D É C E M B R E 2 0 1 8 | N O 1 5 6 | L A R E V U E P O U R L E S B I E N F A I T E U R S
PARAPLÉGIE
AUTOFOCUS
Douleurs chroniques Une pathologie aux causes diverses
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GUIDE PR ATIQUE
Apprendre à faire face aux douleurs
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RENCONTRE
Michael Knöpfle et la miniature
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DONS
Haute précision au bloc opératoire
Retraite : AVS Quel sera le montant de ma rente ? Caisse de pension Rente, capital ou les deux combinés ? Succession Comment protéger ma famille?
25 ANS
e z n o t re d n a m m Co etraite » r t s i l k c « Che / vzch.com e hniqu fiche-tec
EXPERTISE DEPUIS 1993
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R E V U E D E L’A S S O C I A T I O N D E S B I E N F A I T E U R S D E L A F O N D A T I O N S U I S S E P O U R P A R A P L É G I Q U E S
6 Chère bienfaitrice, cher bienfaiteur, Le présent numéro de « Paraplégie » est consacré aux douleurs chroniques, prépondérantes pour bon nombre de blessés médullaires, si peu perceptibles pour autrui et si peu comprises dans notre société. Pour le Centre suisse des paraplégiques (CSP) à Nottwil, la prise en charge de la douleur a toujours été l’une de ses principales préoccupations. En témoigne le Centre de la douleur, très fréquenté car il s’adresse aussi aux patients sans lésion médullaire – fondé par Guido A. Zäch. En termes de politique de prise en charge, son positionnement fait sens. Pour le CSP aussi car un grand nombre de cas y sont traités. Cela profite à tous, paralysés médullaires ou non, vu l’expertise accumulée au fil des ans – condition sine qua non pour être de ceux qui forment le dessus du panier. Notre grande priorité demeure la prise en charge des blessés médullaires et personnes ayant un syndrome apparenté à la paralysie médullaire. Cela vaut pour les hospitalisations et le service ambulatoire, point sensible qui sera davantage pris en compte à l’avenir. À Nottwil, notre attachement indéfectible pour une prise en charge médicale des patients blessés médullaires de très haut niveau passe avant toute considération économique. La Fondation suisse pour paraplégiques, sans laquelle la clinique n’aurait pas pu voir le jour, s’en porte garante et c’est grâce à votre fidélité, chère bienfaitrice, cher bienfaiteur, qu’elle peut continuer de le faire. Cordialement,
Dr iur. Joseph Hofstetter Directeur de la Fondation suisse pour paraplégiques
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Autofocus 6 F A C E A U X D O U L E U R S Le Centre de la douleur à Nottwil recourt à une méthodologie diagnostique et thérapeutique des plus efficaces au monde pour lutter contre la douleur chronique, maladie à part entière. 12 I N N O VAT I O N Le cerveau se laisse leurrer par les experts de la douleur de Nottwil et leur approche thérapeutique inédite. 14 M É D E C I N E D E L A D O U L E U R La douleur chronique n’est plus un mal inéluctable. Explications du responsable du Centre de la douleur à Nottwil. 17 D I G R E S S I O N Les douleurs chroniques sont très éprouvantes. Et pour les personnes concernées et pour leurs proches qui en souffrent également. Les Bolliger en savent quelque chose. 18 G U I D E P R AT I Q U E Apprendre à faire face aux douleurs : petit vademecum des experts du Centre de la douleur élaboré pour vous.
Pôle de compétence 20 R E N C O N T R E Michael Knöpfle a toujours travaillé dur. Pour le Schaffousois de 57 ans, qui se déplace en fauteuil roulant, son nouvel emploi est un vrai coup de maître. 27 D O N S Les chirurgiens du Centre suisse des paraplégiques ont recours à une technologie médicale des plus modernes pour opérer les patients du dos. Cet investissement a été possible grâce aux dons. 32 A F F I L I AT I O N Le Service Center se fait un plaisir de répondre aux appels téléphoniques et aux mails de 1,8 million de membres. N’ayez aucune hésitation à prendre contact, vous serez toujours les bienvenus. 4 C A M P U S D E N O T T W I L 31 R E M E R C I E M E N T S 34 À V E N I R
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CAMPUS DE NOT T WIL
2018, l’année des marathons et des victoires à n’en plus finir
Atelier et grande exposition de fauteuils roulants
Projet de vidéo pour attirer de nouvelles recrues Le Centre suisse des paraplégiques va recruter une centaine de personnes dans le domaine médical d’ici à 2020 du fait de l’agrandissement de sa clinique. Le service du personnel a produit une vidéo originale présentant le site de Nottwil pour partir à la conquête de ses futurs collaborateurs. C’est la proposition musicale de Daniel Gloor, lauréat du prix de l’Aregger SA (Buttisholz, canton de Lucerne) d’un montant de 3000 francs, qui a été retenue pour en illustrer les images. En été 2018, un jury indépendant a départagé les 34 candidats en lice pour la mise en musique. Le chef du personnel, Andy Korner (à dr.) félicite le musicien : « Le travail de Daniel Gloor et de ses concurrents est fantastique. Tout cela pour le campus de Nottwil, c’est du grand art. »
Film, toutes les bandes sons et tous les postes vacants sur paraplegie.ch / karriere
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Après avoir travaillé dans des bâtiments provisoires pendant les deux années qu’ont duré les travaux d’agrandissement de la clinique, le service Technique de rééducation est installé depuis septembre 2018 dans de nouveaux locaux. Équipés d’une cintreuse d’une grande précision pour ajuster les cadres de fauteuil roulant, ils sont suffisamment spacieux pour accueillir une belle exposition de fauteuils roulants. Les dix mécaniciens fauteuil roulant d’Orthotec réalisent plus de 600 adaptations par an, tous modèles confondus (manuels, électriques, sport pour para et tétraplégiques).
En septembre 2018, Manuela Schär a battu le record du monde au marathon de Berlin avec cinq minutes d’avance, soit 01:36:53, son meilleur temps. Trois semaines plus tard, la jeune athlète de 33 ans originaire de Kriens l’emportait pour la première fois au marathon de Chicago en devançant sa rivale d’une minute. Autre victoire que la championne en titre vient d’inscrire à son palmarès : le Marathon de New York qui a eu lieu en novembre.
Le spécialiste en Technique de rééducation et moyens auxiliaires sur orthotec.ch
Soutien au quotidien Les conseils et l’éducation prodigués aux enfants paralysés médullaires ainsi qu’à leurs parents par ParaHelp – dont la vocation est de soutenir les paralysés médullaires, aidants et proches à la maison, sont uniques en leur genre en Suisse. Par son approche jeunes, ParaHelp les aide à être le plus autonome possible dans leur vie quotidienne et à passer le cap de la médecine pédiatrique à celle pour adultes.
Offre et newsletter sur parahelp.ch
Un essor digne de celui d’une haute école Le Groupe suisse pour para plégiques (GSP), qui compte environ 200 cadres, coopérera avec la Haute école de Lucerne dès 2019 à travers son offre de formation dans le domaine du leadership. Le « CAS Leadership DUAL » de ladite école reconnaît officiellement le « Certificat leadership GSP » passé en interne. « Cette offre de formation pour nos collaborateurs est exclusive ; notre travail de développement porte ses fruits, c’est une belle récompense pour tous les efforts effectués ces dernières années », se réjouit Marcel Unterasinger, chargé du développement du personnel.
CAMPUS DE NOT T WIL
110 cours de sensibilisation Mine d’informations favorisant les échanges sur la paralysie médullaire, ces cours de l’Association suisse des paraplégiques ont la cote : tous les ans, on enregistre environ 2000 participants.
spv.ch /sensibilisation
Conseils voyageurs au 041 41 937 12 01, e-mail bahnhof@nottwil.ch
Sans réservation. Entrée libre. Dons acceptés. Renseignements au 041 939 57 78
La pointe du progrès à Nottwil Cet été, 300 professionnels de renommée mondiale se sont donné rendez-vouz à Nottwil pour une « mise à jour » sur les avancées de la science. Deux congrès s’y sont tenus. Le premier : congrès mondial de la main tétraplégique – présenté par Jan Fridén, éminent médecin du Centre suisse des paraplégiques et inventeur d’une technique chirurgicale très aboutie qui permet aux tétraplégiques de pouvoir se réapproprier des fonctions de préhension rudimentaires. Et le second : congrès annuel de la Société internationale pour la Stimulation Électrique Fonctionnelle (SEF) animé par Ines Bersch-Porada, responsable du Centre pour la stimulation électrique fonctionnelle. Petit rappel : la SEF permet de réactiver des muscles paralysés.
Clip vidéo sur la chirurgie de la main tétraplégique sur paraplegie.ch / main-tetraplegique
Grande satisfaction du personnel à Nottwil en 2018 La 18e édition du prix « Swiss Arbeitgeber Award » a récompensé les meilleurs employeurs. Plus de 46 000 employés dans 140 entreprises ont bien voulu donner leur avis sur leur situation et leur environnement au travail. Score excellent pour le Groupe suisse pour paraplégiques (GSP) : 4e place dans la catégorie grandes entreprises (plus de 1000 employés). Diplôme remis à Simone Leib, responsable Administration RH du GSP et Hans Peter Gmünder, directeur du Centre suisse des paraplégiques au Zentrum Paul Klee à Berne.
Michael Fund
Il était question de désaffecter la gare de Nottwil mais les représentants du Centre suisse des paraplégiques et la commune de Nottwil ont proposé une alternative qui a su convaincre les CFF. Résultat ? Mise en place d’un « Centre de conseil Handicap » dans les locaux de la gare jusqu’à fin 2020 acceptée. Le guichet est donc maintenu et travaillera en étroite collaboration avec les CFF. Finalité ? Conseils aux voyageurs à mobilité réduite dans toute la Suisse. Si elle a du succès, cette offre pourrait bientôt venir s’ajouter aux autres prestations du Groupe suisse pour paraplégiques.
Christoph Oeschger
Service maintenu
Évènement littéraire avec Gianna Molinari À l’honneur : roman de Gianna Molinari au titre prometteur « Hier ist noch alles möglich » (littéralement « Ici tout est encore possible »), d’ailleurs nominé pour le prix du livre allemand et suisse en 2018. Des extraits retentiront par la voix de son auteure à la bibliothèque du Guido A. Zäch Institut. Rendez-vouz le mercredi 13 mars 2019 à 19 h 30.
Record battu ? 14 types de sport aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2020 et 16 disciplines. Les chaînes de télévision auront fort à faire pour les commenter. L’engouement pour les Paralympics ne cesse de croître, quelle que soit la discipline. C’est ce qu’a rapporté le Comité international paralympique (IPC) en septembre 2018. Record battu ? En tout cas, les Jeux paralympiques de Rio auront passionné 4,1 milliards de téléspectateurs dans 154 pays différents.
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Centre de la douleur à Nottwil Une alternative aux cachets inefficaces Phénomène complexe s’il en est, la douleur chronique, maladie à part entière, est une conjonction de plusieurs facteurs : corporels, psychiques et sociaux. Le Centre de la douleur à Nottwil recourt à une méthodologie diagnostique et thérapeutique des plus efficaces et mondialement connue pour soigner les patients qui ont des douleurs chroniques.
DOULEURS CHRONIQUES
Quelqu’un qui a des douleurs chroniques vient de prendre place en face de moi dans le train. Je ne m’aperçois de rien. Pourtant, elles minent cette personne et font leur travail de sape. La douleur chronique coûte des milliards à la société. En Suisse, 16 % de la population en souffre, ce qui en fait l’une des maladies les plus coûteuses pour le pays. La douleur est également cruciale car elle enseigne aux petits qu’une plaque chauffante allumée provoque des brûlures et que les bris de verre, ça coupe ; la douleur aiguë infligée est un signal d’avertissement vital, un indice qui nous alerte que quelque chose est déréglé dans notre corps et qui nous prémunit contre les accidents, les blessures et les maladies. La douleur chronique, des sévices constants Mais quand la douleur aiguë s’est installée pour de bon et qu’elle est devenue chronique, ce n’est plus pareil. Les raisons et façons dont la douleur chronique se manifeste sont si nombreuses que chaque cas est un cas à part. D’où l’extrême difficulté à en guérir. Comme pour Pascal Wütschert, 45 ans, à la tête d’une entreprise d’entretien et de réparation de moteurs Diesel. Après un accident de voiture il y a trois ans, ses problèmes de nuque ont empiré à tel point qu’il a été contraint de repenser totalement son activité professionnelle. Les premiers traitements n’ayant pas répondu, on lui a conseillé de se faire opérer. Puis, il est venu en
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consultation au Centre de la douleur (ZSM) à Nottwil. À présent, il a appris à « faire avec » deux vertèbres cervicales extrêmement abîmées, mais cela a été très dur. Il a bien fallu qu’il se rende à l’évidence qu’il ne retrouverait plus sa forme physique d’antan, et qu’il réorganise sa vie de A à Z pour faire face à la souffrance. Eva Wyss, 63 ans, paralysée médullaire suite à une chute de cheval, souffre depuis une quarantaine d’années. Au bout de huit ans, elle a fini par quitter son poste de secrétaire de direction, puis elle a suivi une formation, avant de fonder une école de chromothérapie. Malgré plusieurs opérations, ses douleurs demeurent d’une telle brutalité qu’elle renoncera à ce rêve-là aussi, son quotidien étant rythmé par les attaques douloureuses classées de un à dix sur l’échelle de la douleur. « Je peux m’estimer heureuse quand le degré de souffrance en reste à six », dit-elle. Eva a emménagé à Nottwil pour écourter ses va-et-vient entre son domicile et le ZSM. Avant il lui arrivait d’être obligée de faire demi-tour à peine arrivée à la gare de Lucerne et de renoncer à sa thérapie à cause de ses crises aiguës. La reconnaissance de la maladie En général, plusieurs semaines ou mois s’écoulent avant qu’une douleur aiguë en rapport avec un événement bien précis ne se chronicise. Le processus de guérison de la blessure ou maladie initiale est fini mais, pour une raison indéterminée, certains récepteurs et relais nerveux continuent
Pascal Wütschert de passage chez l’un de ses clients.
16%
de la population suisse souffre de douleurs chroniques.
66% des patients douloureux chroniques sont dépressifs.
1. Problèmes musculaires Stress physique ou psychique et mauvaise position au travail entraînent tensions musculaires et troubles de la circulation sanguine.
7. Vie relationnelle en péril Les déséquilibres ont un impact négatif de plus en plus fort sur la vie relationnelle. L’absentéisme dû à la maladie peut même aller jusqu’au licenciement.
6. Mauvaises positions Afin d’éviter la douleur, le corps adopte des positions malsaines. Articulations et musculature sont fragilisées.
5. Déficit de sommeil La douleur s’amplifie à tel point qu’on souffre d’un manque de sommeil. Le corps n’a pas le temps de se régénérer.
2. Premières douleurs Les premières douleurs ont des retentissements sur le psychisme et le bien-être. Ce sont les premiers signes du stress.
3. Douleur prononcée Les fortes douleurs font souffrir, même quand on accomplit des tâches ordinaires, et causent un stress considérable, à la fois psychique et physique.
4. Douleur chronique La douleur chronique est de plus en plus invalidante pour l’appareil locomoteur avec pour corollaire la fonte musculaire et une qualité de vie qui décline.
L’engrenage de la douleur La douleur est anxiogène, elle suscite la colère et cause du souci. Tous ces ressentis négatifs nous poussent à la contrer. On se ménage, on évite de remuer ou on se repose. Si la douleur persiste, l’inactivité s’installe, les pensées négatives se font plus fréquentes et la mauvaise humeur amplifie la perception de la douleur. Un véritable engrenage. (Source : Recherche suisse pour paraplégiques)
à envoyer des signaux douloureux au cerveau, et le corps engrange la douleur. La première étape pour surmonter la douleur est d’accepter qu’il s’agit d’une véritable maladie qui affecte l’individu sur toutes ses facettes et tous les pans de sa vie. Les pathologies chronicisées ne s’arrêtent pas aux fonctions et activités physiques mais ont des retentissements sur l’humeur, la vie familiale et socioprofessionnelle. Les crises sont dues à une multiplicité de facteurs complexes et différents – un vrai capharnaüm de motifs et rétroactions. Il est illusoire d’espérer guérir en prenant des cachets ou en suivant une seule thérapie. L’approche multidisciplinaire En 1998, le Centre suisse des paraplégiques a vu le Centre de la douleur sortir de terre à Nottwil, grâce à Guido A. Zäch, leur fondateur. L’appro che interdisciplinaire et « multimodale » qui lui est chère fait de cet établissement l’un des centres de la douleur leaders en Europe. Des experts de la douleur issus de onze domaines de spécialisation différents travaillent main dans la main afin d’élaborer un concept thérapeutique sur mesure pour chaque patient. « Il faut monter en ligne en même temps contre les problématiques douloureuses et mettre les prés carrés aux oubliettes », dit le docteur André Ljutow, responsable du ZSM. Voilà pourquoi toutes les disciplines sont réunies autour d’une table sur un pied d’égalité. Tous les acteurs ont la même approche, ils
apportent tout leur savoir et décident de tout ensemble. À la lumière des différentes spécialités médicales, l’équipe du Dr Ljutow esquisse une vue d’ensemble en s’appuyant sur le modèle bio-psycho-social de la douleur qui utilise des méthodologies diagnostiques et thérapeutiques pionnières, en plus des méthodes classiques. En Suisse, la réputation du ZSM dans les nombreuses branches de prise en charge de la douleur n’est plus à faire. Des possibilités thérapeutiques énormes La plupart des patients qui viennent au ZSM ont des douleurs chroniques depuis des lustres. L’équipe qui s’occupe d’eux est différente selon la forme et la nature de la souffrance. Quand on constate par exemple des lésions du système nerveux, ce sont les neurologues qui supervisent, mais les physiothérapeutes, psychologues ainsi que tous les autres spécialistes sont toujours impliqués dès le début. Un nerf est comparable à un câble électrique : s’il tient mal ou qu’il est écrasé à un endroit, il risque d’envoyer des décharges électriques. Après une hernie discale, les nerfs peuvent avoir subi d’infimes altérations qui les font réagir. « Cela occasionne des brûlures permanentes », explique Gunther Landmann, neurologue. « Certains patients ont des douleurs fulgurantes toutes les deux ou trois minutes dues à des décharges électriques subites. » Si l’on réussit à localiser le nerf ou faisceau de nerfs « coupable », on peut
Un « câble électrique » d’une grande complexité Représentation graphique d’un nerf fibre nerveuse myélinique tissu conjonctif et adipeux
vaisseau sanguin
fibre nerveuse amyélinique
faisceau de fibres nerveux gaine de tissu conjonctif
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« Les thérapies interdisciplinaires donnent les meilleurs résultats » Prof. Dr Burkhard Gustorff, Vienne (A)
mière étape est de lister tous les diagnostics déjà posés sans en oublier un seul. Puis, le patient doit se demander ce qu’il peut faire lui-même pour contenir ses douleurs. La plupart ne relève pas ce défi-là. Cela dit, soigner la douleur, c’est aussi aider les gens à se reconstruire, notamment quand leurs activités et leur estime de soi ont pâti.
Professeur Burkhard Gustorff, pourquoi aborder la douleur chronique de manière interdisciplinaire ? Vu que le patient douloureux chronique se présente à vous non pas avec un diagnostic simple mais des polypathologies, il y a une multiplicité de traitements. D’où l’efficacité des approches thérapeutiques interdisciplinaires qui réunissent un large éventail de pratiques susceptibles d’aider le patient. Une discipline médicale ne suffit pas à elle seule. Vous savez, quand un gros engrenage est complètement démoli, c’est un casse-tête chinois pour le remettre en marche. Là, Nottwil peut se targuer d’avoir initié un concept phare en Europe appelé concept « multimodal », fondé sur l’interdisciplinarité et l’interprofessionnalité. Vous êtes-vous heurté à des réticences quand vous avez mis votre nouvelle filière sur pied ? Les réticences viennent des milieux professionnels et des patients qui préfèreraient qu’on les délivre de leurs souffrances avec un seul et unique remède ; on peut le comprendre quand les douleurs sont aiguës. Pour traiter celles dues à l’arthrose, on s’appuie sur un diagnostic et une thérapie. Mais, quand on a affaire à la douleur chronique, la peur et les restrictions de mobilité sont source de malentendus et biaisent les diagnostics ; le relationnel en souffre. Tous ces aspects concomitants doivent être passés au crible en même temps, par des approches différentes. Identifier une seule cause a peu d’intérêt. Les détracteurs appliquent les mêmes procédés pour soigner douleurs aiguës et chroniques. C’est surtout de là que viennent les réticences. Quels conseils donner en premier à un patient douloureux chronique ? Ne pas courir les médecins. Opter pour un centre spécialisé interdisciplinaire. La pre-
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L’objectif n’est pas la suppression totale de la douleur ? Pour le patient douloureux chronique, le premier enjeu est d’accepter d’être en moins bonne santé à moyen terme, voire durablement. On ne focalise pas sur la suppression de la douleur. On pose plutôt la question fondamentale de savoir ce que le patient est encore capable de faire malgré la douleur, quelles fonctions sont cruciales au quotidien. Vous collaborez étroitement avec le Centre de la douleur à Nottwil ? Les professionnels de Nottwil ont assisté à mes premiers cours et continuent de le faire. Entre-temps, de solides liens ont été tissés entre spécialistes de la douleur. Échanges et réseaux sont en plein essor. Le Centre de la douleur à Nottwil envoie des collaborateurs en formation à Vienne. Ceux-ci s’impliquent aussi dans des projets de recherche qu’ils suivent ensuite depuis la Suisse. Sur quels sujets de recherche travaillez-vous en ce moment ? La question de savoir si on peut mettre la douleur physique chronique en échec grâce aux opiacés fortement dosés exerce sur moi une grande fascination. Les sujets qui n’ont pas fini de faire parler d’eux sont les facteurs génétiques, le ressenti douloureux et les stratégies pour surmonter la douleur.
Prof. Dr Burkhard Gustorff dirige le service d’anesthésie, de médecine intensive et de prise en charge de la douleur à l’hôpital viennois Wilhelminen. Il a mis sur pied le master de médecine de la douleur interdisciplinaire, le premier en Europe à avoir été créé dans ce domaine, ce qui lui confère une grande notoriété dans le monde entier.
gustorff.at
recourir à la neuromodulation ciblée ou implanter un neurostimulateur dans le canal rachidien et masquer la douleur par des impulsions électriques. On peut aussi bloquer les articulations interapophysaires et les racines nerveuses ou injecter une solution médicamenteuse dans des régions bien ciblées en s’aidant de l’imagerie médicale, pour atténuer l’activité électrique. En général, les douleurs des patients qui ont une hernie discale ne disparaissent pas totalement. Mais toutes ces interventions qui ne représentent qu’une petite partie de la thérapie dite multimodale leur permettent d’éviter une opération, elles atténuent ou désamorcent leurs douleurs pendant plusieurs mois. Résultat ? Ils sont en mesure de faire de la physiothérapie en intensif – un bienfait pour la force musculaire et la stabilité du tronc, suite à quoi on peut s’attaquer à la racine du mal. Parallèlement, la dimension psychothérapeutique est un maillon tout aussi essentiel de la thérapie multimodale car les effets positifs, tels que faculté de concentration et sommeil de bonne qualité, influent aussi sur les facteurs psychologiques impliqués dans la douleur. « Nous veillons à ce que le patient retrouve un quotidien acceptable au lieu de se ménager », explique Karina Böttger, physiothérapeute spécialiste de la douleur. « Contre la douleur, le stress et les états dépressifs, il n’y a rien de tel que de bouger. » Mais il est vrai qu’un faux mouvement peut déclencher d’autres douleurs et sus-
DOULEURS CHRONIQUES
citer des peurs. Ensemble, les physiothérapeutes et psychologues du ZSM ont élaboré un programme destiné à aider les personnes concernées à retrouver confiance en leur corps, à surmonter leur peur de bouger au quotidien. Le but ? Qu’elles reprennent leur vie en main. Un nouveau départ Eva Wyss a appris à s’accommoder de son quotidien, elle qui plonge tous les jours avant de refaire surface : « Avant, soit je planifiais tout trois ans à l’avance, soit je me réfugiais dans le passé à chaque revers. Aujourd’hui, je vis dans l’instant présent et j’accepte ma situation telle qu’elle est. » Eva n’a plus besoin de se prouver à ellemême tout ce qu’elle est capable de faire malgré ses douleurs ; au contraire, maintenant elle accepte ses propres limites et apprécie les petits riens qui enjolivent la vie et la portent. Dans la mesure où la douleur le lui permet, elle essaie de s’occuper. « Il ne faut pas laisser la douleur monopoliser tout, il faut parler d’autres choses », ajoute-t-elle. Elle qui se dépense régulièrement grâce à son petit chien. « Il faut se prendre par la main, ne pas se reposer sur le docteur ou sur les médicaments, ne pas s’en remettre à eux. » C’est le conseil de Pascal Wütschert qui marche sur ses deux jambes. Il a eu le déclic lorsqu’il a fait un bilan au ZSM et qu’on lui a montré à l’aide de la rétroaction biologique quels étaient les mouvements qui mettaient son corps aux abois. C’est comme cela
qu’il s’est mis à moduler ses comportements dans son quotidien, en plus de l’électrothérapie. « Le plus gros obstacle, c’est d’accepter sa situation », poursuit-il. Il a adapté son travail à sa santé et planifie sa journée différemment quand il sort le soir. Toutefois, il se peut très bien qu’il soit en pleine forme le matin et qu’il y ait un revirement de situation l’après-midi. Au ZSM, il a appris à y faire face et à se concentrer sur les choses positives qui sont à sa portée. « Il faut savoir composer, sinon la douleur est prête à tout ensevelir », dit-il. Certes, on en sait beaucoup plus sur les mécanismes de cette maladie complexe, mais on ignore encore pourquoi l’évolution est positive chez un patient et pas du tout chez l’autre. Est-ce à dire que nous sommes à la merci de la douleur ? La réponse est non. Au ZSM, la majorité des patients ne désespèrent pas et apprennent à faire face. Ils savent reconnaître les mécanismes qui sont à l’œuvre dans leur corps et sont à même de mener une vie épanouie nonobstant la douleur. En effet, la réussite d’une thérapie se mesure à l’aune de la qualité de vie retrouvée. Pour y parvenir, il est crucial de se poser des objectifs réalistes. Il ne s’agit pas de jauger l’intensité de la douleur sur une échelle numérotée de un à dix ni de la battre à plate couture, mais de la dompter afin de reprendre ses activités – sésame pour une vie accomplie. (kste/we)
Ci-dessus Eva Wyss a réinventé sa vie qu’elle veut la plus active possible, malgré la douleur. À gauche Radiographie d’une partie de la colonne vertébrale. Diagnostic : blocage inter apophysaire.
Les 20 ans de la médecine de la douleur Le Centre de la douleur (ZSM) à Nottwil compte parmi les institutions leaders en matière de traitement de la douleur chronique en Europe. Des experts de la douleur issus de onze spécialités différentes sont à pied d’œuvre pour aider les patients adressés par leur médecin traitant – qu’ils soient paralysés médullaires ou non. paraplegie.ch / centre- douleur
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DOULEURS CHRONIQUES
Innovation Leurrer son propre cerveau Beaucoup de blessés médullaires souffrent de douleurs neurogènes sévères. Les spécialistes de la douleur innovent pour les aider. Découverte d’une approche thérapeutique de pointe.
miroir
projecteur écran
vidéoclip projeté
jambes masquées
La joyeuse bande de marmots passe et repasse en trombe sous la table jusqu’au moment où l’un deux se cogne la tête. Pour sûr, le petit jeu n’amuse plus personne. Par contre, le cerveau du bambin qui vient de se faire mal a aussitôt enregistré dans ses « cartes du corps » que le corps, justement, avait bel et bien grandi. Petit à petit, l’oiseau fait son nid. En cas de paralysie médullaire, le chambardement est tel au niveau des flux d’informations transitant par les voies nerveuses que le cerveau est pris de court. Brusquement, corps et cartes sont désunis. Certes, les yeux reconnaissent les jambes, mais l’absence de réaction aux stimuli est totale. Ajoutons l’épreuve et le ressenti des limites de son propre corps. Informations envoyées à la débandade. Plus aucun signe sensoriel dans les parties du corps touchées. Influx nerveux véhiculant des stimuli déroutants. Déboussolé, le cerveau s’enraye, il bogue et brandit son message d’erreur face au corps en proie à la douleur. Des moments de répit pour s’adapter Mené par le Centre de la douleur à Nottwil, VirtualWalk (marche virtuelle) est un projet de
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Ancien modèle : en 2007, premiers essais de Lorimer Moseley, chercheur en neurosciences qui a l’idée de projeter de simples vidéoclips.
recherche peu ordinaire destiné aux patients douloureux. Son but ? Leur laisser le loisir de « revoir les cartes de leur corps » face à la réalité modifiée qui est la leur. Un prototype, en place depuis octobre 2018, a été conçu avec les ingénieurs de l’Institut de génie médical de la Haute école de Lucerne afin d’optimiser le matériel informatique ultrasophistiqué. Début du travail avec les patients : milieu 2019. « La marche virtuelle consiste à donner l’illusion aux patients qu’ils remarchent », explique Karina Böttger, physiothérapeute spécialiste de la douleur. Le principe repose sur la thérapie par miroir utilisée depuis une vingtaine d’années chez les amputés ayant des douleurs fantômes : on place un miroir à côté du bras sain de manière à ce que le patient en voie le reflet dans la glace. On excite le « membre fantôme » en stimulant le bras sain. Résultat : à la longue, le cerveau croit que les stimuli proviennent du membre amputé. « Le principe de notre démarche est que les pas qu’ils ‹ font › virtuellement permettent aux patients de travailler sur l’image motrice de leur corps et de la modifier dans les cartes de leur cerveau », poursuit Karina Böttger, responsable du
La thérapie par miroir est largement utilisée contre les douleurs fantÔmes.
Karina Böttger, responsable Physiothérapie, Centre de la douleur
projet. Elle espère que cette méthode aura des effets positifs sur les douleurs neurogènes qui tourmentent tant de blessés médullaires. « Plus des trois quarts rapportent que c’est leur problème principal, et non leur handicap physique. Sensations de brûlure, décharges électriques, les souffrances sont intolérables, on peut les comparer à de très violents maux de dent. » Pour bien des patients que Karina Böttger a l’intention d’aider, ce sont des années de détresse à supporter des traitements inefficaces et à prendre des médicaments tout aussi inutiles. Un équipement informatique très pointu Même si le prototype VirtualWalk tel qu’il se présente à Nottwil est unique en son genre, ce n’est pas la première fois que cette méthode est expérimentée. Dès 2007, le chercheur en neurosciences australien spécialiste de la douleur, Lorimer Moseley, entreprend d’effectuer des essais pendant son année passée à l’Université d’Oxford et recourt à de simples projections de vidéoclips (cf. illustration). Mais on en restera là, les moyens techniques étant à l’époque trop limités. Aujourd’hui, avec les progrès de l’informatique, les simulations sont beaucoup plus proches de la réalité. Les spécialistes de la douleur comme Karina Böttger sont convaincus que plus la sensation virtuelle de marcher se fondra avec la marche réelle, plus cela produira d’effets. Pour y parvenir, les algorithmes offrent une grande cohérence entre les différents plans images – fond, jambes qui déambulent, corps du patient, perspective. En outre, le siège du patient imite à s’y méprendre les mouvements du bassin de la personne qui marche de sorte que les impulsions de la marche imprègnent la perception imaginaire de son corps et renforcent l’illusion.
Des risques maîtrisés À Nottwil, le travail avec les patients et l’expertise des intervenants s’accompagneront d’un suivi scientifique. Avant de sélectionner les candidats, il faudra avoir effectué une analyse minutieuse de leur situation douloureuse globale, à grand renfort de psychologues, neurologues et physiothé-
« Plus la sensation virtuelle de marcher se fondra avec la marche réelle, plus cela produira d’effets. » rapeutes au Centre de la douleur. En effet, il faudra absolument faire en sorte que les patients ne se laissent pas déborder par la thérapie et surtout qu’ils n’essuient pas les plâtres. « Nous innovons et qui dit innovation, dit terrain inconnu », rappelle la thérapeute. L’équipe du Centre de la douleur à Nottwil est persuadée que leur thérapie novatrice a de bonnes chances de réussir, à condition de tenir compte des facteurs de distorsion éventuels. « Cette méthode ne conviendra sans doute pas à certaines personnes pour des raisons de contexte social ou psychologique et n’apporterait sans doute pas grand-chose même en employant les grands moyens. D’où l’importance de bien choisir les patients qui se prêteront à la marche virtuelle. » La thérapie par miroir utilisée depuis de nombreuses années a montré tout l’intérêt que ses effets peuvent présenter pour la nôtre. C’est une approche qui marche ! (kste/we/rel)
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Dr André Ljutow, responsable du Centre de la douleur à Nottwil : « Plus d’un tiers de nos patients disent qu’ils ont vaincu la douleur. »
DOULEURS CHRONIQUES
Médecine de la douleur « Échapper aux douleurs chroniques qu’on croyait inexorables » Le Centre de la douleur (ZSM) à Nottwil occupe une place de choix au niveau mondial parmi les cliniques spécialisées en la matière. Y sont proposés des modes de traitement à la pointe du progrès. Tous les patients sont bienvenus, qu’ils aient ou non une paralysie médullaire. Le chef du centre n’hésite pas à parler d’une approche méthodologique qu’il qualifie de sensationnelle.
André Ljutow, comment définiriezvous la douleur chronique ? C’est un sujet complexe. En consultation et lors du traitement, la douleur chronique est toujours difficile à cerner. Son installa tion suppose la réunion de plusieurs fac teurs perturbant le cours normal de la mala die et le processus de guérison. Ne pouvant s’appuyer sur une radiographie, c’est un vrai travail de détective que doit fournir le médecin pour l’appréhender dans toute sa complexité. Les douleurs peuvent être multifactorielles et les causes d’ordre physiologique, psychologique et social. Comment procédez-vous face à cette énigme ? Nous nous penchons en premier lieu sur les traitements déjà suivis afin d’éviter tout examen superflu ; le questionnaire nous renseigne sur les régions du corps qui sont affectées et l’intensité de la douleur. À par tir de là, nous voyons quels spécialistes sol liciter pour former l’équipe qui recevra le patient. Nous abordons la problématique de manière pluridimensionnelle d’entrée de jeu. Il faut toute une équipe pour aborder la complexité des douleurs chroniques ? Le cas du patient est tout d’abord étudié par une brochette choisie d’experts issus des domaines de spécialisation les plus divers. Ensemble, ils élaborent une proposition de soins intégrant les options médicales sus
ceptibles de produire des effets de com plémentarité et de synergie thérapeutiques. Les solutions simples n’existent pas ? Cela peut parfois sembler plus compliqué qu’il n’y paraît. Quand quelqu’un qui a mal au dos développe une phobie de peur de faire un mouvement qui risque de lui faire mal, le trio médecin – psychologue – physio thérapeute peut suffire pour résoudre les maux du patient : le premier explique au patient que d’un point de vue corporel, il n’a aucun problème – même si la douleur est sévère ; le deuxième l’aide à surmonter ses peurs et le troisième lui montre comment retrouver souplesse, force et coordination. Être dans l’action au lieu d’avaler des cachets ? Oui. Au ZSM, « nos patients sont nos meil leurs collaborateurs » ; ils doivent avoir « intégré » beaucoup de choses pour tout mobiliser contre les douleurs qui les tenaillent, parfois depuis des années. Quelles sont les chances de guérir ? Les études sont unanimes quant au carac tère extrêmement rebelle de la douleur chronique : il ne faut pas s’attendre à pou voir vaincre totalement la douleur chronique chez un sujet dont la douleur a atteint un haut degré de chronicité. On dit qu’un traitement est efficace quand le patient par vient à retrouver sa vitalité, reprendre le tra vail, avoir des loisirs, à faire face à la dou leur et que, malgré elle, il reste acteur de sa vie – heureux de vivre. Le suivi à long terme
que nous offrons à nos patients dans le cadre des soins de suite révèle que l’inten sité de leur douleur régresse considéra blement. Idem pour la consommation de médicaments et la fréquence des prises en charge médicales. Plus d’un tiers rapporte une disparition totale de la douleur. C’est sensationnel, disons-le : la douleur chronique n’est plus un mal inéluctable, c’est une maladie qui se soigne. À Nottwil, vous soignez non seulement les patients qui ont une paralysie médullaire mais aussi ceux qui n’en ont pas. Les douleurs chroniques sont fort répan dues chez les blessés médullaires. Si nous voulons leur offrir les meilleures prestations possibles – les techniques d’investigation et options de traitement les plus prometteuses – il faut que l’équipe qui les prend en charge soit très expérimentée. Au ZSM, tous les patients sont gagnants car nous traitons tout le monde – blessés médullaires ou non. Cela accroît encore plus notre exper tise, nous avons l’avantage du nombre. Comment font les experts des onze disciplines différentes, qui se penchent sur le cas d’un patient, pour se départager ? Ne sont-ils pas tentés de mettre en avant leur propre domaine de spécialisation ? Lorsque le cas d’un patient est présenté en réunion, chacun des praticiens y va de son savoir et de ses suggestions. En confrontant leurs points de vue, ils font émerger des
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DOULEURS CHRONIQUES
mesures thérapeutiques complémentaires voire inédites, le cheminement diagnos tique est autre. Le principal étant que la discussion apporte des solutions novatrices. Pour cela, il faut des praticiens chevron nés qui aiment le travail d’équipe et qui ne craignent pas la critique ni de sortir des sen tiers battus. L’approche interdisciplinaire exige toutes ces qualités-là. Le Centre de la douleur à Nottwil sera bientôt dans ses nouveaux locaux. Lui souhaitez-vous encore davantage d’essor ? Nous ne raisonnons pas en termes d’essor ; notre objectif est de proposer des thérapies autres, par exemple l’exposition progressive. Il s’agit pour les psychologues et physio thérapeutes de mettre le patient dans des situations se rapprochant le plus possible de la réalité afin de travailler sur les mou vements concrets qu’il redoute : utiliser le lave-vaisselle, repasser, bricoler, travailler au bureau. La marche virtuelle, qui fait par tie des méthodes de traitement que nous avons développées pour les blessés médul laires dont les membres inférieurs sont dou loureux, sera « pratiquée » dans le nouveau bâtiment. Votre centre compte parmi les cliniques de la douleur leaders au plan mondial. Il remplit tous les critères de l’Association Internationale pour l’Étude de la Douleur (IASP) – certains même haut la main. L’expertise scientifique est le fruit d’un travail de longue haleine qui trouve son expression dans les directives de l’IASP. Notre approche « multimodale » et interdiscipli naire fait de notre centre une référence absolue ; le ZSM est bien intégré dans le réseau international. Notre laboratoire est le premier de Suisse à avoir été certifié pour
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effectuer les tests sensoriels quantitatifs (QST) et fait partie du réseau allemand de re cherche sur la douleur neuropathique. Nous collaborons aussi depuis longtemps avec le professeur viennois Burkhard Gustorff qui a instauré le premier master de méde cine de la douleur interdisciplinaire. Pourtant cette branche fort développée qu’est la médecine de la douleur a du mal à s’imposer. Pourquoi ? Tout ce qui est nouveau, inconnu suscite souvent méfiance et rejet. Il y a vingt ans, quand notre clinique a ouvert ses portes, nos collègues aussi nous ont demandé pour quoi il nous fallait un neurologue ou un médecin orthopédiste au ZSM alors qu’on en avait au CSP. C’est justement cela qui est décisif : avoir sur place des praticiens, qui ont acquis les connaissances spécifiques à leur propre domaine de spécialisation pour la prise en charge de la douleur, capables de trouver une solution pour résoudre ensemble les cas complexes ; cette méthode est unanimement reconnue par le corps médical. Mais cette façon de traiter la dou leur n’est pas encore prioritaire à cause du manque de volonté politique, même si les coûts pour notre système de santé sont énormes. La douleur chronique compte parmi les maladies les plus coûteuses. Quel sera l’axe de développement de votre centre ? Dès le début, c’est l’excellence qui a guidé nos faits et gestes pour « installer » Nottwil aux avant-postes en matière de méde cine de la douleur. En ce moment, nous déployons moult activités vu que notre déménagement est imminent. Nous propo serons de nouveaux modèles de traitement de même que des thérapies connues, que nous savons innovantes et pertinentes, au plus grand nombre. Ces traitements feront
baisser l’absentéisme et, par ricochet, le coût du travail sur le long terme. Travaillez-vous sur d’autres problèmes médicaux ? Oui, sur les douleurs fantômes des per sonnes amputées ; nous étudions aussi la dimension psychologique de « l’injustice vécue par le sujet », à savoir quand celle-ci entrave toute évolution favorable. Rester à la page dans tous les domaines où les progrès médicaux sont fulgurants est pri mordial pour nous car nous voulons offrir la meilleure prise en charge possible à nos patients. Aux nouveaux blocs opératoires, les actes chirurgicaux les plus sophistiqués sont possibles, grâce à la navigation chirur gicale en 3D. Que conseillez-vous si la douleur persiste implacablement ? Si le traitement ne soulage pas, il faut insister pour que son cas soit présenté à un spécialiste de la douleur. Pour certains patients, c’est une errance médicale sans fin. On oublie parfois qu’à la base le traitement avait peut-être été le bon mais voué à l’échec parce que d’autres facteurs ont favorisé l’installation de la maladie chronique. Vous voulez dire que certains patients souffrent inutilement pendant des lustres ? Il n’est pas toujours facile de savoir si on a affaire à une douleur aiguë ou chronique. Cela tient en partie à l’optique de travail qu’adopte le médecin et à la diffusion insuf fisante de la connaissance en matière de douleurs chroniques dans la société et les milieux médicaux. Nous bataillons pour contrer cela en proposant des cours de for mation, même s’il est clair qu’il faudra du temps pour que les mentalités évoluent. (kste/we)
DIGRESSION
Les proches, indispensables pour trouver la solution
Théo, 12 ans, dit toute sa douleur à son petit copain d’à côté : la sortie à Europa Park, son cadeau d’anniversaire, vient de tomber à l’eau. En cause, « les douleurs de papa ». Allongé sur le canapé, Charles Bolliger, 47 ans, a compris que plusieurs heures de voiture, ça ne jouerait pas. Autant le dire maintenant, plutôt que sur l’autoroute : pas d’excursion aujourd’hui. Au déjeuner, il avait déjà un mal de dos à la limite du soutenable. Ne voulant pas laisser sa maladie prendre le pas sur sa vie de famille, il a serré les dents, pour l’amour de son fils. Courroucée, l’épouse de Thomas lui lance : « Quand est-ce que tu feras enfin ce que tu avais prévu ? » Déception, colère, la douleur se réveille et s’amplifie. Tout sauf la joie. Pour faire plaisir La douleur chronique est une souffrance pour la personne concernée et ses proches. Qu’il s’agisse du père, de l’épouse ou du copain, pas facile d’imaginer ce qu’ils endurent. Le sentiment d’impuissance est grand, explique Julia Kaufmann, psycho logue au Centre de la douleur (ZSM) à Nottwil : « Les proches veulent aider, mais ne savent pas comment. Le stress est programmé. » Certaines personnes en arrivent à ne plus rien faire, ou presque, parce que, croyant bien faire, les proches aidants gèrent tout à leur place. Pour Julia Kaufmann, c’est une erreur : « Cela cantonne dans le rôle du malade et escamote les activités qui font sens. » La peur gagne du terrain. Le moindre
mouvement est évité. Alors, autant ne plus bouger du tout. Résultat ? Problèmes musculaires, vie sociale réduite en peau de chagrin. Puis, apparaissent de nouveaux facteurs favorisant la douleur. Déçus par les médecins qui n’ont pas su trouver de remèdes pour supprimer la douleur, certains proches irréalistes stressent leur partenaire à force de leur répéter de prendre le taureau par les cornes – et de redevenir comme avant. Or, mettre la pression, c’est faire le lit de la douleur : en demander trop à quelqu’un n’est pas bénéfique, le materner non plus. Des rôles à réinventer Au ZSM, les proches sont impliqués dans le traitement de la douleur : comment réagir quand eux-mêmes ont atteint leurs limites et quand vivre ensemble devient une vraie épreuve ? « Les besoins et les sentiments changent avec la douleur, d’un côté comme de l’autre. Les gens l’oublient souvent », poursuit la psychologue. « Il faut un quoti-
dien viable et les solutions qui vont avec. » D’une part, réinventer les rôles, tâches, activités de loisirs et d’autre part apprendre à poser ses limites, à demander de l’aide et réfléchir à des objectifs réalistes, c’est cela l’enjeu. En fait, il faut regarder la façon qu’ont les gens – patients et proches – d’envisager la vie. « Il faut tordre le cou à la logique du tout ou rien. Faire quelque chose ensemble, ça peut être tout bonnement prendre le train et boire un café à la terrasse panoramique, au lieu de monter à pied, comme par le passé », dixit Julia Kaufmann. Charles est assailli de sentiments de culpabilité. Il sait que sa famille ne peut pas exiger que tout soit comme avant. Il compte aborder le sujet ce soir, lui qui cherche une manière réaliste d’apprivoiser sa maladie. Par exemple, revoir la quantité et le type d’activités qu’ils pourraient faire ensemble. Après, il ne lui restera plus qu’à retrouver son fils Théo. (kste)
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DOULEURS CHRONIQUES
Guide pratique Apprendre à faire face aux douleurs Les personnes souffrant de douleurs chroniques peuvent faire quelque chose pour aller mieux – dès lors qu’il est clair qu’il ne s’agit pas de douleurs aiguës. Voici un vademecum élaboré par les experts du Centre de la douleur à Nottwil.
Psychologie Bien plus que la somme de vos douleurs Vous êtes bien plus que la somme de vos douleurs, même si celles-ci sont bien réelles. Chérissez tous les pans de votre vie – vos loisirs, votre maison. Choyez vos amis, vos proches. Chouchoutez-vous et cultivez votre beauté.
La douleur chronique est une maladie qui empêche de faire certaines choses certes, mais elle n’est pas mortelle. Apprenez à vivre bien, malgré elle.
Bilan mal de tête Il faut toujours faire un bilan neurologique lorsque l’on a un mal de tête indéfinissable, nouveau et qui évolue.
Maux très répandus 14 % des gens souffrent de migraine, 60 % de céphalée de tension et 3 % de maux de tête chroniques.
Mal de tête multifactoriel L’intensité et la fréquence des maux de tête sont non seulement dues à des facteurs corporels (gènes et cerveau) mais aussi sociopsychologiques (dont le stress, l’humeur, la faculté de se détendre ainsi que la situation professionnelle et familiale).
Thérapie « multimodale » exigée Traiter les maux de tête demande souvent l’intervention de toute une équipe de neurologues, physiothérapeutes et psychologues spécialistes de la douleur.
Maux de tête curables Bien souvent, il existe d’assez bons traitements médicamenteux contre certains maux de tête et migraines.
Bol d’air Ne vous renfermez pas sur vous-même. Ne pensez pas à ce que l’on peut penser de vous quand vous rencontrez quelqu’un. Sortez, faites une promenade, des emplettes, la causette, profitez des rayons du soleil assis sur un banc. Faites de l’exercice régulièrement.
Alternance entre phases actives et temps de repos Prenez le temps de pratiquer vos activités favorites, fréquenter votre famille et vos amis sans oublier de prévoir assez de temps de pause dans la journée pour vous détendre. Prenez vos besoins au sérieux, écoutez votre corps et vos émotions.
Comportement pro santé Pour éviter les maux de tête, il faut avoir une bonne hygiène de vie : régularité du sommeil, des repas, temps de pause suffisants, exercice physique.
Pleine conscience Vivre avec la douleur, c’est savoir calculer la force et le temps qu’on a à disposition et faire la part des choses entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Apprenez à déléguer certaines tâches et acceptez l’aide qui vous est proposée sans renoncer à toutes celles qui comptent pour vous. Des vitres étincelantes, c’est beau mais des proches ravis d’avoir passé un bon moment avec vous, c’est encore plus beau.
Maux de tête et migraine
Douleurs non mortifères
Traitement des maux de tête fréquents Pour contrer les maux de tête fréquents, il suffit parfois de s’en prémunir et de prendre des médicaments en prévention.
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Douleurs neurogènes La sensation de brûlure, de décharges électriques ou les réactions douloureuses au toucher peuvent être le signe de douleurs neurogènes. En plus des examens de routine, l’on peut mesurer les lésions nerveuses grâce aux tests sensoriels quantitatifs (QST) ou aux potentiels évoqués au laser. Bien souvent, le traitement nécessite une approche multimodale incluant stratégies pour surmonter la douleur, parallèlement aux médicaments, et dans certains cas une stimulation de la moelle épinière.
Maux de dos Maux de dos fréquents 84 % des gens ont mal au dos sporadiquement pour avoir trop forcé ou fait des mouvements inhabituels. En général, ils n’ont plus mal au bout de trois mois.
IRM rarement nécessaire Nombreuses sont les déformations (dues au processus de vieillissement) qui sont visibles grâce à l’imagerie médicale par résonance magnétique mais qui n’expliquent pas le mal de dos. C’est pourquoi un bilan orthopédique ou neurologique est souvent nécessaire, une IRM étant pertinente dans moins de 5 % des cas seulement.
Chirurgie inutile Rares sont les cas où un acte chirurgical s’impose. La plupart des patients sont en mesure de vaquer à leurs occupations quand ils savent quels sont les facteurs qui déclenchent la douleur chez eux. À long terme, une opération n’apporte pas de meilleurs résultats que la kinésithérapie par exemple.
Exercices bons et sûrs Ne pas se ménager trop longtemps ; se retenir de remuer par crainte d’aggraver ses problèmes est un mauvais réflexe car faire de l’exercice ne nuit pas. Au contraire, en faire régulièrement permet de combattre efficacement la douleur et cela a un impact positif sur les tensions musculaires ainsi que sur l’humeur et le système immunitaire.
Pas de posture assise parfaite Ne pas privilégier de posture assise spécifique permet de combattre les maux de dos. Le plus important est de ne pas rester assis toujours dans la même position et de faire tous les mouvements qu’on a l’habitude de faire sans se crisper.
L’importance des appuis quand on se baisse et que l’on porte quelque chose Quand on a mal au dos, éviter de se baisser, de porter quelque chose ou de se tourner est un mauvais réflexe. Mal s’y prendre et forcer peut bien sûr faire mal au dos, mais cela ne lui nuit pas. Tirez parti des occasions que vous avez quand vous vous baissez ou ramassez quelque chose pour faire travailler votre dos.
Les bienfaits de l’activité Au début d’un épisode douloureux, on change foncièrement sa manière de bouger, ce qui favorise la survenue d’automatismes ; cela renforce les raideurs qui à la longue peuvent être malsaines. Ne soyez pas timoré, reprenez vos activités.
L’impact du mode de vie sur la douleur Manque de sommeil et troubles du sommeil peuvent avoir un impact sur le mal de dos tout comme le stress, l’anxiété ou la mauvaise humeur. Face à cela, la pratique d’activités qui procurent du plaisir est bénéfique.
Groupes de parole pour surmonter la douleur À travers différents programmes en petits groupes, le Centre de la douleur (ZSM) à Nottwil propose aux patients souffrant de douleurs chroniques (dos, tête, abdomen) ainsi qu’aux blessés médullaires d’apprendre à décoder la douleur chronique, connaître les thérapies holistiques et les mettre en appli cation, grâce à une équipe interdisciplinaire comprenant physiothérapeutes, psychologues et médecins.
Intervention en cas de douleurs aiguës Les patients peuvent être adressés au ZSM pour suivre une thérapie de la douleur « multimodale » ou des trai tements thérapeutiques de la douleur en séances indi viduelles avec un relai assuré par le médecin traitant.
paraplegie.ch / centre-douleur
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Insertion professionnelle Débrouillard comme pas deux Après s’être brisé une vertèbre en parapente, Michael Knöpfle a été obligé de quitter son poste à responsabilités. À Nottwil, son coach l’oriente vers autre chose. Un « coup de maître pour le maître de chantier » qu’il était jadis.
RENCONTRE
En haut à gauche Le fauteuil roulant de Michael permettant la position debout augmente son rayon d’action ; les étagères hautes ne sont plus un problème. Petites photographies Période d’essai finie, Suva, AI, plateforme, ParaWork et employeur se mettent d’accord avec Michael Knöpfle sur les modalités d’embauche de son emploi.
Rien qu’à sa poignée de main, on se doute qu’il en veut. Avant son accident en septembre 2014, Michael Knöpfle, 57 ans, travaillait pour différentes sociétés dans le bâtiment. Chef de montage spécialiste de l’aménagement intérieur, il a su gravir les échelons un à un. « J’ai toujours travaillé dur », dit-il en virevoltant dans son fauteuil roulant. Son appartement en attique, avec son ascenseur qui arrive directement dedans, ouvre sur une vaste terrasse. Depuis 2016, il habite à Neunkirch dans le canton de Schaffhouse avec son amie. Sans la salle de bains adaptée au handicap et le plan de travail surbaissé dans la cuisine, on n’irait jamais penser qu’on se trouve au domicile de quelqu’un qui est paraplégique, comme cela est le cas de Michael. Des turbulences sournoises dans le Midi Au somment de son art après presque trente ans de parapente, jamais il n’aurait cru avoir un jour un accident aussi lourd de conséquences. Cela s’est passé dans le Midi. Alors qu’il s’apprêtait à atterrir en parapente, il est surpris par des turbulences en phase d’approche finale et s’écrase à dix mètres du sol. « J’ai essayé de me mettre debout et je me suis écroulé. Plus rien dans les jambes, fini », se rappelle-t-il. Six heures plus tard, il est opéré à l’hôpital de Gap, préfecture des Hautes-Alpes ; les chirurgiens français consolident sa colonne vertébrale à l’aide d’une plaque entre la 11e et 13e vertèbre, la 12e étant atteinte. On lui annonce au réveil qu’il ne pourra plus remarcher. « Ça a été un choc d’entendre ça. Mais j’ai vite compris qu’il fallait que je l’accepte et que ma vie d’avant, c’était du passé. » Michael a vite réglé son compte à l’espoir de remarcher un jour. Enfin assez vite. Aujourd’hui, il le dit sans s’émouvoir, du moins c’est l’impression qu’on a, mais sur le moment son désarroi a été total. « Heureusement, je ne suis pas du genre à pleurnicher ; j’ai plutôt tendance à aller de l’avant. » Au bout de dix jours d’hospitalisation dans le Midi de la France, il est héliporté vers Nottwil, au Centre suisse des paraplégiques (CSP).
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La première rééducation et la seconde Michael ne tarit pas d’éloges sur les six mois de rééducation passés à Nottwil : « Au CSP, je me suis tout de suite senti en sécurité, le personnel était très aimable, d’un grand professionnalisme, disponible 24 heures sur 24, prêt à réagir à chaque instant, peu importe le problème, des spécialistes là en permanence. » Michael a refusé de faire une psychothérapie. « Je voulais faire face sans. On m’a pourtant proposé d’en faire une pour que ça m’aide. » Michael se mettra au tir à l’arc, discipline proposée au CSP. « C’est un sport passionnant qui allie détente, précision, plaisir. » Et il n’oublie pas ce que les soignants lui ont dit : « Il y a la première rééducation, puis la seconde, à la maison. » Le personnel lui demandera aussi s’il veut partir en retraite anticipée. « Pour moi, il n’en était pas question, je voulais absolument travailler. Je suis un fonceur. » Aucune hésitation. Michael accepte de se faire suivre par un coach de chez ParaWork au CSP. Un travail très gratifiant Pour trouver des pistes, il se fait conseiller par Martin Senn, également en fauteuil roulant. Doué d’une intelligence spatiale très développée et regorgeant de vitalité, Michael se lance dans la construction d’une imprimante 3D lors de séances de formation professionnelle adaptées. « Moi qui étais dans le montage avant, je n’y connaissais pas grand-chose en informatique », se souvient-il. Mais son ouverture d’esprit lui permet de rebondir ; il se fait aiguiller par mitschaffe.ch. La promesse d’embauche ne se fera pas attendre, vu les connaissances qu’il avait avant et celles qu’il vient d’acquérir. mitschaffe.ch, plateforme qui aide les personnes ayant un handicap à trouver un emploi – aidé ou non –, le met en contact avec Smilestones AG. Cette société anonyme, basée à Neuhausen près des chutes du Rhin, veut recréer la Suisse en miniature sur une superficie équivalant à six courts de tennis. Martin Senn suggère alors à Michael d’aller travailler quelques semaines dans la start-up pour voir. Sur place,
Les connaissances en bâtiment sont très utiles pour plancher sur les maquettes. En bas Martin Senn, coach professionnel de chez ParaWork, rend visite à Michael Knöpfle sur son nouveau lieu de travail.
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ses compétences professionnelles n’échappent à personne : « Je n’ai eu aucun mal à me faire accepter, les douze collègues modélistes m’ont accueilli à bras ouverts. » Pari gagné, on lui propose un mi-temps. Les indemnités journalières que l’AI verse à Michael pendant sa période d’essai arrangent bien la jeune pousse. La demande de financement pour un fauteuil roulant permettant la position debout ne traînera pas non plus. Elle est accueillie favorablement par la Suva (qui avance l’argent pour l’AI) afin que Michael puisse réaliser tous les bons gestes quand il planche sur les maquettes – d’autant plus qu’il va prendre du galon. « J’ai une grande dextérité dans les doigts, je reproduis les modèles réduits tout seul à partir des plans. En plus, comme j’ai suivi des cours de soudure, je me charge des connexions électriques et de l’éclairage intérieur d’emblée ; pour l’exploitant de l’installation, ça sera beaucoup plus facile à réparer en cas de panne. Je suis toujours dans le bâtiment, avant je faisais des maisons, maintenant je fais pareil en plus petit », se réjouit-il. Michael explique qu’il a toujours été acteur de sa vie, passionné par le sport, qu’il ne reste pas en place. « Avec mes jambes, tout me réussissait. » Ski, VTT, alpinisme, kayak, les chantiers, qu’importe. Divorcé, il a une fille aujourd’hui majeure. Le sourire aux lèvres, il raconte qu’il adorait danser et qu’il faisait le « taxi danseur » pour une agence. « Maintenant, je danse un peu dans mon fauteuil roulant », nous confie-t-il. Sa joie de vivre saute aux yeux. Un joli pactole pour faire face Juste avant son accident, Michael venait de finir de rénover une charmante bâtisse à Beringen, qui frise les 300 ans. « C’était la maison de mes rêves, j’y ai mis beaucoup de moi-même. » Au printemps 2015, quand il s’y rendra pour le diagnostic logement, accompagné de deux ergothérapeutes, le verdict sera sans appel : même s’il a tout refait à neuf, les escaliers sont trop étroits pour un fauteuil roulant. Il faut faire une croix dessus. « Les boules », lâche-t-il. Un coup à tuer un bœuf. Par bonheur, la compagne de Michael lui est restée fidèle. C’est d’ailleurs elle qui avait eu l’idée de devenir membre de la Fondation suisse pour
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paraplégiques en 2012. « On faisait beaucoup de sport ; mon amie disait que les accidents de ski, c’est vite arrivé et que ce serait bien d’adhérer à la Fondation. » Comme il était membre, Michael a touché 200 000 francs à l’époque. Cet argent l’a aidé à accéder à un autre logement ; l’AI a pris en charge les frais d’aménagement de son bus VW. « Ça me permet d’être mobile et de garder une certaine indépendance. » Par contre, il n’a pas pu garder son fourgon VW si bien aménagé. « Ça, ça a été dur à digérer. » « Je me lève et je marche. » Les nuits de Michael sont peuplées de rêves dans lesquels il a la sensation sublime d’avoir des ailes. Quand il se réveille, cette délicieuse illusion s’évanouit comme un songe. Pas évident pour cet homme plein d’énergie. Chère indépendance « J’ai la chance d’avoir gardé l’usage de mes bras », ajoute-t-il. « J’aime le bricolage et je suis
En haut Plan de travail surbaissé dans la cuisine du nouvel appartement. À droite Rampe escamotable maison d’un grand raffinement pour accéder à une vaste terrasse en fauteuil roulant.
heureux de pouvoir travailler de mes mains, même si je passe deux fois plus de temps qu’avant. » Michael fait sa toilette lui-même, passe l’aspirateur, repasse ses chemises, il fait du ski grâce à un fauteuil roulant spécial, et même du canoëkayak. Par beau temps, il sort son handbike pour aller au travail qui se trouve à douze kilomètres de chez lui. « Je veux rester indépendant le plus possible et me débrouiller », avoue-t-il. Plan incliné qui s’insère dans la menuiserie dormante et permet d’accéder à la terrasse : l’habileté manuelle de Michael est impressionnante, l’harmonie des couleurs aussi. Le raffinement de sa rampe escamotable qu’il actionne avec une petite gaule en fer est tel qu’il devrait le faire breveter. C’est l’avis de son amie. Mais ce n’est pas dans son idée. Son ingéniosité lui sert, c’est juste ça qui compte pour Michael. Le plus dur depuis son accident n’est pas de ne plus pouvoir marcher et se tenir debout. Ce qui lui pèse le plus dans sa « nouvelle vie », ce sont les
problématiques liées à la vessie et aux intestins et à la dépendance. Ce qui lui manque aussi beaucoup, c’est de ne plus pouvoir aider les autres. « Avant, je donnais un coup de main quand quelqu’un déménageait ou retapait sa maison. Maintenant, c’est moi qui suis obligé de solliciter mon entourage. Ce n’est pas évident d’être dans cette position. » En outre, le fait de ne plus pouvoir parler avec quelqu’un debout à cause du fauteuil roulant, de toujours être obligé de lever les yeux vers l’autre comme un petit garçon est dur à accepter. L’été dernier, Michael s’est brûlé la cuisse à une grillade, il discutait avec quelqu’un. « Je ne m’en suis pas aperçu parce que je n’ai plus aucune sensibilité dans les jambes. » Pour Michael, il est clair que dans son malheur, il a eu de la chance. Et d’ajouter : « Je vis avec un handicap certes, mais je ne me laisse pas abattre. » (Philipp Dreyer/we)
Voilà à quoi sert votre cotisation La somme que Michael Knöpfle a reçue de la part de la Fondation suisse pour paraplégiques lui a permis d’acquérir son appartement et de l’aménager selon ses besoins. La Fondation l’a également aidé à financer l’achat d’une fourche pour tracter son fauteuil roulant et son monoski.
Les douleurs chroniques se soignent
Centre de la douleur à Nottwil Prise en charge de tous les patients douloureux chroniques – paralysés médullaires ou non Pour toute consultation, faites-vous adresser par votre médecin traitant. www.spz.ch
NEUBAU/UMBAU
Mise en service Nouvelles dimensions Trois nouvelles salles d’opération ultramodernes ainsi qu’une unité de soins intensifs répondant aux plus hautes exigences ont été mises en service au mois d’octobre au Centre suisse des paraplégiques (CSP).
L’action se situe en octobre, un vendredi matin dans l’une des trois salles d’opération. Les acteurs : Tobias Pötzel, médecin adjoint, et Guy Waisbrod, médecin chef de clinique, avec leur équipe. Prêts à passer à l’action. Leur mission ? Stabiliser les corps vertébraux d’un jeune patient souffrant de douleurs chroniques au dos. Peu importe où ils se tiennent autour de la table d’opération, les deux chirurgiens aidés par un monitoring de pointe gardent les yeux rivés sur différents écrans, et ajustent leurs gestes. Quatre heures d’opération, une intervention de routine pour les spécialistes en chirurgie spinale et orthopédie. Sortie de clinique du patient : dans quatre jours. Jazz en sourdine, « décontraction assurée pour le Dr Pötzel et le Dr Waisbrod, qui adorent tous deux ce style musical, propice à la préparation mentale avant le passage à l’acte », explique le premier. Le nouveau bloc baigné de lumière est très spacieux ; il a été conçu pour satisfaire au progrès technique sur le long terme. Pour loger le nouveau matériel, il a fallu calculer large.
Instruments acquis grâce aux dons L’un des instruments est le dispositif de navigation chirurgicale 3D (O-Arm) ; l’appareil de radiologie fournit une imagerie en trois dimensions pendant l’opération et permet d’opérer n’importe quel endroit du rachis au millimètre près en s’aidant de la navigation et sans avoir à inciser les chairs au préalable ; l’intervention sur le corps du patient est mini-invasive et moins éprouvante, la guérison plus rapide et les radios pendant l’acte chirurgical ne sont plus nécessaires. Pour les intervenants, l’exposition aux rayons X est quasi nulle. En fin d’intervention, l’O-Arm fait la « révision » : il renseigne si tout s’est passé comme prévu. Pour ce qui est de l’opération qui a eu lieu ce fameux vendredi matin, la révision affiche « fixation parfaite ». « Sérénité assurée », dit Tobias Pötzel, orthopédiste, qui trouve que travailler avec ce nouvel environnement leur a permis de faire un grand bond en avant. Et, ajoute-t-il, quand un médecin de l’extérieur vient à une opération, on n’est pas sans voir leurs œillades. Pour Roland Vonlanthen, médecin-chef en médecine aiguë et
Utilisation conforme des dons Investissements de taille dans la nouvelle aile : O-Arm et dispositif de navigation en 3D grâce aux 174 002 bienfaiteurs qui ont choisi de faire un don – de 6 904 977 francs au total. Le Centre suisse des paraplégiques leur adresse ses vifs remerciements.
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membre de la direction, les nouvelles salles d’opération sont fantastiques, il n’y a pas d’autres mots. « Si nous avons pu investir dans un tel matériel, c’est grâce à l’immense générosité des donateurs qui veulent tout ce qu’il y a de mieux pour les patients. Maintenant que la clinique est plus grande, nous sommes en mesure de traiter plus de patients. L’architecture des nouveaux bâtiments et cette formidable technologie permettent de fournir une prise en charge encore meilleure aux traumatisés médullaires ainsi qu’aux paralysés médullaires gravement malades. » Unité de soins intensifs : une architecture pro santé À l’unité de soins intensifs de l’aile nord du CSP, tout a été fait pour faciliter le retour de la santé. À commencer par l’aménagement : larges baies vitrées entrebâillables, verre spécial qui se teinte automatiquement dès que les rayons du soleil se font trop intenses sans pour autant occulter la magnifique nature environnante ; les ouvertures sont toutes dotées de moustiquaires. Sans oublier la touche douillette suscitée par les coloris. 16 chambres de ce type sont en service aux soins intensifs du CSP depuis novembre. Le taux d’occupation devrait être élevé, pense-t-on à Nottwil. Les intérieurs des chambres sont exceptionnels, la communication est assurée même pour les patients privés de la parole : par écran interposé, ils se font comprendre grâce au lan-
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gage figuratif ; le maniement peut se faire par une souris buccale pour celles et ceux qui n’ont pas l’usage de leurs mains. Les moyens auxiliaires ne manquent pas. Il faut dire que les séjours aux soins intensifs durent 10 jours en moyenne, parfois des semaines. Dans l’une des nouvelles chambres, Tom Hansen fait la démonstration de la maniabilité des lits flanqués de respirateurs dernier cri et montre du doigt la cabine de surveillance. Intercalée entre deux chambres à un lit, c’est dans cette espèce d’aquarium que le personnel soignant supervise et garde la haute main sur les patients sans avoir à entrer sans arrêt dans leur chambre, ce qui leur donne plus d’intimité. « Avant, nous étions très à l’étroit pour travailler, les chambres plus que complètes, sans fenêtre. C’est le jour et la nuit, un pas énorme pour nous », dit-il, ravi. À la hauteur de toutes les attentes Luxembourgeois d’origine, il officie au CSP depuis 1990. Aujourd’hui responsable des soins aigus, il a été l’un des pivots dans la conception de la nouvelle unité de soins intensifs. En 2011, Tom Hansen et son équipe – une cinquantaine de personnes – mettent leurs idées sur papier et réfléchissent à tout ce qu’il faut prévoir pour qu’on ait au bout du compte les meilleures conditions possibles et imaginables. Faisant pleinement confiance au personnel des soins intensifs, la direction l’invite à collaborer étroitement à la planification. Le mot
En haut Équipe de Tobias Pötzel (au milieu) et de Guy Waisbrod (à gauche) dans l’une des salles d’opération du nouveau bloc opératoire. Petite photographie Le personnel soignant dans la cabine de surveillance a la haute main sur deux chambres sans avoir à y entrer. Page d’avant Navigation chirurgicale avec le nouvel O-Arm. La salle d’opération est elle aussi baignée de lumière.
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« impossible » ? Banni du vocabulaire. Punaisée au mur, l’ébauche de l’aile nord ornant les couloirs ne cesse d’être peaufinée. Inaugurée officiellement le 22 octobre 2018, « la nouvelle unité de soins intensifs répond bien aux attentes qui étaient élevées », confirme Tom Hansen. Ce sont les architectes Hemmi Fayet, spécialisés dans le domaine hospitalier, qui ont été choisis pour donner un nouveau visage au campus. Ils ont su placer patients et personnel au centre de tout sans faire de leur art une fin en soi. Résultat : espaces et volumes forment un ensemble propice au retour à la santé. L’idée était de ne pas créer une ambiance trop stérile, surtout pour l’unité des soins intensifs. En font également partie une pharmacie hospitalière ultramoderne ainsi qu’un espace de rencontre qui offre une belle vue sur le site verdoyant du campus. C’est un lieu qui permet aux blessés en début de rééducation et à leurs proches de se retrouver. « Nous les incitons à structurer leurs journées et impliquer les proches car ils étaient présents avant le séjour au CSP et le seront aussi après. Leur simple présence peut avoir des effets bénéfiques sur le moral », explique Tom Hansen. Retour à la vie Tout a été fait pour limiter les facteurs de stress, comme le bruit, la lumière et les odeurs typiques des chambres à plusieurs lits. De même, les concepts intégratifs tels que la thérapie d’activa-
tion donnent un cadre à la vie du patient hospitalisé. Même si l’une des grandes aspirations en unité des soins intensifs demeure celle de voir la vie reprendre le dessus au plus vite. Tom Hansen et son équipe ne se lassent pas d’optimiser les processus et déploient des trésors d’imagination pour aiguiller encore mieux les patients. Qu’ont en commun un orchestre et les personnels soignants ? Ils doivent être concentrés, en harmonie et s’investir totalement le moment voulu. Le responsable des soins aigus aime cette comparaison. Avant la relève, le personnel des soins intensifs et le médecin adjoint se réunissent tous les matins. Ressentis personnels, difficultés relevées, choses positives, il leur faut un quart d’heure pour les transmissions. Tom Hansen a accumulé beaucoup d’expérience au cours de ses trente années passées à Nottwil. Pourtant, même s’il prend garde d’avoir suffisamment de recul, il lui arrive encore, à lui qui connaît si bien les soins intensifs, que sa gorge se serre quand il se rend au chevet d’un patient. Aussi l’équipe est-elle assidue dans sa motivation de fournir une prise en charge sans cesse optimisée aux patients des soins intensifs. (Peter Birrer/we)
Armin Leu, responsable de groupe s’occupant d’une patiente à la nouvelle unité de soins intensifs. Toutes les chambres ont une belle vue sur la nature environnante.
Emplois au CSP Le CSP recrute. Vous aimeriez travailler à la nouvelle unité de soins intensifs du CSP ? Consultez la liste des postes à pourvoir sur paraplegie.ch / karriere
Nouvelle aile unité de soins intensifs / bloc opératoire Première pierre : août 2017 Achèvement des travaux : septembre 2018 Maître d’œuvre : hemmi fayet architekten ag eth sia Maître d’ouvrage : Fondation suisse pour paraplégiques
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Par un legs ou un héritage, vous léguez un meilleur avenir aux paralysés médullaires. Téléphone 041 939 62 62, www.paraplegie.ch / legs
REMERCIEMENTS
Lettres à la Fondation Je vais pouvoir rester chez moi grâce à mon lit spécial et au Service d’aide et de soins à domicile. Pour moi, c’est très important. Merci infiniment de m’avoir aidée à acheter ce lit. Votre générosité me touche beaucoup. Johanna Grob, Buttikon (SZ)
a réglé ces frais non couverts – un indicible soulagement pour ma femme et moi. Sans cette aide financière fort généreuse, ma vie aurait été encore beaucoup plus dure, vu mon handicap lourd et durable. Arnd Eschenbacher, Faulensee (BE)
Mon épouse et moi avons pleuré lorsque nous avons ouvert votre lettre. Grâce à l’Aide directe de la Fondation suisse pour paraplégiques qui nous a permis d’acheter notre nouvelle voiture, nous pourrons redécouvrir des endroits auxquels nous ne pouvions plus accéder et retrouver des amis ou des membres de nos familles que nous ne pouvions plus visiter. Le soutien de la Fondation n’est pas un vain mot et je ne me prive pas de le faire savoir. Pierre-Michel Farron, Tramelan (BE)
Je crois que je n’ai jamais reçu un tel cadeau. Je n’aurai plus à me poser la question de mon moyen de locomotion pour me rendre aux visites médicales notamment. Je suis dans une phase extrêmement pénible et j’ai eu envie de laisser tomber, mais grâce à votre aide je ne baisserai pas les bras. Pierre Kröll, Vuisternens-devantRomont (FR)
Inébranlable dans sa décision, ma caissemaladie a réduit la durée de ma rééducation ; je me suis retrouvé avec des frais à ma charge. La Fondation pour paraplégiques
Grâce aux travaux dans mon logement et à mon fauteuil roulant électrique, je n’ai pas été obligé de quitter le lieu de vie auquel je suis si attaché. Ma planche de transfert m’aide énormément au quotidien tout comme la thérapie Feldenkrais au Centre suisse des paraplégiques qui me fait grand
bien. Sans l’Aide directe, je n’aurais pas eu les moyens. Nous disons merci, ma femme et moi-même, à toutes celles et ceux qui y contribuent. Francesco Del Bon, Aarburg (AG) À l’école, j’ai appris à écrire. Mais je n’ai pas appris les mots pour dire ce que je ressens. De tout mon cœur, je vous dis mon immense gratitude pour l’amélioration de mon logement. Habitante du canton de Berne Les six semaines de rééducation pour jeunes que la Fondation suisse pour paraplégiques (FSP) a offertes à Giorgio, qui y est allé pour la deuxième fois, il ne les oubliera pas. Sans la FSP, cela n’aurait pas été possible, les assurances ayant refusé toute participation aux frais. Mille fois merci à Nottwil car cela a fait un bien fou à notre fils : un vrai gain d’autonomie sans compter ses nouveaux amis. Famille Dal Monte, Kleindöttingen (AG)
Jeunes et autodéterminés Pendant trois semaines, en été, les adolescents en fauteuil roulant sont préparés de manière intensive à leur vie d’adulte au Centre suisse des paraplégiques. L’objectif de ces semaines de réadaptation destinées aux jeunes est de les conforter dans leur indépendance et leur estime de soi en leur qualité d’individu durablement invalide. Gain d’autonomie au quotidien, engouement pour le sport et renforcement de la confiance en soi sont les grands axes du programme sur mesure et varié qui a été élaboré pour les aider à préparer leur avenir. Car l’égalité des chances et une meilleure qualité de vie ne seront données à ces jeunes que s’ils peuvent accéder à un haut degré d’autonomie. Assurance invalidité (AI) et caisse-maladie ne prennent pas tout en charge. C’est pourquoi nous apportons notre soutien à la jeunesse pour qu’elle puisse bénéficier des semaines de réadaptation. Grâce aux dons.
Merci pour votre don. Fondation suisse pour paraplégiques CP 60-147293-5 IBAN CH14 0900 0000 6014 7293 5 Objet : réadaptation jeunesse
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DIALOGUE
Affiliation L’occasion de dire merci C’est un grand bonheur de sentir la solidarité envers les paralysés médullaires. Au Service Center de l’Association des bienfaiteurs, les collaborateurs se font un plaisir de répondre par téléphone et par mail aux 1,8 million d’affiliés qui s’adressent à eux.
Les collaboratrices et collaborateurs du Service Center traitent près de 60 000 appels, plus de 50 000 demandes de renseignements par mail et plus de deux millions de transactions par an. Quand la fin de l’année approche, l’activité du Service Center bat son plein : il faut envoyer les nouvelles cartes de membre, enregistrer les changements d’adresse, d’état civil, tenir compte des heureux évènements et des disparitions. Toutes ces données sont très importantes si l’on veut assurer une bonne communication entre l’Association des bienfaiteurs et ses membres. Des données précieuses Sereine, Christine Hamago, responsable du Service Center, se réjouit de voir arriver la haute saison. « Les appels et les mails sont très utiles pour la mise à jour des données des affiliés. Celles-ci doivent être correctes si on veut éviter les retours à l’envoyeur et les erreurs d’écriture », expliquet-elle pour donner une idée du défi quotidien que constitue la gestion des relations avec 1,8 million de membres. Les chiffres éloquents ne manquent pas : « Le Service Center expédie près de quatre millions de lettres et autant de magazines à ses bienfaiteurs. Ce qu’entraînent plusieurs milliers d’adresses erronées ? Une distribution tardive, voire impossible. Des retours qui occasionnent des frais supplémentaires car il faut rectifier le tir, et cela a un coût. » Le Service Center fait tout pour éviter cela car, ajoute-t-elle, « recevoir son courrier de l’Association des bienfaiteurs en heure et en temps est un critère de qualité très important, on nous juge aussi là-dessus ». Cela fait partie des exigences du métier.
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Facilement joignables Autre point important, nous dit-elle, « nous voulons que les gens aient toutes les facilités pour nous joindre ». Que le contact avec le Service Center soit naturel – peu importe les canaux empruntés, analogues ou numériques, ces derniers étant toutefois devenus incontournables. Pour les membres, c’est pratique de pouvoir contacter le Service Center n’importe quand. En témoigne le nombre croissant des prises de contact en ligne, par exemple pour affilier quelqu’un, communiquer les changements, virer sa cotisation annuelle, faire un don. « C’est pourquoi nous avons l’intention d’accélérer l’auto-
Christine Hamago Responsable Service Center
« Le contact direct avec nos membres est un formidable enrichissement. » matisation des opérations simples », poursuit la cheffe de l’équipe à propos du développement futur du Service Center. Même si bien sûr il n’est pas question de se priver du contact direct avec les gens. Des histoires vraies Christine Hamago apprécie beaucoup le contact direct dans son travail : « Nous rencontrons des gens merveilleux qui nous racontent des histoires émouvantes. » Exemple, celle de ce monsieur qui a décidé d’offrir l’affiliation permanente à son filleul, suite à l’accident du petit voisin hospitalisé au Centre suisse des paraplégiques (CSP) et qui raconte à quel point ça l’a bouleversé. Ou celle de cette dame qui nous dit combien les prestations
Quelques chiffres de l’année 2017 sur les prestations du Service Center
« N’hésitez pas à nous contacter, nous sommes là pour ça. » Le Service Center est à votre entière disposition pour toute demande de renseignements ou modification concernant votre affiliation à l’Association des bienfaiteurs. En nous communiquant votre nouvelle adresse ou votre changement d’état civil, vous nous aidez à fournir un service de très bonne qualité.
16 collaborateurs
265 602 courriers individuels traités
129 854
28 448
minutes passées au téléphone
cartes d’anniversaire, de condoléances et de félicitations envoyées
59 358
52 429
appels reçus
e-mails et formulaires de contact en ligne reçus
du CSP, dont son collègue bénéficie, l’ont impressionnée et qu’après être allée lui rendre visite dans sa chambre, elle est tout de suite venue au Service Center en personne pour s’affilier, elle et ses filles. Ou encore celle de ce monsieur ravi, à qui l’Association des bienfaiteurs a envoyé une carte d’anniversaire pour ses 80 ans et qui a écrit dans sa lettre de remerciements adressée à l’Association et aux blessés médullaires qu’ils peuvent compter sur lui, qu’évidemment il continuera à verser sa cotisation. « Quand on entend cela, on prend la mesure de l’incroyable solidarité de nos membres ; en plus, c’est l’occasion pour nous de leur dire merci », jubile Christine Hamago, dont l’équipe est fin prête pour affronter la fin de l’année, et qui en profite pour dire à tous les membres : « Contactez-nous, n’hésitez pas, c’est un bonheur pour nous de nous occuper de vous, peu importe le motif de votre appel ou de votre demande. » (vom/we)
Florian Bickel est l’un des 15 collaborateurs du Service Center de l’Association des bienfaiteurs.
+41 41 939 62 62 de 8 h à 12 h et de 13 h 30 à 17 h (du lundi au vendredi) De février à septembre, nous recevons 200 appels en moyenne par jour, d’octobre à janvier, plus d’un millier. Le Service Center vous prie de l’excuser s’il vous est parfois demandé de patienter au téléphone. paraplegie.ch / service-bienfaiteurs Le formulaire en ligne vous permet de nous envoyer vos demandes de renseignements et éventuelles modifications rapidement et quand vous voulez. Il est également possible d’effectuer vos virements, et même d’affilier une personne de votre choix, via ce formulaire. sps@paraplegie.ch Service Center, Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques, Guido A. Zäch Strasse 6, 6207 Nottwil
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À VENIR
ANECDOTE
Impressum
Scène de la vie quotidienne dans un supermarché à Zurich. Témoignage de Roger S., en fauteuil roulant, lecteur de « Paraplégie ».
Paraplégie Revue de l’Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques, 40e année
Lait, pain, fromage, le panier que Roger tient en équilibre sur ses genoux se remplit. Il bascule sur sa fesse droite pour attraper, de ses deux mains, la confiture en tête de gondole. Puis, il se carre dans son fauteuil roulant, met le pot de confiture dans son panier et voit un billet de dix francs sur le fromage. « Prenez, vous en aurez bien besoin. J’ai fait ma BA, les autres auront rien », s’entend dire Roger, d’un ton péremptoire. Interdit, il regarde la dame l’air de dire : « Ce billet, il est pour moi ? » Là-dessus, elle montre son fauteuil du doigt. « Ai-je l’air si misérable? se dit-il. Que répondre à cela ? » Sur ce, la dame tourne les talons. Soufflé, il la regarde s’éloigner. Roger fera don de cet argent à son tour. Vous avez une anedocte à nous raconter en rapport avec votre fauteuil roulant ? Écrivez-nous : redaktion@paraplegie.ch
Agenda
Édition de mars 2019 JANVIER 2019 | N º 157 | L A RE VUE POUR LES BIENFAITEUR S
7 – 8 février Cours secouriste niveau 1 IAS Morat, Ambulanz Murten-Morat Informations et inscriptions : sirmed.ch
PARAPLÉGIE
5 mai Wings for Life World Run Zoug
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Parution trimestrielle, en allemand, français et italien Tirage total 1 038 323 exemplaires Tirage français 78 669 exemplaires Copyright Reproduction sous réserve de l’autorisation de l’éditrice Éditrice Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques 6207 Nottwil sps@paraplegie.ch, paraplegie.ch Responsable Fondation suisse pour paraplégiques Communication d’entreprise 6207 Nottwil Rédaction Manuela Vonwil vom (direction) Stefan Kaiser kste redaktion@paraplegie.ch Changements d’adresse Service Center Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques 6207 Nottwil, tél. 041 939 62 62 sps@paraplegie.ch Photographies Walter Eggenberger we Beatrice Felder febe Astrid Zimmermann-Boog boa Camille Pugin page 34 Croquis Roland Burkart, rolandburkart.ch
13 mars, 19 h 30 Évènement littéraire avec Gianna Molinari Nottwil, bibliothèque dans le bâtiment GZI Réservation non nécessaire 24 avril, 18 h Assemblée générale de l’Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques Nottwil, aula du Centre suisse des paraplégiques
Édition Décembre 2018 / no 156
Traduction Marie-Line Joalland Miriam Staub AUTOFOCUS
Merci Les bienfaits de votre cotisation
Maquette Regina Lips (responsable) rel Annemarie Kreiliger kran Prépresse / Impression Vogt-Schild Druck AG 4552 Derendingen
AUTOFOCUS
Merci Les bienfaits de votre affiliation La Fondation suisse pour paraplégiques utiliset-elle les fonds qu’elle tient de ses bienfaiteurs à bon escient ? Quels sont les effets du travail réalisé à Nottwil sur la qualité de vie, l’insertion sur le marché du travail ou l’égalité des chances des blessés médullaires ? Quelle est l’utilité pour la société tout entière de l’accompagnement à vie des personnes touchées par la paralysie médullaire ? Une chose est sûre : quantité d’effets positifs sur le long terme ne seraient pas possibles sans l’appui des bienfaiteurs. Nous le constatons jour après jour. Merci !
La revue pour les bienfaiteurs est distribuée dans un emballage respectueux de l’environnement (film en polyéthylène). L’abonnement à « Paraplégie » est compris dans la cotisation (45 francs pour les mem bres individuels et familles monoparentales avec leurs enfants, 90 francs pour les conjoints et familles et 1000 francs par personne pour les affiliations permanen tes). Les membres touchent un montant de soutien de 250 000 francs en cas de paralysie médullaire due à un accident avec dépendance permanente du fauteuil roulant. paraplegie.ch/devenir-membre
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