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CONCLUSION
from Histoires, ou Contes du temps passé, Charles Perrault - Mémoire de master de Marie-Sophie Bercegeay
Cette étude des éditions des Histoires ou Contes du temps passé nous a fait prendre conscience de l’importance qu’ont eu les parutions de ces histoires dans la construction du livre pour enfants, mais aussi, et surtout, pour la mémoire collective. En effet, si tout le monde n’a pas connaissance du nom de notre auteur, Charles Perrault, ses récits se sont néanmoins ancrés dans les esprits et tout un chacun est capable d’expliquer dans les grandes lignes les contes de Cendrillon, de Peau d’Âne ou de La Barbe bleue.
Ces derniers se sont d’abord transmis de manière orale avant d’être mis par écrit par Charles Perrault et d’autres conteurs ou conteuses durant la mode des Contes de fées. Ils ont la particularité de faire intervenir le merveilleux par le biais de personnages féériques, qu’ils soient ogres ou fées. Ils sont caractérisés par la simplicité du récit, souvent court, ne décrivant pas l’aspect psychologique des personnages et n’offrant au lecteur que peu de détails, afin de simplifier le récit. Les contes populaires et littéraires ont été largement étudiés, tant au niveau narratif qu’historique et psychanalytique par de nombreux spécialistes : théoriciens ou folkloristes, afin de comprendre et de déterminer leur impact sur une ère culturelle.
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Les auteurs de contes à la fin du XVIIe siècle sont majoritairement des femmes et Charles Perrault est donc l’un des rares à écrire ce genre d’histoires, très mal considérées par les hommes de lettres de l’époque, et pourtant très appréciées dans les salons mondains fréquentés par ces écrivains. Né en 1628 avec un jumeau dans une famille nombreuse, qui prendra une grande place dans sa vie. Il commence rapidement à écrire, révélant un goût pour le burlesque. Il occupe un poste important auprès de Colbert et procède à de nombreuses améliorations, tant dans la vie de la cité qu’auprès des différentes académies dont il est un membre assidu. Il écrit en fin de vie, après avoir été renié et calomnié au cours de la fameuse Querelle entre le parti des Modernes auquel il appartient et celle des Anciens, les Contes qui feront sa célébrité.
Ces contes, au nombre de onze ont été écrits en vers ou en prose et publiés séparément suivant ce caractère. Ils sont hérités de la tradition orale, mais également de diverses sources littéraires, principalement italiennes (Straparola et Basile par exemple) qui se sont déversées dans les livrets de la Bibliothèque bleue, qui publiera également les versions de Perrault. La querelle de paternité entre le père et le fils écartée, nous nous sommes intéressé à la première publication de l’œuvre, qui s’est faite de manière morcelée dans le journal du Mercure galant. Le premier véritable livre imprimé a pour titre les Histoires ou Contes du temps passé et est publié en 1697 chez Claude Barbin à Paris avec le sous-titre des Contes de ma mère l’Oye, inscrit dans le frontispice réalisé par Clouzier.
À partir de là, nous nous sommes penchés sur l’histoire des éditions des Contes de Charles Perrault. Nous avons pu constater d’emblée l’immense succès qu’ont eues ces histoires, progressivement récupérés par le secteur de l’édition de jeunesse qui en fait à la fois un outil pédagogique facilitant l’apprentissage de la lecture et de récompense pour les bons élèves. Malgré quelques éditions savantes comportant des essais sur le genre du conte et sans illustrations, une grande majorité de ces histoires ont été produites par des éditeurs dits populaires tels que les Oudot et leurs concurrents, les Garnier. Ces livres de colportage sont peu à peu devenus des objets luxueux sous l’influence de Jules Hetzel avant de retrouver un
aspect simple et pratique, quoique toujours apprécié des plus jeunes avec les éditions Garnier, Hachette et Flammarion.
Les illustrations, d’abord présentes sous forme de lettrines, de bandeaux et de frontispices, évoluent vers une surenchère de dessins. Au XIXe siècle, sous l’impulsion des romantiques, la vignette se développe et devient omniprésente au sein de la page dans le but de soutenir la lecture et d’aider au décryptage du texte pour les moins lettrés. Les réalisateurs de ces petits dessins sont extrêmement abondants, car les éditions se multiplient. Peu à peu viennent s’ajouter des planches illustrées dans certaines éditions luxueuses. C’est le cas pour celle de Jules Hetzel en 1862, illustrée par le talentueux Gustave Doré. Ce personnage haut en couleur n’est pas considéré en tant que peintre, ce qui produit chez lui une sensibilité tendant à la dépression, à l’image du spleen touchant ses contemporains. Il excelle en revanche dans l’illustration, teintée de fantastique, aux détails luxuriants et aux paysages à la fois inquiétants et magiques. Ces planches, comme celles de l’imagerie d’Épinal, forment la représentation que les individus peuvent avoir des contes aujourd’hui. L’entreprise Pellerin se distingue par sa longévité. Depuis le XVIIIe siècle, ils produisent des images colorées sous forme d’abécédaires ou de fascicules, dont beaucoup sont destinées aux enfants, distribuées dans toute la France par le biais du colportage.
Avec le contexte de la guerre de 1914-1918, les parutions pour enfants se ralentissent. À cette époque, on décompte seulement trois éditions des Contes de Perrault en France, alors que le début des années 1900 est très riche en productions de ce type. Nous nous sommes donc arrêtés à cette période qui marque également l’apparition de l’album illustré, forme qui prend l’ascendant dans les années 1920 sur les produits réalisés par les éditeurs pour la jeunesse et dans laquelle seront imprimés nombre de ces histoires, écrites par Perrault lui-même ou par les frères Grimm avec lesquelles elles se confondent, et le plus souvent revisitées par des éducateurs-auteurs.
Ainsi, dans le cadre du mémoire de la deuxième année du master de culture de l’écrit et de l’image, je souhaiterais continuer sur cette voie en me penchant sur les réécritures de ces récits dans les différents genres aux XXe et XXIe siècles, afin de parcourir les différentes visions qu’ont les écrivains et les artistes de ces contes de fées, aujourd’hui répandus sur tous les supports : photographies, œuvres littéraires et imagées, films ou jeux.