La fibre entrepreneuriale

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Création d’entreprise SECTEUR DES TIC

- Un secteur hétérogène - De l’entrepreneur solitaire à l’équipe projet - Création assistée - Les clés de la réussite

Entreprises innovantes

La fibre entrepreneuriale Le développement est aussi difficile que la création est aisée

Les stigmates de l’explosion de la bulle Internet du début des années 2000 semblent bel et bien effacés et oubliés : le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) est aujourd’hui très dynamique en France. De nombreuses start-up voient le jour dans des secteurs aussi variés que l’édition de logiciel et l’e-commerce. Si le mythe du jeune étudiant dans son garage persiste, l’entrepreneur solitaire cède de plus en plus la place à des binômes composés d’ingénieurs et de commerciaux. Car si la création d’une start-up TIC coûte de moins en moins cher et les financements ne manquent pas, une bonne R&D n’est pas garantie de succès. Pour survivre à la concurrence, il est crucial de s’emparer rapidement de niches de marché inexplorées et de faire ses preuves auprès des clients.

Par Andrea Paracchini u début des années 90, les premières start-up bleu-blanc-rouge dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) font leur apparition. En retard par rapport à d’autres pays, notamment les Etats-Unis, la France connaît à cette époque l’arrivée des réseaux de téléphonie mobile GSM et des premiers fournisseurs d’accès Internet (FAI). Ces pionniers, dont certains sont toujours là, s’appellent Libertysurf, Club Internet ou Promovacances. Entre 1993 et 2001, la France rattrape son retard avec quelque 84535 nouvelles entreprises créées dans ce secteur, pour 162000 emplois. Deux enseignants-chercheurs du Groupe Sup de Co Montpellier Business School, Frank Lasch, directeur de recherche, et Frank Robert, responsable du département Management & Stratégie, ont mené une étude sectorielle sur cette phase d’émergence: “Cinq ans après leur création, seules 38,7 % des entreprises TIC avaient survécu, alors que le taux est de

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51 % dans la moyenne-haute technologie et de 46,3 % dans les secteurs non innovants.” Néanmoins, les start-up qui survivent sur ce secteur peu favorable à la création se développent

rigine d’un emploi sur quatre ces dix dernières années en France. De quoi susciter le plus grand intérêt de la part des collectivités, qui n’hésitent plus à ouvrir technopôles, incubateurs et pépi-

Les TIC ont été à l’origine d’un emploi sur quatre ces dix dernières années en France et compensent les pertes jusqu’à ce qu’en 2000 la bulle Internet n’éclate et emporte avec elle bon nombre de sociétés. Mais très vite, le secteur retrouve son rythme de croissance: en 2010, 34652 entreprisesTIC ont été créées, soit un peu plus d’une nouvelle entreprise sur vingt. Moins que les faillites - 2215, soit 3,8 % du total - malgré la crise. Aujourd’hui, le secteur TIC représente 4,1 % de la richesse nationale et emploie près de 650000 salariés à temps plein. Selon une étude présentée par le cabinet McKinsey lors du e-G8 Paris en mai 2011, les TIC ont été à l’o-

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nières pour accompagner la création d’entreprises innovantes dans les TIC. Archos, Iliad (Free), Meetic, Rue du Commerce, Viadeo, Wengo, Criteo ou Talend ne sont que les exemples les plus connus des champions hexagonaux, bien qu’aucun ne soit comparable aux géants américains tels Google, Microsoft ou Facebook.

Un secteur hétérogène

Mais quel est le point commun entre un site de vente en ligne et un réseau social professionnel? Le périmètre du secteur des TIC est en effet

assez large pour comprendre la fabrication, commercialisation de gros et réparation de composants, ordinateurs, périphériques, équipements de communication, produits électroniques et supports mais aussi l’édition de logiciel, l’ensemble des télécommunications, la programmation et le conseil en informatique et enfin le traitement de données et leur hébergement. Aujourd’hui en France, le poids de l’industrie de fabrication est modeste. Selon les données publiées par l’Observatoire du numérique, au moment de la crise de 2008, les services représentaient déjà quelque 132 milliards d’euros, soit deux tiers du chiffre d’affaires du secteur, et plus de 520000 emplois. Un poids qui s’explique par la facilité d’accès au marché pour ces prestations immatérielles. Pour Anne Darnige, en charge des services innovants à la direction de l’Expertise d’Oseo, deux typologies d’entreprises de service TIC existent: “Celles basées sur un cœur technologique, parfois résultat d’un transfert d’un laboratoire de recherche, et celles qui pro-

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Création d’entreprise SECTEUR DES TIC posent des services innovants à travers de nouveaux usages, reposant sur des technologies dans l’état de l’art.” Selon les données collectées par Frank Lasch et Frank Robert, le poids de ces deux typologies ne serait pas comparable: “En effet, 9 % des créations se font dans le domaine de la haute technologie industrielle, contre 89% dans celui des services.” La distinction entre les deux est de moins en moins facile à faire. “Pour qu’une technologie puisse générer un business, il est essentiel de trouver sur le marché une demande solvable pour un service qui inclut cette technologie”, affirme Laurent Kott, président du directoire d’ITTranslation, financeur spécialisé dans les startup issues des laboratoires de recherche. Cruciale dans un domaine en constante mutation, une R&D de pointe ne suffit pourtant pas pour connaître le succès. “La meilleure barrière contre la concurrence consiste à trouver rapidement des clients auprès desquels faire ses preuves”, résumet-il. Surtout depuis que la culture de l’opensource (logiciel libre de droit) a fait son irruption. Pour Jean-Michel Huet, directeur associé Emerging Markets, Communications, Contents, Energy and Utilities chez BearingPoint, la poussée du logiciel libre est un atout pour ces start-up: “Elles peuvent ‘externaliser’ une partie du développement auprès d’une communauté d’usagers qui teste l’application pour elles.”L’utilisateur est désormais au cœur du processus. “Une des caractéristiques de l’innovation de service, c’est que le point de départ de l’innovation, ce n’est plus le laboratoire mais plutôt l’usager, le client, le consommateur”, rappelle Philippe Mustar, professeur aux Mines Paris Tech. Plutôt qu’une R&D linéaire, avec des versions qui se succèdent, on a un retour en boucle entre l’entreprise et l’utilisateur. Anne Darnige le souligne: “Il n’est d’ailleurs plus rare que les entreprises de TIC travaillent avec des compétences en sciences humaines et sociales pour anticiper les usages de demain de technologies émergentes et/ou la création de nouveaux services.”

De l’entrepreneur solitaire à l’équipe projet

Nouveaux services, nouveaux usages, mais aussi nouveaux profils d’entrepreneurs. Certes, l’entrepreneur solitaire existe toujours. “Nous les appelons les kamikazes: ils se distinguent par leur faibles préparation, expérience entrepreneuriale et connaissance du secteur TIC, explique Frank Robert. Ils constituaient un tiers des créateurs d’en-

La création d’entreprise dans le domaine des TIC est de plus en plus accessible treprise de notre échantillon représentatif et montraient un taux d’échec plus élevé.” Jean-Michel Huet confirme une présence importante d’autodidactes dans le secteur, mais il reste difficile de savoir combien ils sont exactement aujourd’hui. Bien différent est le portrait du startupperTIC lambda dressé par les professionnels de l’accompagnement. “Dans l’Internet mobile et le software, on rencontre des diplômés issus d’une formation télécom, témoigne Philippe Gluntz, président de France Angels. Alors que dans l’ecommerce les profils sont plus variés, avec de plus

en plus de binômes composés d’un expert de Webmarketing et d’un professionnel avec une bonne expérience dans la distribution classique.” Une cohabitation souhaitable mais pas toujours facile à gérer: “On ne manage pas de la même manière un chercheur, un geek développeur d’applications ou un commercial”, souligne JeanMichel Huet. Sans compter que cette multiplicité de profils n’est pas toujours à la por-

Les pôles de compétitivité comme booster d’innovation

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diplômés représente un formidable accélérateur pour le recrutement de clients et de partenaires. Les enquêtes de Frank Lasch et Frank Robert ont montré que ces jeunes diplômés ont encore plus de chances de réussite lorsqu’ils bénéficient d’une expérience entrepreneuriale en famille ou dans leur entourage proche. Un constat qui n’a pas empêché la technopole du Val-d’Oise de partir, avec le projet “Val de France Numérique”, à la recherche de nouveaux talents dans les quartiers sensibles. “Dans ces quartiers, les jeunes ont tous une grande appétence pour le numérique. Notre mission est de la canaliser vers la création d’entreprise.”

Création assistée

La création d’entreprise dans le domaine des TIC est en effet de plus en plus accessible: il y a moins besoin de financement aujourd’hui qu’il y a dix ans, car la partie technique coûte moins cher et les développeurs peuvent s’appuyer sur des modules open source. Ainsi, une entreprise de service peut se monter avec 200000 à 1 million d’euros, alors que pour de la technolo-

“Nous sommes très sélectifs, sachant qu’en amorçage on juge à l’horizon de cinq ans et qu’on peut donc toujours se tromper…” Eric Harlé, i-source.

gie de pointe ou du logiciel des montants allant jusqu’à 10 millions d’euros peuvent être nécessaires. Certaines entreprises arrivent même à s’autofinancer avec leurs premiers clients. C’est le cas de BlogSpirit, success story française créée en 2004 avec seulement 15000 euros de capital. “C’est paradoxal, mais plus l’entreprise est petite, moins on vous donne d’argent, explique Philippe Pinault, directeur général et cofondateur. Ce n’est qu’en 2007 que nos partenaires industriels et académiques nous ont orientés vers les aides publiques.” La panoplie est large: le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), les labels et prix Oseo, le Grand Emprunt, le Fonds unique interministériel pour la R&D collaborative dans les pôles de compétitivité, sans oublier le Crédit d’impôt recherche (CIR).Véritable spécificité française, le CIR – 30 % des dépenses de R&D jusqu’à 100millions d’euros investis, 5% au-delà – profite tout particulièrement aux petites entreprises, dont de nombreuses sociétés de TIC. Première dépense fiscale de l’Etat avec 4 milliards en 2009, le dispositif a été lourdement critiqué mais, malgré quelques retouches, est pour l’instant maintenu, notamment pour ses vertus contracycliques. Des aides locales existent également, comme le Fonds Paris Innovation Amorçage, créé il y a deux ans par Oseo et la Ville de Paris et doté de 8 millions d’euros. “Mais attention à ces subventions, met en garde Laurent Kott. Les entrepreneurs risquent d’aller d’aide en aide sans rapport avec leur road map. On finit par oublier que le vrai but est de trou-

Financement

La bulle 2.0 n’est pas pour demain

“Le pôle de compétitivité facilite l’accès à un écosystème où se confronter avec d’autres expériences, trouver les bons interlocuteurs et de nouveaux clients.” Jean-Noël de Galzain, System@tic.

dits R&D dont les dossiers sont très complexes à monter, précise Jean-Noël de Galzain. Ils permettent aussi de ‘chasser en meute’ pour lever des financements.”

“L’intérêt d’intégrer un pôle est d’autant plus élevé que l’entreprise repose sur de la haute technologie” Cap Digital et System@tic, confirme François Teyssier de Paris Incubateur Créanova. Mais l’intérêt d’intégrer un pôle est d’autant plus élevé que l’entreprise repose sur de la haute technologie.” Pour Anne Darnige, expert sectoriel “services innovants et multimédia” à Oseo, l’accès à des projets collaboratifs de pôles de compétitivité ne s’improvise pas: “La PME doit d’abord se créer une valeur propre autour d’une offre afin de négocier au mieux sa place dans un partenariat avec, par exemple, les acteurs d’un pôle.” Il est également dangereux de concevoir le pôle comme un raccourci pour ratisser des subventions. Même si dans les pôles, l’argent coule vite. “Ils accélèrent l’accès aux cré-

Teyssier de Paris Incubateurs Créanova. C’est pourquoi Christophe Poupart, directeur d’Accet-Val-d’Oise Technopole, n’hésite pas à aller les chercher avant même qu’ils terminent leur cursus. “En France, nous comptons 20 Pôles Entrepreneuriat Etudiants (PEE), dont la mission est de détecter les projets directement au sein des établissements d’enseignement supérieur.” Sur les 12 projets incubés aujourd’hui chez Accet, la moitié est portée par un étudiant. Pour JeanMichel Huet, les entrepreneurs sortant des grandes écoles ont un grand avantage: le réseau des

Les facteurs clés de succès: l’âge (synonyme d’expérience), la connaissance du domaine des TIC et du fonctionnement d’une PME, la préparation à la création, le capital et le portefeuille de clients au départ

TIC

Depuis 2005, plus de 70 pôles de compétitivité ont vu le jour en France, accueillant quelque 7000 établissements et entreprises et 15000 chercheurs. Leur mission: faciliter la collaboration entre start-up innovantes, laboratoires de recherche et grandes comptes autour de projets de R&D collaboratifs. En sept ans, ce sont ainsi environ 900 projets qui ont été menés pour 6 milliards d’euros de financements accordés au total. Les TIC tiennent une place importante dans nombre de ces projets, notamment dans ceux issus des pôles spécifiquement consacrés à ce secteur: quatre pôles mondiaux (Aerospace Valley, Minalogic, Solutions Communicantes Sécurisées et System@tic), quatre pôles à vocation mondiale (Images&Réseaux, Cap Digital et Mer Bretagne et Paca) et trois pôles nationaux (Elopsys, Imaginove et Transactions Electroniques Sécurisées). Jean-Noël de Galzain est vice-président de System@tic, un pôle situé en région parisienne réunissant 400 PME, 100 groupes et 100 établissements de recherche (laboratoires d’excellence et grandes écoles). Il a intégré System@tic avec Wallix, l’entreprise de solutions de sécurité informatique qu’il a créée en 2003, et ne regrette pas son choix. “Un chef d’entreprise est assez isolé, explique-til. Le pôle de compétitivité facilite l’accès à un écosystème où se confronter avec d’autres expériences, trouver les bons interlocuteurs et des nouveaux clients.” Sachant que le pôle ne fait pas de miracles et qu’il peut ne pas être adapté à tous les cas. “La plupart des entreprises de notre incubateur ont des relations avec

tée des jeunes sociétés: “Dans les start-up issues de la recherche, le créateur n’a pas de profil commercial et souvent ne peut pas se permettre de s’entourer d’une équipe marketing. Il doit alors vendre lui-même son produit”, reconnaît Laurent Kott. Sans compter que les start-up TIC n’ont pas la cote au sein des écoles de commerce. “Les jeunes diplômés sont beaucoup plus attirés par les grands groupes que par les PME”, reconnaît François

Depuis l’approbation de la loi Tepa en 2008, il organise par exemple des opérations “coup-de-poing ISF” pour présenter des start-up de System@tic à des fonds ISF ou des business angels. La première édition a permis à trois entreprises de lever 300000 euros en trois mois. Jean-Noël de Galzain est également le porteparole du label “entreprise innovante des pôles”, lancé en 2010 avec pour objectif de permettre aux TPE et PME membres des pôles d’accroître leur visibilité auprès des investisseurs privés. Son pôle a labellisé 27 des 85 sociétés ayant obtenu le label et ainsi levé quelque 20 millions d’euros en 2011. A.P.

En novembre dernier, le leader de l’achat groupé sur Internet Groupon faisait son entrée en Bourse avec une valorisation de 13 milliards de dollars. A peine un mois plus tard, Zynga, géant du jeu vidéo, signait la plus importante capitalisation boursière d’une société américaine dans le domaine Internet depuis 2004, quand Google avait levé sur le marché quelque 1,7 milliard de dollars. Les analystes scrutent désormais attentivement les pas de Facebook, la seule société dont la mise sur le marché pourrait faire voler en éclats ce record… En même temps, face à ces chiffres, des inquiétudes font surface. Le souvenir de la

d’abandonner le secteur des TIC: “Il y a un bon potentiel, notamment dans l’e-commerce, confirme Philippe Gluntz, président de France Angels. En période de crise, la Bourse et l’immobilier sont trop risqués: mieux vaut investir près de chez soi, dans des PME que l’on connaît.” Cette confiance repose notamment sur un contexte ayant fortement évolué par rapport à il y a dix ans. “A l’époque, 20 % de Français avaient un accès Internet alors qu’aujourd’hui on est à 60 %, rappelle Jean-Michel Huet, directeur associé Emerging Markets, Communications, Contents, Energy and Utilities chez BearingPoint. On est confronté à une réalité de marché

“En ce moment, ce sont plutôt les green tech et clean tech qui sont exposées à un risque de bulle” bulle Internet de 2000 est encore très présent dans les esprits et certains signaux laissent craindre une “bulle 2.0”. Le modèle économique de Groupon par exemple soulève de nombreuses questions et les autorités boursières américaines sont plusieurs fois intervenues ces derniers mois pour dénoncer des manœuvres spéculatives. De ce côté de l’Atlantique néanmoins, la situation semble plus tranquille. “Les phénomènes de bulle ou microbulle sont atténués dans le cas des startup françaises, car elles se positionnent souvent sur un marché plus réduit.” Les capital-risqueurs hexagonaux se veulent rassurants: “En ce moment, ce sont plutôt les green tech et clean tech qui sont exposées à un risque de bulle”, estime Eric Harlé, président du directoire d’i-Source, venture capital spécialisé dans les start-up TIC. Et les business angels ne sont pas près

différente: aujourd’hui les Français passent deux heures par jour devant Internet, n’ont plus peur d’acheter en ligne et les modèles publicitaires sur le Net commencent à dégager de vrais chiffres d’affaires.” C’est pourquoi on voit réapparaître – et souvent réussir – des projets qui, il y a une décennie, n’avaient pas fait long feu. Les risques industriels se sont d’ailleurs réduits, remarque Laurent Kott, président du directoire d’IT-Translation, financeur d’entreprises de technologies issues de la recherche publique: “Il y a dix ans il fallait investir sur bande, stockage, puissance de calcul… au risque de se doter d’une infrastructure surdimensionnée. Aujourd’hui on peut la louer et l’adapter en fonction des besoins de croissance.” A.P.

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Création d’entreprise SECTEUR DES TIC ver des clients!” Du côté du financement privé, les solutions sont aussi abondantes. Pour la phase d’amorçage, les start-up TIC s’adressent prioritairement aux business angels qui se montrent très intéressés par ce secteur. “Sur les 350 investissements réalisés par des business angels en 2010, 150 l’étaient dans des sociétés de TIC, notamment dans l’e-commerce”, confirme Philippe Gluntz. Investisseurs patients, ils acceptent d’accompagner le déve-

classement des investissements en capitalrisque - juste derrière le secteur médical et biotech - avec 83 millions d’euros investis dans 73 entreprises. En ajoutant les 17millions d’euros investis dans les entreprises de télécom et communication, le secteur TIC cumule 100 millions d’euros d’investissements, soit presque un tiers du montant global investi en capital-risque. Une belle performance par rapport à 2010, où les TIC étaient devancées non seulement par les biotechs mais aussi par le secteur de l’énergie. En novembre dernier, France Télécom-Orange et Publicis Groupe ont annoncé la création d’un fonds doté au départ de 150 millions d’euros dont l’un des axes d’investissement visera les jeunes sociétésTIC pour

conseils, compétences et carnets d’adresses de leurs business angels”, souligne Didier Tranchier, président du réseau d’investisseurs IT Angels. Un accompagnement plus structuré peut avoir un impact très favorable sur les chances de survie: 78% des 300 entreprises accompagnées depuis 1998 par les incubateurs de laVille de Paris sont encore là. Certes, lorsqu’on mise sur de nouveaux usages numériques, les risques sont plus élevés car il n’y a pas de référentiel:“Qui aurait imaginé qu’on pouvait vendre des chaussures sur Internet?”, avoue Philippe Gluntz. Il y a quand même un certain consensus autour d’un certain nombre de facteurs clés de succès. Frank Lasch et Frank Robert pointent notamment l’âge (synonyme d’expérience), la connaissance du

“78 % des 300 entreprises accompagnées depuis 1998 par les incubateurs de la Ville de paris sont encore là”

“La meilleure barrière contre la concurrence consiste à trouver rapidement des clients auprès desquels faire ses preuves.” Laurent Kott, IT-Translation.

loppement de l’entreprise sur le long terme. Les capital-risqueurs aussi ne boudent pas le secteur. Selon les données publiées par l’Afic, l’informatique se situe à la deuxième place du

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des montants allant jusqu’à 1 million d’euros. Un outil de plus dans un domaine où la concurrence est devenue rude. “Nous recevons 1000 dossiers chaque année, mais ne réalisons que 6 nouveaux investissements par an, confie Eric Harlé, président du directoire d’i-Source, venture capital spécialisé dans les start-upTIC. Nous sommes donc très sélectifs sachant qu’en amorçage on juge à l’horizon de cinq ans et qu’on peut donc se tromper…”

Les clés de la réussite

En général, les observateurs s’accordent à considérer le marché des TIC comme un terrain plutôt sûr pour la création d’entreprise: le taux d’échec ne dépasserait pas 30 % à court-moyen terme. A condition d’apprendre vite à nager dans un écosystème qui change rapidement: “Les entrepreneurs doivent savoir tirer profit des

domaine des TIC et du fonctionnement d’une PME, la préparation à la création, le capital et le portefeuille de clients au départ. “Attention en revanche au mythe des opportunités apparentes du marché international”, mettent-ils en garde. Souvent considérée comme un atout important pour les sociétés TIC, l’internationalisation est en fait source de risques, notamment à cause de la compétition accrue. Et attention également aux conflits qui peuvent naître au sein de l’équipe, l’un des facteurs le plus courants d’éclatement d’une société. Même si FrançoisTeyssier nuance: “Si les désaccords entre associés se manifestent, c’est souvent parce que le produit ou le service ne rencontre pas le succès commercial escompté.” Une gestion RH soignée est donc nécessaire mais pas suffisante. Pour soutenir les jeunes pousses, certains appellent les pouvoirs publics à jouer leur rôle. “En introdui-

sant par exemple un Small Business Act à la française, obligeant les gros comptes à faire un quart de leurs achats auprès des PME françaises”, évoque Jean-Noël de Galzain, vice-président du pôle de compétitivité System@tic et chef d’entreprise. Sans oublier les investissements dans la fibre optique et le très haut débit, infrastructure cruciale pour le développement du secteur TIC.

CHIFFRES REVELATEURS

Ratio positif En 2010, le ratio entre création et suppression d’entreprises TIC était positif. 34652 start-up ont vu le jour – un peu plus d’une nouvelle entreprise sur vingt – alors que, malgré la crise, seulement 2215 ont mis la clé sous la porte. Source: Insee, Répertoire des Entreprises et des Établissements Sirène TIC (Technologies de l’information et de la communication) ; PEE (Pôles Entrepreneuriat Etudiants) ; JEI (Jeune Entreprise Innovante); CIR(Crédit d’Impôt Recherche) A lire également : Création d’entreprise - PÉPINIÈRE - Apprendre à voler de ses propres ailes - Le nouvel Economiste N° 1566 - 12 mai 2011 - sur lenouveleconomiste.fr

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