Jean-Louis LAUMOND 1888-1961 (Les années sous l'uniforme 1909-1919)

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Jean-Louis LAUMOND 1888-1961 Les années sous l’uniforme 1909-1919


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Jean-Louis LAUMOND

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Jean-Louis Laumond naquit à Végennes, bourg de Corrèze limitrophe du Lot, le 18 février 1888. Son père, Léon-Libéral Laumond, natif de Bellet (quartier de Brive) avait vingt-neuf ans et était métayer de M. Soursac, au lieu-dit Garabige à Végennes. Sa mère, Claire Thérèse Laumond, née Ventadour, native de Branceilles (à sept kilomètres de Végennes), où le couple s’était marié le 5 mars 1886, avait vingt-cinq ans. Elle mourut neuf ans plus tard le 20 janvier 1897, à trente-quatre ans, en mettant au monde son deuxième fils Jean-Baptiste. Entretemps, la famille était revenue à Branceilles.

Léon-Libéral Laumond ne mit que trois ans à se consoler et épousa, en 1900, une jeune veuve de Jugeals-Nazareth (Corrèze), Jeanne-Marie Crozat née Beylie. Jeanne-Marie avait trente-cinq ans et deux enfants, Eugénie, huit ans et Julien, sept ans, issus de son premier mariage avec François Crozat, décédé lui aussi en 1897. Léon-Libéral, âgé de quarante ans « rentra gendre » dans le domaine de Nazareth, propriété d’Antoine Beylie, marié à Antoinette Delmond, parents de Jeanne-Marie. Léon-Libéral laissa, à Branceilles, ses deux rejetons Jean-Louis et Jean-Baptiste, âgés de douze et trois ans, à la garde de leur grand-mère maternelle Marguerite Ventadour née Billière qui avait soixante-cinq ans. Les deux garçons allèrent à l’école du village jusqu’au certificat d’études (degré d’instruction générale niveau 3 du livret militaire). En 1906, le recensement de Jugeals-Nazareth ne mentionnait d’ailleurs, ni JeanLouis ni Jean-Baptiste, qui ne vivaient pas avec leur père.

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Le recensement de Branceilles, la même année 1906, indiquait que le petit JeanBaptiste, âgé de 9 ans résidait avec sa grand-mère Marguerite.

En 1906, Jean-Louis avait dix-huit ans et travaillait, comme domestique, dans la ferme de la famille Giscard à Branceilles où il s’était fait recenser sous l’identité de son père.

Le 14 août 1909 mourut la grand-mère Marguerite Billière.

Le 1er octobre de cette année 1909, âgé de 21 ans, résidant toujours à Branceilles, Jean-Louis Laumond passa le Conseil de révision et rejoignit le prestigieux 8ème régiment de cuirassiers au camp de Ruchard près de Tours.

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Pourquoi Jean-Louis intégra-t-il cette arme d’élite réservée traditionnellement aux jeunes gens rompus aux sports équestres, aristocrates et bourgeois ? D’abord, il était grand. Dépasser un mètre soixante-dix était exceptionnel au début du XXème siècle, en France. De plus, il avait réussi l’épreuve consistant à sauter sur un cheval au galop, sans selle, ni étriers, ni brides, y rester et recommencer plusieurs fois la performance. Sur cette gravure, le casque est recouvert d’une housse de tissu pour éviter les reflets, la tenue de campagne comprend une autre housse éventuelle pour la cuirasse.

« Nous voilà au camp (quand) de Ruchard moi cuisinier » Comme il officiait aux cuisines, Jean-Louis est le seul cavalier vêtu de blanc.

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« Connait tu ma vilaine geule » Une croix au pied permet de reconnaître le cavalier Jean-Louis Laumond

Rappelons que les cuirassiers formaient la cavalerie lourde, en opposition aux hussards, dragons, et autres chasseurs à cheval de la cavalerie légère et que l’élément distinctif de leur uniforme était la cuirasse, survivance de l’armure des chevaliers. Notons, d’ailleurs que, dans ces unités d’exception, on ne parlait jamais de soldats mais de cavaliers.

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La photographie de la page précédente comportait une question autographe, signée L. Laumond, destinée à sa promise. Qui était-elle ? Elle s’appelait Eugénie Crozat et avait 17 ans en 1909. Bien qu’il résidât à Branceilles chez sa grand-mère Marguerite Ventadour avec son frère Jean-Baptiste jusqu’en 1906, puis dans la ferme de la famille Giscard, Jean-Louis rendait quelquefois visite à son père Léon-Libéral à Nazareth et y rencontrait Eugénie, fille de sa belle-mère Jeanne-Marie. L’intérêt bien compris de la famille favorisait une union. Léon-Libéral était « rentré gendre » à Nazareth et Eugénie, l’aînée, serait l’héritière de la propriété. Le jeune frère Julien partirait bientôt pour Paris exercer le métier de couvreur avant de s’engager en 1913 et mourir pour la France en 1914. Si Jean-Louis épousait Eugénie, la propriété passerait définitivement de la famille Beylie à la famille Laumond. Des rois de France aux paysans du royaume, les stratégies étaient semblables pour garder la terre et éviter de la morceler ! Peut-être aussi, un sentiment amoureux était-il né ? En 1909, le jeune cavalier était un « beau militaire » et Eugénie ne pouvait être insensible à la prestance de Jean-Louis quand il revenait, lors de permissions, en uniforme, pour rendre visite à son père dans la propriété de Nazareth.

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Jean-Baptiste racontait qu’il était éperdu d’admiration quand il trottinait, lui, petit garçon, derrière son aîné dont il ne voyait que la crinière du casque et qu’il se disait : « qu’il est beau, mon frère ! ».

En 1914, la France comptait 40 millions d’habitants pour 65 millions à l’Allemagne. Devant la menace de l’armée allemande dont les contingents étaient considérablement plus importants, le Parlement français vota la Loi de trois ans en 1913. Elle permettait d’augmenter d’un tiers les effectifs, en gardant sous les drapeaux une classe d’âge pour une année supplémentaire, mais, jusqu’à cette date, depuis 1905, le service militaire était de deux ans. Jean-Louis resta donc jusqu’en 1911 dans son régiment de cuirassiers. Il perfectionna sa maîtrise de l’équitation et s’entraîna à manier sabre, pistolet et fusil.

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Au premier trimestre 1911, la République réclama des régiments de dragons et de cuirassiers pour le maintien de l’ordre en Champagne. La répression des troubles intérieurs ne fut confiée à des corps spécialisés qu’après les deux guerres mondiales, la Gendarmerie Mobile en 1921, les CRS en 1944. Auparavant, le gouvernement envoyait « la troupe ». Les régiments à cheval étaient très appréciés. Une charge de cavalerie lancée contre des manifestants, qui risquaient d’être assommés par le plat des sabres, calmait les ardeurs protestataires. Jean-Baptiste Clément, l’auteur du Temps des cerises écrivait, dans La semaine sanglante en 1871 : Nous allons être gouvernés Par des mouchards et des gendarmes, Des sabre-peuple et des curés. Jean-Louis pourrait devenir un sabre-peuple s’il en recevait l’ordre.

La IIIème République qui avait utilisé l’Armée pour s’installer et montrer sa force en 1871 par l’écrasement de la Commune de Paris entretenait une ambivalence dans ses rapports avec l’institution militaire.

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D’abord, la IIIème République se méfiait de l’Armée. Les officiers souvent monarchistes et catholiques en formaient la colonne vertébrale. Tous les militaires, même les conscrits, furent donc privés du droit de vote. L’armée demeura La Grande Muette jusqu’en 1945. Par parenthèse, c’est pour la même raison que les femmes attendirent cette date pour être électrices, les majorités de centregauche anticléricales et franc-maçonnes se méfiaient de la gent féminine encline à écouter le curé. L’État-major avait été ébranlé par la Crise Boulangiste en 1888, l’Affaire Dreyfus en 1899, l’Affaire des fiches du général André en 1904 et la Séparation de l’Église et de l’État en 1905. Les officiers catholiques demeuraient suspects. Le catalan de Rivesaltes Joseph Joffre avait été nommé généralissime en 1914 car il était réputé républicain alors que le catholique tarbais Ferdinand Foch avait vu son avancement freiné parce qu’il allait à la messe le dimanche.

Le général André fait disparaître par le feu les preuves du système des fiches de 18 000 officiers surveillés pour leurs opinions politiques réactionnaires. (Caricature publiée dans L’assiette au Ensuite, la III République avait besoin de l’Armée. beurre). Devant le danger allemand, la République, qui avait été proclamée à la suite du er désastre de Sedan le 1 septembre 1870, savait qu’en France, depuis la Révolution, les défaites militaires sonnent le glas des régimes politiques. Il fallait donc ménager les uniformes et leur montrer qu’ils étaient indispensables. En 1880, le 14 juillet devint la Fête Nationale et un défilé militaire en présence du Président de la République Jules Grévy fut organisé sur l’hippodrome de Longchamp, à Paris. C’était La Revue du 14 juillet. Devant le succès, les festivités eurent lieu chaque année afin de « voir et complimenter l’armée française », suivant la célèbre chanson En revenant de la Revue créée par Paulus. ème

Peut-être Jean-Louis faisait-il partie de ces cuirassiers dialoguant avec les tirailleurs sénégalais à la Revue du 14 juillet à Longchamp ?

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L’Armée fut plusieurs fois sollicitée. En 1911, les vignerons champenois se révoltèrent et Jean-Louis fut réquisitionné avec son régiment par les gouvernements d’Aristide Briand puis d’Ernest Monis pour maintenir l’ordre en Champagne. Comme en 1907 en Languedoc, la cause de la tension eut pour base le phylloxera. Ce puceron, originaire des États-Unis provoqua, à partir des années 1870, la plus grave crise du vignoble européen.

Manifestation du 16 mai 1907 à Béziers. La pancarte est rédigée en occitan phonétique :

Abèré tant dé boun bi et pas pourré mangea dé pan. (Avoir tant de bon vin et ne pas pouvoir manger de pain.)

Dans le Biterrois, les manifestations tournèrent à l’émeute et les soldats du 17ème Régiment d’Infanterie de Ligne originaires de la région, se mutinèrent en juin 1907 et refusèrent de disperser la foule des vignerons. Cependant, contrairement à ce que disait la chanson de Montéhus, « Gloire au ème 17 », les braves pioupious ne reçurent jamais l’ordre de tirer. Depuis cette date, pour éviter une fraternisation éventuelle entre les manifestants et la troupe, les soldats furent envoyés loin de leur lieu de recrutement.

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Dès cette année 1907, à 850 kilomètres de Béziers, les vignerons champenois eurent à faire face à de mauvaises récoltes. Le phylloxéra, le gel et les orages détruisirent une partie des vignes. Les négociants en vins de Champagne auraient pu augmenter le prix du raisin et ainsi satisfaire les viticulteurs de la Marne ; ils préférèrent s’approvisionner dans le département voisin de l’Aube qui ne bénéficiait pas de l’appellation « Champagne ». Le 16 octobre 1910 une manifestation rassemblant 10 000 personnes à Épernay et une grève des impôts contraignirent le gouvernement à reculer et à interdire aux vins de l’Aube de s’appeler « Champagne ». En avril 1911, les viticulteurs de l’Aube, à leur tour, manifestèrent leur mécontentement et l’Armée dut intervenir pour empêcher une « Saint Barthélémy des vins » selon le mot du ministre Ernest Clémentel. Un compromis fut trouvé avec l’exclusivité de l’appellation « Champagne » pour les viticulteurs marnais et le nom « Champagne deuxième zone » pour ceux de l’Aube. Si l’on en croit cette photo des six cuirassiers jouant aux cartes en compagnie de viticulteurs de Venteuil, au cœur du vignoble champenois, Jean-Louis posant avec une petite fille sur les genoux, la répression fut loin d’être brutale.

Sur cette place, pour la défense de l’appellation CHAMPAGNE, se révoltèrent en avril 1911, les vignerons de Venteuil avec à leur tête Edmond DUBOIS et Émile LAGACHE. Venteuil, le 7 mai 2011

Plaque posée, en 2011, sur la mairie de Venteuil (Marne) pour commémorer le centenaire de la révolte des vignerons champenois.

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Jean-Louis fut rendu à la vie civile le 27 septembre 1911, avec un « certificat de bonne conduite ». Sept mois après, le 20 avril 1912, il se maria avec Eugénie. Elle avait vingt ans et lui vingt-quatre. Les parents de Jeanne-Marie Beylie étaient décédés, Antoinette Delmond en 1907 et Antoine Beylie en 1909. C’était au tour de Jean-Louis de « rentrer gendre » dans la propriété de Nazareth, d’autant plus que Julien, le jeune frère d’Eugénie était monté à Paris, comme le témoigne le recensement de 1911 où il ne reste que sa sœur Eugénie, sa mère Jeanne-Marie et son beau-père Léon-Libéral à Nazareth.

Jean-Louis et Eugénie. Cette photographie date probablement des années 1920.

Deux ans plus tard l’orage éclata.

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Le 28 juin 1914, à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine annexée par l’empire austro-hongrois en 1908, l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’AutricheHongrie était assassiné par un jeune bosniaque, Gavrilo Prinzip, qui faisait partie d’une organisation secrète ayant des liens avec des Serbes : la Main Noire.

Le vieil empereur François-Joseph (né en 1830, il avait 84 ans et était à la tête de l’empire depuis 1848) était plutôt modéré mais l’État-major austro-hongrois le poussait à « donner une leçon » à la Serbie. L’Allemagne, consultée, encouragea les Austro-Hongrois à riposter. L’Allemagne estimait que la Russie n’interviendrait pas militairement. De plus, l’empereur d’Allemagne Guillaume II, le Tsar de Russie Nicolas II et le roi d’Angleterre Georges V étaient cousins. Du 20 au 23 juillet 1914, le Président Raymond Poincaré et le Président du Conseil René Viviani effectuèrent une visite officielle en Russie pour affermir le lien franco-russe. Le 23 juillet 1914, un ultimatum austro-hongrois était remis aux Serbes. Il demandait à la Serbie d’exprimer ses regrets pour l’attentat du 28 juin, de dissoudre les sociétés de propagande contre l’Autriche-Hongrie, d’accepter la collaboration de fonctionnaires austro-hongrois pour mener sur le territoire serbe une enquête sur le complot du 28 juin. Une acceptation sans réserve était exigée dans les 48 heures. La Serbie accepta l’ultimatum mais refusa la participation des agents austro-hongrois à l’enquête. Le 25 juillet 1914, la Russie fit savoir qu’elle soutiendrait la Serbie en cas d’attaque austro-hongroise. L’Autriche-Hongrie ne voulut pas reculer et se déclara insatisfaite de la réponse serbe, elle mobilisa. Le 28 juillet 1914 (un mois après Sarajevo) l’Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Serbie. La Russie commença à mobiliser. À partir de ce moment, l’engrenage des alliances se déclencha. Le 30 juillet 1914, la Russie procéda à la mobilisation générale.

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Le 31 juillet 1914, effrayée par l’annonce de la mobilisation russe, l’Autriche-Hongrie ordonna à son tour la mise sur pied de guerre de ses armées tout en se déclarant prête à engager des pourparlers avec la Russie. L’Allemagne ne le voulait pas et proclama le Kriegsgefahrzustand (état de danger de guerre) qui lui permettait de fermer ses frontières et de commencer les préparatifs de mobilisation. Elle lança un ultimatum à la Russie la sommant de cesser sa mobilisation et à la France pour qu’elle ne commence pas à mobiliser. Le même jour, en France, l’étudiant nationaliste Raoul Villain assassina le chef socialiste Jean Jaurès qui, lors d’une réunion publique à Montmartre en mai 1914 avait déclaré : « Quatre millions et demi de socialistes se lèveraient comme un seul homme en Allemagne, pour exécuter le Kaiser s'il voulait déchainer la guerre. » À son enterrement, le 4 août, les autres dirigeants socialistes français prônèrent l’«Union Sacrée» pour la guerre qui commençait. Il n’y avait plus de pacifistes. Le 1er aout 1914, la Russie refusa l’ultimatum allemand, l’Allemagne déclara la guerre à la Russie et mobilisa. Le 2 août 1914, la France refusa l’ultimatum allemand et mobilisa.

Le 3 août 1914, les troupes allemandes pénétrèrent au Luxembourg et en Belgique, l’Allemagne déclara la guerre à la Belgique et à la France. Le Royaume-Uni était garant de la neutralité belge, sa violation par l’Allemagne entraîna que le Royaume-Uni déclara la guerre à l’Allemagne le 4 août 1914 et intervint aux côtés des Français et des Russes. Le 5 août 1914, l’Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Russie. Le 6 août 1914, la Serbie déclara la guerre à l’Allemagne. Le 11 août 1914, la France déclara la guerre à l’Autriche-Hongrie. Le 13 août 1914, le Royaume-Uni déclara la guerre à l’Autriche-Hongrie. Jean-Louis maintenant âgé de vingt-six ans, « toujours soumis aux obligations militaires », « rappelé à l’activité par décret du 1er août 1914 », « arriva au corps » le 3 août 1914, mais, cette fois-ci, ce n’était plus le 8ème Cuirassiers mais le 21ème Régiment d’Artillerie à Angoulême.

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Le 21ème Régiment d’Artillerie, sous le commandement du colonel Kappes et du lieutenant-colonel Évrard constituait l’artillerie de la 23ème Division d’Infanterie (général Leblond) et du 12ème Corps d’Armée (général Roques). La veille, 2 août 1914, le 21ème avait mobilisé ses neuf batteries. Une batterie de canons de 75mm était commandée, théoriquement, par un capitaine de l'armée d'active. Sur le pied de guerre, le personnel de la batterie était réparti en 9 pelotons de pièce, chacun commandé par un maréchal-des-logis, assisté d’un ou de deux brigadiers. Une batterie comportait 22 voitures. Ces voitures étaient tractées par des chevaux.

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Une voiture était constituée par un ensemble attelage/avant-train/arrière-train. L’attelage d’une voiture était de 4 à 6 chevaux. L'avant-train caisson était utilisé́ pour tracter le canon de 75 ou un caisson. L’avant-train transportait 24 obus, le havresac des hommes et était équipé d’un siège qui accueillait 3 hommes. L'arrière-train était, soit un caisson (72 obus et du matériel), soit le canon proprement dit. Une batterie comprenait donc : 22 voitures, 170 chevaux, 4 canons, 12 caissons, 16 caissons d’avant-trains, 3 officiers, environ 170 sous-officiers et hommes de troupe, une centaine sur les voitures, les autres à cheval, ce qui explique le choix de cavaliers comme Jean-Louis pour un régiment d’artilleurs. Au total, le 21ème Régiment d’Artillerie comptait une trentaine d’officiers, environ mille hommes sur les voitures, cinq cents cavaliers, dont Jean-Louis, deux cents voitures, mille cinq cents chevaux d’attelage et de selle, une quarantaine de canons de 75 et deux cent cinquante caissons. Le canon de 75 mm (modèle 1897) est une pièce d'artillerie de campagne de l'armée française. D'une conception révolutionnaire pour son époque, il regroupe, en effet, tous les derniers perfectionnements intervenus dans l'artillerie à la fin du XIXème siècle, à savoir : l'utilisation de la poudre sans fumée, de la munition encartouchée, de l'obus fusant, d'un chargement par la culasse et d'un frein de recul oléopneumatique. Cette synthèse, rendait enfin possible un vieux rêve des artilleurs, le tir rapide. C'est grâce à ses caractéristiques exceptionnelles qu'il fut surnommé canon roi.

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Le 21ème Régiment d’Artillerie embarqua, par voie ferrée, à Angoulême et à Ruellesur-Touvre (Charente) les 5 et 6 août.

Il débarqua deux jours plus tard dans la région de Sainte-Menehould dans la Marne, descendit du train, traversa l’Argonne par une chaleur torride et, après quelques étapes pénibles, s’arrêta pour cantonner à Lamouilly (Meuse) non loin de la frontière belge.

Il y était encore le 20 août.

Un peu plus de deux semaines après le début de la guerre, quelle était la situation ? Numériquement, les coalitions s’équilibraient, mais seules la France et l’Allemagne pouvaient aligner tout de suite un maximum d’hommes : au Royaume-Uni, le service militaire était basé sur le volontariat, en Russie, à cause de l’immensité de l’espace, la mobilisation était très lente, en Autriche-Hongrie, la composition multinationale de l’armée était un frein.

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Depuis l’alliance franco-russe de 1892, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie se préparaient au combat sur deux fronts. En 1892, le plan Schlieffen, (du nom de l’ancien chef de l’état-major allemand, Alfred von Schlieffen 1833-1913) prévoyait l’écrasement de la France en six semaines, grâce à une attaque sur la Belgique, avant de se retourner sur la Russie. Le chef de l’état-major français, Joseph Joffre, ne croyait pas à cette offensive sur le nord. Le plan français, plan 17, était basé sur l’offensive sur l’Alsace-Lorraine coordonnée à une offensive russe sur le front est. La puissance destructrice des armes nouvelles laissait prévoir une guerre courte. Le 3 août 1914, les troupes allemandes pénétrèrent au Luxembourg et en Belgique, l’armée française attaqua en Alsace. L’armée belge tenta de résister avec l’appui des troupes françaises et britanniques envoyées en renfort. À l’est, les Français consolidèrent une ligne de front Nancy-Verdun. Le 20 août 1914, le 21ème Régiment d’Artillerie cantonnait donc à Lamouilly dans le département de la Meuse. Dans la nuit du 20 au 21, la division fut alertée. Elle partit au petit jour et entra en Belgique. L’accueil des habitants fut enthousiaste, les Allemands avaient battu en retraite la veille en fusillant quelques habitants. Le 21ème continua son trajet dans la forêt et l’avantgarde déboucha sur le village wallon de Pin. Au début de l’après-midi, les canons de 75 poussèrent les troupes allemandes à se retirer.

Pendant deux jours, le 21ème les suivit. En même temps, du 21 au 23 août 1914, les armées françaises et britanniques étaient battues en Belgique devant Mons et Charleroi, à 150 km au nord des positions du 21ème. Le 22 août 1914 fut un des jours les plus sanglants pour l’armée française, 21 000 soldats perdirent la vie. Il fallut sonner la retraite. Pour le 21ème, elle commença le 23 août aux environs de Neufchâteau, toujours en Belgique. Elle fut très dure, marche et combats nuit et jour, six heures de sommeil en quatre jours, la nourriture ne parvenant pas, les hommes furent contraints d’arracher des betteraves dans les champs et de les consommer crues. L’exode des civils belges encombrait les routes dans des embouteillages infernaux car les Allemands continuaient leur pression.

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La frontière franchie, le régiment passa à travers les bois par des sentiers défoncés. Les 25 et 26 août, il franchit la Meuse vers Pouilly-sur-Meuse après avoir traversé les bois d’Inor. Les servants, en tête de colonne élargissaient le chemin à coups de scies et de haches. Sur la rive ouest de la Meuse, le 21ème s’arrêta, se mit en batterie et tint l’ennemi en échec pendant trois jours. Le 29 août, pour se conformer au mouvement général de retraite, il fallut se replier. Le 21ème reprit la route qui le menait à Vouziers dans les Ardennes, il faisait très chaud, beaucoup de chevaux se couchaient pour mourir. Les hommes étaient exténués et marchaient dans l’atroce sensation d’un effort qui pouvait être le dernier, ils traversèrent Vouziers puis Vitry-le-François dans la Marne. Le 2 septembre 1914, ils ignoraient que les troupes allemandes étaient à 25 km de Paris et que le gouvernement français était parti pour Bordeaux depuis le 29 août. Mais les Allemands avaient commis une grave erreur, leurs armées avaient avancé trop rapidement et l’aile droite se présentait de flanc, ce qui était favorable à une contreattaque française. 6 Septembre, 9 heures Au moment où s'engage une bataille d'où dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis, et se faire tuer sur place, plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. Signé : JOFFRE

Le 6 septembre 1914, Joffre publia son ordre du jour historique et l’armée française se retourna, aidée par les troupes de Paris envoyées en renfort, transportées par les taxis de la Marne du Général Gallieni. Le 21ème tout entier prit place dans la contre-offensive entre Sommepuis et Vitryle-François.

Le 11 septembre, la Bataille de la Marne était une victoire, les Allemands étaient vaincus et repoussés mais, faute de munitions suffisantes des Français, l’armée ennemie ne fut pas détruite.

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Le 21ème continua la poursuite jusqu’au 19 septembre où la division fut rassemblée au camp de Mourmelon dans la Marne. Jean-Louis retrouva les paysages de Champagne où il avait été appelé à maintenir l’ordre trois ans auparavant. Son régiment mena de très durs combats dans la région de Reims pendant deux mois où la guerre de position prit forme, les abris se construisirent, des boyaux creusés les rejoignirent, les réseaux téléphoniques se mirent en place, les artilleurs du 21ème se trouvaient sur une ligne, derrière celle des premiers combattants qui s’enterraient dans ce qu’on commença à nommer les tranchées.

La suite de la Victoire de la Marne fut la poursuite de l’armée allemande. Jean-Louis et le 21ème Régiment d’Artillerie vers le nord-est et d’autres régiments plus au nord par l’Oise et la Somme. Parmi ces régiments qui cherchaient à repousser l’ennemi hors des territoires belges et français, se trouvait celui de Julien Crozat, le beau-frère de Jean-Louis. Le recensement de 1911 (page 17) montrait que Julien, âgé de 18 ans avait quitté Nazareth. Il avait trouvé un travail de couvreur à Paris et habitait 161, rue Damrémont, à Montmartre dans le XVIIIème arrondissement. En octobre 1913, Julien, qui avait vingt ans, décida de s’engager pour trois ans au 101ème Régiment d’Infanterie. Contrairement à Jean-Louis qui fut rappelé lors de la mobilisation du 2 août 1914, Julien était déjà sous les drapeaux, à la déclaration de guerre.

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Julien rentra dans la légende de ces « biffins », héroïques fantassins français qui moururent par milliers dans les premiers mois de la Grande Guerre, 85 000 morts en août 1914, 101 000 en septembre. Le fantassin français portait le pantalon rouge garance (devenu son signe distinctif depuis 1829) enserré au niveau des mollets par des guêtres en cuir lacées. Il était chaussé de brodequins en cuir avec semelles cloutées. La capote (modèle 1877), fermée par deux rangs de boutons était gris fer bleuté. Le ceinturon portait trois cartouchières de cuir et la baïonnette dans son fourreau. Le képi (modèle 1884) à turban garance et bandeau bleu, était recouvert, en campagne, d’un couvre-képi bleu. Le havresac était un sac de toile cirée renforcé par un cadre en bois sur lequel étaient arrimés plusieurs équipements collectifs ou individuels, il pesait entre 25 et 30 kg, une musette en toile complétait l’ensemble.

Son Régiment, le 101ème, qui faisait partie de la 13ème brigade, 7ème division du 4ème corps d'armée, était parti le 7 août 1914, par chemin de fer de Saint Cloud et de Dreux pour rejoindre le département de la Meuse. Le 101ème combattit en Belgique du 21 au 23 août 1914, mais ensuite, comme pour le reste de l’armée, ce fut la retraite sous une chaleur accablante pour les fantassins épuisés par les combats meurtriers.

Le retournement victorieux de la Marne du 6 au 11 septembre 1914 reposa en grande partie sur le courage des fantassins comme Julien qui continuèrent la poursuite des troupes allemandes. Dans ses mémoires, Alexander von Kluck, commandant de la première armée allemande, dira des biffins français : « Que des hommes se fassent tuer sur place, c'est là une chose bien connue et escomptée dans chaque plan de bataille. Mais que des hommes ayant reculé pendant dix jours puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c'est là une chose avec laquelle on n'avait jamais appris à compter ; c'est là une possibilité dont il n'avait jamais été question dans nos écoles de guerre ».

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Le 1er octobre un combat meurtrier eut lieu à Champien dans la Somme où les Allemands tentèrent une contre-offensive, 38 biffins du 101ème trouvèrent la mort et Julien, qui venait d’avoir vingt et un ans, ferma les yeux loin de son village natal. Le monument aux morts de Jugeals-Nazareth garde toujours gravé le nom de Julien Crozat, il suit celui d’Élie Gillet, mort à 22 ans dans l’offensive d’Alsace le 18 août 1914 et celui de Jean Cognac, 21 ans, tué lors de la Bataille de la Marne le 8 septembre 1914.

On apprend, sur le livret militaire de Julien qu’une somme de 150 francs (environ 500€ actuels) fut allouée à sa mère Jeanne-Marie, en guise de « secours immédiat ».

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Un décalage de 48 h est à noter. Le livret militaire donne la date du 1er octobre qui est biffée sur la fiche et remplacée par celle du 29 septembre, alors que l’historique officiel (page précédente) confirme le 1er octobre.

Les annonces des décès arrivaient au bout de quelques semaines aux familles. Eugénie dut transmettre la triste nouvelle à Jean-Louis qui était, à cette date sur la ligne de front vers Suippes dans le département de la Marne où l’artillerie était très sollicitée.

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Ce fut ensuite la course à la mer. Entre le 15 octobre et le 11 novembre 1914, les adversaires cherchèrent à se déborder vers la Mer du nord, les Allemands voulaient couper les Britanniques de leurs bases portuaires. À la fin de l’année 1914, les armées étaient incapables de l’emporter. Entre l’Yser et la frontière suisse, un front de 800 km se stabilisa. Les troupes s’enterrèrent dans des tranchées pour se protéger de l’artillerie adverse. C’était un dispositif compliqué : il y avait plusieurs lignes de tranchées reliées par des boyaux et protégées par des mines et des barbelés. À l’arrière des tranchées se trouvaient les hôpitaux de campagne, l’intendance et l’artillerie. Dans son régiment, Jean-Louis fut moins exposé que Julien, il ne subit aucune blessure grave durant toute la guerre. Comme il n’y avait plus de grandes offensives comme au XIXème siècle, les unités nobles, comme la cavalerie, étaient reconverties. Les nobles cuirassiers des années de Service Militaire de Jean-Louis devinrent cuirassiers à pied ! Les conditions de vie étaient épouvantables : froid, poux, boue, mauvais ravitaillement, mauvaises conditions d’hygiène, tension nerveuse due au danger. Les attaques étaient précédées de violents pilonnages d’artillerie puis l’assaut était mené, aux gaz, au lance-flamme, à l’arme blanche… Dans les tranchées, les concentrations étaient importantes : on y trouvait 8 millions de Français, autant de Britanniques (dont 3 millions de l’Empire) et 13 millions d’Allemands. Réfugié à Bordeaux le 29 août 1914, le gouvernement français regagna Paris le 8 décembre, une fois le front stabilisé. Depuis longtemps, Poincaré Président de la République et Viviani Président du Conseil avaient souhaité rejoindre la capitale. Le généralissime Joffre avait fait reculer cette échéance. Jusque-là, en effet, de son Grand Quartier Général de Romilly-sur-Seine (Aube) puis de Chantilly (Oise), il avait les mains totalement libres en l’absence de tout exécutif à proximité et exerçait un quasi-pouvoir militaire en France. Le gouvernement civil à Paris pouvait reprendre la gestion du conflit, appliquant en cela la formule de Clemenceau prononcée lors de la crise boulangiste, « La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires. »

8 décembre 1914 Le Président de la République, Raymond Poincaré, de retour à Paris, visite le Petit Palais où sont exposés les objets religieux des églises bombardées

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L’Europe à la fin de l’année 1914

Jean-Louis passa son premier Noël de guerre dans la région de Reims, en Champagne. L’hiver passa. Le front était stabilisé, les artilleurs tiraient leurs obus sur les lignes ennemies. Les Allemands ripostaient. Une fois la préparation d’artillerie effectuée, les premières lignes sortaient des tranchées pour gagner une position qui serait perdue le lendemain. Les blessés et les morts étaient transportés à l’arrière. Cette guerre de position, par opposition à la guerre de mouvement des premiers mois entraîna un changement dans le vêtement des soldats. À la couleur garance du pantalon d’août 1914 trop voyante, fut substituée une teinte terne plus adaptée aux cieux délavés du nord-est de la France, le bleu-horizon. La casquette qui ne protégeait pas des éclats d’obus, fut remplacée par le casque Adrian du nom de l’intendant militaire Louis Adrian qui le fit adopter. Enfin, le soldat français devint le poilu, celui qui a du courage viril, du poil.

À gauche Le poilu À droite L’artilleur (Les bottes et les éperons indiquent que l’artilleur reste un cavalier)

Tableaux de LouisCharles Bombled (Musée de l’Armée, Invalides, Paris)

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Jean-Louis, l’artilleur, artiflot en argot militaire, resta en Champagne jusqu’au printemps 1915. Le 24 mars 1915, le 26ème R.A.C. (Régiment d’Artillerie de Campagne) remplaça le 21ème. Pendant la dernière semaine de mars, les artiflots du 21ème familiarisèrent les artiflots du 26ème à la ligne de front de la Montagne de Reims. Le 30 mars, le régiment de Jean-Louis embarqua à Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne) à destination de la Lorraine. Le 21ème combattit en Lorraine du 1er avril au 12 juin 1915, une offensive allemande fut arrêtée après de durs combats le 25 avril près de Toul. En juin, le régiment partit pour la région d’Amiens (Somme). Après un mois de repos, il prit position, le 23 juillet, près d’Arras. Deux mois de combats sporadiques se déroulèrent puis, après une préparation intense où chaque batterie tira plus de 2 000 obus, l’attaque se déclencha le 25 septembre au matin puis le lendemain dans le brouillard. Ce fut la Troisième bataille d’Artois. L’avance fut minime, la grande attaque ne donna presque rien. Un poilu du 21ème décrit les semaines qui suivirent la bataille : « Il ne pleut pas mais tout est mouillé, suintant, lavé, naufragé et la lumière blafarde a l’air de couler. Les boyaux sont des canaux de boue, des hommes s’y enlisent et meurent. Les abris s’effondrent. Sur la terre, champ de mort, se juxtapose étroitement le champ de tristesse du ciel. Il pleut, puis c’est la neige et la pluie encore. Et, malgré le temps horrible, ce sont journellement des petits combats, pour la reprise d’un entonnoir ou le déplacement d’une barricade. Les Boches pratiquent aussi le marmitage méthodique des batteries. » (Le marmitage était un bombardement dense et continu.) Le 10 mars 1916, dans un océan de boue liquide, les artilleurs écossais relevèrent le régiment qui partit au repos près de Montdidier dans la Somme, à l’arrière immédiat du front. Entretemps, le 9 janvier 1916, Jean-Baptiste, le jeune frère de Jean-Louis était incorporé au 50ème Régiment d’Infanterie. Né le 20 janvier 1897, il n’avait pas encore dixneuf ans et, comme Julien Crozat, était « monté » à Paris, où il exerçait le métier de tôlier.

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Cette même année 1916, Jean-Baptiste passa du 50ème R.I. le 9 janvier, au 108ème R.I. le 27 juillet et enfin au 67ème R.I. le 29 octobre. Sur le front ouest, l’État-major allemand changea de tactique au début de 1916 : il décida d’engager une bataille d’usure sur Verdun, charnière du front. L’offensive commença le 21 février 1916. Les Français, commandés par les généraux Nivelle et Pétain, résistèrent. Jean-Baptiste subit son baptême du feu d’une manière impressionnante avec son ème 50 Régiment d’Infanterie, un mois et demi après son incorporation. Le 21ème Régiment d’Artillerie de Jean-Louis arriva à Verdun le 5 avril. Dans les nuits du 5 au 6, puis du 6 au 7, sections par sections, les batteries du 21ème relevèrent celles du 41ème sur une ligne qui allait du Fort de Belleville au Fort de Saint Michel au nord de la ville de Verdun. En face, c’était la crête dominée par le Fort de Douaumont.

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Entre ces deux lignes, courait un ravin profond et sinueux, marécageux par endroits. C’était l’itinéraire des ravitaillements, labouré par les obus, jalonné de voitures brisées et de chevaux morts. On trouvait quelques arbres déchiquetés et noircis, restes de boqueteaux, vestiges d’une forêt qui s’étendait en ce lieu l’année précédente. Derrière les batteries, des montagnes de douilles d’obus qui n’avaient pas eu le temps d’être évacuées vers l’arrière. Partout des débris d’objets brisés, déchirés, brûlés, images d’un chaos de destruction, images de la mort. Le sol n’existait plus, ce n’étaient que des trous qui s’imbriquaient les uns dans les autres. Le paysage se modifiait continuellement, les explosions entraînaient des glissements de terrain qui comblaient des fossés béants recreusés plus loin par d’autres obus. Les artilleurs du 21ème pilonnèrent les lignes ennemies jusqu’au 23 juin.

Pendant soixante-dix-neuf jours et soixante-dix-neuf nuits, le régiment vécut dans cet enfer, mangeant mal, dormant peu, les tympans explosés par le fracas de ses propres canons et le tonnerre des obus allemands, étouffé par les gaz, acceptant avec une héroïque sérénité tous les sacrifices. L’effort fut aussi immense que les pertes furent lourdes. Le lieutenant Charles Péguy, tué d’une balle au front le 5 septembre 1914, la veille de la Bataille de la Marne avait prophétisé cet holocauste ultime dans ce poème de 1913 : Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle. Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, Couchés dessus le sol à la face de Dieu. Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu, Parmi tout l’appareil des grandes funérailles.

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Pendant ces soixante-dix-neuf jours, les batteries du 21ème envoyèrent plus de 300 000 obus sur les Allemands. Le 23 juin 1916, le 19ème Régiment d’Artillerie de Campagne releva les artilleurs du 21ème, épuisés, amaigris, sales mais conscients du devoir accompli et sachant que la bataille n’était pas terminée. Les attaques et contre-attaques continuèrent, sans le 21ème, firent des milliers de morts pour le gain ou la perte de quelques centaines de mètres pendant encore six mois. Ce fut à la fin de l’année 1916, que, constatant leur échec, les Allemands se replièrent sur leurs bases de départ. Les pertes furent énormes de part et d’autre : pour les Français, Verdun se solda par 160 000 morts et 100 000 blessés, pour les Allemands par 140 000 morts et 100 000 blessés. Pétain demeura à jamais « le vainqueur de Verdun ». Entretemps, en juillet 1916, Français et Britanniques attaquèrent dans la Somme pour soulager Verdun, ce qui causa aussi d’importantes pertes. Si la bataille de Verdun resta ancrée dans les mémoires françaises comme le souvenir de la Grande Guerre, l’évocation de la Somme eut ce rôle pour les Britanniques.

Soldats britanniques à l’assaut lors de la Bataille de la Somme

De juillet à octobre 1916, le 21ème eut un répit dans un secteur un peu plus calme vers Soissons dans l’Aisne pour rejoindre ensuite la fournaise de la Somme en novembre. En janvier 1917, Jean-Louis qui avait passé deux ans et demi dans l’artillerie de campagne fut transféré au 112ème R.A.L. (Régiment d’Artillerie Lourde). Si le canon de 75 mm, canon roi, avait bien mérité de l’armée française depuis août 1914, si les artilleurs, comme Jean-Louis, le maîtrisaient parfaitement que ce soit dans la guerre de mouvement ou dans la guerre de position, sa portée de 6500 mètres ne permettait pas d’aller au-delà des lignes allemandes. Dès la fin de l’année 1914, constatant que les offensives napoléoniennes étaient vouées à l’échec et que les grandes charges comme celles de Murat à Eylau avaient cédé la place à un siège médiéval de plusieurs années, les États-Majors s’étaient penchés sur le choix éventuel de canons à plus longue portée capables d’envoyer des obus destructeurs à l’arrière des tranchées ennemies. Ce modèle d’arme existait déjà dans la Marine où les combats navals exigeaient des tirs éloignés.

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L’armée jeta son dévolu sur le canon de 105 mm, fabriqué par les usines Schneider au Creusot (Loire), qui avait l’avantage de doubler la portée du canon de 75 en la portant à douze kilomètres. Comme il pesait près de trois tonnes, l’armée n’avait montré que peu d’intérêt pour ce modèle au début du conflit, du fait du grand nombre de canons de 75 mm plus facilement manœuvrables avec leurs 1 140 kg.

Le 105 long Schneider (canon de 105 mm)

Le 112ème R.A.L. (Régiment d’Artillerie Lourde) formé le 26 décembre 1915 était équipé des 105 longs Schneider. Il se trouvait à Herbécourt (Somme), sur la route de Feuillères depuis novembre 1916. Comme le 21ème Régiment d’Artillerie était aussi dans la Somme, Jean-Louis rejoignit rapidement sa nouvelle affectation. Son nouveau régiment resta sur zone jusqu’en février 1917. C’est à ce moment, en février 1917, que le régime tsariste tomba en Russie. L’incertitude quant à la volonté du nouveau pouvoir russe de continuer la guerre fit craindre aux Alliés de devoir affronter un renfort de troupes allemandes que le front russe libèrerait, surtout qu’après Verdun et la Somme, les troupes françaises et anglaises semblaient exsangues. En décembre 1916, le corrézien de naissance Georges Nivelle fut nommé généralissime en remplacement de Joffre, jugé trop statique et usé par deux ans de guerre. Pour atténuer cette disgrâce, le gouvernement lui donna une mission aux États-Unis en 1917 après lui avoir accordé le bâton de maréchal le 26 avril 1916. Le maréchalat qui sentait trop fort l’Empire n’avait jamais encore été octroyé par la Troisième République et le dernier survivant des maréchaux nommés par Napoléon III, le lotois Canrobert, natif de Saint-Céré, s’était éteint en 1895, à l’âge de 85 ans. Acte de naissance du futur général Nivelle. 16 octobre 1856, à Tulle.

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À la fin mars 1917, le 112ème R.A.L. se trouvait dans l’Aisne dans le bois de Beaumarais entre Pontavert et la Ville-aux-Bois afin de reprendre l’offensive dans la zone du Chemindes-Dames, entre Laon et Reims. La préparation d’artillerie commença le 13 avril, le 16 tout était prêt pour la marche en avant. Ce fut l’offensive Nivelle qui devait mettre fin à la guerre par une victoire définitive sur l’armée allemande. Après la conquête réussie des premières lignes allemandes, l’infanterie française se trouva arrêtée dans sa progression. Les pertes importantes ne débouchèrent sur aucun progrès significatif. Le Chemin-des-Dames devint le synonyme de vaines offensives coûteuses en hommes. Le 112ème R.A.L. dut se replier aussi. Après des combats acharnés et de lourdes pertes, force fut de reconnaître l’échec de l’offensive. Les Français n’avaient pas réussi à percer le front. L’espoir déçu de l’aboutissement du conflit par un succès militaire causa un mouvement de révolte dans des unités de l’armée. Du 20 mai au 10 juin 1917, la moitié des divisions françaises était affectée par une vague d’insoumission, 250 mutineries regroupant chacune 200 à 300 hommes. La rébellion était dirigée contre l’offensive Nivelle d’avril. La répression fut, somme toute, assez modérée, 412 condamnations à mort mais seulement 55 exécutions. Parallèlement, le général Nivelle fut remplacé par le général Pétain. Le vainqueur de Verdun satisfit les revendications des soldats : permissions régulières, meilleure nourriture, adoucissement de la discipline. Pétain renonça à l’offensive. Il déclara « attendre les Américains et les tanks ». En effet, le 2 avril 1917, les États-Unis entrèrent en guerre aux côtés des Alliés. C’était important au point de vue moral et matériel mais pas encore au point de vue humain. Si le premier soldat américain arriva en Europe en juin 1917, la participation aux premiers combats n’eut lieu qu’en avril 1918. Quant aux tanks, le mot et la chose avaient été créés par les Anglais. Au début de 1915, deux officiers britanniques eurent l’idée de construire un véhicule blindé, désigné pour raison de secret par le nom de code tank (réservoir en anglais), muni de chenilles analogues à celles mises au point par l’ingénieur américain Benjamin Holt pour ses tracteurs Caterpillar. Les Anglais engagèrent 49 de ces engins dans la bataille de la Somme en 1916 mais la plupart tombèrent en panne. En décembre 1915 et février 1916, Joffre commanda 450 engins Schneider puis vint ensuite le Saint Chamond de 23 tonnes équipé d’un canon de 75 mm. Mais surtout, les artisans de la victoire finale de 1918 furent les fameux chars Renault FT-17 de 7 tonnes beaucoup plus maniables et robustes.

Chars Renault FT-17

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Jean-Louis et le 112ème R.A.L. ne furent pas touchés par la crise morale. L’historique du régiment note : « La déception causée par le résultat de notre attaque du 16 avril avait été profonde. Mais, bien que les groupes aient été durement éprouvés et que la fatigue ait été plus grande que jamais, en ce sanglant printemps de 1917, où le désespoir sembla un instant se glisser chez nous, pas une défaillance n’est à relever dans les groupes du 112ème R.A.L. et dans ceux qui devaient plus tard se joindre à lui. » Le régiment participa à quelques actions à Verdun pendant l’été 1917 et occupa des positions aux environs de Soissons dans une zone récemment reconquise en octobre. Le 17 octobre 1917, Jean-Louis changea à nouveau de régiment, il fut muté au 105ème R.A.L. formé le 1ernovembre 1915. Le régiment était armé des canons 120 mm longs de portée maximale de 8 200m pesant 2 800 kg et des canons de 155 mm courts de portée maximale de 6 400 m pesant 2 100 kg.

Canon de 120 mm long

Canon de 155 mm court

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En octobre 1917, le 105ème R.A.L. se trouvait dans le bois de Beaumarais, dans la zone du Chemin-des-Dames, zone que connaissait bien Jean-Louis car il y était en mars avec le 112ème R.A.L., son régiment précédent. Les coups de boutoir de l’artillerie contraignirent les Allemands à abandonner le Chemin-des-Dames. Les Français occupèrent en novembre de nouvelles positions, plus en avant, changement très pénible en raison du froid et de la boue. Au même moment, George Clemenceau avait été appelé à prendre la direction du gouvernement français. Si Raymond Poincaré était le même Président de la République depuis février 1913, Clemenceau était le cinquième Président du Conseil depuis le début de la Grande Guerre après René Viviani (14 juin 1914-29 octobre 1915), Aristide Briand (29 octobre 1915-20 mars 1917), Alexandre Ribot (20 mars 1917-12 septembre 1917). Clemenceau avait remplacé Paul Painlevé, nommé le 12 septembre 1917, pour deux mois seulement. Le 16 novembre 1917, le nouveau chef de gouvernement avait conclu son discours d’investiture par ces mots : « Un jour, de Paris au plus humble village, des rafales d'acclamations accueilleront nos étendards, vainqueurs, tordus dans le sang, dans les larmes, déchirés des obus, magnifique apparition de nos grands morts. Ce jour, le plus beau de notre race, après tant d'autres, il est en notre pouvoir de le faire. Pour les résolutions sans retour, nous vous demandons, messieurs, le sceau de votre volonté. »

Clemenceau sur le front (début 1918)

Le 12 décembre, Jean-Louis dut rejoindre une nouvelle affectation, il passa du 105ème au 110 R.A.L. Comme le 112ème R.A.L., le 110ème R.A.L était équipé du 105 long Schneider. Du 10 décembre 1917 au 17 avril 1918, Jean-Louis et son régiment construisirent des positions et s’installèrent près de la tranchée de Calonne, une route forestière reliant Hattonchâtel à Verdun, objet de combats acharnés au cours desquels Alain-Fournier, l’auteur du GrandMeaulnes, avait trouvé la mort le 22 septembre 1914. Le 1er mars 1918, deux semaines après son trentième anniversaire, Jean-Louis réintégra, dans l’Oise, le 112ème R.A.L. qui était allé soutenir l’armée italienne, pendant tout le mois d’octobre 1917, en débâcle après le désastre de Caporetto contre les Autrichiens. Jean-Louis resta dans le régiment jusqu’à la fin du conflit et sa démobilisation en 1919. ème

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Quand Jean-Louis rejoignit son unité, l’armée allemande commença ce qu’elle pensait être son assaut final et victorieux. Dès le 15 décembre 1917, le nouveau gouvernement bolchevik russe avait fait savoir son souhait de préparer une paix sans annexions ni indemnités et avait signé un armistice germano-russe. Le nouveau pouvoir de Lénine engagea des pourparlers qui aboutirent au Traité de Brest-Litovsk, le 3 Mars 1918. Il n’y avait plus de front russe pour les Allemands.

7 janvier 1918, Trotski débarque en gare de Brest-Litovsk (Biélorussie) accueilli par les officiers du GQG allemand du front de l’est

Cinquante divisions allemandes, convoyées rapidement par chemin de fer des zones de l’est, avaient pu être redéployées sur le front ouest après la signature du Traité de BrestLitovsk Le 21 mars 1918, Ludendorff, chef de l’État-Major allemand débuta l’offensive de printemps en Picardie, Kaiserschlacht (bataille de l’Empereur) ou Michael-Schlacht (et Mars) premier des cinq assauts du Friedensturm (tempête pour la paix), qui se déroula jusqu’au début du mois d’août 1918. Les Allemands attaquèrent d’abord les Britanniques, qui retraitèrent en Picardie, afin de séparer les lignes des Alliés, ils reprirent Péronne (dans la Somme à 140 km au nord de Paris). Le 23 mars, Clemenceau se rendit à Compiègne au quartier général de Philippe Pétain, chef de l’armée française, son moral était très atteint. Lors de son retour, il confia au Général Mordacq, son chef de cabinet militaire : « après une entrevue pareille, il faut vraiment avoir l’âme chevillée au corps pour avoir encore confiance. » Devant la description de l’offensive de Ludendorff que lui avait faite Pétain, Clemenceau doutait et les circonstances étaient telles qu’on pouvait craindre le pire. Le 25 mars 1918, à Doullens dans la Somme, une réunion eut lieu entre l'armée britannique et l'armée française, afin de contrer l’offensive Michael. Ce jour-là, se réunirent Georges Clemenceau, les généraux britanniques Wilson et Haig, le ministre britannique Alfred Milner, les généraux français Mordacq, Weygand, Duparge, Pétain, Foch et le président Raymond Poincaré. Ils décidèrent le lendemain 26 mars 1918, de confier au général Foch le Commandement Unique des forces alliées sur le front occidental. Ce commandement fut entériné 3 semaines plus tard, le 14 avril 1918.

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Pendant ce temps, le 112ème R.A.L. se mit en place sur un front qui s’étendait de la Marne à l’Oise. La vie des artilleurs n’était plus la même que celle des trois années précédentes, ils ne se terraient plus au fond de tranchées malsaines, ils se couchaient sous la toile des tentes auprès des canons qui étaient abrités sous les arbres ou sous des camouflages improvisés. Le paysage n’était plus celui de la Meuse ou de l’Aisne. En 1917, les soldats se battaient dans un fouillis d’abris détruits sur une terre réduite à une mer de boue éventrée et béante. En ces mois de printemps, la nature reprenait ses droits. Les vergers, les bois, ignorant la guerre revivaient le cycle des saisons. C’était dans l’Oise aux alentours de Compiègne que le 112ème avait installé ses batteries qui devaient faire face aux bombardements des Allemands. Dans la nuit du 11 au 12 avril, Jean-Louis fit preuve d’un courage héroïque pour ravitailler en obus les différentes positions de son régiment, ce qui lui valut une citation et la Croix de guerre.

Cité à l’ordre du 8ème groupe du 112ème R.A.L., le 20 avril 1918. Au front depuis le début de la campagne. Très bon conducteur plein de sang-froid, ravitaille toutes les nuits aux positions de batteries parfois sous un violent bombardement, particulièrement dans la nuit du 11 au 12 avril 1918 où le bombardement a été d’une extrême violence. Croix de Guerre Médaille de la Victoire Médaille commémorative de la Grande Guerre

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Les Allemands, arrêtés dans l’Oise, portèrent leurs efforts plus au nord. Le 13 avril 1918, le 112ème R.A.L. quitta Compiègne pour se rendre dans la Somme, au nord de Montdidier où il eut à subir un assaut considérable, il parcourut soixante kilomètres en moins de vingt-quatre heures pour se mettre en position le 16 avril près d’Ailly-sur-Noye. De ces positions, il participa aux combats sanglants qui se livrèrent autour de Hangard-enSanterre, le bois de Sénécat, Castel, tirant sans discontinuer, harcelant la nuit les routes de ravitaillement, combattant le jour les batteries allemandes et concentrant son feu sur les rassemblements de troupes. Le 112ème fut relevé le 29 avril, chacun des canons avait tiré trois mille coups en neuf jours. Ludendorff ne réussit pas la percée vers Paris et l'offensive Michael s’arrêta dans la région de Montdidier. Le 112ème participa à toutes les opérations défensives face aux quatre assauts du Friedensturm mais c’est surtout lors de la Seconde Bataille de la Marne du 15 juillet au 3 août 1918 qu’il fut mis à rude épreuve.

Ce fut la dernière grande offensive allemande (MarneschutzReims) de la Première Guerre mondiale. Fort du succès relatif des quatre vastes offensives qu'il avait menées en France de mars à juin 1918, le chef du commandement suprême allemand, le général Ludendorff, en lança une nouvelle, mais cette fois destinée à faire diversion, afin d'éloigner les troupes françaises du front des Flandres où il voulait pouvoir porter l'attaque décisive. L'offensive de diversion devait lui permettre de s'emparer de Reims et de diviser les armées françaises. Ludendorff était si persuadé de la victoire que l’empereur Guillaume II fut convié à la contempler d’un observatoire situé à Ménil-Lépinois dans les Ardennes.

L’observatoire de Guillaume II

Le général Foch, chef du commandement interallié, avait prévu le mouvement et les Allemands se trouvèrent confrontés à une résistance et à des contre-attaques françaises auxquelles ils ne s'attendaient pas. Leurs forces franchirent bien la Marne en plusieurs endroits mais ne progressèrent que faiblement. Des unités britanniques, américaines et italiennes aidèrent les Français à se défendre. Au sud-ouest, pris sous un tir de barrage intense, auquel participa activement le 112ème R.A.L., les Allemands n'avancèrent que de 10 kilomètres avant de réaliser qu'ils étaient pris au piège.

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Le 18 juillet, l'offensive allemande fut annulée, juste au moment où fut lancée une grande contre-offensive. Les Alliés attaquèrent l'important saillant de la Marne qui s'avançait dans leurs lignes, dans la forêt de Villers-Cotterêts, prenant les Allemands par surprise. Trois jours plus tard, les Alliés traversèrent la Marne, et les Allemands durent battre en retraite vers leurs précédentes lignes appuyées sur l'Aisne et la Vesle. C’est à la suite de la Seconde Bataille de la Marne que Foch obtint son bâton de maréchal le 6 août 1918, après Joffre le 26 avril 1916. La bataille d'Amiens ou bataille de Montdidier eut lieu du 8 au 11 août 1918, pendant e la 3 bataille de Picardie sur le front occidental, en France. Elle fit suite aux victoires allemandes du printemps et de la seconde bataille de la Marne. Les troupes alliées pour la première fois depuis 1914 commencèrent à prendre l'ascendant sur les troupes allemandes. C’est la première des batailles victorieuses qui se succédèrent rapidement dans ce qui sera plus tard nommé « l'Offensive des Cent-Jours », jusqu'à l'armistice. Le champ de bataille s'étend de la ville d'Albert à la ville de Montdidier de part et d'autre de la Somme. Le corps expéditionnaire britannique du maréchal sir Douglas Haig dirigea l'offensive appelée Bataille d'Amiens. L'attaque fut destinée à libérer une large partie de la ligne de chemin de fer entre Paris et Amiens, occupée par les Allemands depuis l'opération Michael, menée au mois de mars. L'offensive fut déclenchée le 8 août 1918 à 4h 20 du matin et dut avancer méthodiquement sur un front de 25 km. L'attaque précédée par un bref tir de barrage et plus de 400 tanks, survolés par de nombreux avions, ouvre l'avancée des 11 divisions britanniques engagées dans la première phase de l'assaut. Du côté français, les moyens mis en œuvre étaient plus faibles, la 1re armée française déclencha une préparation d'artillerie de 45 minutes avant le début de l'attaque. Le comportement de l'armée allemande donna des signes de faiblesse, certaines unités en première ligne fuirent les combats sans opposer beaucoup de résistance, d'autres, quelques 15 000 soldats, se rendirent rapidement et 2 000 pièces d'artillerie furent capturées. Le lendemain, de nombreux autres soldats allemands furent faits prisonniers. Quand la nouvelle parvint au général Ludendorff, chef d'état-major général adjoint, il qualifia le 8 août de « jour de deuil de l'armée allemande ».

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Le 10 août, la bataille d'Amiens-Montdidier évolua vers le sud du saillant tenu par les Allemands. La Ire armée française, avec à sa droite la 3e armée (Humbert) en direction de Lassigny, se dirigea sur Montdidier, elle força les Allemands à abandonner la ville et permit la réouverture de la ligne de chemin de fer Amiens-Paris. Sur tout le front, les Allemands étaient repoussés. De juillet à novembre, Foch multiplia les contre-offensives en Champagne et Picardie, de la Meuse à la mer. L’armée allemande recula vers la Belgique. En septembre 1918, 500 000 soldats américains débarquèrent et passèrent à l’offensive. Dans les Balkans, l’armée franco-serbe écrasa les Bulgares. Menacée d’invasion, la Bulgarie demanda l’armistice en septembre 1918. En octobre, la Turquie négocia un accord avec le Royaume-Uni. Dans les Alpes, les Italiens enfoncèrent les Austro-hongrois à Vittorio-Veneto, le 27 octobre. Le 3 novembre, menacée d’éclatement à cause des minorités qui voulaient leur indépendance, l’Autriche-Hongrie signa un armistice sans conditions dans la Villa Giusti près de Padoue. Malgré les efforts conciliateurs de l’empereur Charles Ier, successeur de FrançoisJoseph, mort en novembre 1916, cet armistice ne sauva pas la double monarchie : les Slaves du sud (Yougo-Slaves) quittèrent l’empire, la République Tchèque fut proclamée, la Hongrie se sépara de l’Autriche. L’Empire austro-hongrois avait cessé d’exister. En Allemagne, l’armée refusa de céder et passa la main aux civils le 29 septembre 1918. Le 3 novembre, la révolution éclata à Kiel et la République fut proclamée le 9 novembre à Berlin, l’empereur Guillaume II s’enfuit aux Pays-Bas. Le 11 novembre 1918, dans une futaie de Rethondes (forêt de Compiègne), à l’intérieur d’un wagon de chemin de fer, les envoyés du gouvernement provisoire allemand signèrent l’armistice mettant fin à la Grande guerre.

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Pour conclure ces quatre ans et quatre mois de la Grande Guerre, laissons les derniers mots à l’Historique du 112ème Régiment d’Artillerie Lourde.

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Oui, c'était bien vrai. L'ordre était là : « Les hostilités sont arrêtées sur tout le front à partir du 11 novembre, 11 heures, heure française. » Prés de leurs canons muets et déjà refroidis, nos artilleurs regardaient dans la plaine les files grises qui déjà reprenaient lentement le chemin de leur Allemagne vaincue. Ces mots, qu'en leurs longues années de souffrance, ces soldats n'osaient plus prononcer : « La victoire, la fin de la guerre, la paix », étaient désormais une réalité. Mais cette soirée brumeuse du 11 novembre n'entendit pas leurs chants et leurs cris de joie. Le silence couvrait l'immense champ de bataille, et, groupés autour des feux de bivouacs qu'on pouvait maintenant allumer sans crainte, les hommes, eux aussi, étaient silencieux. Leur pensée allait vers tous ceux qui ne pouvaient voir cette première nuit où l'on ne combattait plus, vers tous ceux que l'on avait laissés derrière soi à chaque étape du long calvaire, vers les morts de 1914, dont on ne parlait déjà presque plus et vers les morts de la veille, vers ceux qui étaient tombés en arrivant au but. Pauvres camarades morts. Chacun a un souvenir ému et reconnaissant pour eux, dont le sacrifice nous a valu la victoire. Et puis, la gaieté revint. La gaieté revint parce que ces hommes avaient échappé à la mort, et qu'ils étaient jeunes ; parce que l'on allait revenir chez soi, content, malgré tout, d'être parmi ceux « qui avaient fait la guerre » ; parce qu'aussi ils étaient fiers d’être de ces soldats auxquels le maréchal Foch disait le 14 novembre : « Vous avez gagné la plus grande bataille de l'histoire. » Ils repassèrent ces longues années de misère et de gloire, se racontèrent l'un à l'autre ce qu'ils avaient vu ou fait de plus saillant. Et ils s'aperçurent que tout cela était déjà du passé, des choses qu'il fallait classer parmi les vieilleries, qui ne serviraient que plus tard à distraire leurs petits-enfants. Déjà, pressant et proche, l'avenir les appelait. La France avait besoin de leurs activités jeunes pour d'autres tâches, d'autres combats. De mois en mois, par groupes, suivant leur classe, ils dirent adieu à leurs camarades, puis s'en allèrent chacun de son côté. Mais il est une chose qu'aucun « ancien » des groupes du 112ème R. A. L. n'oubliera de sa vie. Il n'oubliera de sa vie que, s'il a pu, pendant cinq années, vivre les horreurs glorieuses qu'il a vécues, c'est qu'il a lutté et souffert côte à côte avec d'autres hommes, des hommes de toute province, de tout rang, de toute opinion. Le souvenir de cette entraide, de cette franche et simple camaraderie, lui sera doux parmi tant de visions de mort laissées dans sa mémoire par la guerre. Sa batterie, son groupe, resteront pour lui comme des personnes vivantes et aimées. Tous ces hommes, qui ont souffert cinq années et dont beaucoup sont morts, méritent que les traditions de loyale amitié et d'absolue soumission au devoir quel qu'il soit, qui furent les leurs pendant la guerre, demeurent toujours intactes parmi les officiers et les hommes du 112e R. A- L.

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Il serait faux de croire qu’au matin du mardi 12 novembre 1918, tous les Poilus valides prirent le train et rentrèrent dans leurs foyers. Si la mobilisation fut rapide la démobilisation le fut beaucoup moins. En novembre 1918, les députés décidèrent que « dès que les conditions de l’armistice auront été remplies, la libération des hommes se fera classe par classe. » Les plus anciens furent libérés d’abord. Ceux des classes 1887 (qui avaient 20 ans en 1887) à 1891 (qui avaient 20 ans en 1891) du 16 novembre au 20 décembre 1918. Ceux des classes 1891 à 1906 du 25 décembre 1918 au 3 avril 1919. Sur les cinq millions de Français encore sous les armes, trois millions avaient regagné leurs foyers en avril 1919. Il restait ceux des classes 1907 à 1911 qui rentrèrent du 9 juillet au 9 août 1919 et ceux des classes suivantes dont le retour s’échelonna jusqu’au 14 juin 1920. Chacun toucha une indemnité fixe de 250 francs et 20 francs par mois de présence dans une indemnité combattante.

Jean-Louis rentra en gare de Noailles le 29 juillet 1919, il avait trente et un ans. Antoine de Lassalle qui mourut à trente quatre ans à la bataille de Wagram le 6 juillet 1809 avait beau dire « Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre », JeanLouis avait survécu à la plus grande guerre de l’histoire de France. Il retrouva Eugénie qui avait vingt-sept ans. Trois, cinq et sept ans plus tard, naquirent les trois sœurs Laumond, Andrée, Noëlle et Marthe… Mais c’est une autre aventure.

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Sources

Archives départementales de la Corrèze

http://www.archives.cg19.fr/recherche/archiveenligne/

Archives départementales du Lot https://archives.lot.fr

Historique du 21e régiment d’artillerie de campagne https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63361622.texteImage#

Historique du 105e régiment d’artillerie lourde https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63152681.texteImage

Historique du 110e régiment d’artillerie lourde https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6226092b.texteImage

Historique du 112e régiment d’artillerie lourde https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62340972.texteImage

Historique du 101e régiment d’infanterie de ligne https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k873220f.r=101e+infanterie.langEN

Je me suis, bien sûr, inspiré des cours sur la Première Guerre Mondiale que j’ai donnés en Première et en Lettres Supérieures. L’écriture d’un mémoire sur la dernière année de la Grande Guerre, de la nomination de Clemenceau à l’armistice, qui faisait suite à une conférence que j’avais donnée en 2017, m’a été utile.

Gérard DELMAS

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