Son concret, espace et temps

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MORE THAN MEETS THE EYE

Son concret, espace et temps

l'architecture comme rĂŠvĂŠlatrice du potentiel sonore de l'interstice

Othmane Laraki


1 Daniel Liebeskind, Musical Labyrinth (Cosentino), 2009 2 Peter Cook, Bloch City, 1983 3 Iannis Xenakis, Pavillon Philips, 1958 4 Nikola Basic, Orgue marine de Zadar, 2005

1 - l'architecte s'inspire de la composition musicale

2 - l'architecte réalise une translation directe partition - architecture

3 - l'architecte corrèle les méthodes de composition

4 - l'architecte utilise les caractéristiques de l'espace pour générer ou exacerber des qualités sonores

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Nous vivons une époque qui n’a rien de commun avec les temps qui ont précédé : les révolutions industrielles et technologiques ont pourvu l’homme de moyens lui permettant de repousser ses limites, amenant ainsi tous les superlatifs à s’appliquer à ce début de XXIe siècle. Le temps lui-même fait débat dans une société mondialisée et hyper connectée qui veut s’affranchir du temps et de ses limites – plus vite, plus loin. Transports toujours plus rapides, moyens de communication instantanée, standardisation de la culture, etc. sont autant de pistes qui suggèrent la transition continue vers un monde sans distance et sans temporalité. Si, de tout temps, l’utilisation de moyens technologiques en perpétuelle évolution affranchit l’homme de ses limites, la généralisation de la vitesse, de la proximité et de l’immédiateté implique paradoxalement immobilité et passivité. L’homme vit dans une sédentarité invasive. S’engage-t-il dans cette voie aux dépens d’un rapport sensuel au lieu, et d’une perception différentiée de l’espace-temps ?

L’architecture a le pouvoir “de créer un lien entre l’homme et le monde” 1 , de lui permettre de se le représenter et de ressentir son Umwelt 2 . La conception d’espaces doit assister l’homme dans son réveil au monde et à sa conscience d’être, se distançant d’une approche qui exacerbe fonctionnalité et performance à grands renforts de nouvelles technologies. L’espace-temps n’est pas seulement un terrain de trivialité et de pratiques quotidiennes ; il présente un potentiel transcendantal qui peut – et devrait – être exploré par tout un chacun. Dans un monde en constant mouvement, il incombe à l’homme de reconnaître et d’exploiter le pouvoir d’exercer sa sensibilité dans des rythmes échappant à la segmentation normative du temps. Mon projet thèse tente de projeter une architecture sensible accueillant une pluralité d’expériences perceptuelles du site afin de reconnecter avec « ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’homme » 3, et à donner à l’individu la place qui lui incombe dans la « création » de sa réalité. A l’instar de « la main qui pense » de Pallasmaa, notre rapport à l’environnement – conditionné par notre perception – est partie de ce qui nous permet d’exister en rapport à ce dernier, et cela implique notre corps comme unité de savoir et de perception. Pallasmaa, lui, défend que seule une unicité de corps et d’esprit permet l’acte de création, et prône à cet effet la fusion totale du mental et de la capacité manuelle ; mon projet en appelle plutôt à une

expérience physique du son comme medium d’ancrage dans le monde, et comme élément de conscientisation.

En effet, dans notre quotidien occulocentriste, l’oreille humaine est trop souvent sous-estimée, sa capacité à sculpter l’espace passée sous silence. Bien souvent, pourtant, la musique a captivé par sa spatialité. Le son peut s’explorer de manière physique ou plus abstraite qui, selon Sven Sterken, peut se faire sur deux niveaux : de manière intellectuelle ou phénoménologique. La méthode intellectuelle se base sur le langage des proportions dans le but d’élaborer une méthode dans l’écriture d’une composition ou d’un projet : « la musique est de l’architecture figée », comme disait Goethe. L’architecte s’appliquera alors à corréler les méthodes de composition, à s’inspirer de la composition musicale, ou encore à réaliser une translation directe de la partition au projet architectural. Bien souvent, de telles méthodes aspirent à transposer dans l’espace l’harmonie d’une pièce musicale, selon des canons plus ou moins littéraux. On parlerait donc de spatialisation de la musique. L’approche phénoménologique, quant à elle, va plutôt impliquer une « musicalisation » de l’espace, et s’intéressera à l’impact sur le visiteur en utilisant des caractéristiques de l’espace pour générer ou exacerber des qualités sonores. Toutefois, beaucoup de projets se réclamant d’une approche phénoménologique (comme l’orgue marin de Nikola Basic, ou encore le Métaphone d’Oignies d’Isabelle Herault) « traduisent » l’environnement en sons musicaux. La musicalité du projet implique une conception favorisant le plaisir que suscitent certaines harmonies, plutôt que le son propre. La note est certes provoquée par un stimuli extérieur propre à l’environnement, mais son expression est contrôlée et prévisible : l’instrument architectural chantera – selon la fréquence du vent ou des vagues, par exemple – mais chantera toujours les mêmes notes. Je m’intéresse plutôt à une attitude permettant à l’oreille humaine de « rompre ce cercle restreint de sons purs et conquérir la variété infinie des sons-bruits » 4, que la ville offre au quotidien avec abondance et desquels nous nous retranchons sans discernement. En effet, aujourd’hui, nous préférons souvent être dans le contrôle de la bande-son de notre vie (quitte à en venir à l’usage fréquent d’écouteurs). Comme le pensait Russolo, la musique a atteint un point où elle n’a plus le pouvoir de stimuler ou d’inspirer, mais suscite

Juhani Pallasmaa (trad. Etienne Schelstraete), La Main qui Pense : Pour une architecture sensible [« The Thinking Hand: Existential and Embodied Wisdom in Architecture »], Actes sud, 2013 (ISBN 2330012403) 2 Selon Jakob von Uexküll et Thomas A. Sebeok, l'Umwelt désigne l’environnement sensoriel propre à une espèce ou un individu, mieux rendu en Français par l'expression de « monde propre » 3 Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, coll. « Folio Essais » (ISBN 2-07-032288-2) 4 Luigi Russolo, L’art des bruits, 1913 3 1


au contraire l’attente, et est donc utilisée comme un outil quotidien – non comme un potentiel élément de connexion au monde. Il s’agit maintenant d’explorer l’univers sonore de la ville pour re-sensibiliser l’oreille au son pur, et non à son orchestration.

Une telle architecture trouverait un terrain idéal dans les paysages entropiques de la voie ferrée du Canadian Pacific. Cette dernière porte en elle une dilatation de l’espacetemps qui n’est pas sans évoquer un paysage « fragmenté, hybride, incertain, persistant au désastre » 5 dans lequel les repères visuels que nous adoptons d’habitude dans la ville se retrouvent désuets. Dans l’état actuel du monde, le paysage fragmenté et entropique du chemin de fer constitue un instrument méthodologique qui révèle un état de crise, et est doté d’un pouvoir critique mais aussi d’une dimension existentielle liée à l’expérience de la perte.

(incinérateur, entrepôts, …), soit dans une requalification visant un usage dans l’esprit de notre époque. Toutefois, une réhabilitation de ces espaces délaissés offre également l’opportunité d’aborder l’interstice dans un ressenti sensible de ce dernier et de vivre des rythmes différents de ceux de la ville environnante ou de la maison. La lisière intègre la multiplicité plastique dont elle est faite dans son affirmation en tant qu’unité brisée. Ce “génie du lieu” de la lisière, “ce qui distingue ce lieu de tous les autres, ce qui fait qu’il a sur notre esprit une emprise particulière” 6 appelle donc à en saisir l’esprit sauvage et entropique afin d’en préserver l’essence, sans le dénaturer par une intervention directe.

La lisière apporte un dessaisissement qui met en question l’illusion d’une maîtrise absolue. Ce réel est rebelle à l’ordre de l’esprit – dont nous appliquons souvent le contrôle au quotidien ; les ruines nous le rappellent, et invitent ainsi à une expérience ontologique. En effet, nous sommes rendus à simplement éprouver intensément les forces à l’oeuvre, et faisons l’expérience d’un décentrement salutaire, d’un oubli de soi au profit du sens du destin. L’expérience ambigüe de la lisière se fait dans la confrontation du paysage ferroviaire - hors du temps, en marge de l’espace urbain générique – et de celui de la ville dans sa généricité. Le contraste induit relève du non-défini, du non-planifié, du possible et du renouveau ; elle en appelle à une approche composant avec l’esprit du lieu dans son essence, et avec notre rapport à ce dernier.

Cet interstice que représente le passage du Canadian Pacific dans le paysage urbain est également une faille dans le temps. Le bâti construit de la lisière appartient, dans une certaine mesure, à l’ère du rail, et les typologies architecturales qui le caractérisent tombent aujourd’hui soit dans la désuétude

Irena Latek, «Des mésaventures de l’architecture symbolique et des symboliques des espaces en crises – ou comment unir l’utopie, l’entropie et l’écotopie» dans Architecture symbolique et renouveau d'espaces marginalisés, accepté, (sous la dir. de Franck Chignier-Riboulon), Éditions de l'Espérou, Montpellier, 2014. 6 Michel Butor, Le génie du lieu, Volume 199 de Cahiers rouges, B. Grasset, 1994 (ISBN 2246108225) 5

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Googlemaps, vue aérienne du site avant l'intervention, Google, 2017

09/01/2018

09/01/2018

Google Maps

Google Maps

Images ©2018 Google, Données cartographiques ©2018 Google

20 m

https://www.google.ca/maps/@45.5386825,-73.5629653,194a,35y,22.27h,50.52t/data=!3m1!1e3

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Images ©2018 Google, Données cartographiques ©2018 Google

20 m

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Façades de la génératrice avant l'intervention

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Mes études sur le terrain – principalement constituées de photographies, tektons, et enregistrements sonores - mettent en évidence les qualités sensorielles que recèle cette brèche ferroviaire. Elles amènent à considérer la lisière comme territoire qui en appelle au ressenti sensible. Les paysages qui la constituent ne sont pas seulement visibles. Ils sont aussi - et peut-être même surtout - sonores. Le statut de ce territoire en marge de la réalité urbaine environnante en fait un point de distillation des paysages sonores de la ville. D’ailleurs, l’enregistrement de sons concrets échappant à la prévision et au contrôle est central à ma recherche-création dès le début. En effet, l’appréhension de paysages sonores se fait en se laissant glisser le long de lignes de forces acoustiques : nous découvrons la lisière comme un florilège de cristallisations d’ambiances particulières, allant de l’organique à l’industriel, de tons chaleureux et touffus à des atmosphères minérales plus froides.

Mon projet instille des « antichambres » à une expérience immédiate et absolue du paysage sonore de la lisière. Il introduit un ressenti du paysage sonore à l’échelle de l’espace physique éprouvé, une invitation à la transgression ainsi qu’une expérience de l’interstice à différentes échelles : à l’échelle urbaine (vivre une « chambre » de la lisière en retrait du contrôle de la ville), à l’échelle du parcours (on suit un chemin duquel on dévie pour « tomber » dans une expérience spatiale et acoustique spécifique), et à l’échelle de l’imagination. Il s’agit d’amener le visiteur à réaliser son pouvoir de synthèse de l’espace ressenti par des évènements sonores et architecturaux imprévisibles et rebelles à l’ordre de l’esprit, ancrés dans le rapport entropique entretenu avec le lieu et le temps. La chorégraphie d’expériences sonores proposées est intensifiée par le parcours architectural distillant l’essence d’un point particulier de la lisière. Ce point, localisé sous le viaduc de la rue Rachel E., est choisi en raison de la richesse de son paysage sonore, imputable à la faible densité de bâti alentour, à la présence d’un axe de circulation sur une infrastructure routière « bavarde », et à une topographie

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forte qui amène les sons à s’y distiller. Le passage du chemin de fer y instille une entropie palpable - tant dans le vécu acoustique que tactile et visuel. Des dispositifs sonores à échelle architecturale et une programmation spontanée et imprévisible amènent à une exacerbation de la perception auditive qui trouve dans le parcours un terrain d’application en mouvement perpétuel, un fil d’Ariane acousmatique. Le visiteur est alors conduit - tant acoustiquement que physiquement - jusqu’en dessous du viaduc, limites qu’on est informellement invité à transgresser dans la continuité de son expérience. Ce parcours a une certaine résonnance, une intrigante composition éphémère propre à chaque instant, à chaque personne, à chaque positionnement. Espace et temps se répondent au travers de nos perceptions auditives et visuelles.


1 Danylewick, Salvail-Lacoste, carte de discernement: son dans la lisière, 2017 2 Ladouceur, Séguin, carte de discernement: déplacements, 2017

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Présences de déplacements

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Harpe éolienne

cordes filées Ø 1.6 - 7.2 mm

mar avr

nov

~ 6-7 kts

mar avr

~ 6 kts

jan fév mai juin juil

~ 6 kts

août sept oct déc

~ 8 kts

jan août fév sept mai oct juin déc juil ~ 8 kts

CAN.1

incidence et superposition des flots sonores

filt. 1

A

Canaux

CAN.2

diaphragmes, résonateurs membranes

filt. 1

matériaux poreux derrières panneaux non perforés

C

ex.: panneaux de contreplaqués minces montés en lambris avec insertion de laine minérale dans le plénum

incidence et superposition des flots sonores

filt. 1

A

CAN.3

filt. 1

diaphragmes, résonateurs membranes

résonateurs perforés

matériaux poreux derrière des panneaux perforés

CAN.1

matériaux poreux derrières panneaux non perforés

C

ex.: panneaux de contreplaqués minces montés en lambris avec insertion de laine minérale dans le plénum

tonnerre des voitures sur la dalle de pont drones, vibrations

< 300 Hz

B filt. 1

filt. 1

A

ex : combinaison d’un incidence et matériau poreux avecsuperposition un résonateur de des flots sonores perforés Helmholtz ou panneaux

A

discussions, klaxons, clochers

A

diaphragmes, résonateurs membranes

filt. 1

matériaux poreux derrières panneaux non perforés

C

ex.: panneaux de contreplaqués minces montés en lambris avec insertion de laine minérale dans le plénum

tonnerre des voitures sur la dalle de pont drones, vibrations

C

absorption poreuse

matériaux poreux non recouverts < 300 Hz

CAN.3

B

filt. 1

laines, mousses a cellules ouvertes, matériaux poreux écologiques avec e > 0.25x340/f

B CAN.1

CAN.2

résonateurs perforés

matériaux poreux derrière des panneaux perforés

filt. 2

B CAN.3

B

résonateurs perforés

matériaux poreux derrière des panneaux perforés

filt. 2

C

B

ex : combinaison d’un matériau poreux avec un résonateur de Helmholtz ou panneaux perforés

300 Hz - 1500 Hz

> 1400 Hz

C

matériaux poreux non recouverts

filt. 2

discussions, klaxons, clochers

laines, mousses a cellules ouvertes, matériaux poreux écologiques avec e > 0.25x340/f

sons stridents, “ultrasons” urbains

Hz

A

Def.

> 1400 Hz

300 Hz - 1500 Hz

Hz 16-32 32-512

isolation acoustique inter-canaux

512-2048

absorbant poreux (e > 85cm pour efficacité sous 100Hz)

2048-8192

revêtement de verre réverberation + directionnalité de la diffusion sonore

C

absorption poreuse

matériaux poreux non recouverts

* il y’a une multitude de combinaisons de filtres différentes, selon la construction sonore recherchée

laines, mousses a cellules ouvertes, matériaux poreux écologiques avec e > 0.25x340/f

sons stridents, “ultrasons” urbains

sons stridents, “ultrasons” urbains

discussions, klaxons, clochers

absorption poreuse

ex : combinaison d’un matériau poreux avec un résonateur de Helmholtz ou panneaux perforés

B

300 Hz - 1500 Hz

tonnerre des voitures sur la dalle deCAN.2 pont drones, vibrations

< 300 Hz

filt. 1

A

16-32

extrême audible par l’oreille humaine

i

i

Def.

32-512 extrême audible par l’oreille humaine

rythmes (upper/lower bass notes)

rythmes (upper/lower bass notes)

512-2048 intelligibilité de locution (horn-like)

intelligibilité de locution (horn-like)

présence de discours (labial and fricative sounds)

2048-8192

présence de discours (labial and fricative sounds)

8192-16384

éclat (cloches, cymbales, gêne dans le discours)

16384-32768

éclat ++ (sons nébuleux juste au dessous de l’audible)

8192-16384

éclat (cloches, cymbales, gêne dans le discours)

16384-32768

éclat ++ (sons nébuleux juste au dessous de l’audible)

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Une atmosphère feutrée vient d’abord englober le corps dans un glissement longeant la génératrice, et rythmé visuellement par la façade de cette dernière. Le contraste entre la rigueur de la composition de façade, et le ronronnement sourd dans lequel le corps est plongé – distillation des sons de conversations et rumeur lointaine de la ville épanchés dans l’épaisseur du feutre – laissent présager la nature du reste de l’expérience.

L’immersion haptique et acoustique croît alors jusqu’à atteindre un paroxysme dans le cocon feutré qui se fait seuil à l’incision pratiquée au coin du bâtiment, laquelle laisse déjà prévoir un schisme auditif, un retour à une minéralité froide et industrielle des paysages entropiques de la ville, appuyée par des sons réverbérés sur le béton et la structure métallique du plafond que l’on n’entrevoit alors qu’à peine. La variation brusque de hauteur à laquelle vient faire écho ce nouveau champ acoustique meut verticalement dès le passage de cette incision de la façade existante. Puis, le visiteur se glisse au travers d’univers sonores différents conditionnés par des panneaux acoustiques pivotants, sautant d’un palier expérientiel à un autre.

Enfin, les canaux ! On vient s’engouffrer dans un instrument dans lequel chacun compose, par son parcours propre, une symphonie au paysage acoustique de la ville. Les coups de tonnerre des voitures sur la dalle du pont viennent parfois rejoindre le flot sonique des conversations de passants flottant comme des nuages dans l’espace, ou intercepter la portée acoustique d’un lointain clocher dont le tintement vient créer un imaginaire variable selon le placement du corps. Les canaux déversent dans l’espace des flots acoustiques distincts, chacun ayant son caractère propre. Le visiteur lie tout cela dans son rapport à cette architecture, créant des océans d’évocations sensibles selon l’embouchure des fleuves acoustiques où il se trouve.

L’expérimentation des différentes combinaisons acoustiques de cet instrument aboutit irrémédiablement au glissement vers le chemin de fer. Une fois sorti de l’instrument, le son qui accompagne nos derniers pas trouve écho de l’autre côté du pont. Le seul passage direct vers ce gigantesque écho, tant formel qu’acoustique, est la chambre sous le viaduc. Cette dernière lie informellement les deux instruments. Tandis que les canaux nous accompagnent d’une pièce jouée par le vent sur les cordes d’une harpe éolienne dont l’intensité va en s’atténuant selon que l’on s’en éloigne, une

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seconde harpe à plus grande échelle nous interpelle par son jeu puisant dans la même matière, mais modulé avec plus de richesse. La chambre sous le viaduc est analogue au « bridge » dans la composition. En musique, un « pont » est un court passage, plus ou moins développé, servant de transition entre deux phrases ou deux sections d'une œuvre – comme le silence entre les mots. Ici, la chambre permet de synthétiser émotionnellement l’expérience faite dans la première partie du parcours, et conditionne la fin du parcours ; mais elle induit surtout le début de cette sensibilisation au paysage acoustique urbain et à la spatialité qui lui incombe au quotidien. Ainsi, on glisse des canaux à la harpe qui vient scinder la butte de l’autre côté du viaduc. Le visiteur s’y engouffre comme dans un canyon laissant résonner les cordes sous les doigts du vent, et réverbérant fredonnement comme cris, selon la rigueur d’Éole. Les harmoniques viennent structurer la progression vers la ville, dont la rumeur – d’abord lointaine, puis de plus en plus distincte selon notre cheminement– devient un élément familier, comme redécouvert dans son entièreté et sa richesse.


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La notion d’espace – ou de seuil – est indissociable de la définition spatiale, et d’un observateur l’expérimentant à une échelle physique. En effet, Devidts observait « que si donc le Seuil était cet état fondamentalement rendu possible par l’Espace et jailli depuis cet espace, l’espace, inversement, est en quelque sorte rendu possible par le Seuil, justement par son pouvoir de ‘réalisation’ dans le sens ou l’espace qui ne nous était pas si important à l’esprit l’instant précédent le devient avec force et évidence l’instant suivant par la ‘ recontextualisation ’ que le Seuil impose » 7 . Tschumi, lui, s’interrogeait : « si l’espace n’a pas de limites, les choses s’étendent-elles alors à l’infini ? » 8 . On peut se demander si diluer les limites par le concours des sens dans la synthèse d’un parcours ne permettrait un glissement dans l’infini potentiel des paysages, un rapport ontologique. Vivre le seuil nous permet de diluer les limites, et par conséquent d’habiter le continuum du temps. Par ailleurs, la recherche d’un compromis accessibilité/ transgression rend possible l’expérience de la fragilité d’un fragment du chemin de fer, invitant les gens à transgresser les limites (celles de la ville, et les leurs propres) dans la spontanéité, et l’écoute d’eux-mêmes et du lieu avec lequel ils interagissent. La transgression, dans son instabilité, amène une exacerbation du ressenti que le visiteur se ferait de l’expérience de son parcours. On cherchera à amener le visiteur suffisamment loin dans le parcours « conditionné » pour qu’il lui semble naturel de le compléter par l’expérience de la « chambre » présente sous le pont de la rue Rachel.

Un tel positionnement, à l’échelle territoriale, invite à l’exploration de la variété des sons-bruits, et à la considération de ces derniers dans l’expérience de l’espace. Ceci permettrait une conception architecturale visant à dévoiler l’esprit du lieu autrement que par une interprétation formelle issue de la compréhension visuelle que l’on s’en fait En proposant une architecture dont la culmination nécessite d’avoir « les oreilles plus attentives que les yeux » 9 , un premier pavé est posé sur la route d’une expérience sensuelle et personnelle de l’espace. Il s’agirait de s’ouvrir plus à la ville et à son paysage sonore, ainsi qu’à nos propres repères et à notre sensibilité au lieu. La vue et le son se complètent ici dans une synthèse subjective, non-contrôlée. De cette manière, “l’architecture apprivoise un espace sans limites et nous permet de l’habiter, de même [qu’elle permet d’] apprivoiser un temps sans limites pour nous permettre d’habiter le continuum du temps” 10.

Plus encore, en admettant que l’espace social objectif et l’espace intérieur subjectif soient indissociablement liés l’un à l’autre, la transgression de ses limites propres ne contribuerait-elle pas à se rapprocher de son environnement, donc d’autrui ? Une révolution sociale pourrait résider dans l’expression permanente de cette subjectivité dans les rapports sociaux.

7 Pierre Devidts, Habiter le lieu: approche phénoménologique du cinéma d'Andreï Arsenievitch Tarkovski, Champs visuels, L'Harmattan, 2012 (ISBN 2296996647) 8 Bernard Tschumi, Questions of Space 1990 Architectural Association Publications (ISBN 187089059) 9 Luigi Russolo, L’art des bruits, 1913 10 Juhani Pallasmaa (trad. Etienne Schelstraete), La Main qui Pense : Pour une architecture sensible [« The Thinking Hand: Existential and Embodied Wisdom in Architecture »], Actes sud, 2013 (ISBN 2330012403)

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Crédits images

Sauf mention contraire, toutes les images sont produites par Othmane Laraki

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