’énergie renouvelable », accuse Pierre Richard. « Je m’inscris en faux sur cette analyse !, gronde Jean-Luc Gaillot. Avant de lancer la construction des trois chaufferies biomasse, nous avons mené une étude avec l’association Arbocentre, qui accompagne les projets de filière bois, démontrant le potentiel des forêts en Touraine. » D’ailleurs, le vice-président assure utiliser en partie des déchets de bois provenant de scieries et des déchets verts des collectivités. La coupe d’arbres destinée aux centrales biomasse « représente moins de 50 % du bois utilisé par les chaufferies de la métropole », assure l’association Arbocentre
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qui confirme même que la forêt locale progresserait chaque année de 3 % depuis 5 ans. Pas d’inquiétude à avoir, en somme…
LA BIOMASSE, MENACE DE LA SYLVICULTURE
Il n’y a pas que la Sepant qui soit alarmiste face au déploiement de ces installations dans les collectivités. Du côté de SOS Forêt, un collectif national militant pour la protection de la sylviculture, l’industrie de la biomasse soulève plusieurs problèmes : « Aujourd’hui, la production biomasse ne représente qu’une partie de l’industrie du bois en France ; si l’on veut atteindre les objectifs de production biomasse fixés par le
gouvernement, la totalité de production actuelle de bois y serait consacrée, explique Régis Lindeperg coordinateur à SOS Forêt. Les volumes sont intenables et les déchets verts de l’agriculture et des collectivités ne suffisent pas à alimenter de telles installations. » Quel risque alors pour les espaces forestiers ? « Oui, la forêt s’est développée, mais ça va faire plusieurs décennies qu’elle ne croît plus et pour cause, on l’exploite massivement, assène le militant de SOS Forêt. Dans quelques années, elle risque même de reculer. » Régis Lindeperg met aussi en avant un autre problème, celui de la monoculture des forêts françaises : « Pour alimenter les centrales biomasse, on va prendre des essences d’arbres que l’on considère comme bas de gamme, avant de replanter d’autres espèces comme l’eucalyptus ou le douglas (arbre américain qui remplace l’épicéa) car leur pousse est plus rapide. » S’il est vrai que ces arbres poussent plus vite que le traditionnel chêne, ces espèces ne conviennent cependant pas à la biodiversité des bois français. Pire, elles ne sont pas résistantes aux maladies fongiques européennes, avec un risque de dépeu plement important en cas d’épidémie. Le collectif dénonce également le ramassage des déchets d’arbres tombés lors des coupes, comme des branches et des feuilles, pour en faire de la biomasse, appauvrissant ainsi le sol. Le coordinateur de SOS Forêt n’en démord pas : « Nous sommes en train d’abaisser la qualité des forêts et avec le réchauf-
fement climatique, ça va être de mal en pis ! »
LA CHAUFFERIE DE SURVILLE À LYON, LE BON ÉQUILIBRE ?
Plus grande chaufferie biomasse de France, celle de Surville, dans la métropole de Lyon (59 communes), fonctionne depuis le 1er janvier 2017. Son installation fait suite à un appel d’offres du Grand Lyon en 2016, qui avait pour ambition de recourir à 62 % d’énergies renouvelables sur son territoire. Chaque année, cette centrale biomasse, gérée par Dalkia, peut ingurgiter jusqu’à 60 000 tonnes de bois afin de chauffer les logements de la métropole, « mais jamais nous n’allons jusque-là », assure Pascale Ceccaldi-Grolier, directrice de la communication de la centrale de Surville. En tout, l’usine brûle 30 000 tonnes de bois pour chauffer l’équivalent de 700 logements dans les 2e, 3e, 6e, 7e et 8e arrondissements lyonnais, ainsi que dans les communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin et Bron. Et elle n’utilise que la moitié de sa capacité en bois énergie, car sa
FONDS CHALEUR 2020, LES GRANDES ORIENTATIONS Géré par l’Ademe depuis sa création en 2009, le Fonds chaleur participe au développement de la production renouvelable de chaleur auprès de l’habitat collectif, des collectivités, des entreprises et du monde agricole. Pour le fonds chaleur de 2020, l’Ademe préconise de multiplier par 5 le déploiement des énergies renouvelables (géothermie, panneaux photovoltaïques et biomasse) sur le territoire national afin d’atteindre 32 % d’énergies renouvelables en 2030. Concernant la biomasse, parmi les préconisations citées, l’Ademe propose que le fonds chaleur encourage également les installations de chaufferies biomasse destinées aux moyennes et grandes entreprises.
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première source de chaleur provient de l’incinération des déchets de la métropole, soit 45 % de la chaleur produite contre 20 % pour le bois (le reste provenant d’énergies non-renouvelables). « Nous faisons de la mixité énergétique. La logique est d’utiliser, dans un premier temps, la combustion de nos déchets avant d’aller couper le bois de nos forêts, explique la métropole de Lyon. Quand notre combustion de déchets ne suffit plus à alimenter tous les logements (période hivernale), nous mettons en place la chaufferie biomasse avec le bois. » La métropole lyonnaise a d’ailleurs l’ambition de développer son réseau de chaleur pour alimenter 130 000 logements en 2027. « C’est la meilleure alternative que nous puissions trouver pour atteindre les objectifs du Grand Lyon, ajoute Pascale Ceccaldi-Grolier. Nous essayons de faire au mieux. Mais il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas d’énergie propre. » Pour l’heure, l’ONF se montre optimiste sur l’état des forêts dans la région. « Depuis deux siècles, la surface de la forêt française a doublé, grâce à la révolution industrielle et à l’utilisa tion du charbon, explique Colin Legros-Delahaye, adjoint au responsable commercial Bois au sein de l’ONF Rhône-Alpes. L’État a donc planifié l’exploitation de nos forêts, notamment en Rhône-Alpes, mais veille à ce que celles-ci ne soient pas pillées. » L’Office maintient également que selon l’Institut géographique national, le stock de bois en Rhône-Alpes a augmenté, rendant sa récolte peu impactante sur les forêts de la région. Malgré tout, l’ONF reste attentif au changement climatique et à ses conséquences sur le cycle de vie des arbres et, a fortiori, leur récolte. Du côté des collectivités, il est indéniable qu’avec le bois énergie, elles essaient de trouver d’autres solutions pour limiter leur impact sur l’envi ronnement. Mais la question n’est-elle pas de savoir si un palmier brûlera aussi bien que le chêne ? ◆
SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS
Aménagement
3 © Vianney THIBAUT/ EPFL Dauphiné
© EPFL-Betzinger
CRISALID : UN CENTRE DE RECHERCHE NOMADE SUR LA POLLUTION DES SOLS
En Lorraine, la succession de friches situées dans la vallée de l’Orne a fait l’objet d’un réaménagement en promenade paysagère.
Friches polluées : quelles solutions pour les mobiliser ? Rareté et cherté du foncier, lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols : autant d’arguments qui plaident pour le réaménagement des friches, qui ont déjà été urbanisées. Pourtant, ces lieux complexes, notamment du fait des pollutions qu’ils recèlent, peinent encore à trouver une seconde vie. Le changement de regard sur ces terrains s’impose, afin de les considérer, non plus seulement à l’aune des surcoûts, mais aussi selon les bénéfices socio-économiques qu’ils peuvent induire. Pour les appréhender autrement. Par Magali Tran
La friche Becker Industrie, à Pont-de-Claix (Isère), accueille désormais un laboratoire de recherche temporaire sur la dépollution des sols.
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e 23 septembre, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, se rendait dans le Val-de-Marne pour « illustrer une des priorités du gouvernement » : la lutte contre l’artificialisation des sols en finançant des opérations de recyclage des friches, via un fonds friche doté de 300 millions d’euros prévu dans le plan France Relance. Quelques jours auparavant, la commission d’enquête du Sénat sur la pollution des sols proposait elle aussi la création d’un fonds destiné aux friches, abondé à hauteur de 75 millions d’euros par an. Des annonces qui réjouissent le député Jean-Luc Lagleize (Haute-Garonne), « ravi de ce regain d’intérêt ». Elles font en effet écho à sa proposition de loi déposée il y a un an (voir OMF 6) visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logement. « Le principe de ce fonds visait à abonder le bilan des opérations de réaménagement des friches, pour inciter à leur recyclage. » Le fonds friche gouvernemental représente « une avancée encore plus rapide que
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dans ma proposition de loi, qui avait pour but de lancer un appel : il a été entendu, ça va aller plus loin et plus vite », espère le député.
DÉFICIT OPÉRATIONNEL
Le coût de dépollution et de traitement des friches est en effet l’un des obstacles majeurs à leur réaménagement, partout sur le territoire. « Quand on achète une friche polluée, elle ne vaut rien. Même si on ne la paye pas, elle a une valeur négative », souligne Florence Hilaire, directrice générale de l’EPORA (Établissement public foncier de l’ouest Rhône-Alpes), « puisque la dépollution totale d’un terrain peut coûter de 150 à 300 euros par mètre carré ». Sans compter qu’il y a parfois de mauvaises surprises. « Nous avons acheté à l’État une friche hospitalière à La Tronche (Isère) : c’est cafi d’amiante et on a différentes strates de pollution en sandwich dans le sol ! Si on l’avait su, on n’y serait pas allés. Ça se traduira forcément en déficit », témoigne pour sa part Vincent Rémy,
directeur général de l’EPFL du Dauphiné. Ce déficit opérationnel est un risque d’autant plus important que la zone est détendue, c’est-à-dire où les prix du marché de l’immobilier ne peuvent pas compenser les surcoûts. Or, justement, « plus le marché est détendu, plus on doit être exigeant sur la planification de ces friches », insiste Vincent Rémy. Sinon, elles ne seront jamais réhabilitées... avec les problèmes de sécurité et d’image dégradée qui en découleront. « À charge ensuite de se partager le déficit avec la collectivité locale », poursuit-il. Pour explorer d’autres solutions, l’EPFL du Dauphiné envisage la création d’une foncière, sur le principe de la dissociation du foncier et du bâti : le terrain reste la propriété de l’établissement ou de la collectivité, qui propose des baux de longue durée à ses locataires. « Le foncier réutilisable est de plus en plus rare, ce système permettrait de ne pas le céder à perte », estime Vincent Rémy.
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Près de Grenoble, à Pontde-Claix, des bungalows se sont installés depuis quelques mois sur la friche des usines Becker Industrie. Ils constituent Crisalid, un centre de recherche nomade. « Nous, les Établissements publics fonciers, avons des terrains pas toujours simples à dépolluer. Et nous avons aussi le temps de les mettre à disposition pour d’autres usages », indique Vincent Rémy, directeur général de l’EPF local du Dauphiné. « Avec Crisalid, nous offrons aux chercheurs et start-up une plateforme de test et de recherche in situ et sur la durée ». À terme, l’EPF disposera d’un terrain qui aura été dépollué à moindre coût, en conservant les terres sur le site. Avec ses bungalows nomades, Crisalid peut être dupliqué sur d’autres terrains. L’objectif est de faire émerger une filière industrielle de dépollution et, plus largement, de requalification des friches. Crisalid est constitué sous la forme d’une Société coopérative d’intérêt collectif alliant l’EPFL du Dauphiné, la ville et Envisol, un bureau d’études spécialisé dans les sites et sols pollués.
SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS
Aménagement
EN CHIFFRES
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fonds friches
300 M€ © Vianney THIBAUT/ EPFL Dauphiné
pour
900 ha
de friches sur près de
230 sites La friche hospitalière de La Tronche, en Isère.
© EPORA
« L’information disponible sur les sites et sols pollués du territoire français reste fragmentée et incomplète », estime la commission d’enquête du Sénat sur la pollution des sols, qui souhaite que soient achevés les inventaires et diagnostics. La base de données Basias recense plus de 320 000 anciens sites industriels et activités de services. Près de 3 000 anciens sites miniers sont répertoriés par Géoderis. L’inventaire Basol évalue quant à lui à 7 300 le nombre de sites pour lesquels une pollution serait avérée. De son côté, le rapport du député Jean-Luc Lagleize relatif au coût du foncier mentionne que « le gisement des friches est estimé à un potentiel de 80 000 à 100 000 hectares dispersés dans 275 000 sites environ ».
© MontanSolar/Wircon
DES CHIFFRES FRAGMENTÉS ET INCOMPLETS
Près de Forbach (Moselle), un ancien terril accueille désormais une centrale solaire, mise en service fin septembre.
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BÉNÉFRICHES, POUR VOIR AU-DELÀ DES COÛTS
Somme toute, il s’agit de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de voir le côté positif des choses, plutôt que les seuls coûts : le renforcement de l’attractivité d’un quartier en déprise, l’amélioration de son image peuvent aussi revêtir une certaine valeur. C’est sur ce postulat que se base le nouvel outil « Bénéfriches », créé par l’Ademe (Agence de la transition écologique). « L’enjeu de la reconversion des friches, c’est de percevoir leur aménagement comme un investissement : il y a une mise de départ avec le coût de dépollution. Mais le projet peut avoir aussi des effets induits qui peuvent être positifs, comme un moindre besoin en infrastructures de voirie et réseaux divers (VRD) », souligne Laurent Chateau, chargé de mission Friches polluées à l’Ademe. « Avec Bénéfriches, il s’agit de donner une valeur concrète aux externalités positives et de permettre une analyse coût-bénéfices de ces projets complexes. »
Ainsi, sur la Zac Océane Acacia, à Trignac, dans l’agglomération de Saint-Nazaire, le bilan aménageur pour reconvertir la friche fait ressortir un déficit opérationnel de 6,4 Me. Mais l’analyse Bénéfriches met en lumière la réduction du besoin en VRD (notamment en entretien et maintenance) par rapport à un projet similaire qui se ferait en périphérie. Autre avantage : l’améliora tion du cadre de vie par l’augmentation de la valeur immobilière des logements alentours. Les bénéfices socio-économiques induits atteindraient 19,1 Me, ce qui compenserait largement le déficit opérationnel…
DE NOUVEAUX USAGES
D’autres solutions économiquement peu coûteuses existent pour valoriser les friches. L’EPF de Lorraine vient d’inaugurer une centrale solaire photovoltaïque sur un ancien terril près de Forbach. « Avec une faible qualité géotechnique de sol, une activité classique de logement ou à
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Sur la friche des Forges de la Becque, à Saint-Cyprien (42), seront implantés des panneaux photovoltaïques.
« Percevoir l’aménagement des friches comme un investissement : il y a une mise de départ avec le coût de dépollution. Mais le projet peut avoir aussi des effets induits positifs. »
vocation économique était impossible à réaliser, tandis que l’installation de panneaux photovoltaïques ne pose pas de difficulté particulière, tant pour ce qui relève du changement d’usage que de la dépollution », souligne Régis Stenger, directeur Études et travaux à l’EPF de Lorraine, puisqu’en France, le niveau de dépollution nécessaire dépend de l’usage futur. « Ce projet de reconversion du terril Wendel permet de s’inscrire dans l’histoire du territoire tout en rendant son image plus verte, avec la production d’énergie renouvelable », souligne-t-il.
UNE AUTRE SOLUTION, LA RENATURATION
Autre usage possible à moindre coût, les opérations de renaturation. Toujours en Lorraine, l’EPF a réalisé une voie verte, appelée « Fil Bleu », le long de l’ancienne vallée sidérurgique de l’Orne. « Cela permet la réappropriation des lieux avec une identité commune autour du passé industriel », affirme Régis Stenger. « On a traité des
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pollutions très complexes, mais surtout on a pu réaliser un aménagement paysager pour redonner une attractivité au site, redorer le blason et donner envie aux habitants. » Même analyse du côté de l’EPORA. « Dans notre périmètre, nous avons des friches industrielles dans des villages ou de toutes petites villes. Les ouvrir à l’urbanisation n’aurait pas de sens par rapport au rythme de développement de la commune. On pourrait plutôt les renaturer », indique Florence Hilaire. La directrice générale de l’EPORA voit plus loin : « On pourrait construire un nouveau modèle économique, basé sur la compensation environnementale des espaces naturels et agricoles à réinvestir dans les friches. » En effet, pour artificialiser des terres naturelles ou agricoles, les opérateurs doivent éviter, réduire ou compenser leur impact (c’est ce qu’on appelle la séquence E / R / C). Ainsi, lorsque l’artificialisation ne peut pas être évitée, « l’opérateur payerait en compensant, c’est-à-dire en versant une indemnité qui irait sur un autre secteur, par exemple pour renaturer une friche », imagine-t-elle.
RENDRE LES FRICHES ÉCONOMIQUEMENT ACCEPTABLES
Quoi qu’il en soit, « pour rendre les friches économiquement acceptables, il faudrait rendre, réglementairement, beaucoup plus difficile l’aménagement des zones naturelles et agricoles », insiste Régis Stenger. Même son de cloche pour Laurent Chateau : « En limitant réellement l’accès au foncier naturel et agricole, les projets seront peut-être plus chers mais ils se feront sur des espaces déjà bâtis ou des dents creuses. » Pour le député Jean-Luc Lagleize, il est temps de « passer d’un urbanisme linéaire à un urbanisme circulaire, c’est-à-dire qu’après un premier usage, un autre usage doit être trouvé pour un même terrain ». Selon le député, « c’est avec plusieurs petites mesures à mettre à côté les unes des autres que l’on pourra cesser l’étalement urbain », comme une prime aux maires densificateurs, ou l’augmentation de la taxe sur la consommation des terres vierges… L’injonction gouvernementale au Zéro artificialisation nette (ZAN), assortie des mesures du Plan de Relance, devrait permettre de rééquilibrer la donne, espèrent les acteurs de terrain. Ce serait alors l’occasion de considérer les friches polluées, non plus comme un inconvénient, mais comme une ressource et une opportunité. ◆
Emploi
Territoire zéro chômeur : des débuts prometteurs
L’EXPÉRIMENTATION PROLONGÉE
Depuis 2016, le quartier prioritaire Saint-Jean, à Villeurbanne, teste le dispositif Territoire Zéro Chômeur Longue Durée. Une entreprise à but d’emploi a été créée, EmerJean, comptant 80 salariés. Alors que l’expérimentation est prolongée, cinq autres quartiers de la métropole lyonnaise pourraient être concernés. Par Yoanna Sallese
Après plusieurs mois de réflexions autour de l’expérimentation « Territoire Zéro Chômeur Longue Durée », la métropole lyonnaise a décidé de mettre en place un schéma de promotion des achats responsables. Ainsi, la métropole compte intégrer des critères responsables pour ses achats, ce qui permettra aux EBE de répondre aux marchés publics. Ce système devrait aider ces entreprises à élargir leur champ d’activité et donc à embaucher davantage de personnes. De quoi espérer faire infléchir la courbe du chômage dans le Grand Lyon.
de l’emploi, en CDI et rémunérées au SMIC. Ces entreprises sont financées en partie par la redistribution des fonds alloués par l’État et les collectivités aux personnes sans emploi (allocations chômage, RSA…) et pour le reste par les recettes générées par leur propre activité (lire OMF 6).
RAMENER DES SERVICES DE PROXIMITÉ
Comme pour l’ensemble des 10 territoires d’expérimentation, l’heure est au bilan. Après cinq ans d’existence et un chiffre d’affaires de 4,5 millions d’euros réalisé autour d’une vingtaine d’activités, EmerJean a de nouvelles ambitions, comme celle de faire des émules. Pour autant, son président le sait, une EBE n’a pas vocation à devenir une grande société : « Le travail d’insertion que nous menons avec les salariés se fait en petites unités pour conserver le lien social », souligne Bertrand
« Chez EmerJean, vos collègues de travail sont aussi vos voisins. Cela renforce la solidarité entre les uns et les autres. » Paul Campy, adjoint au maire de Villeurbanne en charge du développement économique Foucher. Mais les salariés peuvent bénéficier de formations pour devenir polyvalents… et s’attaquer à de nouveaux métiers. Ainsi, « nos activités se sont élargies à la réparation de vélos et de jouets. Ces deux spécialités peuvent constituer de nouvelles EBE. Cela devrait contribuer à l’attractivité du quartier ». Par ailleurs, EmerJean a noué un partenariat avec la société de revalorisation des déchets Les Détritivores. Sur une friche de 4 000 m2, entre le quartier de la Soie et Saint-Jean, Les Détritivores ont développé une activité maraîchère et la collecte de déchets bios. Le cercle vertueux de l’économie sociale et solidaire semble faire ses preuves ! ◆ Outre Villeurbanne-Saint-Jean, sont concernés la Métropole européenne de Lille, Colombelles (Calvados), le Pays de Colombey et du Sud Toulois (Meurthe-et-Moselle), le 13e arrondissement de Paris, Pipriac et Saint-Ganton (Ille-et-Vilaine), Mauléon (Deux-Sèvres), Loire-NièvreBertrange (Nièvre), Thier (Puy-de-Dôme) et Jouques (Bouches-du-Rhône). 1
L’entreprise à but d’emploi EmerJean se positionne sur les services aux entreprises et aux particuliers. Elle compte près de 80 salariés en CDI.
RENFORCER LA COHÉSION SOCIALE
À Villeurbanne, TZCLD a redonné un nouveau souffle au quartier politique de ville de Saint-Jean grâce à la création de l’entreprise à but d’emploi EmerJean, spécialisée dans les prestations en entreprise (conciergerie, entretien) ou aux particuliers (petits travaux à domicile, soutien scolaire, beauté). « Nous voulions que l’entreprise dynamise notamment ce quartier défavorisé », explique Bertrand Foucher, président d’EmerJean. En 2016, au début du projet, la ville dénombrait plus de 400 chômeurs pour 140 000 habitants, dont la moitié à Saint-Jean. « Grâce à
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LE GRAND LYON VISE DES ACHATS PLUS RESPONSABLES
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n visite à Villeurbanne début septembre, Bruno Bernard, président nouvellement élu de la Métropole de Lyon, vantait les résultats positifs de l’expérimentation « Territoire Zéro Chômeur Longue Durée » (TZCLD) menée dans cette commune de l’agglomération. « Villeurbanne était l’une des premières à se lancer dans ce dispositif. Aujourd’hui, environ 80 personnes sont aujourd’hui salariées en CDI alors qu’elles étaient éloignées de l’emploi. Ça peut marcher ! », conclut Bruno Bernard. Il a donc décidé de réunir collectivités et acteurs locaux (associations d’insertion, entreprises) pour éten dre le dispositif à au moins cinq nouveaux secteurs du Grand Lyon. « Avec cet exemple, beaucoup de maires sont aujourd’hui prêts à se lancer dans l’aventure », assure le président de la métropole. En 2016, la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée a permis à dix territoires 1, sur une période de cinq ans, de créer des entreprises à but d’emploi (EBE). Objectif : embaucher des personnes éloignées
Le 16 septembre, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi, visant la prolongation de l’expérimentation du projet Territoire Zéro Chômeur Longue Durée, de cinq années supplémentaires. Le texte, qui doit être discuté au Sénat, prévoit également l’extension du dispositif à une cinquantaine de nouveaux quartiers. La sénatrice Frédérique Puissat souligne, dans un rapport, que le dispositif représente « un coût pour les finances publiques qui rendrait sa généralisation difficilement soutenable », sans toutefois avancer de chiffres. À ce jour, plus d’un millier d’ex-chômeurs ont pu en bénéficier.
des journées portes ouvertes, on a pu recruter 86 personnes dont 77 sont encore chez nous », poursuit Bertrand Foucher. Au total, on estime que 250 personnes, sur les 4 000 habitants de Saint-Jean, sont indirectement concernées par l’expérimentation par ricochet. Autre particularité de l’EBE, renforcer la cohésion sociale : « Chez EmerJean, vos collègues de travail sont aussi vos voisins, analyse Paul Campy, adjoint au maire de Villeurbanne en charge du développement économique. Cela renforce la solidarité entre les uns et les autres. » Le projet permet aussi de valoriser des profils qui souffrent de stéréotypes et de discrimination à l’embauche. « En France, quand vous êtes une femme voilée sans permis de conduire, on vous propose quoi ? Rien !, fustige Paul Campy. Alors que dans une EBE, il n’y a pas de sélection à l’entrée. Le seul critère est l’envie de travailler. »
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SAVOIR-FAIRE MÉTROPOLITAINS
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AMBITIONS
Transports
UN CHIFFRE
38 000 tonnes de CO 2
© Railcoop
économisées par an, du fait du basculement de la route vers le train.
RAILCOOP, LA COOPÉRATIVE QUI FAIT ROULER DES TRAINS Profitant de l’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire français de voyageurs en 2021, la société coopérative d’intérêt collectif Railcoop entend exploiter certaines lignes abandonnées par la SNCF. Une première desserte Lyon-Bordeaux pourrait être mise en service dès 2022. Par Yoanna Sallese
T
out commence à Figeac, petite ville du département du Lot. Nous sommes en 2019 et une association voit le jour autour d’une idée : relancer la machine ferroviaire sur les axes abandonnés par la SNCF. « On s’est retrouvés avec d’anciens cheminots, des actifs qui travaillent dans l’économie sociale et solidaire et dans le développement durable », se souvient Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop. « Il y avait quelque chose à faire : redonner du sens à la mobilité ferroviaire, notamment entre les territoires ruraux, en proposant une offre de transport innovante et adaptée. » Car à Figeac, comme dans beaucoup d’autres communes rurales, les trains ne circulent plus ou presque. En France, 30 % des gares
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TRANSPORT DE FRET EN 2021 En parallèle du projet de ligne Bordeaux-Lyon prévu pour 2022, Railcoop souhaite développer un service fret ferroviaire pour 2021. « Si tout se passe bien, les premiers trains de marchandises devraient circuler sur le tronçon Toulouse-Figeac », précise Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée. L’objectif de la coopérative, en attente de sa licence de fret, est de constituer des hubs régionaux pour améliorer la distribution de fret dans les territoires ruraux, en partant des besoins exprimés localement.
existantes ne sont plus desservies par la SNCF, qui privilégie les grandes villes et les axes Paris-Province, plus rentables. Mais pour Railcoop, ces lignes considérées comme peu lucratives constituent un enjeu important pour les territoires : « Certains perdent leur attractivité. Il est nécessaire de faire revenir les trains dans les campagnes et les petites villes. » L’association souhaite donc repenser un nouveau modèle, tout en permettant aux citoyens et aux acteurs du territoire de s’approprier les projets. « Avec l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, un nouveau projet devient possible », explique Alexandra Debaisieux. Après avoir réalisé une étude de faisabilité en avril 2019, les sociétaires rencontrent SNCF Réseau et les ministères de la Transition écologique et du Transport. « Tout le monde nous a dit : ‘Allez-y !’ » L’association devient alors une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), une première dans ce secteur d’activité. L’aventure est lancée.
PAS DE SUBVENTIONS PUBLIQUES
Le premier projet de la SCIC est de relier Lyon à Bordeaux, une ligne directe qui a été abandonnée en 2014. « Nous avons déposé au mois de juin, auprès de l’Autorité de régulation des transports, notre projet de ligne pour une mise en service en 2022 », indique la directrice déléguée. Le trajet se ferait en 6 h 47, en passant par de petites ou moyennes villes comme Roanne, Montluçon, Limoges, Périgueux et Libourne. Financièrement, la seule source de recettes sera la billetterie. La coopérative
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© Railcoop
« Certains territoires perdent leur attractivité. Il est nécessaire de faire revenir les trains dans les campagnes et les petites villes. »
Alexandra et Nicolas Debaisieux, frère et sœur, forment l’équipe dirigeante de Railcoop.
l’assure, elle ne souhaite pas bénéficier de subventions publiques, puisqu’elle ne se positionnera pas sur des projets concurrentiels. Sur les rails, Railcoop fera circuler un modèle de train TER Régiolis d’Alstom, d’un coût de 11 millions d’euros par rame. À raison de six trains prévus sur la ligne, cela reviendrait à 66 millions d’euros, une somme inaccessible pour la société : « Ce n’est pas un problème, rassure la directrice. Nous allons recourir à des loueurs, des sociétés qui achèteront les rames pour nous. C’est un procédé qui se fait beaucoup en Allemagne. »
PRENDRE DES PARTS DE MARCHÉ À LA VOITURE
Mais pour Railcoop, l’enjeu va au-delà du seul maillage territorial et s’inscrit aussi dans une dimension environnementale. Remettre au goût du jour la ligne ferroviaire directe Lyon-Bordeaux ferait concurrence à l’autoroute, dont une grande partie est gratuite sur cet axe. « Cette autoroute apporte une
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AMBITIONS
Transports
© Railcoop
IMPLIQUER LES CITOYENS DANS LE MARCHÉ FERROVIAIRE
« Nous souhaitons faire le jeu du partenariat avec la SNCF, et non leur piquer des parts de marché. » C
réponse car le service de train est de mauvaise qualité, explique Bruno Gazeau, président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT). Il faut un maillage et une qualité de service qui soient au rendez-vous en matières de correspondances et de rabattements. Si Railcoop est en mesure de le faire, les automobilistes pourraient revenir dans les trains. » C’est tout ce qu’espère la société coopérative puisque le train est plus intéressant que la voiture sur le plan environnemental. Autre argument pour inviter le voyageur à préférer le train, « notre offre se calque sur les tarifs du covoiturage. Le premier prix est fixé à 38 euros, ajoute la directrice. L’idée est d’arriver en gare sans se poser de
questions, en simplifiant le voyage avec des billets qui s’achèteront directement dans le train par exemple ».
UN SERVICE COMPLÉMENTAIRE À LA SNCF
L’objectif en revanche n’est pas de concurrencer la SNCF : « Railcoop vient renforcer le service public et l’offre de la compagnie nationale. Nous voulons être complémentaires en proposant des trajets là où il n’y en a plus », insiste Alexandra Debaisieux. « Nous souhaitons faire le jeu du partenariat et non leur piquer des parts de marché. Si on arrive à être complémentaire, on pourra bénéficier de correspondances avec nos trains. Nous allons nous ajuster sur leurs horaires pour optimiser les trajets et les
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Avec son statut de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), Railcoop est la première de ce type dans le secteur du ferroviaire. Aujourd’hui, la société coopérative compte plus de 2 000 sociétaires et 600 000 euros de capital social. « Chez Railcoop, on ne cherche pas le profit mais l’intérêt collectif », explique Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop. Ce système permet à toute personne physique, morale mais aussi aux collectivités de devenir sociétaires. « Chacun verse la somme qu’il souhaite et possède ainsi une seule voix. Que l’on mette 100 ou 10 000 euros sur la table ne change rien au poids que l’on a dans la société. Le but est de redonner du sens à la mobilité ferroviaire en impliquant les citoyens », indique la directrice. Railcoop espère faire entrer dans la danse des acteurs locaux, comme les Chambres de Commer ce et d’Industrie et les entreprises du tourisme, ce qui lui permettrait d’avoir davantage de poids. Autre singularité du statut de la SCIC : l’obligation d’investir plus de la moitié des bénéfices réalisés. Un système qui limite la spéculation sur la valeur de la société. « La majorité de nos bénéfices ne vient pas rémunérer nos parts sociales, assure Alexandra Debaisieux. Ainsi, les excédents issus de la mise en service du Lyon-Bordeaux serviront à expérimenter d’autres actions dans d’autres territoires, afin de consolider le modèle économique. » La coopérative doit encore atteindre un capital social de 1,5 millions d’euros d’ici janvier 2021 pour obtenir sa licence d’opérateur ferroviaire fret et voyageur. liaisons. » Pour s’imposer, la coopérative compte se développer également sur d’autres marchés pour l’heure peu exploités : les trajets de voyageurs de nuit (sur un axe Strasbourg-Nice peut-être), ainsi que le transport de marchandises. La société coopérative devrait démarrer en 2021 l’aménagement des gares et le recrutement de plus de 70 personnes (conducteurs de train, agents de gare). En parallèle, les sociétaires réfléchissent déjà à d’autres trajets province-province : pour l’instant, les lignes Metz-Lyon et Rennes-Toulouse ont été évoquées.◆
Les hors-séries d’Objectif Métropoles de France
Pleins feux sur les territoires
Au travers de ses hors-séries, Objectif Métropoles de France interroge la fabrique des métropoles et décrypte les enjeux de l’aménagement des plus grandes agglomérations françaises. Projets immobiliers, croissance économique, défis d’attractivité, marketing territorial, mobilités réinventées, dynamismes universitaire et culturel, la ville du XXIe siècle rayonne sur un territoire plus large.
Renseignements : 01 42 22 49 39 www.metropolesdefrance.fr
Entreprise
© Comerso
AMBITIONS
« Nous avons développé un modèle d’écologie industrielle : c’est-à-dire faire en sorte que les déchets des uns deviennent les ressources des autres. » Pierre-Yves Pasquier, co-fondateur de Comerso
© Comerso
TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE
AVEC COMERSO, NE JETEZ PLUS ! Faire le lien, grâce à des solutions digitales et logistiques, entre les entreprises qui ont des invendus alimentaires et les associations caritatives qui peuvent distribuer des repas : tel est le fondement de la société Comerso. Portrait d’une entreprise qui lutte contre le gaspillage. Par Magali Tran
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es invendus ont de la valeur » : la baseline est simple et résume bien l’activité de Comerso. « L’entreprise offre une solution digitale et logistique de valorisation des invendus alimentaires de la grande distribution vers les associations caritatives », explique PierreYves Pasquier, son co-fondateur. En 2009, alors en poste chez Danone, il prend « conscience du gaspillage subi et massif dans la grande distribution, surtout pour les produits frais, alors que la précarité alimentaire ne cesse de grandir ». Il n’en faut pas plus pour que naisse l’envie de trouver un modèle d’organisation pour collecter ces denrées et les rediriger vers des structures qui peuvent les redistribuer. Un trajet de covoiturage plus tard, pendant lequel Pierre-Yves Pasquier rencontre
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celui qui deviendra son associé, Rémi Gilbert, Comerso était né. Depuis sa création en 2013, grâce à des outils numériques, l’entreprise crée donc le lien entre les deux mondes, sur la base du don. En parallèle, Comerso étend peu à peu son champ d’action en développant des solutions digitales pour organiser des actions de promotion directement dans les magasins. Une activité de déstockage a aussi été mise en place, avec une plateforme dédiée, baptisée C-destock. L’entreprise se tourne également vers une troisième voie de sortie : quand un produit n’est plus vendable ni consommable (par exemple des fruits trop abîmés ou flétris), il peut être utilisé pour être transformé en nourriture animale ou en énergie – c’est-à-dire brûlé, alimentant ainsi l’économie circulaire.
COMERSO, SOLIDAIRE À L’HEURE DE LA COVID-19 Avec le confinement lié au coronavirus, « la moitié du système de l’aide alimentaire est tombé par terre », affirme Pierre-Yves Pasquier, co-fonda teur de Comerso, avec des magasins surchargés et des bénévoles des associations caritatives confinés, alors que dans le même temps, la précarité alimentaire augmentait. « On a lancé une version gratuite de notre activité, la Plateforme Solidarité Associations, en partenariat avec des enseignes de distribution. C’est un numéro vert mettant en relation les offres des entreprises et les relais locaux des associations. En deux mois, l’équivalent de 450 000 repas ont été distribués par ce biais », relève-t-il.
L’entreprise se rémunère en prenant une commission sur ce qu’elle considère comme des économies générées. Jeter des invendus coûte entre 150 et 300 euros la tonne, sans compter la perte de la valeur de la marchandise. « En 2019, on estime à 30 millions d’euros les économies réalisées grâce à nous. » Et quand il s’agit de don aux associations, « c’est comme du mécénat », affirme le dirigeant : l’entreprise récupère 60 % de la valeur de sa donation en réduction d’impôt. Car au centre de Comerso, il y a aussi cette conviction que « la transition écologique et solidaire doit être compatible avec un modèle économique ». Et apparemment ça marche. Aujourd’hui, l’entreprise cible essentiellement le secteur industriel. « Dans l’alimentaire, 10 millions de tonnes de marchandises sont jetées chaque année », continue l’entrepreneur. « Pour les deux-tiers, ce gaspillage est réalisé par les entreprises du secteur agro-alimentaire, à tous les échelons : coopératives, logisticiens, distributeurs, cuisi nes centrales… » Comerso travaille actuellement avec plus de 700 entreprises, sur plus de 100 000 assujetties à l’interdiction de destruction des invendus alimentaires, dans le cadre de la loi Egalim relative à l’agriculture et à l’alimentation 1. Le potentiel est donc énorme.
UN MODÈLE D’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE
« Avec Comerso, nous avons développé un modèle d’écologie industrielle : c’està-dire faire en sorte que les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Nous organisons les connexions entre les différents acteurs, sur un ter-
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ritoire donné. Les solutions sont forcément locales, parce qu’avec des invendus, on ne peut pas se permettre d’avoir des coûts de transport ou de logistique supérieurs à la valeur des produits », explique Pierre-Yves Pasquier. Et demain ? Comerso pourrait envisager de travailler avec les collectivités locales. « Si certaines se montraient intéressées, nous serions à même de travailler sur le sujet du gaspillage dans la restauration scolaire », lance PierreYves Pasquier. « Il y a un gros potentiel pour des produits comme les fruits, les yaourts ou le pain ». Mais dans cette voie porteuse que Comerso a choisie, reste encore à changer de paradigme : rendre normale et naturelle la valorisation des invendus. ◆ 1 Loi Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018, issue des États généraux de l’alimentation (Egalim). Une ordonnance prise en application de cette loi étend à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective et de l’industrie agroalimentaire l’interdiction de détruire les invendus alimentaires encore consommables. La disposition s’appliquait déjà aux distributeurs du secteur alimentaire. Une amende pouvant aller jusqu’à 0,1 % du chiffre d’affaires est prévue pour le nonrespect de cette interdiction.
COMERSO EN CHIFFRES
45
salariés
24
Entre et fois plus de chiffre d’affaires par an
60
Plus de tonnes valorisées chaque jour
Culture
Ugo Ponte @ ONL
Démos est financé pour 1/3 par l’État, 1/3 par les collectivités et 1/3 par du mécénat (société civile et privé).
Démos : 10 ans de transmission musicale Le projet Démos fête ses 10 ans. Créé à l’origine par la Philharmonie de Paris pour permettre aux enfants des quartiers en politique de la ville de découvrir, par la pratique, la musique classique, le « Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale » a fait des petits. Près de 6 400 enfants ont bénéficié du dispositif depuis 2010 et près de 45 orchestres Démos sont actifs un peu partout en France. Par Magali Tran
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l’origine du projet, il y a une volonté forte de faire accéder les enfants issus des quartiers en politique de la ville à la musique classique. Démos, pour « Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale », est aussi intimement lié à l’implantation de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris dans le XIXe arrondissement parisien. « C’était une position militante de l’équipe de Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris », se souvient Gilles Delebarre, directeur délégué à Démos. « En construisant la nouvelle salle dans l’Est parisien, le souhait était de faire en sorte que la musique classique trouve un nouveau public. Démos a fait partie des leviers pour montrer que les choses pouvaient bouger. » Le principe est simple, mais ambitieux : pendant
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trois ans, des enfants de 7 à 12 ans, venant des quartiers prioritaires, se voient confier un instrument de musique. Ils participent à des ateliers de formation musicale et à un orchestre, à raison de 3 h 30 par semaine. « Démos s’inscrit dans le temps long, pour avoir un réel impact. Ça demande une forte implication des enfants et de leurs familles. C’est justement cet effort qui produit de l’inhabituel », estime Gilles Delebarre. Avec le recul et grâce à des études menées auprès d’enfants ayant participé à un orchestre Démos, « j’ose affirmer que le projet a un impact sur leur parcours de vie », insiste-t-il. « Les études montrent qu’ils gagnent en confiance, en estime de soi, montrent l’envie d’aller plus loin dans un parcours de vie choisi. »
UN PROJET ARTISTIQUE, HUMAIN ET SOCIAL
Dès 2012, le projet s’est étendu, d’abord en Île-de-France, puis dans toute la France. À ce jour, près de 6 400 enfants ont été impliqués et près de 45 orchestres sont actifs. Pour Alexandre Bloch, directeur musical de l’Orchestre national de Lille, qui en est à sa deuxième promotion Démos, « faire participer des enfants venant d’univers très différents est très enrichissant. Et puis ils sont très réceptifs, à un âge où les capacités cognitives sont intéressan tes : l’écoute, le respect de la hiérarchie et de la discipline et notamment la discipline de groupe ». Ce qui fait dire à Michel Delepaul, vice-président à la culture de la Métropole européenne de Lille, qui accompagne le dispositif,
que « c’est un projet à la fois artistique, humain et social ». Car un autre principe fondamental de Démos est bien l’accompagnement social : « On a posé d’emblée comme principe que ça devait être un dispositif coopératif entre les différents professionnels – musiciens et travailleurs sociaux – et les structures partenaires tout du long et de façon systématique », poursuit Gilles Delebarre. L’implication des centres sociaux permet de lever des difficultés grâce à un accompagnement au plus près des familles. Michel Delepaul raconte : « Pour des enfants venant de villes différentes, il a pu y avoir des tensions au départ. Mais participer à un même orchestre leur a appris à collaborer et à s’accepter. »
PÉRENNISATION DES PROJETS
Pour l’avenir, le développement de Démos pourrait se tourner davantage vers les zones de revitalisation rurale. « Il existe déjà deux orchestres Démos dans des secteurs ruraux et ça fonctionne bien. La question, c’est de savoir où le dispositif peut être utile. Les quartiers politique de la ville restent majeurs, mais on pourrait aller voir ailleurs. L’autre contrainte, c’est de garder la cohérence de ce projet : il est décliné sur chaque territoire, mais il reste national et doit conserver la même structuration, qui fait son intérêt », avance Gilles Delebarre. Le directeur délégué espère aussi voir le dispositif se déplacer dans différents territoires et les initiatives locales se pérenniser. À Lille, « nous avons l’ambition de créer un orchestre métropolitain avec des enfants ayant participé à Démos et d’autres issus des formations plus classiques, sous la baguette d’Alexandre Bloch », indique pour sa part Michel Delepaul. Et puis la moitié des enfants participant à Démos poursuivent dans un cursus de musique classique… « mais 100 % ont vécu une expérience exceptionnelle », souligne le chef d’orchestre. C’est déjà beaucoup. ◆
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Ugo Ponte @ ONL
AMBITIONS
TROIS QUESTIONS À… Alexandre Bloch, directeur musical de l’Orchestre national de Lille (ONL)
Quelle était votre motivation de départ pour décliner le projet Démos à l’ONL ? Juste avant de prendre mes fonctions de directeur musical à l’ONL, j’ai assisté à un concert Démos à la Philharmonie de Paris. J’ai été fasciné par l’énergie qui se dégageait sur la scène et par l’ambiance qu’il y avait dans la salle, avec la présence de familles qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les salles de concert. Et puis Démos défend des valeurs qui sont aussi les miennes. Tout cela m’a donné envie d’importer ce projet à l’ONL. On a été parmi les premiers à le faire en région. Démos implique d’emblée une pratique de l’instrument et ce, en collectif. Comment abordez-vous cela ? C’est le rôle du chef d’orchestre d’évaluer le niveau général d’énergie du groupe. Il faut avoir beaucoup d’imagination et d’ingéniosité pour trouver des astuces afin de capter l’attention des enfants. Ça demande beaucoup d’énergie, mais ils nous le rendent bien ! Sur un territoire comme celui de la métropole de Lille, où il existe beaucoup d’initiatives culturelles, quelle est la plus-value spécifique de Démos ? Pour les enfants, c’est une richesse d’être en contact avec la musique et notamment avec un instrument de musique. Ça leur apporte sur le plan cognitif, sur le plan des interactions sociales. On a eu des retours des instituteurs de certains élèves, qui nous disaient que pour certains ils avaient noté des changements de comportement, ou une meilleure capacité de concentration. Et puis les enfants font rayonner la musique classique au sein de leur cercle familial, c’est très important d’un point de vue social. Et pour l’orchestre, c’est l’ADN de l’ONL d’aller toujours chercher des publics plus divers. C’est une grande fierté. ◆ Propos recueillis par Magali Tran
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Talents
SOPHIE RICARD, L’ART ET LA MANIÈRE DE LA PERMANENCE ARCHITECTURALE Lauréate du Palmarès 2020 des jeunes urbanistes, l’architecte Sophie Ricard incarne avec enthousiasme et énergie le concept de « permanence architecturale ». Son credo ? Construire en habitant, habiter en construisant. Par Charlotte Fauve
À QUELQUES DATES
2020
Palmarès des jeunes urbanistes
2012-2019
Architecte en permanence à Rennes
2009-2012
Architecte en permanence à Boulogne-sur-Mer
2009
© DR
Diplôme d’architecte à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles
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l’été 2020, le Palmarès des jeunes urbanistes décernait ses prix. Parmi les lauréats, face à des collectifs comme Bellastock ou Yes We Camp, une femme, architecte et urbaniste. Sophie Ricard a 37 ans. Elle est issue d’un parcours à première vue traditionnel : un cursus en école d’architecture, avant d’intégrer, à la suite de son diplôme, l’agence Construire, aux côtés des concepteurs Loïc Julienne et Patrick Bouchain – une personnalité renommée dans le champ de l’urbanisme transitoire et modèle de nombreux jeunes professionnels. Parmi eux, Sophie Ricard incarne mieux que quiconque le concept de « permanence architecturale » chère à la méthode Bouchain – autrement dit, l’implication de tous les citoyens dans l’acte de construire grâce à l’installation de la résidence du concepteur sur le site même du projet. Les projets, Sophie Ricard les a en effet toujours suivis de près, déménageant à Boulogne-sur-Mer, puis à Rennes et enfin à Saint-Brieuc, où elle vient tout juste de s’installer. La météo y est grise, pluvieuse – une chance pour nous, puisque l’architecte se trouve enfin à son bureau, à répondre au télé-
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phone et à cette interview. Car Sophie Ricard passe une grande partie de ses journées dehors, à sillonner le terrain jusqu’à en connaître et comprendre les moindres recoins. Un impératif, selon elle, « car la commande naît d’abord d’un contexte, d’une vision de territoires qu’il est difficile d’avoir lorsque l’on reste à l’intérieur des murs d’une agence, confirmet-elle. L’architecture, si elle ne va à la rencontre du lieu et de ses acteurs, ne peut être que difficilement appropriable ».
PLUS PROCHE DES PROBLÉMATIQUES
Arpenter le territoire, c’est presque une histoire de famille chez les Ricard. Le père, urbaniste, prend part aux premières opérations de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et donne à sa fille le goût d’aller voir sur place ce qui s’y passe. Sophie Ricard s’inscrit donc en école d’architecture à Versailles, où elle prend conscience que la profession de son choix n’est que peu en prises avec les réalités du terrain, avec ses maîtres d’œuvres subissant les impératifs de la commande et le carcan des normes. « On nous parlait de formes et j’avais envie d’engagement, se souvient-elle.
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AMBITIONS
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À Boulogne-sur-Mer (62), après plusieurs tentatives ratées de démolition / reconstruction, les 60 maisons insalubres de la rue Auguste Delacroix, cité de transit construite dans les années 1970, ont été rénovées à l’aide d’une permanence architecturale. « La maison de Sophie », habitée par l’architecte Sophie Ricard, de l’agence Construire, a fonctionné durant trois ans dans l’une des bâtisses anciennement condamnées du site. De réunions publiques en ateliers, elle a ainsi permis de mener à bien une rénovation de l’ensemble des habitations sans en déloger les 250 occupants. Du choix du papier peint à l’isolation à neuf des édifices, cette population précaire, souvent dépendante des aides sociales, a été ainsi associée de près au chantier, tout en se formant pour certains aux métiers de la construction. Finalement, la transformation de la rue aura coûté seulement 30 000 euros par habitation – soit à peine le quart du montant d’une opération classique.
cherche désespérément à repeupler. « Faute d’office HLM acceptant de bâtir des logements, le maire a donc décidé de devenir lui-même bailleur social afin de permettre à des populations ne pouvant avoir accès à la pierre de venir habiter et travailler à Beaumont », résume Sophie Ricard. D’où la mise en place, avec la municipalité et les futurs habitants, d’une filière de co-construction qui a fait sortir de terre huit logements sociaux.
Delacroix, ancienne cité de transit à la soixantaine d’habitants très marginalisés, pose problème. À tel point que le maire se décide finalement à la sortir du conventionnement ANRU. Objectif, réfléchir au cas par cas au devenir de chacune de ces habitations. Cependant pour répondre à cette problématique, il faut un architecte sur place. Tout juste sortie d’école, Sophie Ricard, à 28 ans, devient chef de projet de cette opération de rénovation concertée. « Je suis partie habiter cette petite rue face à la Manche pendant trois ans. » Pour la réparer, elle capte les besoins, les désirs de chacun de ses occupants. Et pour que chaque habitant puisse rester dans sa maison le temps du chantier, tout en participant à la rénovation du site, Sophie Ricard concilie un travail de dentelle avec un grand chantier d’insertion. « Cela a été pour moi une aventure humaine incroyable, mais aussi un acte fondateur qui m’a permis de redonner tout son sens à mon métier. »
VOISINE OU CONCIERGE
Trois ans plus tard, alors que Sophie Ricard vient de pendre la crémaillère de la dernière habitation rénovée de Boulogne-sur-Mer, Patrick Bouchain et l’agence Construire lancent un autre laboratoire, L’université foraine. Sa pro-
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Pour moi l’acte de construire devait faire société. » En cherchant une autre manière de construire, « plus proche des gens et des enjeux de territoire », elle entend alors parler de l’architecte Patrick Bouchain. Pour son stage de fin d’études, elle frappe donc à la porte de son agence, où elle participe au projet de Beaumonten-Ardèche. Un petit village du sud de la France, perché à 900 mètres d’altitude dans les châtaigneraies, que son maire
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Coïncidence, alors que Sophie Ricard voit arriver la fin de son stage, Patrick Bouchain, qui lance le laboratoire Construire ensemble le grand ensemble, cherche à répondre à l’appel du maire de Boulogne-sur-Mer. « L’époque, pour réparer les erreurs commises sur les barres des années 1960, favorisait alors la tabula rasa », se remémore Sophie Ricard. Ici, la municipalité se trouvait confrontée à une grosse opération de ce type, avec des démolitions et une dispersion des populations. » Mais la petite rue Auguste
L’HÔTEL PASTEUR : DE LA FACULTÉ DENTAIRE À L’HÔTEL À PROJETS Après une phase d’expérimentation pilotée par les architectes Sophie Ricard et Patrick Bouchain de l’agence Construire, via le concept d’Université foraine, l’Hôtel Pasteur, ancienne faculté dentaire en plein centre-ville de Rennes, est en passe de terminer sa mutation. Une rénovation qui a permis l’association de deux entités très différentes : au rez-de-chaussée, une école maternelle, dans les étages supérieurs, un « hôtel à projets » ouvert à la société civile et à l’expérimentation, qui conserve l’esprit « tiers lieu » du « nonprogramme » cher à l’agence Construire. Le tout prend corps dans un projet de l’agence d’architecture Encore Heureux et grâce à l’aide d’un chantier-école avec différents établissements scolaires et organismes de formation rennais, pour un budget total de 10 millions d’euros. Inauguration à l’horizon 2021.
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UN TRAVAIL DE DENTELLE
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LA RUE AUGUSTE DELACROIX TRANSFORMÉE
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Talents
« En école d’architecture, on nous parlait de formes et j’avais envie d’engagement. Pour moi l’acte de construire devait faire société. »
blématique, le patrimoine inoccupé des villes et sa reconversion en « tiers lieux ». Premier à l’activer, le maire de Rennes d’alors : en plein centre-ville de la métropole bretonne se trouve en effet l’hôtel Pasteur, monolithe du XIXe déserté par la faculté dentaire, qu’il serait trop coûteux de rouvrir via une programmation
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classique. Un bâtiment d’un autre temps, réinventé en sept années de réflexion. « Nous avons regroupé autour de nous une communauté d’acteurs qui se sont emparés du bâtiment pour tester des usages », explique Sophie Ricard. Seule condition pour pouvoir accéder au lieu : en prendre soin. « À Boulogne-sur-Mer, j’étais la voisine, à Rennes, je suis devenue la concierge, s’amuse-t-elle. En sept ans, la clef n’a jamais été perdue. » Cette étude de faisabilité en actes a ainsi permis de faire émerger des activités irréalisables ailleurs… et de redonner une valeur au bâtiment. En 2021, en lieu et place de la faculté vacante, sera ainsi inauguré un « hôtel à projets » doublé d’une école maternelle. Sophie Ricard, entre temps, aura déjà déménagé, afin d’accompagner à Saint-Brieuc une nouvelle opération de l’ANRU. « Mais celle-ci s’est révélée impossible à modifier par les élus. » Qu’à cela ne tienne, l’architecte, engagée dans l’association La Preuve par 7 (lire OMF 3), explore désormais la notion de programmation ouverte par l’entremise de la loi et de la jurisprudence. Un autre chantier à suivre de près, tout aussi ambitieux. ◆
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NOUVEAU
Rendez-vous
La première plateforme d’informations dédiée à la transition écologique des territoires européens
« Se réinventer ensemble » : le thème de l’édition 2020 du Simi (Salon de l’immobilier d’entreprise), qui se tient traditionnellement au mois de décembre, tombe à pic. Le salon devrait être organisé cette année sous une forme virtuelle, crise sanitaire oblige, comme tous les rendez-vous professionnels, invités à imaginer de nouvelles formes pour continuer d’exister. Le secteur de l’événementiel n’est pas le seul à devoir s’adapter. En matière de mobilité, les réseaux de transports publics font face à une situation difficile : répondre aux nouvelles mesures sanitaires, notamment dans les grandes villes, et, dans un contexte financier dégradé, tout faire pour réduire l’empreinte environnementale. Une gageure ! Décembre marquera également la fin du couvre-feu en vigueur dans certaines métropoles. Ces mesures seront-elles prolongées ou abandonnées pendant les fêtes de fin d’année… au risque d’un stop & go sans fin ? Autant de sujets que la rédaction d’Objectif Métropoles de France se propose de suivre dans son prochain numéro.
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