Les murs à pêches À la reconquête du patrimoine montreuillois Ambroise Jeanvoine École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille Mémoire d’initiation à la recherche 2017/2018
Les murs à pêches A la reconquête du patrimoine montreuillois Montreuil-aux-pêches, vers l’émergence du monument? Ambroise Jeanvoine École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille Mémoire d’initiation à la recherche 2017/2018 Séminaire La Fabrique du Paysage
Sous la direction de Denis Delbaere, paysagiste DPLG et chercheur au LACHT Sabine Ehrman, artiste, docteur en esthétique et cheurcheuse au LACHT
Je remercie sincèrement mes encadrants de mémoire, Denis Delbaere et Sabine Ehrman pour leurs aides précieuses et pour le temps qu’ils ont bien voulu m’accorder tout au long de ce travail. J’exprime toute ma gratitude à toutes les personnes qui ont pris le temps de communiquer avec moi sur le sujet, tout en apportant leurs visions et leurs conseils. Je tiens à remercier toutes les associations ainsi que leurs membres pour m’avoir fait visiter et découvrir leurs parcelles et l’histoire qu’elle raconte. Un merci tout particulier à Johan Picorit, pour m’avoir accompagné sur le terrain de pluie, pour son soutenu, son regard extérieur lors de la relecture et de la mise en page. Bien-sûr un immense merci à ma père, Olivier Jeanvoine, pour m’avoir accompagné dans la relecture et la correction de mon mémoire de recherche.
Remerciements
5
Sommaire
6
p5
Remerciements
p
9
Introduction
p
15
Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
p
57
Des murs au monument?
p
89
Vers un nouveau patrimoine ?
p
118
Conclusion.
p 126 p 129 p 132
Sommaire
Les murs à pêches aujourd’hui. De murs en murs. .
Des murs support d’un patrimoine? Quelles valeurs et quelles mémoire pour les murs? Conserver? Restaurer?
Rappel du classement. Redéfinition de l’inventaire. Les murs à pêches et la mise en valeur.
Bibliographie Table des illustrations Annexes
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Introduction
8
Le terrain sur lequel porte ma recherche est caractérisé par la présence de
murs à pêches. Lors de mes premières réflexions, il s’étendait sur l’ensemble de la commune de Montreuil.
Montreuil-sous-Bois, commune de Seine-Saint-Denis est située à l’est de Paris. Elle n’est séparée de la capitale que par la barrière formée par le périphérique. Montreuil est considérée comme le 21e arrondissement de la ville de Paris. Sa superficie s’étend sur près de 930Ha, dont une partie se situe sur la plaine à l’est de Paris et l’autre sur le plateau (le plateau du Malassis) formé par le relief qui s’étend du nord de Paris (Belleville) jusqu’à la ville de Nogent/Marne. L’implantation communale sur le flanc sud et le plateau a permis l’installation de l’agriculture. Le sous-sol1 se compose de bancs de
1. Se référer à la carte géologique en annexe 1, p132.
gypse (exploité pour produire du plâtre pour la culture des murs à pêches). Les couches supérieures sont composées de marnes (qui retiennent l’eau en surface et qui en permettent son écoulement, d’où la présence de rus dont le Ru Gobétue est le plus connu à Montreuil, de calcaire (identique à ceux se trouvant dans la plaine de la Brie à l’est de Paris) et enfin une couche de terre arable se prêtant bien à la culture.
2. Se référer aux fiches mur à pêches en annexes 2 et 3, p133-134.
Les murs à pêches2 , ont été édifiés à partir dès le XVIIème siècle, pour
permettre la culture de la pêche dans la campagne parisienne. La construction des murs en silex et plâtre se fait grâce aux matériaux à disposition trouvés sur le site. Une fois érigé, le mur est enduit de plâtre et chapoté d’un faitage, lui aussi de plâtre, afin de protéger les pêchers palissés contre le mur. Ces murs tramaient le territoire de la commune et délimitaient les différentes parcelles d’horticulture. Peu à peu, je me suis concentré sur le site du quartier de Saint Antoine, lieu où la proportion de murs à pêches est la plus importante de toute la ville et où, la conservation de ces murs est la plus effective. L’attention s’est alors portée sur les traces des anciens murs à pêches dont je pouvais être le témoin et s’est recentré sur le mur à pêches même, le mur dont les caractéristiques ont été énoncés par Roger Schabol
3. SOCIETE REGIONALE D’HORTICULTURE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS, Discours historique sur le village de Montreuil, texte original de Roger Schabol 1771 et texte inédit de Louis Aubin 1933, Bagnolet, Edition SRHM, 2008.
dans son ouvrage Discours historique sur le village de Montreuil.3 Ces murs étant porteurs d’une mémoire matérielle mais aussi immatérielle reliée au savoir-faire des cultivateurs montreuillois. Cet objet est devenu plus qu’un mur, un patrimoine porteur de différentes valeurs de mémoire et présentant les traits d’un monument. Ce n’est donc pas tant une réduction de l’objet de recherche qui s’est opérée dans ma recherche qu’un affinage de sa définition.
Introduction
9
Ce questionnement fait suite aux arpentages successifs que j’ai réalisé
au cours du premier semestre. Ils ont éveillé en moi un intérêt certain pour les murs à pêches ainsi que leur patrimoine. Ce patrimoine qui a fait la renommée de Montreuil pendant près de deux siècles est aujourd’hui remis en question, menacé de disparition. Les murs à pêches sont un patrimoine unique en France et sont caractéristiques de l’identité montreuilloise, d’une histoire qui continue de s’effacer, qui résiste et qui est menacée par les enjeux actuels liés à l’urbanisation mais aussi par les usages qui sont fait dans les parcelles des murs à pêches du quartier Saint Antoine. Mes visites sur site ont questionné peu à peu la notion de monumentalité (les murs à pêches sont porteurs d’une symbolique, d’une mémoire forte directement connectée à l’histoire même de la commune). Cette monumentalité entretient avec la patrimonialité un lien intime et complexe car dans le cas des murs à pêches, elle prend la forme d’une problématique liée à la caractéristique même des murs à pêches. En effet, ces murs à pêches sont par nature des objets précaires, qui par leurs matériaux de construction (plâtre et silex), deviennent éphémères. Le mur à pêches était un outil de production, au même titre qu’une pioche ou un râteau. Deux pistes sont alors envisageables : soit laisser ce patrimoine ainsi que son histoire et ses usages disparaître intégralement ; soit faire de ces murs un objet de protection. Les usages existants peuvent être remplacés par d’autres, plus en accord avec la conservation de ce patrimoine. Dans ce cas, il s’agit d’un élargissement de l’objet mur et de son adaptation et sa réinterprétation face aux enjeux actuels du patrimoine.
Patrimonialisation, monumentalité et murs sont alors questionnés afin
de dégager des hypothèses concernant un nouveau classement des différentes typologies de murs à pêches. Ces typologies ont été mises en relation avec les notions de restauration, conservation suite au travail de relevé et de cartographie réalisé au premier semestre. Ce classement typologique revu est affiné afin de pouvoir appliquer au mieux le travail de recherche. En fonction des valeurs et de la mémoire portée par les murs à pêches, quelles seraient les solutions envisageables afin de faire perdurer ou non ce patrimoine ? Dans quel contexte s’inscrivent les enjeux d’un tel classement des parcelles des murs ? Est-ce-que le classement des murs doit s’effectuer sur l’ensemble du quartier Saint Antoine tout en prenant en compte les valeurs et la mémoire portées par ce patrimoine ? Enfin, est-il, au regard du croisement de toutes les notions et données recueillies, de classer et de conserver ce patrimoine, qui de par sa conception était voué à disparaitre ?
10
Introduction
La méthodologie adaptée a été la suivante : arpentage, relevé, établissement
d’un classement puis d’un inventaire. Les parcelles de murs à pêches présentes sur le site du quartier de Saint Antoine ne sont en réalité praticables qu’à pied. On peut s’y rendre par tout autre moyen de locomotion mais le meilleur moyen de découvrir le site est de le parcourir à pied. L’arpentage des parcelles ne peut se faire les unes qu’après les autres, précisément à cause des murs, qui bloquent l’accès, mais surtout en raison des horaires d’ouverture des parcelles, de la fermeture de certaines au public mais aussi en raison de propriétaires privés qui refusent l’accès à leurs parcelles. C’est ainsi un arpentage aléatoire au grès des ouvertures et des opportunités qui permet d’appréhender l’intégralité du site.
Cet arpentage s’accompagne de la réalisation d’un relevé, qui s’attache
à noter et répertorier toutes les traces, fragments et portions de murs à pêches rencontrés sur les différentes parcelles. Ainsi, une véritable collection de murs est établie. L’inventaire permet d’appréhender et de comprendre toutes les typologies de murs à pêches. Le quartier de Saint de Antoine présente un foisonnement de murs, dont les natures sont toutes aussi diverses que variées. L’inventaire est l’une des méthode les plus adaptée afin de relever et de hierarchiser le plus fidèlement possible toutes les traces des murs à pêches. Des croquis sont réalisés en plus du relevé manuscrit afin d’illustrer toutes les traces notées. Une fois le relevé effectué, je me suis attaché à classer toutes ces traces en fonction de leur état de conservation. Quatre catégories ont ainsi pu être définies (elles seront détaillées dans la partie spécifique). Le résultat final de ce relevé est l’élaboration d’une cartographie reprenant les portions, fragments et traces des murs sur le quartier de Saint Antoine.
Enfin, les apports théoriques des auteurs, reconnus pour avoir écrit des
ouvrages sur les notions de patrimoine, monument ou encore de restauration, ainsi que la redéfinition de l’objet d’étude m’ont mené à établir un inventaire permettant de classer les murs à pêches en fonction de leurs régimes de mémoire. Cet inventaire s’intègre dans une réflexion autour de la question patrimoniale, du monument et de la mémoire. Le produit final de cet inventaire est une carte synthétique permettant de localiser les murs à pêches en fonction de la valeur de mémoire dont ils sont les garants. En revanche, cette méthodologie doit se confronter à un objet d’étude dont la caractéristique principale et non dès moindre, qui est son éphémérité. Cet inventaire doit donc être mis à jour régulièrement pour noter la régression ou non du patrimoine des murs à pêches.
Introduction
11
En ce qui concerne l’état de l’art, trois auteurs m’ont permis d’appréhender
l’objet mur à pêches en tant qu’objet patrimonial et monument. Ces trois auteurs sont Françoise Choay, Aloïs Riegl et Camillo Boito. Ils m’ont permis d’élargir le champ de réflexion concernant les murs à pêches. Françoise Choay4 est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales. Grâce à son ouvrage L’allégorie
du patrimoine, la question du patrimoine a été analysée. Elle donne les clés
4. Se référer à la fiche de lecture sur l’Allégorie du patrimoine, annexe 4, p135.
de compréhension d’un objet patrimonial, en le définissant, le caractérisant et expliquant les tenants et les aboutissants de la patrimonialité. Aloïs Riegl5 , historien de l’art viennois du XIXème siècle, a été conservateur du Musée de Vienne pendant près d’une décennie. Dans son ouvrage Le culte moderne des monuments, sa nature,
5. Se référer à la fiche de lecture sur Le Culte oderne des monuments, sa Nature, son Origine, en annexe 5, p136 .
son origine, il explique quelles sont les valeurs de mémoire que peuvent porter les monuments. Après avoir défini la notion de monument et de monument historique, il expose les « valeurs » de mémoire attachées aux monuments modernes, quelles sont les mémoires à préserver, celles qui s’opposent… Aloïs Riegl m’a permis de définir l’inventaire final des murs à pêches. Enfin, Camillo Boito6 , architecte italien et écrivain de la fin du XIXème siècle, dans son livre Conserver ou restaurer ? définit les notions de conservation et de restauration. Ces deux notions complexes sont souvent confondues à tort. Ainsi en définissant clairement les concepts, il m’a permis de me positionner et de comprendre si la préservation des murs à pêches relève d’une logique de conservation, de restauration (ou d’aucune des deux).
Les attendus de la recherche sont la mise en place d’un inventaire raisonné
permettant de cartographier l’ensemble des murs à pêches. Cet inventaire se base sur des critères de monumentalité et de mémoire. Ainsi, la discussion autour de la monumentalité et la question de l’identité du mur à pêches pourra avoir lieu, l’évolution de cet inventaire est également envisageable afin de cartographier le plus finement possible cet objet.
Le plan du mémoire se décompose en trois parties. La première est attachée
à la présentation et à l’établissement du relevé initial de son classement. La seconde partie permet de comprendre les différentes notions relatives aux concepts de patrimoine, de monument et de mémoire. Grâce à l’analyse de tous ces concepts, les murs à pêches seront ensuite passés au crible de ces notions pour comprendre dans quelles mesures, ils font sens ou non en termes de patrimonialité et de monumentalité. Enfin la troisième et dernière partie questionnera l’élaboration d’un nouvel inventaire spécifique aux murs. Un prolongement de la question sur l’évolution de classement et l’avenir et ainsi que la mise en valeur de ces murs seront analysés.
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Introduction
6. Se référer à la fiche de lecture sur Conserver ou restaurer? (1893), en annexe 6, 137.
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o1. Montreuil-aux-pĂŞches, une ville et des murs.
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Nous avons vu en introduction que la ville de Montreuil-sous-Bois possède
un patrimoine architectural particulier au travers des murs à pêches. Ce patrimoine unique en France est aujourd’hui menacé de disparition et certains montreuillois et franciliens tentent de le préserver. Comment ce patrimoine, qui fit autrefois la renommée de Montreuil, se présente-t-il aujourd’hui ?
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
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1.
Les murs à pêches aujourd’hui a.
Ce qu’il reste
La trame des murs à pêches qui a structuré le développement de la commune
campagnarde de Montreuil au fur et à mesure de ses extensions continue de marquer le paysage montreuillois. En effet, cette trame en lanière (parcelle, longue et étroite) caractéristique du mode de culture de la pêche « à la montreuilloise » a laissé son empreinte sur le paysage urbain. La structure même de la ville s’est développée sur cette trame des murs lorsque ceux-ci ont commencé à péricliter ; les parcelles agricoles laissant place à des parcelles loties par des maisons et des entreprises. L’étroitesse des parcelles a donné naissance à de petites maisons, elles-mêmes étroites et présentant généralement deux étages. La surface au sol ne permettant pas de s’étendre, construire en hauteur s’est imposé.
Des 600 hectares de murs à pêches lors de leur pleine exploitation, il ne
subsiste aujourd’hui qu’une petite portion de 33 hectares. Ces quelques hectares restants se situent sur le plateau de Montreuil, dans le quartier Saint Antoine. Sur ces parcelles ancestrales des murs à pêches, des murs, des traces, des fragments rappellent le passé glorieux des producteurs montreuillois. Les fragments sont dans des états de conservation divers et variés, qui seront détaillés plus loin. Cet écrin de verdure au cœur de la ville, véritable respiration dans le tissu urbain de Montreuil, a fait l’objet d’un classement au titre des Sites et Paysages en 2003. Ce classement 7. Direction Régionale et Interdépartemental de l’Environnement et de l’Energie
effectué par la DRIEE7 de la Seine-Saint-Denis propose de mettre en place une protection sur 8,5 hectares (parcelles de jardins familiaux, partagés et jardins associatifs) des 33 restants. Le classement Sites et Paysages est issu de la loi de 1930 sur les sites. Cette loi permet de protéger des espaces divers tels que les parcs et jardins, espaces naturels ou terroirs, ou encore les écrins paysagers de monuments. Lorsqu’un lieu est classé au titre des Sites et Paysages, toute intervention doit faire l’objet d’une demande auprès de la préfecture et d’une autorisation accordée par l’Architecte des Bâtiments de France. Ces zones sont normalement inconstructibles sauf dans à de très rares exceptions. Tout aménagement doit s’intégrer harmonieusement au site, sans le dénaturer. L’avis de l’Architecte des Bâtiments de France doit également être recueilli dans le cas de projet de modification. Si l’avis n’est pas recueilli, l’Architecte peut demander la destruction expresse de toutes les structures construites. Si la cohérence du site est menacée, l’Architecte peut suggérer le classement immédiat de l’intégralité de la zone afin de la protéger. Dans tous les cas, la décision de classement est prise par le ministre en charge des sites
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
17
après avoir recueilli l’avis de la Commission Départementale des sites8.
Bien que les murs à pêches soient un élément constitutif du paysage urbain
de Montreuil, la connaissance de ces derniers reste inégale. Les montreuillois vivant à proximité des murs ne semblent guère s’en soucier. Et pourtant, ils sont en relation directe avec ces derniers lorsqu’ils sortent de leurs maisons. D’autres montreuillois, quant à eux, n’habitant pas à côté des parcelles des murs à pêches, ont connaissance de leur existence et savent les positionner sur une carte. Bien souvent ces personnes sont celles qui participent à la vie associative des murs, tels que les jardiniers du jardin
8. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ politique-des-sites#e3, Politique des sites, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, droits du Ministère Transition Ecologique et Solidaire, consultable sur le site https:// www.ecologique-solidaire. gouv.fr/, mise en ligne le 15 novembre 2016, date de la dernière modification inconnue, consulté le 04 avril 2018.
de la Lune, du sens de l’Humus ou du Café social. Enfin, des franciliens partagent la connaissance de ces murs parce qu’ils en ont fait la « découverte volontaire » lors du Festival des murs à pêches, d’une promenade ou encore lors « d’une découverte impromptue » lors de l’ouverture des ateliers d’artistes qui y résident sur un weekend de Septembre.
Il ne reste de ces murs qu’un ensemble assez compact, bien que le passage
de l’autoroute A186 ait divisé le tout en deux portions distinctes plus ou moins équivalentes. L’ensemble se trouve sur le plateau de Saint Antoine et confère à la trentaine d’hectares restants une unité paysagère. Cette unité vient de la végétation foisonnante, des hauts murs et du génie du lieu, qui lorsque l’on se trouve au cœur des murs, nous fait oublier la ville toute proche. Lorsque les montreuillois parlent des murs à pêches, ils évoquent directement le quartier Saint Antoine, car il est le dernier endroit où la concentration des murs est importante ; même si, çà et là, des fragments ponctuent encore la commune. Cela reste des traces très minoritaires9.
18
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
9. CORAJOUD, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Editions Actes Sud/ENSP, 2010, p109 à p112, p167 à p181.
b.
Ce qui s’est effacé et qui s’efface encore
Les murs à pêches, depuis l’arrêt de leurs utilisations, disparaissent,
s’effacent progressivement : le plâtre et le silex employés pour la construction des murs ne leurs permettent pas de résister aux assauts conjugués du temps et des conditions météorologiques. Cela est effectif depuis le développement urbain de la commune. Tant que la production était en cours, les murs à pêches formaient un cœur préservé aux allures de campagne aux portes de Paris. Mais avec l’abandon de la production de la pêche suite à l’envolée du prix du plâtre, et le développement de la commune, la campagne a cédé place à la ville. L’extension de la ville s’est faite en respectant assez fidèlement le maillage formé par les murs à pêches. Chaque parcelle de murs a donné naissance à une parcelle habitée. Cette philosophie n’est plus d’actualité. Le projet urbain a désormais tendance à privilégier de grosses parcelles pour y construire des immeubles, ce qui n’aurait bien évidemment pas été possible sur une parcelle traditionnelle. En fusionnant donc plusieurs parcelles, la trame originelle se fond et change d’échelle, les murs disparaissent. Pour observer ce phénomène, il suffit juste de comparer les vues aériennes du plateau, qui depuis 1921, nous montre la régression du tissu dense des murs à pêches.
Cette trame est d’autant plus importante qu’elle a façonné le territoire
de la commune pendant près de quatre siècles. Aujourd’hui, cette trame qui est devenue urbaine, ne se perçoit plus. Cela est flagrant lorsque l’on observe la carte IGN. Les murs qui jadis maillaient le territoire, ne sont aujourd’hui plus représentés. Seuls quelques bouts de murs nous montrent tant bien que mal ce que pouvaient 10. https://fr.wikipedia. org/wiki/Banlieues_89, Banlieue 89, historique et description de l’association puis de la mission ministérielle, auteurs multiples, licence de documentation libre, consultable sur le site https:// fr.wikipedia.org/, date de mise en ligne inconnue, actualisé le 26 février 2018 à 15:29, consulté le 04 avril 2018.
être les murs à pêches montreuillois. Rien n’indique, qu’à cet endroit, des parcelles sont encore présentes. Sans un regard initié, il est impossible de comprendre que ces traits dessinés sur un plan IGN correspondent aux murs à pêches. L’oubli se fait ressentir, la mémoire des murs s’estompe. Un autre exemple qui permet « d’apprécier » l’effacement de cette mémoire des murs est la Mission Banlieue 8910. Avant de devenir une mission émanant du Ministère de la Culture en 1983, Banlieue 89 était une association créée par Roland Castro, architecte et Michel CantalDupart, urbaniste. L’association souhaitait améliorer le cadre de vie en banlieue. Par la suite, la mission a eu pour objectif de cartographier la banlieue, afin de penser son désenclavement et le projet urbain. Dirigé par Roland Castro et Michel CantalDupart, le rapport est fondé sur des enquêtes de terrain, réalisation de cartes thématiques afin de dresser un état des lieux des banlieues. Cette étude aurait pu
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
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mentionner les murs à pêches, mais les personnes en charge de la mission n’ont pas jugé important de les signaler. D’autres lieux emblématiques comme l’échangeur de Bagnolet y sont représentés11. Les murs sont encore une fois oubliés…
Depuis l’abandon de la culture de la pêche à Montreuil, les murs laissés pour
compte se désagrègent lentement. Ceux présents dans le quartier de Saint Antoine et
11. CORAJOUD, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Editions Actes Sud/ENSP, 2010, p109 à p112, p167 à p181.
n’appartenant pas au périmètre du classement Sites et Paysages, disparaissent sous l’action du temps et de la météo. Ceux qui ont « eu la chance » d’être insérés dans le tissu urbain de la commune se sont transformés en murs ordinaires. Ce changement d’usage a directement impacté la mémoire même des murs à pêches. Du mur de production au mur de clôture, le mur à pêches a perdu son identité, son essence. Il est devenu un simple mur de séparation de propriété, très souvent remplacé par des murs plus pérennes, que les montreuillois se sont réappropriés. De nouveaux usages sont nés de ce changement de statut, participant au processus d’effacement des murs à pêches.
Il est compliqué de trouver un inventaire précis de ces murs à pêches. Lors
de ma rencontre avec Pascal Mage, le président de l’association des murs à pêches, j’ai très vite compris qu’un tel inventaire n’avait pas eu lieu depuis un « certain temps ». Lui-même ne semblait pas au courant de l’existence d’un tel document.
«
J’ai dû le voir passer au bureau de l’association, mais je ne l’ai pas gardé, je pourrai éventuellement le retrouver mais le plus simple serait de voir avec la mairie si elle est en possession de cet inventaire.»12 Des recherches plus approfondies, après la réalisation de l’inventaire des murs, ont permis de découvrir ce document, qui ne mentionnait pas la date de réalisation, ni la méthodologie qui avait permis d’identifier les murs à pêches, ni même ces auteurs. Cette carte-inventaire était inclue dans un document de présentation des murs à pêches, édité par l’association des murs à pêches et à destination du grand public. Le fait même que cet inventaire ne soit pas actualisé, n’aide pas pérenniser la mémoire des murs. Entre le moment de la réalisation de ce document et mon arpentage de terrain, des murs à pêches ont disparu. La comparaison de l’inventaire réalisé par les membres de l’association murs à pêches et mon travail de terrain a permis de déceler des changements dans la quantité de murs présents à Saint Antoine. Comment conserver la trace de patrimoine s’il ne fait pas l’objet d’une attention particulière ? L’oubli continue.
20
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
12. Se référer au compte rendu de terrain en date du vendredi 17 novembre 2017, annexe 10, p145.
Figure 1. Extrait de la carte IGN, localisation des murs à pêches dans le quartier Saint antoine, https://www.geoportail. gouv.fr/carte.
Figure 2. Carte sensibledes 1001 lieux magiques, Mission Banlieue 89, https://www.encre-dutoit.org/2014/06/08/bcomme-banlieue-4-5/ .
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
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Enfin, les parcelles de murs de Saint Antoine font régulièrement l’objet
d’appels à projet. Des étudiants comme les élèves de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles ont récemment réalisé des projets dans le cadre de l’atelier n°5 « Un parc en ville » en septembre 2016. Mais ces projets ne sont que théoriques. Michel Corajoud, avait en 1999, proposé un projet sur le quartier Saint Antoine. En repensant le quartier autour des murs et des parcelles, il faisait vivre à nouveaux la mémoire du lieu tout en l’intégrant dans une dynamique contemporaine de développement urbain (construction de logements individuels et collectifs, insertion d’activités artisanales tout en respectant le génie du lieu). Son projet n’a jamais vu le jour et actuellement une autre étude est en cours. Coloco (Gilles Clément) et l’atelier d’urbanisme de Philippe Madec en 2010 proposent une étude pour la ville de Montreuil. Gilles Clément propose un projet en lien avec le retour de l’agriculture dans les parcelles, agriculture associée à la culture afin de réunifier et reconnecter le patrimoine des murs à pêches. Cette étude étalée sur sept ans permet de donner les grandes orientations du projet et de mettre en place une charte paysagère sur le devenir des murs. Ce devenir passe par la mise en place d’intention de paysage à l’échelle du quartier, tout en intégrant la question du bien commun des murs à pêches. Tout comme Michel Corajoud, Coloco propose le retour des activités agricoles et une série de projets afin de faire revivre les parcelles des murs. L’autoroute y est couverte pour reconnecter les quartiers. Si l’on regarde les visuels produits, ce qui frappe le regard c’est la « présence inanimée » des murs. La manière de les représenter si singulièrement efface complète l’identité des murs à pêches. Quant aux parcelles totalement ouvertes proposées par le deuxième visuel, les murs sont à nouveau oubliés et ces parcelles sont décontextualisées. Les murs dessinés sont blancs, rectilignes, ne présentent pas d’aspérités ou de traces du temps. Il semblerait presque qu’ils viennent d’être construits avec des matériaux contemporains. Ils font fit de la matérialité même du mur, de son épaisseur, de l’irrégularité du tracé, du faitage… Cette série de parcelles pourrait être appliquée sur n’importe quel autre quartier de Montreuil.
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o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
Figure 3. plan sensible du projet «horti-culturel», Coloco, Fabien David, http://www. coloco.org/projets/projethorticulturel/.
Figure 4. Vue axonométrique des parcelles de murs à pêches, projet «horticulturel» Romain Joubert, Coloco, http://www. coloco.org/projets/projethorticulturel/.
Figure 5. Vue axonométrique des parcelles de murs à pêches, projet «horticulturel» Romain Joubert, Coloco, http://www. coloco.org/projets/projethorticulturel/.
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
23
c.
Ce qui est menacé
Depuis l’abandon progressif de l’agriculture et de la production horticole,
le parcellaire ainsi que les murs à pêches qui l’accompagnent disparaissent irrémédiablement au fur et à mesure des années. Là où jadis il y eut des pêches et des fleurs, se développe aujourd’hui, un autre mode d’occupation de ces terres, contribuant lentement mais sûrement à la ruine des murs à pêches. Casses de voitures, décharges, entrepôts de bois ou encore habitats sauvages sont autant de nouveaux modes d’occupations de ces sols arables. De nombreuses parcelles sont à l’état de friche et sont devenues de petits écrins de verdure proches du cœur de ville. Des entreprises se sont installées dans les murs, reconstruisant ainsi leurs limites, transformant les murs en véritables barrières infranchissables. Ce cloisonnement contribue à la fermeture du site de Saint Antoine sur lui-même, en réduisant les accès d’un terrain déjà très peu pénétrable. La construction de l’autoroute a accéléré le morcellement et la ruine du paysage des murs. En effet, l’A186 a littéralement scindé le territoire des murs à pêches en deux parties. Cet ensemble qui fut homogène ne l’est plus désormais. La continuité de la Rue de Saint Antoine a elle aussi été interrompue, finissant en « cul-de-sac » de part et d’autre de l’autoroute. La traversée autoroutière a donc contribué à la destruction d’une très grande partie des murs à pêches13. Le rapport de force entre de vieux murs sans usage et l’acheminement d’un flux important d’automobilistes jusqu’à la porte de Bagnolet et au périphérique parisien n’est bien évidemment pas équilibré. Un autre élément menace la pérennité des murs : l’urbanisation. Jusqu’alors « préservés » de tous projets immobiliers, les murs à pêches classés en zone naturelle dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU) sont changés de statut foncier. La zone naturelle ne prévoit pas de construction sur son emprise, mais une révision du PLU en 2011 offre la possibilité de lotir certaines parcelles de murs. Le Grand Paris fait également peur aux associations présentes dans les parcelles. La mairie de Montreuil voyant d’un bon œil le fait que le Grand Paris soit une opportunité pour accueillir de nouveaux habitants sur le sol communal. Et pour les accueillir, il y a nécessité de construire sur les quelques rares espaces échappant à la densité urbaine, notamment sur les parcelles des murs à pêches. L’étude en cours avec Coloco et les révisions successives du PLU dont la dernière en date est celle de 2018 devraient adapter au mieux l’urbanisation des murs à pêches.
24
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
13. CORAJOUD, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Editions Actes Sud/ENSP, 2010, p109 à p112, p167 à p181.
d.
Ce qui résiste
Même si les murs à pêches ne sont réduits qu’à une peau de chagrin, au
cœur de Saint Antoine, quelques espaces de friches et de nature perdurent. Lieu de développement sauvage d’une nature qui reprend ses droits sur des parcelles qui furent il y a bientôt presque un siècle, le lieu d’expression d’une nature domptée. Ainsi, au détour de la rue de Saint Antoine ou Pierre de Montreuil, il n’est pas anormal d’apercevoir derrière de hauts murs, une végétation dense composée d’érables sycomores, d’érables planes, de frênes, d’acacias ou encore de cornouillers sanguins.
Certaines parcelles sont encore occupées par de petits horticulteurs, qui
perpétuent la tradition de la culture des fleurs, des fruits et légumes dans les murs à pêches, entretenant ainsi la mémoire des murs. Ils maintiennent la pratique de jardinage et d’un art de vivre à la campagne à seulement quelques mètres de la ville et de son effervescence.
Les horticulteurs ne sont pas les dernières personnes à pratiquer le jardinage
au sein des murs. En effet, de nombreuses personnes viennent régulièrement dans les parcelles de jardins partagés. Les jardins familiaux de Montreuil, les jardins partagés du Sens de l’Humus, le jardin de la Lune, les Lez’art dans les murs ou encore le jardin du Pouplier sont autant de possibilité d’avoir un lopin de terre et de cultiver quelques fleurs, fruits ou légumes. En cultivant les terres fertiles des murs à pêches, les montreuillois participent à la gestion des murs en les entretenant avec les moyens du bord. Cette pratique du jardinage est bien sûr une piste de réflexion et de projet que les aménageurs du territoire prennent en compte dans leurs études, comme l’a montré le projet de Gilles Clément et de Phillipe Madec. L’étude nommée : « Projet Horti- culturel » est clairement orienté dans ce sens. En associant horticulture et « culture », on peut comprendre aisément les pistes de réflexion et intentions données par le paysagiste et l’urbaniste. On voit clairement que l’horticulture et l’agriculture sont les fers de lance du projet ainsi qu’un élément fédérateur pour la vie future du quartier.
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Une autre forme de résistance, qui indirectement participe à la conservation
mémorielle, matérielle et immatérielle de ce patrimoine est le lycée des Métiers de l’Horticulture et du Paysage de Montreuil. En marge du quartier de Saint Antoine, les parcelles du Jardin Ecole sont le terrain de jeu des élèves du lycée. Ils y pratiquent le jardinage sous toutes ses formes : pépinière, maraîchage, horticulture, arboriculture… mais ils restaurent aussi les murs à pêches. Ils font vivre ce patrimoine et le Jardin Ecole en est la fierté du lycée. Même si celui-ci n’est pas directement connecté aux parcelles de murs à pêches du Saint Antoine, il constitue une des dernières poches de résistance vivante de ce patrimoine. Toutes les formes précédemment décrites sont synthétisées sur la carte ci-contre.
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LEGENDE Ce qui est préservé Ce qui résiste Ce qui est menacé Ce qui a disparu Ce qui disparait Figure 6. Carte synthétique de Ce qui résiste, est menacé, a disparu... Ambroise Jeanvoine.
1/1000e CARTE DE CE QUI...
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2.
De murs en murs a.
Des traces, des fragments, des morceaux et des murs
Mes arpentages successifs ont conduit à la réalisation, sur la période allant de
septembre 2017 à décembre 2017, d’une cartographie des murs à pêches existants. Cette cartographie émane d’un inventaire raisonné, en partant du terrain, la diversité des murs et leurs états de conservation ont induit la mise en place d’un classement. Ce foisonnement nécessitait donc d’établir un classement afin de pouvoir avoir une vue générale du patrimoine des murs à pêches.
Pour effectuer ce relevé, les caractéristiques des murs à pêches (dans leur
forme originelle) ont été identifiées afin de pouvoir répertorier tous les murs restants. Ces caractéristiques étant les suivantes : largeur comprise entre 0.45 et 0.55m à la base et 0.30m au sommet (les murs présentent un fruit) ; hauteur moyenne de 2.70m mais elle pouvait être comprise entre 3m et 3.50m14.
J’ai pu dégager ainsi un premier classement. Dans ce premier classement
typologique, j’ai déterminé quatre grandes catégories qui permettaient de répartir l’ensemble des murs à pêches15 dont voici les grandes caractéristiques :
• murs dans un bon état présent dans une friche ;
• murs restaurés selon les règles de l’art (technique des horticulteurs) ;
• murs rafistolés par les habitants ;
• murs en ruine, partiellement détruits, ébréchés, éventrés ;
Ce classement a été établi à la suite d’un premier travail de mise à plat de
14. SOCIETE REGIONALE D’HORTICULTURE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS, Discours historique sur le village de Montreuil, texte original de Roger Schabol 1771 et texte inédit de Louis Aubin 1933, Bagnolet, Edition SRHM, 2008. 15. Se référer à la carte ci-contre.
données collectées lors de la première séance de terrain. Ce travail de remémoration est passé par le dessin. Ils ont montré que ma mémoire avait retenue quatre formes et états de conservation des murs à pêches et ont servi de base à l’établissement de ce classement. L’ensemble de ces murs a fait l’objet d’une collection de dessins, dessins repérés sur une carte synthétique en annexe16.
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16. Se référer à la carte de localisation des croquis, annexe 8 p138.
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RUE DE SAINT
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LEGENDE Mur à pêches restauré Mur à pêches rafistolé Mur à pêches en ruine Mur à pêches en bon état Tracé fantôme des murs à pêches (1921)
RUE PIERRE DE MONTREUIL
Figure 7. Carte synthétique de de l’état des murs à pêches, Ambroise Jeanvoine.
1/1000e CARTE DE L’ETAT DES MURS A PECHES
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Le second classement redécoupe les quatre classes citées ci-dessus. Le dé-
coupage plus fin permet et d’apprécier plus précisément les typologies de murs à pêches17 :
• murs dans un bon état présent dans une friche ;
• murs en cours de disparition dans une friche ;
• murs restaurés selon les règles de l’art (technique des horticulteurs) ;
• murs restaurés grossièrement et de façon incomplète ;
• murs rafistolés par les habitants ;
• murs rafistolés avec fragment de murs à pêches ;
• murs abandonnés ;
Le second classement permet de prendre conscience de la diversité des états
17. Se référer à la carte ci-contre
des murs dans les parcelles du quartier de Saint Antoine. Le premier classement plus général ne distinguait pas clairement les différentes formes et états que pouvaient compter une même classe. En divisant à nouveau le classement, le foisonnement et la diversité des murs peuvent être appréhendés.
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LEGENDE Friche en bon état Friche en cours de disparition Restauration «règles de l’art» Restauration grossière Rafistolé Rasfistolé avec fragment(s) Abandonnés Tracé fantôme des murs à pêches (1921) 1/1000e Figure 8. Carte 2 de l’état des murs à pêches, Ambroise Jeanvoine.
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CARTE DU CLASSEMENT N°2 DE L’ETAT DES MURS A PECHES
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1.
Les friches
• Premier classement
Les murs à pêches présents sur les friches sont en état de conservation. La
végétation qui les a recouverts, a formé comme un écran protecteur a qui ralentit les assauts du temps. Le lierre court sur le faitage du mur, les érables et les frênes forment le couvert arboré. Des clous servant au palissage des pêchers sont encore plantés dans les murs à pêches et des bouts de chiffons sont encore accrochés aux clous. Il est courant de tomber sur des encadrements de portes permettant de fermer les parcelles lors de leurs utilisations. C’est dans ces friches que les murs sont les mieux conservés et sont préservés des interventions humaines. Si l’on veut avoir une idée de ce que pouvaient être un mur à pêches juste après l’abandon de la production fruitière, c’est dans les friches qu’il faut se rendre. Cet outil de production, faute d’entretien, se dégrade. Cette dégradation s’effectue sur le plâtre, principal constituant des murs à pêches. Sous l’effet de la pluie il se désagrège, il s’effrite et ne joue plus son rôle de liant. Les pierres de silex finissent par tomber, le mur disparait. La végétation qui pousse dans les interstices est aussi une source de dégradation ainsi qu’une source de protection, en limitant l’effet érosif de la pluie. Cet état de ruine et d’ancienneté est largement représenté dans les friches du quartier. Elles sont aussi des lieux de décharges à ciel ouvert de nombreuses personnes peu scrupuleuses, mais aussi des personnes vivants dans le quartier comme les roms ou les tziganes. Il est donc courant de rencontrer des tas d’immondices, déjections humaines ou encore des carcasses en tous genres. L’exemple de la friche située au 1 rue de Saint Antoine.
La friche commence par un mur en retrait, de nombreux détritus jonchent le sol. Le mur est percé, un panneau de chantier bouche le trou béant, comme si cette parcelle ne devait pas être pénétrée. Le mur à pêches dont le plâtre tombe laisse voir son squelette de silex. Il est tagué. Le lierre recouvre le faitage et la broussaille arborée surplombe le mur et la parcelle. Une poutre posée sur le mur dépasse et semble indiquer que la décharge se poursuit de l’autre côté du mur. Finalement le panneau Eurovia n’est tout simplement là que pour entasser plus d’immondices sans que cela déborde sur la rue18...
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18. Se référer au compte-rendu de visite de site en date du 15 octobre 2017 en annexe 9, p140.
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Figure 9. Croquis des premiers murs visibles de la friche de la rue de Saint Antoine, Ambroise Jeanvoine.
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• Deuxième classement
Dans le cas des friches, le découpage en deux catégories permet de distinguer les murs en bon état de ceux qui sont en ruine et en cours de disparition. Cet état de disparition résulte de l’absence d’un couvert de protection (comme dans le cas du lierre mais aussi des arbres). De ce fait, la friche ouverte ne protège pas les murs qui sont soumis directement aux intempéries, provoquant ainsi leur dégradation.
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Figure 10. Croquis des murs dans la friche de la rue de Saint Antoine, Ambroise Jeanvoine.
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2. Les murs restaurés selon les règles de l’Art (technique des horticulteurs)
• Premier classement
Les murs restaurés selon les règles de l’Art des horticulteurs sont quant
à eux concentrés dans les zones classées. Cette typologie particulière des murs permet d’avoir un aperçu d’un mur à pêche dans son état d’exploitation. Des restaurations permettent de maintenir ce patrimoine fragile et de le pérenniser pour les générations futures, comme une trace ayant valeur de figure historique et scientifique. Les techniques employées sont celles des horticulteurs montreuillois : alternance de piliers de plâtre (tous les dix mètres qui assure un raidissement de la structure) et terre battue. Le maintien de la structure interne se fait par les « chaînes », sortes de pains de plâtre qui servent d’appui aux pierres et bloquent le liant du mur. Ce chainage de plâtre est étalé horizontalement tous les 0.80m. Dans le cas des murs faisant 2.70m de haut, on compte donc 3 chainages ; enduit grossier de plâtre sur une épaisseur de 3.5cm et ajout d’un chaperon de plâtre vient couvrir le mur19. Cette restauration intervient dans le cadre de murs fortement dégradés, voire détruits. L’association des murs à pêches souhaite retrouver ce patrimoine et le mettre en valeur pour le démocratiser. D’autres restaurations plus grossières ont été effectuées, avec l’application d’un enduit de plâtre et la pose d’un chaperon de plâtre.
19. SOCIETE REGIONALE D’HORTICULTURE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS, Discours historique sur le village de Montreuil, texte original de Roger Schabol 1771 et texte inédit de Louis Aubin 1933, Bagnolet, Edition SRHM, 2008.
L’illustration de cette catégorie peut se faire via le cas des quatre-vingtdix mètres de murs restaurés par Loïc Dollet, un des maçons, membre de l’association des murs à pêches. Cette reconstruction s’inscrit dans l’ouverture prochaine d’une parcelle conservatoire au public. Cette parcelle reconstitue avec le plus de fidélité possible l’état d’une parcelle lors de son exploitation. Ainsi, le mur doit être restauré, reconstruit afin de proposer aux visiteurs de cette parcelle conservatoire, une portion de murs muséifié.
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Figure 11. Croquis d’un restauré selon les «règles de l’art», Ambroise Jeanvoine.
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• Deuxième classement
La séparation de la classe « restaurés » permet de différencier les murs
qui ont fait ou font l’objet d’une restauration voire d’une reconstruction ; d’une restauration grossière relevant plus d’une mise en sécurité. Cette restauration plus ou moins poussée varie en fonction des moyens financiers dont dispose la mairie. Cette reconstruction des murs intervient aussi dans le cadre de la future parcelle musée qui aura pour but la promotion du patrimoine des murs à pêches montreuillois.
Une restauration grossière est observable dans l’impasse Gobétue. Sur un
mur tout en entier, un simple enduit de plâtre a été réalisé. Les diverses pierres sont visibles au travers de cette couche de plâtre, elles sont cerclées par le plâtre (comme pourraient l’être des pierres de taille d’une ferme dont le crépis vient d’être refait.) Un chaperon de plâtre a été ajouté pour abriter le mur à pêches des intempéries. Le mur zigzagant est donc mis en sécurité et est préservé pour quelques années encore.
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Figure 12. Croquis des murs à pêches restaurés grossièrement de l’impasse Gobétue, Ambroise Jeanvoine.
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3.
Les murs rafistolés par les habitants
• Premier classement
Les murs rafistolés constituent la majeure partie des murs des parcelles
de Saint Antoine. Ils sont implantés hors du périmètre de classement. Une petite portion d’entre eux se trouve en secteur classé. Ces murs ne font pas l’objet d’une restauration minutieuse, mais plutôt d’un entretien courant de la part des habitants. Des enduits de plâtres sont appliqués pour maintenir la structure du mur et sa solidité. Plâtre, béton ou autre matériaux tels que des parpaings, briques et tôles sont employés pour rafistoler les murs. Dans certains cas ces murs sont encore utilisés dans les parcelles des associations, d’en d’autre, les murs ont perdu leur fonction première de production et ont été détournés de leur usage afin de servir de séparation de propriété. Ces murs ou morceaux de murs font l’objet d’un suivi plus ou moins poussé de la part de leurs propriétaires. Certains sont bien entretenus, tandis que d’autres sont abandonnés.
Cas du mur soutenant le terrain juste après le Jardin Pouplier. Cet exemple montre la succession des matériaux de consolidation. Le mur à pêches peut être accompagné de panneaux de grillage rigide (sous forme de grille) mais aussi d’ajout d’enduit de béton. Le mur initial se retrouve donc pris dans un étau de matériaux contemporains. Trois couches successives de béton viennent chapoter le mur. La friche et la décharge prennent appuis sur le mur et la grille. L’ensemble semble sous tension. Ici, les murs sont le support d’autres matériaux qui servent à combler les trous dont les murs à pêches sont percés. Les parties ancestrales qui subsistent sont aussi le support de plantes qui colonisent peu à peu les trous et interstices s’ouvrant dans le mur. Sur la dernière parcelle de la rue Pierre de Montreuil, le mur qui sert de clôture a, il y a quelques temps, fait l’objet d’un crépissage avec un enduit de plâtre. La couleur blanche, légèrement grisée par la pollution çà et là nous en apporte la preuve. Lui aussi est tagué. La brèche qui s’est ouverte dans l’angle a été colmatée par une grille de fer forgé et une tôle d’acier. La tôle vient appuyer la grille et renforcer la barricade. La végétation court sur le mur et dans les pierres qui dépassent. Le manque d’entretien de cette clôture va petit à petit permettre aux intempéries de poursuivre leurs actions de dissolution.
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Figure 13. Croquis d’un mur à pêches rafistolé de la rue de Saint Antoine, mur support d’une décharge, Ambroise Jeanvoine.
Figure 14. Croquis d’un mur rafistolé au bout de la rue Pierre de Montreuil, Ambroise Jeanvoine.
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• Deuxième classement
La catégorie « rafistolé » est elle aussi subdivisée. En différenciant les murs
rafistolés des murs contenant des morceaux de murs, on peut avoir une idée de la proportion de murs à pêches restants et de leur état. Les murs contenant des morceaux de murs sont ceux qui ne sont plus utilisés pour leur fonction première mais pour leur fonction séparative. Leur état d’entretien varie en fonction de l’importance que leurs accordent les propriétaires. Nous faisons face à une certaine hétérogénéité d’entretien dans cette catégorie. Ces rafistolages sont souvent réalisés dans l’optique de mettre en sécurité le mur à pêches. Dans ce cas, nous pouvons citer l’exemple du mur servant de séparation dans la rue Saint Antoine.
Le mur est littéralement inscrit dans un mur dont les matériaux forment un ensemble assez hétéroclite. La hauteur du mur d’environ 2,70m est entretenue d’un enduit de plâtre récent d’autres endroits sont de béton, les pierres sont apparentes et le reste du mur, dont la taille varie en fonction des matériaux. Des briques viennent aussi combler les trous avec l’aide de pierres de taille.
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o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
Figure 15. Croquis d’un mur hétéroclyte rue de Rosny, Ambroise Jeanvoine.
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4.
Les murs abandonnés
Enfin les murs abandonnés sont ceux qui ponctuent le quartier et ne relevant
pas des friches. Ces murs peuvent être présents sur des parcelles de jardins, habitées ou encore à des angles de rues. Le mur d’une des premières parcelles de la rue Pierre de Montreuil en est un parfait exemple.
Protégé par de hautes tôles de métal, le mur derrière, abandonné tombe en ruine. Les tôles taguées, dont les graffes commencent à s’effacer témoignent de l’abandon de cet espace. Le mur peut tranquillement continuer de se désagréger derrière ses panneaux protecteurs.
Ce travail de cartographie des murs m’a permis d’avoir un aperçu à l’échelle
du quartier des typologies de murs restants ainsi que leur localisation. Ce travail s’est fait sur plusieurs temps d’arpentages différents à cause de la difficulté de pouvoir pénétrer dans les parcelles (horaires d’ouverture restreints le dimanche après-midi et surtout lorsque les personnes s’occupant des parcelles sont aussi présentes sur site afin d’ouvrir les parcelles aux visiteurs.) Ce travail m’a permis de révéler les traces de ce patrimoine qui faisait la renommée de Montreuil il y a environ un siècle.
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Figure 16. Croquis d’un mur protégé par une tôle d’acier, Ambroise Jeanvoine.
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b.
Usages et détournements
1.
Le jardinage et l’horticulture
Les murs à pêches sont aujourd’hui déconnectés des préoccupations
premières pour lesquelles ils sont été pensés, à savoir la production arboricole et horticole. Si l’on se penche un instant sur la répartition des activités et usages du sol au sein des murs, la proportion des parcelles dont la vocation est la production et la vente des produits du sol est faible. Seules trois parcelles sont encore, dans le quartier Saint Antoine, utilisées à ces fins économiques. Ce sont de petits producteurs qui veulent perpétuer la mémoire des murs et des anciens horticulteurs.
La majeure partie des parcelles est occupée par des personnes pratiquant
le jardinage, mais à des fins personnelles. Il n’y a là, aucun but commercial. C’est pour le plaisir d’avoir un jardin potager, d’y faire pousser quelques fruits et légumes qui alimenteront les plats tout au long de l’année. Cette pratique est largement représentée parmi les murs. Jardins partagés, familiaux, parcelles d’association sont répartis sur l’ensemble du site de Saint Antoine. Ainsi, la déambulation se fait de jardins en jardins, de parcelles en parcelles, en s’enfonçant toujours un peu plus dans ce cœur de nature. Nous pouvons citer parmi ces associations : le Jardin de la Lune, le Sens de l’Humus, Rêve de Terre ou encore Racine en ville. Ces associations, dont la liste n’est pas exhaustive, font partie de la fédération des murs à pêches. Cette association supervise toutes les autres. C’est elle, le plus souvent, qui fait entendre sa voix lors des conflits. Elle est aussi, avec la Société Régionale d’Horticulture de Montreuil, l’une des plus anciennes associations du quartier puisqu’elle a été créée en 1994.
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2.
La culture
Les parcelles comptent également des associations à but culturel. Les
activités proposées sont de l’ordre du théâtre, du spectacle de rues, du cirque. Les représentants de ces activités culturelles au sein du quartier Saint Antoine sont le Théâtre de Verdure, La Girandole, le Fer à coudre, le Théâtre du Bouche à Oreille et les Lez’art dans les murs. Dans le dernier cas, l’association propose aussi des jardins partagés. C’est l’une des associations qui se démarque par sa transversalité : culture, jardinage et social.
« Les objectifs de l’association : le spectacle et l’art, l’aide aux devoirs (éducation, pour les gosses du quartier. Ils apprécient venir ici, faire ses devoirs en plein air sous le chapiteau et pouvoir faire des pauses régulièrement pour aller jouer permet de revenir plus concentré sur les devoirs) et la restauration des murs. Un autre volet est envisagé : ouvrir une guinguette sur la période estivale afin d’ouvrir plus régulièrement la parcelle aux visiteurs et à la découverte. L’ensemble des structures présentent sur la parcelle (scène, roulotte, terrasse, mobilier) ont été construites par l’association. La parcelle principale est celle qui accueille la scène, le chapiteau abritant les tables et le petit bar. Lors du Festival des murs à pêches, la scène rencontre toujours un grand succès ! […] Les murs ont été restaurés avec Loïc, Charles et une association de jeunes européens qui restaurent le patrimoine. Les murs à pêches sont un vrai labyrinthe mais sont aussi une mosaïque, une mosaïque de parcelles, d’occupations. » Aurélien ROL-TANGUY, paysagiste DPLG de Bordeaux, un des 20. Se référer au compte rendu en date du 9 décembre 2017, annexe 11, p148.
fondateurs de l’association Les Lez’arts dans les Murs.20
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
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3.
La vie dans les murs
La vie associative autour des murs à pêches est assez conséquente, mais elle
n’est pas hégémonique. Si les parcelles associatives sont publiques, proposées à la location par la Mairie de Montreuil, les parcelles privées sont quant à elles loties par des habitants ou des entreprises. Même si ce mode d’occupation n’est pas le plus représentatif des modes d’occupation, il est à prendre en compte dans le quartier de Saint Antoine. Le but est ici de se protéger derrière les murs et de bien signifier que cette parcelle est privée, fermant ainsi des possibilités de circuler au sein des murs. Le mode d’habitation dans les murs se fait de deux façons différentes : soit les montreuillois vivent dans des maisons (en dur) soit la parcelle est occupée par des mobil-homes et/ou des caravanes. La communauté manouche est, elle aussi, un acteur des murs. Installée depuis près d’un siècle, elle s’est établie dans les murs « sauvagement » dans les parcelles à l’abandon, puis a passé avec la municipalité une convention d’occupation du sol, devenant en quelque sorte des locataires de la mairie.
4.
Les friches
Enfin, il reste un dernier « état » des parcelles des murs : la friche. Elle n’est
pas à oublier car elle fait partie du paysage des murs et est une réelle respiration dans le tissu urbain. La friche est le lieu de tous les fantasmes et lorsque l’on y pénètre, on se retrouve transporté dans un imaginaire différent de celui des parcelles occupées. Le temps semble s’être suspendu, le génie des murs figés, dans l’attente de sa découverte par des visiteurs s’aventurant entre les arbres et arbustes. Tous ces murs nous font face, portant encore les traces de leurs activités et de leurs fastes passés. Murs tombés dans l’oubli, endormis, mais pour combien de temps encore ? Friche végétale, mais aussi friche décharge. La question de la décharge à ciel ouverte n’est pas négligeable et un terrain à l’abandon est si facilement appropriable par ce type d’usage. La décharge pollue le sol, mais aussi l’unité et la cohérence paysagère du lieu. Ces usages constituent autant de mode d’appropriation et de détournement des friches qui conservent la mémoire des murs à pêches.
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o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
Figure 17. La vie dans les mur à pêches, rue de Rosny, Ambroise Jeanvoine.
Figure 18. Croquis d’un mur en ruine sur la parcelle du secours catholique, Ambroise Jeanvoine.
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5.
La limite de propriété
Bien que certains murs conservent encore leur usage premier : support de
culture des pêchers, d’autres sont quant eux détournés de leur fonction première. Avec le déclin de la production arboricole et horticole, comme nous avons pu le voir précédemment, les parcelles ont progressivement été loties. La question des limites entre les propriétés a donc facilement été résolue. Les murs à pêches seraient donc de parfaite séparation. Cette réappropriation des murs s’est pratiquée sur l’ensemble de Montreuil. Les traces des anciens murs sont visibles lorsque l’on s’aventure dans certaines ruelles ou passage. Ces traces s’amenuisent au fur et à mesure des années, d’autant plus que les conditions météorologiques grignotent le plâtre des murs. Les propriétaires font tous leurs possible pour maintenir leurs limites de propriété et finissent par agglomérer sur la structure même des murs tout un tas de matériaux ; remplaçant irrémédiablement les murs en les transformant ainsi en simple murs de clôture.
6.
Des murs et un apiculteur
Enfin, nous pouvons citer un dernier acteur, l’apiculteur. Il est présent sur
quelques parcelles de murs, comme la parcelle des Lez ’arts dans les murs, le jardin de la Lune, ou bientôt sur la parcelle « conservatoire » fraichement réhabilitée. N’ayant pas de réellement de parcelle fixe, il installe, au gré des demandes, ses ruches sur les parcelles d’associations qui veulent bien l’accueillir.
7.
Le street art
Un autre détournement des murs, plus culturel cette fois-ci, se fait par la
réappropriation des murs par les artistes de rues. De nombreux graffs et tags sont observables le long des rues et au gré de nos déambulations. Les murs abandonnés sont autant de lieu idéal d’expression artistique. Certains tags sont plus anecdotiques et relèvent de l’expression libre et spontanée des passants, mais d’autres, comme dans le cas de la fresque réalisée sur le morceau de murs à l’angle des rues Saint Just et Pierre de Montreuil, sont de vraies œuvres21. De par le style graphique, on retrouve une unité sur l’ensemble des réalisations du quartier Saint Antoine.
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21. Se référer au croquis ci-contre.
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Figure 19. Fresque «street-art» sur un mur à pêches, Ambroise Jeanvoine.
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
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c.
Des murs à préserver ?
Les murs à pêches font l’objet d’enjeux de natures différentes en fonction des
usages et des modes d’occupation. Les attentes des habitants ne sont pas les mêmes que celles des jardiniers et sont aussi différentes de celles des familles manouches ou encore roms.
L’enjeu principal, défendu par un grand nombre de citoyens montreuillois
et usagers est la conservation de ce patrimoine original. Les murs à pêches sont l’histoire de Montreuil et ont mis en place le paysage de la commune. Il est donc important voire nécessaire pour certains de préserver et conserver ces traces de mémoire. L’enjeux de conservation est d’autant plus grand que la pression que subissent les murs est importante. Lors d’un entretien informel avec des acteurs du lieu, Sylvain Zalay, membre de l’association Rêve de Terre estimait que : « si la
population des MAP tenait réellement à son patrimoine, elle aurait pu réaliser des actions comme à Notre Dame des Landes ! mais il est un peu tard pour une telle prise de conscience… Les habitants commencent tout juste à prendre conscience de ce qui pourrait se passer et commencent à se mobiliser »22.
La principale menace qui pèse actuellement sur les murs est la pression
22. Se référer au compte rendu en date du 9 décembre 2017, annexe 11, p148.
immobilière liée à l’urbanisation à venir de la ville. Comme nous l’avons vu, Montreuil, à l’instar de toutes les villes de la petite couronne parisienne, fait face à une demande de logements grandissante. L’arrivée du Grand Paris est une aubaine pour Montreuil pour attirer de nouvelles familles sur son territoire. La commune a donc besoin de construire de nouveaux logements afin d’accueillir les nouveaux habitants. La proximité immédiate de Paris est un atout majeur dans l’installation de nouveaux arrivants à Montreuil. Les promoteurs sont aux portes des murs et un projet de construction de 85 logements à la place de 3700m² de parcelles de murs à pêches est à l’étude23.
Ce projet de construction intervient dans le cadre de la reconversion de
l’usine EIF rue Pierre de Montreuil. Les infrastructures du Grand Paris nécessitent aussi des locaux de maintenance. Dans le cas des murs à pêches, c’est un hangar de maintenance du tram qui devrait être construit sur un terrain d’un hectare environ. La fédération des murs à pêches a lancé il y a deux mois, concernant la sauvegarde du patrimoine des murs à pêches, une pétition intitulée : « Non au projet du Grand
Paris dans les murs à pêches ! »24 Recueillant près de 5415 signatures sur les 7500
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23. https://mursapeches. wordpress.com/, EIF : la ville de Montreuil met ses Murs à Pêches en danger ! licence de documentation libre, consultable sur le site https://mursapeches. wordpress.com/, mise en ligne le 9 février 2018, consulté le 07 avril 2018. 24. https://www.change. org/p/patrice-bessacmaire-de-montreuil-nonau-projet-du-grand-parisdans-les-murs-%C3%A0p%C3%AAches, pétition : Non au projet du Grand Paris dans les Murs à Pêches ! Fédération des Murs à Pêches, licence de documentation libre, consultable sur le site https://www.change.org/, mise en ligne en février 2018, consulté le 09 avril 2018.
o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
attendues. La volonté de la municipalité ne semble pas être en accord avec les attentes des associations des murs à pêches. Bien que la mairie soit fière de son patrimoine et ne manque aucune occasion pour en faire la promotion, le discours montre deux facettes : la promotion du patrimoine montreuillois et l’extension urbaine.
La question de la propriété privée est aussi importante. Il est compréhensible
que les propriétaires fonciers des murs ne souhaitent pas voir « défiler » dans leurs jardins ou entrepôts d’usines un grand nombre de visiteurs. Dans l’enchainement des parcelles, dont le passage se fait assez aisément à cause des percées et des murs tombés, on peut traverser les parcelles tout en ne sachant pas si elles appartiennent à la commune ou à une personne privée.
La question de l’appropriation du territoire par la communauté tzigane, qui
au début de son installation ne comptait que quelques membres, s’est aujourd’hui aggravée. Les générations successives ont continué à vivre dans les murs, habitant année par année de nouvelles parcelles. La rue de Saint Antoine, qui se finit « en cul-de-sac », est actuellement « la rue de la Famille ». Les tziganes savent quand un individu étranger entre dans la rue et le surveillent. Ils vont même jusqu’à aller demander ce que la personne cherche, si d’aventure elle peut paraître trop curieuse. L’appropriation du territoire des murs à pêches par d’autres communautés telles que les roms, pose d’ailleurs problème à la famille manouche. Elle ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée des roms à Montreuil. Il en résulte des querelles de voisinage qui peuvent être très violentes (échanges de tirs de flashball) entre les deux communautés.
L’apiculteur quant à lui, n’entre pas en conflit direct avec les autres acteurs
du site. Son principal enjeu est de pouvoir continuer à exercer son métier et installer ses ruches dans les murs. Si la superficie totale des murs diminue, c’est autant de surface en moins sur lesquelles les abeilles pourront butiner. Réduisant ainsi les possibilités de faire « tourner » les ruches sur toutes les parcelles des murs à pêches.
Enfin nous pouvons évoquer la question de la mise en valeur de ce
patrimoine. La fédération des murs à pêches accompagnée de l’association gérant
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le festival annuel des murs à pêches tentent de faire connaître du plus grand nombre le patrimoine unique des murs à pêches. Ainsi le festival, via des activités de sensibilisation, des visites découvertes et des concerts, sur le temps d’un week-end, permet de faire découvrir les murs aux franciliens. A grand renfort de publicités, d’articles et de reportage, le festival veut gagner en notoriété et permettre aux nombreux visiteurs de prendre conscience de la valeur de ce patrimoine et de sa pérennisation. En revanche, le festival n’est pas toujours apprécié de tous les occupants des murs. En effet, les jardiniers craignent que leurs parcelles soient piétinées par des festivaliers peu vigilants. Ils fabriquent donc de petites affichettes qu’ils disposent à chaque entrée de jardin pour signifier la « fragilité » des parcelles potagères. D’autres, quant à eux, n’apprécient guère le bruit que provoque le festival, car il vient perturber leurs tranquillités habituelles et la sérénité que dégage les lieux. Ces critiques émanent souvent des anciens jardiniers des murs alors que les nouveaux, sont heureux de faire partager leur passion pour le jardinage et le fait qu’il ait une chance inouïe de travailler le sol des ancestraux murs à pêches. De la même manière, l’ouverture au public des parcelles est revendiquée par les jeunes jardiniers alors que les anciens préfèrent que les parcelles restent fermées pour préserver les lieux. Le changement de mentalité et l’ouverture potentielle des murs à pêche au public arrivera avec la nouvelle génération de jardiniers qui auront peut-être une autre vision du futur des parcelles des murs à pêches. Actuellement, les parcelles sont ouvertes le temps de week-ends selon des horaires variables en fonction de la saison.
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o1. Montreuil-aux-pêches, une ville et des murs.
Avec l’analyse des traces des murs à pêches, de ce qui résiste, de ce qui
s’efface et de ce qui est menacé, nous avons pu remarquer que les différentes appropriations et les gestions qui en résultent ne sont pas liées avec la mémoire même des murs. Certes, il y encore de l’horticulture pratiquée au sein des murs, mais cet usage en est un parmi d’autres. L’optique de la conservation des murs est intimement liée aux usages dont les murs sont le siège. Si le mur est une limite de propriété, l’habitant va chercher coûte que coûte à maintenir son mur, en le renforçant avec des matériaux contemporains et ne prête pas attention à l’aspect authentique et aux modes de restauration répondant aux règles de l’Art. Les acteurs des murs ne sont pas hégémoniques, par conséquent, les modes de protection et la mise en place d’un protocole de sauvegarde est difficile à instaurer hors du périmètre de classement. De plus, toute tentative de conservation « classique » sera vouée à l’échec à cause de la pluralité des acteurs présents dans les murs. Tout un chacun fait comme bon lui semble et gère ses murs selon les modalités qu’il aura décidé. Ainsi, une autre approche de la conservation est à envisager pour pérenniser le patrimoine des murs à pêches montreuillois. La seconde partie sera l’occasion pour nous, de confronter le patrimoine des murs à une autre vision de la conservation et la notion de monument.
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o2. Des murs au monument?
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Nous avons vu précédemment que les murs à pêches sont le support de
différents usages, occupés par de multiples acteurs. Ils sont l’objet de mode de conservation divers et variés qui ne permettent pas de protéger ce patrimoine dans de bonnes conditions. Dans cette partie, nous interrogerons les murs à pêches en tant qu’objet patrimonial. Les murs à pêches devenant monument vont être passés aux cribles des notions de patrimoine et de monument historique afin de comprendre dans quelles mesures, ils répondent à la notion de patrimonialité et identifier un mode de conservation qui leur serait adapté.
o2. Des murs au monument?
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1.
Des murs support d’un patrimoine ?
L’apport théorique de l’ouvrage de Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine,
paru aux éditions du Seuil en 1992 permet de positionner les murs à pêches dans un contexte patrimonial, en définissant les notions et les enjeux directement liés à la question du patrimoine. C’est grâce à cette auteure et à sa pensée que nous allons voir dans quelles mesures les murs à pêches font patrimoine.25
a.
25 . CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992. CHOAY, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Editions du Seuil, 2009.
Des traces, des fragments, des morceaux et des Murs
Selon Françoise Choay, le patrimoine permet une appropriation par les
populations, de l’espace dans lequel elles évoluent. Le dictionnaire Larousse définit identitaire26 comme : qui concerne l’identité, la singularité de quelqu’un, d’un groupe. C’est par cette singularité que l’identité nait. Elle devient une des caractéristiques du lieu. Ce patrimoine sera le support d’une mémoire matérielle mais aussi immatérielle, une mémoire collective témoignant de l’appartenance des individus à un groupe. Le monument rappelle aux différentes générations la mémoire, les traces du passé. A travers ces traces laissées par les hommes, trois types d’architecture peuvent faire patrimoine : l’architecture mineure qui correspond à tout bâti privé élevé par l’homme et n’étant pas monumental (par cela, il convient de comprendre
26. https://www.larousse. fr/dictionnaires/francais/ identitaire/41419, définition de l’adjectif identitaire, dictionnaire Larousse, licence de documentation libre, consultable sur le site https://www.larousse. fr/dictionnaires/francais, date de mise en ligne inconnue, consulté le 07 mai 2018.
qu’un architecte n’a pas eu à intervenir dans la construction de l’objet), l’architecture vernaculaire qui est le bâti marqué par le terroir et enfin l’architecture industrielle qui comprend les gares, usines, les ensembles bâtis, tissus urbains…
La préservation de ces monuments est un enjeu majeur des sociétés
occidentales car elle permet une reconnaissance d’une histoire universelle, mais aussi la préservation des traces comme étant des témoignages du passé27 . Si le patrimoine est amené à disparaître, ce sont les notions de destruction positive ou
27. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992, p12.
de destruction négative qui sont évoquées. La destruction positive opère lorsque le monument est ignoré de la société. En oubliant son patrimoine, la société perd peu à peu son identité. Le monument ne remplit plus son rôle de témoin du passé, la mémoire matérielle s’efface. Le cas de la destruction négative correspond à l’anéantissement d’une société par une autre en détruisant volontairement toutes traces du passé pour réduire cette société à néant28.
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28. CHOAY, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Editions du Seuil, 2009, p.V.
o2. Des murs au monument?
b.
L’authenticité esthétique
Dans le cas des monuments et du patrimoine, il faut veiller à ne pas confondre
âge esthétique et âge historique. Bien souvent, l’âge esthétique ne correspond pas à l’âge historique. La population pense souvent à tord que si un monument paraît vieux, c’est tout simplement par ce qu’il est ancien. Bien au contraire ! L’authenticité esthétique ne coïncide pas forcement avec son authenticité historique. Il ne faut pas faire abstraction du temps et des forces de la nature qui en altérant le monument, lui confèrent un aspect ancien, une patine. Le monument peut paraître plus vieux qu’il n’en a l’air. Il peut être aussi construit en pensant volontairement à l’esthétisme de la ruine. Ainsi, il peut être contemporain et évoquer une ruine romaine par exemple.
L’authenticité du monument passe aussi par la conservation de ses
caractères premiers. Avec le temps, le monument acquiert une patine. Avec l’accumulation des décennies, le monument se couvre de couches successives qui le chargent en mémoire. Cette accumulation lui confère une identité, un caractère singulier, qui rend le monument unique et support mémoriel de toute une société. L’ensemble des couches doivent être préservées pour ne pas effacer la mémoire portée par le monument. Si d’aventure le monument fait l’objet d’une restauration (une restauration bouleversant profondément le monument), son authenticité est amoindrie et c’est l’inauthenticité qui prime.
o2. Des murs au monument?
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c.
Valeur d’ancienneté
La valeur d’ancienneté est directement convocable et perceptible par tous. En effet, elle ne demande pas de connaissances approfondies pour savoir déterminer l’époque de construction du monument. Les « temps anciens » sont convoqués par un sentiment esthétique et font appels à la sensibilité de chacun. La valeur d’ancienneté s’offre à nous directement par un simple coup d’œil et remporte l’approbation la majorité de la population. Tout un chacun peut appréhender la valeur d’ancienneté car elle ne relève que de la sensibilité. L’esthétique de la ruine est volontaire, elle est même recherchée pour l’émotion qu’elle suscite chez l’observateur.
La valeur d’ancienneté convoque aussi la valeur de remémoration. Le
monument ancien est le support d’une mémoire qu’il rappelle à la société. C’est une valeur à privilégier. En oubliant la valeur de remémoration, c’est la mémoire même que l’on oublie et qui s’efface. L’ancienneté du monument témoigne de toutes les mémoires successives dont il est le rappel.
Enfin, le fait que le monument soit « ancien » n’est pas forcément un
argument fédérateur pour la population. La masse n’est pas toujours sensible à la patine, car une patine préservée n’est pas synonyme d’un monument entretenu. L’esthétisme qu’il dégage ne renvoie pas forcément à quelque chose d’agréable visuellement. Il devient « laid » pour la population, tombe dans l’oubli et la mémoire s’efface.
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o2. Des murs au monument?
d. Valeur d’usage (valeur de contemporanéité)
Dans certains cas, les monuments font encore l’objet d’usages réguliers.
Ces pratiques inscrivent le monument dans le quotidien et dans le présent. Ces pratiques inhérentes aux monuments historiques ont su conserver la mémoire des temps anciens et les usages pour lesquelles il a été érigé. L’exemple idéal est l’édifice religieux. Dans certains cas, le monument historique n’est plus utilisé pour ses fonctions premières mais des usages détournés l’habitent. Ainsi de nouvelles pratiques apparaissent et ne sont pas toujours en accord avec la mémoire provoquant ainsi l’effacement de cette mémoire.
e.
L’approche mémoriale
L’architecture domestique, édifiée par les hommes est le support d’une
mémoire. Elle porte les traces de techniques, de progrès technologiques ayant marqués l’histoire par les évolutions notoires qu’ils ont apporté. Selon John Ruskin, écrivain mais aussi critique d’art britannique, l’approche mémoriale est portée par excellence par la ville historique. Elle devient un patrimoine à protéger sans condition car elle est le témoin et porte la mémoire de toute une histoire. Dans le cas de la ville ancienne, c’est l’entièreté du tissu qui est considéré comme un monument. La ville devient un musée et la nouveauté n’a pas sa place. La valeur de pitié portée par l’approche mémoriale inscrit le monument dans le temps présent. Le monument ancre la population dans l’espace et le temps.
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f.
L’approche historique
La figure historique vient à l’opposé de l’approche mémoriale. En effet,
l’approche mémoriale inscrit la ville et le monument dans le passé, un passé que l’on doit à tout prix conserver, pour faire subsister la mémoire. L’approche historique pense la ville préindustrielle comme un objet appartenant au passé. L’historicité du processus d’urbanisation transformant la ville est assumée de façon positive. L’urbanisme n’est pas freiné par la ville ancienne, porteuse de mémoire. C’est le progrès technique qui façonne la ville et le monde.
Le plaisir esthétique de la ville ancienne ne peut avoir sa place dans une ville
en mouvement. L’urbanisme transforme le tissu urbain et lui confère de nouveaux usages. Même s’il modifie la forme de la ville, les traces du passé ne sont pas pour autant effacées. L’analyse des systèmes urbains de l’Antiquité ont montré des permanences quant à la manière d’aménager la ville. Les traces de la ville ancienne persistent dans la ville nouvelle.
Dans le cas de la figure muséale, la ville ancienne est considérée en comme
un objet rare qui peut disparaître. « Cet objet rare, fragile, précieux pour l’art et pour
l’histoire et qui, telles que les œuvres conservées dans les musées, doit être placée hors circuit de la vie. »29 Il devient donc nécessaire de protéger et de conserver la ville ancienne. Cette figure est, elle aussi à l’opposé de la figure propédeutique. La
29. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992, p142.
ville contemporaine est une réelle menace pour les vestiges de la ville ancienne qui sont déjà morcelés. « L’armature urbaine préindustrielle et surtout les petites villes
encore presque intactes devenaient les vestiges fragiles et précieux d’un style de vie original, d’une culture en voie de disparition, à protéger sans condition et à la limite, à mettre en réserve ou à muséifier. »30 Dans ce cas, la figure pousse à l’extrême la
30. Ibid, p.144.
protection de la ville ancienne, sa protection doit se faire sans conditions.
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o2. Des murs au monument?
h. « Ambiente »
Le patrimoine et le monument entretiennent avec leurs abords un lien étroit.
Le contexte dans lequel ils s’insèrent participe de concert à créer une ambiance particulière, l’ambiente. Cette dialectique architecture / abord met en place une atmosphère qui est particulière à chaque monument. Ainsi, le monument ne peut être extrait du lieu et présenter dans un autre espace totalement déconnecté du site. L’ambiente, le génie du lieu s’efface alors et le monument perd son essence, sa nature. Il devient un objet parmi tant d’autres. En revanche, si le monument est déplacé, une reconstitution peut être réalisée. Il faut veiller à ne pas tromper l’œil du visiteur car il est préférable de déplacer le monument et le préserver en tentant de reconstituer un semblant d’ambiente, plutôt que de perdre à jamais le patrimoine suite à sa destruction.
i.
Un obstacle au projet
L’augmentation du nombre de monuments et l’expansion du patrimoine
sont synonymes de gêne pour le projet urbain. La législation complexifie et rend l’installation de projets à proximité de monument plus difficiles (mais elle ne la rend pas impossible). Ils doivent prendre en compte à la règlementation en vigueur afin de respecter le patrimoine. La voix des promoteurs s’élève contre le patrimoine car c’est une entrave pour l’extension urbaine. Le patrimoine est souvent inadapté aux usages actuels et le coût d’entretien est conséquent. Il en résulte une action 31. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992, p12.
paralysante sur les grands projets d’aménagement31.
o2. Des murs au monument?
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j.
Les murs à pêches montreuillois, une réalité du patrimoine Dans cette partie, les murs à pêches seront examinés au travers des notions
énoncées par Françoise Choay. Les notions vues précédemment seront appliquées une à une aux murs, permettant ainsi la compréhension des murs à pêches en tant qu’objets patrimoniaux.
• Une identité : les murs à pêches de Montreuil sont une réalité historique
qui ont fait la renommée de la commune en fournissant les tables de Louis XIV et même du Tsar Nicolas II de Russie. Ils sont pour Montreuil l’identité même de la ville32. La fonction identitaire des murs et l’organisation unique avec laquelle ils ont été construits a permis à Montreuil de développer un urbanisme particulier, reprenant la trame des murs. Cet urbanisme sur ces fines parcelles est unique en France, tout comme les murs à pêches. Sur le terrain, cet urbanisme particulier est
32. CORAJOUD, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Editions Actes Sud/ENSP, 2010, p109 à p112, p167 à p181.
observable à travers des nombreuses parcelles loties avec des maisons étroites et présentant généralement deux étages.
Les murs à pêches sont le témoignage d’un passé lié à la production des
pêches, à un passé agricole de production. L’architecture vernaculaire des murs à pêches ancre aujourd’hui le site de Saint Antoine et plus largement la commune dans l’histoire de Paris. Sans le développement de Paris, Montreuil n’aurait pas connu un tel développement des murs. C’est avec la proximité des Halles, que les producteurs montreuillois tels que les Savard, ont pu faire fortune et étendre leurs propriétés dans les murs33.
Au début c’est un outil de production permettant la croissance des pêchers.
Les murs n’ont pas été pensés ou érigés dans l’optique de devenir un monument. Les horticulteurs seraient surpris de l’attention dont les murs sont aujourd’hui porteurs, car pour eux cet outil fragile était reconstruit à chaque fin d’hiver afin de préparer
33. SAVARD, BRUNET, Les Savard, histoire de vies 1880-1930, histoire illustrée d’une famille d’horticulteur, Chronique d’une famille d’arboriculteurshorticulteurs au début du XXe siècle, Bagnolet, Editions Musée de l’Histoire Vivante, 2005.
la saison fruitière à venir. Aujourd’hui, les murs sont des témoins du passé, un passé horticole, agricole, d’une campagne aux portes de Paris. Ils entretiennent un rapport à la mémoire particulier : pour le passé les murs rappellent un moment de production, de faste pour la commune qui a donné la possibilité à de nombreuses familles de vivre. Pour le présent c’est une mémoire immatérielle, un savoir-faire unique qu’il faut préserver, au même titre que le Potager du Roi de Versailles.
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o2. Des murs au monument?
Aujourd’hui, les murs à pêches font face à l’oubli. Les dégradations des murs
sont nombreuses. La nature mais aussi l’Homme ont leur part de responsabilité dans cet effacement. La nature entraine la dissolution de plâtre par les pluies et la végétation qui se loge dans les interstices des murs les font éclater. L’homme, quant à lui, en n’exploitant plus les murs à pêches, en ne les entretenant plus, les laissent tomber dans l’oubli et se dégrader lentement. L’exploitation et les destructions volontaires et le détournement des murs participent de concert à leur disparition. Ce sont ces caractéristiques, à savoir, la précarité, le fait que les murs soient un ensemble d’objets et leur répartition sur le quartier de Saint Antoine, qui confèrent aux murs cette unicité.
• La notion d’authenticité se vérifie dans les parcelles en friche. Dans ces
parcelles redevenues presque vierges, les murs sont porteurs de la « patine ». Végétation, climat, pollution concourent à graver lentement dans le plâtre les traces du temps. Verdissement, grisonnement et fissures laissent au regard de l’homme une patine attestant de l’ancienneté des murs. Toutefois, cette patine pourrait être reproduite à des fins muséales, et tromperait l’œil d’un public peut averti. De la même manière, cette patine est typique des parcelles en friche et il ne serait pas possible de retrouver un tel état de conservation dans une parcelle ouverte. Les autres murs hors des friches, portent la trace de l’intervention humaine. Rafistolage hétéroclite, restauration plus ou moins réussie, les murs hors friches ne sont que très peu porteurs de cette patine attestant de leur authenticité.
• En ce qui concerne la valeur d’ancienneté, l’état et l’aspect esthétique de
certains murs permettent d’en attester. Cet état d’ancienneté est particulièrement flagrant dans les parcelles en friche. Outre le fait que les parcelles se sont refermées, les murs ont été laissés tels quels depuis la fin de leur exploitation. Il n’est pas rare d’y trouver encore des clous et des loques accrochés aux murs, la végétation les ayant protégés des aléas climatiques. Cet état d’ancienneté permet de se remémorer le temps passé, le temps de production arboricoles et horticoles. Les murs ayant fait l’objet d’une restauration ne sont plus porteurs de la même authenticité : ils témoignent d’un savoir-faire ancestral, mais ne portent plus les traces du temps. Ils rappellent un passé plus ou moins actualisé des murs en inscrivant les parcelles et les murs utilisés dans le présent.
o2. Des murs au monument?
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• La valeur d’usage s’applique à toute parcelle encore en activité. Que ce
soit des parcelles d’associations pratiquant le jardinage, les activités culturelles ou encore des parcelles privées dont les murs en sont les limites ; le réemploi des murs fait vivre de différentes manières le patrimoine. Chaque usage inscrit les murs dans le présent et supporte la mémoire des murs à pêches. Cette mémoire varie aussi en fonction des usages et est présente plus ou moins fortement sur les parcelles.
• Les murs à pêches et l’approche mémoriale. Dans le quartier de Saint
Antoine, conservation et restauration des murs sont entreprises. Ces entretiens des murs ont pour objectif de préserver et pérenniser cette mémoire. Les murs à pêches sont les témoins, les garants de l’histoire montreuilloise. Ils montrent également une « avancée technologique » dans la culture de la pêche. En revanche, les murs n’ont pas fait l’objet d’une conservation coûte que coûte depuis l’arrêt de la production. L’approche mémoriale si elle avait été assidument respectée, aurait permis de protéger les murs bien avant. Mais au moment de l’arrêt de la production, la question patrimoniale des murs n’était pas au centre de toutes les attentions. L’urbanisation de Montreuil paraissait bien plus importante et les murs un simple détail.
• L’approche historique : le rôle propédeutique est entièrement joué par
les murs car ils sont un élément de développement technique qui a façonné le paysage montreuillois. En quadrillant, tramant le sol montreuillois, les horticulteurs ont implanté leurs marques dans le sol et le cadastre. Ainsi, une simple parcelle agricole et plus largement l’ensemble des parcelles de murs à pêches ont dessiné le schéma de développement de la ville. Il aurait très bien pu en être autrement. Les parcelles auraient pu être regroupées comme dans le cas d’un remembrement et la trame ancestrale des murs aurait intégralement disparu. Le rôle muséal est porté par un certain nombre de murs car la perte de l’identité et leur abandon sont des éléments moteurs de leur disparition. En oubliant les murs, en les négligeant, la mémoire qu’ils entretiennent s’efface. Leur précarité favorise cet effacement. Seuls une poignée d’entre eux conserve ce rôle muséal en perpétuant la tradition des murs à pêches.
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o2. Des murs au monument?
• « L’Ambiente » des murs. Suite aux arpentages successifs, je trouve qu’il
existe dans les parcelles du quartier Saint Antoine un génie du lieu, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans Montreuil. Il règne dans le quartier des murs à pêches comme un air de campagne, une campagne en plein cœur de la ville. La densité urbaine, la rumeur de la ville disparaissent pour laisser place aux chants des oiseaux, le bruit du vent dans les feuilles, le bourdonnement d’une abeille. Les cheminements dans les murs sont caractéristiques et surtout uniques. Ces sentes sont les dernières formes de résistance, avec les murs, d’un air de vivre paysan qui fut il y a bientôt un siècle, un espace libéré de toute pression foncière aux portes de Paris.
• Un obstacle au projet ? Dans le cas des murs, ils ne sont pas un réel obstacle
à l’urbanisation. Les seuls murs entravant le projet urbain sont ceux faisant l’objet du classement au titre des sites et paysages. Les parcelles en friches ou habitées illicitement ou non, ne sont pas classées. Il est donc plus simple d’inscrire un projet d’urbanisme sur des parcelles qui ne font l’objet d’aucune réglementation, hormis le Plan Local d’Urbanisme de la commune qui permet d’urbaniser sur ces parcelles.
Après avoir passé les murs à pêches au crible des critères énoncés par
Françoise Choay pour la notion de patrimoine, nous pouvons remarquer que les murs satisfont à de nombreuses définitions et notions. Ils ne peuvent être en accord avec toutes, d’autant plus que cette question patrimoniale survient alors que les murs se sont presque tous effacés. Il y a une correspondance entre les principes énoncés et l’objet mur à pêches ; les aspects les plus remarquables sont l’identité, la notion d’authenticité, l’approche mémorielle et l’ambiente. Toutefois, toutes ces notions ne sont pas applicables à la lettre aux murs. La valeur d’usage présente dans les murs est différente de la notion énoncée. Si la valeur d’usage était fidèlement respectée, chaque mur devrait porter des pêchers et poursuivre l’activité des horticulteurs. De la même manière, les murs ne sont pas un obstacle à l’urbanisation. La municipalité comme les promoteurs se réjouissent de cette réserve foncière et projettent de les lotir. Si les murs avaient été un réel obstacle à la construction immobilière, la mise en place de pétition et la mobilisation des associations n’auraient pas lieu d’être. On peut donc considérer les murs à pêches comme un élément patrimonial et un monument témoin d’un glorieux passé, porteurs fragiles d’une mémoire
o2. Des murs au monument?
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qui s’efface. L’identité et le génie du lieu qu’il confère au quartier de Saint Antoine et plus largement à la ville ancrent les murs dans l’histoire de la ville. De par ses caractéristiques premières associées à la notion d’identité, d’authenticité mais aussi d’ambiente font sens en termes de patrimonialité. Le mur à pêches devient un objet patrimonial unique en France, porteur d’une mémoire liée au passé agricole de Montreuil. Enfin, dans une autre mesure et avec l’aide de nouvelles notions, nous nous intéresserons à comprendre les formes de mémoire portées par les murs.
2.
Quelles valeurs pour les murs, quelle mémoire ?
Dans cette partie, tout comme dans les précédentes, nous allons étudier les
notions que dégage Aloïs Riegl, historien de l’art autrichien du XXème siècle, dans son ouvrage Le Culte Moderne des Monuments, sa Nature, son Origine . Les notions énoncées par l’auteur serviront de base de travail et de grille de lecture des murs à pêches en tant que patrimoine. Cela permettra de comprendre dans quelles mesures les murs à pêches peuvent être considérés comme des monuments, ou non.34
a.
34. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003.
La valeur d’ancienneté
La valeur d’ancienneté énoncée par Françoise Choay dans L’allégorie
du patrimoine se base sur les écrits d’Aloïs Riegl. Dans cette partie, nous allons développer cette notion plus finement.
La valeur d’ancienneté se caractérise par un aspect « suranné ». Selon le
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, la définition de l’adjectif est la suivante : « Qui a cessé d’être en usage, qui ne se fait plus, ne se porte ou ne se dit plus
et se réfère à une époque révolue »35 . Cet aspect suranné de l’objet correspondrait à une époque révolue assimilé à un passé plus ou moins lointain. L’objet, le bâtiment témoigne d’une certaine imperfection liée à l’âge de l’objet. Directement associé à cette imperfection36, le manque d’intégralité de l’objet nous permet de comprendre que le temps a déjà commencé son œuvre de dissolution. Il y a donc une réelle tendance à la dissolution, qui sous l’effet des conditions météorologiques, appuyé
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35. http://www.cnrtl.fr/ definition/surann%C3%A9, Définition de l’adjectif suranné, CNRLT, licence de documentation libre, consultable sur le site http://www.cnrtl.fr/ , date de mise en ligne 2012, consulté le 13 avril 2018. 36. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, p75.
o2. Des murs au monument?
par les années qui s’écoulent, vont estomper les couleurs, arrondir les angles, polir, creuser les matériaux. Le terme employé pour caractériser cette usure est « patine ».
La valeur d’ancienneté s’applique à tout objet lié à une production humaine,
auxquels viennent s’ajouter les monuments naturels (monument résultant d’une formation par la nature). Chaque objet anthropique ou naturel est « voué » à la disparition, car dès que l’objet est achevé, l’activité destructrice de la nature
commence. Ses forces mécaniques et chimiques tendent à désagréger l’individu 37. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, Ibid, p76.
en ses éléments et à le fondre à nouveau dans la nature amorphe37. S’il n’y a pas d’intervention humaine (opération de conservation ou restauration), le « cycle de dégradation » naturel du monument s’opèrera jusqu’à sa disparition totale. Ce cycle s’appelle le « cycle de génèse des monuments »38. Le principe même de la valeur d’ancienneté repose sur un aspect esthétique, un état de ruine idéal,
38. Ibid, p80.
indemne de toutes interventions humaines. Mais les destructions volontaires sont fermement condamnées, car elles entravent le processus de dégradation naturelle du monument. Il ne faut pas perturber le cycle naturel de dissolution du monument, le « le cycle de génèse des monuments ». Tout monument est soumis à ce cycle de création et de disparition et il peut être répéter indéfiniment. Le monument se dégrade lentement et devient de plus en plus pittoresque avant de disparaître intégralement, ne laissant derrière lui qu’un tas informe de pierres. Le culte de la valeur d’ancienneté travaille donc à sa propre destruction. La valeur d’ancienneté s’impose visuellement au visiteur et fait appel à sa sensibilité. Cet effet esthétique, résultant de l’action des forces naturelles fait l’essence même de la valeur d’ancienneté. Il ne s’intéresse pas qu’à une conservation dans un état inaltéré du monument, il y travaille minutieusement. Ainsi, la valeur d’ancienneté peut satisfaire visuellement le visiteur de cet esthétisme de la ruine.
o2. Des murs au monument?
69
Et dans le cas des murs à pêches, qu’en est-il ? Lorsque Aloïs Riegl définit la
valeur d’ancienneté, il évoque l’aspect suranné du monument. Selon la définition du CNRLT, cet adjectif peut être employé pour qualifier les murs à pêches. En effet, les murs ne sont aujourd’hui plus en activité et appartiennent à une époque révolue. Toutefois, selon Riegl, la temporalité de cette « époque révolue » semble être assimilée à des temps plus lointains. Les murs nous sont contemporains car la cessation d’activité de production n’a pas tout à fait un siècle.
La question de la ruine idéale des murs à pêches se pose. Il faut être un fin
connaisseur de la technique des murs pour pouvoir estimer qu’à ce moment précis et avec la dégradation du mur, l’état de ruine idéale, le pittoresque s’exprime à son maximum. Faut-il donc que le mur soit partiellement détruit ou ne soit plus qu’un morceau pour être considéré comme tel ? Le « cycle de dégradation » est en cours. Les murs ont été construits, entretenus, remplacés et certains sont même disparus. Dans la valeur d’ancienneté, il faut aussi prendre en compte le manque d’intégralité du monument, ses imperfections. C’est avec cette caractéristique que les murs s’inscrivent dans la valeur d’ancienneté. Ils ne sont aujourd’hui plus présents dans leur intégralité mais sont représentés par des fragments ici et là. Ils ne sont plus qu’une trace, une infime partie de ce qu’ils ont pu être. De plus, les forces dissolvantes de la nature interagissent avec les murs. Les conditions météorologiques grignotent et dissolvent le plâtre. Il faut aussi ajouter que les murs à pêches sont un pur produit de l’homme. C’est pour ses besoins qu’il s’est mis à construire ces objets. La temporalité et les facteurs climatiques participent à l’apparition d’une « patine » sur les murs. Lichens, mousses, pollution verdissent, noircissent les murs, les dégradent et leurs donnent ainsi cet aspect ancien de ruine. Toutefois, Riegl stipule que le cycle doit se répéter, or le cycle de construction des murs n’est plus. Seuls une centaine de mètres sont à nouveau intégrés dans ce cycle (construction des murs pour la parcelle musée, mais ces murs ne sont pas voués à la ruine de par leur statut de murs utilisés).
En revanche, la valeur d’ancienneté est une valeur de mémoire qui pourrait
s’appliquer sur bon nombre de mur et en particulier sur les murs présents dans les friches, car ils sont les objets en ruine que l’on s’attend à trouver lorsque l’on arpente les parcelles. Cette ancienneté rappelle un temps révolu et satisfait par son esthétisme patiné, suranné. Cependant, si l’on reprend l’une des caractéristiques initiales des murs, la précarité ; appliquée à ces derniers elle n’en permet la conservation que sur
70
o2. Des murs au monument?
quelques années seulement. En effet, il devait être remonté, repris chaque année afin de maintenir la trame et l’outil de production. Associé à la valeur d’ancienneté, la précarité travaille à sa propre disparition, mettant à mal la mémoire portée par les murs. La mémoire ne peut être pérennisée et n’est encore présente que pour un temps.
b.
Historique
Le régime de mémoire dont la valeur historique est le support tient dans le
fait que le monument est le témoin d’une évolution dans un domaine technique, témoin d’une évolution quelconque d’un domaine d’activité humaine. L’intérêt de cette valeur est de conserver l’état originel du monument ; ici il n’est pas question de conserver les traces de la dégradation naturelle. Au contraire ! « La valeur historique
s’avère d’autant plus grande que l’état d’origine du monument est demeuré inaltéré : les dégradations partielles et les altérations sont gênantes »39. Ces altérations 39. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, p82. 40. Ibid, p82.
sont donc à éliminer pour conserver le monument dans son état originel.
Le monument indemne est considéré comme un «document authentique»40,
témoin de cette évolution technique dans un domaine particulier. Ce témoin est à conserver dans le cas d’une restitution future dans le cadre d’une recherche. Toutes les interventions humaines ont pour objectif le ralentissement du cycle de dégradation du monument. Il s’agit de déterminer le meilleur mode de conservation le plus opportun et le plus adapté au monument en question.
La valeur historique entre directement en conflit avec la valeur d’ancienneté.
Il est aisé de comprendre pourquoi ces deux régimes de mémoire s’opposent. L’un prônant la « non-intervention humaine » dans le but de conserver un état de ruine jusqu’à disparition intégrale du monument ; l’autre prônant l’intervention humaine pour supprimer toute altération qu’aurait pu subir le monument, dans le but de conserver l’objet dans son état originel. « La valeur historique est d’autant plus
grande que la valeur d’ancienneté est moindre. La valeur d’ancienneté est presque annulée, lorsque la valeur historique s’impose avec fermeté et pour ainsi dire 41. Ibid, p85.
objectivement dans le cas d’un monument voulu. »41
o2. Des murs au monument?
71
Si l’objet est pensé et érigé dans le but d’être immédiatement un monument,
la valeur d’ancienneté n’est donc pas à considérer puisque le monument doit être conservé coûte que coûte. De plus, une conservation éternelle du monument est impossible, les forces dissolvantes de la nature finissent par l’emporter, même si l’homme fait preuve de toute l’ingéniosité pour contrecarrer l’action destructrice de la nature. La question du remplacement des matériaux par d’autres (par exemple une pierre), n’est pas gênante dans le cas de la valeur historique puisque la structure du monument n’est pas atteinte. En revanche la valeur historique en est diminuée, car la pierre remplacée ne porte pas la patine observable sur les autres pierres. La distinction entre la partie moderne et la partie ancienne est explicite. Par ce remplacement d’une pierre, l’état de ruine idéal ne peut être conservé.
Enfin, le culte de la valeur historique accorde une attention particulière à
la conservation de l’état originel de ce document, mais quel en est-il de la copie ? Dans ce cas, la valeur historique originelle est définitivement perdue (et la valeur d’ancienneté est à oublier). La copie permet de se substituer à l’original et conserve l’esthétisme et l’histoire du monument reconstitué. Ainsi, le monument est mis devant nous et appartient au présent.
Les murs sont, dans le cas de la valeur historique, les principaux témoins
d’une avancée technologique. Cette avancée tient dans le fait que les montreuillois ont réussi à produire des fruits exotiques en dehors de leur berceau historique (Asie) tout en installant une économie de production liée à ce fruit. Mais de nombreuses dégradations liées aux altérations météorologiques, rafistolage entrepris par les habitants, dégradations volontaires… altèrent la valeur historique. En effet, la valeur historique est d’autant plus grande que l’authenticité est intacte. Cette authenticité est présente dans les friches, mais il n’y a pas de mode de conservation appliqué. Les murs ne sont plus des documents fidèles aux originaux.
Quant aux murs rafistolés, la valeur historique y est aussi très amoindrie,
car le mur se trouve modifier par l’ajout de matériaux divers et variés. Le mode de conservation présent dans les parcelles relève de la restauration et voire même de la reconstruction. Ici, la différenciation de l’ancien (murs historiques) et du récent (ajout, restauration voire reconstitution) est clairement identifiable car la patine
72
o2. Des murs au monument?
des anciens murs n’est pas reproductible. Le ralentissement de la dégradation est le principal enjeu de la restauration avec la pose de chaperons de tuiles. La conservation éternelle des murs est impossible en raison des matériaux employés. Le plâtre et le silex ne permettent pas de construire des murs pérennes, ils sont éphémères et sont par nature des outils de production.
La question de la copie est aussi à poser. Il en résulte une perte de l’ancien
et de la « vraie Histoire » des murs. Comment transmettre un document fidèle aux générations futures si celui-ci n’est pas le document originel mais une simple reproduction. Il n’est plus que le support d’une mémoire matérielle, la mémoire immatérielle n’est plus que l’ombre d’elle-même. On voit ici les limites de la valeur historique. Le cycle destructeur de la nature est très présent et les interventions humaines sont aussi très nombreuses. Trouver un mur à pêche indemne relève presque de l’exploit, car toutes les interventions humaines ne permettent pas d’appréhender le mur en ne faisant pas de distinction entre l’ancien et le moderne. Les interventions préconisées par Riegl doivent être invisibles afin de conserver un document au plus proche de son état originel. Dans le cas des murs restaurés selon les règles de l’Art, la mémoire qu’ils portent est maintenue. Le fait même de retrouver le document dans son état originel aide à la pérennisation de la mémoire. La précarité des murs demande un suivi attentif de ces derniers. L’entretien et la conservation sont un gage de la réactivation mémorielle. Ce régime de mémoire peut s’appliquer à quelques murs dont les propriétaires les conservent en n’intervenant que de façon ponctuelle tout en prenant soin de ne pas trop altérer l’essence même du mur. La valeur historique, dans le cas des murs à pêches entre en conflit avec la valeur d’ancienneté. En effet, peu de murs présentent un état de conservation proche de l’état des murs lors de leur exploitation. Ils ont fait l’objet de nombreuses dégradations et le cycle de dégradation du monument est en cours. La problématique des interventions humaines, sans tenir compte de la structure des murs, altèrent la valeur historique. Le « document original » est modifié, la valeur s’en trouve amoindrie. La valeur historique n’est représentée que par quelques murs au sein des parcelles, en particulier dans les parcelles cultivées.
o2. Des murs au monument?
73
c.
Commémorative
Dans le cas de la valeur commémorative, la question de la conservation
du monument se pose dès son érection. Le nouveau monument construit s’inscrit dans le présent et n’appartient pas au passé, le but étant de se rappeler ce souvenir et qu’il soit présent à jamais dans la conscience des générations futures. Le culte commémoratif appelle la notion d’immortalité, ledit monument « immortel » est dans un présent éternel. Il va donc de soi que le monument soit protégé via une législation afin que le monument soit transmis aux générations suivantes. Toutes dégradations, qu’elles soient liées aux forces de la nature ou à la main de l’homme, sont proscrites. Si dégradation il y a, cette dernière doit immédiatement être réparée pour que le monument ne s’inscrive pas dans le cycle destructeur de la nature. La valeur commémorative s’oppose directement à la valeur d’ancienneté. Le monument est sciemment voulu, s’il se dégrade, il cesserait donc d’être un monument voulu. « La restauration constitue donc le postulat fondamental des monuments
commémoratifs. »42 .Le fait que ce monument soit inscrit dans le présent entraine l’ajout d’une valeur d’actualité à la valeur commémorative. Cette valeur d’actualité sera développée par la suite.
42. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, p89.
Ce régime de mémoire est très particulier et ne peut s’appliquer aux murs.
Les murs à pêches n’ont pas été érigés dans un but monumental, mais dans un but de production. Les matériaux mêmes montrent que c’était un simple outil de production, renouvelé annuellement pour assurer la production de l’année à venir. L’immortalité de ce monument est impossible. Les nombreuses dégradations importantes la mettent à mal. Si l’on se concentre sur la législation, elle ne concerne qu’une portion des murs et non l’entièreté du site de Saint Antoine. Si l’on souhaitait élever les murs au rang de monument « immortel » il faudrait donc revoir le classement du site, les méthodes d’inventaire et définir quels sont les murs qui relèveraient de ce régime commémoratif. Et il est aussi important de définir la mémoire que l’on veut honorer. Est-ce celle des familles d’horticulteurs montreuillois ayant consacré leurs vies au développement des murs ou tout simplement la mémoire de cet outil de production, patrimoine de la ville ?
74
o2. Des murs au monument?
d.
Utilitaire
La valeur utilitaire induit l’usage du monument. La conservation d’un
monument ancien se justifie s’il est encore utilisé. Ainsi, le mode de conservation est adapté à la dégradation et à l’usage dont le monument est le support. Le mode de conservation est induit par l’usage du monument, ainsi chaque monument a un mode de conservation qui lui est propre. Tant que la valeur utilitaire n’est pas menacée, c’est-à-dire tant que la dégradation ne met pas en danger la vie des hommes, le monument peut être occupé. Toutefois, la valeur utilitaire peut entrainer la destruction du monument si la dégradation naturelle de ce dernier menace la vie d’autrui. La protection de l’homme prime sur l’objet qui est donc abandonné aux forces destructrices de la nature. De ce fait, la production de copie, de substituts, peut être justifiée (la valeur d’ancienneté est ici, totalement mise à mal). Ainsi le monument continue d’être utilisé et l’original, quant à lui, suit son destin et reste soumis aux forces de la nature, entraînant ainsi sa lente disparition.
L’absence d’utilisation du monument entraine une perte de son identité,
sa disparition sous l’effet des forces destructrices de la nature n’est pas regrettée. Il faut aussi distinguer de ce régime de mémoire les monuments anciens des récents et les œuvres utilisables des inutilisables. Dans le cas des monuments anciens, la valeur historique, s’applique alors que dans le cas des monuments récents, les valeurs utilitaire et d’ancienneté sont prises en compte. Les œuvres inutilisables correspondent aux monuments anciens et sont appréciées pour leur ancienneté. Souvent les monuments sont utilisés pour leur ancienneté et sont le support d’une mémoire immatérielle. Ainsi le conflit entre ces deux régimes de mémoire est très réduit. Le conflit surgit lorsque ces monuments sont emprunts à l’inutilité. Si le monument n’est pas le support d’usages, la valeur d’ancienneté doit-elle primée ?
Si l’on se concentre sur l’utilisation des murs, en effet ils sont souvent
support d’un usage. Mais cet usage varie en fonction des parcelles. Dans le cas de la valeur utilitaire, il semble intéressant, dans la perspective d’un classement de l’objet mur à pêches, de penser l’usage comme étant l’usage initial pour lequel le mur a été pensé, c’est-à-dire, la production de pêches. Mais, cet usage est très minoritaire. L’usage des murs permet le maintien de la mémoire. L’activité agricole et plus particulièrement la culture de la pêche pérennise la mémoire et la caractéristique première pour laquelle les murs avaient été érigés. Par l’emploi, la
o2. Des murs au monument?
75
mémoire subsiste mais elle peut être « diminuée » si l’usage du mur ne relève pas de l’arboriculture. Les murs sont généralement supports de réemploi, de détournement et de nouveaux usages principalement liés à l’affirmation de la limite de propriété. Ils sont aussi le support d’expressions plastiques telles que les graphes et les tags. Selon Aloïs Riegl, la dégradation des murs n’ayant plus d’utilité est acceptée voire même justifiée. La valeur d’ancienneté prend alors le relai. La destruction des murs pouvant porter atteinte à la sécurité de l’homme est elle aussi justifiée. Dans le quartier de saint Antoine, les murs utilisés sont entretenus ; ceux qui ne le sont pas se trouvent dans les friches. L’extension urbaine pose la question de la destruction des murs car ils constituent un « petit » obstacle face aux nouvelles constructions. Enfin, la question du danger est minime car les murs menaçant de s’effondrer sont présents, presque en intégralité, dans les friches ; les autres ayant fait l’objet d’une mise en sécurité. Nous pouvons conclure sur le fait que la valeur utilitaire puisse s’appliquer dans les parcelles des jardins partagés.
e.
De nouveauté
Avec cette valeur de nouveauté, toutes traces de dégradation doivent
être éliminées. La valeur de nouveauté est un redoutable adversaire de la valeur d’ancienneté. Le monument, par sa réfection doit retrouver et conserver « son aspect
neuf, originel ». Le culte d’ancienneté, quant à lui, s’apprécie avec des connaissances techniques ou historiques afin d’apprécier l’ampleur de la ruine. Par conséquent, ce qui est entier, neuf est « beau » ; ce qui est altéré, morcelé et partiellement détruit est « laid ». La culture esthétique des temps modernes préfère de loin voir la puissance créatrice de l’homme dans les œuvres et monuments que la force dissolvante de la nature.
Le simple fait de remplacer une pierre ou un morceau de crépis tombé
paraît une évidence pour bon nombre de personnes et cela heurte la sensibilité des défenseurs de la valeur d’ancienneté. Le but ici est de restituer le monument dans son état originel pour que le document soit encore disponible pour les générations futures. Le culte historique entre alors en jeu. Les éventuelles traces de modifications seraient détruites pour favoriser et retrouver l’aspect originel du monument. Toutes modifications entrainent une perte de l’identité même du monument. Son intégralité
76
o2. Des murs au monument?
devrait être reconstituée pour que le document soit le plus fidèle possible à son état originel. Les traces anciennes et de dégradations sont immédiatement supprimées pour retrouver l’aspect initial du monument correspondant à son état lors de son achèvement. L’esthétisme renvoyée par le monument lie la valeur de nouveauté à la valeur utilitaire. Si le monument n’a pas d’usage, la dégradation qu’il subira nous sera désagréable et il paraitra plus vieux. La valeur de nouveauté combat donc toutes traces d’ancienneté et de dégradation pour que ledit monument soit plus « beau » et fidèle à son état d’origine.
La valeur de nouveauté s’applique aux reconstructions des murs entreprises
par l’association des murs à pêches. L’aspect neuf des murs à pêches est ici le moyen de raviver la mémoire matérielle des murs. Cette nouveauté prend en compte les techniques ancestrales de construction, selon les membres de l’association des Murs à Pêches, semble justifier la reconstruction des murs. En employant ces techniques, les parties modernes des murs sont à nouveau le support de cette mémoire matérielle et permettent de faire renaître la mémoire immatérielle des murs. Les murs neufs répondent aux des critères esthétiques du « beau », il faut que les murs soient beaux pour satisfaire les visiteurs en quête de l’identité et l’aspect originel des murs à pêches. Les murs sont même améliorés avec des chaperons de tuiles pour pallier aux intempéries et aux dégradations. Cette valeur de nouveauté s’inscrit directement dans la valeur utilitaire des murs. En effet, la parcelle-musée, nécessite une reconstruction pour permettre aux visiteurs d’apprécier le patrimoine montreuillois. La muséification justifie la reconstruction des murs quitte à réaliser des copies, fac-similés des murs ancestraux. De toute façon, ces murs sont juste là dans le but de recréer un patrimoine-musée, tout en y installant un semblant de pêchers pour montrer comment faisaient les anciens producteurs montreuillois. Cette parcelle va finir par relever du folklore montreuillois.
o2. Des murs au monument?
77
f.
Valeur d’art relatif
« La valeur d’art relatif repose sur le fait que les œuvres des générations
passées peuvent être appréciées, non seulement comme des témoignages d’une création humaine l’emportant sur la nature, mais aussi pour la spécificité de leur conception, de leur forme et de leur couleur. »43
Les œuvres et monuments qui sont datés de périodes anciennes sont
souvent plus appréciés que des œuvres des temps modernes. La conservation
43. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, p106.
des œuvres anciennes est justifiée alors que les monuments contemporains, plus méconnus, sont moins sujet à la conservation. Dans le cas de la valeur d’art positive, le monument nous satisfait dans ces formes, couleurs… L’enjeu est donc de le conserver coûte que coûte et renverser le processus dissolvant des forces de la nature pour rétablir le monument dans son état originel. La valeur d’art relatif négatif survient lorsque le conflit entre les valeurs de nouveauté et d’ancienneté est moindre voire infime. Si le monument n’a pas un aspect esthétique signifiant, un état de ruine qui nous permettrait d’identifier son ancienneté, les dégradations auxquelles il est confronté ne sont pas dérangeantes. Ainsi sa destruction et sa disparition ne sont pas insurmontables, elles sont même acceptables. Cette valeur d’art relatif s’inscrit et s’applique le plus souvent aux objets et monuments artistiques, architecturaux. Pour illustrer cette valeur, la restauration des toiles des grands maîtres mais aussi des édifices religieux peuvent être cités. Les murs à pêches n’ont pas été pensés dans un but artistique mais dans un but économique. Cette valeur n’a donc pas d’emprise sur ce patrimoine.
Cette notion suppose aussi la question du « beau ». Dans le cas des murs
à pêches, quelle forme prend cette notion de « beau » ? Selon moi, le véritable plaisir est de contempler les ruines des murs, préservées dans leur écrin de nature. Ces murs intacts depuis l’arrêt de la production de la pêche se dégradent lentement sous l’effet du temps mais surtout grâce à la protection que leur apporte le couvert végétal. Ces murs en état de ruine idéale font sens en termes de patrimoine car l’authenticité est préservée avec fidélité. Mais la question de la beauté des murs peut aussi relever d’un mur entièrement restauré et portant des pêches prêtes à cueillir. Tout dépend de la sensibilité de chacun et des critères de beauté qui lui sont propres.
78
o2. Des murs au monument?
g.
Les régimes de Mémoire
La mémoire matérielle qui est portée par les monuments, c’est la mémoire
même de l’objet porté au moment de sa conception, son essence, ce pourquoi il a été pensé ou érigé. Mais ce régime de mémoire comprend aussi les monuments naturels, les sites, les paysages et mêmes les plus vernaculaires qui sont tout 44. DODEBEI, TARDY, BOUISSET, DEGREMONT, Mémoire et nouveaux patrimoines, Marseille : OpenEdition Press, 2015, p1.
comme les architectures directement perceptibles par l’œil44. Avec l’extension de la patrimonialisation au XIXème siècle, de nombreux objets, qui n’ont pas été pensés au départ comme des monuments, vont servir de terreau à l’élaboration d’un patrimoine, d’une mémoire collective immatérielle basée sur l’idée d’appartenance à tel ou tel lieu.
Dans le cas des murs à pêches, c’est l’architecture même des murs qui est le
support de cette mémoire matérielle. Ils sont le témoin d’une avancée technologique qui a façonné le paysage montreuillois pendant près de quatre siècles. 45. MAROT, L’Art de la Mémoire, le Territoire et l’Architecture, Editions de la Villette, 2010, p.118.
La mémoire immatérielle quant à elle, est toute la mémoire dont l’objet
est l’ascenseur émotionnel45 . Ce régime de mémoire permet d’élargir le champ de remémoration et d’inclure des notions plus abstraites à la mémoire du monument. Ainsi, par exemple la mémoire immatérielle passe par le rappel du souvenir des personnes ayant travaillé sur ce lieu ou encore les savoirs relatifs à une activité particulière. La question du savoir-faire entre aussi en jeu dans la mémoire
46. DODEBEI, TARDY, BOUISSET, DEGREMONT, Mémoire et nouveaux patrimoines, Marseille : OpenEdition Press, 2015, p1.
immatérielle46. Elle permet la construction de la mémoire populaire dans laquelle les individus peuvent s’identifier.
Ici la mémoire immatérielle portée par les murs relève du savoir-faire
particulier développé par les horticulteurs montreuillois pour améliorer la technique de production des pêches puis des pommes et poires. Ce savoir-faire qui a fait la renommée de Montreuil était entretenu par de nombreuses familles qui ont vécu dans les murs pendant de nombreuses années. Elles aussi sont le support de cette mémoire immatérielle, mémoire qui se transmettait par les histoires que les grandsparents racontaient à leurs petits-enfants. Aujourd’hui, tout comme les murs, ces histoires s’effacent, tombent dans l’oubli. Seule une poignée de personnes milite pour leur conservation. Des mémoires individuelles naît la mémoire collective.
Est un monument, tout objet de l’art ou de la nature portant une marque,
une trace de mémoire. Dans le cas des monuments modernes, la question n’est plus
o2. Des murs au monument?
79
d’en ériger mais de transformer lesdits objets en documents pour l’art. Le fait qu’un objet soit en péril47 met en action de nombreuses interventions afin de protéger le monument. Le déclarer d’intérêt public48 permettrait d’inscrire le monument dans la mémoire collective de façon permanente, lui donnant la possibilité d’être le support d’une appartenance, d’une communauté, voire même d’une ville. Les valeurs riegliennes qui patrimonialisent les murs à pêches sont les valeurs d’ancienneté,
47. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2003, p44. 48. Ibid, p44.
historique, utilitaire et de nouveauté. Les murs présents dans les friches ainsi que les parcelles utilisées par les associations sont vecteurs de ces valeurs riegliennes. Elles ancrent les murs dans la patrimonialité et permettent de leurs conférer le statut de monument.
80
o2. Des murs au monument?
3.
Conserver ? Restaurer ?
L’apport théorique de l’ouvrage de Camillo Boito, architecte et écrivain
italien de la fin du XIXème siècle début du XXème siècle, Conserver ou Restaurer? 49. BOITO, Conserver ou Restaurer ? (1893), réed, Editions de l’Encyclopédie des nuisances, 2013.
(1893)49 donne la possibilité d’élargir la réflexion aux notions de conservation et de restauration. L’ouvrage présente un dialogue entre deux protagonistes, ayant des visions différentes de la conservation et de la restauration. Ces deux notions et actions liées à la pérennité du monument sont souvent confondues du fait de leur proximité et des abus de langage. Ainsi l’ouvrage permet d’établir clairement la distinction entre ces deux notions et de voir quels sont leurs enjeux. Conservation et restauration seront confrontées aux murs à pêches pour comprendre si ces notions sont applicables dans les termes mêmes où elles sont énoncées.
a.
Restauration
La notion de restauration est née en parallèle de l’apparition de la notion
de Monuments Historiques. Cette notion, cet art est fermement soutenu par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, célèbre architecte français du XIXème siècle.
Selon Viollet-le-Duc, pour qu’une bonne restauration soit entreprise et
correctement réalisée, le praticien doit avoir en préalable toutes les connaissances techniques de l’œuvre sur laquelle il va intervenir. Ces connaissances sont d’ordre historique, car la restauration au sens d’Eugène Viollet-le-Duc n’est ni une maintenance, ni un entretien, comme cela aurait pu être le cas avant l’apparition de la notion de monument historique. Tout monument quel qu’il soit est endommagé par le temps. Il devient nécessaire, pour sa pérennité, de le restaurer, « sous caution 50. Ibid, p12.
préalable d’une enquête historique et archéologique »50.
Grâce à l’avancée technologique, il s’agit de reconstituer, reconstruire le
monument ou ses ruines, le restaurer et surtout prolonger l’original. L’architecte poursuit la construction de l’ancien. Viollet-le-Duc affirme que restaurer un édifice c’est « rétablir le Monument dans un état qui peut jamais n’avoir existé à un 51. Ibid, p13.
moment donné »51. C’est aussi par le progrès technique poursuivre la construction du monument en inventant des parties contemporaines. Cette restauration ne doit pas faire de distinction entre le moderne et l’ancien. Les parties modernes se confondent avec les parties ancestrales du monument. La restauration correspond
o2. Des murs au monument?
81
à l’amélioration de l’architecture ancienne, afin de pallier les « erreur antérieures
qui ne sont pas imputables à l’ignorance, mais à la méthode»52. La restauration architecturale privilégie la beauté ancienne et à partir de fragments, l’architecte recompose le monument pour lui redonner l’empreinte dans laquelle il appartient.
52. BOITO, Conserver ou Restaurer ? (1893), réed, Editions de l’Encyclopédie des nuisances, 2013, p26.
La restauration peut se définir comme une association de « l’audace esthétique et
de la connaissance parfaite des structures statiques »53 , conserver et poursuivre le
53. Ibid, p51.
squelette du monument tout en pensant et pérennisant la beauté et la fonction du monument.
b.
Les murs et la restauration
Au quartier Saint Antoine, une large proportion des murs ont déjà fait l’objet
d’une restauration. Dans notre cas d’étude, la distinction entre les parties anciennes et les parties modernes est clairement identifiable. Le matériau employé le permet aisément. Le plâtre ancien est patiné, il verdit, grisonne sous l’effet conjugué de la nature, du temps et de la pollution. Le plâtre moderne, « fraichement » appliqué est encore indemne de ces traces du temps, il présente une blancheur quasi immaculée. En revanche, le progrès technique n’est pas ici le fer de lance de la restauration.
La restauration se fait toujours dans le respect de la tradition montreuilloise
des murs à pêches. L’emploi du silex, du plâtre et de la terre battue persiste. Il n’y a pas d’évolution de la technique pour améliorer le mur. La seule amélioration que l’on peut observer est la pose d’un chaperon de tuiles. Il remplace le chaperon de plâtre trop précaire qui ne parvenait pas à protéger suffisamment longtemps les murs des infiltrations. Le caractère éphémère perdure. Si le concept, comme énoncé par Viollet-le-Duc, était respecté, le squelette même du mur serait réétudié afin de le rendre plus solide face aux assauts du temps. Le plâtre aurait pu être tout de même employé, mais la structure en étant repensée, aurait inscrit les murs dans un temps plus long que le cycle saisonnier d’une production horticole. Le concept de restauration est donc obsolète dans le cas des murs à pêches.
Le dialogue opposant Viollet-le-Duc et sa vision de la restauration à John
Ruskin et sa vision de la conservation continue. Après avoir analyser le concept de restauration, c’est au tour de la notion de conservation d’être décryptée.
82
o2. Des murs au monument?
c. 54. ACQUET, GEORGEL, « RISKIN John- (1819-1900), Article sur John Ruskin, Encyclopédie Universalis, droits réservés, consultable sur le site https://www.universalis. fr/encyclopedie/johnruskin/, date de mise en ligne inconnue, actualisée en 2018, consulté le 18 avril 2018.
Conservation
John Ruskin est un poète, écrivain mais aussi critique d’art anglais du XIXème
siècle54. Il enseigna en tant que professeur d’art à Oxford et fut aussi mécène. Il a écrit de nombreux ouvrages dans les domaines de l’économie mais aussi de l’architecture. Il a eu une grande influence dans le développement du goût de l’Angleterre Victorienne.
Selon Ruskin, l’architecture permet la transmission de la mémoire, la
mémoire des générations passées. Tous monuments érigés par les hommes sont eux aussi mortels. Les techniques employées tout comme les matériaux finissent un jour par se dégrader et disparaître. Pour qu’ils s’inscrivent dans un temps long, il y a nécessité de les conserver. Il faut aussi se préparer, en quelque sorte, à édifier de nouveaux monuments, pour que le cycle de succession des monuments se poursuive. Et surtout, que ces nouveaux monuments soient dignes des anciens. Il ne faut pas construire pour construire.
55. BOITO Conserver ou Restaurer ? (1893), réed, Editions de l’Encyclopédie des nuisances, 2013, p13.
Ruskin pense également que «la restauration est la pire forme de
destruction»55. En restaurant, on touche à l’essence même du monument. La non-distinction entre les parties modernes et anciennes perturbe la lecture du monument et sa mémoire en est aussi impactée. Une restauration est ratée si la distinction entre le moderne et l’ancien est possible. En revanche, elle est réussie si le moderne parait pour de l’ancien et que la distinction n’est pas faisable. Le monument doit se lire sans modification et le remplacement de ce qui est abimé doit être fait en prenant soin de conserver l’ancien (emploi des mêmes matériaux, techniques…)
56. Ibid, p30.
«Il est impossible de faire revivre un mort»56 Avec cette phrase, Ruskin sous-entend que les monuments sont voués à disparaître si rien n’est fait pour les conserver et quoi qu’il arrive, le monument, sous l’effet du temps, se dégrade. Il en résulte un « état de ruine idéale », un aspect pittoresque. Il nomme ce concept : la théorie du pittoresque. Si on abandonne le monument historique, soit il « meurt », soit il « survit » par l’entretien dont il fait l’objet. Conserver c’est entretenir, ralentir la détérioration du monument par des interventions chirurgicales (les modifications doivent être minimales pour que l’édifice conserve son aspect et son pittoresque ancien), ce qui aura pour but d’allonger la durée de vie du monument et surtout ne pas tromper l’œil de l’observateur. Si des modifications importantes sont réalisées,
o2. Des murs au monument?
83
il devient alors nécessaire de faire la différence entre les matériaux anciens et modernes, le style ancien et le style moderne, inscrire les dates de rénovation et décrire les travaux entrepris et exposer les parties supprimées au public, comme des reliques en passe de disparaître.
d.
Les murs : conservation
Conserver un monument, c’est le lire sans modification. Certaines parcelles
de murs à pêches le permettent encore. C’est le cas des friches où l’on trouve, sous le couvert végétal, les murs dans l’état dans lequel ils se trouvaient au moment de l’arrêt de la production horticole. A cet endroit, ils sont authentiques. La ruine et son état pittoresque y sont bien représentés. «Pour conserver, faut-il enterrer?»57 La présence du couvert végétal agit comme une voute protectrice et conserve le monument des assauts du temps. Les murs maintenus intacts, se dégradent lentement et finiront tôt
57. Conserver ou Restaurer ? (1893), réed, Editions de l’Encyclopédie des nuisances, 2013, p28.
ou tard par s’effacer. Monument mortel tout comme les hommes qui l’ont construit, dont il ne reste plus que les petits-enfants des horticulteurs ancestraux.
Sur d’autres parcelles, les murs font l’objet d’une conservation, car ils sont
encore utilisés dans le cadre du jardinage. Les murs sont entretenus et des couches de plâtre sont appliquées pour permettre la conservation de ces supports de culture. La datation des différentes couches est possible car le nouveau plâtre n’est pas patiné. En revanche, toutes ces actions de conservation ne font pas l’objet de datation, de descriptif des travaux réalisés… La conservation pare au plus urgent et oublie toutes ces actions qui permettraient de savoir quand et par quels moyens la conservation s’est faite. Il y a aussi le cas des murs marqueurs de limites de propriétés. Dans ce cas, les matériaux utilisés pour conserver les murs sont hétéroclites et la distinction est clairement lisible. L’ancien et le moderne se confrontent dans un choc des cultures technologiques. La lecture des fragments de murs en est altérée et l’ajout de couches dénaturent le monument. De mon point de vue, ces travaux de conservations ne sont pas réalisés avec « finesse » effaçant lentement la mémoire des murs.
84
o2. Des murs au monument?
Le cas de la conservation, dans les murs à pêches, est aussi discutable.
Nous pouvons remarquer qu’une conservation idéale, dans les termes énoncés par John Ruskin, ne peut s’appliquer sur l’ensemble des murs relevés. Certains y sont confrontés de plein fouet (comme dans le cas des murs présents dans les parcelles jardinées), d’autres seulement qu’à moitié (par exemple, certain mur de limite de propriété) et d’autres pas du tout, comme dans les friches. L’idée de préservation des murs est un enjeu actuel. Conservation et préservation sont mises en œuvre dans les parcelles du quartier de Saint Antoine par chaque acteur qui fait comme bon lui semble pour maintenir le mur en état. Par les différents traitements des murs, la mémoire est plus ou préservée ou tend à s’effacer.
Après avoir passé les murs aux cribles de ces notions, il est tant de prendre
un peu de recul par rapport aux informations qui ont été dégagées. Dans un premier temps, la notion de patrimoine a permis de replacer les murs dans un contexte historique. Ces objets, qui ont été délaissés pendant près de cent ans sont aujourd’hui en danger et tout comme une espèce en voie d’extinction, menacés de disparaître. La notion de patrimoine permet de mieux appréhender le classement des murs à pêches au titre des sites et paysages. Et surtout, elle donne les clés de compréhension des tenants et des aboutissants de la patrimonialité et du contexte dans lequel l’objet s’inscrit. Françoise Choay, dans « L’allégorie du patrimoine », nous donne le mode d’emploi permettant d’appréhender un objet en tant que patrimoine. Ainsi les murs à pêches par leurs caractéristiques initiales (précarité, culture de la pêche, ensemble d’objet et fait qu’ils soient multisites) répondent à différents critères, tels qu’elle les a énoncés, et par leur identité, la valeur d’authenticité ou encore l’ambiente concurrent à la mise en place de la notion de patrimoine dans les murs. Avec Aloïs Riegl, ce sont les régimes de mémoire qui sont abordés. Il donne les clés de compréhension des différentes valeurs de mémoire portées par le monument. Chaque régime ayant des spécificités, l’auteur nous donne ainsi toutes les formes de mémoires dont un monument peut être le réceptacle. De ce fait, les murs à pêches s’inscrivent une fois de plus dans ces valeurs de mémoire. Comme tous objets anthropiques, ils ont été les témoins d’histoire de vie, de savoir-faire et en ont gardé les traces. En revanche, il n’est pas possible
o2. Des murs au monument?
85
d’inscrire les murs dans tous ces régimes de mémoire. Ils répondent aux critères des valeurs d’ancienneté, historique, d’usage, de nouveauté ou encore d’art. Les valeurs permettant la pérennisation de la mémoire sont les valeurs d’ancienneté, historique, utilitaire (nouveauté) ainsi que la valeur d’art. Toutes à leur manière rendent possible le maintien de cette mémoire unique des murs à pêches. Cependant, sur le long terme, l’intensité de cette mémoire fluctue en fonction des valeurs et des influences. Enfin, la question de la pérennité de ces monuments se pose sous la forme de la restauration et de la conservation. Une fois les notions « appliquées » aux murs, on peut vite comprendre que ces notions sont caduques. Dans le cas de la restauration, dans les conditions énoncées par Camillo Boito, les murs n’y répondent pas. Quant à la conservation, celle-ci est effective mais pas sur l’intégralité des murs. La lecture du monument sans modifications, sans distinction des parties anciennes des parties modernes restaurées, perturbent l’œil de l’observateur et troublent sa compréhension de caractéristiques même du mur. On peut donc conclure que cet objet patrimonial, doublé de la notion de monument est un monument à part, avec ses spécificités. Cette monumentalité, ces traces de mémoire qui s’effacent lentement sont un objet à préserver coûte que coûte car ils ont fait l’essence même de Montreuil. Les valeurs de mémoire énoncées par Aloïs Riegl dans « Le culte moderne des monuments » permettront de mettre en place la grille de lecture de l’inventaire final des murs à pêches. Cette grille se basera sur les valeurs de mémoire effectives dans les murs. Cet inventaire sera développé dans la partie suivante.
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o2. Des murs au monument?+
o3. Vers un nouveau patrimoine?
Dans cette dernière partie, l’inventaire des murs à pêches en tant que
monument sera dressé. Grâce à l’analyse des notions vues précédemment, les différentes valeurs de mémoire portées par le monument serviront de base aux classes de l’inventaire ainsi qu’à leur hiérarchisation. La question de la mise en valeur de ce patrimoine sera également évoquée.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
87
88
1- Rappel du second classement a.
Les murs présents dans les friches en bon état et en disparition en cours.
Dans le cas des friches, le découpage en deux catégories permet de
distinguer les murs en bon état de ceux qui sont en ruine et en cours de disparition. La disparition résulte de l’absence de protection. De ce fait, la friche ouverte ne protège pas les murs et les exposent directement les murs aux intempéries et aux dégradations. Le plâtre sous l’effet de la pluie se désagrège. Le mur perd sa solidité et s’effondre. Les murs à pêches présents sur les friches sont en bon état de conservation. La végétation offre un écran de protection, qui les met à l’abri des assauts des intempéries. La végétation les enveloppe : lierre, érables et frênes forment le couvert végétal. Il n’est pas étonnant de trouver des traces de l’exploitation des murs à pêches par les horticulteurs. La trame des murs est encore présente, les parcelles s’enchainent, passages et encadrement de portes marquent encore les limites de propriétés. C’est dans ces friches que les murs sont encore les mieux conservés et sont « indemnes » de l’intervention humaine.
b.
Les murs restaurés selon les « règles de l’art » et les murs restaurés grossièrement .
La séparation de la classe « restaurés » permet de différencier les murs
qui ont fait ou font l’objet d’une restauration voire d’une reconstruction, de ceux relevant d’une restauration grossière, d’une mise en sécurité.
Les murs restaurés selon les règles de l’art concernent les zones classées.
Les murs sont restaurés pour reconstituer les murs à pêches dans leur état d’exploitation. Les techniques employées sont celles des horticulteurs montreuillois : alternance de piliers de plâtre (tous les dix mètres qui assure un raidissement de la structure) et terre battue. Le maintien de la structure interne se fait par les « chaînes », sortes de pain de plâtre qui sert d’appui aux pierres et bloquent le liant du mur. Ce chainage de plâtre est étalé horizontalement tous les 0.80m. Dans le cas des murs faisant 2.70m de haut, on compte donc 3 chainages ; enduit grossier de plâtre sur une épaisseur de 3.5cm et ajout d’un chaperon de plâtre vient couvrir le mur.
Les « restaurations grossières » sont observables dans l’impasse Gobétue.
Un simple enduit de plâtre a été réalisé. Les diverses pierres sont visibles au travers
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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de cette couche de plâtre ; elles sont cerclées par le plâtre. Le lissage du plâtre n’est pas finement réalisé. Un chaperon de plâtre chapote le mur pour l’abriter des intempéries. Le mur zigzagant est donc mis en sécurité et est préservé pour quelques années encore.
c.
Les murs entretenus rafistolé ; rafistolés avec un fragment de murs ; des murs abandonnés
Les murs rafistolés constituent la majeure partie des murs des parcelles de
Saint Antoine. Ils sont implantés hors du périmètre de classement. Une poignée d’entre eux est implantée en secteur classé. Ils n’ont pas fait l’objet d’une restauration minutieuse, mais plutôt d’un entretien courant de la part des montreuillois. Plâtre, béton ou autres matériaux tels que des parpaings, briques et tôles sont employés pour les rafistoler. Les murs utilisés (associations) sont rafistolés en essayant d’imiter les règles de l’art. Dans un autre cas les murs ont perdu leur fonction première de production et ont été détournés de leur usage afin de servir de clôtures de séparation de propriétés. Ces murs ou morceaux de murs font l’objet d’un suivi plus ou moins poussé de la part de leurs propriétaires. Certains sont bien entretenus, tandis que d’autres sont laissés à leurs propres destinées. Les murs contenant des morceaux de murs à pêches sont réemployés afin de servir de limite de propriété. Le niveau d’entretien dont font l’objet ces murs varie de parcelles en parcelles. Il en résulte une diversité des matériaux et différents niveaux d’entretien. Les morceaux de murs ancestraux, sont inclus dans un mur moderne.
Quant aux murs abandonnés, ils ponctuent le territoire de Saint Antoine.
Ces murs peuvent être présents sur des parcelles de jardins ou habitées ou encore à des angles de rues. La mairie et les particuliers tentent de protéger les riverains en installant des tôles de métal afin de « barricader » les murs qui menacent de s’effondrer.
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
2.
Redéfinition du classement a.
La dimension patrimoniale
Grâce à l’étude des écrits de Françoise Choay, la dimension patrimoniale
des murs à pêches a pu être appréhendée. Dans un contexte urbain sous pression, les murs à pêches sont les derniers garants de l’histoire montreuilloise, ils sont l’un des derniers supports de l’identité agricole et paysanne de Montreuil. Il faut veiller, tout de même, à ne pas étendre abusivement la patrimonialité à tous les murs du quartier Saint Antoine. En effet, tous les murs qui ont fait l’objet du travail d’inventaire préalable à cette recherche ne peuvent être considérés comme étant d’ancestraux murs à pêches. L’oubli de leur fonction première est à prendre en compte ainsi que les nouveaux usages et réappropriation dont ils peuvent faire l’objet. En renforçant la patrimonialité, les murs qui se rapprochent le plus de leur état initial, voient ainsi leur dimension historique augmentée. La conservation des murs en tant que document pérennise la mémoire dont ils sont porteurs. Etendre la patrimonialité à l’ensemble du quartier de Saint Antoine permettrait de mettre en place un mode de conservation le plus adapté au patrimoine des murs à pêches.
J’ai démontré précédemment que la patrimonialité des murs fait obstacle
des projets d’aménagement. Dans le cas du quartier Saint Antoine, les murs à pêches et les parcelles auraient été une réelle entrave à l’urbanisation de Montreuil. Si les murs sont l’identité même de Montreuil, le support historique du passé de la ville, alors pourquoi les détruire ? Si ce n’est pour réaliser une tabula rasa et les remplacer par des immeubles de logements en les baptisant avec des noms évocateurs comme « le clos des pêchers » … Le problème principal réside dans la nécessité de réunir plusieurs terrains afin de disposer d’une superficie suffisante pour construire. Une fois encore, la mémoire s’efface. Il faut donc penser une urbanisation raisonnée afin de proposer la meilleure forme pour conserver la mémoire des murs.
Enfin la valeur d’ancienneté est, elle aussi un garant de l’identité de
Montreuil. Par leur état de conservation, les murs portent encore les traces du passé et témoignent de l’identité communale. La conservation de l’état originel est d’autant plus difficile que les matériaux de construction sont précaires. Le cycle de dégradation du monument et la non intervention de l’homme permettent de garder les traces de ces murs, mais pour encore combien de temps ? La pérennité de ce patrimoine fragile est remise en question. Le cycle naturel de dégradation entraine donc une disparition inévitable de ce monument. La question soulevée est donc : comment conserver un patrimoine voué à la disparition ?
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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La figure mémoriale pense l’architecture domestique comme ayant un rôle
mémoriel. Dans le cas des murs à pêches, cette figure est négligée. C’est le cas dans les friches, où l’abandon des murs ainsi que les nouveaux usages liés aux décharges sauvages ne permettent et ne facilitent pas une promenade spontanée. La mémoire n’est pas une mise en lumière de la mémoire. De plus, certaines parcelles sont habitées par des communautés manouches et roms qui n’apprécient pas l’arrivée de visiteurs se promenant sur leur territoire. Les relations peuvent en être compliquées. Ces murs hors périmètre du classement sont eux aussi porteurs d’une mémoire et ne sont pas mis en valeur. Le délaissement en entraine la perte mémoire dont ils sont porteurs. Il est important de maintenir ce rôle mémoriel et redonnant de la visibilité à ces murs.
La valeur historique est affaiblie dans les parcelles du quartier Saint
Antoine. Cela est principalement dû au problème du rafistolage. Ce mode de conservation altère leur préservation. Ils deviennent des murs ordinaires, simple outil de matérialisation des limites foncières, voire remplacés par d’autres modes de séparation tels que les clôtures grillagées ou les claustras . Ce nouvel usage tend à faire oublier l’usage premier. En remplaçant son usage, c’est la mémoire qui est remplacée. La mémoire s’efface, le patrimoine se transforme. Il faut revenir aux critères fondamentaux du mur à pêches et à leur forme initiale pour retrouver une valeur historique préservée, à la forme qui se rapproche le plus de l’état des murs au moment de l’arrêt de la production. Il faut également veiller à ce que le mur n’ait pas subi trop de modification. Cet état de conservation permet le maintien de la valeur historique mais aussi de la mémoire. Cette valeur servira de critère de classement pour l’inventaire des murs à pêches en tant que monument.
Enfin la valeur d’usage suppose que si un objet est utilisé, la mémoire
qu’il porte nous est transmise ; comme la madeleine de Proust, qui par son goût, rappellerait à notre souvenir un moment passé. Dans le cas des murs à pêches, leur utilisation permet de perpétuer la mémoire des lieux. Les pratiques pour lesquelles ils ont été pensés survivent aux jardiniers des temps modernes. Bien entendu, ces pratiques ne sont pas du même ordre que la production maraîchère dont ils étaient l’objet, mais poursuivre le jardinage et la culture des arbres fruitiers à échelle moindre
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
perpétue l’inscription des murs dans l’histoire montreuilloise. L’usage du monument permet donc de vivre, de maintenir la mémoire. La valeur d’usage, comme énoncé par Aloïs Riegl et permettra de proposer une catégorie de l’inventaire. Par conséquent, les valeurs d’ancienneté, historique et d’usage serviront de critères de hiérarchisation à l’ensemble des murs. Cela nous donnera la possibilité de mettre en place un inventaire patrimonial des murs à pêches.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
93
b.
Le nouveau classement et inventaire
Un nouveau classement des murs est l’occasion de redéfinir le périmètre
d’action du classement au titre des sites et paysage, voire de son évolution en termes de réglementation à la faveur d’un questionnement sur le mur à pêches en tant qu’objet patrimonial.
Dans un premier temps, la redéfinition de la zone de classement permettrait
de bien agir sur le périmètre des parcelles des murs à pêches. Le périmètre actuel prend en compte 8,5 hectares dans le quartier Saint Antoine. Cette zone s’étend principalement sur les parcelles de murs occupées par les associations. Dans ces parcelles sont également comprises des terrains en friche qui ne portent plus les murs à pêches ancestraux, le temps ayant joué son rôle dissolvant sur les murs. Ces derniers ont définitivement disparus. Tandis que d’autres friches, comme celles de la rue de Saint Antoine, ne sont pas classées au titre des sites et paysages alors que ces parcelles recèlent encore de murs en état de conservation plus que satisfaisant. L’évolution et le suivi de ce genre de classement devraient être plus réguliers afin de toujours proposer un périmètre le plus « fidèle » à ce que l’on propose de protéger. La première étape de ce nouveau classement passerait donc par la redéfinition de la zone de classement afin de cerner au mieux les parcelles de murs à pêches58 . Ce classement peut évidemment être remis en cause.
58. Se référer à la carte du nouveau périmètre de classement, ci-contre.
L’usage est l’une des solutions pour faire perdurer le patrimoine. La valeur
d’usage comprise dans les parcelles associatives en est un excellent exemple. Selon moi, c’est par l’usage que la mémoire persiste. Par l’utilisation, les parcelles vivent, perpétuent la tradition agricole du passé montreuillois. L’usage qui s’inscrit dans les murs permet aussi de garder un œil sur l’évolution et la dégradation des murs. Plus l’usage est fidèle à la fonction d’origine, plus la mémoire portée est renforcée. Si la fonction première du monument est respectée, sa mémoire est pérennisée. Dans le cas des murs, la mémoire passe par la réintroduction de la culture de la pêche. Ainsi, en réinstallant des pêchers sur les murs, la mémoire matérielle est renforcée, le passé horticole est actualisé. Cela est d’autant plus important que la culture de la pêche permet d’entretenir les murs et de lutter contre leur précarité. De plus, l’entretien des murs demande un suivi régulier mais surtout à un coût financier. Une relation de confiance doit s’installer entre usagers des parcelles et la municipalité afin que les aides financières soient débloquées et en quantité suffisante pour
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
LEGENDE Actuellement classé au titre des sites et Paysages
Figure 20. Carte de la proposition de la redéfinition du périmètre de classement au titre des Sites et Paysages, Ambroise Jeanvoine.
Proposition d’élargissement de la zone classée 1/1000e CARTE DE LA REDÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DE CLASSEMENT
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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30
préserver l’ensemble de ce patrimoine. « Les restaurations se font petit à petit et au
fur et à mesure que la mairie accorde des aides mais sans logique précise dans les parcelles. Les subventions viennent plus facilement maintenant car la mairie a vu que les associations prenaient soin des murs. »59 Pascal Mage, président de l’association des Murs à Pêches. Les parcelles utilisées sont préservées de l’urbanisation et ne seront pas loties tant que ces parcelles seront comprises dans le classement au titre
59. Se référer au compte rendu de terrain en date du vendredi 17 novembre 2017, annexe 10, p145.
des Sites et paysages. En revanche, ce n’est pas le cas des friches, qui sont autant de réserves foncières disponibles pour l’extension du bâti communal, sauf si l’extension de la zone de protection les inclue. Pour allier urbanisation et usage, l’idée pourrait être de construire les parcelles présentant le moins de murs. Cela éviterait aux friches de se transformer en décharge sauvage et les murs restant retrouveraient un usage lié à la limite de propriété. De nouveau entretenue, la mémoire des murs se pérenniserait. Avec la bonne volonté des nouveaux occupants du lieu, peut-être qu’il serait envisageable de palisser à nouveau des pêchers sur les murs ? De mur limite, les murs retrouveraient leur fonction initiale. L’usage est un gage du maintien de la valeur historique, qui part son entretien permet de conserver le document intact. La mémoire est conservée et perdure. La valeur d’usage concerne l’ensemble des murs des parcelles classées au titre des Sites et paysage mais aussi ceux dont les parcelles sont le siège d’horticulteurs qui tentent de préserver la mémoire de leurs ancêtres.
L’usage entraine aussi des restaurations. Ainsi, certains murs en ont fait l’objet
parce qu’ils sont utilisés et parce que leurs états de conservation le préconisaient, des restaurations ont été entreprises afin de leur redonner un second souffle. Ces restaurations effectuées selon les règles de l’Art inscrivent les murs dans une valeur de nouveauté qui permet de conserver le document pour les générations futures. Le document conserve sa valeur scientifique et par la restauration finement réalisée perpétue la tradition des murs à pêches. La valeur de nouveauté concerne donc tous les murs des parcelles jardinées dont les restaurations ont été réalisées selon la tradition .
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
Figure 21. Mur à pêches restaurés de l’impasse Gobétue, Ambroise Jeanvoine.
Figure 22. Croquis du jardin de la lune, Ambroise Jeanvoine.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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La valeur historique confère au monument un caractère de document originel.
Ce document montre, révèle l’état original du monument. La valeur historique est importante lorsque le document est intact. Dans notre cas, la valeur historique des murs à pêches est importante dans les parcelles des associations et aussi dans les friches. Dans le cas de parcelles utilisées, les modifications qui ont pu être apportées par les occupants des parcelles peuvent diminuer la valeur historique. En revanche, les restaurations entreprises par l’association des murs à pêches permettent de retrouver l’état originel des murs. Toutefois, cet état originel est un état retrouvé et non initial. La valeur historique en est amoindrie mais avec les connaissances techniques, les murs peuvent être reconstitués et servir de documents « scientifiques », base mémorielle et support de connaissances pour les générations futures. Dans le cas des friches, la valeur historique entre en conflit avec la valeur d’ancienneté. La dégradation des murs diminue progressivement la valeur historique, au fur et à mesure que l’état de ruine s’installe. Il serait intelligent de réussir à trouver un équilibre entre la valeur d’ancienneté et la valeur historique. Ainsi, l’état de ruine idéale voire pittoresque concorderait avec un état originel maintenu. Cet état de ruine idéal renvoie directement à la valeur d’art, qui est développée par la suite. En réintroduisant la culture de la pêche, la valeur historique, couplée à la valeur d’usage renforcent, augmentent et pérennisent les mémoires matérielles et immatérielles. Ces deux valeurs de mémoire sont compatibles parce qu’elles permettent toutes les deux d’entretenir les murs et lutter contre leur précarité caractéristique. Il faudrait donc veiller à ralentir le cycle dissolvant de la nature pour permettre aux générations futures d’observer et intégrer les traces mémorielles du passé montreuillois et d’accéder au paysage ancestral de Montreuil. Car plus qu’un mur outil de production, les murs à pêches ont façonné le territoire de la commune. Il est important de le conserver car ils donnent les clés de compréhension de la forme urbaine actuelle de Montreuil. La valeur historique est donc portée par les murs intacts présents dans la cour des locaux du collectif 14.60
60. Se référer au croquis ci-contre.
Dans le cas de la valeur d’art, le critère de beauté prédomine. Les murs
peuvent être soumis à ce critère de « beauté ». Lorsque je me balade dans les murs, je suis à la recherche de l’esthétique particulière de la ruine. Elle correspond à un état idéal de dégradations. Le cycle dissolvant de la nature en jouant son rôle, confère à la ruine un caractère pittoresque qui la rend « beau » à observer. En arpentant les
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
Figure 23. Croquis de mur à pêches présent dans la cour de l’association collectif 14, Ambroise Jeanvoine.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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parcelles en friche, nous nous attendons à trouver des murs en ruine, dont l’état de conservation peut s’approcher de l’image du mur tel qu’il aurait été laissé au moment de son abandon par les horticulteurs. Clous, loques, traces de doigts dans le plâtre sont autant de critères qui participent à la mise en place de cet état pittoresque. De plus, l’homme n’ayant pas entrepris de modifications sur le mur, l’enveloppe végétale formée par la friche permet de conserver le document intact. La valeur de mémoire portée par le mur est d’autant plus grande que le mur demeure inviolé61. L’esthétique de la ruine conserve la mémoire du monument. Lorsqu’elle est alliée à la
61. Se référer au dessin ci-contre.
valeur historique, la valeur d’art permet d’entretenir les murs à pêches présents dans les friches. La valeur historique prend tout son sens car le document demeure intact. Le but serait alors de conserver le mur pour que sa valeur historique documentaire soit perpétuée, tout en conservant l’état de ruine idéal répondant à des critères de beauté qui nous satisfont. Je pense que bon nombre de personnes, en venant dans les murs, sont à la recherche de cette authenticité esthétique que présente la ruine idéale. Les valeurs d’art et historique sont donc compatibles. Il ne serait pas innocent de penser la valeur d’art en lien avec la valeur d’usage. En associant, art et usage, les murs retrouveraient une fois de plus leur fonction première et ce serait un véritable choc du présent et du passé. La mémoire de la ruine et sa beauté seraient réactivées par le pêcher qui viendrait courir sur le mur. Toutefois, il faut se demander si ce choc des temporalités ne diminuerait-il pas la valeur esthétique du monument. Comme il a été dit précédemment, de nombreuses personnes sont à la recherche de cette authenticité esthétique et ne recherche pas nécessairement une beauté réemployée à des fins utilitaires. Si les murs ne correspondent pas à leurs attentes, les promeneurs ne prendront-ils plus la peine de venir découvrir ce patrimoine ? La mémoire n’en serait-elle pas d’autant plus affectée ?
Enfin la valeur d’ancienneté, comme énoncée par Aloïs Riegl62 , peut être
appliquée à de nombreux murs. Ces murs sont ceux des parcelles en friche de la rue de Saint Antoine. Comme énoncé précédemment, la valeur d’ancienneté répond à certains critères comme le fait de ne pas intervenir sur le monument, de le laisser
62. RIEGL, Le culte moderne des monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2007.
disparaître au fur et à mesure des assauts du temps et de la météo. Toutefois, ce régime de mémoire que porte le monument n’est pas à négliger car lui aussi, est encore et aussi un témoignage du passé horticole de Montreuil. Bien entendu, le statut de friche laisse libre court à diverses activités qui sont souvent illicites. Les
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
Figure 24. Mur à pêches abandonné, support d’une autre clôture, Ambroise Jeanvoine.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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murs à pêches sont « protégés » par une muraille de détritus qui bloque l’accès aux parcelles. Le fait que des familles se soient appropriées la rue de Saint Antoine est aussi, dans une autre mesure, « protège » les murs à pêches. Par la veille de toute la famille, le visiteur qui entre dans la rue, est automatiquement identifié. Si d’aventure celui-ci s’avérait être trop curieux, il se verrait « gentiment » interroger voire inviter à rebrousser chemin. Ainsi la valeur d’ancienneté se trouve protégée mais surtout oubliée. La valeur d’ancienneté est majoritairement représentée par les murs présents dans les friches. Par leur abandon, ils sont dans un état de conservation qui est le plus proche de ce qu’il pouvait être il y a près d’un siècle. Cet état de ruine idéal, préservé des agressions humaines et soumis au cycle dissolvant de la nature est représenté par les friches. Cependant, la valeur d’ancienneté ne permet pas de maintenir indéfiniment la mémoire du moment. Le cycle de genèse et de destruction du monument s’applique sans contrainte. Le monument et sa mémoire sont quoi qu’il arrive voués à disparaitre. Pour cette raison, la valeur d’ancienneté est celle qui en termes de patrimoine, fait le moins sens.
De mon point de vue, la valeur d’ancienneté atteint sa limite lorsque
la question de l’urbanisation entre en jeu. Si l’urbanisation est proscrite, c’est un argument en faveur de la destruction des murs à pêches. En effet, il est facile de supprimer tous éléments gênant et complexifiant la réalisation d’un projet immobilier. Des arbres sont bien coupés, pourquoi attendre que le cycle de dégradation du monument s’achève avant d’abattre les murs ? Leur précarité les rend éphémères et sans entretien et usage, ils sont tous voués à la disparition. Alors pourquoi attendre la disparition totale des murs pour construire ? Si le cycle du monument est respecté, la période de « latence monumentale » au cours de laquelle le monument se dégrade, peut-être l’occasion une prise de conscience des montreuillois par rapport à ce patrimoine. Une occupation des friches pensée pourrait être envisagée. L’occupation des lieux couplée à l’extension de la zone de protection serait un excellent moyen pour protéger le patrimoine des murs. Les parcelles peuvent faire l’objet d’un nouvel usage, en passant de la friche au jardin. Les murs des jardins familiaux sont entretenus, le simple fait de réintroduire la culture de la pêche dans les friches serait un gage d’entretien et de survie des murs. Cependant, Il est possible de construire dans les murs. Michel Corajoud63 avait proposé dans les années quatre-vingts de lotir
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63. Se référer au plan projet, ci-contre.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
Figure 25. Plan projet pour les murs Ă pĂŞches, Michel Corajoud, https://mursapeches. blog/2014/11/26/michel-corajoud/.
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les parcelles de murs à pêches. L’implantation des maisons avait été réfléchie afin de respecter et surtout de conserver les murs à pêches, plus nombreux à cette époque. Les chemins reliant les parcelles entre-elles étaient rouverts et le cœur de verdure se trouvait conserver, tout en retrouvant sa fonction première : l’horticulture. Chaque maison disposait alors d’un jardin délimité par les murs. La production maraîchère aurait été de retour dans les murs à pêches. Avec ce projet, on remarque que l’opposition pérennisation des murs et urbanisation n’est pas effective. Il pourrait être réactualisé pour lotir les friches ne portant plus de murs. Ainsi le parcellaire serait réactivé et la mémoire des murs réactualisée.
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LEGENDE Valeur d’ancienneté Valeur historique Valeur d’usages Valeur de nouveauté Tracé fantôme des murs à pêches (1921) Figure 26. Carte de l’inventaire des murs en tant que monument, Ambroise Jeanvoine.
1/1000e CARTE DE L’INVENTAIRE DES MURS A PECHES
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c.
Le changement de statut
La partie précédente était consacrée à la mise en place des nouvelles
conditions d’inventaire. Sur cette base de recherche, les murs relevés lors du travail réalisé au premier semestre vont pouvoir ou non être intégrés dans ce nouveau classement.
Lors du travail de relevé précédent, je m’étais attaché à inventorier toutes
les traces des murs à pêches présentes dans le quartier de Saint Antoine. Ainsi, murs entier, murs morcelés, ébréchés, rafistolés et mêmes des murs reliques inclus dans des murs modernes ont fait l’objet de l’inventaire. Grâce aux apports théoriques de Françoise Choay, Aloïs Riegl et Camillo Boito, le mode de classement et d’inventaire des murs a été revu. Par conséquent, ne seront considérés comme murs à pêches, que les murs présentant soit une valeur d’ancienneté, soit une valeur historique, soit une valeur d’usage. En ce qui concerne la valeur d’usage, seuls les murs utilisés dans les parcelles d’associations entreront dans le classement.
Les murs rafistolés, ne présentant que des traces minimes, fragments de
murs à pêches ne seront pas inclus dans cette catégorie car ils relèvent maintenant d’un usage moderne, un détournement de la fonction première pour laquelle le mur a été pensé. Ces murs rafistolés, très impactés par le détournement dont ils font l’objet ne sont plus des fervents porteurs de la mémoire originelle. Par leur réemploi, ils ont perdu leur nature initiale liée à l’horticulture. Ils portent la mémoire de leurs nouveaux usages qui ne sont pas nécessairement intéressés par l’histoire de la commune. Pour eux, c’est un simple mur permettant de délimiter leurs propriétés. Cependant, les murs à pêches permettaient de définir précisément les limites de chaque clos d’horticulteurs. Ces murs rafistolés n’ont donc pas tout perdu de leur mémoire ancestrale, il continue de mailler le territoire montreuillois et matérialiser les limites de propriété. Maintenant ils deviennent des murs, de simples murs de propriétés et s’imprégnant d’une nouvelle mémoire, la mémoire qu’est en train de se constituer avec le Montreuil moderne du XXIème siècle.
Actuellement les murs à pêches ne sont pas considérés comme des
monuments historiques. Le classement au titre des Monuments historiques serait un moyen de protéger les murs. « Les objets mobiliers, dont la conservation
présente un intérêt public au point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de
o3. Vers un nouveau patrimoine?
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la technique, peuvent être classés au titre des monuments historiques. […] Lorsque la conservation ou le maintien sur le territoire national d’un objet mobilier est menacée, une instance de classement au titre des monuments historiques peut être notifiée au propriétaire par le ministre de la Culture. […] Ces travaux s’effectuent sous le contrôle scientifique et technique des services de l’État chargés des monuments historiques »64.
Les sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) ont été créés par la Loi sur la
Liberté de la Création, de l’Architecture et du Patrimoine en date du 7 juillet 2016. Les SPR ont pour objectif de protéger et de mettre en valeur le patrimoine architectural, urbain et paysager du territoire français.65
64. http://www.culture. gouv.fr/Thematiques/ Monuments-historiquesSites-patrimoniauxremarquables/ Presentation/ Sites-patrimoniauxremarquables, Monuments historiques et Sites Patrimoniaux Remarquables, Ministère de la culture, droits du Ministère de la Culture, consultable sur le site http://www.culture. gouv.fr/, date de mise en ligne inconnue, date de la dernière modification inconnue, consulté le 21 avril 2018. 65.Ibid.
Ils associent via l’élaboration de plans de gestion les services de l’État et les collectivités territoriales. Ces plans de gestion permettent d’assurer la prise en compte du patrimoine dans les politiques urbaines. Ils peuvent être de deux natures différentes :
• Le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV),
• Le plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP).
La question des enjeux patrimoniaux ne se fait pas sans la participation
des citoyens. L’appropriation par les citoyens des enjeux patrimoniaux me semble essentielle. C’est pourquoi, des enquêtes publiques, mise en place lors du lancement de la procédure de classement au titre des sites patrimoniaux remarquables, permet de donner la parole à l’ensemble des acteurs du territoire concerné. Ils peuvent ainsi exprimer leur point de vue sur le projet à venir. Ils ont aussi la possibilité de prendre connaissance du dossier et de faire part de leurs observations qui seront prises en compte (ou non) par le commissaire-enquêteur. Enfin, la mise en œuvre d’outils de médiation et de participation permettra de sensibiliser l’ensemble des citoyens acteurs de ce territoire à la mise en valeur et à la préservation du patrimoine.
La question des enjeux patrimoniaux ne se fait pas sans la participation
des citoyens. L’appropriation par les citoyens des enjeux patrimoniaux me semble essentielle. C’est pourquoi, des enquêtes publiques, mise en place lors du lancement de la procédure de classement au titre des sites patrimoniaux remarquables, permet
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de donner la parole à l’ensemble des acteurs du territoire concerné. Ils peuvent ainsi exprimer leur point de vue sur le projet à venir. Ils ont aussi la possibilité de prendre connaissance du dossier et de faire part de leurs observations qui seront prises en compte (ou non) par le commissaire-enquêteur. Enfin, la mise en œuvre d’outils de médiation et de participation permettra de sensibiliser l’ensemble des citoyens acteurs de ce territoire à la mise en valeur et à la préservation du patrimoine.
Ce nouvel inventaire permet de remettre en question la nature initiale du
mur à pêche et sa place dans la mémoire collective. Par la hiérarchisation des valeurs de mémoire, les différentes parcelles portant des murs pourront faire l’objet d’un suivi et d’une éventuelle conservation voire d’une mise en valeur de ce patrimoine. En couplant cet inventaire avec un outil réglementaire de protection, tel que le Monument historique ou le Site Patrimonial Remarquable, la pérennité des Murs et des parcelles serait assurée. Le cœur de nature mémoriel ne serait plus menacé par les projets d’urbanisation de la ville et du Grand Paris.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
109
3.
Les Murs à pêches et leur mise en valeur
Enfin, il est possible de s’interroger sur la mise en valeur de ce patrimoine. Quelle perspective s’offre aux Murs et dans quel contexte cette valorisation peut-elle avoir lieu ?
a.
La mise en valeur du patrimoine66
66. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992.
La mise en valeur est un objectif qu’essayent d’atteindre le patrimoine ainsi
que les monuments. C’est par cette mise en valeur que les monuments continuent de vivre. Ils s’offrent au grand public. En revanche, cette mise en valeur patrimoniale, ne doit pas étouffer la dégradation des bâtiments sous prétexte de modernisation et de valorisation de l’architecture67. En effet, le terme de « mise en valeur » peut
67. Ibid, p157.
être interprété de deux manières différentes. Soit elle passe par la simple ouverture et le respect, soit elle est synonyme de plus-value de l’architecture. La rentabilité du monument est alors recherchée68 . La restauration et l’ouverture du monument
68. Ibid, p158.
s’accompagnent de l’achat d’un billet d’entrée, qui permettra de financer sa conservation. Le prétexte de la rentabilité entraine une prise de conscience des propriétaires, qui mettent alors en place des plans de restauration et de conservation de leur patrimoine. L’optique de rentabilité économique du monument n’est pas synonyme de jours heureux pour lui, car la restauration, si elle est mal réalisée, peut entraîner une dégradation du patrimoine et une mise à mal de la mémoire. La conservation du monument doit être l’idée directrice du projet de mise en valeur afin de pérenniser sa mémoire. « Reconstitutions « historiques » ou fantaisistes, destructions arbitraires, restaurations
qui ne disent pas leur nom sont devenus de modes de valorisation courants ».69
L’ère du tourisme dans les murs est également arrivée. Le «r éemploi »70 des
69. Ibid, p159.
70. Ibid, p163.
monuments consiste à les intégrer dans la vie quotidienne, afin de leur donner un nouvel usage. C’est une forme audacieuse de la mise en valeur qui peut être aussi dangereuse. Il s’agit là de trouver une nouvelle affectation à ce patrimoine tout en conservant sa fonction première. Le réemploi doit aussi tenir compte de l’état du monument. Un monument fortement dégradé ne peut bien évidemment pas être le support de nouveaux usages. Il doit veiller aussi à ne pas oublier la mémoire dont il est le support, d’où l’intérêt de trouver des usages mêlant fonctions et mémoire.
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Dans le cas des murs à pêches, la reconversion est aisément imaginable. La vocation première des parcelles était l’agriculture et la production. La conservation de cette mémoire paysanne pourrait se faire via la réintroduction de l’horticulture. En donnant la possibilité aux montreuillois mais aussi aux franciliens de venir cultiver une parcelle, la mémoire des murs n’en serait que plus pérennisée. Le réemploi est une piste de mise en valeur, mais la découverte du patrimoine par la masse en est une autre.
Comme tout patrimoine et monument, les murs à pêches sont les témoins
de cette mise en valeur. Depuis 17 ans, les murs à pêches sont le théâtre d’un festival qui le temps d’un week-end, les met à l’honneur. La fédération des murs à pêches, ainsi que la mairie cherchent à faire connaître du plus grand nombre le patrimoine des murs. Ils disposent de pages Internet, utilisent les réseaux sociaux afin de relayer l’information. Toutefois l’aire d’impact des murs reste encore très restreinte. Animation et mise en scène inscrivent les murs dans cette dynamique touristique. La mise en scène à laquelle on pense rapidement est celle de la mise en place de lumière qui souligne les traits de l’architecture, ce qui n’est pas encore réalisé dans les murs. Quant aux animations, elles commencent toujours par se dérouler à l’intérieur même du monument. Une parcelle est ouverte au public, puis une deuxième et enfin c’est l’ensemble du site qui peut être découvert. L’accès est facilité, 71. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, 1992, Editions du Seuil, 1992, p161.
le monument devient « consommable » 71. Des visites guidées sont organisées. Toutefois, cette visite découverte est orientée par le discours du conférencier, qui à renfort d’anecdotes, peut perturber la découverte libre du monument. Le visiteur ne peut faire sa propre expérience du lieu, il suit le mouvement. La mémoire transmise est sélectionnée et non intégralement transmise au public. Les souvenirs vendus à la fin de la visite ne sont pas encore proposés par les associations. A l’instar du mur de Berlin, pourrions-nous acheter avec un morceau de mur à pêche dans une boule à neige ? Ce souvenir permettrait-il d’alimenter une réminiscence de son expérience du lieu et de la mémoire des Murs qui s’est imprimée en lui ? Les souvenirs sont vendus afin de financer la conservation. Cette manne financière est nécessaire pour poursuivre la restauration du monument et surtout son entretien. La rentabilité du monument passe par le nombre de visiteurs qui venant le découvrir. Il est naturellement compréhensible, qu’un grand nombre de visiteurs représente un revenu économique conséquent. Mais dans le cas des murs à pêches,
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la quantité de visiteur ne correspond pas encore à l’ère du tourisme de masse, où des cars viendraient déverser leurs flots de touristes.
La compatibilité du cadre à l’ouverture est à questionner. L’ouverture des
murs à pêches est déjà opérationnelle mais elle n’est pas permanente. Les murs sont ouverts le week-end sur de courtes durées et les horaires varient en fonction des saisons. Certains jardiniers souhaiteraient une ouverture totale des parcelles au grand public, d’autres ne le souhaitent pas et veulent conserver la tranquillité du lieu. L’âge des occupants est très révélateur de la notion d’ouverture au public. Le renouvellement progressif des jardiniers fera sûrement évoluer les conditions d’accès au public. Mais avant de permettre l’ère touristique d’entrer dans les murs, il faut reconsidérer l’objet lui-même. Les murs sont souvent dans un état précaire. Cette mise en sécurité n’est pas effective sur l’ensemble des parcelles. Si le monument est source de danger pour l’homme, sa conservation et sa mise en lumière est menacée. Enfin, les usages des parcelles relèvent du jardinage. Elles sont étroites et ne permettent pas d’avoir des cheminements larges. Les jardins sont souvent informels, dépassant çà et là de la bordure. Le risque de piétinement est d’autant plus grand que la proportion des visiteurs est importante. La configuration des parcelles donnerait naissance à un circuit de découverte à marche forcée, le long duquel, les jardiniers seraient observés tels des animaux dans leur milieu naturel. La mémoire des murs ne fait sens que pour les personnes qui sont intéressées par ce patrimoine. Elle ne serait aussitôt oubliée par les personnes qui viendraient visiter les murs par défaut.
La question de l’ouverture au public des murs se pose déjà. L’un des meilleurs
exemples en est le festival. Sur seulement deux jours, ils accueillent près d’un millier de visiteurs. Les cheminements de personnes se font à la « queue leu-leu ». Des écriteaux indiquent régulièrement la présence de jardins et de plantes « fragiles » en demandant aux visiteurs de bien vouloir respecter les lieux. Cependant si certains les respectent, d’autres sont moins regardant. Les jardiniers présents veillent et sont à l’affût des moindres écarts de conduite des festivaliers. Cette tension ne les rend pas toujours accueillants. Une fois le festival terminé, il ne reste souvent que les traces des piétinements canalisés et une quantité impressionnante de détritus. Les festivaliers viennent avant tout pour profiter des activités et des concerts proposés,
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
mais pas obligatoirement pour le patrimoine que représente les murs. L’ouverture totale des parcelles pose évidemment de nombreuses questions. Est-ce-que cela permettra une viabilité des lieux tout en sachant que le flux de touristes sera réparti sur l’année ? Est-ce-qu’une ouverture partielle serait plus appropriée et permettrait au site de se reposer entre deux ouvertures ? Ou faut-il simplement envisager la fermeture au public ? Protégés de toutes agressions extérieures, la pérennité de la mémoire des murs est remise en question. Enfin, la technique de reproduction ou fac-similé et de la muséification sont autant d’autres pistes de réflexion pour permettre à tous de découvrir ce patrimoine.
b. 72. CHOAY, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Editions du Seuil, 2009, p.XXXVVI.
Muséification
La « muséification » 72 du patrimoine ne semble avoir, à première vue, que
des points positifs. En effet, elle permet avant tout la conservation et la restauration des monuments. Ainsi, la pérennité n’est pas mise à mal et la mémoire n’est pas oubliée. La muséification se trouve être plus néfaste qu’on ne le pense. En perdant son usage, son contexte, la mémoire qu’il porte se trouve affectée et diminuée. La muséification déguise habilement l’industrie de la culture. L’ouverture d’une parcelle conservatoire dans les murs à pêches répond aussi à une muséification de l’objet mur. Toutefois, cette muséification a lieu in situ, ce qui permet de conserver la mémoire matérielle de l’objet. Dans le terme conservatoire, l’usage de l’objet continue d’être effectif. C’est ce qui potentiellement ferait la différence avec le musée.
73. CHOAY, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1992, p177.
La technique du « fac-similé »73 permet, sous réserves de connaissances
historiques de reproduire un élément architectural. La reproduction in situ permet d’attirer plus de visiteurs. L’idée de se retrouver enfermé dans un bâtiment, peut ne pas séduire. Pour certain, le contexte permet d’appréhender le monument, de comprendre ses caractéristiques ainsi que sa mémoire. Dans le cas des murs, la reconstruction intégrale d’un mur de la parcelle conservatoire peut être assimilée à un fac-similé. Elle a pour but de vulgariser la technique et l’activité dont étaient
o3. Vers un nouveau patrimoine?
113
témoins les murs à pêches. Il faudra veiller cependant à ce que les visiteurs ne confondent pas cette reproduction avec un mur ancestral. Elle n’est que le réceptacle de la mémoire matérielle et ne portera pas, comme les murs authentiques, les traces du passé horticole. Toutefois cette reconstitution, par le biais de l’usage, est une réactivation de la mémoire des lieux et un moyen de l’inscrire dans le présent. La prospective et les enjeux futurs liés à une muséification du patrimoine des murs à pêches sont à envisager. Le simple fait que les murs acquièrent le statut de monument historique ou site patrimonial remarquable entraîne un changement de réflexion et de comportement à leur égard. Un nouveau statut permettrait une meilleure conservation de ce patrimoine. La question de sa mise en valeur n’est pas à écarter. Avec l’institution de ce nouveau statut, les murs, pour se faire connaître et transmettre leur mémoire, devront faire l’objet d’une mise en valeur. En revanche, toute « disneylandisation »74 des parcelles est à proscrire. Il ne s’agit pas ici de faire d’en faire un élément ludique. Le site n’est pas en capacité de devenir un boulevard touristique pour les étrangers. La sensibilité des murs est plus fine que cela, c’est à
74. CHOAY, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Editions du Seuil, 2009, p.p.XLII.
une population plus intéressée, avertie qui se rend dans les murs, et cela est déjà la réalité. Les Murs ne sont non pas un objet de consommation mais un objet de savoir horticole qui permet d’assouvir la soif de connaissance de visiteurs passionnés.
Les murs sont les derniers garants de la mémoire montreuilloise et d’un
passé qui jour après jour s’efface lentement. Tous sont porteurs de mémoire mais par leurs différents états de conservation traduisent différemment les valeurs de mémoire. Ainsi, les valeurs d’ancienneté, historique, d’usage (nouveauté) et d’art sont les principales valeurs retenues pour les murs à pêches monument. Toutes les valeurs ne contiennent pas la même proportion de murs. Les deux valeurs qui sont le moins représentées dans le quartier de Saint Antoine sont la valeur de nouveauté et la valeur historique. La valeur historique est minoritaire car les murs ont fait l’objet de très nombreuses modifications qui ont altérées leur authenticité. Il est assez rare de trouver des mus entretenus qui n’ont pas été rafistolés avec tout un panel de matériaux hétéroclites. Quant à la valeur de nouveauté, il n’y a encore que peu de murs ayant fait l’objet d’une restauration dans les règles de l’Art. Les restaurations vont et viennent au gré des financements communaux. Cependant, ces valeurs sont gage de la conservation de la mémoire et de l’entretien des murs.
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o3. Vers un nouveau patrimoine?
Les deux valeurs majoritaires sont les valeurs d’ancienneté et d’usage. La valeur d’usage domine dans les murs. Cela est dû à la présence des nombreuses parcelles cultivées et aux habitations. Les deux usages principaux sont liés au jardinage et la limite de propriété. Enfin, la valeur d’ancienneté est portée par tous les murs abandonnés. Ils sont principalement présents dans les friches mais ils ponctuent de temps à autre les coins de rues. Afin de les hiérarchiser, nous pouvons nous baser sur le critère quantitatif, ainsi la hiérarchie des valeurs serait la suivante : usage, ancienneté, historique et nouveauté. Ce classement n’est que peu intéressant car il ne prend pas en compte la mémoire portée par les murs. Prendre en compte le critère qualitatif serait plus approprié. Le classement des valeurs serait le suivant : valeur d’usage, historique, d’art et d’ancienneté. En proposant la valeur d’usage en premier rang, c’est la conservation du mur qui est primordiale par l’emploi dont il fait l’objet. Les traces de la mémoire montreuilloise sont conservées et « sublimées » par la réintroduction de la culture de la pêche. L’impact de la main de l’homme doit être minimisé afin de ne pas affecter la mémoire du monument. Une conservation à l’identique doit être envisagée. La valeur historique quant à elle, prône un état de conservation à l’identique. Par leur restauration selon les règles de l’Art, les murs à pêches sont conservés dans un état tel qu’ils pourraient être si l’exploitation horticole avait encore lieu. Le document modifié par l’homme, se rapproche le plus possible de l’esthétique initiale des murs. Enfin la valeur historique permet d’avoir un document intact qui témoigne de l’histoire. Cette histoire est également véhiculée par la valeur d’usage retrouvée via la fonction arboricole initiale du mur. La valeur d’ancienneté par la ruine des murs permet d’apprécier l’état initial des murs, tel qu’il était au moment de leur abandon. Il n’y a pas eu d’intervention humaine. Le mur est resté tel quel. La valeur d’ancienneté peut habilement être remplacée par la valeur d’art. Ainsi, le cycle de dégradation du moment est évité et la valeur historique du monument est préservée. L’esthétique de la ruine idéale est aussi le support de cette mémoire et permet de la pérenniser. Cet inventaire privilégie les valeurs de mémoire, qui selon moi, font sens en termes de patrimoine. Les valeurs de mémoire correspondent aux caractéristiques initiales des murs. Moins le mur a fait l’objet d’interventions dénaturantes, plus sa valeur mémorielle est grande et intéressante. Il convient donc de la conserver afin de 75. Se référer à la carte ci-dessous.
pérenniser la mémoire montreuilloise75. L’intérêt porté aux murs et à ce patrimoine doit aussi faire l’objet d’une mise en valeur afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli ou qu’il reste connu que des initiés.
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LEGENDE Valeur d’usages Valeur historique Valeur d’art Tracé fantôme des murs à pêches (1921) 1/1000e CARTE DE L’INVENTAIRE FINAL DES MURS A PECHES
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Figure 27. Carte de l’inventaire final des murs en tant que monument, Ambroise Jeanvoine.
o3. Vers un nouveau patrimoine?
Conclusion
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Le site des murs a retenu mon attention car c’était un lieu que j’ai côtoyé
quotidiennement pendant une année alors que je suivais les cours de la classe préparatoire au concours d’entrée aux grandes écoles du Paysage. Régulièrement, j’allais déambuler et explorer les différentes parcelles de murs à pêches afin de satisfaire ma curiosité. La question des murs à pêches a donc cheminé tout au long de cette année. Au début de la recherche et des arpentages, l’attachement à répertorier toutes les traces des murs dans la commune de Montreuil a été le plus fort. Je devais donc m’attacher à dénicher toutes les traces sur le territoire communal. La recherche s’est ensuite resserrée sur le quartier Saint Antoine sur les parcelles des murs, réduisant ainsi le territoire communal à un quartier puis à quelques parcelles comprises entre les rues Pierre de Montreuil et de Rosny. Cette réduction d’échelle s’est motivée par l’inventaire des murs ; mais surtout par l’imaginaire et la mémoire collective, qui lorsque l’on parle des murs à pêches, fait référence au quartier Saint Antoine. C’est en effet le lieu de la plus grande concentration de traces, fragments et murs à pêches persiste.
Passant d’un relevé exhaustif de toutes les traces des murs qui pouvaient
ponctuées le quartier de Saint Antoine, la recherche s’est traduite par l’élaboration d’une première carte synthétique. Elle retranscrit toutes les typologies des murs au sein du quartier de Saint Antoine. Cette carte synthétique a également permis de comprendre la répartition des différentes typologies de traces de murs en fonction des parcelles. La corrélation usage - état du mur a donc pu être montrée et vérifiée. Ainsi, les parcelles en friche portent les murs abandonnés. Dans les parcelles habitées ou étant le support d’une activité de jardinage, les murs y sont entretenus voire restaurés. En ce qui concerne les usages, celui pour lequel les murs à pêches avaient été érigés, à savoir l’arboriculture, n’est plus d’actualité. La question de la conservation des murs se pose et la multiplicité des acteurs au sein du quartier ne permet pas de promouvoir un mode de conservation à l’identique pour l’ensemble des murs. Chacun réalise les travaux d’entretien qu’il juge nécessaires. Il en résulte une certaine hétérogénéité qui affaiblit la mémoire dont les murs sont porteurs. Une autre approche de la conservation doit être pensée pour que les murs à pêches montreuillois perdurent.
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Conclusion
Le questionnement sur les notions de patrimoine, de monument et
de mémoire ainsi que de conservation et de restauration, a été l’occasion de réorienter la recherche et de formuler de nouvelles hypothèses. Les murs à pêches répondent aux différents critères de la patrimonialité, tels que Françoise Choay les a énoncés. Par leurs aspects « multisite », précaires et le fait qu’ils soient un ensemble d’objet, les murs à pêches sont un patrimoine unique. Les critères phares sont les suivants : l’identité, la valeur d’authenticité ou encore l’ambiente, inscrivant 76. RIEGL, Le culte moderne des Monuments, sa Nature, son Origine, (1903), réed, Editions l’Harmattan, « Collection Esthétique », 2007.
les murs en tant qu’objet patrimonial. Aloïs Riegl76 , quant à lui, nous donne les
77. CHOAY, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Editions du Seuil, 2009, pIV-V.
«fonction identificatoire»77 et les valeurs de mémoire attachées aux murs sont
clés de compréhension des régimes de mémoire portés par un monument. Un monument est une architecture, qui par son caractère unique est porteur d’une histoire. Il symbolise la mémoire d’un lieu, d’un groupe, se caractérise par sa les valeurs d’usage, historique et d’art. La valeur d’usage permet aux murs de conserver leur mémoire via La culture de la pêche. L’usage est de mon point de vue la valeur de mémoire qui prédomine et qui permet aux murs de faire patrimoine. C’est par l’usage que la mémoire se perpétue mais surtout est transmise. La valeur historique pour le besoin de conserver le document intact, entretient la mémoire du document. Associée à la valeur d’usage, la valeur historique renforce la mémoire du monument. L’usage nécessite un mur en « bon état », ce qui, avec la valeur historique, confère aux murs une conservation maximale. Ces deux valeurs sont celles qui font patrimoine. La valeur d’art, par l’esthétique de la ruine, induit la notion de « beau ». Le plaisir d’observer des murs en ruine, sans intervention humaine, est un gage d’authenticité du monument. Cette valeur fait également patrimoine, toutefois la patrimonialité est supprimée si la ruine se poursuit. Ainsi la valeur d’ancienneté ne permet pas une patrimonialité sur le long terme, car les murs sont soumis au pouvoir dissolvant du temps, la précarité du mur s’impose. Elle n’est pas compatible avec les valeurs retenues pour les murs. C’est pourquoi, en remplaçant la valeur d’ancienneté par la valeur d’art, la mémoire des murs est assurée. L’art garantit aux murs leur pérennité future. La valeur d’art, complète la valeur historique et envisager insérer l’art dans les usages est un gage de plus pour la conservation des murs et de leur mémoire. Les concepts de restauration et de conservation s’installent dans la réflexion lorsque la pérennisation du monument est évoquée. En effet, chaque monument est unique et dans le cas des murs, les restaurations entreprises, selon les critères de l’architecte Viollet-le-Duc, améliorent
Conclusion
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le document grâce aux progrès technologique. Ainsi le monument est pérennisé, sa ruine contre-carrée. Dans le cas des murs, il n’y pas d’amélioration, le mur monté à l’ancienne conserve sa précarité. La conservation reste le mode de pérennisation le plus effectif dans les murs. L’état ancestrale retrouvé perpétue l’image authentique des murs. En conservant à l’identique, les mémoires matérielles et immatérielles subsistent. Grâce aux usages et aux valeurs historique et artistique portées par les murs, la conservation et d’autant plus efficiente, pérennisant ainsi la mémoire montreuilloise pour les générations futures. Par conséquent, l’inscription des murs en tant que monument nécessite de mettre en place une nouvelle cartographie retraçant ce nouvel inventaire.
La mise en place de l’inventaire des murs à pêches en tant qu’objet
monumental permet de prendre conscience de la mémoire dont ils sont les derniers garants sur le sol montreuillois. Ainsi, les valeurs d’ancienneté, historique, d’usage et de nouveauté sont appliquées à l’objet murs à pêches sous sa forme caractéristique, comme énoncée par Roger Schabol78 . Les murs ayant subi trop de modifications ne sont pas pris en compte dans l’élaboration de ce nouvel inventaire. Les murs des parcelles en friche, des parcelles jardinées ou encore des limites de propriété (sous réserve de la non-modification trop conséquente par le propriétaire) sont classés en fonction des critères relatifs à chaque valeur de mémoire. Le cas de « l’hyper monumentalité » peut être évoqué. Si un mur est tellement patrimonialisé alors
78. SOCIETE REGIONALE D’HORTICULTURE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS, Discours historique sur le village de Montreuil, texte original de Roger Schabol 1771 et texte inédit de Louis Aubin 1933, Bagnolet, Edition SRHM, 2008.
il peut devenir le symbole même de tous les murs. Le document est remplacé par le monument, la mémoire s’efface. Il faut donc veiller à ne pas verser dans l’hyper patrimonialisation pour ne pas affecter la mémoire elle-même. Les murs étant aussi des supports d’usage, il est important de penser les moyens de perpétuer la mémoire qu’ils portent. L’arboriculture est l’une des solutions potentielles pour rappeler à la mémoire. L’usage des murs permet de maintenir la mémoire, une mémoire d’autant plus « palpable » avec la culture de la pêche. La question de la mise en valeur de ce patrimoine est à réfléchir afin de perpétuer la mémoire montreuilloise.
La conservation et la pérennisation du patrimoine des murs à pêches
montreuillois ont été au cœur de cette recherche. Une histoire et un patrimoine caractéristique de Montreuil car elle est l’unique ville à avoir mis en place la culture de la pêche sur des murs. L’exclusivité de cette technique horticole, connue de très
120
Conclusion
peu de personnes mérite d’être découverte car c’est une curiosité. Mais avant tout, les murs à pêches ont littéralement maillé le territoire de la commune et se sont inscrits durablement dans son paysage. Même après l’abandon de la culture des pêchers, le tracé des murs a persisté. Il a façonné le paysage urbain de Montreuil, en transformant chaque parcelle agricole en parcelle habitée. La trame des murs se ressent encore dans les tracés viaires et cadastraux. Chaque limite de propriété prend place sur un mur, voire est un ancien mur. Même si beaucoup ont disparu, leur impact dans le paysage est encore visible. Mais ce qu’il convient de protéger coûte que coûte, ce sont les derniers murs du quartier de Saint Antoine. Ils sont de vraies reliques rappelant aux vivants le passé de la commune et sont un pont entre le passé horticole et le présent. Les parcelles sont les dernières représentantes de ce que pouvait être le paysage montreuillois au début du XXème siècle, le témoin grandeur nature d’un paysage agricole aux portes de Paris. Les murs et les parcelles sont donc les garants de cette période faste qui fit la renommée de la ville. En préservant ses Murs, la ville préserve son patrimoine. Cette conservation est d’autant plus importante que les murs sont des objets précaires. Sans suivi, les forces naturelles associées au temps effacent lentement et inexorablement cette mémoire en la réduisant à de simples tas de pierres et de plâtre. Il pourrait être envisagé de transposer un morceau de mur dans un musée et de le mettre à l’abri de toutes agressions derrière une paroi de verre. Est-ce là la meilleure solution pour sauvegarder ce patrimoine ? Les murs ne font vraiment sens et prennent toute leur ampleur patrimoniale que s’ils sont in situ. L’ambiente qu’il confère au lieu ne peut être reconstituée dans un musée ou alors il faudrait un musée avec un espace suffisamment important pour reconstituer un ensemble de murs et y installer la végétation associée afin d’oublier que nous nous trouvons dans un musée. Il convient de conserver tous les murs et toutes les traces qui se rapprochent le plus de l’état des murs lorsqu’ils étaient encore exploités. Cet état des murs, qui n’a « presque » pas subi de dégradations humaines permet d’avoir des documents très peu altérés et représentatifs de ce que pouvait être un mur à pêche. Les espaces à conserver sont les friches couvertes par la végétation ainsi que toutes les parcelles cultivées. D’autres murs comme ceux présents sur les parcelles habitées par les manouches sont aussi à conserver car les murs sont très souvent laissés à l’abandon et n’ont pas fait l’objet de modifications. Le plâtre s’effrite et les pierres tombent une à une. Même si ces murs ne sont pas complets, ils sont encore porteurs des
Conclusion
121
traces du passé horticole. Cette conservation « sans conditions » doit permettre de maintenir le patrimoine des murs et de le pérenniser pour les générations futures pour qu’elles se rappellent la mémoire de la ville et de ses habitants.
En ce qui concerne la méthodologie, l’inventaire s’est révélé être un bon outil.
Il permet d’avoir une vue globale quantitative mais aussi qualitative des murs à pêches. Cet outil de connaissance serait à destination de la municipalité, des montreuillois et plus largement des franciliens et français. Dans un premier temps, l’inventaire permet de réaliser un suivi de l’évolution des murs à pêches. Un observatoire des murs pourrait être pensé au même titre que les observatoires du paysage. Le suivi est d’autant plus important que les murs sont par nature des objets précaires. La limite de l’inventaire est donc le temps. Les forces dissolvantes du temps mais aussi les modifications apportées par les usagers des lieux modifient l’état des murs, remettant en cause leur monumentalité et la mémoire qu’ils portent. Un suivi régulier de l’inventaire est nécessaire afin de le tenir à jour. Cet inventaire peut aussi être une aide au projet d’urbanisation. En travaillant de concert avec les aménageurs, la municipalité aidée de l’inventaire pourrait projeter plus finement les opérations d’urbanisation dans le quartier. Les murs pourraient être conservés et perpétuer la mémoire ancestrale des horticulteurs alors même que les parcelles seraient loties. Un travail plus précis serait entrepris afin de définir la forme de logements la plus adaptée à la conservation du lieu et éviter une tabula rasa. Michel Corajoud avait proposé dans les années quatre-vingts, quatre-vingt-dix, un projet d’urbanisation des murs en conservant la trame et le tracé existant des murs. Il n’avait pas proposé d’immeubles implantés en plein cœur des murs car sa préoccupation était de maintenir et pérenniser ce patrimoine. Cette aide au projet n’est réellement efficace que si la municipalité prend conscience de son patrimoine et met tout en œuvre pour le perpétuer.
Enfin, concerne la prospective, cet inventaire doit être actualisé de façon
régulière afin de proposer une vision globale la plus fidèle possible. Je trouve intéressant le fait de réaliser le suivi moi-même de cet inventaire car je pourrai évaluer les changements positifs mais aussi négatifs survenus sur les murs. Ainsi, je pourrai remettre directement en cause mon travail d’inventaire, le faire évoluer et redéfinir la répartition des murs dans les différentes valeurs de mémoire s’ils ont été modifiés. Ce travail de recherche peut également être repris par d’autres
122
Conclusion
chercheurs qui souhaiteraient instituer la question du monument dans le cas des murs à pêches montreuillois. J’aimerai soumettre cet inventaire à Pascal Mage, le président de l’association des Murs à Pêches ainsi qu’à Jean-Charles Nègre, élu en charge des murs et monsieur le Maire, Patrick Bessac. Cet outil permettrait à Pascal Mage de promouvoir le patrimoine et d’avoir une aide pour réfléchir à l’urbanisation de certaines parcelles des murs ; mais aussi être un levier de réflexions pour envisager une autre protection ou un classement différent afin de veiller à la conservation de ce patrimoine unique. Rêver d’un classement prestigieux tel que l’UNESCO ne serait-il pas trop utopiste, alors que les climats de la Bourgogne ont réussi à obtenir ce titre ? Certes, les murs ne sont pas une architecture aussi prestigieuse qu’une citadelle Vauban, mais par la mémoire qu’ils portent, ils sont une source de connaissances qui a créé un paysage unique qu’il 79. http://www.lemonde. fr/la-foire-du-drone/ article/2018/05/01/ des-drones-au-secoursde-la-grande-muraille-dechine_5292922_5037916. html?utm_ campaign=Echobox&utm_ medium=Social&utm_ source=Facebook#link_ time=1525163667, Des drones au secours de la Grandes Murailles de Chine, grâce à l’imagerie numérique, un premier inventaire de cette construction longue de 6000 km va être engagé, Le Monde, droit du journal Le Monde Monde, consultable sur le site http://www.lemonde.fr/, mise en ligne le 01 mai 2018 à 10:01, mis à jour le 01 mai 2018 à 10:15, consulté le 01 mai 2018.
Conclusion
faut protéger ; en mettant en œuvre tous les moyens humains et technologiques79 pour que l’histoire et le paysage des murs ne soient pas qu’un lointain souvenir.
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Bibliographie
125
MURS A PECHES
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PATRIMOINE
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Bibliographie
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MEMOIRE
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Bibliographie
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Liste des illustrations
128
p 21
• Figure 1. Extrait de la carte IGN, localisation des murs à pêches dans le quartier Saint antoine,
p 21
• Figure 2. Carte sensibledes 1001 lieux magiques, Mission Banlieue 89, https://www.encre-du-
p 23 p 23 p 23 p p p p
27 29 31 33
p 35 p 37 p 39 p 41 p p p p p p p p p p p p
41 43 45 49 49 51 95 97 97 99 101 103
p 105 p 116
https://www.geoportail.gouv.fr/carte. toit.org/2014/06/08/b-comme-banlieue-4-5/. • Figure 3. Plan sensible du projet «horti-culturel», Coloco, Fabien David, http://www.coloco. org/projets/projet-horticulturel/. • Figure 4. Vue axonométrique des parcelles de murs à pêches, projet «horti-culturel» Romain Joubert, Coloco, http://www.coloco.org/projets/projet-horticulturel/. • Figure 5. Vue axonométrique des parcelles de murs à pêches, projet «horti-culturel» Romain Joubert, Coloco, http://www.coloco.org/projets/projet-horticulturel/. • Figure 6. Carte synthétique de Ce qui résiste, est menacé, a disparu... Ambroise Jeanvoine. • Figure 7. Carte synthétique de de l’état des murs à pêches, Ambroise Jeanvoine. • Figure 8. Carte 2 de l’état des murs à pêches, Ambroise Jeanvoine. • Figure 9. Croquis des premiers murs visibles de la friche de la rue de Saint Antoine, Ambroise Jeanvoine. • Figure 10. Croquis des murs dans la friche de la rue de Saint Antoine, Ambroise Jeanvoine. • Figure 11. Croquis d’un restauré selon les «règles de l’art», Ambroise Jeanvoine. • Figure 12. Croquis des murs à pêches restaurés grossièrement de l’impasse Gobétue, Ambroise Jeanvoine. • Figure 13. Croquis d’un mur à pêches rafistolé de la rue de Saint Antoine, mur support d’une déchagre, Ambroise Jeanvoine. • Figure 14. Croquis d’un mur rafistolé au bout de la rue Pierre de Montreuil, Ambroise Jeanvoine. • Figure 15. Croquis d’un mur hétéroclyte rue de Rosny, Ambroise Jeanvoine. • Figure 16. Croquis d’un mur protégé par une tôle d’acier, Ambroise Jeanvoine. • Figure 17. La vie dans les mur à pêches, rue de Rosny, Ambroise Jeanvoine. • Figure 18. Croquis d’un mur en ruine sur la parcelle du secours catholique, Ambroise Jeanvoine. • Figure 19. Fresque «street-art» sur un mur à pêches, Ambroise Jeanvoine. • Figure 20. Carte de la proposition de la redéfinition du périmètre de classement au titre des Sites et Paysages, Ambroise Jeanvoine. • Figure 21. Mur à pêches restaurés de l’impasse Gobétue, Ambroise Jeanvoine. • Figure 22. Croquis du jardin de la lune, Ambroise Jeanvoine. • Figure 23. Mur à pêches présent dans la cour de l’association collectif 14, Ambroise Jeanvoine. • Figure 24. Mur à pêches abandonné, support d’une autre clôture,Ambroise Jeanvoine. • Figure 25. Plan projet pour les murs à pêches, Michel Corajoud, https://mursapeches. blog/2014/11/26/michel-corajoud/. • Figure 26. Carte de l’inventaire des murs en tant que monument, Ambroise Jeanvoine. • Figure 27. Carte de l’inventaire final des murs en tant que monument, Ambroise Jeanvoine.
Liste des illustrations
129
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Annexes
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Les couches géologiques datent
du Pliocène, de l’Eocène, du Crétacé et du Briovénien. Ces succesions de temps géolgiques ont permis des dépôts de sable, de calcaire (craie) et d’argile.
132
Annexe 1 CARTE GEOLOGIQUE
Au Moyen-âge, la production de la pêche est connue sur
la ville de Corbeil et sera détrônée par la pêche montreuilloise XVIIe siècle. Les premiers jardins clos se trouvaient dans le village médiéval, autour de l’Eglise (superficie assez réduite). Puis les parelles gagnent progressivement le plateau et s’étendent autour de l’église. Le développement des Murs à Pêches de fait irrégulièrement et aléatoirement. Ainsi leur superficie s’élargie successivement jusqu’à la ferme Saint Antoine au nord-est, puis les domaines de Tillemont, Montereau, les domaines de la Vieille Boissière au nord-ouest. Les Murs et leur superficie finissent par gagner la ville de Bagnolet, qui possédait aussi des murs s’étant développés de façon autonome.
Avant d’accueillir les Murs à Pêches, la ville de Montreuil
se composait de différents domaines, qui ont successivement donnés leurs noms aux quartiers de la ville. Ainsi, les fermes Saint Antoine et Saint Victor (deux seigneuries religieuse vendues à la Révolution) ont laissés une trace dans la toponymie montreuilloise. Les grandes propriétés privées comportant les châteaux de Montereau, Tillemont, les domaines de la Vieille Boissière et de la Demi-Lune ont donnés naissance aux quartiers du nord montreuillois. Le pêche n’est pas un arbre endémique de la région ni de la France. Il a été introduit en Europe par les Romains mais le climat ne permettait pas toujours sa culture.
Après la Révolution, tous les biens nobiliaires sont
vendus et lotis. Avant, ils gênaient l’extension des Murs par la présence de murs d’enceinte. Le développement des Murs peut reprendre et s’étendre aléatoirement pour atteindre l’emprise totale de 320Ha de surface cultivée en 1880, pour près de 600km linéaires de murs. A la fin
Source : Montreuil Patrimoine Horticole, Cartes de l’extension des murs à pêches.
du XIXe siècle, près de 500Ha sont dédiés à la culture de la pêche (sur les 900 total que compte la commune). 320Ha
Avec le déclin de la production arboricole, les se
réduisent
considérablement
pour
compter
aujourd’hui 33Ha. En 2006, un relevé fait état de 17km de Murs en plus ou moins bon état de conservation.
Annexe 2 FICHE «HISTOIRE DE L’EVOLUTION DES MURS A PECHES»
133
La technique dite « à la Montreuil » consiste à enduire les murs de plâtre, dans lequel se trouvent des petits
morceaux de charbon. Les murs emmagasinent la chaleur la journée et la restitue la nuit. La construction des murs se fait à l’aide du plâtre extrait des bancs de gypse des carrières montreuilloises, les pierres sont soit trouvées dans le sol lors du creusement des fondations, soit dans les carrières de silex à ciel ouvert ou en exploitant des galeries peu profondes. Les fondations sont comprises entre 0.50 et 0.60m de profondeur et sont faites de grosses pierres dont le vide est comblé par la terre extraite. Le mur quant à lui a une largeur comprise entre 0.45 et 0.55m à la base et 0.30m au sommet (les murs sont donc légèrement biais). La hauteur moyenne est de 2.70m mais elle pouvait être comprise entre 3m et 3.50m.
La construction alterne pilier de plâtre (qui assure un raidissement de la structure) et terre battue. Un pilier
tous les 10m. Le maintien de la structure interne se fait par les « chaîne », sorte de pain de plâtre qui sert d’appui aux pierres et bloque le liant du Mur. Ce chainage de plâtre est étalé horizontalement tous les 0.80m. Dans le cas des Murs faisant 2.70m de haut, on compte donc 3 chainages. Les Murs étaient montés à l’aide de planches de coffrage et enduit grossièrement à la main de plâtre sur une épaisseur de 3.5cm. Un chaperon de plâtre vient couvrir le Mur, il dépasse de 0.15 à 0.20m de chaque côté du mur et protège les pêches. De par leur construction rapide et leur caractère temporaire, les murs étaient redressés chaque hiver et entretenu afin d’assurer la production de la nouvelle saison.
Afin de redresser les murs penchés, une tranchée était creusée du côté opposé « à la chute » du mur,
redressé, puis calé avec des coins ; le temps de rigidifier la structure avec du plâtre coulé dans des saignées réalisées dans la hauteur du Mur. Les pêchers palissés sur les Murs étaient conduits en éventail « à la Montreuil » à l’aide de clous plantés dans le Mur et de bandes de tissu appelées « loques ». La quantité importante de clous plantés dans les Murs faisait tomber l’enduit de plâtre par plaques. Ajouté à cela le plâtre utilisé dans la construction du Mur, la nécessité d’avoir à proximité une quantité considérable de plâtre était donc de rigueur. Les murs sont orientés nord-sud, ce qui permet d’avoir un pan de mur orienté est, et un autre ouest. Cela permet d’avoir un espalier bénéficiant du soleil du matin jusqu’à midi et un autre du midi jusqu’au soir.
Les Murs sont parallèles et distants de 6 à 8m les uns des autres, parfois cette distance varie et est
comprise entre 10 et 12m. La longueur des parcelles, donc des Murs avoisine 10 à 15m. Ces Murs de refend peuvent s’arrêter quelques mètres d’un mur, ce qui permet d’avoir des circulations à l’intérieur des parcelles. Cette organisation en parallélogramme permet de briser les vents et créer un microclimat conservant la chaleur en la concentrant dans les parcelles. Un système protection permet de mettre les pêchers hors gel au mois de février. Des paillassons larges de 0.60m et long de 2m sont accrochés via de petits crochets tous les mètres le long des Murs. L’entretien des arbres se fait minutieusement afin de sélectionner les branches les plus aptes à porter des fruits.
Source : Montreuil Patrimoine Horticole, Coupe transversale de Murs à Pêches. non modifié
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Source : Dépliant informatif réalisé par l’association des Murs à Pêches, non modifié
Annexe 3 «FICHE TECHNIQUE MUR A PECHES»
TITRE : L’allégorie du patimoine AUTEUR : Françoise Choay EDITEUR / EDITION : du Seuil DATE : 1992 AUTEUR : née en 1925 à Paris, est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales. Elle était professeur aux universités de Paris-I et Paris-VIII. Françoise Choay est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales. Elle est professeur aux universités de Paris I et Paris-VIII. Elle suit des études de philosophie avant d’être critique d’art. Dans les années 1950, elle collabore à L’Observateur, à L’Œil et à Art de France. En 1960, elle s’occupe de l’antenne parisienne d’Art international. Elle a dirigé aux Éditions du Seuil la collection « Espacements ». Françoise Choay a reçu le prix du livre d’architecture 2007 pour son ouvrage Pour une anthropologie de l’espace. « L’auteur livre une anthologie d’articles novateurs et fondamentaux sur les figures multiples de la spatialisation et de son histoire (architecture, urbanisme, aménagement, protection du patrimoine) », a estimé le jury présidé par Gérard Grandval, architecte et membre de l’Académie d’architecture. Ce prix lui a été remis le 19 décembre 2007 par Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication. GENRE : essai RESUME : l’ouvrage retrace sur près de cinq siècle le culte du patrimoine. Françoise Choay se pose la question de conservation, de la restauration, la connaissance du patrimoine qui devient un enjeu pour chaque état, et est une question posée au niveau mondial. La recherche apporte une réponse concernant la mémoire véhiculée par ce patrimoine et les monuments qui le compose, un héritage en lien avec l’histoire, la mémoire, le temps qui passe. Le patrimoine possède un rôle pour le savoir et l’art et un rôle attractif pour les sociétés, mais ces rôles ne sont pas suffisants pour l’expliquer. Ainsi, l’auteur remonte aux origines et via une archéologie des notions de monuments et patrimoine historique, tente de nous faire part de sa vision du sujet. «CE QUE ÇA M’A APPORTE» : dans cet ouvrage j’ai eu la possibilité de trouver toute la matière relative à la notion de patrimoine, patrimoine historique et de monument. En passant par la définition des concepts et en explicitant les différentes attentes et enjeux de ces derniers, j’ai pu acquérir les connaissances et les mettre en relation avec les Murs à pêches. L’auteur pousse également sa réflexion sur la question l’intégration du tourisme et de la mise en valeur dans le cadre de la gestion du patrimoine. EXTRAITS : • P14 « les voix discordantes de ces opposants sont aussi puissantes que leur détermination. Chaque jour en apporte la preuve. Pourtant les menaces permanentes qui pèsent sur le patrimoine n’empêchent pas un large consensus en faveur de sa conservation et de sa protection […] ce qui interpelle la mémoire. La nature affective de la destination est essentielle : il ne s’agit pas de faire constater ; de livrer une information neutre, mais d’ébranler par émotion, une mémoire vivante. » • P21 « le sens du monument historique chemine difficilement. La notion n’est pas détachable d’un contexte mental et d’une vision du monde. Adopter les pratiques de conservation des monuments historiques sans disposer d’un cadre historique de référence, sans attribuer une valeur particulière au temps et à la durée, […] le monument a pour fin de faire revivre au présent un passé englouti dans le temps. Le monument historique entretient un rapport avec la mémoire vivante et avec la durée. » • P119 « on ne peut mieux refuser de poser le problème de l’authenticité esthétique, conférée à un monument par sa singularité et par son âge, et qui, plus tardivement reconnue, ne coïncide pas avec son authenticité historique et typologique. Peut-on vraiment faire abstraction de son temps ? » • P163-165 « consistant à réintroduire un monument désaffecté dans le circuit des usages vivants, à l’arracher à un destin muséal, le réemploi est sans doute la forme la plus paradoxale, audacieuse et difficile de la mise en valeur patrimoniale. […] l’ancestrale agriculture sera en partie condamnée à la friche ? Quel réemploi alors qu’un paysage qui fut un des plus beaux joyaux artistiques de notre pays, et dont résisteront seuls des villages reconquis par des populations urbaines cernées de « banlieues » pavillonnaires ? Nous ne disposons pas de précédents pour aider à résoudre ces désaffections territoriales. » Annexe 4 FICHE DE LECTURE ALLEGORIE DU PATRIMOINE - FRANÇOISE CHOAY
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TITRE : Le culte moderne des monuments, sa nature, son origine AUTEUR : Aloïs Riegl EDITEUR / EDITION : L’Harmattan, Esthétique DATE : 1903 AUTEUR : né en 1858 à Linz et mort en 1905 à Vienne, est un historien de l’art autrichien. Il est l’auteur notamment de Der moderne DenkmalKultus, sein Wesen, seine Entstehung. Sa formation s’est faite autour de la philosophie et de l’Histoire. Il est considéré comme l’un des fondateurs de l’Ecole de Vienne. Aloïs Riegl a également été le conservateur du musée de Vienne de 1886 à 1897. Il enseigna aussi dès 1889 l’Histoire de l’Art à l’université de Vienne et présida la commission des monuments historiques. GENRE : essai RESUME : l’ouvrage se découpe en trois parties développant : les valeurs du monument et leur évolution historique ; le rapport des valeurs de mémoire au culte des monuments et le rapport des valeurs d’actualité au culte des monuments. L’auteur nous fait part de sa réflexion sur la mémoire relative au culte des monuments, les oppositions que ces types de mémoire peuvent susciter. Avec cet ouvrage il pose les fondements de la conservation du patrimoine et des nouvelles politiques de la mémoire. Sa réflexion s’ancre dans la modernité et soulève des questionnements dont il explicitera toutes les oppositions et conflits qui apparaissent suite à la proposition de cette nouvelle vision du culte du monument. CE QUE CA M’A APPORTE : cet ouvrage m’a surtout été bénéfique dans la découverte des valeurs que portent les monuments : valeur historique, d’authenticité, commémorative… ces valeurs peuvent être transposable aux différentes catégories de murs que j’ai répertoriées et classées. La question de la mémoire vient également en complément de la réflexion menée par Françoise Choay. EXTRAITS : • P46 « au plaidoyer héroïque pour la défense des monuments est ainsi substituée une double question : « Quelle mémoire est conservée et pour qui ? Quelle conservation et pour quelles valeurs ? » • P55 « l’idée d’évolution constitue précisément le point essentiel de toute compréhension historique moderne. Selon cette conception, toute activité et tout fait humain dont un témoignage ou une connaissance est conservé peuvent ainsi sans exception prendre une valeur historique : chaque évènement historique s’avère pour nous irremplaçable. » • P60 « le terme de monument que nous avons l’habitude de donner malgré tout à ces œuvres ne peut s’entendre qu’en un sens, non pas objectif mais subjectifs. […] De même, en face d’un clocher ancien, nous devons distinguer entre les souvenirs historiques plus ou moins localisés que sa vue suscite et la représentation générale et non localisée du temps qui « a fait » le clocher et que révèlent les traces immédiatement perceptibles de son ancienneté. » • P61-62 « l’intérêt s’enracine sans aucun doute dans une valeur de mémoire, c’est-à-dire que de ce point de vue aussi nous considérons l’œuvre comme un monument non voulu ? cependant cette valeur de mémoire n’est pas attachée à l’œuvre dans son état originel mais à l’idée du temps écoulé depuis son origine […] la classe des monuments historiques élargit le cercle aux œuvres qui certes, indiquent aussi un moment précis mais dont le choix a été fait à notre gré. La classe des monuments de l’ancienneté contient enfin toute œuvre faite par l’homme sans considération de sa signification originelle et de sa destination, dans la mesure où son aspect extérieur révèle une évidence suffisante qu’elle a existé un certain temps avant l’époque actuelle et « a survécu ». •P 69-70 « si le XIXe siècle fut le siècle de la valeur historique, le XXe siècle semble être celui devoir être celui de la valeur de l’ancienneté. Pour le moment, nous nous trouvons encore dans une période de transition qui est aussi en même temps une période de conflit. […] seul l’effet subjectif de chaque monument est approprié, sans considération de ses qualités objectives ou plus précisément avec la seule considération des qualités qui indiquent la disparition du monument (les traces d’ancienneté) au lieu de celles qui révèlent son individualité, objective, originelle et complète. »
136 Annexe 5 LE CULTE MODERNE DES MONUMENTS, SA NATURE, SON ORIGINE - ALOÏS RIEGL
TITRE : Conserver ou restaurer ? (1853) AUTEUR : Camillo Boito EDITEUR / EDITION : L’Encyclopédie des Nuisances DATE : 1853 AUTEUR : né en 1836 à Rome, mort en 1914 à Milan, est un écrivain et architecte italien. Il a étudié en Allemagne et en Pologne avant de revenir en Italie où il a enseigné l’Architecture à L’Institut technique supérieur de Milan. Camillo Boito a joué un rôle important dans le débat sur la restauration et la conservation du patrimoine. Ses écrits influenceront la rédaction de la charte d’Athènes en 1931. GENRE : essai RESUME : l’essai se compose d’une préface rédigée par Françoise Choay ainsi que d’une postface de Jean-Marc Mondosio. Le corps de texte quant à lui est articulé autour d’un dialogue, dans lequel s’affrontent deux personnages fictifs ayant chacun des positions différentes sur la restauration et la conservation du patrimoine. Ces deux personnages fictifs reprennent les positions d’Eugène Viollet-le-Duc et de John Ruskin. Viollet-le-Duc étant le pro restauration et Ruskin la refusant. Il opte plutôt pour la conservation du patrimoine, une conservation qui vise à ne pas intervenir sur les architectures, quitte à les voir totalement disparaitre. La question de la mémoire du patrimoine est posée : quelle mémoire ? Pour qui ? Par qui ? CE QUE LE LIVRE A APPORTE : dans ce dialogue mettant en scène deux visions différentes de la « conservation » du patrimoine, j’ai pu profiter des deux points de vue qui s’affrontent. A savoir, le point de vue de la restauration et le point de vue de la conservation. Ces deux notions rentrent directement en résonnance avec la question du patrimoine des Murs à Pêches. Alors que des restaurations ont lieu, est-ce la meilleure solution à envisager ou est-ce-que la conservation est-elle aussi le meilleur moyen de maintenir le patrimoine des Murs ? Cet ouvrage a nourri ma réflexion et a permis de me positionner au regard de ces deux notions et des Murs à pêches. EXTRAITS : • P23 « je n’hésite pas à dire que je préfère les restaurations ratées aux restaurations réussies, par la grâce d’une bienheureuse ignorance, me laissent clairement distinguer la partie ancienne de la ma partie moderne, alors que les restaurations réussies, faisant paraître ancien le nouveau en vertu d’une science et d’un savoir-faire admirables, paralysent mon jugement et me rendent si perplexe que le plaisir de contempler le monument disparaît, transformant son étude en épreuve extrêmement fastidieuse. » • P26 « pour conserver faudrait-il enterrer ? Pourquoi, alors, dépensons-nous tant d’argent pour mettre au jour les murs, les temples, les théâtres, les palais et les tombes de la lointaine antiquité ! Le plus sublime restaurateur serait le croque-mort ! » « Le monument selon mon opinion, perd, je le répète, toute ou presque son importance quand celui qui l’étudie peut raisonnablement se demander si la restauration en a modifié la configuration à un degré plus ou moins prononcé ou lui a ajouté des parties qui paraissent originales, ce qui est une autre manière de modifier l’état antérieur. Ainsi, entre le restaurateur qui gâte irréparablement le monument et le restaurateur qui, certes, le dissimule, mais le conserve intact pour la postérité, je choisis le second. » • P27-28 « vous dites vrai : conserver, et non pas restaurer. Mais vous remarquerez que la distinction entre les deux termes, qui semble de prime abord évidente et facile à œuvre et en réalité beaucoup plus obscure » • P35 « pour veiller à la conservation d’un monument, il faut déployer les milles soins attentifs et délicats d’un amour enflammé ou d’une ardente charité. » • P39 « la restauration est un effort qui consume le cerveau et ne laisse jamais l’âme en paix. Cette entreprise se compose d’une infinité de détails, qui finissent à la longue par obséder. […] ceux qui préfèrent la ruine totale à la rénovation partielle, ou encore ceux qui acceptent n’importe quelle réfection, pourvus que l’édifice soit rendu capable de se dresser devant les yeux de la postérité. » • P140 « en outre les chefs d’œuvre de l’art et surtout de l’Antiquité n’ont pas de de prix réel, mais une valeur sentimentale, qui dépend de l’intérêt que porte l’acheteur de sa passion pour les choses anciennes, de sa vanité, de son caprice et de sa bourse. »
Annexe 6 CONSERVER OU RESTAURER? - CAMILLO BOITO
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Annexe 7 CARTE DE LOCALISATION DES CROQUIS
CARTE DE LOCALISATION DES CROQUIS DES MURS
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1/1000e
Croquis de murs
LEGENDE
Annexe 8 CARTE DES TRAJETS
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LEGENDE
trajet 5
trajet 4
trajet 3
trajet 2
trajet 1
1/1000e
COMPTE RENDU VISITE MUR A PECHES (MAP) DIMANCHE 15 OCTOBRE 2017 TRAJET 1
Afin de me rendre à Montreuil ce dimanche, je me rends à la gare de Versailles Chantiers sur les coups de 12h30. Il fait beau et chaud, temps inhabituel pour une mi-octobre. En gare j’achète un ticket journée. Je prends le train de 12h49, train direct pour Paris Montparnasse. Une fois arrivée en gare je me dirige vers le métro 6 direction Nation. Pendant ce temps je feuillette le livre Montreuil Patrimoine Horticole. Afin de m’orienter dans ma recherche, je repère dans le livre toutes indications qui me permettraient de trouver les traces des murs à pêches dans Montreuil. Arrivé à Nation, je prends la ligne 9 direction Mairie de Montreuil. Arrivée 13h44 à Montreuil. Je loupe le bus 122 qui devait m’emmener sur le haut Montreuil. Je prends le chemin des murs à pêches à pied. Direction Avenue Walwein et je tourne sur la rue de Rosny. Depuis le début de l’avenue Walwein, je sais que je vais passer du bas au haut Montreuil (forte dénivellation). L’ascension de la rue de Rosny est particulièrement « éprouvante ». J’avais oublié à quel point l’ascension de cette rue est difficile. Tout au long de mon trajet, je croise de nombreuses personnes qui se dirigent vers le centre-ville. Arrivé au niveau de la rue des Soucis et du collège Jean Jaurès, je remarque un panneau d’information de la ville de Montreuil. C’est une première trace du passé des murs à pêches. Derrière une haute grille en fer forgé et de hauts murs, se trouve une ancienne maison de maître se dresse devant nous au niveau de la place du village de l’amitié. Dans la cour se trouve la maison de maître en R+2 est couverte d’un toit d’ardoise et une maison de taille plus modeste (sur le côté droit de l’entrée) a un crépis jaune et dispose d’un étage avec un balcon filant. Devant l’entrée, deux massifs cadrent le portail. C’est avec surprise que je prends conscience de cette relique, relique devant laquelle je suis passé de nombreuses fois. Mon avancée est accompagnée par le balai irrégulier des bus et des voitures. Je reprends ma route et tourne sur la droite, rue Pierre de Montreuil. Sur ma gauche se trouve un alignement de petites maisons et sur ma droite le cimetière. Les maisons sont bâties sur de petites parcelles et les limites cadastrales semblent être des bouts d’anciens murs à pêches, même si ces murs sont fortement rafistolés avec des matériaux divers. Une propriété est ouverte, c’est un atelier d’artiste. De nombreux artistes ont élus domicile sur Montreuil et une fois par an leur atelier est ouvert à tous. Je tourne à gauche sur la rue Gaston Monmousseau. Les petites maisons ont laissé place à des entreprises et des entrepôts. Je poursuis jusqu’à l’intersection de la rue Saint Just. En face de moi se trouve l’impasse Gobétue. C’est l’entrée des parcelles de MAP du quartier Saint Antoine. Un panneau informatif nous indique le lieu. Il est 14h. Les murs m’entourent. Sur la gauche de l’impasse se dresse un bâtiment de logements ainsi qu’une entreprise. Le bruit de la circulation de la rue Saint Just en direction de la rue de Rosny s’estompe progressivement au fur et à mesure que je m’enfonce dans l’impasse. Des peintures murales ornent un mur sur ma gauche et les murs sont tagués. Une première porte marque l’entrée du jardin partagé de la Lune. J’arrive de la porte d’entrée du Sens de l’Humus, le cadenas à code a été remplacé par un antivol. Il n’est pas 14h30, les jardins ne sont pas encore ouverts. J’entends un homme qui parle fort et dont je ne comprends pas sa langue approché. Il a un sac, passe à côté de moi et continue le long de l’impasse. Je m’arrête un moment et regarde les panneaux mis à disposition pour les visiteurs. Le vent souffle, il fait chaud. Le bruit des voiture a été remplacé par le chant des oiseaux ; on est ici en pleine campagne mais au beau milieu de la ville. L’homme repasse à nouveau et repart. Je continue mon chemin sur l’impasse. Sur ma gauche une première porte donnant sur 2 logements le 15 et le 17. Je franchis le pas de la porte ouverte et avance peu. La porte est basse, le passage étroit. Sur la gauche, un mur écroulé me permet d’apercevoir une friche. Je ressors et continue. Une seconde entrée de maison est symbolisée par un portail blanc et un panneau interdiction de stationner. Puis plusieurs entrées se succèdent, donnant tour à tour sur des parcelles sur lesquelles sont implantées maisons (abritant des associations des jardins familiaux, murs à pêches…). Des personnes discutent derrière les murs blancs restaurés. Sur la droite des portions effondrées de murs laissent entrevoir les jardins partagés, le café social. Les bouts de murs écroulés sont remplacés par des palissades de bois à la manière des ganivelles. Je finis par me heurter à une palissade de bois sur laquelle est inscrit « propriété privée ». Cette interdiction de passer est nouvelle pour moi car il y a 2 ans, le passage vers les parcelles en friche était possible. Je fais demi-tour. L’homme que j’ai croisé attend assis, devant la porte du jardin de la Lune. Je quitte l’impasse Gobétue et me dirige vers la rue Saint Antoine.
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Annexe 9 COMPTE RENDU DU DIMANCHE 15 OCTOBRE 2017
Sur la rue Saint Just, une petite maison cachée derrière des murs (à pêches ?) semble être une maison paysanne datant des MAP. Cette propriété se compose d’une maison en R+1 et d’une « cabane de jardin ». Une végétation assez dense et fournie enveloppe la propriété. Sur la droite de la rue se trouve au niveau de l’impasse Gobétue de nombreuses parcelles en friche. Certaines dont la limite est marquée par des grilles de grillage rigide sont occupées car des chemins sont dessinés. Un peu plus loin des jardins partagés sont implantés, on peut les apercevoir au travers des arbustes divers et variés. Des personnes marchent sur le trottoir et semblent chercher quelque chose… atelier d’artiste ou MAP ? Peu avant l’intersection avec la rue de Rosny, une parcelle est occupée par des gitans sédentarisés ? Je tourne à droite sur la rue de Rosny et me dirige directement sur la rue Saint Antoine. Je croise des personnes noires et des enfants. La rue Saint Antoine est sale et bordée sur la droite par un alignement de Robinier. L’entrée de la rue est marquée par une place sur laquelle un conteneur à verre est mis, un arrêt de bus dessert le quartier et un tilleul est planté. Les trottoirs sont quasiment tous occupés par des voitures stationnées. La frange droite de la rue se compose d’un alignement de murs et de portails donnant sur les parcelles habitées. Les premières parcelles sont occupées par des caravanes et mobil-homes de gitans et les parcelles suivantes possèdent des maisons hautes et étroites. Les murs matérialisent les limites de propriété. Sur la gauche de nombreuses parcelles sont en friche, un bout de mur éventré laisse un tas de déchets assez conséquents se déverser sur le trottoir. Au loin, des enfants et jeunes adolescents jouent au milieu de la rue. J’avance un peu et une aire de jeu en bois a été aménagée il y a quelques années apparemment. Les troncs d’arbres ont pris une couleur grise. Derrière cette aire de jeu, une parcelle en friche dont les grilles qui ont été arrachées attire mon attention. J’entre. Des légumes ont été plantés là (artichauts, topinambour...). Des tas de détritus jonchent le sol ici est là. Je continue à m’enfoncer dans la parcelle. Je slalome entre les arbustes, tas d’immondices, déjections humaines… Je courbe le dos, et finis par déboucher sur une autre parcelle couverte d’un boisement. J’avance. Les déchets se font moins nombreux. Des chemins indiquent qu’un passage régulier semble s’opérer sur les parcelles. Un bout de mur éventré et une tôle d’acier tente de montrer que la parcelle suivante ne doit pas être visitée, je contourne la tôle. Les parcelles s’enchaînent. Le bruit de la rue à une fois de plus disparu. Je suis au milieu d’un bois. Seuls les oiseaux m’accompagnent. Plus je poursuis mon chemin, plus les murs sont de mieux en mieux conservés. Le lierre court sur le toit du mur. Les clous servant au palissage et des bouts de chiffons sont encore accrochés aux murs. Je franchis des portes dont seul l’encadrement subsiste. Un scooter désossé, une télé ponctuent le paysage. J’arrive au niveau de la béance d’où le tas de détritus déborde sur le trottoir. Je rebrousse chemin et j’aperçois une ouverture qui semble donnée sur l’extérieur. Je grimpe sur le mur et tombe dans une parcelle donnant sur une décharge de matériaux de voiries. Le bruit de la rue de Rosny me parvient à nouveau, les cris d’enfants et des passants aussi. Je retourne dans les parcelles et ressort sur la rue. Mais avant de sortir, je me suis perdu l’espace d’un instant. Les nombreux chemins et les murs se ressemblant tous, je me suis enfoncé un peu plus profondément dans les parcelles. Arrivé sur la rue, juste à côté de la friche, une maison (dont les habitants croisés en sortant de la parcelle n’ont même pas eu l’air surpris de me voir sortir des parcelles, parlent en langue slave), une maison bourgeoise et une petite maison (cabane de MAP) sont côte à côte. La parcelle suivante qui possède un portail en bois sculpté (menuiserie) offre le récapitulatif d’un projet participatif. Les roms présents dans la rue sont de plus en plus présents, je fais demi-tour. En quittant la rue Saint Antoine, je tourne à droite sur la rue de Rosny puis à gauche sur la rue Rochebrune. A l’intersection de ces deux rues se trouve l’école élémentaire Danton. La rue Rochebrune est bâtie de petites maisons en retrait, et en quinconce. Ici les traces des murs ne sont pas directement visibles. Les anciennes parcelles sont constituées par les jardins privées des maisons. De hauts murs cachent l’intérieur des propriétés, de hauteur moins importante que celle des parcelles restantes, ces murs sont-ils originels ? Sur la gauche de la rue, des immeubles (R+3 +4) font face aux maisons en R+1. Plus loin dans la rue, des murs ressurgissent (état variable) et des encadrements de porte marquent les anciennes entrées. En tournant rue des Néfliers, les murs sont tout de suite plus visibles. Ils bordent un certain linéaire de trottoir. On peut également les voir au travers des haies, grillages et en se haussant sur la pointe de pied. La rue est constituée exclusivement de maisonnettes ; de petites tailles, comme celles que l’on a pu voir jusque-là ainsi que de cabanes de jardin. Les Néfliers sont plantés de Prunus serrulata et les espaces inter massif servent de stationnement. Je croise des personnes se baladant, d’autres cherchent les ateliers d’artistes. Il n’y a pas de voitures (je n’en ai pas croisé lors de mon passage), on se croirait en banlieue, éloigné de toute la rumeur de la ville. La rue de Rosny toute proche n’impacte pas Rochebrune et les Néfliers de son bruit. Un atelier d’artiste a ouvert ses portes, je passe la tête pour apercevoir cette parcelle toute en longueur, assez Annexe 9 COMPTE RENDU DU DIMANCHE 15 OCTOBRE 2017
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large qui plus est, dont une partie est délimitée par le mur à pêche. Dans la rue des Néfliers, on peut remarquer que les riverains ont à cœur d’entretenir leurs portions de murs. Seul un bout tombe en ruine et est rafistolé tant bien que mal. Une fois la rue des Néfliers terminée, je tombe sur l’intersection de la rue Paul Signac. Juste avant l’intersection, un programme de logement va voir le jour sur une parcelle à l’angle droit de la rue. Je tourne à gauche. De hauts murs m’accompagnent encore un peu, puis des garages, des maisons individuelles avec jardins et enfin un groupement de petits collectifs/maisons. L’avenue est plantée de platanes taillés en rideau. Les pieds sont bitumés. Pour une avenue, je ne la trouve pas bruyante. J’avance, croise une fille et sa petite sœur puis une autre adolescente. La taille des jardins diminue brutalement lorsque l’on passe des maisons individuelles aux parcelles de taille assez « généreuse » aux maisons mitoyennes et étroites. Je continue ma route. Sur ma gauche : le sentier des jasmins. Je m’y aventure. Ce sentier finit en cul de sac. Il est en pente. En m’engouffrant sous le porche formé par les habitations je passe de l’ombre (avenue Paul Signac) à la lumière (sentier). Des habitants déjeunent sur leur terrasse abritée d’une pergola sur laquelle court une vigne. Ils ont l’air jeunes (la trentaine ? car il semble y avoir des enfants en bas âge). Une voiture vient se garer, les personnes remontent le sentier et tourne à gauche sur l’avenue. Je continue mon chemin. Sur la droite, un morceau de mur (2m de long ?) trône en plein milieu de la cour. Je reste un moment à l’observer car je suis étonné de cette situation. Je croise un riverain, lui dit bonjour. Différentes époques de constructions se côtoient (beaucoup plus récentes en bas mais aussi plutôt anciennes pour la propriété cachée derrière un portail : un grand cèdre de taille adulte marque l’âge de la maison.) Je remonte le sentier. Je continue sur l’avenue, puis tourne à droite rue de la Ferme. Des maisons sont construites sur ma droite et sur la gauche une aire de sport sur laquelle jouent des enfants (des immeubles proches ?), une femme promène son chien. Un peu plus loin un bâtiment en brique est caché partiellement par des arbres. Usine ? Un homme dans une voiture et un autre discute au fond de la rue. Des parcelles en friches sont visibles derrière les panneaux de tôles d’acier tagués et éventrés. La rue de la ferme bifurque à droite, et se prolonge le long de l’A186. Ici le bruit de la circulation a fait son grand retour. Je fais demi-tour, je croise deux hommes africains. Le sentier de la ferme fait face à la rue de la ferme, de l’autre côté de l’avenue. Je n’y vais pas et poursuit mon chemin sur l’avenue. La topographie change. Une pente s’installe. Un café, le café de la Poste fait l’angle de l’avenue et de la rue de l’Hermitage. Une cage de perruches callopsittes prend le soleil, elles chantent. Un homme passe le balai sur la terrasse, d’autres discutent accoudés au comptoir. Je continue ma descente. Une odeur de poissons arrive à mon nez. Je ne sais pas d’où cela vient. Sur ma droite un immeuble et un mur assez haut, puis un portail qui laisse voir un square puis un mur tagué avec des animaux. Les agents de la ville ramassent et nettoient la place du marché. Je comprends d’où vient l’odeur de poisson. Je passe sous les abris des stands, et rentre dans le square. Sur ma gauche la maison de quartier (Cachin ?), sur ma droite un trou au fond duquel se trouve une petite marre et qui est planté de plantes aquatiques et d’ombre. Un père fait jouer ses deux enfants sur les jeux. Il y a également de petits jardins derrière la maison de quartier : familiaux ? Partagés ? Je ressors et poursuis mon chemin sur le boulevard Aristide Briand. Je longe un terrain de sport, un homme joue au foot avec des enfants (4 au total, assez jeunes 8/10 ans, jogging baskets casquettes). Le boulevard est plutôt bruyant. Je passe sous le pont de l’A186, des pigeons mangent du pain jeté là, la fiente empeste. Après le pont, je tourne à droite sur la rue Didier Daurat. Sur ma gauche, la rue Emile Beaufils. Je m’y engage. L’entrée de la rue est marquée par un parking sur la droite et une maison en R+1 à gauche (grille et portail rouge bordeaux, comme les volets et elle semble avoir un parement de briques). Apres quelques mètres et avoir longé un grillage rigide, un morceau de mur se tient à ma gauche. Il est en mauvais état mais reste debout. A travers la grille et le lierre, j’aperçois des jardins. Une pancarte de nom de rue (La nouvelle France) est posée le long d’un passage bordant une parcelle de jardin. Le morceau de mur laisse très vite place à un autre grillage rigide doublé de panneaux de tôle. Je ne peux plus voir les jardins. J’avance. Le bruit de l’autoroute diminue doucement, mais le trafic régulier nous rappelle que nous sommes aux portes de Paris. Sur ma droite, d’autres parcelles de jardins cachées derrière des panneaux de tôle et de grilles. Sur la gauche, les grilles disparaissent, laissant place à des reliques de MAP et des panneaux de béton. La rue Emile Beaufils est intersecté sur la droite par de nombreuses petites rues perpendiculaires. Elles sont bâties de petits pavillons individuels (par exemple, la rue des Pavillons, Saint Victor, Alice…) un Prunus serrulata marque l’angle des rues Emile Beaufils
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Annexe 9 COMPTE RENDU DU DIMANCHE 15 OCTOBRE 2017
et des Pavillons. Sur la droite, un bâtiment public (?) abrite la maison des associations Jean Macé. En continuant mon chemin, je tombe face à une grosse bâtisse. Je prends du recul et l’observe. Elle ressemble à une maison de maître, volets verts pâles, crépis rouge rose et une porte d’entrée en bois. Son accès se fait par une grille en fer forgé noire. Les colonnes encadrant le portail ne porte plus qu’une vasque et le muret de meulière sert de base à une grille noire en fer. Un peu plus loin, un panneau informatif des MAP « ici ; c’est la ferme Moultoux ». Aujourd’hui, cette propriété, propriété de la ville de Montreuil accueille les jardins des restos du cœur. Je continue mon chemin. Je tourne rue Saint Victor. Deux personnes sortent d’une maison avec une moto, je croise deux jeunes (noirs ?) et une voiture. Ils me suivent rue Alice. Dans la rue Square Alice, des habitants font un brunch en plein milieu de la rue. Une maison retient mon attention : elle possède à son étage supérieur une large fenêtre en triptyque (avec balcon) dont l’encadrement est une pierre de taille, tout comme les angles des pans de mur La porte d’entrée semble avoir été rétrécie avec des parpaings. Etait-ce un ancien magasin ? Je croise un couple de retraités dans la rue des Pavillons. Je décide de retourner aux parcelles du quartier Saint Antoine. Je refais le trajet en sens inverse. Tout au long de mon trajet, je croise de nombreuses personnes, qui sortent en famille, le stade à côté de la maison de quartier Cachin se remplit (adolescent posés sur un banc), le père et ses deux enfants jouent encore dans le square, la place du marché est propre, les hommes discutent toujours accoudés au comptoir du café de la poste. Les enfants jouent toujours sur le stade de l’avenue Paul Signac. Une famille à vélo entre dans l’atelier d’artiste à l’angle de la rue des Néfliers et Paul Signac. Je croise 2 africains en boubou. Je tourne à gauche sur la rue de Rochebrune, puis encore à gauche sur la rue de Dombasle. Une rangée de stationnement sur la bordure droite, de petites maisons. Un groupement de 3 maisons mitoyennes qui abritent au total 6 maisons capte mon attention. Façades de briques ou faïences colorées, portes et fenêtres étroites en R+1. Une glycine court sur la façade des 4 et 6 et les 2 maisons du milieu ont une extension en R+2. Un peu plus loin sur la gauche, au 32, une grosse maison, haute et à la fois étroite, doit posséder une cour car un mur est percé d’un portail de bois comme une porte de grange. Un bar à l’angle de la rue. Je tourne sur la rue Danton. Ici les MAP sont beaucoup plus présents et forment les limites avec la rue et le trottoir. Quelques voitures passent. Les maisons sont hautes et étroites. Me voici sur la rue de Rosny, je traverse et m’engage sur la rue Saint Just. Promeneur, je traverse à nouveau et entre dans l’impasse Gobétue, puis dans le jardin de la Lune. Un groupe de personnes doit entamer une visite. Je contourne le groupe, salue une dame aux cheveux longs et gris. Ici les parcelles de jardins partagés sont de forme carrée, rectangulaire… des légumes, fleurs, et autres plantes y sont cultivés. Une cabane et une pergola permettent de ranger les outils, s’asseoir à une table… Je passe sur le jardin suivant, les parcelles sont disposées en arc de cercle, comme des rayons de roues. Ici les plantes médicinales, tinctoriales, potagères sont cultivées. Un air de jardin médiéval flotte sur le lieu. Les jardins suivants aussi sont dans le même esprit. En revanche, les parcelles de cultures sont carrées et de l’osier permet une sorte de permaculture. Sur la droite des parcelles, un boisement (arbustif et arboré) pousse aléatoirement, un rucher est installé. Je continue, et arrive sur les parcelles du Sens de l’Humus, un couple jardine. La femme taille dans les massifs et l’homme pousse la tondeuse hélicoïdale. Les parcelles sont délimitées par des petites barrières de branches faites main. Les potagers sont surélevés. Permaculture ? Je tourne à droite, croise une famille, monte sur un talus, puis arrive sur la grande prairie. Du mobilier en palette est disposé. De gens prennent le soleil sur 2 bancs. Je gravis un autre escalier et atterris sur une autre parcelle. Des tentes sont plantées, des personnes l’occupent. Je monte sur un autre talus (mur écroulé) et observe que ces personnes ont littéralement investies la parcelle. Les talus sont plantés, des petites terrasses sont faites. Les panneaux de chantiers ont été remplacés par une grille d’acier et de bois, grille similaire à celle du théâtre pirate. Je sors et remonte la rue Pierre de Montreuil. La rue est bruyante, comme dans mon souvenir, les voitures garées là où il y a de la place. Un groupement d’immeubles R+5, grilles fermées (logements privés ?). J’avance, des murs de briques entrecoupés de portails m’accompagnent. La rue est plantée d’un alignement de platanes en rideau (trottoir gauche). Le mur de briques laisse place à un mur blanc gris tagué (MAP ?), une petite porte marque l’entrée de parcelles de jardins. Une porte de bois ajourée laisse voir un passage qui traverse de part en part les MAP. (Liaison Pierre de Montreuil / Gobétue ?). La parcelle suivante possède une grille en lames de bois. On voit à travers des roulottes, terrasses, sculptures, installées sous un couvert de robiniers. C’est le théâtre de verdure. Juste après, les murs sont couverts de lierre. Un portail en panneaux de fer peint noir avec un assemblage de pièces diverses formant un fronton. C’est le dé à coudre. Puis, des panneaux de bois sculptés (portail) et une « maison » marquent la parcelle abritant les locaux de Annexe 9 COMPTE RENDU DU DIMANCHE 15 OCTOBRE 2017
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l’association Lez’arts (indication d’apiculture). Les murs sont tagués, peints. Une parcelle privée et un portail laissent entrevoir des caravanes. Les murs de briques reprennent. Un panneau de la ville indique un projet : création d’un espace public patrimonial. Cette parcelle servira à faire découvrir les MAP, le support de culture, rucher, assos, restauration des murs… Les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre sont assurées par la mairie de Montreuil. Le projecteur est le conseil de quartier et les associations des MAP. Vient ensuite une grille verte doublée de panneaux occultants, une porte donne sur de jardins partagés. Un mur en parpaings, des panneaux de tôles, des portails, puis un chapiteau se dresse. C’est le cirque des MAP, la guinguette des 3 Mulets. Sur la parcelle suivante, le campement de roms a laissé place à une nouvelle maison des MAP. Autour de cette maison, les biotopes présents sur les MAP sont recréés : friche, bois, sous-bois, jardins… Suite à un problème l’inauguration en a été reportée. Devant la maison des MAP, des bacs avec des arbres ont été disposés. Le trottoir d’en face est loti de petites maisons et de programmes plus récents. L’ensemble des parcelles montrent des surfaces assez petites et étroites. Je fais demi-tour et me dirige pour prendre le bus dans la rue Paul Doumer. Depuis que je suis là, je croise des personnes remontant, descendant la rue ; sortant des parcelles, de chez eux, assises sur le banc à côté du panneau publicitaire à l’entrée de la rue… J’attends le bus 122. En face de moi se trouve le parc des Beaumont. Des jeunes font du sport sur les agrès de musculation, de la fumée provient du parc, une odeur de barbecue flotte encore, des chants tribaux me parviennent. Le bus arrive. En arrivant vers la mairie, le bus passe devant une ancienne maison de maître, un panneau informatif, MAP ? Je descends à la mairie. Sur le parvis, une trace des MAP, la statue de la jardinière Montreuilloise, signifie le passé maraicher de la ville. Je me dirige vers l’impasse du Tourniquet. Je remonte le boulevard Rouget de Lisle. Ici l’architecture est différente du haut Montreuil, de hauts immeubles bordent la rue. Je tourne sur la rue Aristide Hémard puis me dirige vers la rue Parmentier après avoir traversé l’avenue de la résistance (peu bruyante, comme le boulevard Rouget de Lisle). Arrivé à la rue Jules Ferry je tourne à droite puis à gauche et entre enfin dans le sentier. Une dame me précède. L’entrée du sentier est matérialisée par l’encadrement de 2 maisons (R+1) aux angles biseautés. Le sentier est étroit, passage de 2 personnes côte à côte possible. Il bifurque sur la droite et monte en zigzagant. Les maisons sont rénovées au fur et à mesure et des affiches contre la fermeture d’une usine de production de produits chimiques sont collées sur chaque porte de maison. (« Vous êtes en terrain pollué.. », page fb l’usine verte). Murs, portes, végétations débordant des propriétés, l’atmosphère y est agréable, dépaysante. Il n’y a pas de bruit sauf des enfants qui font un goûter. Un hélicoptère passe puis deux ados avec un ballon de foot. Une personne fait des travaux dans sa maison (bruit de perceuse). Je tourne sur la rue de la Fossé Pinson. Maisons de ville, de petites tailles, un atelier d’artiste (MAP en fond de cour, parcelle principalement occupée par la maison, le jardin doit faire 30m²), des promeneurs. Je tourne à droite et remonte la rue des Roulettes (maisons, rucher, promeneurs, jeunes sortant d’un déjeuner entre amis). J’arrive sur la rue Mainguet puis emprunte l’escalier donnant sur la rue Denis Couturier (un jeune couple monte puis redescend l’escalier). Je remonte la rue Denis Couturier puis arrive sur la rue Anne Franck, une grandmère, assise sur sa terrasse prend le soleil, mais surtout observe les passants, un homme obèse, torse nu sort de chez lui, passe sur le trottoir et entre de nouveau chez lui. Je poursuis la remontée de la rue Denis Couturier, une maison bourgeoise coincée entre des immeubles et d’autres maisons, attire mon regard (rue Colbert). Je vais la voir, 2 étages, façade en meulière apparente, charpente en bois visible, hautes fenêtres, Marie-louise… au 39, un trou percé dans la porte d’entrée permet au chien qui me regarde sans aboyer de sortir à volonté. Ici le pavillonnaire est majoritaire, les maisons sont étroites et les parcelles relativement petites. Il n’y pas de circulation. J’aperçois au bout de la rue le parc des Guilland, des personnes entrent et sortent régulièrement le temps de mon passage dans la rue Anne Franck. Je décide de rentrer sur Versailles. En descendant, la hauteur de la ville me permet de voir la Tour de Vincennes ainsi que le rocher du Zoo. Je reprends le même chemin et me dirige vers la halle de marché à Croix de Chavaux. Progressivement je reviens au tumulte de la ville, circulation sur la rue de Paris et ses parallèles, cafés, promeneurs du dimanche ou montreuillois… Ici aussi une odeur de poissons plane. J’entre dans le métro, il est 16h36.
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COMPTE RENDU VENDREDI 17 ET SAMEDI 18 NOVEMBRE 2017 TRAJETS 3 ET 4 Temps gris, humide et froid. Train direct pour Montparnasse 13h49. Une fois à Montreuil, je prends la direction du musée de l’Histoire vivante en prenant le bus 122 direction Val de Fontenay. Ce musée se situe dans une ancienne maison bourgeoise dans le parc de Montereau. Créé en 1937 par l’Association pour l’Histoire vivante, le musée éponyme est inauguré le 26 mars 1939. Trois personnalités communistes sont à l’origine de sa fondation : Jacques Duclos, député de la circonscription, Fernand Soupé et Daniel Renoult respectivement maire et conseiller général de Montreuil. Initialement, il traite du mouvement social, de la colonisation et de la décolonisation, de la banlieue et du patrimoine industriel de la ville. Je pensais y trouver des informations concernant l’évolution de MAP, ce fut un échec. Seule une exposition sur la Révolution Russe de 1917 était présentée. Je décide de partir et de retourner sur site. Je commence mon nouvel arpentage rue de la Nouvelle France qui est marquée par le carrefour avec les rues pierre de Montreuil, Nouvelle France et la nouvelle piscine des MAP. Ici les MAP sont présents dans leur état originel. Mais ils ne sont pas entretenus. Ils tombent en ruine et sont effondrés par endroits et rafistolés par moment avec de la brique. Des enduits « récents » sont tagués. La première parcelle visible possède une maison fermée mais dont une voiture est garée dans la petite cour. Je longe le mur. Il délimite le jardin. La parcelle voisine est en friche et les murs dans le même état que les précédents. Elle se trouve à côté de l’usine de faïence. Un trou dans le mur est bouché avec une tôle et une grille en fer forgé. Je continue. Et me rapproche de la route je grimpe sur le talus qui borde la route. Il y a une ouverture dans le mur (mur effondré, porte ?), je pénètre. Il y a des ordures un peu partout. La végétation est omniprésente. Il y a une porte, je la passe, un chemin de désir montre qu’il y a du passage régulier, mais la végétation assez dense montre que le passage n’y est pas régulier. Je remarque des traces de doigts dans le plâtre, en bas du mur qui est la preuve de l’authenticité du mur (application du plâtre à la main par les anciens horticulteurs). Je ressors et me dirige vers la rue Pierre de Montreuil. Je passe devant la maison, juste à côté se trouve une parcelle dont l’accès à la limite du mur est barré par un panneau de grillage rigide. Cet entre-deux permet le développement de la végétation. Le mur quant à lui n’est pas entretenu et est partiellement en ruine. Des panneaux de tôle et des grilles de grillage bloquent l’accès au mur. Il y a sur cette parcelle des dépôts sauvages d’ordures en tous genres. Le grillage tordu montre que le passage est récurent sur cette parcelle. On peut apercevoir des bouts de murs encore debout mais en ruine. Après l’usine de faïence, un mur d’agglo vient littéralement encercler, couvrir un reste de mur. La cohabitation est intrigante. Le mur qui longe la parcelle de la maison des MAP a du faire l’objet d’une mise en sécurité (couche de béton) afin que le mur ne s’écroule pas. Il en est de même pour le mur entre la maison des MAP et le cirque de la Girandole. Des portails en acier sont présents. Un possède un cadenas et l’autre juste une serrure. Je tente de voir si la porte serait ouverte, sans succès. Je grimpe sur un des bacs contenant un arbre pour voir ce qu’il y a sur la parcelle derrière ce portail à double battant. Sur l’angle gauche il y a une petite cabane, sûrement un vestige d’une ancienne cabane d’horticulteur. Elle possède même une cheminée. Ne pouvant pas voir loin sur la parcelle (et non le long du mur), je remarque une friche dense et ne distingue pas qu’un mur écroulé en intérieur. Je continue mon chemin sur la rue Pierre de Montreuil. J’arrive au niveau de la parcelle du Secours Catholique. Le mur de droite n’existe presque plus, celui de gauche est un mauvais état. J’avance encore. Le portail de la parcelle en restauration est ouvert, je m’y engouffre. Un homme passe à ce moment et je lui demande si je peux y accéder. N’étant que bénévole sur le chantier, il me dirige vers le chef de chantier. Je vais donc rencontrer Loïc qui est en charge de la restauration des MAP sur cette parcelle et j’apprends qu’il y a également réalisé d’autres restaurations sur les murs. Le chantier en cours fait partie du projet de création d’une parcelle destinée à la sensibilisation des personnes au patrimoine des MAP (verger, horticulture, pépinière, « musée », jardins partagés et présence d’un apiculteur.). Le chantier se compose de 4 personnes (Loïc et Charly les 2 chefs de chantier et de 2 personnes en réinsertions pro). Ils sont membres de l’asso MAP tout comme le bénévole qui vient les aider 2 après-midis par semaine. Le chantier en Annexe 10 COMPTE RENDU DU VENDREDI 17 ET SAMEDI 18 NOVEMBRE 2017
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cours vise à restaurer 90ml de mur en complétant les trous ou en refaisant totalement le mur. Un puit mitoyen (Secours Catholique et mairie) est également repris. Il m’explique la technique de restauration : 1 pilier de plâtre tous les 10m le reste en terre battue + silex, enduit de plâtre, chaperon en tuile plus solide que le chaperon de plâtre ; chainage de plâtre à intervalle régulier. Le plâtre tombé au sol est récupéré, cuit puis réduit en poudre et réutilisé pour enduire à nouveau les murs. Le même sort est réservé aux pierres de silex. Le mur qui longe l’entreprise de menuiserie n’a pas encore fait l’objet de restauration, il est en assez mauvais état. Le musée avec le four à plâtre expérimental sera réalisé plus tard (moyen financier et présence d’amiante dans les tôle fibrociment). Les restaurations se concrétisent petit à petit et au rythme des aides financières accordées par la mairie mais sans logique précise dans les parcelles. Les subventions sont obtenues plus facilement maintenant car la mairie a vu que les associations s’investissaient et prenaient soin des murs. Le bénévole des MAP me dit qu’il aime bien communiquer sur les Murs et SON patrimoine et que la personne ressource « celui qui détient les cordons de la bourse » à la mairie est Jean Charles NEGRE « un vieux de la vieille, communiste », un certain M. BELTRAND (élu ?) et la paysagiste de la mairie qui s’occupe des MAP est Julie ACCOYER (autre interlocutrice principale). Je l’ai également questionné sur le recensement des MAP. Celui-ci a été fait sur 33ha de MAP mais le linéaire de mur reste une question à laquelle il ne sait pas répondre. Il me dit aussi que le maire avant d’être élu était très présent aux MAP, très accessible… (Recherche de son électorat ?) Aujourd’hui il ne vient plus aux MAP. De plus il y a quelques points de divergence entre la volonté de la mairie et les membres des MAP… mais il ne m’en dit pas plus… (PISTE A CREUSER). Je remercie tout le monde et repars. Il est 16h26 et je me dirige vers le métro. Samedi matin départ 8h30 Versailles chantiers, arrivée 9h30 Montreuil, temps gris humide et frais. Ce matin je chronomètre mes temps de trajets : mairie de Montreuil – rue Pierre de Montreuil 11min, rue pierre de Montreuil d’un bout à l’autre 6min, rues pierre de Montreuil St Antoine 4min. Je souhaite entrer dans la parcelle des Lez ’arts dans les murs mais le portail n’est pas ouvert. Je regarde par la serrure, les murs ont fait l’objet de restauration car on peut y voir un enduit de plâtre récent mais ayant déjà pris une teinte grise (aléa climatique et pollution). D’autres murs n’ont pas le même degré de restauration enduit plus grossier qui vise surement à mettre en sécurité les murs. Je me pose quelques instants et refait le tour de tous état de murs que j’ai vu jusqu’à présent : • Bout de la rue pierre de Montreuil : debout non entretenu • Nouvelle France : debout non entretenu • Parcelle entre usine faïence et maison : debout non entretenu et ruine • Maison des MAP : fragment, rafistolage, debout et mise en sécurité • Cirque de la girandole rien • Parcelles portails acier : friche debout et mise en sécurité pour l’enceinte ext, debout en ruine pour intérieur • Parcelles suivantes : friche murs ext autre que les MAP, intérieurs non visibles même si j’ai cherché à rentrer sans succès • Secours catho : ruine détériorée et restauration en cours • Parcelle mairie : restauration et debout mais peu entretenu • Passage • Entrepreneur bois : autres • Maison privée : murs autres • Lez ‘arts : restaurés et mise en sécurité et détériorés • Théâtre : mise en sécurité • Jardin familiaux : ext restaurés int mise en sécurité et détériorés • Prairie : disparu • Sens de l’humus jardin de la lune et autre : restaurés et détériorés • Gobétue : restaurés et entretenus • Saint Antoine : ruine détériorée, quelques morceaux entretenus
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Je me remets en route et me dirige vers la rue de Saint Antoine. Personne ce matin. Il est encore tôt (10h ?). J’entends les familles de roms qui parlent, qui s’affairent dans les campements. Je croise une femme qui nettoie le trottoir. Je lui dis bonjour, elle me répond. Je continue. Je passe de trottoir en trottoir. Regarde l’état des murs. Celui à l’angle de la rue est encore debout mais fortement détérioré, des panneaux de tôle les protègent. Les murs suivants sont « hétéroclites » et ne semblent plus être des MAP. Peu après, le mur de l’entreprise de serrurerie semble être un vestige entretenu, couvert d’un barbelé. La maison abandonnée qui suit est ceinte d’un mur aussi. Relique détériorée et non entretenue. Dans le sentier de la villa Saint Antoine il n’y a rien, mise à part des murs reconstitués et des déchets. Même la villa n’est pas entourée de murs, mais de simples grillages et haies. Je fais demi-tour. Sur la gauche de la rue, les parcelles sont en friche. Les murs sont presque tous tombés, et les parcelles transformées en décharges. Les murs dans le couvert végétal sont quant à eux préservés. Les murs restants au niveau des campements sont détériorés, ou disparus. Des murs reconstitués permettent de marquer les limites de propriétés. C’est assez étrange, mais les murs détériorés paraissent entretenus (pas d’herbe, ni de lierre). Les fragments se succèdent. Les murs de la maison du sens de l’humus et du jardin du poulpier sont debout et entretenus, mais non restaurés. Arrivé au fond de la rue, je fais demi-tour et un homme m’accoste assez agressif, il me demande ce que je fais là, si je cherche quelqu’un. Je lui explique qui je suis et me souhaite bonne journée après m’avoir dit qu’il m’avait vu en train de tourner depuis le début de la rue (moi je ne l’ai pas vu m’observer ! plusieurs campement, plusieurs familles qui se connaissent toutes et qui communiquent ! Je suis en terrain presque privé). Je repars et longe les murs côté rue de Rosny. Parcelles en friche qui servent de dépôt à la ville, d’autres sont habitées par des campements de roms. A gauche de la rue, une maison bourgeoise et un mur, les matériaux ressemblent à du silex mais il est trop rectiligne pour être un mur. Je tourne sur l’avenue Paul Signac. Un mur attire mon attention en fond de cours, derrière celui-ci semble y avoir des vergers et peut être des jardins. Je continue et tourne rue de Néfliers. Un mur est de hauteur similaire aux MAP (2.70 3m) me fait face, il a été entretenu. Derrière lui se trouve des jardins avec des morceaux de MAP debout. Je continue et tourne dans le sentier de la ferme, puis je vais dans la rue de l’Hermitage, petite maison ancienne. Rue Désiré Charton, petits pavillons, je me dirige vers le sentier de la Ferme. J’y trouve un bout de mur entretenu et un autre détérioré et tagué. Je croise plusieurs personnes dont une dame (salut) un papi avec son chien. Sentier du jasmin, un mur avec traces de rouilles et entretenu. Un morceau sur une parcelle privée a fait l’objet de restauration. Au bout du sentier, un grand portail, un mur restauré mais qui bouge (pierres apparentes). Rue Danton, plus vers le bas, un ancien mur ? Limite de propriété avec de grands ifs (murs refait apparemment, grandes hauteurs MAP peu probable. Je repasse dans les rues Mirabeau, Désiré Charton, Hermitage, rien. Il est 11h30, le temps se couvre à nouveau, il fait plus froid que tout à l’heure, je décide de rentrer.
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COMPTE RENDU SAMEDI 9 DECEMBRE 2017 TRAJET 5 Arrivée 14h à Montreuil. Temps Gris et froid. Cette fois, je décide de remonter la rue de Rosny afin d’arriver au niveau du quartier saint Antoine qui borde une bretelle de raccordement de l’autoroute. La rue est assez bruyante et je croise de nombreuses voitures. En ce qui concerne les éventuels promeneurs, ils ne sont pas nombreux (6 personnes croisées). La rue est bordée de maisons mitoyennes, individuelles et d’immeubles. Bon nombre de maisons sont étroites et possèdent 2 étages. L’étroitesse du bâti est une fois de plus directement corrélé au parcellaire. Seuls les immeubles sont construits sont des parcelles plus grandes. Je croise la rue de Saint Antoine sur ma droite, puis Rochebrune sur la gauche. Je continue jusqu’à l’embranchement de la bretelle. Je la longe pour voir jusqu’où je peux aller. Je marche dans l’herbe encore gelée. Un enfant (rom) m’observe rapidement et repart. Je ne peux plus avancer. La bande d’herbe s’est arrêtée, la bretelle ne me permet plus d’avancer. A travers le grillage et les lianes de clématite, je n’aperçois que les broussailles, détritus et un chemin en hauteur qui permet aux roms de circuler de parcelle en parcelle. Je fais demi-tour. Je longe le grillage à la recherche de traces de MAP. Je me dirige à nouveau sur la rue de Rosny et descends sur le trottoir. Il y a un grillage éventré, dont une partie ferme à la manière d’une porte. C’est l’entrée du chemin sur lequel j’ai vu le petit rom m’observer. Cette entrée est aussi le lieu de dépôt des ordures ménagères dans les gros bacs de tri mis à disposition par la ville. Ce qui n’empêche pas d’avoir des poubelles et des détritus en tous genres à droite à gauche. Derrière les lianes de lierre, de clématites, arbres à papillons et érable, je distingue un bout de mur en ruine. Il est encore debout, mais est partiellement effondré, fendu par endroit et les pierres sont apparentes. La forme ondulante de la végétation sur le mur permet d’apprécier l’état du MAP. Au niveau de la parcelle et de l’entrée suivante (n°166 de la rue de Rosny), un morceau de MAP cohabite avec un mur en agglo et une grille en acier blanc. L’herbe pousse sur le mur, des rajouts de plâtre ont été fait sur le certaines parties de mur, du béton scelle également une partie supérieure du mur. Seule une petite portion du MAP est visible, le reste est sous la végétation dense. Le fond de la parcelle de campement manouche est marqué par une limite en tôle. Un morceau de mur avec des pans de plâtre récents, recouvre un mur dont les pierres sont visibles, avec un sommet fendu et partiellement effondré. • 164 rue de Rosny, le mur à pêches côtoie des panneaux de bétons, grilles rigides, portail et un mur de briques et de pierres. Le MAP quant à lui est debout, avec de l’herbe sur le sommet, l’enduit de plâtre est tombé, et il est effondré çà et là (ondulation du sommet). Cette parcelle est habitée par un campement de manouches. Les fils électriques forment une vraie toile d’araignée et sont tous raccordés sur le même poteau. • 162 rue de Rosny, une friche se développe derrière un grillage de panneaux rigides. Un bout de MAP dépasse. Il a été enduit d’une couche blanche (plâtre ?) • 160, un nouveau campement. Seul des tôles sont visibles. • 158, parcelle de décharge municipale. Au fond, un mur sur lequel du lierre pousse. Il est presque intégralement recouvert. Ce mur donne sur l’extrémité de la première friche de la rue Saint Antoine. • 156-144 logements abandonnés et certains habités. Leurs façades laissent sceptiques concernant la salubrité des lieux. • 142, un morceau de mur collé à une maison indique la présence d’un jardin derrière. Il est ouvert par une porte (qui est en bois, close, abimée). Le mur tagué, dont certains morceaux de crépis sont tombés, laisse voir les pierres. Un enduit plus grisâtre domine sur la longueur du mur. Des pierres apparentes sont le support de pousse de plantes. L’extrémité du mur se fait par un raccord de briques, et de pierres. Ce raccord se fait, en venant s’insérer le long du mur, mais il ne le chevauche pas totalement. Ce qui nous laisse la possibilité de voir la structure interne du mur. (Morceau de silex). L’entrée de la rue Saint Antoine est marquée par un morceau de mur, haut, partiellement effondré, par endroit éventré, permettant de voir les pierres de silex le composant. Des tôles sont positionnées devant afin de le mettre en
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sécurité et d’éviter toutes chutes de pierres ou de murs. (Au niveau du 2 rue Saint Antoine). Le mur est également enduit par endroit de béton et les poubelles sont reines. Des tôles bouchent les trous et des tags sont visibles. 1 rue St Antoine, un morceau de mur derrière des grilles rigides apparait. Il est en ruine, effondré, la multitude de pierres de silex tombe progressivement. La végétation envahit l’espace ainsi que les poubelles en tous genres. Un recul du mur laisse un espace d’herbe et d’ordures. Le mur est éventré, tagué, partiellement tombé et couvert de végétation. Les pierres sont apparentes par endroits. Des morceaux de poutres et autres ordures dépassent du mur. Du béton vient même recouvrir le mur et tombe par endroits. Un autre morceau de mur (plus de type habitat) vient se greffer en ajoutant agglos et briques sur le mur existant. La parcelle suivante est celle de l’association Rêve de terre fondée il y a 15 ans. J’ai rencontré Pierre et Sylvain, deux des 5 membres de l’asso. Ils s’y retrouvent tous les samedis après-midi. L’asso fait partie de l’association Sens de l’Humus et de MAP. Au début c’était une AMAP et ils voulaient produire un peu de légumes pour leur consommation personnelle. La mairie leur a confié une parcelle classée boisée, ce qui signifie qu’en théorie, ils ne doivent pas toucher aux arbres. Ils ont demandé à la mairie s’ils pouvaient supprimer un peu de la végétation afin d’ouvrir la parcelle et de pouvoir cultiver et un jour, un bulldozer a tout nettoyer. Plus aucun arbre ne subsiste. La mairie souhaitait fermer la parcelle avec du grillage mais les membres de l’asso ne souhaitaient pas s’enfermer. Les panneaux de grillages n’ont pas duré car ils ont été enlevés par les gitans afin de pouvoir circuler à leurs guises sur les parcelles. Pierre et Sylvain viennent donc cultiver tant bien que mal des légumes car ils ne sont pas en trop en bon terme avec les gitans. La communauté qui vit sur la rue Saint Antoine ne voit pas d’un bon œil l’arrivée d’association car c’est une entrave à l’extension de leur communauté et un terrain en moins sur leur territoire. De ce fait, ils viennent régulièrement déposer des ordures et faire leurs besoins pour embêter les membres de l’asso. La parcelle la plus proche de la rue est donc le lieu de culture et de test des membres de l’asso (topinambours, artichauts, pomme, vigne, sauge, cassis, bulbes…). Ils nettoient et entretiennent un peu les passages menant sur la parcelle qui est la plus au fond et qui est couverte de végétation. (Taille de lierre, arbustes, mise ne place de BRF sur les cheminements, ramassage des ordures…) il y a un problème de pollution des sols (cuivre, plomb et arsenic). Ils ont tenté de faire participer les montreuillois sans succès « les gens bien des immeuble n’aiment pas trop venir marcher dans la merde des roms ». Pierre me parle également de l’urbanisation des MAP car certaines parcelles sont propriété du département et d’autres de la mairie. Avec le grand Paris, la population de Montreuil risque de croitre, il faut donc loger les gens, prévoir les infrastructures de transport… (tram et hangar). « Si la population des MAP tenait réellement à son patrimoine, elle aurait pu réaliser des actions comme à notre Dame des Landes ! » Occuper le territoire pour éviter que les parcelles ne soient grignotées au fur et à mesure des plans d’urbanisme successifs et plus particulièrement le dernier en date. Des membres des MAP commencent à prendre conscience que ce type d’action pouvait être possible, mais cela se fait un peu tardivement. Etant donné les baisses des dotations, le financement du futur tram n’est pas encore acté, les murs ont encore un peu de répit avant la prochaine disparition. La parcelle a fait l’objet d’un projet. « Une fille du design » a proposé une cabane et un aménagement pour la rendre plus attractive et agréable. Son projet n’avait pas l’air de plaire aux membres de l’association car il n’a pas été fait en concertation avec eux, mais plutôt en plaquant une idée sur le site. Ce projet s’est fait en lien avec le Collectif 14 (collectif d’architecte) et Rue et Cité (association pour l’éducation de l’enfance). Il me montre aussi les arbres coupés « sauvagement » pour faire du bois de chauffe pour les roms. Pierre souhaite que les parcelles vivent, soient restructurées et réaménagées pour que les gens y reviennent. Mais il ne veut pas qu’on l’on dise aux gens quoi faire, il préfère leurs donner le choix d’inventer leurs propres expériences du lieu. Il cite également Philippe Boyer et Peter Benoit qui sont en charge de l’Estivale de la permaculture. Il m’explique également le conflit qu’il existe entre la communauté gitane qui vit là depuis près de 100ans et les roms qui sont venus sur les friches aux alentours. Les gitans n’aiment pas que les roms s’accaparent leur territoire, le territoire des MAP. Il y a donc des règlements de compte au flash-Ball de temps à autre. La communauté manouche qui au début n’était composée que de quelques membres, s’agrandit à chaque génération et s’étale sur les parcelles de la rue Saint Antoine. Les MAP de la parcelle et de celles qui la jouxtent sont éventrés (trous bouchés par des plaques de bois, tôles..), effondrés et certains sont totalement en ruine. Ceux qui sont les mieux conservés sont ceux qui sont couverts de lierres. D’autres ont fait l’objet d’une couverture de tuiles et d’un enduit de plâtre assez récemment. De nombreuses ordures, déjections humaines et bouteilles d’urines ponctuent régulièrement la parcelle. L’enduit de plâtre verdi par le temps tombe, laissant apparaitre le mur. Le plâtre tombe par plaque, via les différentes fissures. Annexe 11 COMPTE RENDU DU SAMEDI 9 DECEMBRE 2017
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• 34 rue Saint Antoine, mur enduit de béton, chapeauté par du barbelé. Un grand portail en acier noir indique que la parcelle est surveillée et qu’elle est propriété d’une entreprise située rue de Dombasle. • 36 rue saint Antoine, maison qui semble inoccupée. Mur fendu et éventré. Une tôle bouche le trou. L’herbe pousse dessus. Le plâtre tombe par endroits, mais il est présent sur une grande partie du mur (enduit récent ?), les pierres sont apparentes. Un portail vient se greffer sur le mur via un pilier de béton. • 29, rue saint Antoine, mur tombé et par endroit éventré, plâtre qui tombe par plaques, laissant les pierres visibles. Des couches de bétons viennent couvrir çà et là le mur. • 60, maison de Geneviève (dernière horticultrice de Montreuil), siège des assos MAP et jardin du Poulpier. Mur avec plâtre, enduit de béton, tôles, grille rigide et panneaux de bois. Quelques pierres sont apparentes, la végétation pousse sur le sommet du mur et par endroits dans des cavités laissées par des pierres manquantes. • 46, mur sur lequel se greffe des agglos, des briques et du béton. Le mur est éventré à son extrémité. La végétation bouche le trou. Parcelle après le jardin de Poulpier : décharge. Un morceau de mur sert de support à une grille rigide qui elle-même retient un tas d’ordures et de terre. Le mur éventré est colonisé par les plantes, et est rafistolé par endroits par du béton coulé en bande. Du plâtre et du béton ont été jetés pour boucher certains trous. • 43, mur sur lequel vient s’ajouter des briques, grandes pierres, du béton. Un enduit plus récent de plâtre a été fait. • 35, le mur est colonisé par le lierre, le plâtre est toujours visible est recouvre le mur. • 54, mur de tôle • 46, parcelle boisée • 18, mur enduit de crépit, entreprise • 17, mur de briques. • 15, maison, muret peint en blanc • 14, mur reconstitué de pierres (silex) et végétation, maison • 14bis, mur partiellement effondré, avec nouvel enduit de plâtre sur l’ancien et des panneaux de bois viennent obstrués la partie du mur effondrée. • 12, maison • 13, mur bétonné avec pierres apparentes. • 13bis, muret en parement de brique, grille, maison • 11, mur enduit de crépit gris, chapeau de béton, maison • 10-8, entreprise • 6, maison • 1 Rue Saint Just, mur ondulant, penché, enduit de plâtre, plaques de plâtres manquantes, pierres apparentes, lierre sur le haut. • 3 campement manouche mur de béton et MAP enduit de crépit (peu visible de loin pour savoir si c’est du crépit ou du plâtre.) • 5, friche avec jardins partagés, grilles rigides et panneaux de béton. • 19 rue Saint Just, entreprises, j’entre dans la cours ou se trouve les locaux du Collectif 14, Apiterra et 2 autres associations. Dans la cours se trouve des morceaux de murs. Recouvert par de la vigne vierge, ils sont enduits de béton pour les maintenir debout. Ils sont ondulants, preuve de la mouvance des matériaux avec lesquels ils sont construits. • 21 rue Saint Just, une grille marque la limite d’une friche donnant sur la cours des entreprises situées au 19. Sur la limite gauche, un reste de mur est enduit de plâtre et de béton. Il est majoritairement couvert par le lierre. Des tags ont été réalisés. Impasse Gobétue, dans cette impasse on peut voir des murs restaurés selon les techniques employés par les horticulteurs au moment de l’exploitation des MAP, des murs enduits de plâtre grossièrement, consolidés avec du béton, des agglos, des tôles, des ganivelles permettant de boucher les trous, l’herbe pousse en haut des murs à certains endroits. Des panneaux de béton remplacent également les MAP. Certains sont tagués. Des murs ont été enduits via un coffrage avec du plâtre pour les mettre en sécurité. Un chaperon de plâtre est aussi visible, des chaperons de tuiles sont aussi observables. Les murs sont bombés, sinueux, penchant tantôt sur le chemin, tantôt côté jardin. Les murs situés au niveau des numéros 15 et 17 sont restaurés et côtoient des portails d’acier. Les murs dans les jardins familiaux
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sont restaurés partiellement selon les techniques ancestrales, sinon ils sont restaurés lorsque cela est nécessaire. Le même constat peut être fait dans les parcelles des jardins partagés : murs restaurés, partiellement restaurés, effondrés se côtoient. Les trous sont bouchés par des panneaux de bois. Les murs restaurés sont palissés de rosiers et plantés à leurs pieds par des vivaces. Au carrefour du rond-point faisant le carrefour des rues Saint Just, Pierre de Montreuil et Paul Doumer, un morceau de mur est cadré par des panneaux de béton, des panneaux de bois et d’agglos. L’enduit partiellement restant est tagué par une grande fresque représentant des figures fantastiques. Les pierres sont apparentes. • 51 rue pierre de Montreuil, le mur consolidé avec du béton est visible depuis le portail et les panneaux de bois qui marquent la limite de la parcelle. C’est une parcelle qui sert d’aire de stockage à un privé. Le mur laisse voir ses pierres. Des tuiles ont été installées pour le protéger des intempéries. Des tôles très hautes (4m) sont installées devant le mur pour éviter des chutes de pierres voire de murs. • 61, une grille de bois, portail de bois marquent l’entrée de la prairie. Un mur de briques est couvert de lierre. Des tôles bouchent des trous dans le mur de briques. Des tas de terre et de pierres sont peut-être des indicateurs de murs complétement effondrés. • 63 rue Pierre de Montreuil, mur enduit de plâtre, restauré, accès aux jardins familiaux. L’enduit de plâtre commence à une cinquantaine de centimètres du sol. Le sous-bassement laisse de grosses pierres apparentes. Un chaperon de plâtre chapote le mur. Dans les jardins familiaux, les murs sont éventrés, couverts de lierre, fissurés, les trous sont obstrués par des panneaux de bois, des tôles. Les murs sont restaurés aléatoirement pour leurs mises en sécurité. Les enduits de plâtre laissent toujours voir les pierres et les structures internes des murs. • 65 rue Pierre de Montreuil, théâtre de verdure, murs éventrés et effondrés. Ils sont recouverts par endroits par du lierre. Les trous sont bouchés par des panneaux de bois. Les enduits de plâtres tombent et sont fissurés. Le haut du mur est ondulant à cause des effondrements successifs et aléatoires. Un mur ajouré par des formes de demi-lunes est construit avec des pierres de silex. C’est assez troublant car les pierres rappellent fortement la structure des MAP, mais la forme et le classement de la zone ne permettrait pas une telle intervention sur des MAP. Les demi-lunes sont grillagées et des arbres à papillons, lierre et autres arbustes poussent à travers le grillage. Le mur dans la parcelle est effondré, enduit de plâtre récent sur le haut et le bas n’a pas fait l’objet d’un enduit plus récent. Au niveau d’une zone totalement effondré, un tas de pierres est l’unique vestige du mur. Les pierres ont sûrement été mises en tas afin de pouvoir créer un passage. • 69, Les Lez ‘arts dans les murs, portail de planches de bois sculptées à la tronçonneuse. A l’intérieur des parcelles, les murs sont restaurés selon les techniques traditionnelles, d’autres sont enduits de plâtre afin de les restaurer sans qu’ils soient à l’image ancestrale des MAP. D’autres sont effondrés et colonisés par le lierre et les végétaux. En entrant, j’ai rencontré Aurélien ROL-TANGUY, paysagiste DPLG de Bordeaux, un des fondateurs de l’association les Lez ’arts (les autres sont Sam et Pierre Laffont). Il m’explique les objectifs de l’association : le spectacle et l’art, l’aide aux devoirs (éducation) et la restauration des murs. Un autre volet est envisagé : ouvrir une guinguette sur la période estivale. L’ensemble des structures présentent sur la parcelle (scène, roulotte, terrasse, mobilier) a été construit par l’association. Une parcelle est plantée de fruitiers et d’un petit jardin, une parcelle possède une marre écologique et une autre est composée d’un jardin. Les personnes s’occupant de ces parcelles ne sont pas présentées depuis plusieurs mois. La parcelle principale est celle qui accueille la scène, le chapiteau abritant les tables et le petit bar. Un puit est aussi implanté sur les parcelles. Les murs restaurés ont été faits avec Loïc et Charles, mais aussi avec une association de jeunes européens qui restaure le patrimoine. Selon Aurélien, les MAP sont un vrai labyrinthe mais c’est aussi une mosaïque, une mosaïque de parcelles, d’occupations. Les noms de Jacques Fontini la mémoire vivante des MAP, habitant impasse Gobétue a été évoqué, Nicola Bonnevant et Fabien David sont les paysagistes ayant travaillé sur le diag des MAP pour Coloco. J’ai croisé à nouveau Loïc, qui m’a reconnu et on a parlé de Pascal Mage le président des MAP. • 71 rue pierre de Montreuil, maison, mur d’agglos, chaperon de tuiles, muret d’agglos avec grille en béton, puis de nouveau mur d’agglos chaperon de tuiles. Un tag indiquant les Lez ‘arts dans les murs est fait sous forme d’une grande fresque. • 71bis, portail d’acier tagué par la fresque des Lez ‘arts, parcelle privée. Annexe 11 COMPTE RENDU DU SAMEDI 9 DECEMBRE 2017
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• 75, mur de briques, entrée de l’entreprise de rondins de bois. • 77, mur de briques, portail de bois donnant l’accès à la future parcelle musée de la mairie, murs en restauration par Loïc et Charles. Puit mitoyen et murs effondrés, couverts de lierre e de végétation du côté de l’entreprise. • 79, parcelle du Secours Catholique. Un grillage et des tôles ferment la parcelle côté rue. Les murs intérieurs sont en cours de restauration côté parcelle musée et effondrés, éventrés coté friche. Ils sont presque intégralement colonisés par la végétation. Parcelle privée, portail d’acier, cadenassé, murs d’agglos avec crépis et tuiles pour le faitage. Des tôles servent de murs et d’autres obstruent les percées dans le mur. Si l’on pousse un peu les tôles, la végétation dense ne permet pas le passage au travers de ce petit trou. Parcelle privée, portail de bois, mur d’agglos et crépis partiel. Des plaques de crépis sont tombées. Le lierre pousse sur le haut du mur, un enduit de béton gris foncé semble indiquer une mise en sécurité récente. • 81, portail de bois, pilier de briques, murs en crépis. Le lierre a poussé au-dessus du mur. Des tuiles permettent au mur d’être protégé des intempéries. • 83, derrière des tôles, une maison et un mur enduit de béton. Des morceaux de verres sont coulés sur le haut du mur (défense). Portail de d’acier. Le mur visible laisse voir des pierres entre les coulures de plâtre et béton. • 85, parcelle privée, mur en béton et agglos qui entourent une relique de mur. Le protégeant ainsi des agressions du temps. Le béton semble avoir été coulé afin d’envelopper le mur d’une coque protectrice. Portail d’acier (plus ou moins tôles). • 87 cirque, grille rigide colonisée par la clématite. Sur la limite droite de la parcelle, un mur enduit/enveloppé de béton, pierres apparentes. • 89, maison des murs à pêches • 95, entreprise, morceau de mur effondré, sur un petit bout de friche. Couverture de béton. • 97 EIF entreprise • 99-103 friche derrière panneaux de grillage rigide qui ne sont plus fixés, permettant un passage plus aisé à la friche, dépôts d’ordures, morceaux de murs effondrés, colonisés la végétation. Bout de mur derrière panneaux rigides, végétation envahissante. Planche de bois (on dirait une porte) qui obstrue une ouverture. Aujourd’hui, j’observe que des roms sont sur la friche, ils creusent, tapent avec des pelles. On dirait qu’ils découpent des souches et des branches aussi. Il y a un feu. Les enfants participent à la tâche. Ils sont à peu près une demi-douzaine. Etant donné leurs positions en fond de friche, ils ont probablement eu accès à cet endroit par les friches et le chemin donnant au fond de la rue Saint Antoine. • 105, maison derrière portail en acier. Le mur est entretenu et restauré avec les moyens du bord (plâtre récent çà et là), un rosier grimpant est palissé et des plantes grimpantes courent dessus. • 107, maison close, muret de briques avec grille en fer forgé sur laquelle court une glycine. Un mur de d’agglos enduit de crépis vient se greffer le MAP. Enduit de plâtre, rafistolé avec des briques, béton, pierres. Il est tagué. Le lierre et la glycine ont colonisé le mur. A l’angle, le mur est effondré et un trou permet d’apercevoir la friche qu’il y a dans le jardin. Un autre mur est tagué, l’enduit est fissuré, effondré, comblé avec des grilles de fer forgé et des tôles. Le lierre pousse par endroits. Le mur gondole et bombe par endroits. La friche le long de la rue de Nouvelle France, dépôts d’ordures sauvages, la végétation court sur les murs et les protège. L’enduit de plâtre porte encore les traces de doigts des anciens qui appliquaient le plâtre à main nue.
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