Architecture et participation : Quelle place pour l'habitant dans la conception architecturale ?

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ARCHITECTURE ET PARTICIPATION Quelle place pour l'habitant dans la conception architecturale ?

Séminaire de recherche : conception – contemporanéité – complexité ENSAP Lille 2012-2013

Étudiant : Pierre-François DESOULLE Sous la direction de Jean-Christophe GÉRARD et Frank VERMANDEL


Couverture : reconstitution 3D d'un rĂŠseau de neurones dans le cerveau humain, site de technologies informatiques : www.it-expertise.com/


Remerciements

Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers ceux qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, faisant de cette expérience de recherche une étape riche et constructive de mon parcours.

Merci à :

Jean-Christophe Gérard et Frank Vermandel, qui ont su me guider et rester disponibles, Denis Favret et Malika Kadari, qui m'ont chaleureusement accueillis à l'Atelier Électrique et m'ont fourni les clés nécessaires à la réussite de cette étude, Lino Sferrazza, pour son franc parler et son regard sur la rénovation de son quartier, Sophie Delhay et Marlène Galland, de m'avoir fait partagé leur manière de concevoir, Christelle Stiel, pour son enthousiasme et sa considération pour mon travail, Jef Ablezot, Morgan Dimnet et Laura Henno du collectif Qubo Gas,

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Sommaire « Cette habileté est celle du maître de cérémonies, qui apprête une réalité que d'autres consomment, crée poison ou plaisir en procédant à des rapprochements mystérieux mais savants, et devient finalement le meneur incontesté du banquet, l'éminence grise de la rencontre. » Andrea Branzi, Nouvelles de la métropole froide, Les essais Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1991, p. 59. (Édition originale de 1988)

Introduction

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Autour de la question de la participation

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variations sémantiques individuations l'acteur-réseau

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Deux attitudes • • •

avant-propos peut-on concevoir ensemble ? passer le relai (ou la prise en compte des potentialités d'usage)

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Enseignement et prémisses

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Annexes

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entretien avec Denis Favret entretien avec Lino Sferrazza plan directeur de l'aménagement de l'îlot Stephenson tableau d'individualisation affiche du concours du plus beau torchon manifeste « Construire ensemble le grand ensemble » documents graphiques des 11-12-13 rue Stephenson entretien avec Christelle Stiel entretien avec Sophie Delhay

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Bibliographie

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Iconographie

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Introduction « l'architecture est l'affaire de tous », P. Bouchain, Construire autrement1

Comme en témoignent les nouvelles pratiques urbaines en matière de développement durable (covoiturage, jardins partagés...), un nouvel « air du temps » se profile et traduit un changement dans la mentalité collective orienté vers le partage et l'autonomie. Les deux termes peuvent paraître contradictoires mais ils sont complémentaires car ils font apparaître la nécessité de relier l'individuel et le collectif. En effet, les nombreux films documentaires2, les articles de presse, les associations de citoyens, etc. montrent la préoccupation croissante des populations par rapport à leur cadre de vie, dans leur intérêt et dans celui des autres. On peut penser à des expériences en cours comme à Totnes3, au Royaume-Uni où, depuis 2006, la municipalité travaille à son indépendance énergétique et met en place à cet effet des dispositifs basés sur la solidarité et la confiance, parmi lesquels la participation des habitants est une pratique essentielle. Les symptômes de cette société contemporaine en construction sont perceptibles à travers le regain d'intérêt qui est porté à la participation citoyenne aux projets urbains et d'architecture depuis la fin des années 90 et le début des années 2000. En effet, nombre de collectifs se sont formés afin d'élargir les champs de compétences au service des projets d'architecture ou de paysage4. Cependant, la ville continue de se faire, même sans les architectes ; il lui incombe donc de s'approprier ces nouvelles pratiques afin de pouvoir se positionner et apporter son savoir à celui de l'habitant, faire valoir sa polyvalence.

1 Bouchain P., Construire autrement, L'impensé Acte Sud, 2006, p. 7 2 On peut penser à des longs métrages comme Home (2009) de Yann Arthus-Bertrand ou An Inconvenient Truth (2007) d'Al Gore qui ont contribué à faire prendre conscience aux gens de l'importance de respecter leur cadre de vie, plus particulièrement leur habitat. 3 Pour plus d'informations à ce sujet, se reporter au reportage disponible sur videos.arte.tv Totnes, les pionniers de la transition, Anne-Claire Prefol, Pierre Grillot et Dove Belhassen – ARTE GEIE / Scientifilms - France 2012 4 Parmi les nombreux collectifs d'architectes et paysagistes qui proposent des pratiques architecturales alternatives, on peut citer EXYZT (depuis 2003), Coloco (depuis 1996), Encore Heureux (depuis 2001)...

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Nous allons donc nous intéresser, dans ce mémoire, à la participation. participation Celle-ci vise à introduire l'habitant ou l'usager dans la production d'un projet d'architecture. Mais quel intérêt présente cette pratique pour l'habitant, pour l'architecte et pour l'architecture ? Il importe de faire la lumière sur ce terme de « participation » (ou plus exactement des nombreux processus mettant en jeu le réseau d'acteurs architecte-architecture-habitant/usager) afin de déterminer la place de l'individu dans ces processus et la négociation permanente entre les membres du réseau qui la constitue. Il nous importe donc de montrer en quoi la participation, avec tous les degrés d'implication qu'elle contient, fait partie de ce tissu qui forme le complexus5. Il s'agit donc aujourd'hui de repenser l'architecture à travers la pluralité et l'échange d'où pourra naître un partage des connaissances autour de la formation d'un projet, afin d'aborder l'un et le multiple dans un processus de « distinction/conjonction », pour reprendre la notion de complexité développée par E. Morin6. Au travers de l'étude de la notion de participation, nous tenterons également d'opérer un transfert conceptuel de la notion d'individuation propre à Gilbert Simondon afin de montrer dans quelles mesures l'individu se constitue au contact de l'architecture et de ses réseaux corollaires. Pour se faire, nous explorerons les doctrines d'architectes, de théoriciens de l'art, des pratiques artistiques ou encore des études sociologiques afin d'embrasser la notion de participation avec un esprit ouvert.

5 « ce qui est tissé ensemble » en latin. 6 Edgar Morin (1921-) est philosophe français. Il a mis en évidence l'intérêt d'entrer dans le nouveau paradigme de la complexité, par opposition au paradigme cartésien de disjonction-réduction-abstraction conduisant à une pensée mutilante.

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Première partie

Autour de la question de la participation


Variations sémantiques

Les raisons pour lesquelles on souhaite inclure les populations, les collectivités et les professionnels du bâtiment dans les mécanismes de décision sont assez nombreuses. Depuis les années 70 et l'urbanisme concerté, la volonté de création d'espaces publics de qualité et les mouvements d'émancipation propres à cette période, le citoyen est de plus en plus sollicité à participer aux transformations de son cadre de vie. Ainsi, d'après le code de l'urbanisme : « Article L300-2 Modifié par Loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 - art. 42 JORF 3 juillet 2003 Modifié par Loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 - art. 43 JORF 3 juillet 2003 I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; b) Toute création, à son initiative, d'une zone d'aménagement concerté ; c) Toute opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune et qu'elle n'est pas située dans un secteur qui a déjà fait l'objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. Un décret en Conseil d’État détermine les caractéristiques des opérations d'aménagement soumises aux obligations du présent alinéa. [...] »7

Le cadre juridique de la participation fait émerger le phénomène démocratique selon lequel chacun peut s'exprimer sur une question qui le concerne. Ainsi, c'est la dimension politique de la participation qui apparaît prépondérante car, si nous nous en remettons à l'origine grecque antique, la polis, est la cité démocratique. « C'est l'expression du corps des

7 L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme pose le principe de la concertation en matière de ZAC (Zone d'Aménagement Concerté). L’organisation de la concertation relève de la responsabilité de la personne publique qui a pris l’initiative de la ZAC. La mise en œuvre de cette concertation doit être conforme aux prescriptions des articles L. 300-2 et R. 300-1 du code de l’urbanisme (le moment, les modalités, les participants). Site CERTU (2013) Les outils de l'aménagement, http://www.outils2amenagement.certu.fr/une-vue-d-ensemble-fiche-de-a533.html

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citoyens qui, après concertation, prend une décision commune »8 ; définition contenant une dimension sociale et spatiale. Cependant, si on relit Le Théétète de Platon9, on peut constater que la prise de décision commune, évoquée précédemment, est fortement mise à mal par l'idée de compétence, qui ne peut être revendiquée par n'importe qui, d'après le philosophe. Toutefois, l'architecture ne peut pas être définie que comme une science même si elle rejoint en partie l'idée qu'une science serait une sensation, une connaissance empirique du réel, selon la première thèse réfutée par Platon dans Le Théétète., visant à définir ce qu'est la science. Ainsi, si on voulait donner une ébauche de définition de l'architecture participative, nous pourrions dire qu'elle se distingue de la science par son caractère accessible et par la connaissance (et la reconnaissance) des compétences mutuelles. De plus, une dimension pédagogique est nécessaire dans cet apprentissage de la connaissance, ce qu'on ne retrouve pas dans le dialogue entre Socrate et Théétète : « SOCRATE Oui, viens, Théétète, que je me regarde moi-même et voie comment est fait mon visage ; car Théodore prétend qu’il ressemble au tien. Or si chacun de nous deux avait une lyre et que Théodore affirmât qu’elles sont montées à l’unisson, le croirions-nous surlechamp, ou examinerions-nous s’il est compétent en musique pour parler de la sorte ? THÉÉTÈTE Nous l’examinerions. SOCRATE S’il nous paraissait compétent, nous le croirions, mais incompétent, nous ne le croirions pas, n’est-ce pas ? THÉÉTÈTE C’est vrai. »

Si Platon réfute la thèse selon laquelle la science serait dans la sensation, il oublie que l'intuition de l'individu, son écoute du monde qui l'entoure, peut se révéler capitale, notamment en architecture, dans la construction du projet. Mais, pour Platon, seuls les plus sages peuvent diriger et la démocratie se retrouve figée du côté de ceux que l'on admet compétents. 8 Sebillotte Cuchet V., 100 fiches d'histoire grecque, éditions Bréal, 2007, p. 6 9 Platon, Œuvres complètes, tome VIII, 2e partie :Théétète, texte établi et traduit par A. Diès, Belles Lettres, Paris, 1926. Platon (424 av. J.-C. - 348 av. J.-C.) est un philosophe grec, contemporain de la démocratie athénienne.

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A l'opposé et dans un contexte plus contemporain, l'architecte Patrick Bouchain10, dont nous étudierons spécifiquement la pratique, écrit en 2006 l'ouvrage Construire autrement dans lequel il y expose sa doctrine. Il nous livre presque un manifeste de sa vision humaniste de l'architecture en édictant des principes de réussite d'un projet qui mettent l'accent sur l'éveil de l'individu dans sa participation au projet. Il souhaite « entrainer tout le monde », « car c'est le fond qui, une fois posé, fait la forme, qui est elle-même l'expression du groupe qui a été constitué pour réaliser l'ouvrage. Ainsi on instaurerait une vraie démocratie participative, alors que le politique, coupé de sa base, a tendance à mettre en place des structures parallèles aux structures démocratiques par des voies de concertation souvent bavarde »11

Bouchain fait donc une large distinction entre participation et concertation, qui ressemble plus à une discussion qu'à une véritable volonté d'intégrer les acteurs de la construction du projet (habitant/usager et professionnels du bâtiment) en leur donnant un rôle. Pour lui, il s'agit de « cultiver l'inattendu par la participation de l'usager » et donc de réellement le faire intervenir. Cependant, si l'architecte mentionne à plusieurs reprises le mot « participation », il ne développe pas son propos sur les manières pratiques de faire, si ce n'est qu'il accorde une importance à l'empirisme. Est-il pertinent de vouloir absolument et dans tous contextes employer cette méthode ? Et que signifie exactement le terme même de « participation » ? Pour nous aider à y répondre, le Littré nous renseigne de la manière suivante : « PARTICIPER [par-ti-si-pé] v. n. 1° Avoir part à. - Il les attirait par les charmes de la conversation, en s'associant à leurs plaisirs, sans participer à leurs excès, BARTHÉL., Anach. 67 »

Cette définition nous expose bien le degré d'implication des acteurs : participer est donc plus mobilisant pour un individu que la « conversation » ou, pour Bouchain, la concertation. Néanmoins, cette pratique ne fait pas l'unanimité et nombreux sont les projets qui se vantent d'agir en « concertation ». Il est d'ailleurs le terme le plus récurrent avec celui de

10 Patrick Bouchain (1945-) est un architecte et scénographe français. Spécialiste de la réhabilitation d'anciens lieux industriels, il porte une grande importance à la pluridisciplinarité des projets qu'il réalise toujours en collaboration avec d'autres. 11 Bouchain P., op. cit., p. 25-26

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participation dans le langage architectural alternatif. Lors d'un colloque RAMAU12 sur la participation des habitants dans l'architecture, Guillaume Faburel13 évoque le fait d'être concerté comme le fait d'être convié, requis pour donner son avis ; ce qui, dans un « idéal démocratique de réflexivité des acteurs », est représentatif des « moyens de légitimation nouvelle de la prise de décision »14. Il poursuit en utilisant aussi bien les termes « collaboration » et « participation ». Une confusion ou des abus de langage brouillent les nuances qui existent entre ces termes. Nous allons nous en remettre au Littré pour tenter de voir les différences : « CONCERTER [kon-sèr-té] v. a. 1° Projeter de concert avec un ou plusieurs. 2° Terme de musique. Faire un concert, s'accorder. 3° Se concerter, v. réfl. S'entendre pour agir de concert. Concertez-vous avec lui làdessus. »

Le deuxième sens sous-entend la présence d'un chef d'orchestre qui permettra de donner le ton. Cette définition met l'accent sur le collectif par rapport à la participation qui implique chaque individu présent et donc une implication relative. Cependant, plutôt que de parler de représentativité des acteurs, certains préfèrent insister sur la significativité, c'est-à-dire que la notion de sens prime sur celle de quantité15. Toutefois, certains travaux font correspondre une toute autre réalité à la participation. C'est notamment le cas de l'article de Claire Delaby, « La ville contemporaine appelle à la participation. Radiographie architecturale de l Allemagne à la France »16, pour qui cette notion ne se limite pas à la seule conception architecturale ou urbaine mais s'étend à la gestion du quartier par exemple. Elle évoque 12 RAMAU : Réseau Activités et Métiers de l'Architecture et de l'Urbanisme. RAMAU est un réseau de recherche et d’information créé en 1998 et portant sur les diverses activités d’élaboration et de conception des projets de construction, d’urbanisme, d’aménagement ou de paysage en France et en Europe. Un colloque sur « Les métiers de l'architecture et de l'urbanisme à l'épreuve de l'implication des habitants et des usagers » a eu lieu les 22 et 23 novembre 2012 à l'ENSA Paris-La Villette. 13 Faburel G., Géographe, Il fait parti de l'Institut d'Urbanisme de Lyon, Université Lumières Lyon II 14 Propos extrait de l'intervention de G. Faburel « Les savoirs et compétences des habitants : vers une nouvelle épistémè de l’agir territorial ? » lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012. 15 Ce terme de « significativité » est introduit par le consultant en intelligence collaborative pour la qualité de vie et le développement durable Thierry Foucault lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012 à l'occasion de l'intervention « Démarches participatives en urbanisme, que faire des contradictions ? » 16 Delaby C., doctorante en géographie humaine à l'Université des Sciences et Technologies de Lille, a contribué par cet article à l'élaboration des Cahiers Thématiques n° 10, Architecture et paysage, situations contemporaines. Dix ans de recherche, ENSAP Lille, 2011

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notamment les dispositifs de co-gestion, habitat autogéré, coopérative d'habitants... et met ainsi en évidence la responsabilisation des habitants. Dès lors, on peut se demander de quelle manière évoluera le métier d'architecte, mais il semble qu'un double enjeu se profile : enjeu social, l'architecte comme médiateur (cf. le chef d'orchestre), enjeu architectural relatif à la définition d'une nouvelle écriture qui exprime la potentialité, l'évolutivité. L'exemple des Baugruppen allemands semble très bien fonctionner car une politique sociale de la ville est mise en place à cet effet. En revanche, cette étude montre les lacunes de la participation à se développer en France. « Le citoyen est le seul à pouvoir dire où il a mal ; expert de ses propres souffrances, il n'en est pas l'expert de sa guérison. »17

En effet, les limites de la participation sont détaillées par Christian Marion dans son essai Participation citoyenne au projet urbain. L'auteur y donne les clés de la réussite pour des projets faisant intervenir la participation, mais souligne également les écueils de cette démarche, surtout d'un point de vue juridique car, précise-t-il, le code de l'urbanisme nous dit que : « Le conseil municipal […] délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités de la concertation ». La concertation apparaît alors comme un instrument politique soit hypocrite, soit légitime. Cependant, quelle légitimité peut-on accorder à l'usager et dans quelles limites ? Dans certains rares cas, un budget participatif est mis en place, c'est-à-dire que les habitants, par l'intermédiaire de conseils de quartiers, votent et cogèrent ce budget. L'auteur interroge alors l'idée d'un savoir usager en envisageant que le savoir est détenu par tous (« 7 milliards d'experts ») et selon lequel chacun serait apte à décider de son avenir. En effet, le choix, qui doit se faire aussi par rapport aux autres dans un jeu d'interrelations très subtil, est souvent dicté par les habitudes, les apparences ou les conditions d'observations. En outre, la réticence au changement est le principal frein à une évolution de l'architecture auquel vient s'ajouter la confusion entre idées et opinions. D'autres termes comme « collaboration » et « coopération » apparaissent régulièrement. C'est en particulier le cas dans Construire autrement de P. Bouchain pour qui

17 Marion C., Participation citoyenne au projet urbain, L'Harmattan, 2010, p. 239. C. Marion est architecte, urbaniste et enseignant.

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« coopérer » se rapporte aux métiers du bâtiment. Soucieux d'un travail bien fait, l'architecte veut laisser aux corps de métiers une part de liberté dans ce qu'ils font pour que les conditions d'épanouissement dans la construction de l’œuvre soient maximales. D'une manière assez proche, mais dans une optique de développement des savoir-faire et des compétences, Thomas Froment18 commente le travail de Pierre Hebbelinck qui passe par un processus collaboratif avec les entreprises et les experts. Dans ce mémoire sur la question de la pensée constructive dans la conception architecturale, on observe la nécessité d'un décloisonnement entre les savoirs au bénéfice du projet. La collaboration est ici abordée dans sa dimension technique mais s'appuie sur des relations humaines. Il semble alors que la participation au sens d'une émancipation et l'idée d'un épanouissement individuel et collectif entrent en résonance. Pour aider à penser la complexité, à la représenter et à la vivre, Jean-Jacques Terrin 19 nous invite à explorer la conception architecturale en établissant les différentes connexions possibles entre les domaines. Il met en relief le fait que les acteurs du projet d'architecture font parti de réseaux, qui peuvent interférer dans le réseau de l'architecture, ce qui permettra d'innover en architecture. Pour lui, la conception est une activité continue fondée sur la notion de performance : « seule référence qui permette d'assurer une cohérence et un consensus »20. Il plaide donc pour une co-conception qui permettrait de faciliter la prise de décisions, de partager les connaissances, de mieux intégrer l'usager et d'introduire le facteur temps. Il appuie sa réflexion sur le travail de Michel Callon21 et l'idée de négociation : la conception doit être caractérisée par une atténuation des structures hiérarchiques, comme un « processus collectif et itératif de mise en relation et d'intégration de points de vue »22. NÉGOCIATION [né-go-si-a-sion ; en vers, de six syllabes] s. f. 1° L'action d'arranger les différends publics et surtout internationaux. Néanmoins, dit-il [ Jésus-Christ], je ne suis pas envoyé pour juger le monde ; tout le pouvoir de mon ambassade ne consiste qu'en une négociation de paix, BOSSUET, Sermons, Bonté, 1

18 Étudiant à l'ENSAP Lille, T. Froment a écrit en 2011 un mémoire sur le thème Architecture et techniques dans lequel il met en perspective ces notions avec l'idée de complexité. 19 Terrin J.-J., Conception collaborative pour innover en architecture, L'Harmattan, 2009 20 Ibid., p. 65 21 Callon M. (1945-), sociologue et ingénieur français, enseignant à Mines Paris-Tech et chercheur au CSI. 22 Ibid., p. 66

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Enfin, pour revenir à cette vision d'un idéal démocratique formulé aujourd'hui par les aspirations écologistes de la société contemporaine, Ars Industrialis23 pose la question de la possible existence d'une démocratie participative. Pour les membres de ce collectif, le capitalisme poussé à l'extrême est un modèle destructeur dans le sens où il détruit tout savoir qui n'entre pas dans le cadre d'une production économique et, par extension, tout esprit critique. Il s'agit pour ce groupe de réflexion de réhabiliter la valeur esprit dans une société technologique et industrielle (sans connotation péjorative), dans une économie de la contribution. Ils proposent donc de remplacer la démarche participative par une démocratie contributive : précisément, « ou bien la démocratie est participative et représentative, ou bien ce n'est pas une démocratie. Peut-être vaudrait-il mieux parler de démocratie contributive ». Il ne s'agit pas ici d'opposer contribution et représentation mais repenser cette dernière au regard de la première. Pour Ars Industrialis, l'individu n'est pas à la base de la démocratie mais il est le résultat temporaire d'une relation avec son milieu et la participation est « la relation qui fait correspondre une réalité non-individualisée en vous et une réalité inter-individualisée hors de vous. »24. Finalement, la démocratie repose sur « [une] économie productrice de désir, d’engagement et de responsabilités individuelles et collectives socialement articulées selon de nouvelles formes de sociabilités, ouvre un espace de lutte contre la dépendance, la désublimation, le dégoût de soi et des autres »25.

23 Ars Industrialis (« Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit ») est une association culturelle et philosophique française créée le 18 juin 2005 à l’initiative du philosophe Bernard Stiegler. 24 Ars Industrialis, Manifeste d'Ars Industrialis 2010, sur http://arsindustrialis.org/manifeste-2010 25 Ibid.

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Individuations « les spécialistes de la psychologie « transactionnelle » n'ont cessé de souligner l'erreur qui consiste à croire que l'homme et son environnement sont des entités distinctes et qu'ils ne font pas partie intégrante d'un système d'interaction unique. »26

Si la seule condition d'existence de la relation entre les individus est la négociation perpétuelle entre eux, on écartera donc les techniques qui ne font que consulter ou encore demander l'avis en prenant soin de conserver une distance qui n'intègre pas l'individu dans un rapport direct avec des acteurs, qu'il s'agisse d'acteurs humains ou non humains. Dans le champ de l'art contemporain, Nicolas Bourriaud27 analyse l'art contemporain et en propose une approche toute nouvelle, axée sur l'aspect relationnel entre art et spectateurs. Cette modernité sociale est mise en évidence dans l'art dont « l'intersubjectivité » est la clé d'interprétation. Cette élaboration du sens se fait entre l'émetteur et le récepteur et cet interstice qui est formé par l’œuvre. La relation est, pour N. Bourriaud, à l'origine d'une esthétique qui travaille la conscience spectatrice. Les dispositifs mis en place par les artistes sont des propositions de rapports sociaux. Cependant, il apparaît contradictoire de banaliser l'art puisque « la dispersion des œuvres de l'art dans la multiplicité des rapports sociaux ne vaut qu'à être vue »28. Ansi, soit on en arrive au paradoxe d'exemplarité de l'ordinaire, soit à une production arstistique de liens sociaux. Mais la position développée par ces artistes s'inscrit dans un monde globalisé qui cherche à retrouver des relations humaines. Finalement, N. Bourriaud nous permet de distinguer deux attitudes, deux manières d'interagir avec le spectateur : en le faisant participer à l’œuvre ou en créant les conditions nécessaires, les potentialités de sa participation afin d'opérer la formation de l'individu. 26 Kilpatrick, Explorations in transactionnal psychology, cité par E.T. Hall, La dimension cachée, Seuil, 1971 (édition originale de 1966), p. 229. 27 Bourriaud N. (1965-) est un essayiste, historien de l'art et critique, spécialisé dans l'art contemporain. En 1998, il écrit Esthétique relationnelle, édition les presses du réel, afin de considérer l'art contemporain sous un regard nouveau, orientée sur l'émancipation du spectateur. 28 Le philosophe J. Rancière (1940-) nous livre une critique de l'esthétique relationnelle qu'il voit comme un court-circuit de l'art puisque l’œuvre se présente comme la « réalisation anticipée de son effet », Le spectateur émancipé, éditions La fabrique, 2008.

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Les différents processus liés à la contribution ou à la participation nous permettent de mettre en relief l'importance de favoriser les relations. Ars Industrialis écarte le terme de participation pour qualifier la démocratie mais le réhabilite dans le sens où le philosophe Gilbert Simondon29 l'utilise en lui associant la notion d'individuation individuation. individuation Sa pensée peut être qualifiée de systémique30 dans la mesure où des éléments sont mis en relation pour la construction d'une pensée, d'un individu. L’œuvre de G. Simondon se situe dans le domaine d'une philosophie des sciences et techniques qu'il cherche à réconcilier avec la culture. Les concepts qui seront explorés sont, par conséquent, appliqués à la physique, la mécanique mais applicable à la pensée psychique stieglerienne ; nous verrons dans quelle mesure la notion d'individuation peut se révéler féconde pour interroger l'architecture et la société. Pour G. Simondon, « l'être est relation » et « toute réalité est relationnelle »31. Il fait bien la distinction entre être (toujours en devenir) et individu (résultat, être constitué). L'individuation ne produit pas seulement l'individu mais aussi le milieu qui lui est associé, dans une réalité pré-individuelle (commun pré-existant, porteur de potentiels). L'individuation est donc le lieu d'une invention, celle de l'individu. Si l'individuation est la constitution de deux termes et leurs milieux associés à travers une relation, cela signifie bien que la condition d'existence de ces termes ne peut être pré-existante à la relation. Donc, deux termes qui s'individuent ont une individuation corrélatives. Pour comprendre cette théorie de l'individuation, G. Simondon nous explique l'individuation psychique32 par la rupture avec la vision grecque du schème hylémorphique33. Par exemple, la matière argile et la forme brique opposent l'une face à l'autre une force, une énergie, moment pendant lequel se trouve « l'opération de prise de forme » alors que l'individuation n'est ni dans la forme, ni dans la matière, mais dans l'actualisation permanente 29 Simondon G. (1924-1989) est un philosophe français du XXe siècle. Son œuvre, produite pour l'essentiel entre 1954 et 1968, traite de l'appartenance de l'homme au vivant, de la centralité philosophique du problème de la technique ou encore des nouvelles formes d'aliénation. 30 Salzmann N. (dirigé par B. Stiegler), Pensée systémique de G. Simondon, Individuations technique, psychique et collective, Editions des Nik’s News, 2003 31 Simondon G., L'individuation à la lumière des notions de forme et d'information, coll. Krisis, ed. Millon, 2005, p. 313 32 Simondon G., L'individu et sa genèse physico-biologique, coll. Epiméthée, PUF, 1964 33 L'hylémorphisme est la philosophie développée par Aristote selon laquelle tout individu est indissociablement composé d'une matière et d'une forme.

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de ce système de forces. Mais la prise de forme induit une médiation entre forme pure et formes implicites, une négociation. Il entend par là mettre en évidence le caractère réticulaire de l'individuation, c'est-à-dire l'effet de réseau qu'elle suscite. Ars Industrialis nous permet de poser une définition de l'individuation : « Individuation. L’individu n’est pas seulement un (unité, totalité), il est unique (unicité, singularité). Un individu est un verbe plutôt qu’un substantif, un devenir plutôt qu’un état, une relation plutôt qu’un terme et c’est pourquoi il convient de parler d’individuation plutôt que d’individu. Pour comprendre l’individu, il faut en décrire la genèse au lieu de le présupposer. Or cette genèse, soit l’individuation de l’individu, ne donne pas seulement naissance à un individu, mais aussi à son milieu associé. Telle fut la leçon philosophique de Gilbert Simondon. L’individuation humaine est la formation, à la fois biologique, psychologique et sociale, de l’individu toujours inachevé. L’individuation humaine est triple, c’est une individuation à trois brins, car elle est toujours à la fois psychique (« je »), collective (« nous ») et technique (ce milieu qui relie le « je » au « nous », milieu concret et effectif, supporté par des mnémotechniques). Cet « à la fois » constitue en grande partie l’enjeu historique et philosophique de la notion d’individuation. Par exemple, on se demandera de quelle manière la médiation mnémotechnique de l’imprimerie surdétermina les conditions de l’individuation et reconfigura les rapports du « je » et du « nous ». La politique industrielle ou l’écologie de l’esprit que nous appelons de nos vœux repose fondamentalement sur la ré-articulation entre l’individuation psychique, l’individuation collective et l’individuation technique. »

Les travaux de Simondon donnent une place centrale à l'individu en formation et en relation, qui ne peut « être » que de la relation. Cela questionne notre rapport à l'individualisme, notamment à travers la conception architecturale, productrice de lieux de vies et l'architecture elle-même. La mise en jeu de connexions est donc centrale dans l'élaboration collective de l'architecture.

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L'acteur-réseau

L'aspect réticulaire de la participation, phénomène de mise en réseau des acteurs défini comme la « condition de la résonance immédiate des actes dans une structuration de potentiels en commun, est ce qui fait passer d’un horizon normatif à un horizon d’amplification de l’agir »34. Cette idée se retrouve dans la théorie de l'acteur-réseau35 (également définie par la notion de traduction) qui est une approche sociologique prenant en compte dans ses études l'humain et le non-humain (objets, discours...) qui en sont les acteurs. Pour Michel Callon, elle consiste à créer des controverses36 : c'est une « technologie ouverte » qui vise la stabilisation des faits, dont l'objectif est le consensus. Donc, par rapport à Simondon, les forces sont considérées comme inégales au départ et on espère leur équilibre alors que, pour le philosophe, c'est l'équilibre temporaire des forces exercées par la matière et la forme qui constitue l'individu. L'autre différence essentielle est que la controverse porte sur un objet technique qui a le pouvoir d'influer sur les relations entre acteurs. Madeleine Akrich précise ces interactions entre techniques et humains : le monde est pensé comme un ensemble de réseaux car c'est la formation de collectifs qui crée le social, d'où l'importance des relations et médiations à l'intérieur de ces réseaux. Mais la diversité des actants nécessite des opérations successives de traductions37 afin de faire circuler les connaissances au sein d'un réseau. Le social est représenté comme le résultat de l'ensemble de ces interactions entre actants hétérogènes (ou acteur-réseau). L'architecte et théoricien néerlandais N.J. Habraken38, qui a travaillé toute sa vie à l'intégration des usagers dans les processus de conception, rejoint le concept d'acteur-réseau : 34 Combes M., Simondon. Individu et collectivité. Pour une philosophie du transindividuel, Paris, PUF, coll. « Philosophies», 1999 35 Akrich M., Callon M., Latour B., Sociologie de la traduction. Textes Fondateurs, Presse de l'école des Mines, 2006 36 Ibid., p. 135 37 La traduction est une mise en relation qui implique toujours une transformation. Il s'agit de mettre en lien des éléments totalement hétérogènes et rendre le réseau qu'ils constituent intelligible. 38 Nicholas John Habraken est un architecte, théoricien et éducateur néerlandais qui a effectué de nombreuses recherches sur l'adaptabilité des constructions. Il propose notamment la séparation de la structure et du remplissage, à la manière de Y. Friedman, en vue de la participation des habitants.

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« As we work, we therefore are part of numerous and disparate networks of skills and knowledges and what is built is placed in an intricate environmental fabric as well, tied to networks of utility systems, using products and materials shared with many other project, and adhering to values prevalent in local or extraneous cultures »39.

La traduction étudie également le rapport entre conception et usage par lequel il existerait une prédétermination des usages dans la conception mais « seule la confrontation réalise ou irréalise l'objet technique »40. M. Akrich distingue concepteur et utilisateur ; car si ce dernier n'est pas exclu du processus d'innovation, il n'est pas acteur dans la décision. Ainsi, dans une vision hylémorphique, l'objet technique constitue le moule (forme) qui va induire des relations entre les acteurs (matière). Pour résumer, l'utilisateur peut être acteur en participant à l'action collective a posteriori (utilisateur actif ) ou, dans des cas extrêmes, en tant qu'utilisateur-innovateur. Ainsi, l'utilisateur/usager est représenté suivant deux techniques : •

technique implicite, par des représentants indirects (experts...), que l'on traduira dans le champ de l'architecture par une individuation par l'appropriation. Elle met en jeu une architecture partiellement réalisée (ou prédéterminée) et des acteurs humains qui se construisent parallèlement. Il s'agit donc d'une double construction objet/sujet.

technique explicite, par des représentants directs (les méthodes alors employées vont permettre de travailler avec l'usager afin de le rendre opérationnel pour la poursuite du travail de conception41). Elle met en jeu un réseau d'acteurs et une architecture à réaliser. L'enjeu est de distinguer et d'évaluer l'individuation dans le temps du projet : pendant

la conception ou au moment de l'appropriation. Dans les deux cas il y a négociation et les conditions d'une individuation par la présence d'individus en relation. Ces différentes notions nous permettront d'interroger l'interaction entre la posture de l'architecte et le rôle des usagers dans le cadre de la participation. Pour explorer ces questions, nous focaliserons particulièrement la réflexion sur deux études de cas dans la métropole lilloise choisies pour leur

39 Habraken N.J., « Questions that won't Go Away : Some Remarks on Long-Term Trends in Architecture... », in openhouse international, vol. 31, n°2, june 2006, p. 16 40 Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 163 41 Ibid. p. 255

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intérêt respectifs. Comme nous le verrons, pour l'une il s'agit d'un projet de réhabilitation d'un ancien quartier ouvrier réalisé par l'agence Construire (Patrick Bouchain) à Tourcoing en participation avec les habitants ; cet exemple nous permettra notamment d'identifier les acteurs et les outils de la participation. Pour l'autre, il s'agit d'une forme de participation indirecte, a posteriori du travail de conception, au moment de l'appropriation des lieux. L'immeuble de logement, conçu par l'agence de Sophie Delhay à Lille, est un travail sur les potentialités d'usages. Nous aurons donc affaire à deux moments du projet bien particuliers qui sont tous deux les lieux d'une individuation.

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Deuxième partie

Deux attitudes


Avant-propos

A l'issue de la première partie, nous avons pu explorer la notion de participation et toutes les nuances sémantiques qui la caractérise. Notre état de la question a également permis d'examiner sous plusieurs angles les forces et faiblesses des méthodes participatives en les confrontant à des outils théoriques tels que l'individuation, mise en évidence par Gilbert Simondon ou encore la négociation et la théorie de l'acteur-réseau, afin de voyager à la fois dans la dimension individuelle et collective de la participation. La suite du propos dans la deuxième et la troisième partie sera l'occasion de poursuivre le questionnement de manière plus concrète grâce à deux études de cas qui soulignent chacune un aspect de la participation bien particulier. Nous nous attacherons à décortiquer les pratiques des acteurs en soulignant les stratégies qu'ils mettent en place pour avancer dans la négociation. Notre approche sera sensible et technique puisque l'utilisation des outils de la participation génère principalement un ressenti qu'il convient d'appréhender dans cette double dimension. C'est pourquoi nous développerons une observation critique, entre analyse in situ et exploitation précautionneuse de documents produits par la maîtrise d’œuvre, la maîtrise d'ouvrage, les habitants... Dans l'univers de la participation en architecture, un ensemble de pratiques se développent, sont expérimentées, échouent ou renaissent. C'est ce dynamisme du processus participatif qui lui apporte sa richesse. En effet, pour certains scientifiques comme M. Callon, la conception est « un processus collectif et itératif de mise en relation et d'intégration de points de vues divers […] qui rendent possible la négociation et le compromis »42. Des exemples très connus nous viennent alors à l'esprit : des projets d'habitants avec Lucien Kroll43 aux diverses expérimentations d'habitat coopératif animées par la fougue des événements de

42 Terrin J.-J., op. cit., p. 66

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196844, les méthodes participatives sont apparues dans un contexte de contestation et de réflexion épistémologique, notamment en architecture. La « participation » trouve donc un écho à cette époque d'ouverture : « Participation45, slogan et conséquence de la rupture sociale de 1968. La participation signifie le droit à la codétermination et à l’intégration de l’individu. Elle s’est imposée dans plusieurs domaines : la sociologie (participation citoyenne, groupes d’intérêts), la pédagogie (intégration des enfants et des adolescents dans les décisions éducatives) et la politique (démocratie participative). »

La participation ne s'impose pas en architecture mais elle surgit lorsqu'un un contexte favorable apparaît. En effet, elle a besoin d'un substrat, d'une population prête à agir de concert dans l'élaboration collective d'une architecture. Lucien Kroll est pourtant de ceux qui firent de la participation le fer de lance de leur manière de concevoir. Définitivement traumatisé par le modernisme dans l'architecture, il se réfère aux pionniers de la participation, André Lurçat46 et Paul Davidoff47, et il prône une architecture participative systématique48. Mais derrière cette apparente spontanéité, quelle part de maîtrise est laissée à l'habitant et quelle part se réserve l'architecte ? La maîtrise d'ouvrage tient également un rôle majeur dans la possibilité d'exister pour ces projets car elle peut être à l'origine de l'intention politique mais elle impose aussi des contraintes économiques qui vont pousser les architectes à adapter leur méthode de travail.

43 Kroll Lucien (1927-) est un architecte belge dont la doctrine est basée sur une approche sociale du projet par la participation des habitants/usagers. Parmi les projets de l'architecte à cette époque, on peut évoquer la Maison Familiale à Braine l'Alleud en Belgique (école psychiatrique pour enfants, 1969-1971), les Vignes Blanches à Cergy Pontoise (1976). 44 La crise idéologique de mai 1968 a vu apparaître un basculement des valeurs culturelles et sociales dont les chefs de file intellectuels sont notamment Guy Debord ou encore Jean-Paul Sartre. Les conséquences des revendications sont à l'origine de la prise de conscience individuelle accompagnée de la remise en cause de l'autorité et du concept d'écologie politique. 45 Définition tirée de l'ouvrage de Habbo Knoch, Bürgersinn mit Weltgefühl. Politische moral und solidarischer protest in den sechziger und siebziger jahren, Wallstein Verlag Göttingen, 2007, citée sur le site de la chaîne de télévision Arte en 2009 (http://wiki.arte.tv/68/fr/doku.php/participation). 46 Lurçat André (1894-1970) était un architecte français qui a notamment employé des méthodes relatives à la participation lors de la reconstruction de la ville de Maubeuge, de 1946 à 1969. 47 Davidoff Paul (1930-1984) était un avocat américain qui a élaboré les principes de l'Advocacy Planning dans les années 1960 qui a permis aux habitants d'Harlem de se défendre et de s'exprimer par rapport aux projets municipaux. 48 Propos de Lucien Kroll explicité sur sa page utilisateur Wikipédia nommée « Participations », http://fr.wikipedia.org/wiki/Utilisateur:Lucien_Kroll

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Dans un contexte plus récent, le projet E3 des architectes Kaden+Klingbeil, décrit par Claire Delaby49, exprime quand à lui la nécessité d'avoir un cadre général pour accompagner les habitants dans leurs choix : cela se traduit par une cohérence architecturale et une unité à l'échelle urbaine. On aperçoit ainsi la compétence de l'architecte. Le bâtiment est une structure habitée où l'accent est mis sur les espaces du commun (paliers, hall). Comme le montrent ces deux projets, la Mémé de L. Kroll en Belgique et le E3 de Kaden+Klingbeil en Allemagne, la participation n'a de frontières que celles qu'elle se fixe, malgré les différences en matière de politique urbaine, dans la mesure où il y aura toujours une population prête à s'unir pour habiter.

Illustration 2 : Projet La MéMé de L. Kroll à Louvain en Woluwe (Bruxelles). L'organisation des individualités fait apparaître une multitude d'imprévus Mais cette apparente spontanéité est-elle réelle ? 1970-72

Illustration 1 : Projet E3 de Kaden+Klingbeil dont l'harmonie de la façade fédère les différences des plans, à l'élaboration desquels les habitants ont contribué. 2009

Nous verrons, dans les exemples qui vont suivre, que la production architecturale issue de la participation prend forme de façons différentes : parfois expression de l'individualité, d'autres fois représentation du collectif comme un tout. Il semble qu'à chaque fois une vision du monde soit partagée par les habitants, sans que l’œil discret, mais attentif, de l'architecte ne disparaisse. Et s'il s'agit principalement d'opérations de logements, de nombreuses variations programmatiques et typologiques gravitant autour de la vie en commun, vont apparaître dans

49 Delaby C., « La ville contemporaine appelle à la participation. Radiographie architecturale de l'Allemagne à la France », Les Cahiers Thématiques n° 10, Architecture et paysage, situations contemporaines. Dix ans de recherche, ENSAP Lille, 2011, p. 215-222

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la partie qui suit. Ces analyses empiriques illustreront les outils théoriques vus auparavant et montrent l'importance du terrain dans la compréhension globale de ces processus de conception mettant en jeu des relations. Les deux projets qui font l'objet de notre étude portent sur des expériences de la participation à deux moments différents : le premier est une réhabilitation de maisons ouvrières menée par l'agence Construire à Tourcoing où le rapport à l'existant (bâti et humain) était très prégnant, ce qui a provoqué une participation au moment de la conception alors que le second projet est un immeuble de logements sociaux en construction par l'architecte S. Delhay à Lille où une participation se fera a posteriori. Ils sont le reflet de deux méthodes pour deux contextes différents et sont, par conséquent, difficilement comparables. Il ne s'agit pas de faire de ces approches des modèles mais bien de comprendre qu'une autre manière de faire de l'architecture existe et que les enjeux soulevés sont à la fois humains et architecturaux.

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Peut-on concevoir ensemble ? « Il faut remplacer le dire par le faire et mettre le désir à l'épreuve »50 « Il faut laisser s'installer les nouvelles formes de vie, laisser s'exprimer la diversité, ne jamais détruire, transformer par la libre expression démocratique locale sans peur et cesser de vouloir tout contrôler. »51 « Il faut l'accueillir [l'utilisateur] pour l'associer, le mettre dans une situation d'appropriation, avant de partir pour le laisser libre, comme un professeur qui transmet le savoir à un de ses élèves »52

La figure emblématique de cette participation sera Patrick Bouchain. Si ces citations ressemblent à une profession de foi, il importe de les avoir en tête avant l'étude du projet de l'îlot Stephenson à Tourcoing pour mesurer la distance entre la doctrine de l'architecte et la réalité du chantier.

La nécessité de participer La contribution citoyenne à un projet urbain ou architectural n'est pas évidente. C'est pourquoi il est important de préciser le contexte dans lequel est apparu le projet de l'îlot Stephenson. Alors que certains prônent la pratique participative systématique des habitants, d'autres la voient comme une méthode adaptée à certains types de projets. A Tourcoing, Patrick Bouchain a voulu l'expérimenter dans le logement social, transposant ainsi son attitude de conception habituelle pour des équipements culturels53 à la conception de logements. Pour

50 51 52 53

Bouchain P., op. cit., p. 26 Ibid., p. 57 Ibid., p. 114 Parmi les nombreuses réhabilitations en lieux culturels de P. Bouchain, on peut citer les plus célèbres : le Lieu Unique à Nantes, la Condition Publique à Roubaix ou encore la transformation des abattoirs le Channel à Calais.

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se faire, il a travaillé avec l'association Rase Pas mon Quartier 54 qui, dès 2000, s'est battue pour sauver son quartier de la démolition. Ancien lieu industriel, le site a gardé son patrimoine ouvrier à travers une cinquantaine de « maisons 1930 »55. La disparition des usines et la pression immobilière a mis en péril la vie de quartier qui y régnait. Mais après des années de lutte, une personne est apparue comme un sauveur, un architecte qui cherche a bousculer les codes de la conception architecturale classique, le charismatique et médiatique Patrick Bouchain. La philosophie de cet architecte est axée sur la dimension sociale du développement durable : « s'occuper d'abord de ce qui existe, de qui y habite... » et ne pas détruire « pour reconstruire conformément à la norme de réglementation »56. Cette vision s'accorde avec la nécessité de participer pour les habitants à la restructuration de leur quartier car il cherche à dénormer le logement social : pour lui, le logement social est hyper-réglementé et n'obéit qu'à « un besoin utilitaire, de loger le plus pauvre »57. Mais, souligne t-il, le logement social ne loge pas le pauvre (SDF, sans-papiers...) et catégorise d'autant plus ceux qui peuvent bénéficier du logement social. Il confie ensuite que c'est en réussissant à convaincre les élus de la nécessité d'un nouveau processus de logement social, « via un bail emphytéotique58, que nous pouvons contrôler dans le cadre du droit commun » que l'on pourra sortir du « cadre strict du logement social »59. De plus, on peut lire dans le manifeste du Grand Ensemble 60, que le cadre du logement social en France a été fixé dans les années 1950-1960 pour désigner une catégorie de population (la famille nucléaire) qui a aujourd'hui explosé et constitue un modèle bien plus

54 L'association Rase Pas Mon Quartier s'est formée en 2000 au moment où la communauté urbaine de Lille avait prévu de démolir la rue Stephenson et la rue de la Tossée, sans concerter les habitants. cf. L'entretien avec Lino Sferrazza, annexe 2. 55 On les appelle ainsi en référence à la loi Loucheur votée en 1928 qui a permis leur construction en grand nombre. En réalité, celles de Stephenson datent de 1910. 56 Citations extraites de l'article « L'architecte Patrick Bouchain : « l'onde doit partir de l'Atelier Électrique » », in La Voix du Nord, 8 décembre 2008 57 Extrait du dossier « Quoi de neuf pour le logement social en 2009 ? » in Archistorm avril/mai 2009, p. 37 58 Un bail emphytéotique est un bail longue durée, de 18 à 99 ans le plus souvent, qui varie selon les pays et qui confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque. Autrement dit, le locataire est presque propriétaire puisqu'il à un droit réel sur le bien et peut l'améliorer dans les conditions définies par la bail mais avec un grand degré de liberté sur la construction. 59 Ibid. 60 Le Grand Ensemble : Manifeste à l'initiative de P. Bouchain autour des problématiques du logement social, rédigé par Christophe Catsaros pour NAC, associant de nombreux autres collaborateurs. cf. annexe 6 « Dénormer le logement social »

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fréquent, « la famille [est] recomposée, seul le logement reste standard ». Avec Stephenson, l'agence Construire entend faire de ce manifeste une première application.

Illustration 3 : Vue satellite en perspective axonométrique de « l'îlot Stephenson »

Au sein du projet de l'Union61 à Tourcoing, la réhabilitation de l’îlot Stephenson est une opération commanditée par la SEM62 Ville Renouvelée, maître d'ouvrage, qui assure l'accompagnement juridique du projet ainsi qu'une certaine souplesse. Le seul moyen pour parvenir à une entente avec les habitants résidait dans la réunion de l'association d'habitants, d'un architecte connu et d'une structure publique permettant de gérer une participation. Le projet a finalement été défini ainsi : sur 53 maisons sauvées, 24 sont encore habitées et les 29 restantes, inhabitées, seront réhabilitées. Ces 29 maisons ont été achetées par la SEMvr, pour qui LMH (Lille Métropole Habitat, bailleur social) les proposera en location ou en location avec option d'achat. La réhabilitation des habitations s'est faite dans une logique d'ensemble, à l'échelle urbaine, en tant que constituant premier du projet d'îlot que des collectifs et divers équipements doivent venir compléter63.

61 Le projet de l'Union est un des principaux projets français de renouvellement urbain. Il s'étend sur 80 ha et concerne les villes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos et il a pour but de redynamiser une ancienne zone industrielle en introduisant une diversité des programmes. Le projet a débuté en 2002 pour une durée prévue de 15 ans. 62 SEM : Société d'économie mixte. C'est une structure publique dont le capital est détenu par des actionnaires privés et publiques. La SEMvr œuvre au développement économique et au renouvellement urbain des territoires de la métropole lilloise. 63 cf. annexe 3 « Périmètre plan guide » du projet

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Notre étude de ce projet, dit « HQH »

(Haute

Qualité

Humaine) par P. Bouchain, se fera de la manière suivante : d'abord, nous effectuerons une première rencontre, avec le site, travail in situ qui permettra d'établir un état des lieux ; ensuite, nous nous intéresserons

au

processus

participatif à travers plusieurs rencontres sur le site avec ses acteurs (maîtrise d’œuvre, maîtrise d'ouvrage, habitants...) qui nous ferons découvrir les dispositifs de la participation grâce à leur ressenti Illustration 4 : Plan d'intervention sur l'îlot Stephenson, un reprisage de ces expériences. Enfin, nous urbain nous

confronterons

à

la

médiatisation du projet et de son architecte. Nous nous livrerons donc à une observation critique afin d'évaluer au mieux les forces et faiblesses de ce processus.

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In situ A quelques minutes du métro mais loin de l'agitation de la rue des Carliers et du boulevard Gambetta, la rue de la Tossée s'enfonce sous le pont de la voie ferrée puis laisse apparaître une perspective infinie sur une friche accolée aux rails. Un premier groupe de 7 maisons ouvrières alignées semblent vouloir commencer une rue. C'est pourtant la végétation frêle et les quelques ruines restantes qui s'imposent au regard. Cependant, des éclats colorés de

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tôles ondulées se dressent entre les toits : rouge, orange, blanc... des formes de toitures qui apparaissent et annonces les réhabilitations au cœur de l'îlot et qui viennent s'ajouter à la complexité des toits de tuiles. Peu chère, la tôle ondulée galvanisée est un matériau de l'époque industrielle, inventé en 1840, et rapidement utilisé dans la construction, notamment en couverture64. Par l'emploi de ce matériau, l'architecture renvoie à un imaginaire du « fait soi-même », presque comme un beau bricolage. Enfin, après un virage, la rue de la Tossée dévoile son caractère d'ancienne cité ouvrière, bordée sur son côté impair par une usine réhabilitée en cabinets d'avocats, et par un long alignement de petites maisons en R+1 et comble, pour beaucoup encore animées par le bruit des ouvriers qui les remettent en état. Chacune de ces petites maisons a sa particularité, que ce soit par ses briques vernissées ou la couleur des volets. L'impasse Stephenson, quant à elle, envahie par les engins qui enterrent les réseaux, s'arrête brutalement avec un mur de briques dont l'agencement laisse deviner d'anciennes ouvertures aujourd'hui closes, cicatrices du passé. Une rue sans fin où tout a commencé.

64 Schulitz H., Sobek W., Habermann K., Construire en acier, Presses polytechniques et universitaires romandes (PPUR), 1999, p. 66

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L'atelier électrique et les outils du projet Le lieu qui « électrise le secteur et aimante les habitants de ce qu'ici on appelle l'îlot Stephenson »65, comme se plaisent à filer la métaphore les journalistes, s'appelle l'Atelier Électrique, du nom de l'activité qui occupait le bâtiment. Cette cabane de chantier symbolique pour les habitants sera un élément rassurant dans le quartier puisqu'une permanence architecturale sera mise en place. Le but de la manœuvre est notamment de casser les préjugés sur le métier d'architecte, souvent vus comme un artiste solitaire ou un homme d'affaire, pour devenir « architecte de souveraineté communautaire »66 et ainsi avoir une nouvelle proximité avec l'usager. Ce lieu représente également « une interface enrichissante entre l'homme et le monde artificiel, qui ne soit pas uniquement fonctionnelle et technique, mais engendre aussi des émotions, des récits, des qualités profondes »67. Jusqu'aujourd'hui, la maîtrise d’œuvre et la maitrise d'usage sont représentés hebdomadairement à l'Atelier Électrique. Toute la composition urbaine a été « validée » dans ce lieu particulier, cher à Patrick Bouchain. Lieu de la sensibilisation à une culture du projet particulière, cela a aussi permis de légitimer le travail des architectes en fixant un cadre de réflexion qui évoluait progressivement du général vers le détail. La première étape dans les débats publics à l'Atelier Électrique portait sur la question « Qu'est-ce qu'habiter ? ». Au cours des années, plusieurs événements sont venus ponctuer le chantier afin de faire du processus de conception le lieu de l'architecture et de l'individuation en en gardant une mémoire68. « il convient de préciser les attentes de celui qui engage la participation de façon à pouvoir mener les actions limitant les risques de déception »69

L'outil mis en place par la maîtrise d’œuvre pour créer l'étincelle est la Conversation Publique, un espace de débat. C'est le lieu de l'expression du désaccord et du conflit. Cela

65 Citation extraite de l'article de Dany Stive pour le journal L'Humanité de novembre 2009 66 Onfray Michel, Principe de contre-renardie, in Bouchain P., Construire autrement, L'impensé Acte Sud, Arles, 2006, p. 132 67 Branzi A., Nouvelles de la métropole froide, Les essais Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1991, p. 141. (Édition originale de 1988) 68 cf. annexe 5, concours du plus beau torchon à l'Atelier Électrique 69 Marion C., op. cit., p. 178

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confirme que « la démarche de projet devrait se dérouler selon un processus itératif par redéfinition des objectifs à chaque phase »70 et rejoint ainsi l'idée d'individuation de G. Simondon selon laquelle l'individu se constitue à travers la relation. Ici, le projet se forme tout en étant redéfini constamment. C'est aussi ce dispositif participatif qui crée, a priori, les conditions d'existence d'une certaine esthétique qui, si on se réfère à Nicolas Bourriaud, s'exprime à travers l'effervescence des acteurs, une synergie propre au processus de négociation. L'expression des opinions, la contestation, la joie commune ou l'énergie du conflit, se produisent grâce à ce lieu (l'Atelier Électrique) et participent, d'un certain point de vue, d'une esthétique relationnelle. Le moment de socialité qui est organisé dans le cadre de la Conversation Publique relève de l’œuvre en soi, sentiment exacerbé par le fait que ces débats publics

Illustration 5 conversation

:

Affiche

d'une

soient filmés. Mais c'est surtout à ce moment précis que la maîtrise d'usage va s'exprimer. Comme le souligne le géographe G. Faburel, « l'habitant serait l'expert de l'immédiat et du local […], bien que trop souvent dépossédé de ses savoirs sociaux »71. En effet, Marguerite Parent, une habitante qui nous rappelle notamment que le développement durable est surtout une question de bon sens nous explique : « J'ai un puits au fond du jardin et j'ai une citerne de récupération des eaux de pluie, un bon travail en peau de cochon, très propre et très imperméable. Je ne vais quand même pas laver ma maison avec de l'eau potable, non ! ». Mais si on se réfère à l'entretien avec L. Sferrazza, habitant historique de l'impasse Stephenson et secrétaire de l'association Rase Pas Mon Quartier, maçon à la retraite, on se rend compte que l'habitant peut se confondre avec le professionnel, sans toujours être écouté comme tel. Celuici pointera un défaut de la maitrise d’œuvre valorisant ainsi la compétence d'usage des habitants 70 Ibid. 71 Propos extrait de l'intervention de G. Faburel « Les savoirs et compétences des habitants : vers une nouvelle épistémè de l’agir territorial ? » lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012.

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lorsqu'il évoque le bruit de la pluie sur la tôle ondulée : aurait-on sacrifié le confort habitant au profit d'une image architecturale ? Mais, peut-on juger de la qualité d'un ensemble urbain lorsqu'on est habitant ? Le choix du matériau « tôle ondulée » dans le travail des architectes n'a pas fait l'objet d'une consultation alors que ce même matériau entre en conflit avec la maîtrise d'usage qu'on reconnaît aux habitants. Ces-derniers, qui ne possèdent pas la culture, ni les codes pour comprendre tous les choix architecturaux peuvent-ils mettre en péril une décision que le maire, les ABF, la maitrise d'ouvrage... ont approuvé ? Il est difficile d'évaluer à quel moment le citoyen peut faire valoir ses compétences. On peut pourtant reprocher à P. Bouchain, qui se réfère souvent au mouvement des Castors72 d'après-guerre, le fait que la maîtrise d’œuvre n'accordera aucune véritable importance aux attentes des habitants concernant l'ambiance, les questions techniques qui entraineraient des modifications trop coûteuses... ou simplement qui seraient trop en décalage avec l'image de l’œuvre de l'architecte. Pour L. Sferrazza, « le problème avec les architectes, c'est qu'ils connaissent beaucoup de choses mais ils n'ont pas l'expérience »73. L'autre outil, plus ludique, plus facilement compréhensible pour tout un chacun, mais pas toujours évident en ce qui concerne sa représentation, est la maquette. Entre maquette d'étude et maquette définitive, on n'arrive pas très bien à définir la nature de celle qui repose à

Illustration 6 : Discussions autour de la maquette collective à l' Atelier Électrique, émergence d'une esthétique relationnelle ? 72 Le mouvement coopératif des Castors est né après la guerre (1945), à la suite de la pénurie de logements qui lui est due. 73 cf. annexe 2 « retranscription de l'entretien avec Lino Sferrazza »

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l'Atelier Électrique, mais c'est précisément ce caractérise le processus de participation : une matière en formation permanente. La maquette matérialise la négociation permanente puisqu'elle permet à tous de (se) projeter, atténuant ainsi la structure hiérarchique classique : architecte puis habitant. Pour J-J Terrin, « de nouvelles écritures, plus floues et plus aléatoires permettent alors de représenter le projet de sorte que celui-ci devienne source de débat et de négociation, avant d'être la description d'un objet à réaliser »74. La maquette est l'outil par lequel peut commencer une individuation parce qu'elle apporte à l'individu un aperçu du milieu sur lequel il travaille. L'habitant met alors en place des stratégies à partir des compétences qu'il détient et qu'on lui reconnaît : le savoir d'usage. Dès lors, les négociations entamées entre tous les acteurs du projet s'instituent à travers des rapports de force. Le conflits qui naissent autour de la maquette ou lors des Conversations Publiques sont nécessaires et porteurs de solutions. Comme le souligne C. Marion en évoquant Machiavel, le conflit fonde l'harmonie. Si on énonce clairement les problèmes et, pour reprendre la métaphore de la complexité chère à E. Morin, si on sépare les fibres du tissu, on peut le recomposer par la suite.

Illustration 7: Maquette en bois et en mousse de l'îlot Stephenson, réalisée par des étudiants de l'ENSAP Lille. Un jeu de cube pour adultes.

74 Terrin J.-J., op. Cit., p. 53

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La maquette de l'îlot laisse apparaître 3 typologies d'extension qui, selon D. Favret, architecte de Construire, pouvaient être mises en situation par les habitants. Ces trois formes d'agrandissement des maisons sont les suivantes : •

la rehausse de toiture ou chien assis dans certains cas

la véranda

le patio

Illustration 8 : Quatre groupements de trois maisons montrant les différentes typologies d'extensions

Ces dispositifs spatiaux sont accompagnés par une diversité de matériaux en façade sur jardin : tôle ondulée le plus souvent, bardage bois ou zinc plus rarement. A cela s'ajoute une multitude de teintes pour les tôles ondulées de manière à créer un collage donnant l'illusion du spontané. Ainsi, la maquette de travail est un outil fondamental qui aide à la formalisation du dialogue et des attentes. Cet outil met en relief le caractère pédagogique de la participation, il est à la base de la négociation du projet car on peut déplacer des morceaux, montrer, imaginer l'ambiance... cela permet surtout à l'architecte d'expliquer ses choix. Pour Christian Marion, la participation a pour but de rapprocher les gens pour leur faire prendre conscience de la complexité des choses mais elle est, par sa nature, un « supplément démocratique » car, finalement, aucune délégation de pouvoir n'est accordée sans que la position du décideur soit confortée et légitimée75.

75 MARION Christian, op. cit., p. 31

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Un degré moyen de participation Au regard des éléments développés précédemment, on imagine plus ou moins bien l'ambiance conviviale d'échange et de travail de ce projet dit en participation. Après avoir sauvé leur quartier de la démolition, les habitants de Stephenson se sont vus invités à participer à la restructuration de leur cadre de vie, accompagnés d'architectes, de la SEMvr, d'artistes... En effet, seules les maisons inhabitées sont agrandies mais ce changement a un impact sur le milieu et il concerne dont aussi bien les gens qui habiteront ces maisons que la relation de voisinage, donc les habitants historiques. Apparait alors un paradoxe : comme il faut faire avancer le projet, Patrick Bouchain et l'agence Construire dessinent un projet avec une certaine dose d'adaptabilité . Les deux typologies développées sont soumises aux habitants historiques qui les approuvent ou non, alors même que les futurs résidents LMH n'ont pas été trouvés. Ceux-ci n'auront donc pas leur mot à dire sur le gros œuvre ni l'aspect extérieur de leur bâtisse. Afin de mesurer le degré de participation à Tourcoing, on peut se référer à l'échelle d'Arnstein76, du nom de celle qui l'a mise au point. Répartie sur huit degrés, elle présente la participation depuis son absence dans les processus de manipulation et de thérapie jusqu'au pouvoir effectif des citoyens. Cette « échelle de la participation » est utilisée par des sociologues pour analyser la manière dont les pouvoirs publics informent, et font participer les citoyens aux prises de décision. Elle se compose de trois échelons qui sont le pouvoir effectif des citoyens (Degrees of Citizen power), la coopération symbolique (Degrees of Tokenism), la non-participation (Degrees of Non Participation).

76 Donzelot J., Epstein R., « Démocratie et participation : l'exemple de la rénovation urbaine », Esprit, Forces et faiblesses de la participation, n°326, p. 7. Sherry R. Arnstein est une consultante américaine qui élabora en 1969 une échelle de la participation suivant 8 degrés.

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Contrôle citoyen : une communauté locale gère de manière autonome un équipement ou un quartier.

Délégation de pouvoir : le pouvoir central délègue à la communauté locale le pouvoir de décider un programme et de Pouvoir effectif des citoyens le réaliser.

Partenariat : la prise de décision se fait au travers d'une négociation entre les pouvoirs publics et les citoyens Conciliation : quelques habitants sont admis dans les organes de décision et peuvent avoir une influence sur la réalisation des projets.

Consultation : des enquêtes ou des réunions publiques permettent aux habitants d'exprimer leur opinion sur les changements prévus. (aussi appelée Réassurance)

Coopération symbolique

Information : les citoyens reçoivent une vraie information sur les projets en cours, mais ne peuvent donner leur avis. Thérapie : traitement annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux Manipulation : information biaisée utilisée pour « éduquer »

Non-participation

les citoyens en leur donnant l'illusion qu'ils sont impliqués dans le processus. Illustration 9 : Mise en évidence du degré de participation pour le projet Stephenson : de la coopération symbolique allant parfois jusqu'au partenariat.

Il est possible de voir une correspondance entre les différents degrés de participation repérés pour le projet Stephenson et les propos de Denis Favret lorsqu'il parle de « participation étendue ». En effet, par certains aspects, la « participation » à ce projet par les habitants peut être vue comme de l'information, de la consultation, de la conciliation ou même, plus rarement, comme un partenariat. Par certains aspects, il s'agit aussi d'éducation : « Les chantiers du Grand Ensemble seront également l'occasion d'une éducation populaire et scientifique »77. La démarche adoptée à Tourcoing est reprise par le consultant spécialiste des processus participatifs T. Foucault qui la décompose en trois temps : « expliquer, impliquer, appliquer »78. Il précise que la notion « expliquer » revient à un apprentissage partagé des outils de chacun (savoir usager et savoir architectural) ; « impliquer » consiste à mettre en mouvement les acteurs et les outils du projet afin de provoquer la synergie nécessaire à la

77 Citation extraite du manifeste « Dénormer le logement social », cf. annexe 6 78 Propos extrait de l'intervention de T. Foucault « Démarches participatives en urbanisme, que faire des contradictions ? » lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012.

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construction collective ; et « appliquer » permet de recadrer les propositions pour aboutir à des solutions pragmatiques, réalisables, et passer à l'action. L'outil qu'ont choisi de mettre en place la SEMvr et l'agence Construire est un tableau d'individualisation. Celui-ci permet le suivi des chantiers et fait figurer les propositions des futurs habitants négociées avec les architectes qui les conseillent.

Illustration 10: Extrait du tableau d'individualisation des logements LMH, un accompagnement limité

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Cet extrait du tableau d'individualisation présente succinctement le ou les locataires, notamment avec une photo, ainsi que le suivi du chantier. Comme le montre ce tableau, chaque famille se voit attribuée un contact à l'Atelier Électrique ainsi qu'un chargé de gestion LMH. Une attention est portée à la constitution de la famille, parfois à la profession. Un planning des rencontres à venir est élaboré ainsi qu'une réponse systématique à toutes les interrogations des futurs habitants. Autre point important, c'est principalement le second œuvre à l'intérieur de la maison qui fait l'objet de négociations. Dans la deuxième colonne, on peut voir de quelle pièce il s'agit, le motif de la réclamation ainsi qu'une réponse de la maitrise d’œuvre. Le caractère relatif de cette participation79, qu'il serait d'ailleurs plus juste de nommer « coopération symbolique », repose sur le fait que la relation architecte/habitant mise en place ne concerne que les intérêts d'une famille, comme dans la relation classique d'un maître d’œuvre et son client privé. Le tableau d'individualisation des futurs occupants accompagne ce que Notre Atelier Commun a imaginé : les VEFA, Ventes en l’État Futur d'Achèvement). Il s'agit d'un dispositif permettant à l'habitant de participer à l'élaboration de son logis mais dans certaines limites. Comme nous venons de le voir, l'habitant n'aura aucune prise sur l'aspect extérieur, domaine réservé de l'architecte. Cependant, il aura la chance de personnaliser, avec les conseils de l'architecte, l'intérieur de son nouveau logement. Mais si « rompre avec la solitude, retrouver les solidarités de voisinage et permettre des mixités sociales et intergénérationnelles »80 sont parmi les objectifs majeurs de la participation, cette méthode d'individualisation se concentre uniquement sur la relation unidirectionnelle de l'habitant avec son habitat, en évacuant toute dimension collective, dans un emboitement d'échelles complexe. Ceci met en péril le postulat que « le bonheur se trouve dans le lien social ». « Le nouveau pacte d’alliance entre un bailleur et ses locataires proposé par l’agence envisage la propriété comme le partage d’un intérêt commun – le logement – et son 79 Il serait en effet plus juste de remplacer dans le discours le terme « participation » par « coopération symbolique » mais, après avoir souligné leurs différences, nous continuerons avec le terme de participation, par commodité. 80 Marion C., op. cit., p. 224

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appropriation par ses occupants comme l’assurance de sa préservation. [...] L’individualisation du bien passe également par le choix des matériaux d’habillage (métal déployé, tôle ondulée ou bois) »81. Si l'habitant a un pouvoir certain dans l'aménagement de son logement, il n'en est pas moins locataire et cèdera sa place à un autre. Il s'agit donc pour les architectes de trouver le degré de personnalisation ne gênant pas à la modularité de bâtiment. C'est la raison pour laquelle Construire s'est réservée la conception structurelle des maisons. « Il faut savoir s'approprier son habitat sans le figer » nous confirme l'agence d'architectes. Ces propos relativisent ceux de Patrick Bouchain, qui se demande, lors d'une interview, « pourquoi le logement ne prendrait-il pas en compte les rénovations faites par les habitants ? »82. La question qui apparaît alors est celle du cycle de vie du logement. En effet, les premiers arrivants ont pu le déterminer pour leur confort personnel. Mais, au moment du passage de main, y aura-t-il un nouvel accompagnement dans l'appropriation du logement ?

Illustrations 11 et 12 : Dans la maison témoin, matériaux et ambiances sont déclinées pour montrer aux futurs habitants toutes les possibilités qu'ils ont de personnaliser leur intérieur.

Au début du chantier, tous les carrelages d'époque des maisons (quand ils étaient en bon état) ont été soigneusement enlevés pour être proposés de nouveau aux futurs occupants. Les peintures, les matériaux de salle de bain... ont été soumis par les architectes et les autres personnes en charge du projet aux habitants. Certaines réclamations supplémentaires ont été prises en compte.

81 Article de Margaux Darrieus « J'habite, tu cohabites, il héberge, nous construisons... », AMC n°223 avril 2013 p. 15 82 Extrait du dossier « Quoi de neuf pour le logement social en 2009 ? » in Archistorm avril/mai 2009, p. 37

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Illustration 13 : Élévation côté jardin d'un groupement de 3 maisons, patchwork maîtrisé de matières et de couleurs

La dimension collective du processus de décision est pourtant également absente sur l'enveloppe des maisons. La traduction architecturale de cette participation est donc artificielle. En effet, l'apparent collage des façades est un faux aléatoire, une spontanéité maitrisée.

Médiatisation La diffusion du projet dans les médias, par les architectes, la SEMvr, la mairie... donne l'impression d'une réussite sur le plan humain. Pourtant, des indices au sein même des propos des décideurs semblent trahir un sentiment très différent que partagent les habitants. A la lecture de la revue de presse du projet, disponible sur le site de NAC 83, on entend plus souvent parler de Patrick Bouchain que de Construire, l'agence dont il fait partie et qui est 83 Revue de presse du projet Stephenson consultable sur le site : http://ddata.overblog.com/xxxyyy/1/51/74/17/Ensemble---Tourcoing/L-Atelier-Electrique---revue-de-presse---nov-2009.pdf

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en charge du projet. Les nom et prénom de l'architecte apparaissent à cinquante-quatre reprises dans les vingt articles qui composent le recueil. « Rase Pas Mon Quartier » est évoqué discrètement dix fois (soit dans un article sur deux en moyenne) et le sigle « NAC » est mentionné onze fois. Par ailleurs, l'architecte apparaît, dans la revue d'urbanisme Traits Urbains, de manière très solennelle, comme s'il récitait des prières : « Je crois au dialogue avec des gens volontaires et non assistés », « Je crois à la durée plus qu'à l'urgence », « Je crois à la formation »84. Il en ressort une certitude : il croit en l'existence individuelle et collective des gens. Des intentions louables, comme en témoigne la phrase avec laquelle il qualifie sa manière d'agir avec les habitants : « Cette méthode de travail produit du bonheur », citation quelque peu galvaudées par une répétition presque abuse de son nom. Les nombreux articles de presse sélectionnés par NAC montrent à quel point l'envie de travailler avec les habitants est primordiale pour cet architecte. Son attitude semble donc en adéquation avec la pensée de Gilbert Simondon selon laquelle « l'acte n'est ni matière, ni forme » et que l'opération d'individuation se construit en permanence à travers la négociation entre l'architecte, les habitants et l'architecture. On voit apparaître un réseau d'acteurs qui se forme, se déforme et se reforme sur une certaine durée, celle de la participation pendant la conception. On peut comprendre alors que le processus importe plus que la forme qui résultera des négociations. L'agence Construire « dessine un projet d'une architecture qui est dit d'interprétation et ensuite c'est à l'habitant de l'amender autour de la maquette »85. Mais, comme le souligne A. Debarre, « aucun architecte ne laisse les habitants dessiner le projet, ils entendent tous garder la maîtrise globale de la conception »86, puis ajoute ensuite : « Dans cette conception partagée, les interventions des habitants sont précisément cadrées par le maître d’œuvre ». De fait, lorsqu'on interroge les habitants, ceux-ci n'ont pas du tout eu l'impression de choisir l'ambiance, les modifications à apporter au quartier... et la maquette de travail n'aurait été, selon 84 Citations issue de la revue Traits Urbains de septembre-octobre 2009, « Tourcoing, un atelier sur rue pour Patrick Bouchain », Bertrand Verfaillie (dossier de presse constitué par NAC) 85 Propos de Denis Favret, architecte pour Construire, cf annexe 1, entretien avec Denis Favret. 86 Au cours de sa communication lors des rencontres RAMAU à l'ENSA Paris-la-Villette, A. Debarre expose ses observations sur le projet Stephenson à Tourcoing. Il est important de noter que celle-ci a travaillé sur plusieurs projets avec P. Bouchain.

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eux, qu'un « prétexte » pour faire passer les idées de l'architecte87. On observe donc une grande différence entre la médiatisation du projet et sa réalité vécue par les habitants. Comme l'explique A. Debarre88, l'enjeu des projets d'habitat participatif, en particulier celui mené par P. Bouchain à Tourcoing, est de respecter le caractère individuel et collectif de la demande. Les architectes sont donc mis en situation de hiérarchiser les demandes, les savoirs, les valeurs culturelles et sociales... Une série d'ajustements, d'adaptation perpétuelle caractérise ces projets et peut être vécue difficilement par les habitants mais l'architecte garde cette fonction d'organisateur de l'espace et des gens en se mettant à leur service. Dans la revue de presse du projet, la participation semble évidente et exemplaire à tel point que des journalistes insistent sur l'inversion des rôles : « Une équipe d'architectes profitera de l'expertise des habitants pour une coproduction que l'on qualifie d'inédite. »89, ou encore : « Ceux-ci pourront prendre part aux travaux et valoriser cet apport selon le principe de l'auto-construction »90. On constate cependant que la relation entre architecte et habitant est très contrôlée et se résume à une individualisation plutôt qu'à une individuation, c'est-à-dire que seul le caractère individuel de la démarche participative est pris en compte, au détriment de la dimension collective qui lui est complémentaire. Rappelons que, pour G. Simondon, l'individuation est la constitution de deux termes et de leurs milieux associés à travers la relation, dans une réalité pré-individuelle (souvent collective). D. Favret, architecte responsable du chantier, tente de qualifier la situation comme « une participation un peu « étendue »... dont on a du mal à mesurer ses limites... », sans doute pour exprimer le caractère flexible du projet et non prédéfini. En revanche, lorsqu'on interroge L. Sferrazza, sa réponse est beaucoup plus contrastée et directe : « On vient une fois par mois, une heure environ, on nous dit : il va se passer ça, on pense faire ça, là-bas. Voilà, point final. Après, nous

87 cf. annexe 2, entretien avec Lino Sferrazza, secrétaire de l'association Rase Pas Mon Quartier 88 Debarre Anne, architecte DPLG, est maître-assistante en histoire et culture architecturale à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais et membre du laboratoire Architecture-Culture-Société (AUSSER, UMR 3329). Ses recherches portent sur l’architecture domestique et ses théorisations, ses réalisations et leurs modalités de production, dans l’histoire et le temps présent. 89 Article issu de La Voix du Nord de septembre 2008, « Une aventure architecturale et humaine inédite à Tourcoing », P. Seghui. (dossier de presse constitué par NAC) 90 Article issu de la revue Le Fil des Ans de septembre-octobre 2009, « Du camp retranché à l'avant-poste » (auteur non mentionné) (dossier de presse constitué par NAC)

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on dit oui ou non. Mais quand on dit non, ce n'est pas facile. »91

Un projet nourri d'espoir Ainsi pourrait se résumer le déroulement du « processus Stephenson ». Si l'intention humaniste de P. Bouchain est louable et s'inscrit dans sa doctrine qui vise à dénormer le logement social, la médiatisation des projets joue un rôle primordial dans l'écho de son œuvre auprès des populations. L'un des principaux paradoxes de ce projet réside dans une gestion du temps un peu particulière car elle invite les futurs habitants (LMH) à investir les lieux parfois longtemps après le moment où les décisions communes ont été prises. L'intérêt de ce qui est vanté comme de la participation mais, comme nous l'avons souligné, se situe plutôt du côté de la coopération symbolique, est partiellement perdu puisqu'après le temps du chantier, le vivre ensemble a été négligé. Ce phénomène s'illustre particulièrement bien lorsqu'on pose aux différents acteurs la question du devenir de l'Atelier Électrique : Denis Favret nous avoue qu'il ne sait pas ce que cet endroit chargé symboliquement peut devenir ; Malika Kadari (responsable d'opération à la SEMvr) aimerait trouver un repreneur ayant une activité qui respecte l'esprit du quartier ; et les idées fusent chez Lino Sferrazza et les habitants de Rase Pas Mon Quartier qui imaginent, par exemple, une entrée pour un parking collectif avec des bureaux à l'étage. « On a encore des souhaits mais je n'espère plus beaucoup et je crois que je ne verrai jamais le quartier comme je l'imagine » avoue-t-il un peu défaitiste. L'avenir incertain de l'Atelier Électrique exprime aujourd'hui l'état d'esprit qui règne en cette fin de chantier, entre amertume et frustration. L'Atelier Électrique s'est seulement limité au temps du chantier sans qu'on ait pensé à son futur. C'est ce qu'on pourrait reprocher à ce projet : commencer à initier la population à une culture du projet mais avorter ce mouvement d'ouverture à l'heure où le chantier se termine. Le projet Stephenson est ressenti comme un événement qui s'éteint petit à petit, un bon moment qui sombre dans la nostalgie.

91 Propos recueillis auprès de Lino Sferrazza sur le blog « labrique.net », dans l'article « Zone de l'Union : Défendre nos maisons », le 18 février 2010 (auteur non mentionné)

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Bien que les habitants soient parvenus à sauver leurs maisons, l'espoir supplémentaire qui est né au début du chantier s'est parfois transformé en déception mais le projet est loin d'être un échec. En effet, de nombreux points positifs, comme l'ouverture du métier d'architecte et le sentiment d'avoir souvent été écouté pour les habitants, reviennent à la bouche des vétérans de Stephenson. Pour les nouveaux arrivants, le projet est une aubaine, il est très rare de pouvoir être accompagné dans l'appropriation de son logement avec un prix au mètre carré très raisonnable (1100€/m2 en moyenne pour les douze maisons LMH)92. Ces méthodes de conception partagée semblent avoir de beaux jours devant elles, à en croire la revue d'architecture AMC, qui souligne qu'aujourd'hui « la jeunesse énergique et contestataire peut se mettre pleinement – au sens de plein temps – au service d’une population »93. Ce type de projet est possible grâce à l'intervention d'architectes comme Patrick Bouchain qui bénéficient d'une aura privilégiée dans le monde politique, médiatique et architectural. Enfin, nous pouvons reconnaître à ce projet le mérite d'avoir atteints beaucoup d'objectifs comme développer une culture du projet, sensibiliser les habitants aux enjeux du vivre ensemble et ainsi participer à leur éducation architecturale.

92 Informations issues de l'article de Margaux Darrieus « J'habite, tu cohabites, il héberge, nous construisons... », op. Cit. p. 13. Le coût global de l'opération aura coûté à la SEM 4,9 M€, pour des maisons dont la valeur est comprise entre 105000 et 230000 € (source G. Durand, 20 minutes) 93 Ibid., p. 14

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Passer le relai « Une maison est une machine à habiter. »94

De manière un peu détournée, il existe d'autres processus qui amènent à faire participer les gens sans pour autant les faire intervenir dès le moment de la conception. De plus, pour chaque projet qui prend en compte l'habitant, il existe une façon de faire différente. En effet, contrairement à ce qui se passe à Tourcoing, nous aurons affaire à une construction neuve. Mais « participer », comme nous l'avons esquissé plus haut, n'est peut-être pas le bon terme. Il y a, dans cet exemple, une relation qui unit indirectement le concepteur à l'utilisateur des lieux. Le choix a été d'introduire les habitants dans un processus d'appropriation accompagnée par un collectif d'artistes, Qubo Gas95. Ce projet qui met l'accent sur le vivre ensemble en portant un intérêt tout particulier à la fabrication des espaces du commun (espaces publics et espaces partagés) est celui de l'agence Sophie Delhay architecte96, associée à l'entreprise Norpac97 dans le cadre d'un concours Conception-Réalisation, et à Sia Habitat98, maître d'ouvrage, pour répondre à l'impulsion politique de la ville de Lille, Répondant aux problématiques de la ville intense, la résidence Pirotte à Lille Fives, rue de Lannoy est une opération de logements sociaux BBC innovante. De nouvelles technologies de communication y sont mises en place avec, pour enjeu principal, la culture dans la ville, culture du vivre ensemble.

94 Le Corbusier, Vers une architecture, éd. G. Crès, 1924, p. 73 95 Qubo Gas est un collectif d'artistes lillois créé en 2000 par Laura Henno, Jean-François Ablézot et Morgan Dimnet. Leurs œuvres associent plusieurs techniques, le dessin, la peinture, la numérisation, et utilisent plusieurs supports, l’illustration, le « wall drawing », l’animation digitale, le programme interactif, la performance, l’installation. 96 Sophie Delhay (1974-) est diplômée de l'école d'architecture de Lille en 1999. Associée à l'agence d'architecture Boskop, elle fut lauréate des Nouveaux Albums des Jeunes Architectes 2005-2006. 97 Norpac est une filiale de Bouygues Construction. C'est une entreprise générale qui comprend une équipe de conception et qui travaille avec des sous-traitants. 98 Sia Habitat, du groupe SIA (Société Immobilière de l'Artois), est le deuxième pôle privé du logement social en Nord-Pas de Calais.

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Considérer les potentialités d'usages Parmi les références qui ont inspiré cet immeuble de logements, la cité radieuse prête plusieurs de ses éléments fédérateurs au projet : le béton banché (presque brut, juste peint), l'utilisation de la couleur primaire jaune, l'espace commun sur le toit, la typologie de la barre, la réinterprétation de la notion d'usage.

Illustration 14 : Travail en maquette pour la définition des espaces partagés : 1. espaces partagés exprimés par le vide ; 2-3. espaces partagés exprimés par le plein

Si nous prenons l'unité d'habitation de Le Corbusier99 (à Marseille par exemple), les utilisations des espaces à vivre sont très travaillés, au point de prédéterminer tous les usages. A partir d'un homme standard, le modulor, 1m83, nombril à 1m13, Le Corbusier dessine les espaces à partir de dimensions arbitraires pour lui faciliter l'utilisation de son logement... et de son « village vertical » en alignant les « unités d'habitation » par rapport à des rues intérieures »... Le projet de Sophie Delhay reprend et transpose ce micro-urbanisme dans un principe de placettes en cascades aux usages variés.

Illustration 15 : La Cité Radieuse de Marseille, Le Corbusier (un seul architecte), 1945-52

Illustration 16 : La future résidence Pirotte (une conception partagée), 2013

99 Sbriglio Jacques, Le Corbusier L'unité d'habitation de Marseille, éd. Birkhaüser, Collection « Corbusier Guides », 2004

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La différence entre ces deux « machines à habiter » réside dans la manière dont on a considéré la relation de l'homme à l'espace. Pour Le Corbusier, l'homme est abstrait et correspond à l'espace dessiné, il est une contrainte physique du projet. Pour l'agence de S. Delhay, pour qui la Cité Radieuse est une référence clairement énoncée, l'homme devient humain et c'est dans son rapport individuel et collectif à l'espace, symbolique et concret, qu'un projet prend forme. Elle apporte un peu d'humilité à la maitrise d’œuvre car, pour elle, « plutôt que de s'interposer entre l'habitant et sa relation au monde, il faut au contraire mettre en œuvre les conditions de son épanouissement sans le prédestiner »100. Comme le souligne la sociologue M. Akrich, ce qui est en jeu, c'est précisément de « savoir comment la configuration même de l'objet technique impose ou non un certain nombre de contraintes sur les relations que les actants entretiennent entre eux et avec l'objet, et, réciproquement, comment la nature de ces actants et les liens qui existent entre eux peuvent (re-)formuler l'objet et ses usages. »101. On observe alors une interaction entre les humains et l'architecture : l'effet des objets qui vont définir les actants et l'action des actants sur les objets. Il y a une négociation entre actants (entre les habitants et les espaces partagés) qui aboutit à la formulation d'usages.

Illustration 17 : Le « grand emmarchement » des espaces partagés (en jaune) du RDC au R+6

Au moment de cette étude, le projet de logements sociaux de Sophie Delhay en est à l'étape du chantier. Nous ne verrons donc pas le « retour d'expérience » des habitants suite à leur participation au processus culturel d'appropriation mené par le collectif d'artistes Qubo Gas. Mais les mots de l'architecte laissent présager de l'avenir de bâtiment : « Il faut accepter que l'architecture soit une aventure qui nous échappe dès qu'elle est livrée »102. Il s'agit donc là

100Propos de Sophie Delhay présentés dans son portrait pour les lauréats du NAJA 2006, sur le site : http://www.ajap.culture.gouv.fr/ 101Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 161 102Idem note 94

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d'une « participation-appropriation » et non, comme veut le faire P. Bouchain, d'une « participation-conception ». Par conséquent, il apparaît plus pertinent de s'intéresser à l'architecture produite, permettant une liberté d'usage, ainsi qu'à la méthode mise en place par le collectif d'artistes, plutôt qu'au vécu de ce type de participation. Par ailleurs, il faut préciser qu'il s'agit d'appartements destinés à la location ainsi qu'un certain nombres disponibles en LOA. Les futurs habitants sont des « volontaires », c'est-à-dire qu'ils se disent prêts à éprouver cette nouvelle manière de vivre ensemble. Une charte a été prévue à cet effet et sera réalisé dès l'arrivée des habitants. Elle représente un engagement qui garantie l'installation d'un climat favorable à l'appropriation dès le début.

Esthétique de la convivialité Contrairement au précédent projet, il n'y a pas de recherche de fausse spontanéité mais la volonté d'offrir une structure disponible à différents usages. A l'échelle urbaine, nous ne sommes pas face à un travail de reprisage du tissu, comme c'était le cas pour Construire à Tourcoing, mais c'est un véritable morceau de ville qui vient dialoguer avec des repères symboliques du quartier de Fives, à savoir la salle des fêtes ou le square adjacent. Le projet met en liaison tous les éléments. C'est la flexibilité des usages qui caractérise ce grand ensemble, comme si toutes les décisions qu'on aurait pu prendre n'avaient pas été prises. Ainsi, les acteurs de la conception de ce projet reconnaissent aux futurs habitants le privilège de la maîtrise d'usage, prédestinant

en pas

ne les

lieux, en produisant des « espaces fertiles »103.

Illustration 18 : Coupe d'ensemble des logements collectifs : un parking souterrain ouvert, un jardin commun, le dispositif d'espaces partagés (en jaune) qui produit l'alternance d'orientation des coursives. 103 Idem

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Encore une fois, on parlera plutôt de collaboration entre les professionnels que de participation, dans le cadre de cette conception. Ceci est en grande partie dû au type de concours qui a fait naître le projet. En effet, pour un concours Conception-Réalisation, il y a nécessairement une grande confiance entre l'entreprise généraliste qui travaille avec l'équipe de conception. Par ailleurs, le rapport entre les deux était très ambigu puisqu'une

équipe

conception

interne

de à

Norpac a accompagné celle de

Sophie

Delhay,

notamment par rapport au respect des normes en vigueur, et également par rapport au budget.

Illustration 19 : Test de peinture sur béton banché pour habitants actifs

Mais cette collaboration a aussi amené l'architecte à faire des concessions : au départ, la forme pensée était plus en gradins et a fini par devenir une barre. La négociation permanente entre les deux équipes de conception était indispensable pour garder l'esprit originel d'un ruban qui se déroule d'étage en étage sur toute la longueur du bâtiment. Finalement, les 7 espaces partagés présentent 4 caractéristiques communes. Les deux premiers vont de paire : la double hauteur par laquelle deux espaces sont reliés entre eux et la transversalité (d'est en ouest). Le matériau béton est banché et sera simplement peint en jaune. Un local sera, selon les étages, un WC ou un rangement. La couleur jaune présente un double intérêt, elle est lumineuse et permet donc d'utiliser cet espace qui se déploie dans l'épaisseur. Elle est aussi un signal à l'échelle du quartier, ce qui fait qu'on pourra identifier le bâtiment, ou s'y identifier le cas échéant.

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Illustration 20 : Axonométrie éclatée de l'enchainement des espaces partagés, du rez-de-chaussée comme extension de l'espace public à l'accès au solarium du R+6, belvédère sur la ville

La sociologue M. Akrich nous renseigne quant aux possibilités d'utilisations de ces espaces car « la plasticité de ces objets, qui s'éprouve dans la rencontre avec l'utilisateur, dépend des partages de compétences qui ont été effectués dans les processus de conception. »104 La plasticité des espaces partagés est relative à la délégation de pouvoir qui a été faite aux usagers. Et si on a voulu « donner un maximum de liberté et d'espaces à investir » aux résidents, on les a également invité à rédiger en commun une charte d'utilisation de ces espaces communs. Ils limiteront eux-même leur champ d'action individuel et collectif et en détermineront les usages. En l’occurrence, le béton banché très soigné qui a été réalisé puis peint en jaune semble entrer en concurrence avec la possibilité pour les usagers de ces lieux de les modifier. C'est pourquoi

104Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 162

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on peut parler d'appropriation par addition plutôt que d'une appropriation plus substantielle des lieux par transformation de ceux-ci. En qualifiant le bâtiment de « machine à habiter », Marlène Galland, architecte en charge du chantier, fait un clin d’œil ironique à Le Corbusier en désacralisant l'objet industriel pour en faire une machine de convivialité. De la même manière, Ivan Illich105 veut nous faire prendre conscience de la nécessité de retrouver nos vrais besoins, à l'opposé d'une société industrielle aliénante. Ainsi, selon lui, il faut retrouver la relation de l'homme à l'outil et non le contraire, comme dans la machine à habiter de Le Corbusier. Un tel outil est « générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnelle »106. Par conséquent, les espaces proposés dans le projet de Fives n'imposent ni n'excluent personne. De plus, la notion d'outil convivial peut se reporter sur le bâtiment tout entier et sur la méthode suscitée par un tel projet. Bien que la participation des habitants se fera avec les artistes dans ces lieux voués à l'échange que sont les espaces partagés, on ne peut pas dissocier les logements et leur accès, par coursive, de l'intention générale du projet de flexibilité des espaces : le logement est travaillé de manière à ouvrir les volumes au maximum,

Illustration 21 : Appartement type 3 flexible et fluide. La souplesse dans la conception est présente jusque dans le logement.

notamment en effaçant la présence de certaines portes. Sans jamais utiliser les termes de « participation » ni de « consultation », ni tout autre substantif devenu aujourd'hui presque démagogique107, l'exposé de la démarche de Sia

105 Ivan Illich (1926-2002) est un penseur politique qui critiqua la société industrielle. 106 Illich Ivan, La convivialité, Seuil, Paris, 2003 (première date de parution, 1973), p. 27 107 Dans Participation citoyenne au projet urbain, Christian Marion nous explique que l'attitude rétrograde de certains habitants par rapport à certains projets d'architecture contemporaine peut être utilisée par le politique qui, sous prétexte de participation, refusera le permis de construire, assurant ainsi sa popularité auprès des gens. « Il réduit son ouverture au monde et à sa dynamique. », p. 134.

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Habitat par C. Stiel108 interroge l'habitant dans sa double dimension individuelle et collective. A travers les outils développés (espaces partagés, charte de vie), la mission du maître d'ouvrage est de responsabiliser les habitants en proposant une « éducation » à la vie collective. Pour se faire, une étroite collaboration a été faite avec les architectes qui ont développés des imaginaires sous formes de scenarii. M. Akrich nous éclaire sur la méthode employée par la maitrise d'œuvre de la manière suivante : « ...une grande part de leur travail de conception consiste à « inscrire » cette (pré)vision du monde dans les contenus techniques de leur innovation […], cette mise en forme technique, par le concepteur, de son point de vue sur les relations nécessaires entre son objet et les acteurs qui doivent s'en saisir se veut une prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des prescriptions qui l'accompagnent. […] Mais, tant qu'il ne se présente pas d'acteurs pour incarner les rôles prévus par le concepteur, son projet reste à l'état de chimère : seule la confrontation réalise ou irréalise l'objet technique. »109.

Illustration 22 : Scenario 2 pour l'espace partagé du R+2 intitulé « un samedi matin, atelier cuisine intergénérationnel »

108 Christelle Stiel est chef de projet en gestion sociale pour Sia Habitat. Un entretien, disponible en annexe 8, a été réalisé avec Mme Stiel le 25/04/2013 109 Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 163

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Illustration 23 : Scenario 1 pour l'espace partagé du R+2 intitulé « un soir d'été, cinéma de plein air »

Les dessins au crayon, accompagnés de perspectives informatiques, expriment les possibilités d'action dans ces lieux communs, en privilégiant la mise en scène des personnages à la qualité graphique. Le message est transmis simplement, avec peu de détails architecturaux, mais l'accent est mis sur la capacité de l'espace. Les dimensions et les ambiances sont avant tout mises en relief. Comme l'a révélé M. Akrich, la projection de ces usages précis, bien que vus comme des possibilités par les architectes, dans ces espaces définis, relèvent du prédéterminisme. L'hypothèse selon laquelle les usages et les usagers pourraient s'auto-déterminer est donc invalidée. Il y a ici des conditions propices à telle ou telle situation plutôt qu'une liberté totale laissée à l'usager de déterminer le lieu dont il se servira. Un espace peut être flexible, souple, tout en étant partiellement déterminé à une palette d'usages qu'il tient aux usagers de révéler. L'individuation des acteurs se fait donc dans la découverte de ces usages au contact de l'architecture. On peut alors qualifier le travail effectué par S. Delhay sur ce bâtiment d'architecture de la découverte.

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Illustration 24 : A gauche : scenario 1 pour le R+6 intitulé « un dimanche de mai, bain de soleil et jeu d'échec » Ci-dessus : scenario 2 pour le R+6 intitulé « 14 juillet 20h, pot des voisins avant le feu d'artifice »

Pour imaginer et se projeter dans les espaces partagés, les équipes de conception ont du, d'une part, se baser sur leurs propres expériences des espaces publics et, d'autre part, en dessinant des scenarii. Ceci relève d'un type de négociation particulier entre ce que G. Simondon appelle « les formes implicites de la matière ». Il définit ce processus par opposition au schème hylémorphique110. Ici, les forces de la matière et de la forme s'actualisent en permanence puisqu'aucun usage n'est imposé par la forme. Si on assimile les habitants à la matière et la structure en béton banché des espaces partagés à la forme, c'est la notion d'usage par appropriation qui régit la négociation et, par conséquent, l'individuation. C'est grâce à une conception ouverte qu'on a obtenu ces espaces ouverts et disponibles.

110 L'hylémorphisme est la philosophie développée par Aristote selon laquelle tout individu est indissociablement composé d'une matière et d'une forme, avec une supériorité reconnue à la forme.

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A la manière d'artistes contemporains comme Felix Gonzalez-Torres111 qui laisse libre le spectateur de s'emparer physiquement ou non de l’œuvre, changeant ainsi le rapport à l’œuvre d'art, les architectes mettent en place un espace libre dont chacun est libre de s'en saisir ou non. C'est ensuite à l'habitant de mettre « en place les

Illustration 25 : Untitled, 1993, Felix GonzalezTorres

éléments et les conditions d'utilisation ». Cette esthétique relationnelle s'appuie sur les caractères de la convivialité et de la rencontre pour produire un dispositif relationnel comportant un certain degré d'aléatoire, une machine à provoquer et à gérer des rencontres individuelles ou collectives ».Il est intéressant, partant de ces idées, de constater l'impact de ces outils dans la mise en œuvre technique du bâtiment. Effectivement, la flexibilité recherchée a provoqué la fabrication des plus grands espaces communs possibles, libres de toute emprise de poteaux qui viendrait contraindre les usages. Sur chacun des sept niveaux, les formes de ces paliers géants changent et induisent déjà, de par ces différences, des usages particuliers, comme nous l'avons vu avec les scenarii en croquis.

Illustration 26 : Vue panoramique depuis l'espace partagé du R+3

Mais la création de ces espaces a un coût. En effet, dans une logique financière, ces espaces auraient été rentabilisés par des logements supplémentaires. Cependant, Sia Habitat a vu dans ce projet l'opportunité de changer ses méthodes de travail et de gestion des logements sociaux. Grâce à sa volonté de retrouver les solidarités dans l'espace urbain, Sia a été très décisif dans la possibilité du projet. Et lorsqu'on interroge l'architecte Sophie Delhay à propos du 111 Felix Gonzalez-Torres (1957-1996) est un artiste américain d'origine cubaine. Il a produit des œuvres telles Untitled (Blue Mirror), 1990, qui est une pile d'affiches sur lesquelles sont imprimées une photographie du ciel dans un cadre blanc. Ces feuilles sont à disposition du public et le spectateur est libre de se servir.

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financement des espaces partagés, on apprend qu'« il a fallu rentrer dans l'enveloppe budgétaire. Cela nous a amené à travailler une économie du projet : la structure rationnelle du bâtiment a permis d'économiser sur les exceptions que sont les espaces partagés. Nous les avons également travaillés pour qu'ils se résument à l'essentiel, un espace, le plus simple possible, avec des matériaux peu chers. »112. Les espaces partagés ont fait l'objet de attention toute particulière sur le chantier. Ils frappent à la fois par leur simplicité et par leur complexité. Pour mettre en œuvre la grande portée, qui permet d'ouvrir l'espace partagé sur la coursive, et sans altérer le travail en façade de béton banché, une poutre secondaire est masquée par le voile de façade et résout cette contrainte. « Il faut qu'on ait l'impression d'un volume simple, évident » nous confiera M. Galland. Des discussions sont en cours concernant les usages potentiels des espaces partagés, notamment celui d'un petit marché le dimanche matin, dans l'esprit d'une cité radieuse qui offre les services du quotidien.

Illustration 27 : Les espaces partagés sont reliés entre eux, ce qui induit une communication entre étages par une double hauteur, ce qui permet à la lumière d'entrer efficacement et de générer des covisibilités. Une poutre de 10,90 m de portée libère l'espace.

En effet, les « décideurs » du projet comptent beaucoup sur l'impact des espaces partagés comme générateur du sentiment de fierté chez les habitants. La prochaine intervention artistique contribuera ainsi à faire du bâtiment un acteur du réseau social qui va se constituer. C'est dans un second temps que le collectif Qubo Gas a proposé une première esquisse de « fresque murale florale et abstraite ponctuée de grandes plaques de verre sérigraphiées » qui sera déployée depuis le premier espace partagé au rez-de-chaussée jusqu'au 112 Citation extraite de l'entretien avec Sophie Delhay qui expose spécifiquement le rapport coût/conception, cf. annexe 9

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dernier au sixième étage. Celle-ci sera un projet artistique qui pourra faire participer quelques personnes (deux adolescents, d'après SiaHabitat) mais dont les artistes se réservent le dessin.

Illustration 28 : Première esquisse du projet de Qubo Gas pour la nouvelle résidence à Fives, peintures sur mur et plaques de verre sérigraphiées.

Les habitants ne pourront intervenir que lors d'une deuxième étape. Les artistes ont proposé la mise en place d’ateliers de pratique artistique avec les enfants et adolescents de la résidence sur le thème de l’édition graphique : deux modules de quinze personnes seraient mis en place et ces ateliers déboucheraient sur la réalisation d’affiches conçues par eux et feraient écho à la grande fresque. Une exposition serait organisée à la fin du cycle pour présenter les travaux (là encore, les modalités d’intervention des habitants doivent être précisées). Pour compléter ces animations culturelles, des ateliers artistiques pourront être poursuivis avec les futurs habitants, les artistes résidents et les associations du quartier. Des conversations-débats pourront être organisés avec les habitants autour de la fresque de Qubo Gas, afin de favoriser l’expression et l’ouverture des habitants à l’art et à la culture. Dans le cadre de la mise en service de cette nouvelle résidence, Sia Habitat proposera de louer des logements à des artistes qui pourront intervenir auprès des habitants. Ces interventions pourront prendre la forme d’ateliers créatifs ou de présentation de leurs travaux.

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Architecture connectée La mise en communication des habitants est primordiale pour Sia Habitat. Selon l'entreprise, la résidence Pirotte sera connectée aux deux autres de Fives déjà réalisées et qu'elle gère : la résidence Les jardins de Fives, rue de la fontaine, 59800 Lille, et la résidence Louis Christiaens, au 88 rue Lannoy, 59800 Lille. Cette mise en réseau sera le moyen d'élargir la possibilité d'actions habitantes. En plus de se faire physiquement, ce tissage inter-résidences se fera par la mise en place d'un nouvel outil informatique, une « conciergerie numérique ». Disponible sous la forme d'une application téléchargeable, elle permettra à Sia de relayer des informations tout comme aux habitants de préparer des événements. « Pour la SAR (sociologie de l'acteur-réseau), la société doit être composée, établie et maintenue. »113. De plus, un rôle particulier est attribué au non-humain, comme un bâtiment, par exemple. La conciergerie numérique est le moyen trouvé pour donner la possibilité aux gens de s'informer de la vie collective (composer), pour fédérer les habitants (les établir), et susciter chez eux un sentiment d'appartenance (les maintenir). L'acteur « résidence Pirotte » se fait acteur à part entière puisque, par le biais de cette technologie qui permet de s'informer et de s'organiser, le bâtiment (et les espaces partagés sont conçus pour cette raison) va mobiliser un réseau qui va rendre possible l'animation.

113 Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 272

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Enseignements et prémisses La participation, lorsqu'elle accorde un rôle décisif à l'individu, dans son application en architecture ou ailleurs, fait intervenir un ensemble d'acteurs connectés en réseaux afin de mettre au service d'une cause commune une multitudes de « potentiels d'action ». Ces termes issus de la neurologie sont particulièrement adaptés à l'étude que nous venons de mener puisqu'ils correspondent aux qualités de cette architecture du faire ensemble qui ouvrent au maximum les possibilités d'agir. En effet, les neurones de notre cerveau interagissent entre eux suivant un nombre de connexions plus ou moins important. On peut poursuivre l'analogie en précisant que les opérations de traductions sociologiques, évoquées par M. Akrich, visant à rendre compréhensible pour chaque membre du réseau ce dont on parle par l'intermédiaire de controverses, sont comparables aux transmissions synaptiques de potentiels d'action ; une synapse étant la zone de contact fonctionnelle entre deux neurones. Si la biologie continue d'inspirer des formes architecturales, on voit qu'elle peut aussi conduire à une réflexion sur d'autres manières de concevoir en architecture. On parle d'ailleurs d' « architecture neuronale » pour désigner cet écosystème complexe. Cette complexité si chère à Edgar Morin nous a permis de penser la notion de participation à travers les différents domaines qui la sollicitent. Il s'agit, dans cette optique, d'établir une pensée qui débouche sur des actions non mutilantes, une hybridation des savoirs et la recherche d'une méthode qui s'appuie sur la richesse et la pluridimensionnalité des choses, en deux mots, une complexité. Ainsi, l'essence même du métier d'architecte peut être questionnée par une nouvelle attitude face à la dimension sociale de cette pratique, trop souvent déconnectée du réseau dans lequel elle se répand. En effet, les architectes sont capables, de par leur formation, d'appréhender des situations dans leur globalité, dans une vision d'ensemble, ce qui doit leur permettre d'intégrer la dimension sociale et symbolique dans les projets contemporains et ainsi enrayer la vision techniciste et partielle de l'habitat aujourd'hui. Le dialogue avec les habitants n'est pas une obligation, comme nous l'avons vu avec le projet de Sophie Delhay, c'est avant tout une action coordonnée de la maîtrise d’œuvre

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et de la maîtrise d'ouvrage qui ont fait naître le projet. Si, dans ce mémoire, à travers la notion de participation, nous nous sommes demandés dans quelle mesure nous pouvions parler de construction individuelle dans les processus de conception architecturale, nous pouvons à présent affirmer que cette construction se fait aussi bien chez les architectes que du côté des habitants. Toutefois, comme le souligne C. Gardesse114, « il n'y a pas de basculement des pratiques mais des adaptations »115. Le métier d'architecte reste « ancré dans le symbolique et fabrique des émotions »116,mais il est appelé à « se reformuler vers une nouvelle polyvalence et l'acquisition de compétences sociales s'il ne veut pas être exclu à terme de certains projets de ville »117. Dans le cas d'une participation ou d'une appropriation, c'est bien le processus qui prime, moment de l'individuation, car il sera déterminant pour le futur de l'habiter, dans sa dimension collective, et celui de l'habitant, dans sa dimension individuelle. Si « le véritable principe d'individuation est la genèse elle-même en train de s'opérer, c'est-à-dire le système en train de devenir, pendant que l'énergie s'actualise »118, on peut considérer que l'opération de conception est formatrice pour l'individu. Nous avons également vu que l'appropriation, dans une dynamique collective est un processus individuant car, l'acte se faisant en relation, il produira un milieu associé à l'ensemble des individus, donc à chaque individu. L'architecture produite devra assurer l'efficacité de ce processus dans le temps et, au terme de notre analyse, on peut esquisser quelques caractéristiques d'une telle architecture : la flexibilité (non déterminisme), la simplicité formelle (disponibilité) et l'identification. Pour fédérer cela, l'art, assimilé à la culture en général, est l'élément commun aux projets que nous avons étudiés et qui réunit les habitants autour d'un acte collectif. Nous nous dirigeons ainsi vers de nouvelles formes de conception. Ainsi, à Tourcoing, les artistes-jardiniers, les divers événements culturels qui ont rythmé le processus de conception avaient pour but de construire la mémoire de cet 114 Camille Gardesse est post-doctorante au LATTS (Laboratoire techniques territoires et sociétés) et chercheuse au Lab'Urba. Elle travaille principalement sur la métropolisation et l'action publique. 115 Propos extrait de l'intervention de C. Gardesse « Les acteurs en charge des projets urbains face à la participation des habitants : entre prégnance et évolution des pratiques et des codes culturels » lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012. 116 Propos extrait de l'intervention de R. Hoddé « Des étudiants et des habitants : positions et « dispositif » pour apprendre à concevoir autrement » lors du colloque RAMAU du 22 novembre 2012. 117 Propos extrait de l'intervention de H. Nez « Les savoirs et savoir-faire des professionnels face à l’impératif participatif dans les projets urbains » lors du colloque RAMAU du 23 novembre 2012. 118 Simondon G., L'individuation à la lumière des notions de forme et d'information, op. cit., p. 48

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instant, où « bâtir est un acte culturel ». En nous appuyant sur les idées de N. Bourriaud, nous avons vu qu'une certaine esthétique de ces inter-relations pouvait résulter des rencontres autour du projet. De même à Lille, dans le quartier de Fives, c'est la liaison faite entre art et appropriation qui est censée amener le sentiment de fierté et d'appartenance à un lieu. Ce processus d'apprentissage du chez-soi passe par une mission éducative de la part des acteurs du projet qui pensent que si les habitants savent pourquoi les choses sont ainsi, ils les comprendront et les respecteront plus facilement. Cet aspect pédagogique du métier d'architecte fait appel à de nombreuses négociations. Les sociologues de la SAR (Sociologie de l'acteur-réseau) veulent reconsidérer le fait scientifique et humain en fonction de la multiplicité des relations qui le constituent, réconcilier l'architecture et les gens en pensant le monde en réseaux. On peut dire alors que l'architecture est « au centre d'un tissu de relations liant des entités hétérogènes, d'un réseau qui, à nouveau, peut être qualifié de socio-technique puisqu'on y trouve des humains et des non-humains. »119. Il serait intéressant de poursuivre cette étude dans le temps afin d'observer l'évolution de ces lieux nés des interactions entre individus. Particulièrement parce qu'il s'agit d'architectures en mouvement, les habitants font vivre ces lieux qu'ils ont collectivement construits, et matérialisent en permanence les connexions qu'ils mettent en place à travers l'espace urbain.

119 Akrich M., Callon M., Latour B., op. cit., p. 270

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Annexes


Étude de cas n°1 : ZAC de l'Union à Tourcoing, réhabilitation de l'îlot Stephenson par l'architecte Patrick Bouchain [annexe 1 : retranscription de l'entretien avec Denis Favret, architecte associé Construire, réalisé à l'Atelier Électrique à Tourcoing le 26 février 2013]

Denis Favret est architecte à l'agence Construire créée par Patrick Bouchain et il fait parti de NAC (Notre Atelier Commun) qui réunit divers personnalités portant un grand intérêt à la dimension sociale du mot « construire ». En charge du projet de réhabilitation Stephenson à Tourcoing depuis 2008, il tient une permanence hebdomadaire à l'

Atelier Électrique.

L’Atelier Électrique, du nom de l'ancienne activité qui l'habitait, fait office de baraque de chantier améliorée. Espace de rencontres, de discussions, de débat, il est qualifié de « laboratoire d'idées ». Mais aujourd'hui, l'intensité qui y régnait il y a 5 ans semble s’atténuer à mesure que les travaux avancent. La rue Stephenson, perpendiculaire à la rue de la Tossée, se termine en cul-desac par un mur de brique, auquel s'adossait il y a plusieurs années des usines. Les maisons adjacentes datent du début de cette industrie, et constituent aujourd'hui le patrimoine des années 1930.

On peut se mettre autour de la maquette, c'est pas mal. Voilà. Il s'agit donc d'une réhabilitation avec de la participation sous diverses formes : à la fois la participation des habitants d'origine grâce auxquels nous sommes là, via l'association Rase pas mon quartier et puis après il y a une participation un peu « étendue »... dont on a du mal à mesurer ses limites. Il y a eu un travail sur l'îlot, par sa fermeture notamment, donc au niveau urbain (avec les habitants « historiques ») et puis un travail de participation au niveau de chaque maison avec les habitants de LMH (Lille Métropole Habitat) pour essayer d'individualiser l'arrivée de ces nouveaux acquéreurs. Pour résumer, nous avons été appelés par la communauté urbaine après que les habitants aient réussi à éviter la destruction de leurs maisons. La SEM Ville

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Renouvelée, maître d'ouvrage, a permis que le projet se fasse et LMH a choisi les futurs habitants. Ce qu'il faut entendre par « choisi », c'est juste le résultat d'une correspondance à des critères sociaux et leur motivation aussi car c'est une vraie chance de pouvoir habiter dans le quartier. En plus, on tente de favoriser une certaine mixité en introduisant des nouveaux propriétaires ainsi que des locataires dans le cadre de dispositifs de location avec option d'achat qui viennent se mélanger aux « habitants historiques ».

Le projet se compose donc d'environ 29 maisons achetées par la SEM et 24 autres maisons habitées par les résistants de Stephenson. Nous ne sommes intervenus uniquement que sur les maisons vacantes, c'est pourquoi on parlera d'une participation étendue puisque nous avons consulté les habitants d'origine du quartier pour mettre en place les typologies dans un souci de relations de voisinage (covisibilités, etc.). En ce qui concerne ces maisons, ce ne sont donc pas les futurs acquéreurs ou locataires qui feront les choix architecturaux, tout ce qu'on peut voir depuis la rue. Oui oui, toutes les couleurs, les matériaux (on a de la tôle colorée, du zinc et du bois) ont été décidés par les architectes. Il aurait fallu qu'ils soient présents dès le début pour éventuellement donner leur avis mais là... On avait fixé un calendrier prenant en compte les ajustements nécessaires avec les habitants sur les choix de typologies au sein de l’îlot et on a donc proposé 3 formes d'extension des maisons 1930 achetées par la SEM : première typologie, la rehausse de toiture ou bien le chien assis, selon les cas, qui permet de créer un comble aménageable spacieux et d'apporter de la lumière ; ensuite, on a la véranda et enfin les maisons à patio pour profiter de la longueur de la parcelle tout en apportant de la lumière. Toutes ces typologies viennent participer de la variation architecturale et diversifient l'offre en vue des nouveaux arrivants.

Quelles réticences ? La difficulté à faire participer les gens, soit parce qu'ils travaillent, qu'ils ont des empêchements ou bien tout simplement parce qu'ils ne sont pas intéressés par ce qu'on leur propose. Bon, et puis on n'est pas toujours d'accord... on essaie d'expliquer aux gens (les habitants historiques) ce qu'on va construire à côté de chez eux mais des fois, c'est difficile ! Enfin, je dirai que l'avantage du projet participatif est l'existence de ce dialogue qui permet d'accompagner le futur habitants et de lui faire comprendre nos interventions. Les échanges avec les populations se formalisent de différentes manières : la première, c'est par l'existence de

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l'Atelier Électrique à partir duquel moi-même et d'autres professionnels assurions une permanence. Cela permettait aux gens de venir nous rencontrer, nous faire part de leurs inquiétudes... et puis, plus connues, les Conversations Publiques à l'Atelier Électrique qui étaient un lieu intense de discussions où se côtoyaient aussi bien des professionnels du bâtiment que des intellectuels (poètes, écrivains, artistes) et les habitants.

Les Conversations ont été un outil de la participation pour avancer dans le projet. Au fur et à mesure de celles-ci, il y en eu environ 10, les choses se sont précisées et elles venaient ponctuer le calendrier. Par exemple, la première conversation portait sur « Qu'est-ce qu'habiter ? », ce qui a permis aux habitants de se fixer un cadre, une base commune pour avancer. L'Atelier Électrique a été un lieu effervescent : un paysagiste a travaillé sur la friche derrière et a fait un parcours pour que les habitants aillent à le reconquête de ce territoire. Des artistes sont venus animer...

L'avenir de l'Atelier Électrique... pour ne rien cacher, nous ne savons pas encore très bien ce que ça va devenir. Nous allons faire attention à l'activité future du bâtiment pour qu'elle conforte l'esprit du quartier.

Il est important de préciser que le projet Stephenson est la première expérience de l'architecte Patrick Bouchain dans le logement social.

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[annexe 2 : retranscription de l'entretien avec Lino Sferrazza, secrétaire de l'association Rase Pas Mon Quartier, réalisé à Tourcoing le 8 mars 2013]

M. Sferrazza est le secrétaire de l'association Rase Pas Mon Quartier et représente les résistants à la démolition de la rue Stephenson et de la rue de la Tossée. Il aura fallu aux habitants du quartier 8 ans de combat pour parvenir à garder leurs habitations. Aujourd'hui, le bilan des actions menées avec les acteurs du projet de réhabilitation de l’îlot est très mitigé. Il nous relate son expérience.

Vous voulez que je vous raconte depuis le début ? Ça risque d'être long... Vous prenez du lait avec le café ? Bon, ça a commencé en 2000. La mairie avait envoyé un EPF qui est venu nous voir avec un plan. C'était un plan de démolition qui montrait la rue la Tossée démolie et la rue Stephenson conservée. On sentait un mauvais coup se préparer dans notre dos parce que pour que quelqu'un ait déjà fait un plan, c'est qu'il devait y avoir un projet dont on n'était pas au courant ! Finalement, la mairie organise une réunion et on découvre que tout devait être rasé, même Stephenson. Déjà, à ce moment on ne comprenait pas trop ce qui nous arrivait : c'est vrai, les usines ont disparu mais les gens, ils sont toujours là ! Ce qui nous a encore plus étonné, c'est qu'il n'y avait aucun projet concret de prévu et la communauté urbaine voulait juste acheter les terrains en prévision d'ici 20 ans.

On a tout entendu ! Même les pires choses sur nos maisons, comme quoi elles seraient insalubres et qu'il y aurait des rats, etc... Alors, on a dit au maire de venir visiter nos maisons pour qu'il se rende compte que ce qu'il disait n'avait pas de sens. Et là, il a bien du se rendre compte qu'elles n'étaient pas du tout en mauvais état. Il nous a dit « Vos maisons, ce sont des bijoux ». Et puis, le quartier était habité par toutes les générations et toutes les professions, toutes les origines, et on s'entendait très bien ! « Tu nous demandes de vivre ensemble et on vit très bien ensemble, alors pourquoi ? », je lui ai dis. Mais bon, au fur et à mesure, le temps s'écoulait et des habitants qui se voyaient déjà dans une situation pas confortable sont partis,

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des personnes âgées sont décédées, d'autres maisons dont les locataires étaient partis ont été délaissées ou abandonnées. Bref, au final, la moitié seulement des habitants sont restés. Le 9 février 2004, les journaux avaient annoncé la démolition de Stephenson et de la Tossée. Nous étions abasourdis et révoltés. Le 12 février, nous organisons un rendez-vous avec le maire et son adjoint (le maire actuel, M. Delannoy). Et au moment où nous n'y croyions plus, la situation s'est inversée, après quatre années de réclamations et de lutte. En 2004, les maisons étaient globalement dans un bon été, je peux vous le dire parce que j'ai l’œil pour ça, j'étais maçon. Il n'y avait pas besoin de faire tous les travaux que vous voyez là... On est en 2013 et il n'y a encore rien de fait.

Qu'est-ce que je peux vous dire sur les architectes... pas beaucoup de positif. Ah ça, ils n'ont pas pris beaucoup de risques : « il faut tout démolir à l'intérieur des maisons ». Ils ont enlevé les radiateurs, les carrelages, etc... tout ce qui était en bon état est parti quand même. Les maisons, on aurait dit des cathédrales ! Quand ils ont vu que ça allait coûter cher, ils trouvé la solution : on va mettre des tôles. Non mais vous croyez vraiment que c'est adapté ? Encore, autour du centre commercial, c'est le même matériau mais ici... j'aimerais bien savoir ce qu'il appelle le patrimoine Patrick Bouchain. Les tôles, ça nous fait penser aux bidonvilles, à des cages à poules, des pigeonniers... et les usines. Et on nous a pas vraiment demandé notre avis làdessus. Bouchain, il était là aux Conversations et puis c'est tout ! On le voyait pas beaucoup. D'ailleurs, ces Conversations... c'était soit des bavardages entre des artistes, etc. ou bien on parlait des poubelles120... des problèmes techniques. Mais jamais on aurait pu créer une ambiance dans le quartier.

Enfin bon, si ça avait été bien fait, on n'aurait peut-être pas cette réaction : regardez le toit de la maison en face, Ils ont remis des tuiles mais pas les chevrons qui datent de 1910 ! Et vous voyez la forme que prend la toiture ? C'est ni fait ni à faire ! Le prix aurait du être mis à faire une nouvelle toiture. Toutes les maisons ont des vices cachés. Un autre exemple, et j'en ai plein, c'est le cas des rehausses de toiture en tôle. On voulait de la brique au moins sur les murs mitoyens parce qu'au moins avec la brique, il y a moins de problème d'entretien (normalement) que pour un mur avec de la tôle. Sur certains il y a déjà des piqûres de rouille... et le problème 120 L. Sferrazza fait référence à la Conversation n°4 « La poubelle et l'architecte », le 22 septembre 2009.

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c'est que quand ils ont fait la rehausse de toit, il se sont appuyés sur le mur mitoyen en étant sur la partie du voisin donc si le propriétaire décide de laisser pourrir sa tôle et qu'elle sur le mur de l'autre... ça va pas dans le sens de bonnes relations de voisinage ! Finalement, sur une maison, on a réussi à avoir un mitoyen rehaussé en brique avec des joints de 3 cm et un mur qui n'est pas d'aplomb.

Les architectes ont été sollicités par la communauté urbaine. Avec le recul, on a l'impression qu'ils se sont servis de nous pour faire passer leurs idées. Pour nous, les maisons du Nord sont en tuiles et en briques. De l'argile ! Si on dit que ces maisons sont notre patrimoine, pourquoi on nous met des tôles dont personne ne veut à part l'architecte ? Ça fait hangar... On a envoyé une lettre de contestation mais bon... Je me demande si Patrick Bouchain a déjà conçu des logements avant Stephenson parce que vous n'imaginez pas le bruit que ça fait quand il pleut, et je vous parle en tant que voisin ! J'aimerais vraiment pas habiter dans ces maisons. J'en ai visité quelques unes et à l'intérieur, les cloisons en placo sont pas non plus d'aplomb, il y a au moins 3 cm ! Pour faire des trucs pareils, ils ont vraiment du tirer sur les prix. On avait aussi demandé à s'associer à la construction pour ceux qui étaient volontaires mais ils ont refusé. Les architectes, ils connaissent, mais ils n'ont pas d'expérience. Je ne dis pas ça pour vous, quoique vous pourriez en tirez des enseignements.

J'avais demandé un bout de terrain en plus à Patrick Bouchain pour tous les habitants qui s'étaient battus pour sauver le quartier. C'était un acte symbolique, on ne demandait pas plus de 3 mètres carrés en plus ! Et, de toutes façons, derrière le jardin, c'est une friche ! Bouchain avait tenu la promesse de nous accorder cette faveur. On attend toujours...

Finalement, tout ce qu'on demandait, c'était une mise aux normes des logements vacants et leur réhabilitation ! Depuis 2007 et les premières purges de maisons, le chantier paraît interminable. Le point positif que je trouve aussi bien aux architectes qu'aux gens de la SEM ou les ouvriers, c'est leur gentillesse. On se sent juste frustrés de n'avoir été concertés seulement pour de l'information ou par rapport à des problématiques techniques. Aujourd'hui, on a encore des souhaits mais j'espère plus beaucoup et je crois je ne verrai jamais le quartier comme je l'imagine. Enfin, si on pouvait décider de ce que deviendrait l'Atelier Électrique, je

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pense qu'on demanderait une grille automatique et faire des garages ou un parking aménagé à la place de la friche, un endroit à nous, et il pourrait y avoir des bureaux à l'étage. Je n'ai pas de préférence, je ne demande rien pour moi, je demande pour les autres.

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[annexe 3 : plan directeur de l'amĂŠnagement de l'ĂŽlot Stephenson]

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[annexe 4 : tableau d'individualisation des familles LMH]

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[annexe 5 : affiche du concours du plus beau torchon]

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[annexe 6 : Manifeste « Dénormer Dé normer le logement social » de NAC (Notre Atelier Commun) par C. Catsaros]

Dénormer le logement social « Tout le monde espère gagner de l'argent en faisant des affaires. Mais l'homme peut réaliser tellement d'autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se donner des objectifs sociaux, écologiques, humanistes ? C'est ce que nous avons fait. Le problème central du capitalisme " unidimensionnel " est qu'il ne laisse place qu'à une seule manière de faire : rentrer des profits immédiats. Pourquoi n'intègre-t-on pas la dimension sociale dans la théorie économique ? Pourquoi ne pas construire des entreprises ayant pour objectif de payer décemment leurs salariés et d'améliorer la situation sociale plutôt que chercher à ce que dirigeants et actionnaires réalisent des bénéfices ? » Muhammad Yunus, Prix Nobel de la Paix, fondateur de la première institution demicro crédit, la Grameen Bank.

Construire ensemble- le grand ensemble est un projet visant à produire de l’habitat autrement : Ouvrir l’accession au logement pour les plus démunis et les plus précarisés Permettre l’autofinancement du logement par la valeur travail Associer un Maire par une décision politique Faire du projet et du chantier un acte culturel Impliquer l’habitant dans la réalisation et la gestion de son lieu de vie. Redéfinir l’espace domestique, et par là même réinventer l’espace public. Faire mieux en optimisant les ressources humaines et matérielles. Réactualiser la norme pour la rendre compatible avec la société. Faire en sorte que la vie plurielle et complexe trouve sa place dans l’habitat. Produire de la Haute Qualité Humaine et des relations durables Tels sont quelques-uns des impératifs du Grand Ensemble. Bâtir est un acte culturel Le projet consiste à mettre en œuvre différents types d’habitations, en s’inspirant de solutions qui ont fait leurs preuves dans l’aménagement d’équipements culturels hors normes. Chacun des projets sera parrainé par une telle structure. À Nantes, ce sera le Lieu Unique, à Marseille, la Friche la Belle de Mai, et à Tourcoing, l’Atelier Electrique.Véritable modèle pour Construire ensemble- le grand ensemble, l’établissement culturel sera aussi sa base arrière, c'est-à-dire, le lieu d’élaboration et de débat entre les différents acteurs du chantier. Aux diversités typologique et procédurale, s'ajoutera celle de la maîtrise d’ouvrage. Chacun des trois premiers projets sera géré par une institution différente : une SEM (Société d’Economie Mixte) à Nantes et à Tourcoing, une SCIC (Société Coopérative d’intérêt Collectif) à Marseille. L’idée de faire parrainer la réalisation d’habitations par des structures culturelles, est une des réponses possibles à un manquement : le parc locatif social, cette masse urbaine indéterminée, ne bénéficie pas d’une réflexion d’ordre culturel. Certes, à titre décoratif, l’art peut servir à embellir des parcelles de ville.

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Cela ne suffit pourtant pas à corriger un paradoxe fondamental dans notre pratique de l’urbanisme. La fabrique des villes est aujourd’hui l’affaire de techniciens. Il s’agit de mesurer, de chiffrer, d’anticiper et de répondre avec des formules préétablies. L’uniformité des solutions apportées n’a d’égale que la monotonie de ces nouveaux quartiers trop semblables qui émergent un peu partout en France. Or, les cités que l’on admire dans le monde entier n’ont pas été faites uniquement par des techniciens de la ville. Elles sont l’œuvre conjointe d’ingénieurs, d’artistes, et d’artisans dépositaires d’un savoir ancestral. Si la modernité n’est plus compatible avec ce mode de transmission d’homme à homme, il n’est pas interdit d’enrichir les démarches constructives contemporaines du travail de la main et de la pensée sensible. Ce qu’il faut, c’est réactualiser l’alliance de l’artisan et de l’architecte. Créer un nouveau pacte de collaboration qui n’aura pas pour seul objet la forme, mais s’étendra sur des questions de fond : Que signifie bâtir et surtout que signifie habiter ? Aujourd’hui, ce nouveau pacte peut prendre la forme d’un acte culturel commun, rapprochant les techniciens qui font la ville, de l’art qui la reflète. Multiplier les ponts, les courts-circuits, pour nourrir les projets d’habitations de la réflexion féconde autour des phénomènes urbains, menée par des artistes plasticiens, dramaturges, ou cinéastes. La ville pourrait s’enrichir en trouvant dans l’art le surplus d’âme qui lui fait défaut. Il est peut-être temps de repenser le bipôle culture – urbanisme non plus comme une greffe avec un important risque de rejet, mais comme un processus de croissance couplé. Deux entités amenées à se développer d’un seul élan, capables de proposer ainsi une nouvelle configuration de la vie collective. Une version moins encadrée, moins normative, moins assistée, moins structurée, plus créative, plus entrepreneuse, plus tolérante, plus audacieuse, plus sensible et plus sensuelle, pour le bien-être de tous.

Mettre à l’épreuve la norme Transformer l’habitat collectif nécessite aussi la mise à plat de toutes les procédures qui freinent actuellement la construction. La taille des logements, leur mode d’attribution, la gestion des espaces communs, le zonage économique et générationnel, la place de l’automobile, la standardisation commerciale, la réversibilité logement-bureau-activité sont autant de principes à renégocier pour élaborer des stratégies nouvelles. L’ambition de déroger à la norme ne découle pas d’un élan d’originalité, mais d’un constat: celui d’une incapacité fondamentale des standards, à tenir compte des véritables défis de la vie, plurielle et complexe. Le hors normes se veut une prise en compte lucide de la diversité effective qui compose une collectivité d’habitants. Il est important à ce titre que le travail de conception et surtout le travail de construction soient réalisés avec les futurs « utilisateurs » : c’est à ce prix que pourra être obtenu un habitat réellement différent. La norme n’est pas uniquement une affaire de typologie architecturale. Son rôle est aussi de privilégier certains modèles sociaux sur d’autres. Le logement social a été configuré par rapport à un modèle familial dominant dans les années 50 et 60, mais sur le point de devenir minoritaire aujourd’hui. Le temps de la famille nucléaire est peut-être révolu. Redéfinir la norme signifie donc adapter l’habitat aux évolutions de la société. A notre époque, un couple sur deux se sépare. Pourquoi ne pas imaginer un appartement conçu de telle sorte qu’il puisse être tour à tour séparé en deux, avec des entrées distinctes, puis réuni. Avoir la possibilité de modifier la forme d’un appartement serait une façon d'étendre à l’habitat la flexibilité qui caractérise la vie actuelle. Le travail est polyvalent, la famille recomposée ; seul le logement reste standard. En règle générale, le projet s’efforce de reconsidérer certaines constantes de la normativité moderne. Cette réévaluation ne doit pas être exclusivement préoccupée par le présent. Il s’agit d’un travail tourné tant vers le passé que vers l’avenir. On peut tenter de ressusciter des comportements qui ont été éradiqués au cours du siècle précédent. La modernisation de l’habitat au 20e siècle compte plusieurs aspects. Certains, comme la suppression de la misère des bidonvilles, sont positifs. D’autres sont

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négatifs, comme la ghettoïsation. Il est important d’en tenir compte avant d’agir. Foucault n’est pas le seul à discerner dans la ville moderne un vaste programme disciplinaire d’encadrement de la vie collective[1] Construire ensemble- le grand ensemble va s’efforcer de réévaluer par la pratique certains des apriori du projet moderne, comme l’individualisme, l’exclusion de ‘l’anormalité’, la surréglementation de l’espace et la désolidarisation du corps social. L’habitat hors normes ne doit surtout pas devenir une expérience utopique réservée à une minorité éclairée et fortunée. Il doit pouvoir servir de modèle dans le vaste chantier de requalification du parc social. Savoir qui sont ceux qui habitent, en amène une autre : celle de leur rapport au travail. Le logement social standard a été conçu pour une société de plein emploi, d’activité régulière, située hors du foyer. Tout cela semble aujourd’hui dépassé, ou sur le point de l’être. Cette modification ne touche pas seulement les catégories d’emplois dits créatifs. Aujourd’hui on peut être téléprospecteur, assistante maternelle, comptable ou intérimaire, en travaillant à partir de chez soi. Aux Pays-Bas il existe depuis peu une allocation versée par l’employeur, destinée à l’aménagement du lieu de travail à domicile. Construire ensemble- le grand ensemble sera le prototype d’une nouvelle forme de mixité d’usages, remettant en cause la typologie actuelle qui dicte la stricte séparation entre lieux de résidence et lieux d’activité. Le commerçant de produits équitables ou le réparateur de bicyclettes, pourront habiter audessus de leur local professionnel. Par conséquent, ils n’auront pas à se déplacer pour aller travailler. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passe aussi par là. Pour Construire ensemble- le grand ensemble cette nouvelle proximité prendra la forme d’une redécouverte du potentiel social et économique du rez-de-chaussée. Cela en privilégiant des occupations en accord avec l’esprit du lieu.

La part de l’habitant – « Pas de toit sans toi ». L’attribution de ces habitations d’un genre nouveau, ne sera pas l’acte final d’une longue procédure qui va de la conception à l’occupation, ce qui est le cas actuellement. L’attribution doit devenir l’acte inaugural d’un engagement du futur habitant dans l’aménagement et la gestion de son domicile. C’est là tout le sens de l’apport travail : il permet au plus démuni d’apporter dès le début du processus d’acquisition une valeur ajoutée à sa réalisation ; c’est l’équivalent de l’apport personnel dans un schéma d’acquisition classique ou dans ce que fut le mouvement Castors après guerre. Notre époque se caractérise par un excédent chronique, quasi structurel, de ressources humaines. A toute une partie de la population, le temps ne manque pas. Proposer à ceux qui en ont et ne savent pas quoi en faire, de bâtir le Construire ensemble- le grand ensemble dans lequel se trouvera leur maison, est un principe de bon sens visant à se servir d’une ressource précieuse mais gaspillée. C’est ce constat qui impose de destiner prioritairement le fruit de ce projet aux plus démunis : Rmistes, chômeurs longue durée, mais aussi travailleurs précaires et employés contraints au sous-emploi. L’auto construction a pu se mettre en place à des moments beaucoup plus difficiles, où la main d’œuvre manquait. Dans les années 50, les Castors « construisaient » en heures supplémentaires. Le projet s’efforce donc d’adapter l’idéal de l’auto construction au contexte socioprofessionnel du 21e siècle. Les futurs occupants seront bien plus que des locataires. Ils seront à la fois les gestionnaires, les aménageurs et éventuellement les constructeurs de leur lieu de vie. C’est pour cette raison que l’attribution ne peut venir à la fin. Le travail des habitants ne représente qu’une partie du coût global de Construire ensemble- le grand ensemble. L’habitant sera donc appelé à contribuer financièrement. Le désir d’impliquer les plus défavorisés complique la tâche, et nécessite le recours à des moyens de financement spécifiques. Le micro crédit est souvent mentionné comme une formule miracle pour le monde en voie de développement. On pourrait s’en servir pour permettre d’entamer des travaux. La possibilité de

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récupérer le fruit de ce travail, en cédant l’appartement aménagé, fait de la somme empruntée un investissement : une forme d’épargne visant à capitaliser sur la création d’un lieu d’habitation. Selon ce raisonnement, on pourrait inciter certaines familles modestes à se servir des aides au logement pour les réinvestir dans la transformation du bien qu’elles occupent. Plus généralement, l’habitat dénormé passera nécessairement par une réflexion et éventuellement par une renégociation des rôles respectifs des acteurs d’un chantier : celui du bailleur, du locataire, de l’acquéreur et du constructeur. Construire ensemble- le grand ensemble tentera de rompre l’étanchéité de ces quatre fonctions afin d’en créer de nouvelles, comme par exemple celle d’occupant – bâtisseur. La définition de nouvelles procédures d'attribution de l’habitat, peut s’inspirer de certaines pratiques éprouvées comme la VEFA.[2] La vente sur plan, un des contrats les plus utilisés en France, présente l’intérêt de transformer l’acquéreur en véritable moteur du projet. C’est lui qui finance les travaux. Si le résultat de la plupart des VEFA reste décevant d’un point de vue architectural, ce n’est pas à cause du dispositif mais plutôt du raisonnement commercial qui régit l’ensemble de l’opération. Et si le promoteur n’était pas une société commerciale mais une collectivité d’habitants ? On pourrait imaginer un type de vente sur plan où l’acquéreur accomplirait effectivement sa fonction de moteur du chantier. Etre à la fois l’acquéreur, le promoteur et le constructeur, signifie pouvoir choisir beaucoup plus que le motif du carrelage ou la couleur de sa moquette. L’idée serait de pousser à ses limites, le raisonnement sur lequel repose la VEFA. On pourrait ainsi inciter à réaliser soi-même ce que l’on sait faire. On pourrait aussi permettre d’échelonner différemment les travaux ou se passer de certains équipements standard : Refuser d’avoir une baignoire, installer une pissotière, agrandir les fenêtres, se passer du chauffage central (comme au Japon), modifier la disposition des pièces, créer des espaces communs entre voisins, une salle de jeu pour les enfants, un atelier ou une cuisine collective; tout cela peut devenir l’affaire des habitants. Aussi, la liberté de transformer ne doit pas éclipser l’objectif initial : celui de produire de l’habitat durable, dans un contexte qui permet non seulement son appropriation, mais aussi l’entretien et la gestion de l’ensemble.

Propriété privée ou droit d’usage ? L’auto construction est synonyme, dans la plupart des cas, d’accession à la propriété. Or Construire ensemble- le grand ensemble se donne pour objectif d’expérimenter d’autres moyens d’appropriation. L’habitant impliqué dans la construction de son logement, n’en deviendra pas forcément le propriétaire. L’idée serait de permettre à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas acheter, d’occuper durablement. Acheter coûte cher. Au Japon on emprunte sur deux générations, quant à la crise récente aux Etats-Unis, elle est un exemple patent des risques du ‘tous propriétaires’. C’est une des raisons pour lesquelles le projet de Construire ensemble- le grand ensemble affiche une préférence pour le droit d’usage. L’objectif est de définir un cadre qui permette d’occuper de façon durable sans pour autant s’endetter à vie. Il faudrait pour cela croiser le statut locatif avec les avantages de celui de la propriété privée. Introduire dans une collectivité locative l’esprit d’initiative et de liberté. Faire en sorte que l’habitant se sente libre de transformer son lieu de vie, en sachant que le plus qu’il apporte ne sera pas perdu. Cela peut se faire en rétribuant la contribution à l’aménagement. Celui qui aura participé à la construction de son logement sera dédommagé, s’il le quitte, en fonction du travail qu’il aura fourni. Ce chiffrage peut prendre la forme d’un état des lieux inversé, sensé évaluer non plus l’usure mais l’apport de l’occupant. Il est important d’inciter des interventions de qualité en les évaluant selon des critères objectifs. La compensation doit être indexée sur le coût de l’aménagement. Un peu comme pour les RTT, l’habitant doit pouvoir récupérer le fruit de son investissement, en argent ou en temps. Prenons l’exemple de quelqu’un qui aura passé vingt ans à transformer une structure nue en lieu d’habitation. Il aura versé, en plus de son travail, une somme mensuelle inférieure à celle d’un loyer HLM actuel. Au bout d’un période donnée il aura acquis le droit d’y habiter sans avoir à payer de loyer. Il doit pouvoir céder ce droit à ses enfants. S’il décide de quitter l’appartement, il recevra une somme proportionnelle à la valeur de ce qu’il aura créé.

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Chaque habitat sera, selon le cas, loué, cédé, utilisé, restitué, exploité, échangé, mais jamais vraiment acquis au sens patrimonial du terme. Cette préférence du droit d’user face à celui de posséder concerne toutes les phases du projet, à commencer par l’implantation. Le terrain qui va accueillir le Construire ensemble- le grand ensemble ne sera pas acheté mais loué à long terme par bail emphytéotique[3]. Il est temps de s’attaquer à cette mentalité héritée du 19e siècle qui encourage la propriété individuelle au détriment des propriétés collectives, ou d’usage. LeConstruire ensemble- le grand ensemble veut favoriser le principe d’utilisation contre celui de possession. Il s’agit donc de réhabiliter un modèle en s’attaquant à des a priori. Redonner envie de vivre en collectivité, en démontrant que la propriété n’est pas la seule forme d’occupation compatible avec une appropriation durable. Les moyens financiers pour parvenir à ce renversement sont nombreux. L’un d’entre eux consiste à rendre visible l’usage de l’épargne populaire par la création de mutuelles locales. Les ressources économiques qui vont produire le Construire ensemble- le grand ensemble doivent émaner des habitants. L’intérêt collectif du projet étant avéré, cet effort sera soutenu par des fonds publics, comme peut l’être une association culturelle ou une ONG. L’idée serait de développer pour un projet d’habitat, l’esprit qui prévaut pour les restructurations industrielles ou la construction d’équipements culturels. Des fonds européens aux capitaux privés, Construire ensemble- le grand ensemble pourrait ainsi bénéficier de crédits qui ne sont habituellement pas alloués à la construction d’habitations collectives.

Gérer le Grand ensemble L’accession à la propriété de locataires à faibles revenus est souvent perçue comme une opération à risque. Le manquement au paiement des charges, cause rapidement la dégradation des parties communes. Il n’est pas rare que des collectivités rachètent des logements sociaux cédés à leurs occupants, qui n’ont pas pu les entretenir. Or, aucun de ces ensembles précipitamment cédés, n’a fait l’objet d’une remise en question du montant des charges. N’est-il pas possible de les faire baisser en attribuant certaines des tâches communes aux habitants ? En remplaçant les pelouses par des potagers, en sortant soi-même les poubelles, en établissant des tours de nettoyage des parties communes, en faisant faire les petites réparations par des membres de la communauté d’habitants, ou en réduisant la facture énergétique. On doit pouvoir constituer des collectivités responsables sans recourir systématiquement à l’exclusion des plus démunis. Quant aux grandes dépenses d’entretien, une des solutions possibles serait de mettre en place des fonds mutuels d’épargne en prévision des grands travaux de réhabilitation à venir. Un locataire aménageur peut s’engager à verser régulièrement une partie de ses allocations logement à un fond commun géré par l’association des habitants. Les solutions pour mutualiser les risques existent, et ne demandent qu’à être transposées dans le cadre de la gestion de biens communs. Sur le modèle des garanties loyers impayés, les entreprises d’assurances se feront un plaisir d’inventer des dispositifs d’entretien garanti pour des collectivités de locataires d’un nouveau type.

Des évolutions durables Pourquoi préfère t-on l’habitat ancien au neuf ? Parce qu'on y trouve quelque chose d'assez subtil, qui ne cesse d’évoluer avec le temps. Ce sont les traces de vie de ceux qui nous ont précédés. Qu’il s’agisse de pavillons individuels ou d’immeubles collectifs, ils portent les marques des occupations antérieures. Ces marques sont des preuves de vie. Elles constituent la plus value d’âme, l’attestation concrète qu’un lieu a bien fonctionné. Inconsciemment on doit être plus rassuré d’occuper un logement qui a servi à plusieurs générations, qu’un logement dont on est le premier à tester la conformité à la vie. Pourquoi alors s’obstiner à effacer ces traces de l’habitat locatif social ? Aujourd’hui quand vous quittez un logement loué, on vous demande de le restituer dans l’état dans lequel vous l’avez trouvé, comme si l’usage que vous en aviez fait était une nuisance, une usure de sa valeur patrimoniale. On peut inverser ce raisonnement stérile, en proclamant que le fait d’habiter incarne l’acte même de valoriser un bien. En conséquence, l’habitat que nous cherchons à mettre en œuvre, sera conçu pour accueillir ces traces

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précieuses que sont les modifications apportées par l’habitant. L’effort de ressusciter des pratiques d’auto construction dans l’habitat social va nécessairement soulever la question du partage entre ce qui est réalisé par l’aménageur et ce qui le sera par l’habitant. L’idée serait donc de constituer une structure modulaire collective pouvant être finalisée par les futurs résidents. Le gros œuvre et tout ce qui doit impérativement répondre aux normes constructives peut rester l’affaire des concepteurs de l’ensemble tout en accueillant les participations ou les actions d’insertion des futurs occupants. Mais au delà, c’est l’aménagement spécifique de chaque unité d’habitation qui reviendrait à l’habitant. Les ouvertures, l’emplacement des cloisons, et tout ce qui relève du partage de l’espace habitable sera de son ressort. La structure initiale sera conçue pour accueillir les futurs aménagements successifs. La modularité et le réemploi sont des principes d’économie des ressources matérielles. Ils font partie d’un choix affirmé, de construire en respectant l’environnement. Il est temps que la HQE[4] cesse d’être un label apposé à l’ouvrage fini, pour inclure la mise en œuvre et l’évolution des bâtiments. Il y a une incohérence fondamentale dans certaines architectures dites « environnementales », qui emploient des méthodes de construction, toujours aussi gaspilleuses et polluantes. Peut-on encore se permettre de générer une tonne et demie de déchets par mètre carré construit ? Le réemploi pourConstruire ensemble sera l’exemple pratique d’une écologie qui ose aller audelà des graphiques et des déclarations. Une pratique écologique dont les outils environnementaux seront par exemple l’usage des éléments climatiques, l’économie de la matière, le recyclage, la localisation des ressources, la simplicité. Mais des choix environnementaux qui seront toujours évalués avec les deux autres volets de l’équilibre écosophique que sont le social et le développement personnel pour atteindre une « HQH », une haute qualité humaine. L’auto construction et l’implication des habitants nécessitent un certain suivi constructif. Cela peut prendre la forme d’un atelier public[5] de conception et de fabrication, visant à coordonner les modifications apportées par les résidants. L’échange entre les concepteurs et les habitants peut constituer au final une forme de collectivité constructive accompagnant l’ensemble dans la durée. La valeur pédagogique d’une telle entreprise mérite d’y accorder dès le départ, toute l’attention et les moyens nécessaires pour définir la démarche à suivre et nourrir les expériences à venir. L’hypothèse d’un rapprochement entre des habitants–aménageurs et des architectes– concepteurs préfigure un véritable laboratoire manifeste : un atelier ouvert, voué à concevoir et diffuser des pratiques dignes d’être reproduites ailleurs. Le rôle de l’atelier sera d’apporter des conseils techniques aux habitants. Il peut servir à les former à certaines taches du bâtiment, à programmer les travaux, à coordonner leurs actions pour pallier aux nuisances, ou encore à mettre à leur disposition les matériaux nécessaires aux transformations qu’ils souhaiteront effectuer. Tout cela peut paraître utopique et inaccessible ; c’est pourtant ce que nous avons fait, ces vingt dernières années, pour des équipements culturels. Bon nombre de ces procédés ont déjà été testés dans nos chantiers. L’enjeu deConstruire ensemble- le grand ensemble sera donc de transposer des pratiques éprouvées, d’un secteur de la construction à un autre. Construire : un acte culturel et social Cette approche innovante présuppose une valorisation de l’acte de construire qui ne doit plus être considéré comme une étape sans intérêt. La construction d’une maison a longtemps été un travail noble, rythmé de coutumes et de fêtes collectives. L’approche de Notre Atelier Commun redonne à l’acte de bâtir cette dimension communautaire et rituelle. Donner du sens à la création d’un lieu est un choix qui a fait ses preuves sur les chantiers d’institutions culturelles comme le Lieu Unique à Nantes, la Condition Publique à Roubaix ou le Channel à Calais. Il ne peut que doubler d’importance dans le cas d’habitations. Faire de la construction un acte culturel et social pourrait être l’assurance de sa pérennité. Cette revalorisation va bien au-delà de la simple médiation du chantier. Elle remet en question la démarche impersonnelle d’attribution des lots de travaux aux entreprises, par des concertations ouvertes sur la spécificité du travail à effectuer. Demander à l’entrepreneur et à ceux qu’il emploie, de faire en fonction de ce qu’ils savent faire, peut sembler anormal ; mais s’avère la meilleure méthode pour améliorer la qualité du résultat. A ces actions qui ont déjà fait leurs preuves, vont venir s’en ajouter

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d’autres, qui découleront de la spécificité sociale d’un chantier d’habitations collectives. Les acteurs d’un tel projet ne pourraient en aucun cas être ceux de l’industrie actuelle du logement : entrepreneurs obnubilés par le profit, techniciens incapables de mesurer l’importance de leur tâche et la nécessaire remise en cause des procédures. Le chantier impliquera des acteurs associatifs compétents en matière d’immigration, d’exclusions, et d’inégalités. Leur savoir faire, comme celui de dizaines d’intervenants anonymes auprès des plus défavorisés, sera le fondement d’un projet qui vise avant tout, à apporter des solutions concrètes à des problèmes bien réels. Les chantiers de Construire ensemble- le grand ensemble seront également l’occasion d’une éducation populaire et scientifique. Populaire en étant ouverts à la curiosité d’un large public. Scientifique par l’implication des lieux d’enseignement, aussi bien de la construction, que de la sociologie ou de la politique.

Transmettre en expérimentant. L’implication de l’habitant dans la réalisation de son lieu de vie peut faire l’objet d’une véritable formation aux métiers de la construction. Le bâtiment étant l’un des seuls domaines recruteurs du marché de l’emploi, l’ANPE privilégie les programmes de réinsertion dans cette branche. Les fonds existent, pour financer un dispositif qui va former des habitants à devenir les acteurs de leur chantier. Le savoir nouvellement acquis pour la construction de leur maison, leur permettra éventuellement d’en vivre. Ce dispositif de formation – insertion permet de garantir la qualité des aménagements réalisés par les habitants, en assurant la cohérence globale de Construire ensemble- le grand ensemble. La liberté de configurer ne doit pas supprimer la modularité de l’ensemble. Il faut pouvoir s’approprier son habitat, sans le figer définitivement. Les aménagements doivent rester ouverts aux transformations à venir. Inciter les modifications réversibles, démontables, légères; tel pourrait être le contenu de cette pédagogie du faire. La formation des habitants – bâtisseurs permettra de définir une certaine éthique dubâtir ensemble. Une sorte d’enseignement pratique axé sur la construction, permettant la résurgence des vertus sociales des chantiers. Pendant des siècles, les maisons ont été construites collectivement, entre membres d’une même famille, entre collègues ou entre voisins. Seule l’époque industrielle et son impératif de standardisation a rompu avec cette pratique. Il est peut-être temps de revenir au mode collectif en l’adaptant à la donne sociale du 21e siècle. Cela doit se faire avec une envie réelle d’expérimenter des modèles de vie moins contraignants, moins assistés, et plus responsables. Construire ensemble- le grand ensemble sera une solution négociée entre tous les acteurs impliqués. Ce qui en sortira sera par conséquent le produit d’un accord inattendu, capable de restituer à la ville la sensibilité et la sensualité qui lui font défaut. Reconsidérer l’acte d’habiter n’est pas un geste isolé, mais une tentative globale de relier les divers aspects de la vie : l’éducation, le travail, la transmission, le loisir, le congé, la création, l’absence, le désir, le plaisir. Voilà en quoi pourrait se résumer l’idéal incarné par l’acte de Construire ensemble- le grand ensemble.

N.A.C. (Christophe Catsaros)

[1] Dans son décryptage de l’ère moderne telle qu’elle se construit progressivement au 19e siècle, Michel Foucault insiste sur la double nature de la typologie, et par extension de la norme, qu’elle soit de nature pénitentiaire, éducative, médicale ou résidentielle. Le recours à une typologie standard vise tout d’abord à améliorer les conditions de vie en permettant la construction massive de logements sains pour la classe ouvrière émergente. En même temps, elle cherche à encadrer cette lasse ouvrière, dont la solidarité et les élans collectifs sont perçus comme des menaces d’ordre politique. L’abandon de la cuisine collective en est un exemple. Très répandue au 19e siècle, la cuisine de palier, commune à plusieurs appartements, va progressivement être remplacée par la cuisine familiale, moins conviviale, et moins dangereuse pour « l’hygiène urbaine ». La domestication de l’ouvrier par l’établissement d’un

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cadre de vie indépendant, axé autour de sa famille, sera une mesure de maintien de l’ordre public, visant à réprimer ses ardeurs collectives et potentiellement révolutionnaires. [2] « La Vente en l'Etat Futur d'Achèvement (VEFA) est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. » [3] Le Bail emphytéotique est un bail immobilier de très longue durée. A l’origine, il avait été conçu pour la mise en valeur et l’entretien de grands espaces ruraux, mais il a vu son cadre d’application s’étendre à toutes sortes de biens immobiliers. Il s’applique donc aujourd’hui aux immeubles à usage industriel ou commercial, au même titre qu’aux immeubles agricoles ou d’habitation. [4] La Haute Qualité Environnementale vise l'intégration dans le bâti, des principes du développement durable. L’incohérence de cette marque déposée naît de son incapacité à s’établir à partir d’une vision d’ensemble. Ainsi le nouvel Aéroport de Nantes sera labellisé HQE en appliquant certains principes de la charte (isolation, éclairage naturel). Savoir si le développement du trafic aérien est compatible avec l’écologie est une autre affaire. [5] L’atelier du Grand Ensemble s’inspirera de NAC (Notre Atelier Commun), un projet conçu pour apporter des solutions d’aménagement dans de petites communes. NAC est un prototype d’agence mobile, capable de conseiller, de concevoir, et de produire. Il permet de contourner le dispositif coûteux et lent de la commande publique pour les petits projets d’intérêt collectif.

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[annexe 7 : Documents graphiques concernant le projet de rĂŠnovation des 11-12-13 rue Stephenson]

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Étude de cas n°2 : Logements sociaux résidence Pirotte à Lille Fives par l'agence Sophie Delhay architectes [annexe 8 : retranscription de l'entretien avec Christelle Stiel, chef de projet gestion sociale à Sia Habitat, réalisé à l'agence Sia Habitat de Lille, le 25 avril 2013]

Dans le cadre de la mise en application de sa politique de développement durable, la ville de Lille a ouvert, parmi beaucoup d'autres, ce concours conception-réalisation d'une « résidence innovante ». L'agence Sophie Delhay architectes s'est alors associée au maître d'ouvrage Sia Habitat et à l'entreprise générale Norpac avec lesquels un projet inédit a pu naître. Christelle Stiel nous informe quant aux nouveaux enjeux socio-cuturels et urbains.

L'intention première dans ce projet a été de faire une résidence dédiée à l'art et à la culture comme base d'une nouvelle manière de vivre ensemble. C'est par la culture qu'on entend fédérer les futurs habitants et l'architecte a travaillé sur des espaces partagés pour créer les conditions de cette rencontre. En 2011, la mairie de Lille a donc eu l'idée du concours artistique afin de générer une culture du vivre ensemble en mélangeant art et usage des lieux. Le collectif d'artistes Qubo Gas, retenu pour intervenir, va faire une grande fresque qui va se déployer sur le grand emmarchement d'espaces partagés ouverts. On aurait aimé qu'ils puissent intervenir auprès des habitants au moment de la livraison mais, comme elle est prévue pour décembre et que les espaces communs sont en fait des espaces extérieurs, Qubo Gas ne viendra travailler avec les habitants qu'au printemps... Oui, cela veut dire qu'au cours d'une année, en fonction des saisons, les espaces partagés ne seront évidemment pas fréquentés de la même manière. Pourquoi faire venir des artistes ? Pour sensibiliser à la pratique artistique car les populations qui vont investir la résidence n'ont pas forcément la chance d'appréhender souvent l'art et pour donner un « plus » à leur cadre de vie, susciter chez eux un vrai sentiment de fierté par rapport à cela. En plus, pour renforcer la proximité avec la culture, nous avons eu

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l'idée avec Sophie Delhay de réserver à des artistes, des logements : ces logements ont une pièce supplémentaire, ce qui leur permet de disposer d'un volume plus important et de travailler dans des conditions d'atelier. Cette pièce supplémentaire ne leur sera pas comptée dans le loyer en échange de quoi il s'engagent à ouvrir régulièrement cet espace pour des expositions ou communiquer sur leurs travaux.

Dans le livret que nous a remis l'architecte, on peut voir une série de scenarii qui sont possibles pour chacun des 7 espaces partagés : au rez-de-chaussée et au 1er étage, par exemple, une prolongation de la rue où les enfants continuent de jouer après l'école ; un cinéma de plein air pour les beaux jours à l'étage suivant, etc... Mais, toutes propositions ne sont que des possibilités ! On n'obligera pas les habitants à faire telle ou telle activité. Chaque espace partagé est différent des autres et les gens se les approprieront. La sélections des futurs habitants se fera naturellement puisque, dès juin, un premier documentation de sensibilisation qui présente le projet sera disponible avant de mettre au point un outil qui, on l'espère (puisque rien n'est vraiment assuré), garantira la qualité de vie collective : une charte de vie. Ce document fera l'objet d'une rédaction collective (habitants et équipe de proximité). Pour donner un maximum de chances de réussite au projet, la ville de Lille voulait des moyens humains sur place. Sia a donc créé un nouveau métier, le médiateur socio-culturel. Son intérêt est d'être un moteur de la vie collective en organisant avec les habitants des événements, en mettant en place des associations de quartier (il y en a beaucoup à Fives, c'est une tradition). Il y aura également un gardien de la résidence, relai Sia habitat sur le site.

Avec les 53 logements qui vont du T2 au T5, nous espérons attirer une diversité de population : il y a de plus en plus de familles mono-parentales, ainsi que des personnes vieillissantes121. Nous comptons nous appuyer sur cette mixité offerte par les locataires pour développer le mieux vivre ensemble et renforcer le lien inter-générationnel. Mais, comme vous le soulignez, il n'y a rien de certain dans le fait que cette mixité fonctionne. On ne veut pas que Pirotte devienne ou un lieu bobo ou un quartier dortoir. Nous mettons tout en œuvre pour 121 Dans son parc immobilier, Sia compte 35% de personnes de plus de 65 ans, dont 20% de personnes de plus de 75 ans.

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qu'elle puisse s'épanouir. C'est pourquoi, il faut aussi penser la vie du bâtiment et la collectivité sur le long terme : quand certains locataires souhaiteront partir et que d'autres arriveront, nous aimerions que des « anciens » prennent en mains ces nouveaux arrivants. C'est « ambassadeurs » ou encore « habitants référents » travailleront sur un process d'accueil pour que les nouveaux soient intégrés et assureraient ainsi la transmission du vivre ensemble.

Notre objectif à tous (Sia Habitat, la ville de Lille, Sophie Delhay architecte) est de faire prendre conscience aux habitants : « vous avez des compétences, partagez-les ! ». Et, dans un deuxième temps, de leur dire « on vous passe la main ». A travers ces processus et ces outils, nous souhaitons les responsabiliser et, oui, on peut le dire, il s'agit d'une sorte d'éducation à la vie collective et à la solidarité.

Enfin, il y a un nouvel outil que nous allons mettre en place pour la première fois avec ce projet et qui vise à le mettre en relation avec deux autres résidences de Fives 122, c'est la conciergerie numérique. Elle se présentera sous la forme d'une application téléchargeable sur un smartphone ou consultable depuis internet chez soi... La conciergerie numérique permettra de relayer des informations Sia (comment utiliser un logement BBC), elle donnera la possibilité aux habitants d'organiser entre eux des événements à l'échelle de la résidence ou du quartier avec les autres associations... et valoriser le personnel de proximité.

122 Résidence Les jardins de Fives (rue de la fontaine, 59800 Lille) et résidence Louis Christiaens (88 rue Lannoy, 59800 Lille)

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[annexe 9 : retranscription de l'entretien téléphonique avec Sophie Delhay, architecte, réalisé le 15 mai 2013]

Cet entretien est un complément aux informations recueillies sur le chantier auprès de Marlène Galland (architecte) et sur les brochures de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d'ouvrage. Ce sont principalement des questions sur le coût de la construction qui seront évoquées, pour comprendre comment les espaces partagés, qui sont au coeur du projet, ont pu être financés.

La création des espaces partagés, qui sont au centre du projet, n'a pas coûté plus cher et aucune enveloppe supplémentaire ne leur a été réservée. Nous avions une SHON123 et un budget dans lesquels il fallait rentrer, comme pour tous les projets en général. Il en va de même pour le jardin commun qui n'a pas été ajouté non plus au coût total du projet, il était prévu depuis le début.

C'est vrai qu'un espace partagé est quelque chose de cher puisque c'est un « plus » du projet qu'il faut isoler, étanchéifier... et qu'il a fallu faire rentrer dans l'enveloppe budgétaire. Cela nous a amené à travailler une économie du projet : la structure rationnelle du bâtiment a permis d'économiser sur les exceptions que sont les espaces partagés. Nous les avons également travaillés pour qu'ils se résument à l'essentiel, un espace, le plus simple possible, avec des matériaux peu chers. Il est clair qu'on a oublié tout bardage ou autre revêtement de surface couteux pour une peinture de sol jaune sur toutes les surfaces des espaces partagés.

Pour la cohérence du projet, nous avons également mis en place des coursives qui sont l'unique solutions pour les logements d'être traversants et de tous profiter du jardin commun. On ne voulait pas d'un T2 casé derrière l'ascenseur et mono-orienté. Et, pour l'enchainement des espaces partagés, les coursives ont été alternées d'un côté et de l'autre du bâtiment. Pour se payer tout ça, nous n'avons utilisé que le budget de la construction.

123 SHON : Surface Hors Œuvre Nette. La SHON était une mesure de superficie des planchers pour les projets de construction immobilière. Depuis le 1er mars 2012, elle est remplacée par la « surface de plancher » qui est calculée à partir du nu intérieur des façades.

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Pour faciliter l'appropriation des habitants, les espaces partagés seront meublés. Mais, pour ce faire, Sia Habitat dégage un budget particulier, issu d'une demande de subvention à la mairie de Lille pour « aménagements d'espaces de convivialité ». Par ailleurs, pour subvenir aux coûts de gestion des espaces partagés, et aider les résidents à s'épanouir, Sia avait tout d'abord pensé à payer un concierge mais ce poste n'est rentable qu'à partir de 100 logements124. Ils ont donc préféré innover avec la présence d'un animateur qui a reçu une formation plus sociale. Lors de la conception du projet, nous avons du bataillé avec NORPAC pour réussir à garder ce qui faisait l'essence du projet, et surtout au moment de l'oral de présentation à la mairie de Lille. Nos collaborateurs de Norpac voulaient qu'on reste discret pour le rendu sur les espaces partagés alors que c'est précisément ça qui a enthousiasmé le jury. En effet, Sia a directement été très motivé par le concept, contrairement à la municipalité, assez réticente au début. Mais, le projet correspondait à la politique de la ville axée sur la culture et ils y ont vu l'opportunité de faire participer des artistes. Toute cette dynamique assez inédite a provoqué chez Sia un changement de leur manière de travailler, où les gestionnaires travaillent directement avec les architectes. Avec ce projet, je suis allée plus loin que mon métier d'architecte, vers une dimension sociale des choses. Et nous sommes très satisfait de ce projet puisque nous avons réussi à créer les conditions pour les habitants habitent ensemble et nous avons contribué au changement de la vision du promoteur lui-même.

Lors de l'oral du concours, les architectes ont parlé de partage, de relations... mais pas d'architecture au sens technique du terme. Et les élus s'en sont étonnés : « on ne savait pas que l'architecture pouvait faire ça ». Entre une architecture d'objet ou pas... chacun sa vie, mais c'est pas ce que j'ai choisi.

124 La résidence Pirotte à Fives comprends 53 logements.

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Bibliographie

Articles scientifiques

ABALLEA F., BENJAMIN I., « L’évolution de la professionnalité des architectes », Recherche sociale, n° 113-114, 1990, no 113, janv.-mars 1990.-56 P. et no 114, avr.-juin 1990.- pp. 57-109 L'analyse de la démographie des architectes révèle une fragilisation de la profession depuis les vingt dernières années. De 1945 à 1988, le nombre des architectes est passé de 7 à 24000 alors que la demande de réalisation architecturale s'est à Peine maintenue voire a décru depuis les années 70. Cette crise fait suite à l'âge d'or de la période d'après-guerre. Ces données servent de base à l'étude sociologique de la profession qui est proposée ainsi que l'analyse de l'émergence de nouvelles expertises résultat d'une réforme de l'enseignement dans les écoles.

BIAU V. et BACQUE M.-H. (dir.), « Habitats alternatifs : des projets négociés ? », LAVUE–PUCA, novembre, 2010 Au cours de ces dernières années, une série d’initiatives pour la réalisation de formes d’habitat dit « alternatif » ont fleuri en France, émanant de groupes divers aux objectifs spécifiques. Cet ouvrage de recherche s'est intéressé à ces objectifs et à la mise en oeuvre de processus participatifs qui contribuent à créer de nouvelles formes de partenariat dans la production du projet.

BONNIN P., KALOUGUINE V. et BLONDEL A.., « Rôle de l’architecte dans un processus de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre collectives », Paris : Unité pédagogique n° 6, 1985 Plusieurs expériences d'habitat autogéré, en ville nouvelle, dans des quartiers nouveaux ou dans des opérations de réhabilitation, et de participation des habitants, des collectivités locales et des promoteurs à des opérations de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre illustrent cette recherche. Dans ce 3ème volet du programme de recherche, on s'intéresse plus particulièrement au rôle de l'architecte dans une stratégie participative. Il ne s'agit pas ici d'élaborer des solutions applicables en toute circonstance, mais de contribuer à sensibiliser les décideurs à l'importance que peut avoir l'association des partenaires concernés par une même réalisation aux processus de programmation.

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DELABY Claire, « La ville contemporaine appelle à la participation. Radiographie architecturale de l'Allemagne à la France », Cahier Thématique n° 10, Architecture et paysage, situations contemporaines. Dix ans de recherche, ENSAP Lille, 2011 L'article s'attache à décrire la situation de la dimension participative de l'architecture, aussi bien dans sa conception que dans ses usages, en Allemagne puis en France. Face au débat sur la ville durable et la ville intense, l'auteure souligne l'inter-relation entre identité territoriale et stratégies d'architecture participative. A travers une analyse comparative des deux pays, l'auteure fait un état des lieux et interroge la définition même du métier d'architecte dans sa relation nouvelle à l'habitant.

DONZELOT Jacques, EPSTEIN Renaud, « Démocratie et participation : l'exemple de la rénovation urbaine », Esprit, Forces et faiblesses de la participation, n°326, 2006, pp. 5-34 Les démolitions et reconstructions de logements sociaux en cours sous l’égide de la loi sur la rénovation urbaine sont censées être conduites avec la participation des habitants. Qu’en est-il exactement ? La description des dispositifs mis en œuvre à Montfermeil, Reims, Nantes et Dijon montre que la prise en compte des habitants demeure symbolique et ne parvient jamais à donner un pouvoir effectif aux populations concernées.

HAUMONT B., « État des questions », Cahiers Ramau, n° 1, « Organisations et compétences de la conception et de la maîtrise d’ouvrage en Europe », 2000, p. 41-57.

KARPIK, L., « Les dispositifs de confiance », Sociologie du travail, n° 4, 1996, p. 527-550. La confiance permet de transformer les engagements problématiques en engagements crédibles. Pour supprimer l'opacité qui domine l'économie de la qualité, pour neutraliser l'opportunisme qui menace l'économie conventionnelle, et qui, tous deux, interdisent la formation et la continuité de l'échange économique, deux ensembles de dispositifs sont respectivement à l'oeuvre. Les dispositifs de jugement permettent de réduire l'ignorance; ils sont fondés soit sur la confiance personnelle (le réseau) soit sur la confiance impersonnelle (classements, appellations, guides). Les dispositifs de promesse permettent de contrecarrer le risque d'opportunisme; ils englobent la qualité des personnes, le réseau ou des ensembles normatifs.

MAY N., « Production des services et relation de service », Cahiers Ramau, n° 1, « Organisations et compétences de la conception et de la maîtrise d’ouvrage en Europe », 2000, p. 61-81. Les divers activités et métiers qui préoccupent les populations relèvent des activités de services. L’article présente quelques perspectives d’analyse des activités de services, issues pour l’essentiel de l’économie des services et qui se fondent sur une approche de la production des services construite sur la particularité, dans les services, des relations entre production et consommation. Ces approches, que l’on peut qualifier d’approches par la relation de service, ont été construites en France au cours des années 80,

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mais elles ne sont pas spécifiquement ou exclusivement françaises, même si elles n’ont pas été aussi formalisées dans d’autres pays.

Ouvrages

AKRICH Madeleine, CALLON Michel, LATOUR Bruno, Sociologie de la traduction. Textes Fondateurs, Presse de l'école des Mines, 2006, 303 p. En rassemblant les textes de 3 pionniers de la sociologie de la traduction, cet ouvrage permet de comprendre les développements de ce qu'on appelle aussi la théorie de l'acteur-réseau et la manière dont elle a interrogé le lien social, les machines, les objets, les usagers, les pratiques scientifiques. Pour montrer en conclusion comment cette approche permet de renouveler l'analyse sociologique classique.

BACQUE M-H. et SINTOMER Y., La démocratie participative inachevée, génèse, adaptations et diffusions, éditions Yves Michel, 2010, 320 p. Le présent ouvrage est le résultat d'un programme de recherche Partenariat Institutions - Citoyens pour la Recherche et l'Innovation de la Région Ile-de-France sur le thème des dispositifs participatifs locaux en Ile-de-France et en Europe. A travers plusieurs expériences françaises et étrangères, il analyse la genèse des budgets participatifs, le retour au tirage au sort et les dispositifs relatifs aux projets urbains.

BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, L'impensé Acte Sud, 2006, 190 p. Architecte réputé pour ses reconversion d'anciens sites industriels en lieux culturels majeurs, P. Bouchain expose sa doctrine et se positionne politiquement pour une société moins normative, plus spontanée. Il place également au centre de son discours ceux qu'on n'a pas l'habitude de voir au coeur des projets d'architecture : les ouvriers, les habitants, les artistes... Pluridisciplinaire, il travaille toujours accompagné et invite à repenser la façon dont nous faisons l'architecture. Il est pour une architecture de la transformation et, si possible, la plus minime.

BOURRIAUD Nicolas, Esthétique relationnelle, édition Les presses du réel, 1998, 128 p. Cet ouvrage tente de renouveler notre approche de l'art contemporain en se tenant au plus près du travail des artistes, et en exposant les principes qui structurent leur pensée : une esthétique de l'interhumain, de la rencontre, de la proximité, de la résistance au formatage social.

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BRANZI Andrea, Nouvelles de la métropole froide, Les essais Centre Georges Pompidou, Paris, 1992, 143 p. Libéré des rigueurs du projet"moderne", Andréa Branzi réfléchit sur la nouvelle condition éthique et symboliste du concepteur dans"la métropole froide", gigantesque système d'objets et de surfaces sensibles où le citadin combine à l'infini les éléments contrastés de son identité culturelle . Cette liberté est une chance unique pour aborder la"seconde modernité", s'engager sur les territoires de l'imaginaire où s'exerce désormais le projet qui puise dans la "révolution sensorielle", les énergies du renouvellement.

CALLON Michel, LASCOUMES Pierre, BARTHE Yannick, Agir dans un monde incertain : introduction a la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001, 358 p. Les auteurs tentent de penser à une manière de faire face aux conflits où ne s'opposeraient pas les profanes et les spécialistes. C'est à une « démocratie dialogique » qui s'enrichit des apprentissages et des expérimentations issues de « forums hybrides » où se déroule la discussion que l'incertitude a quelque chance d'être réduite. Il s'agit de maintenir des options ouvertes, d'apprendre des collectifs et associations que suscitent les controverses.

FRIEDMAN Y., Utopies réalisables, L'éclat, 2000, 250 p. Il tente de construire une théorie objective et cohérente des organisations sociales. Pour lui, les utopies apparaissent comme des remèdes à une insatisfaction collective. Elles peuvent devenir réalisables si elles obtiennent un consentement collectif.

ILLICH Ivan, La convivialité, Seuil, Paris, 2003 (première date de parution : 1973), 160 p. L'ouvrage s'attache à ddévelopper une critique morale de la société industrielle. Il analyse ainsi l'évolution de nos sociétés occidentales comme « autodestructrice » et dénuée de sens, les outils du capitalisme ne se justifiant que par et pour eux-mêmes. L'homme devient donc esclave de ces outils. Illich propose des pistes vers d'autres possibilités, qui s'expriment notamment par un retour à des outils conviviaux, qu'il oppose aux machines.

MARION Christian, Participation citoyenne au projet urbain, L'Harmattan, 2010, 300 p. Ce livre est comme un mode d'emploi pour celui qui souhaiterait se confronter à la participation citoyenne dans un projet urbain. Il y démontre les forces et faiblesses de telles méthodes et en fournit les outils pour réussir cette entreprise.

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RANCIERE Jacques, Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, Paris, 2008, 152 p. Ce livre examine plusieurs formes et débats de l'art contemporain et pose la question de la place du spectateur dans l'art contemporain et celle d'un art politique. Il évoque plus précisément l'esthétique relationnelle de N. Bourriaud dans lequel il aperçoit une critique de l'individualisme au bénéfice d'un art qui existe de la relation entre l'oeuvre et son spectateur, mais qui redevient à son tour un spectacle.

RINGON Gérard, Histoire du métier d’architecte en France, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 1997, 128 p. Ce livre retrace l'histoire du processus de constitution et de transformation du métier d'architecte du Moyen Age au XXe siècle, à partir de la mise en perspective et de la confrontation d'un ensemble de travaux historiques sur le sujet.

SALZMANN Nicolas (dirigé par STIEGLER Bernard), Pensée systémique de G. Simondon, Individuations technique, psychique et collective, Éditions des Nik’s News, 2003, 66 p.

SEBILLOTTE CUCHET Violaine, 100 fiches d'histoire grecque, édition Bréal, 2007, 318 p.

SIMONDON Gilbert, L'invention dans les techniques, Seuil (traces écrites), 2005, 400 p. Ce recueil contient l'essentiel des cours et conférences de G. Simondon, dont les deux principaux portent sur l'invention et le développement des techniques (1968) et l'invention dans les techniques (1971).

STIEGLER Bernard, Ars Industrialis (arsindustrialis.org), Manifeste, 2005

TERRIN Jean-Jacques, Conception collaborative pour innover en architecture, L'Harmattan, 2009, 168 p. Face aux enjeux majeurs du développement durable, les processus de conception de notre cadre bâti doivent être profondément renouvelés. L'observation de ce recadrage dans d'autres domaines, notamment dans les milieux industriels et artistiques, montre que l'évolution des pratiques s'accompagne de l'adoption de méthodes collaboratives et plus interactives, et d'outils adaptés.

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Sources internet

Dossier : http://www.metropolitiques.eu/Effervescences-de-l-habitat.html http://www.cairn.info/revue-multitudes-2007-4-page-83.htm http://www.cairn.info/redirect.php?SCRIPT=/load_pdf.php&ID_ARTICLE=GEN_048_0077 http://www.lexpress.fr/culture/architecture-patrimoine/architecture/pour-faire-avancer-larchitecture-il-faut-de-l-audace_485597.html http://www.collectif-oob.com/03atelier/sceances/01lk/01lk.html http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2279 http://www.projets-citoyens.fr/node/1224 http://strabic.fr/Ma-voisine-cette-architecte-2-2.html http://www.maisonapart.com/edito/autour-de-l-habitat/architecture-patrimoine/carin-smuts---larchitecture-participative-recompe-2145.php http://lafabriquedelhospitalite.wordpress.com/2012/10/18/collectif-etc-architecture-et-urbanismeparticipatif/ http://fr.wikipedia.org/wiki/D

%C3%A9mocratie_participative#Les_limites_de_la_d.C3.A9mocratie_participative http://www.participation-locale.fr/sommaire.php3 http://multitudes.samizdat.net/Le-langage-de-l-individuation http://www.metropolitiques.eu/Construire-autrement-avec-Patrick.html

Vidéos

alma gare roubaix : http://www.youtube.com/watch?v=1snOg2M5yCw

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Iconographie

Image 3d issues du site de technologies informatiques http://www.it-expertise.com/la-philosophie-du-domaindriven-design/..................................................................................................................................................................................1 Photographie du projet E3 de Kaden+Klingbeil issue du site de l'agence, http://kaden-klingbeil.de/index. Php ..................................................................................................................................................................................................24 Photographie du projet de la MéMé de L. Kroll, à Louvain en Woluwe (Bruxelles) issue du site internet de l'architecte, http://homeusers.brutele.be/kroll/index.htm.................................................................................................24 Vue satellite en perspective axonométrique de « l'îlot Stephenson » issue de Google Maps, délimitation du périmètre de l'îlot par P.-F. Desoulle.........................................................................................................................................27 Plan d'intervention sur l'îlot Stephenson par l'agence Construire, image issue de la revue AMC n°223, avril 2013, p.12..................................................................................................................................................................................................28 Photographie de S. Jarry d'une intervention de Construire à Tourcoing dans son contexte, issue de l'album photo du projet sur le site internet http://www.legrandensemble.com/......................................................................................29 Affiche de la conversation électrique n°16 du jeudi 20 janvier 2011 à 19h, image issue du site http://www.lunion. org/.................................................................................................................................................................................................30 Photographie d'une discussions autour de la maquette collective à l'Atelier Électrique, issue du journal La Voix du Nord................................................................................................................................................................................................32 Maquette en bois et en mousse de l'îlot Stephenson, réalisée par des étudiants de l'ENSAP Lille à l'Atelier Electrique, conçue par Construire et intitulée « maquette plan guide 1/100e »..........................................................32 Photographie de quatre groupements de trois maisons LMH montrant les différentes typologies d'extensions, transmise par M. Kadari, SEMvr...............................................................................................................................................33 Extrait du tableau d'individualisation des logements LMH, document transmis par M. Kadari, SEMvr.................36 2 photographies de S. Jarry de la maison témoin pour la SEMvr........................................................................................38 Élévation côté jardin d'un groupement de 3 maisons rue Stephenson, document issu des pièces graphiques constitutives du projet, réalisé par Construire........................................................................................................................38 Série de 3 photographies montrant le processus de conception des espaces partagés, image transmise par l'agence S. Delhay architecte......................................................................................................................................................................44 Photographie de la Cité Radieuse de Marseille (1945-52), Le Corbusier, issue de l'article « Les habitants de la Cité radieuse incendiée prennent la parole » du 12/03/2012 sur le site http://www.lemoniteur.fr/.......................44 Préfiguration de la résidence Pirotte, image de synthèse transmise par l'agence S. Delhay architecte........................44 Série des 6 plans de niveaux de la résidence Pirotte mettant en évidence le « grand emmarchement » des espaces partagés (en jaune) du RDC au R+6, image transmise par l'agence S. Delhay architecte.............................................45

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Coupe d'ensemble des logements collectifs, image transmise par l'agence S. Delhay architecte..................................46 Test de peinture jaune sur béton banché, chantier résidence Pirotte, photographie P.-F. Desoulle............................47 Axonométrie éclatée de l'enchainement des espaces partagés, du rez-de-chaussée au R+6, image S. Delhay architecte........................................................................................................................................................................................47 Plan d'un appartement type 3 mettant en évidence les enchainements d'espaces, image S. Delhay architecte........................................................................................................................................................................................48 Croquis en plan et perspective 3d du scenario 1 pour l'espace partagé du R+2 intitulé « un soir d'été, cinéma de plein air », image S. Delhay architecte....................................................................................................................................50 Croquis en plan et perspective 3d du scenario 2 pour l'espace partagé du R+2 intitulé « un samedi matin, atelier cuisine intergénérationnel », image S. Delhay architecte....................................................................................................50 Croquis en plan et perspective 3d des scenarii pour le R+6................................................................................................51 Œuvre Untitled, 1993, Felix Gonzalez-Torres, issue du site http://www.artslant.com/..............................................52 Photographie de la vue panoramique depuis l'espace partagé du R+3, image PF Desoulle.........................................52 Série de 3 photographies mettant en évidence la manière dont les espaces partagés s'enchainent..............................53

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Mémoire d'initiation à la recherche de master en architecture École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Lille

ARCHITECTURE ET PARTICIPATION Quelle place pour l'habitant dans la conception architecturale ?

Résumé

A travers la notion de participation, dans quelle mesure peut-on parler de construction individuelle dans les processus de conception architecturale ? Telle est la question que nous avons tenter de mettre en perspective au regard de la notion de complexité, mise en évidence par Edgar Morin. Après avoir étudier les différentes utilisations du mot participation, nous l'avons exploré à l'aide d'outils théoriques tels que le concept d'individuation développé par Gilbert Simondon afin de connaître les conditions de l'évolution conjointe des habitants et de l'architecture, ainsi que l'esthétique relationnelle révélée par Nicolas Bourriaud ou encore la sociologie de l'acteur-réseau qui nous a permis de savoir comment les habitants et les décideurs, qui peuvent parfois se confondre, mettent en place des stratégies dans les négociations avec l'architecture. De manière à illustrer notre propos, nous nous intéresserons aux pratiques de deux architectes dans la métropole lilloise. Patrick Bouchain, à Tourcoing, nous enseignera comment il a su travailler avec les habitants à la réhabilitation de leur quartier ; Sophie Delhay, quant à elle, nous montrera comment on peut relier la conception à l'usage en mettant en place les conditions d'appropriation d'une architecture. Ce mémoire constitue une réflexion sur la dimension sociale du métier d'architecte et la place de l'habitant dans un renouvellement de la pratique architecturale.

Pierre-François Desoulle, sous la direction de Jean-Christophe Gérard et Frank Vermandel Séminaire de recherche Conception-Complexité-Contemporanéité Mots-clés : participation - appropriation - négociations - complexité


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