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Les techniques et collaborateurs

activité, à savoir l’horlogerie, avant que les images ne soient à nouveau tolérées sous la Restauration.

Les techniques et collaborateurs

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Bien qu’il soit passé à la postérité, Jean-Charles n’invente rien. Claude Cardinet est un imprimeur-libraire installé lui aussi à Épinal dès le XVIe siècle, et qui propose des images colorées par des tissus ou des papiers collés derrière un dessin préalablement évidé. L’entreprise Pellerin utilise quant à elle la technique de la gravure sur bois. Les feuillets ainsi imprimés sont mis en couleur à l’aide de pochoirs. En 1820, la lithographie fait son apparition, rapidement suivie par une machine inventée par Mr. Pellerin permettant d’appliquer mécaniquement huit couleurs au pochoir. Les techniques d’impression utilisées varient au cours du temps, suivant les avancées de l’imprimerie. La firme utilise la xylographie, la lithographie ainsi que la zincographie. « Toutes les images sont imprimées sur un beau papier blanc et enluminées de couleurs très vives. » 590 La gamme de couleur est très riche : rouge, bleu, jaune, brun et orange. Le violet et le vert sont obtenus par mélange. Elles ont cependant pâlies à cause de l’exposition naturelle à la lumière. À la fin du XIXe siècle, ces couleurs ne sont plus produites, du fait de leur coût élevé. Elles sont remplacées par des teintes issues de l’aniline et deviennent des « couleurs souvent « criardes » qui pénètrent dans le papier et le transpercent » 591. La chromolithographie arrive par la suite. Il s’agit du même principe que la lithographie, mais une pierre est utilisée pour chaque couleur. La technique n’est utilisée que pour la production des petits albums pour enfants. Elle est vite abandonnée, bien trop chère pour être rentable. En effet, elle nécessite de nombreux passages sous la presse, du temps et du matériel coûteux par rapport à la machine inventée par Pellerin pour colorier à la chaîne.

Aux débuts de son imagerie, Jean-Charles grave lui-même les sujets de sa production. Il a par la suite, lui et sa famille, de nombreux collaborateurs. Plusieurs graveurs se mettent à son service tels que François Georgin qui produit pour lui plus de deux cents images signées, dont de nombreuses scènes de batailles et quelques images saintes, Réveillé (trois images), Canivet (neuf images), Boulay qui crée six images pour lui avant de passer dans l’imagerie concurrente de Deckherr. Il y a également Thiébault (5 images), Wending (7 images) et Vanson, l’un des élèves de Georgin qui réalise environ cinquante bois signés composés de seize ou vingt tableaux. Entre 1836 et 1860, Maurin illustre plusieurs contes de cette manière, avec plusieurs scènes. Mais c’est avec Charles Pinot qu’à lieu la plus riche des collaborations.

Charles Pinot naît en 1817 à Épinal. Après des études aux Beaux-Arts, ce dessinateur professionnel retourne dans sa ville natale à la suite de soucis familiaux et financiers. Il est embauché par Jean-Charles Pellerin. Cependant, il ne s’intègre pas dans la société. En 1860, il décide donc de créer sa propre entreprise à l’aide de Sagaire qui lui apporte les fonds. La Nouvelle Imagerie d’Épinal se spécialise dans les productions pour enfants, à savoir les contes, les planches de soldats, les saints et les chansons. Pinot recrute plusieurs dessinateurs : Ballan, Pascher, Boral ou Engène Ensfelder. En 1865, Pinot et Sagaire deviennent les “Fournisseurs imagistes de Sa Majesté l’Empereur”, tandis que l’année suivante,

590 Catalogue de l’imagerie Pellerin, dans idem, p. 30. 591 Idem, p. 31.

Pellerin obtient le titre de “Fournisseur breveté de Sa Majesté l’Impératrice”. Au décès de Pinot en 1874, la maison est reprise par son fils et son beau-frère. L’héritier cède l’imagerie à Pellerin en 1888 et la production de Pinot est incorporée à l’imagerie familiale. Dès lors, l’éditeur oriente ses ouvrages à la fois vers l’actualité, les mœurs, et les évènements récents ainsi que vers le secteur jeunesse, avec des alphabets, des « jeux pour enfants, ombres chinoises, poupées à décorer, constructions » 592 ou encore des décors de théâtre comme celui du Chat botté. La Comédie du Chat botté ci-dessous est l’un des premiers découpages de Pinot et Sagaire, repris par Pellerin.

Pendant ce temps, l’entreprise est restée familiale. La dynastie Pellerin traverse le XVIIIe, le XIXe et le XXe siècle. Elle est encore ouverte de nos jours, preuve de sa grande résistance. Ainsi, Jean-Charles, qui eût encore « l’idée de créer l’image en quatre, six, huit tableaux pour permettre le récit d’un conte » 593 cède le fonds à son fils Nicolas et à son gendre Pierre-Germain Vadet.

Figure 71 : La comédie du Chat botté, découpage de personnages de théâtre, Pinot et Sagaire.

592 DUCHARTRE, Pierre-Louis, SAULNIER, René, L’imagerie populaire, les images de toutes les provinces françaises du XVe siècle au second Empire. Les complaintes, contes, chansons qui ont inspiré les imagiers, Paris, ée. La Librairie de France, 1925, p. 64. 593 Idem, p. 182.

« Avec Nicolas Pellerin et Pierre-Germain Vadet, nous entrons dans la seconde période. Les nouveaux propriétaires donnèrent à l’imagerie un nouvel essor. Les graveurs sont plus habiles, les procédés plus perfectionnés permettent des tirages plus abondants ; l’image s’industrialise sous leur pulsion et devient plus raffinée. Les tons restent chauds, mais nous ne retrouvons plus cette franchise de coloris et ces qualités que nous aimions dans la période précédente. » 594 expliquent Pierre-Louis Duchartre et René

Saulnier dans L’imagerie populaire. En 1851, Nicolas et Pierre-Germain donnent leurs places à Charles Pellerin, fils de Nicolas, et au gendre de Vadet : Mr. Letourneur-Dubreuil. Cette nouvelle orientation dans la direction de l’entreprise permet l’association de l’imagerie avec plusieurs grands artistes tels que Pinot que nous avons déjà évoqués, Chaste, Jenroy, Malbran, Borel, Bojoly ou Pascher. À partir de 1880, Charles reste cependant le seul graveur. Il décède sept ans plus tard. L’année suivante, un grave incendie détruit la fabrique d’images. Les trois enfants de Charles et leurs époux respectifs font fonctionner l’usine. Néanmoins, « l’Image n’a plus la vogue. Pendant la guerre on essaya de la faire revivre, mais ce ne fut qu’une flamme fugace. Nos enfants lui préfèrent les petits romans odieusement illustrés. » 595

Figure 72 : Arbre généalogique de la dynastie Pellerin d'Épinal, issu de La Belle histoire des images d’Épinal

594 Idem, p. 188. 595 Idem, p. 193.

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