La conduite du changement

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Développement durable & RSE

La conduite du changement Les MBA Développement durable font florès, en attendant de trouver véritablement leur place en entreprise

Le vent du développement durable souffle sur les MBA: chaque formation se voit aujourd’hui enrichie d’un module en la matière et de nombreuses écoles proposent désormais des formations axées à 100% sur la question. Leur credo: installer le développement durable au cœur des stratégies d’entreprise. Séduisant sur le papier, moins dans la réalité, où préoccupations écologiques et RSE demeurent, pour l’heure, encore trop souvent cantonnées à un rôle de bonne conscience de l’entreprise,et dévolues aux managers les plus réceptifs – ou les moins rétifs – à ces questions.

“Le développement durable devient un vrai business problem pour les entreprises: que ce soit sur des aspects environnementaux liés au changement climatique ou sur des questions sociales relatives à la RSE”

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es dernières années, le développement durable a pris une place grandissante dans la réflexion stratégique des entreprises. Qui plus est, la publication de la norme ISO 26 000 a boosté les notions de Responsabilité sociale d’entreprise (RSE). Parmi les effets indirects de cette prise de conscience, partout dans le monde, les programmes des MBA ont réagi et se sont adaptés à ces mutations. Alors que la finance et les principaux acteurs de l’économie mondiale se retrouvaient sur le banc des accusés de la crise mondiale, les écoles qui ont formé la plupart de leurs dirigeants ne pouvaient pas échapper à une remise en question de leurs programmes. Depuis 1999, l’Aspen Institute réalise un classement des plus prestigieux MBA à l’échelle de la planète, prenant

Compétence transversale

“Auparavant, le développement durable était uniquement abordé dans des cours optionnels”, reconnaît Craig Smith, Chaired Professor of Ethics and Social Responsibility à l’Insead. Aujourd’hui il grignote de plus en plus de place dans l’ensemble du programme. “C’est parce que le développement durable devient un vrai business problem pour les entreprises : que ce soit sur des aspects environnementaux liés au changement climatique ou sur des questions sociales relatives à la RSE, les écoles de commerce doivent s’en occuper”, résume celui qui aujourd’hui tient un cours obligatoire sur l’éthique dans les

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affaires. Même constat du côté d’Audencia, une école pionnière dans l’intégration des notions de développement durable. En 2004, celle-ci a été parmi les premières écoles de commerce à signer le Pacte mondial des Nations Unies, connu aussi sous le nom de Global Compact. Invité en 2006 par l’ONU à réfléchir sur la notion d’école de management responsable, Audencia a fait du MBA son terrain d’expérimentation. “Il nous permet de tester sur un petit groupe d’étudiants les démarches qu’ensuite on décline sur l’ensemble de notre offre, école, mastères et formation continue”, explique André Sobczak, directeur de la recherche d’Audencia Group. “Pour construire notre offre, nous nous sommes dit que toute entreprise aurait besoin de managers capables d’intégrer le développement durable de façon transversale : des financiers qui ne pensent pas qu’aux actionnaires et à la rentabilité, des responsables marketing capables d’éviter les pièges du greewashing, des cadres formés pour manier des indicateurs socio-environnementaux et des acheteurs responsables.” Compétence transversale, le développement durable a ainsi irrigué tout le programme, obligeant les professeurs à revoir leurs cours. “Désormais, dans le module de finance, on parle investissement socialement responsable

et microcrédit, dans celui de marketing on aborde les labels et la campagne responsable, en comptabilité on étudie le reporting et la loi NRE [Nouvelles régulations économiques, ndlr.], en RH le management de la diversité ou les congés solidaires.” Plutôt qu’une nouvelle discipline, le développement durable est un concept déclinable sur toutes les différentes fonctions de l’entreprise.

Recrudescence de MBA spécialisés

A la rentrée 2011, la Business School de l’Université d’Exeter au Royaume Uni a lancé la première promo du One Planet

Darnel Lindor

Par Andrea Paracchini

spécifiquement en compte la place consacrée au développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises dans leur offre. “Beyond Grey Pinstripes” (“Derrière le costard”, en français) note la présence de cours obligatoires et facultatifs abordant l’impact social, éthique et environnemental, notamment dans les activités for-profit. Or, seulement deux écoles françaises figurent dans un top 100 dominé par les écoles et universités nord-américaines : l’Insead (Institut européen d’administration des affaires) de Fontainebleau à la 40e place, et Audencia Nantes, 67e.

“Je n’ai jamais vu une entreprise qui, parce qu’un profil existe, décidait de s’y adapter”, tranche Jean-Philippe Teboul, cabinet Orientation Durable

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MBA

“Un MBA est l’occasion de rendre plus visible sa candidature, mais l’entreprise embauche plus pour l’expérience que pour un diplôme.” Laurent Hürstel, Robert Walters France.

“Peut-être dans dix ans, le développement durable deviendra-t-il l’anglais des années 70: une compétence en plus que tout cadre doit avoir”

MBA. Conçu en partenariat avec le WWF (World Wildwife Fund), il ne s’agit que du dernier exemple d’un genre nouveau de MBA spécialisés qui fleurissent depuis quelques années. En France, plusieurs écoles proposent ce type de formation, en version full time, executive ou mixte. Lancé en 2009, l’executive MBA Développement durable et responsabilité sociale des organisations de l’Ecole de Management de Strasbourg souhaite répondre à la demande d’outils de conduite de changement des entreprises. “Le MBA balaye l’ensemble des fonctions de l’entreprise et permet de montrer que toutes sont concernées par la RSE, précise Pia Imbs, responsable de ce MBA. Une formation courte ou un séminaire ne suffiraient pas.” Un constat similaire à celui de Valérie Dulieu, directeur des MBA spécialisés de l’ISG (Institut supérieur de gestion) à Paris, dont celui consacré au développement durable créé il y a quatre ans : “Il y a peu de formations longues et diplômantes sur le management du développement durable. Aujourd’hui, on a plutôt des formations techniques sur le côté environnemental”. L’école affirme adapter chaque année son programme en fonction de l’actualité et des enjeux émergents des entreprises. Au programme, des modules généraux sur le développement durable et la RSE, des modules de management opérationnel avec des spécialistes de

chaque fonction (RH, informatique, achat), et enfin des modules de perspective et anticipation. Une formule encore différente est celle proposée par le MBA Management marketing de la responsabilité sociétale de l’Institut Léonard de Vinci (ILV). Il y a déjà huit ans, son directeur

stimulant l’adhésion.” Le programme existe en version fulltime sur une année, ou en parttime. Une mention enfin pour un MBA plutôt atypique, celui de l’Ipag Business school. Lancé en 2008 en partenariat avec l’université de Khazar (Azerbaïdjan), totalement en anglais, ce cursus

Au programme, des modules généraux sur le développement durable et la RSE, des modules de management opérationnel avec des spécialistes de chaque fonction, et des cours de perspective et anticipation Karim Zinaï lançait un MBA spécialisé en Marketing, communication et santé construit autour de trois axes : santé, bien-être et développement durable. “A l’occasion de la vague verte qui a précédé le sommet de Copenhague en 2009, nous avons constaté que nombre d’étudiants intégraient ce MBA principalement pour sa composante développement durable.” D’où l’idée d’opérer une scission en 2008. Mais ce qui fait la véritable spécificité du programme de l’ILV est la place du marketing et de la communication comme discipline transversale au côté des notions de développement durable. “Le marketing est pilier et moteur d’une démarche développement durable et RSE, explique le responsable. Il faut que tous les acteurs sachent valoriser les informations pour émettre des messages

s’intéresse au binôme Energie et développement durable. En effet, il propose une série de modules de spécialisation que les élèves, surtout des jeunes étrangers issus de pays en développement, abordent à la suite d’un tronc commun consacré aux différentes fonctions de l’entreprise. Avec 8 000 euros de frais d’inscription, il se veut le “moins cher de marché”.

Le problème de la conduite du changement

Malgré leurs spécificités, tous ces MBA spécialisés affichent haut et fort une même volonté : mettre le développement durable au cœur de l’entreprise. Une mission certes louable mais qui laisse perplexes les spécialistes du secteur. “Je n’ai jamais vu une entreprise qui, parce qu’un profil existe, décidait de s’y adapter”, tranche Jean-Philippe Teboul, directeur associé du

cabinet de recrutement Orientation Durable. Trop naïf de croire qu’il suffirait de créer des MBA Développement durable pour gagner toutes les entreprises de France à la cause. Pour Paul Boulanger, directeur du cabinet de conseil Inddigo, le déclencheur de toute stratégie de développement durable reste le dirigeant. “Soit il agit poussé par une motivation personnelle, volontariste, soit il réagit à la pression des clients et/ou du marché”, analyse le consultant. Le moteur du changement ne serait donc pas le cadre avec son MBA en poche, mais la volonté d’attirer de l’ISR (Investissement socialement responsable) et des consommateurs responsables, ou encore de se mettre en conformité avec le nouveau contexte normatif. Le problème aujourd’hui est donc plutôt de conduire le changement, de déployer la stratégie. Et c’est là que des managers mieux formés peuvent être utiles. “Les managers doivent à la fois comprendre ce qui change dans leur manière de travailler et motiver les autres, mais aussi renégocier les objectifs avec la direction.” A ce propos, les experts aiment faire le parallèle avec les démarches de qualité dans les années 90 : les meilleurs spécialistes ont tout de suite trouvé des postes, mais il a fallu attendre qu’ISO gagne la bataille des standards pour avoir une vraie dynamique d’embauches. “Peut-être dans dix ans, le développement durable deviendra-t-il l’anglais des

E-learning

Les MBA peinent à s’y mettre La formation à distance ou e-learning gagne du terrain au sein des entreprises françaises, mais reste une formule largement minoritaire pour des diplômes haut de gamme comme les MBA. “Aux USA, l’offre est beaucoup plus abondante”, souligne Mike Hanson, le professeur américain qui en 2007 a convaincu l’Escem de lancer un MBA généraliste à distance. Une première, suivie quelque dix ans après de la création du Euro*MBA, une formation en e-learning proposée par un consortium de six grandes écoles européennes dont Audencia Nantes et l’IAE d’Aix-en-Provence. Face à cette pénurie d’offres, faut-il parler de retard ou de choix délibéré? Pour Mike

L’e-learning leur donne ainsi une plus grande flexibilité. “En contrepartie, la démarche d’apprentissage est beaucoup plus active. Les étudiants doivent s’imposer une certaine discipline.” A l’Euro*MBA, le taux d’abandon reste pourtant très faible: aucun des 32 participants de la promo 2011 n’a quitté le programme. A l’Escem, en revanche, l’opportunité d’étaler sur cinq ans le programme a encouragé quelques retards. “Nous comptons cinq diplômés depuis la création, mais leur nombre devrait doubler cette année”, rassure le directeur, qui rappelle n’avoir perdu qu’un seul élève. En ce sens, le rôle des enseignants est crucial, souligne Stuard Dixon. “Les

“Dans les années 90, la France utilisait encore le minitel, puis elle a soudainement rattrapé son retard. Avec l’e-learning, on va assister au même phénomène” Hanson, tout est question de patience: “Dans les années 90, la France utilisait encore le minitel, puis elle a soudainement rattrapé son retard. Avec l’e-learning, on va assister au même phénomène”. Certes, son MBA a été lent au démarrage et n’attirait quasiment que des étrangers des pays nordiques. Mais depuis, les Français s’intéressent un peu plus à cette formule, peut-être grâce à la baisse spectaculaire du prix d’inscription, passé de 22850 euros au lancement à 11900 euros. “Les participants sont notamment des expatriés en activité, âgés de 35 à 40 ans, qui souhaitent avoir un diplôme français.” Car le MBA à distance est souvent le choix de personnes qui ne pourraient pas suivre d’autres formules, reconnaît Stuart Dixon, directeur du Euro*MBA: “Beaucoup de nos élèves vivent dans des pays dont ils ne parlent pas la langue, ou sont fréquemment en déplacement, ce qui les empêche de fréquenter des écoles locales”.

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coûts de coordination d’un MBA à distance sont plus élevés car nous devons constamment travailler avec eux pour qu’ils puissent, à travers les technologies, créer un maximum d’interaction.” C’est là où le bât blesse, selon Isabelle Barth, directrice générale de l’EM Strasbourg: “Les participants d’un MBA veulent rencontrer des intervenants de grande qualité, leur poser des questions et croiser leur expérience avec le groupe”. Les quelques semaines en résidence que les MBA à distance proposent seraient à ce titre insuffisantes. C’est pourquoi Valérie Dulieu, directeur des MBA spécialisés de l’ISG, considère l’elearning comme plus adapté à des formations thématiques qu’à des sessions longues et diplômantes. La réponse pour Mike Hanson? “Nous allons vers du blended learning, mélange de cours à distance et activités en présence.” A.P.

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MBA Développement durable & RSE

Poitiers au lancement d’une chaire Compétences 21. “Si toutes les fonctions dans l’entreprise avaient des bases en développement durable, notre travail de directeur serait plus efficace, puisque nous n’aurions plus à nous battre contre les préjugés néga-

aucun mal à trouver une vingtaine de cadres pour chaque promo, mais il est même arrivé que la même entité lui envoie deux candidats : cela a été le cas avec la locale Chambre de commerce et d’industrie et avec l’entreprise Steelcase.

Malgré leurs spécificités, tous ces MBA spécialisés affichent haut et fort une même volonté: mettre le développement durable au cœur de l’entreprise “RSE et développement durable ne remplacent pas les compétences métier.” André Sobczak, Audencia Group.

années 70 : une compétence en plus que tout cadre doit avoir”, s’amuse Jean-Philippe Teboul. Une boutade que le C3D (Collège des directeurs du développement durable) semble prendre plutôt au sérieux. Jusqu’à aujourd’hui, cette petite association de quelque 80 professionnels (sur les 120 directeurs du développement durable que compte la France) s’était peu occupée de formation, préférant aux salles de cours le partage d’expérience et de bonnes pratiques entre pairs. “Aujourd’hui, notre position est que le développement durable est un sujet transversal qui devrait faire partie de tous les cursus, à partir de la formation initiale” affirme Silvienne Villaudière, déléguée générale du C3D. Elle travaille par ailleurs avec l’Escem de Tours-

tifs qui demeurent.” Des préjugés tenaces qui ne signifient pas pour autant que les entreprises tournent le dos à ces MBA. Pour l’instant, aucune des écoles ayant lancé un MBA n’a eu du mal à trouver des entreprises partenaires et des intervenants en activité pour ses cours. “Certes, parmi nos entreprises partenaires, certaines ont été surprises de notre virage car elles ne considèrent toujours pas le développement durable parmi leurs priorités, avoue André Sobczak. Mais d’autres estiment qu’Audencia a repéré des problématiques importantes, et d’autres encore restent neutres et observent notre démarche.” Sur son site, l’ILV publie une liste de plus d’une dizaine de partenaires, dont nombre de noms important du CAC 40. L’EM Strasbourg peut compter parmi ses intervenants le directeur du développement durable du groupe bancaire BPCE, ainsi que le directeur du pôle de compétitivité alsacien Energivie. Côté élèves, elle n’a non seulement

Cette même école exige que les étudiants réalisent un projet de fin d’études centré sur leur entreprise et le présentent, lors de la soutenance, devant un membre de la direction. Daniel Mazzoleni était déjà DRH et membre du comité de direction du groupe De Dietrich lorsqu’il a pris l’initiative d’intégrer la première promo du MBA. Son projet d’intégration du développement durable, élaboré pendant le cursus, a certes dû passer trois fois devant le comité avant d’obtenir le feu vert. Mais il est concrètement mis en place aujourd’hui au sein du groupe.

Collectivités et ONG, en attendant les entreprises

Gare aux illusions tout de même, car les perspectives de carrière une fois le diplôme en poche sont sujettes à débat. “En général, les élèves rêvent d’un poste de directeur développement durable, explique Valérie Dulieu. Or la demande des entreprises n’est pas là.” Silvienne

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Villaudière de l’Escem le confirme : “Dans la plupart des cas, les directeurs développement durable sont issus de promotions en interne, souvent suite à une démarche militante du cadre auprès de sa direction”. Par ailleurs, on peut très bien tomber sur des directeurs du développement durable inscrits à des MBA tout à fait “classiques”. Mieux vaut donc éviter les schémas trop rigides. Corollairement, les titulaires d’un MBA spécialisé Développement durable voient d’autres opportunités s’ouvrir à eux. “Nos diplômés ne visent pas forcément des postes dans le DD, explique André Sobczak. Vous pouvez par exemple être directeur financier de n’importe quelle entreprise et intégrer toutes les notions que vous aurez apprises, cela aura presque plus d’impact !”. De toute façon, les entreprises ayant passé l’étape de la sensibilisation au développement durable ne cherchent plus de généralistes. JeanPhilippe Teboul, qui compte 1 300 offres d’emplois dans le développement durable dans sa base de données, explique : “Depuis plusieurs années, on constate un décalage entre le positionnement généraliste des candidats et les attentes des clients, qui demandent des profils capables d’appliquer les notions de développement durable à un métier ou à un secteur d’activité”. De quoi apparemment déconseiller un MBA Développement durable en début de carrière aux candidats sans spécialisation. Et pourtant,

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“En général, les élèves rêvent d’un poste de directeur développement durable. Or, la demande des entreprises n’est pas là.” Valérie Dulieu, ISG.

l’ILV affiche des taux de classement de 90 % pour les primoaccédants au marché de l’emploi, et l’Ipag estime entre 35 et 50 000 euros le salaire moyen de ses diplômés aujourd’hui en poste. En plus des entreprises, les ministères, administrations et collectivités s’avèrent aujourd’hui être de bons recruteurs. Ivan Grenetier, directeur associé de du cabinet de conseil NuevoMund et référent du MBA Développement durable de l’ISG, développe : “Les collectivités travaillent toutes à se doter d’un plan climat et d’un agenda 21, et même si elles ne cherchent pas spécifiquement des MBA, nos diplômés ont une vraie valeur ajoutée”. Sans oublier qu’une autre voie est possible : la création d’entreprise : nombre de titulaires d’un MBA – un tiers à l’ISG – choisissent de se lancer dans cette direction. Ou alors dans le conseil, lorsqu’ils ont déjà une petite expérience managériale derrière eux. Une option qui laisse Jean-Philippe Teboul perplexe : “Quelqu’un qui souhaite se lancer comme consultant aurait plus besoin d’une formation commerciale pour bien travailler son business plan que d’un MBA DD. Pour donner un exemple, en France il y a 4 000 consultants en bilans carbone, alors que seuls 2 000 bilans ont été réalisés en 2011 !”. Ceux pour qui un MBA Développement durable peut

s’avérer réellement utile sont donc plutôt les cadres expérimentés. Attirés surtout par les déclinaisons executive, ils visent une promotion au sein de leur entreprise ou désirent consolider leur légitimité.

50 000 euros.” Laurent Hürstel, directeur associé de Robert Walters France, souhaite pourtant nuancer : “Certes, un MBA est l’occasion de rendre plus visible sa candidature, mais in fine l’entreprise

“Les collectivités travaillent toutes à se doter d’un plan climat et d’un agenda 21, et même si elles ne cherchent pas spécifiquement des MBA, nos diplômés ont une vraie valeur ajoutée” Mais nombreux sont ceux qui envisagent un changement de carrière. “Notre MBA met les candidats en condition pour se questionner autour de la conformité entre leur entreprise et leurs propres attentes”, reconnaît Pia Imbs. Elle cite également des sauts des carrières surprenants, comme celui de cet ingénieur agronome du Comptoir Agricole qui s’est vu propulsé, après le MBA, au sein du géant suisse Nestlé. Karim Zinaï a d’ailleurs chiffré le phénomène : la moitié des participants au programme part-time de l’ILV change de job au cours de la formation. Pour ceux qui ont un profil très axé métier (commercial, achat, logistique…), un MBA spécialisé s’avère donc une manière de mieux se positionner sur le marché de l’emploi. “Un acheteur ‘responsable’ aujourd’hui est rare : il peut se vendre entre 50 et 70 000 euros, alors que normalement, ce poste est payé 30 à

embauche certainement plus pour l’expérience que pour un MBA”. Un secteur où, selon Jean-Philippe Teboul, le MBA pourrait être un vrai atout est celui des ONG. “Elles connaissent aujourd’hui un vrai déficit de cadres dirigeants. Des structures comme Max Havelar ou Greenpeace peuvent passer neuf mois à chercher un DG !”. Un appel qui sera, d’après Craig Smith à l’Insead, difficilement entendu : “Un MBA coûte cher et les étudiants veulent le rentabiliser. Aller dans une ONG, c’est un sacrifice”.

CHIFFRES REVELATEURS

Moyenne réputation Seulement deux écoles françaises figurent dans le classement “Beyond Grey Pinstripes” des MBA les plus sensibles au développement durable: Insead Fontainebleau à la 40e place et Audencia Nantes à la 67e. Source: Aspen Institute, 2011 C3D (Collège des directeurs du développement durable) ; ILV (Institut Léonard de Vinci) ; ISG (Institut supérieur de gestion) ; ISR (Investissement socialement responsable).

A lire également lenouveleconomiste.fr Ressourceshumaines>MBA>Management durable >N°1581 - 22septembre 2011

Les nouveaux MBA spécialisés

La créativité en la matière est particulièrement débridée MBA Maritime, transport et logistique à l’EM Normandie, Aerospace MBA à l’ESC Toulouse, MBA Food and Wine à l’Inseec de Bordeaux… la liste est longue de ces nouveaux MBA spécialisés. Loin d’être une exception française, la créativité en la matière est particulièrement débridée: certaines écoles comme l’Institut Léonard de Vinci ou l’Ipag ne proposent que des MBA spécialisés. Pour Laurent Hürstel, directeur associé chez Robert Walters France, l’explication est simple: “C’est une manière de se différencier alors que l’offre de MBA est abondante et que l’accès se démocratise”. De plus, selon cet expert en RH, consacrer un MBA à un secteur d’activité, c’est aussi flatter les entreprises qui en font partie, lesquelles sont ensuite susceptibles d’intervenir dans le programme, de le

monter en compétence pour chercher une promotion, soit mettre leur diplôme en conformité avec le poste à haute responsabilité qu’ils occupaient”, rappelle Isabelle Barth, directrice générale de l’école. Le secteur sanitaire est d’ailleurs une cible privilégiée du moment. “Pour faire face à des exigences de qualité accrue, de plus en plus de compétences managériales sont demandées dans la gestion des structures”, affirme Catherine Dos Santos, à la tête du futur MBA Management des établissements sanitaires et sociaux de l’ESC Clermont. Mais cet exemple illustre également une spécificité de ces MBA sectoriels: ils rassemblent, contrairement aux MBA généralistes, des cadres homogènes, tant par la provenance géographique que le domaine d’activité.

Pour bien choisir, priorité donc aux attentes du marché et gare aux effets de mode: le MBA Sport de l’EM Strasbourg n’a pas atteint le nombre de candidatures pour être activé soutenir et d’y envoyer leurs salariés. Bien évidemment, ces arguments ne figurent pas dans le discours des écoles de commerce. “Nous avions déjà un MBA généraliste en anglais mais il y a quatre ans, nous souhaitions répondre à la fois aux entreprises qui demandaient une spécialisation thématique et aux étudiants et cadres qui cherchaient une formation plus pointue”, rappelle Valérie Dulieu, directeur des MBA spécialisés à l’ISG. Cette école détient probablement le record de MBA spécialisés: onze, dont huit consacrés à une fonction (marketing, finance, stratégie) et trois à des secteurs (développement durable, luxe, sport). Avec quatre MBA spécialisés en activité, l’EM de Strasbourg profite de ses laboratoires de recherche pour scruter les besoins des entreprises. “Nous avons lancé un MBA Management hospitalier et des structures de santé après avoir rencontré dans les hôpitaux un vivier de cadres qui souhaitaient soit

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“Quand on parle d’un MBA Luxe, on est quasiment dans du communautarisme !”, réagit Laurent Hürstel. Sans compter que la rentabilité du diplôme est liée aux dynamiques sectorielles. Le MBA Luxe est par exemple l’un des plus courants, “mais il y a déjà nombre d’experts sur le marché, pourquoi un RH privilégierait-il un diplômé MBA?”, s’interroge le recruteur. Pour bien choisir, priorité donc aux attentes du marché et gare aux effets de mode: le MBA Sport de l’EM Strasbourg n’a pas atteint le nombre de candidatures nécessaire à son activation l’année même où l’ISG lançait le sien… “Un diplôme doit aussi savoir évoluer si au bout de cinq ans il ne trouve plus son marché”, estime Isabelle Barth, directrice générale de l’EM Strasbourg. Elle travaille déjà à deux nouveaux programmes dédiés à l’e-marketing et à la finance comportementale. A.P.

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